Boutique La Vie en Rose inc. |
2013 QCCLP 982 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Québec |
20 février 2013 |
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Région : |
Yamaska |
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Dossier : |
472316-62B-1205-C |
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Dossier CSST : |
134237783 |
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Commissaire : |
Paul Champagne, juge administratif |
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Boutique La Vie en Rose inc. |
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Partie requérante |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 14 février 2013 une décision dans le présent dossier;
[2]
Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de
rectifier en vertu de l’article
[3] À la page 7, nous lisons :
Me Réjean Côté
RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON
Représentant de la partie requérante
[4] Alors que nous aurions dû lire :
Me Ève St-Hilaire
RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON
Représentante de la partie requérante
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Paul Champagne |
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Me Ève Saint-Hilaire |
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RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON |
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Représentante de la partie requérante |
Boutique La Vie en Rose inc. |
2013 QCCLP 982 |
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[1] Le 25 mai 2012, Boutique La Vie en Rose inc. (l’employeur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 avril 2012 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 14 février 2012 et elle déclare que l’employeur doit assumer la totalité des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par madame Kim Lanteigne (la travailleuse) le 28 novembre 2008.
[3] Une audience devait avoir lieu à Saint-Hyacinthe le 22 octobre 2012. L’employeur a renoncé à la tenue de cette audience, mais il a demandé un délai pour produire une argumentation écrite, celle-ci a été déposée au tribunal en date du 6 février 2013. Le dossier a donc été mis en délibéré le 6 février 2013.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles
d’infirmer la décision rendue par la CSST le 12 avril 2012 à la suite d’une
révision administrative et déclarer qu’il a droit à un partage de coûts selon
les termes prévus à l’article
[5] L’employeur demande un partage de l’ordre de 80 % à l’ensemble des employeurs et de 20 % à son dossier financier.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu d’accorder un partage de coûts à l’employeur au motif que la travailleuse était déjà handicapée avant la survenance de sa lésion professionnelle du 28 novembre 2008.
[7]
L’article
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[8] Ainsi pour pouvoir bénéficier d’un partage de coûts en vertu de l’article 329 précité, l’employeur doit d’abord prouver que la travailleuse présentait un handicap lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle.
[9] La loi ne définit pas ce qu’est un handicap. La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles est constante quant à la signification de cette expression. Un travailleur déjà handicapé est celui qui avant sa lésion professionnelle, présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de cette lésion ou sur ses conséquences.
[10] Une déficience constitue « une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à la norme biomédicale »[2].
[11] Une déficience peut être congénitale ou acquise. Elle peut ou non limiter le travailleur dans sa façon de fonctionner. Elle peut aussi exister à l’état latent sans qu’elle se soit manifestée avant la lésion professionnelle.
[12] Dans la mesure où la preuve prépondérante démontre l’existence d’une déficience, le tribunal doit déterminer si cette déficience a contribué à la survenance de la lésion professionnelle ou à ses conséquences.
[13] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a élaboré des critères pour établir la relation entre la déficience et la survenance de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion[3].
[14] Aucun de ces critères n’est déterminant à lui seul, mais pris dans leur ensemble, ils permettent de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de l’employeur. Retenons les critères suivants :
- la nature et la gravité du fait accidentel ;
- le diagnostic initial de la lésion professionnelle ;
- l’évolution des diagnostics et de la condition du travailleur ;
- la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle ;
- la durée de la période de consolidation compte tenu de la lésion professionnelle ;
- la gravité des conséquences de la lésion professionnelle ;
- les opinions médicales à ce sujet ;
- l’âge du travailleur[4].
[15] De l’ensemble de la preuve au présent dossier, le tribunal retient les éléments suivants.
[16] La travailleuse est conseillère chez l’employeur. Le 28 novembre 2008, la travailleuse subit un accident du travail alors qu’elle est assise sur un banc et que les deux pattes arrières ont cédé. La travailleuse est tombée en arrière et elle s’est cogné le bas du dos sur un autre meuble.
[17] Le 29 novembre 2008, la travailleuse consulte le docteur Gaudreau qui diagnostique une entorse lombaire, des traitements de physiothérapie sont prescrits ainsi qu’un arrêt de travail.
[18] Le 11 décembre 2008, le docteur Gaudreau diagnostique une entorse lombaire, la travailleuse présente peu d’amélioration, il note sur son rapport que la travailleuse est enceinte. La travailleuse consultera différents médecins par la suite, le diagnostic d’entorse lombaire est maintenu et les traitements de physiothérapie se poursuivent.
[19] Le 15 septembre 2009, la travailleuse rencontre le docteur Chaikou Bah à la demande de l’employeur. Dans son rapport, le docteur Bah conclut à un diagnostic d’entorse lombaire modérée à sévère, puisqu’il est à 10 mois du traumatisme et que la travailleuse ne présente pas de déficit neurologique objectivable, il consolide la lésion le jour de son examen sans traitement additionnel. Il conclut également que la lésion n’a pas entrainé d’atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.
[20] Le 23 décembre 2009, le docteur Karl Fournier, membre du Bureau d’évaluation médicale, consolide la lésion au 14 décembre 2009 sans nécessité de soins après cette date.
[21] Le 22 février 2010, le docteur Bégin, médecin qui a charge de la travailleuse, consolide la lésion sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.
[22] Le 24 février 2010, la travailleuse passe une tomodensitométrie du rachis lombaire. Le rapport de cet examen fait état des éléments suivants :
[…]
Patiente potentiellement porteuse d’anomalies de transition vertébrale lombo-sacrée possiblement une sacralisation partielle de L5, avec spondylolisthésis bilatéral au niveau présumé et ce bilatéralement sans spondylolyse associée.
[…]
[23]
Le 21 décembre 2011, l’employeur dépose auprès de la CSST une demande de partage de coûts en application de l’article
[24] Les notes évolutives au dossier, datées du 13 février 2012, font état de l’analyse de l’agent de la CSST de la demande de partage de coûts de l’employeur. La CSST reconnait l’existence d’un handicap préalable soit une spondylolyse avec anthélisthésis L5-S1, toutefois, la CSST conclut qu’il n’est pas démontré que cette condition a joué un rôle sur la survenance de la lésion ou sur ses conséquences.
[25] Le 28 janvier 2013, le docteur Chaikou Bah confectionne une opinion sur dossier[5], son rapport d’expertise fait état des éléments suivants :
[…]
Nous vous soumettons un article intitulé Isthmic Spondylolisthésis (Medscape) de l’American Association of neurological Surgeons, posté en 2002 et écrit par le Dr Aruyna Ganju.
Dans l’introduction, on mentionne ce qui suit :
« Isthmic spondylolisthesis, wich is demonstrated in 4 to 8 % of the general population, is one of the most common types of spondylolysthesis. »
À la page 4, sous le titre Presenting Signs and Symptoms, on peut lire ceci :
« In those adolescents and adults who seek medical evaluation, pain is the typical presenting symptom, usually musculoskeletal or radicular in nature. In approximately half of the cases, there is a hystory of a precipitating event. »
À la page 9, au deuxième paragraphe, on indique :
« Of those with Meyerding Grade I or II subluxation, resolution of pain occured in approximately 70 % after conservative therapies. »
Donc, comme indiqué dans l’article cité précédemment, le spondylolisthésis est une pathologie rare qui se retrouve seulement chez 4 à 8 % de la population. On note aussi que chez les patients qui ont un spondylolisthésis qui présentent une symptomatologie, dans 50 % des cas il y a un facteur de traumatisme qui précipite la douleur.
[…]
Nous vous soumettons aussi un extrait du livre The Adult Spine Principles and Practice, volume 2. À la paghe 1672, on peut lire ceci :
« These symptomatic patients usually presented with low back pain following trauma, heavy lifting, and sudden rotation movements. »
The precipitating factor in pain presentation trauma varies, and radiographs seldom show changes if compared to pre-injury films. Pre-employment radiographs, although controversial, give little new information, but legally may be very important to an employer. Work absence due to low back pain has been reported in 54 % of adults patients with proven spondyli=olisthesis; 16 % reported at least one month work loss each year. »
[…]
Considérant :
- qu’en relation avec le fait accidentel, il est probable que la patiente présentait une contusion lombaire voire une entorse lombaire modérée à sévère;
- que la période habituelle de consolidation d’une telle entorse est de huit semaines, voire rarement douze semaines;
- que dans ce présent dossier la lésion a été condolidée douze mois post-traumatisme;
- la résonance magnétique et le bilan radiologique qui ont démontré une hypoplasie du disque L5-S1 avec spondylolyse bilatérale avec anomalie de sacralisation;
- que cette condition sous-jacente est hors norme biomédicale;
- qu’il est reconnu dans la littérature médicale que cette condition fragilise la colonne lombaire;
- qu’il est reconnu dans la littérature médicale que les patients qui présentent un spondylolysthésis l’incidence de douleur lombaire est plus élevée et que souvent cette pathologie se manifeste symptomatiquement par un traumatisme;
- qu’il est fort probable que le délai de consolidation de la lésion est en relation avec cette condition sous-jacente.
[…]
[26] Après analyse de l’ensemble de la preuve, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la travailleuse présentait une déficience avant que ne survienne sa lésion professionnelle et que cette déficience a eu une influence sur les conséquences de la lésion professionnelle.
[27] Le tribunal s’en remet à l’opinion non contredite du docteur Bah, et soutenue par la preuve au dossier, que la travailleuse présentait des conditions personnelles, soit un spondylolisthésis bilatéral au niveau L5, une condition rare qui ne se retrouve que chez 4 à 8 % de la population. Il est reconnu par la littérature médicale que cette condition fragilise la colonne lombaire . Le tribunal est d’avis qu’une prévalence de l’ordre de 4 à 8 % permet de conclure que cette condition est hors norme biomédicale.
[28] Puisqu’il est établi que la travailleuse présente une déficience par rapport à la norme biomédicale, le tribunal doit maintenant déterminer si cette condition a eu une influence sur la survenance de la lésion professionnelle ou ses conséquences. Le tribunal constate que l’événement accidentel n’est pas bénin, le travailleuse est tombée par l’arrière et elle s’est cogné le bas du dos. De l’avis du soussigné, il s’agit d’un événement suffisamment important pour entrainer la lésion diagnostiquée soit une entorse lombaire.
[29] Toutefois, cette déficience a certainement joué un rôle sur les conséquences de la lésion professionnelle, la période de consolidation est tardive soit un peu plus de douze mois après le fait accidentel.
[30] Selon le docteur Bah, la période de consolidation habituelle pour le type de traumatisme subi par la travailleuse est de 8 à 12 semaines. Dans le présent dossier, la période de consolidation est de 54 semaines, le tribunal en conclut que le handicap est responsable de la prolongation de la période de consolidation.
[31] En fonction des critères retenus par la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, le tribunal est d’avis qu’un partage de coûts de l’ordre de 80 % à l’ensemble des employeurs et de 20 % au dossier financier de l’employeur apparait équitable.
[32] Dans les circonstances, la requête de l’employeur est accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de Boutique La Vie en Rose inc., l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 12 avril 2012 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur a droit à un partage de coûts de l’ordre de 80 % à l’ensemble des employeurs et de 20 % à son dossier financier à la suite de la lésion professionnelle subie par madame Kim Lanteigne, la travailleuse, le 28 novembre 2008.
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Paul Champagne |
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Me Réjean Côté |
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RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Municipalité Petite-Rivière-St-François et C.S.S.T., [1999] C.L.P. 799.
[3] Hôpital général de Montréal,
[4] C.L.P.
[5] Le tribunal tient à préciser que les articles de doctrine auxquels réfère le docteur Bah ont été déposés en preuve.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.