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Manoir Richelieu inc.

2010 QCCLP 627

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec :

26 janvier 2010

 

Région :

Québec

 

Dossier :

342635-31-0803

 

Dossier CSST :

127134385

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal, juge administratif

 

Assesseure :

Dominique Lejeune, médecin

 

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Manoir Richelieu inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION

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[1]                Le 12 mars 2008, Manoir Richelieu inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 28 février 2008, rendue à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 30 octobre 2007 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle du 18 octobre 2004 subie par monsieur Michel Bilodeau (le travailleur).

[3]                À l’audience tenue le 4 novembre 2009 à Québec, l’employeur est présent et représenté. L’affaire est mise en délibéré le même jour.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a droit à un partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS

[5]                À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste de porteur de banquet pour le compte de l’employeur, un établissement hôtelier.

[6]                Le 18 octobre 2004, le travailleur subit un accident du travail. En retirant un grille-pain d’une tablette, il ressent une douleur au bras droit. La première consultation médicale a lieu le 1er novembre 2004. Le docteur Denys Samson pose alors le diagnostic d’élongation du biceps droit. Il prescrit de la physiothérapie.

[7]                Le 11 novembre 2004, le travailleur consulte le docteur Denis Blouin. Il est question d’une douleur musculo-tendineuse affectant particulièrement l’épaule et le bras droits. Il autorise des travaux légers. Lors de la consultation du 10 décembre 2004, le docteur Blouin évoque la possibilité d’une rupture tendineuse.

[8]                Le 5 janvier 2005, le travailleur passe une arthrographie de l’épaule droite à la demande du docteur Blouin. Cet examen ne révèle aucune évidence de rupture de la coiffe des rotateurs.

[9]                Le 25 janvier 2005, le docteur Blouin produit un rapport médical final. La tendinite à l’épaule droite est consolidée sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles.

[10]           Le travailleur reprend son travail régulier le 14 février 2005. Il produit une nouvelle réclamation pour faire reconnaître une lésion professionnelle à compter du 18 octobre 2005. Il s’agit d’une tendinite de l’épaule droite.

[11]           Le 3 novembre 2005, la CSST accepte la réclamation du travailleur à titre d’accident du travail. L’employeur demande la révision de cette décision.

 

[12]           Le 13 janvier 2006, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme la reconnaissance d’une lésion professionnelle le 18 octobre 2005 sous la forme d’un accident du travail. L’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision (dossier 281521-31-0601).

[13]           Le 30 janvier 2006, à la demande de la docteure Danielle Ouellet, le travailleur passe une résonance magnétique de l’épaule droite. Le radiologiste interprète l’examen comme suit :

« Quelques millimètres avant l’insertion du tendon du muscle supra-épineux, on note un hypersignal de la demi-supérieure du tendon, soit à sa portion sur le versant de la bourse sous-acromio-deltoïdienne. Sa portion interne soit sur le versant articulaire est intacte. Cet hypersignal étant d’antérieur jusqu’en postérieur et est suggestif d’une déchirure partielle des fibres plus superficielles. Les autres tendons de la coiffe des rotateurs ne présentent pas d’anomalie. Le tendon de la longue portion du biceps est bien situé au sein de la gouttière bicipitale. Il n’y a pas d’épanchement intra-articulaire ni image suspecte de souris intra-articulaire. La bourse sous-acromio-deltoïdienne est légèrement hyperintense compatible avec des phénomènes de bursite associée. Au niveau de la tête humérale, il y a une petite géode sous-chondrale tout près de l’insertion du tendon supra-épineux compatible avec des signes dégénératifs légers. Il n’y a pas de lésion significative du labrum en l’absence d’un épanchement intra-articulaire. Articulations acromio-claviculaires qui démontrent de discrets signes dégénératifs. L’extrémité toute distale de l’acromion est légèrement recourbée intérieurement (acromion de type 2) pouvant contribuer à un phénomène d’abutement.

 

OPINION :

 

Déchirure partielle des fibres superficielles du tendon supra-épineux s’étendant dans l’antérieur jusqu’en postérieur greffé à des signes discrets de bursite sous-acromio-deltoïdienne. Le tout pouvant être accentué par un syndrome d’abutement acromio-humérale secondaire à une acromion de type 2. »

 

 

[14]           Le 13 juin 2006, le travailleur est examiné par le docteur Luc Lemire, orthopédiste, afin de produire un rapport d’évaluation médicale. À titre de diagnostic préévaluation, le docteur Lemire retient celui de tendinite de l’épaule droite et de suspicion de déchirure partielle des fibres superficielles de la coiffe des rotateurs selon la résonance magnétique.

[15]           À la suite de son examen, le docteur Lemire ne détermine aucune limitation fonctionnelle. Il accorde un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une atteinte des tissus mous au membre supérieur droit avec changement radiologique.

[16]           Le 6 février 2007, à la demande de l’employeur, le docteur Bernard Blanchet produit un rapport à la suite de son analyse du dossier du travailleur. Dans son rapport, le docteur Blanchet indique ce qui suit :

« D’une part, la lecture des notes médicales du médecin traitant de Monsieur Bilodeau en 2005 met bien en évidence que ce dernier a des douleurs au bras droit depuis plus d’un an et que ces douleurs ne se sont jamais résorbées, malgré qu’il ait effectué un retour au travail. Le médecin prend la peine de noter que les douleurs étaient présentes tout au long de l’hiver 2005, mais tolérables.

 

D’autre part, les résultats de la résonance magnétique démontrent bien que Monsieur Bilodeau est atteint d’une dégénérescence de la coiffe des rotateurs et d’un acromion type II. Nous devons donc nous attendre qu’il soit plus sujet à des rechutes et des récidives concernant cette épaule, puisqu’il est porteur d’une condition personnelle de dégénérescence de la coiffe des rotateurs.

 

Cela explique qu’un événement comme celui d’aller chercher un grille-pain sur une étagère élevée a causé une lésion au niveau de l’épaule droite qui a duré plusieurs mois et qui a été réexacerbée en octobre 2005.

 

Seul un jour la chirurgie pourra peut-être améliorer cette problématique de dégénérescence chez ce Monsieur qui le rend plus sujet aux récidives et améliorer le pronostic.

 

Définitivement, chère Maître, dans ce dossier, nous croyons que Monsieur Bilodeau est porteur d’une pathologie au niveau de l’épaule, à savoir une dégénérescence de la coiffe des rotateurs, que l’événement traumatique de 2004 a fragilisé sa condition et que depuis cette date, il est sujet à présenter des récidives et aggravation de la tendinite de 2004.

 

Ainsi, nous croyons que dans ce dossier il s’agit toujours de la même lésion qui perdure et s’amplifie à l’occasion. »

 

 

[17]           Il suggère donc à l’employeur de formuler une demande de partage de l’imputation étant donné la présence d’une dégénérescence de la coiffe des rotateurs, d’une arthrose acromioclaviculaire et d’un acromion de type II.

[18]           Le 7 mars 2007, l’employeur formule une demande de partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la loi. Il demande un partage de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités.

[19]           Le 2 avril 2007, la Commission des lésions professionnelles rend une décision par laquelle elle entérine un accord intervenu entre les parties (dossier 281521-31-0601). Elle déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 octobre 2005, soit une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004.

[20]           Le 30 octobre 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse la demande de partage de l’imputation. L’employeur demande la révision de cette décision.

[21]           Le 28 février 2008, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme son refus d’accorder un partage de l’imputation, d’où le présent litige.

[22]           Entre temps, le travailleur subit une nouvelle lésion professionnelle le 13 novembre 2006 (tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite). Cette lésion, reconnue comme accident du travail, est consolidée dès le 4 décembre 2006, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[23]           En 2007, le travailleur consulte en raison d’une recrudescence de ses symptômes. En 2008, il produit une nouvelle réclamation afin de faire reconnaître l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation à compter du 2 janvier 2008.

[24]           Le 5 mai 2008, à la demande de la docteure Danielle Ouellet, le travailleur passe une résonance magnétique de l’épaule droite. Le radiologiste interprète l’examen comme suit :

« Pas de changement depuis l’examen antérieur, si ce n’est qu’on note une résolution partielle des signes de bursite sous-acromio-deltoïdienne ainsi qu’une diminution de l’hypersignal au sein des fibres superficielles du sus-épineux témoignant de tendinose chronique, plus ou moins déchirure partielle des fibres superficielles.

 

Minime hypersignal un peu plus évident que sur l’examen antérieur, possiblement secondaire uniquement à un effet de coupes au sein des fibres du sus-épineux près de l’insertion à proximité d’une géode. Il pourrait aussi s’agir de discrets phénomènes de tendinose augmentés à ce niveau ou d’une minime déchirure de quelques fibres profondes. Ceci était déjà visible en rétrospective, mais moins évident.

 

Acromion type II et arthrose acromio-claviculaire inchangés. »

 

 

[25]           Le 15 août 2008, le travailleur subit une chirurgie à l’épaule droite. Il s’agit d’une résection de la clavicule distale de l’épaule droite en raison d’une arthrose acromioclaviculaire. Le docteur Marc-André Latour, orthopédiste, procède à cette intervention.

[26]           Le 5 septembre 2008, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle reconnaît l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation à compter du 21 avril 2008 et ce, en relation avec la lésion professionnelle du 18 octobre 2004.

[27]           Le 9 février 2009, le docteur Latour produit un rapport d’évaluation médicale. À titre de diagnostic préévaluation, le docteur Latour retient ceux de résection de la clavicule et de syndrome d’abutement de l’épaule droite.

[28]           À la suite de son examen, le docteur Latour détermine des limitations fonctionnelles. Le bilan des séquelles actuelles s’établit à 4,30 %.

[29]           Le 18 août 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que le travailleur a la capacité d’exercer un emploi convenable de préposé au service à la clientèle à compter du 17 août 2009.

[30]           Le tribunal a entendu le témoignage du docteur Blanchet.

[31]           Dans le cadre de son témoignage, le docteur Blanchet dépose plusieurs articles de littérature médicale[2].

[32]           Le docteur Blanchet précise que la littérature médicale plus récente décrit la dégénérescence de l’épaule comme un processus découlant d’un déséquilibre occasionné notamment par la présence d’un acromion type II. Selon cette même littérature, il est de plus en plus admis, ajoute-t-il, que l’acromion type II n’est pas acquis. 

[33]           Le docteur Blanchet explique que ce type d’acromion cause un débalancement au niveau de la biomécanique globale de l’épaule. Ce phénomène entraîne au fil des ans des phénomènes dégénératifs comme l’arthrose acromioclaviculaire, la tendinose ainsi que la tendinite et la bursite. Ceci se traduit par un syndrome clinique d’abutement (impingement) ou subclinique de frottement entre l’acromion et le ligament coraco-acromial et la tête humérale lequel peut mener éventuellement à une déchirure de la coiffe. C’est pourquoi lors de la chirurgie, on pratique une acromioplastie et une bursectomie pour redonner de l’espace à la coiffe.

[34]           En l’espèce, le travailleur a subi une résection de la clavicule distale puisque le chirurgien considérait qu’elle était la cause des symptômes du travailleur.

 

[35]           Le docteur Blanchet a déposé une littérature médicale fort pertinente et particulièrement récente sur la question. Il a fait ressortir certains extraits venant appuyer son témoignage. Questionné par le tribunal, d’autres passages pertinents à la présente cause ont été portés à l’attention du docteur Blanchet.

[36]           Concernant la notion que la forme de l’acromion est déterminée dès la naissance plutôt qu’acquise, le docteur Blanchet n’a pu identifier dans lequel des articles soumis il en était question. Il convient qu’une source récente (Pathologie médicale de l'appareil locomoteur) (E-9) retient que « le changement de forme de l’acromion serait causé par des phénomènes de traction survenant au niveau du ligament coraco-acromial, comparable à l’épine de Lenoir décrite au fascia plantaire. ». Un deuxième article récent, Correlation Between the Four Types of Acromion and the Existence of Enthesophytes  (E-11), fait la distinction entre la forme de l’acromion et la présence d’enthésophytes qui correspondent, selon les auteurs, à la définition énoncée ci-haut. Selon eux, les enthésophytes sont acquis, mais ils ne mentionnent en aucun cas que la forme de l’acromion est congénitale.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[37]           La procureure plaide que l’employeur a droit à un partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la loi. Le travailleur, âgé de 35 ans au moment de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004, présente un handicap préexistant. Il y a une dégénérescence tendineuse, une arthrose acromioclaviculaire et un acromion de type II. Quant à l’acromion de type II, la procureure souligne que le docteur Blanchet est d’avis qu’il s’agit d’une condition personnelle déviante de la norme biomédicale. Et même si cette condition personnelle n’est pas déviante de la norme biomédicale, il n’en demeure pas moins qu’elle a joué un rôle dans l’évolution de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004 et ses conséquences. La procureure de l’employeur insiste sur les différentes récidives, rechutes ou aggravations découlant de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004 et sur le fait que la récidive, rechute ou aggravation du 21 avril 2008 entraîne des limitations fonctionnelles. Le travailleur a droit à la réadaptation professionnelle. Les conséquences de la lésion professionnelle sont très importantes[3].

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[38]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit à un partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la loi.

 

[39]           L’article 329 se lit comme suit :

329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[40]           L’employeur peut obtenir un partage de l’imputation dans le cas d’un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle.

[41]           Le travailleur déjà handicapé est celui qui présente une déficience physique ou psychique, laquelle a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion. La déficience constitue une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale. Elle peut être congénitale ou acquise. Cette déficience peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement. La déficience peut aussi exister à l’état latent, sans qu’elle se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle[4].

[42]           Il appartient à l’employeur de démontrer l’existence d’une déficience et que cette déficience a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de celle-ci. Certains critères sont utilisés pour analyser cette relation entre la déficience et la lésion professionnelle. On réfère à la nature et à la gravité du fait accidentel, au diagnostic initial de la lésion professionnelle, à l’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur, à la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle, à la durée de la période de consolidation compte tenu de la lésion professionnelle, à la gravité des conséquences de la lésion professionnelle et aux opinions médicales à ce sujet.

[43]           Le travailleur subit une lésion professionnelle le 18 octobre 2004. Il s’agit d’une tendinite de l’épaule droite, consolidée le 25 janvier 2005, sans atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Il y a toutefois deux récidives, rechutes ou aggravations en relation avec cette lésion professionnelle du 18 octobre 2004. D’une part, celle du 18 octobre 2005 et d’autre part, celle du 21 avril 2008.

[44]           Dans le cadre du suivi médical, le travailleur passe des examens paracliniques lesquels révèlent notamment une arthrose acromioclaviculaire et un acromion de type II.

[45]           Quant à l’acromion, qu’il soit congénital ou acquis, reste à déterminer s’il s’agit d’une déficience au sens majoritairement reconnu par la jurisprudence, soit une altération de la structure qui dévie de la norme biomédicale.

[46]           L’article précédemment cité (Correlation Between the Four Types of Acromion and the Existence of Enthesophytes) fait état de ce qui suit dans l’analyse des résultats de l’étude :

« In the literature, the percentages of acromial types vary to a great extent: 5.4% - 67.7% for type I, 24.2 - 83% for type II, 0 - 42% for type III, and 1.6 -13.3% for type IV. (…)

 

Differences may reflect the subjective nature of the classification method, the type of sample, and the method used for the examination.”

 

[47]           Le tribunal est d’avis que la preuve soumise n’est pas prépondérante pour conclure que l’acromion type II constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale. S’il en est, il semble être le plus prévalent de tous les types d’acromion.

[48]           Et même si l’on considérait ce type d’acromion déviant de la normale dans le présent dossier, le tribunal est d’avis que la preuve soumise n’est pas prépondérante pour conclure à une relation avec la lésion professionnelle.

[49]           Référant toujours à l’article Correlation Between the Four Types of Acromion and the Existence of Enthesophytes , les auteurs écrivent plus loin;

“(…) Enthesophytes are most common in type III acromions and this combination is the one that mostly relates to subacromial impingement syndrome and RCTs (rotator cuff tears). Enthesophytes are rare in type I acromions as are RCTs.”

 

[50]           Dans l’étude Anatomy of the acromial arch : correlation of anatomy and magnetic resonance imaging , on rapporte que “le conflit sous acromial peut être le fait d’une dysplasie acromiale de type 3 décrit par Bigliani ou d’un épaississement du ligament au niveau de son insertion acromiale. »

[51]           Il semble donc que la littérature fait état davantage de la combinaison plus fréquente entre un acromion type III et non type II et la présence d’un conflit sous-acromial et d’une déchirure de la coiffe des rotateurs.

[52]           En outre, en raison du genre d’études qui ont tenté de relier la forme de l’acromion avec la présence de déchirures de la coiffe, la preuve de cause à effet n’est pas faite. Il s’agit d’une association statistique tout au plus. Le tribunal réfère à l’article Acromial structure and tears of the rotator cuff », tiré du Journal of Shoulder and Elbow Surgery.

[53]           Qui plus est, une des sources ajoute même que « les données les plus récentes suggèrent toutefois que les changements de forme de l’acromion seraient le résultat des déchirures. » Le tribunal réfère à l’ouvrage Pathologie médicale de l'appareil locomoteur.

[54]           Concernant plus particulièrement les enthésophytes, les auteurs écrivent, dans l’article Correlation Between the Four Types of Acromion and the Existence of Enthesophytes, que les:

« Acromial enthesophytes are thought to be the consequence of ossification of fibers of the coracoacromial ligament insertion due to tensile forces. These tensile forces on the ligament may result from flexion and internal rotation at the shoulder, during which the anterior acromion is pressed upwards by the humeral head, while the coracoacromial ligament functions as a buffer against the superior humeral translation. It is thus logical to infer that the ligament bears a load. The enthesophytes were first described as etiologic factors in subacromial impingement and associated tears of the rotator cuff by Neer (1972) who described them as “spurs and excrescences,” which protrude into the subacromial space.”

 

[55]           Pour toutes ces raisons, le tribunal considère que la preuve n’est pas prépondérante à l’effet que l’acromion type II, alors même qu’il serait une déficience, a joué un rôle prépondérant dans l’apparition de la lésion professionnelle du travailleur.

[56]           Le tribunal signale d’ailleurs que le travailleur a été opéré pour sa condition dégénérative au niveau de l’articulation acromioclaviculaire au cours de laquelle aucune acromioplastie n’a été faite, non plus qu’une bursectomie. Il faut conclure de ce fait que l’arthrose acromioclaviculaire était sans doute considérée comme étant la cause des symptômes du travailleur, lesquels découlaient d’une tendinite vraisemblablement chronique de l’épaule droite.

[57]           Ceci étant, le tribunal estime qu’il en va autrement quant à l’arthrose acromioclaviculaire.

[58]           En effet, le travailleur est porteur d’une arthrose acromioclaviculaire. Il s’agit d’un travailleur qui n’est âgé que de 35 ans au moment de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004. De la preuve soumise et particulièrement du témoignage du docteur Blanchet, le tribunal retient qu’il s’agit d’une altération d’une structure déviante de la normale.

[59]           Sans remettre en cause l’admissibilité de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004 et des différentes récidives, rechutes ou aggravations qui en découlent, le tribunal constate que l’événement qui serait à l’origine de la lésion professionnelle du 18 octobre 2004 ne revêt pas un caractère de gravité important. À ce moment, le travailleur tend le bras pour saisir un grille-pain situé sur une tablette. Le tribunal constate toutefois que les conséquences de cette lésion professionnelle sont très importantes.

[60]           Elles conduisent éventuellement à la récidive, rechute ou aggravation du 21 avril 2008, laquelle nécessite la résection d’une partie de la clavicule droite. Or, cette chirurgie est directement reliée à la présence de l’arthrose acromioclaviculaire. Tel que préalablement mentionné, au cours de cette chirurgie, il n’est aucunement question d’une acromioplastie ni même d’une bursectomie. Il est seulement question d’une résection d’une partie de la clavicule, reliée à la présence de cette arthrose acromioclaviculaire.

[61]           À la suite de la chirurgie du docteur Latour, le travailleur se voit reconnaître des limitations fonctionnelles, lesquelles donnent lieu à une réadaptation professionnelle. Ce n’est qu’à compter du 7 octobre 2009 que le travailleur a la capacité d’exercer un emploi convenable de préposé au service à la clientèle.

[62]           En ce sens, les conséquences de la lésion professionnelle initiale du 18 octobre 2004 sont très importantes et le tribunal estime que le handicap préexistant n’est pas étranger à cette évolution plutôt laborieuse de cette lésion professionnelle.

[63]           Dans les circonstances, il y a lieu d’accorder à l’employeur un partage de l’imputation de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités, lequel reflète l’ensemble des conséquences découlant du handicap.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée le 12 mars 2008 par Manoir Richelieu inc., l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 28 février 2008, rendue à la suite d’une révision administrative;

ET

 

DÉCLARE que l’employeur a droit à un partage de l’imputation de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités concernant la lésion professionnelle du 18 octobre 2004 subie par monsieur Michel Bilodeau, le travailleur.

 

 

 

 

 

SOPHIE SÉNÉCHAL

 

 

 

 

 

 

 

Me Paule Veilleux

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE, Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, 2e éd., Saint-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, (2008), 561ss (E-9); David A. TOIVONEN, Mike J. TUITE and John F. ORWIN, « Acromial structure and tears of the rotator cuff », Journal of Shoulder and Elbow Surgery, American Volume 4, Number 5, sept-oct. 1995 (E-10); K. NATSIS, P. TSIKARAS, T. TOTLIS, I. GIGIS, P. SKANDALAKIS, H.J. APPELL, and J. LOEBKE, « Correlation Between the Four Types of Acromion and the Existence of Enthesophytes : A Study on 423 Dried Scapulas and Review of the Literature », Clinical Anatomy 20-2007, p. 267ss 272 (E-11); N. GAGEY, E. RAVAUD and JP LASSAU, « Anatomy of the acromial arch : correlation of anatomy and magnetic resonance imaging », (1993) 15, p. 63 à 70 (E-12); Charles A. ROCKWOOD, « Rorator Cuff », p. 764 (E-13); K. D. BRANDT et H. J. MANKIN, Chap. 78 : « Osteoarthritis and Polychondritis » Section XV, Pathogenesis of Osteoarthritis, p. 1355; (E-14)

[3]           Soins à domicile Bayshore, 355333-31-0808, 9 juin 2009, C. Lessard; Wal-Mart du Canada, 250162-62C-0412, 2 juin 2005, R. Hudon.

[4]           Municipalité de la Petite-Rivière Saint-François et CSST, [1999] C.L.P. 779.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.