Décision

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Laberge et Musée national des Beaux Arts du Québec

2009 QCCLP 6738

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec :

6 octobre 2009

 

Région :

Québec

 

Dossier :

378770-31-0905

 

Dossier CSST :

100344274

 

Commissaire :

Paul Champagne, juge administratif

 

Membres :

Michel Piuze, associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Jacques Laberge

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Musée national des Beaux Arts du Qc

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                Le 21 mai 2009, monsieur Jacques Laberge (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité au travail (la CSST) le 7 avril 2009.

[2]                Par cette décision, la CSST rejette la demande de révision produite par le travailleur, confirme sa décision initiale et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant.

[3]                L’audience devait se tenir le 16 septembre 2009 à Québec. Le travailleur a informé le tribunal de son absence à l’audience. Il a demandé de procéder sur dossier et de lui accorder un délai de deux semaines pour déposer deux soumissions pour le coût d’acquisition du fauteuil orthopédique.

[4]                Le Musée national des Beaux arts du Québec (l’employeur) ne s’est pas présenté à l’audience et il n’a fait valoir aucune représentation quant à l’issue du litige.

[5]                La cause a été mise en délibéré le 18 septembre 2009, soit le jour de la réception des documents déposés par le représentant du travailleur.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais pour l’acquisition d’un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le soussigné a obtenu l’avis des membres qui ont siégé auprès de lui sur la question faisant l’objet de la présente contestation.

[8]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a droit au remboursement du coût d’acquisition d’un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant dans le cadre de la réadaptation sociale.

[9]                À son avis, le travailleur a démontré qu’il existe un besoin qui découle de sa lésion professionnelle et que la mesure qu’il réclame lui permet de surmonter les conséquences personnelles et sociales de cette lésion professionnelle.

[10]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’opinion que le travailleur doit rencontrer les conditions prévues au Règlement sur l’assistance médicale[2] (le règlement) pour obtenir le remboursement qu’il réclame.

[11]           Le travailleur réclame une aide qui n’est pas prévu dans le règlement. Dans les circonstances, il considère que la requête du travailleur doit être rejetée.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il réclame.

[13]           Après avoir examiné le dossier, la Commission des lésions professionnelles retient les faits suivants :

[14]           Le travailleur subit une lésion professionnelle le 20 décembre 1990, soit une hernie discale L5-S1 gauche. Cette lésion est consolidée le 25 novembre 1991 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 11,50 % et des limitations fonctionnelles.

[15]           Le 27 octobre 1992 et le 29 mars 1996, le travailleur subit des rechutes, récidives ou aggravations. Suite à ces lésions professionnelles, le travailleur est porteur d’une atteinte permanente additionnelle à l’intégrité physique de 12.50 % et des limitations fonctionnelles suivantes :

-          Éviter de soulever, porter, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ cinq kilogrammes;

-          Éviter de garder la même posture soit debout ou assise plus de 20 minutes sans qu’il y ait possibilité de changement de position;

-          Éviter de travailler dans des positions instables surtout en demi-flexion antérieure du tronc;

-          Éviter les mouvements répétitifs des membres inférieurs tel qu’actionner des pédales;

-          Éviter les mouvements répétés flexion-extension du tronc;

-          Éviter de monter fréquemment les escaliers.

[16]           Le tribunal constate qu’il s’agit de restrictions très sévères. La preuve au dossier fait aussi état d’une symptomatologie importante au niveau lombaire et du membre inférieur gauche. Le travailleur a une lombalgie constante avec irradiation au membre inférieur gauche, des tensions musculaires et des limitations de mouvements dans tous les axes du rachis.

[17]           Le 11 novembre 1998, la CSST décide  a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévu à l’article 47 de la loi. Il s’agit, en fait, d’une déclaration d’inemployabilité.

[18]           Le tribunal constate  que la CSST a accepté de payer de nombreuses aides techniques pour le travailleur après la consolidation de sa lésion professionnelle, notamment des chaises ergonomiques, une marchette et un quadriporteur.

[19]           Trois professionnels de la santé émettent ensuite l’avis que la condition du travailleur nécessite un nouveau fauteuil orthopédique adapté à sa condition.

[20]           À la demande de la CSST, madame Lynn Sutton, ergothérapeute, visite le travailleur le 2 septembre 2008. Elle conclut que les chaises ergonomiques présentes chez le travailleur ne lui permettent pas d’adopter des positions de forte inclinaison ou de forte bascule, alors que ces positions lui permettent  de « soulager ses douleurs lombaires en diminuant la pression sur les disques intervertébraux » et que les aides actuelles ne sont pas adéquates et qu’elles peuvent présenter un danger pour le travailleur.

[21]           Le 8 octobre 2008, le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Marc Bédard, prescrit un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant.

[22]           Le 23 octobre 2008, monsieur Danny Lord, physiothérapeute, mentionne ce qui suit :

« (…)

 

Objectivement, nous notons tous les mouvements lombaires limités (50-60%) par la douleur (et la raideur) particulièrement en extension. L’examen neurologique dénote une grande diminution (ou absence) du réflexe achiléen gauche et de la force en extension du premier orteil gauche et en flexion dorsale de la cheville gauche. Le signe de Lasègue est positif bilatéralement. Un manque important de souplesse musculaire est noté au niveau des psoas-iliaques et certainement des ischio-jambiers. Une tension musculaire  importante est ressentie tant au niveau lombaire que cervico-dorsal. La position assise est également observée. Assurément, M. Laberge s’installe en inclinaison arrière même sur une chaise droite et bouge beaucoup dans un but de soulagement mais mécaniquement cette inclinaison sur une chaise comme celle-ci provoque une augmentation de la lordose lombaire et ainsi une augmentation de la pression discale et facettaire surtout.

 

Compte tenu de la condition de M. Laberge, il serait tout-à-fait indiqué pour lui de posséder un fauteuil orthopédique  inclinable et sécuritaire, se basculant sans effort et sans inclinaison latérale au préalable. L’inclinaison arrière en position assise a pour but de diminuer la pression intra-discale et ainsi de diminuer les douleurs lombaires et les irradiations au niveau des membres inférieurs.

 

(…) »

 

(Nos soulignés)

 

 

[23]           Selon les rapports d’étape en physiothérapie ou en ergothérapie au dossier pour la période de septembre 2007 au mois de juin 2008, le travailleur présente des douleurs importantes au niveau lombaire et aux membres inférieurs. Le travailleur a de la difficulté à changer de positions et il présente des raideurs pour tous les mouvements. Pour soulager les malaises éprouvés par le travailleur, la physiothérapeute masse et applique de la chaleur sur les régions atteintes.

[24]           La CSST et son instance de révision ont refusé le remboursement au motif que cette aide technique n’est pas visée au règlement.

[25]           La preuve démontre que le travailleur a besoin d’un fauteuil orthopédique ajustable vibromasseur et chauffant. Son médecin traitant lui a prescrit un tel fauteuil. Un ergothérapeute et un physiothérapeute ont constaté que ce fauteuil facilite sa mobilité lorsqu’il est assis, évite les chutes et aussi diminue son problème de douleurs chroniques. De plus, l’usage d’un fauteuil équipé d’un système vibromasseur et chauffant, tout comme les traitements reçus en physiothérapie, est susceptible de diminuer les douleurs chroniques qui affligent le travailleur. La preuve démontre également que ce besoin résulte de la lésion professionnelle.

[26]           Les dispositions relatives à l’assistance médicale sont prévues aux articles 188 et 189 de la loi :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[27]           La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[3] a généralement rejeté les réclamations du genre au motif qu’il s’agit d’une aide technique non prévue à l’article 189 de la loi ou au règlement.

[28]           Dans certains cas, la demande a été acceptée à titre de mesure de réadaptation. Ainsi, dans l’affaire Fleury et Boulangerie Gadoua ltée[4], le juge administratif Tardif fait une distinction entre les aides techniques payables pour pallier aux limitations fonctionnelles temporaires qui résultent d’une lésion professionnelle, auquel cas l’analyse se fait dans le cadre de l’article 189 de la loi et son règlement, et les aides techniques qui visent à éliminer ou atténuer les conséquences personnelles et sociales d’une lésion professionnelle. Elle fait l’analyse de la demande dans ce dernier cas en fonction des articles 145, 151 et 152 de la loi qui se lisent comme suit :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[29]           Le juge administratif Tardif conclut que l’article 152 de la loi n’est pas limitatif[5] et que toute affaire doit être évaluée selon les besoins qui résultent de la lésion professionnelle dans chaque cas particulier.

[30]           Dans ce dossier, il déclare que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un lit électrique et d’un matelas orthopédique. Quelques autres décisions de la Commission des lésions professionnelles ont également accordé le remboursement d’aides techniques à titre de mesure de réadaptation.[6]

[31]           Le soussigné adhère à l’opinion émise par le juge administratif Tardif. L’analyse de la requête d’un travailleur doit être tranchée dans le cadre des dispositions prévues au chapitre du droit à la réadaptation lorsque l’aide technique réclamée répond à un besoin permanent et que les mesures demandées ont pour but « d’aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles »

[32]           Le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle sous l’empire de la loi et il peut revendiquer les droits qui y sont prévus.

[33]           Appliquer l’article 189 de la loi et le règlement alors que l’état du travailleur a atteint un caractère permanent a pour résultat, dans certains cas, de refuser des aides à des travailleurs alors que celles-ci sont tout à fait justifiées. Le travailleur est ainsi privé d’une mesure qui pourtant vise à surmonter les conséquences de sa lésion professionnelle.

[34]           Dans la présente affaire, la preuve démontre que la lésion professionnelle subie par le travailleur a entrainé des atteintes permanentes à l’intégrité physique et ainsi lui donne droit à la réadaptation prévue par la loi.

[35]           Selon la preuve, l’utilisation d’un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant permettrait au travailleur de s’adapter à la situation qui découle de sa lésion professionnelle, de surmonter les conséquences qui en découle et de devenir plus autonome dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes. Ce sont les objectifs visés par l’article 151 de la loi et il y a lieu de conclure que le travailleur a droit au remboursement du coût d’acquisition d’un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant.

[36]           Le travailleur a déposé deux soumissions pour le coût d’achat d’un fauteuil orthopédique. La description des fauteuils y est trop sommaire pour permettre au tribunal d’évaluer si l’une ou l’autre constitue la solution économique la plus appropriée. Cette limite est prévue à l’article 181 de la loi.

181.  Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.

 

Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.

__________

1985, c. 6, a. 181.

 

 

[37]           Il y a lieu de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle procède à une évaluation de la solution la plus économique qui réponde aux besoins du travailleur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE le requête déposée par monsieur Jacques Laberge, le travailleur;

INFIRME la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité au travail le 7 avril 2009;

DÉCLARE que monsieur Jacques Laberge a droit au remboursement du coût d’achat d’un fauteuil orthopédique vibromasseur et chauffant.

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle procède à une évaluation de la solution économique la plus appropriée.

 

 

 

__________________________________

 

Paul Champagne

 

 

M. Marc Leblanc

 

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           (1993) 125 G.O. II, 1331.

[3]           Collin et Les Abatteurs Jacques Élément, 149507-03B-0011, 1er mars 2007, G. Marquis; Caruana et Briqueteurs S & P enr., 186824-71-0206, 31 janvier 2003, B. Roy; Morin et Construction Sylvain Ducharme (fermé), 215559-62-0309, 10 juin 2004, S. Mathieu (04 LP-37); Corbeil et Wilfrid Nadeau inc., 268247-03B-0507, 27 février 2006, G. Marquis, (05LP-256);

[4]           339742-31-0802, 19 septembre 2008, G. Tardif.

[5]           Précitée, note 4.

[6]           Bouchard et Produit forestier Domtar, 211955-02-0307, 2 octobre 2003, M. Juteau; Decelles et Carrefour Industriel LDG inc., 181896-64-0204, 28 janvier 2004, F. Poupart; Hélie et Mine Jeffrey inc., 200004-05-0302, 28 juillet 2004, L. Boudreault; Verdon et CH.U.Q. (St-François d’Assise), 333536-31-0711, 5 décembre 2006, J.-L. Rivard; Laflamme et Motorisé Leblanc inc. (F), 374896-31-0904, 18 septembre 2009, C. Lessard.

 

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