Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

25 février 2005

 

Région :

Mauricie

 

Dossier :

230973-04-0403

 

Dossier CSST :

121420723

 

Commissaire :

André Gauthier

 

Membres :

Alexandre Beaulieu, associations d’employeurs

 

Robert Goulet, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Denise Raymond

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Transformation B.F.L.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 31 mars 2004, Mme Denise Raymond, la travailleuse, a déposé une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 26 février 2004.

[2]                Cette décision confirmait une première décision de la CSST du 31 octobre 2003 qui statuait que la travailleuse ne souffrait d’aucune atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique et qu’en conséquence elle ne recevrait aucune indemnité pour dommages corporels.

[3]                Lors de l’audience tenue le 1er février 2005 à Trois-Rivières, la travailleuse et l’employeur étaient présents et représentés.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue en révision administrative le 26 février 2004 et de déclarer qu’elle a droit à une indemnité pour dommages corporels puisqu’elle est porteuse d’un pourcentage d’atteinte permanente faisant suite à sa lésion professionnelle du 25 septembre 2001, tel que l’a établi le docteur Giroux.

 

LES FAITS

[5]                La travailleuse, droitière, née en janvier 1949, travaille chez l’employeur depuis 5 ans à raison de 40 heures par semaine réparties sur 5 jours comme emballeuse d‘épaules de jambon. Elle emballe environ 700 épaules par jour dont le poids varie de 10 à 18 livres.

[6]                À partir du mois d’août 2001, elle allègue qu’elle a commencé à ressentir des douleurs au niveau de l’avant-bras droit. Elle a vu le docteur Lemieux le 25 septembre 2001 qui a retenu le diagnostic d’épicondylite au bras droit et le 29 octobre 2001 il la référait au docteur Pagé, chirurgien-orthopédiste, qui l’a prise en charge le 6 novembre 2001 et qui retenait le diagnostic d’épicondylite chronique au coude droit.

[7]                À partir du 13 décembre 2001, le docteur Pagé retenait le diagnostic d’épicondylite bilatérale, diagnostic qu’il a répété par la suite jusqu’au 25 septembre 2002 où il précise finalement qu’il y a une chirurgie à venir du côté droit.

[8]                Le 8 novembre 2002, il a procédé à une désinsertion des épicondyliens droits et le 20 janvier 2003 a une désinsertion du côté gauche.

[9]                Le 16 septembre 2003, le docteur Pagé émettait un rapport final dans lequel il fixait la date de consolidation de la travailleuse le jour même pour une épicondylite bilatérale avec de légers signes résiduels lors d’efforts répétitifs. Il précisait qu’un retour au travail était bien toléré et recommandait d’éviter de saigner les « katas » pour une période d’environ 3 mois en plus d’éviter les efforts intenses répétitifs pour une période de 6 mois. Sur ce rapport, il précisait que la lésion entraînait une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles mais qu’il ne ferait pas le rapport d’évaluation médicale mais qu’il référait la travailleuse au docteur Naud ou au docteur Dalcourt.

[10]           Dans une lettre datée du 17 septembre 2003, la CSST demandait à la travailleuse de prendre rendez-vous avec un médecin qui fournirait une évaluation de son atteinte permanente, tout en précisant qu’il était de sa responsabilité de prendre rendez-vous avec le médecin de son choix.

[11]           Le 1er octobre 2003, la CSST recevait, signé par la travailleuse, un formulaire sur lequel celle-ci précisait que l’évaluation serait faite par le docteur Pierre Naud avec lequel elle avait un rendez-vous le 6 octobre 2003.

[12]           Le docteur Naud produit son rapport à la CSST en date du 20 octobre 2003. Il retient les mêmes limitations fonctionnelles que le docteur Pagé, à savoir que la travailleuse devrait éviter de saigner les « katas » et éviter les mouvements répétitifs violents au niveau des 2 coudes.

[13]           Pour l’atteinte permanente, il retient le code 100 401 du Règlement sur le barème des dommages corporels, soit pour une épicondylite droite et une épicondylite gauche opérées sans séquelle fonctionnelle.

[14]           Dans les notes évolutives de la CSST au dossier, il apparaît que l’agent d’indemnisation, le 31 octobre 2003, a informé la travailleuse du contenu du rapport d’évaluation médicale confectionné par le docteur Naud. La travailleuse se disait satisfaite des limitations fonctionnelles mais déçue concernant le pourcentage d’atteinte permanente.

[15]           Il apparaît également que compte tenu des limitations fonctionnelles émises autant par le docteur Pagé que le docteur Naud, la travailleuse avait droit au service de réadaptation afin de déterminer un emploi convenable. Cet emploi convenable a été désigné chez son employeur, Transformation B.F.L., en retranchant tout simplement des tâches habituelles qu’elle faisait celles qui allaient à l’encontre des limitations fonctionnelles. En fait, la CSST ne faisait que confirmer les tâches que la travailleuse accomplissait déjà depuis quelques mois.

[16]           Dans une décision du 31 octobre 2003, la CSST informait la travailleuse qu’à la suite de l’évaluation médicale effectuée par le docteur Naud le 20 octobre 2003, elle n’était porteuse d’aucune atteinte permanente et qu’en conséquence elle n’avait droit à aucune indemnité pour dommages corporels.

[17]           Le 14 novembre 2003, la travailleuse contestait cette décision de la CSST du 31 octobre 2003, décision qui a été confirmée le 26 février 2004 par la révision administrative de la CSST, d’où l’objet du présent litige.

[18]           En avril 2004, à la demande de son syndicat, la travailleuse obtenait du docteur Mario Giroux, chirurgien-orthopédiste, une évaluation médicale. Dans son rapport, toutes les mesures objectives effectuées au niveau des épaules, des coudes, des poignets et des avant-bras se révélaient tout à fait normales de même que les réflexes et la force. Il précisait que son diagnostic était celui d’épicondylite externe au coude droit et gauche avec amélioration significative suite au traitement chirurgical.

[19]           Il précisait sensiblement les mêmes limitations fonctionnelles que les docteurs Pagé et Naud à l’effet que la travailleuse devrait éviter de faire des « katas » et des mouvements répétitifs violents au niveau des 2 coudes.

[20]           Cependant, au niveau de l’évaluation de l’atteinte permanente, il précisait autant pour le côté gauche que pour le côté droit que le code qui devait s’appliquer était 102 383, c’est-à-dire atteinte des tissus mous attribuant ainsi un pourcentage d’atteinte de 2% à chaque membre en plus d’un 2% additionnel pour bilatéralité.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[21]           Le membre issu des associations d’employeurs de même que celui issu des associations syndicales sont d’avis que la requête de la travailleuse doit être refusée puisque la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1], (la loi) ne prévoit pas qu’elle puisse contester les conclusions de son propre médecin. En effet, c’est elle-même qui a choisi son médecin pour l’évaluation et a pris rendez-vous avec ce dernier. Au surplus, le médecin évaluateur doit évaluer un travailleur ou une travailleuse en conformité avec le Règlement sur le barème des dommages corporels, ce que n’a pas respecté le docteur Giroux.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[22]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si à la suite de sa lésion professionnelle qui s’est manifestée le 25 septembre 2001, la travailleuse était porteuse d’une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels.

[23]           Les articles 203 et 224 de la loi se lisent comme suit :

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:

 

1°   le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2°   la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3°   l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[24]           Dans de nombreuses décisions antérieures, autant la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles que la Commission des lésions professionnelles ont décidé que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles doivent être précisées pour satisfaire aux exigences de l’article 203 de la loi et lier la CSST sur ces questions.

[25]           Le seul fait de cocher oui sur un rapport final en réponse à la question « la lésion entraîne-t-elle une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique » sans que cette dernière soit évaluée n’est pas suffisant et ne peut lier la CSST.

[26]           L’article 203 de la loi précise bien que le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique doit être indiqué d’après le Barème des dommages corporels adopté par Règlement.

[27]           Or, dans le présent cas, le docteur Pagé a effectivement indiqué en cochant les cases appropriées sur le rapport final qu’à son avis il y avait chez la travailleuse existence de limitations fonctionnelles et d’atteinte permanente mais qu’il n’a pas évalué selon le Barème. Il a plutôt précisé que ce rapport concernant l’atteinte permanente serait confectionné par le docteur Naud ou Dalcourt, tous deux chirurgiens-orthopédistes.

[28]           C’est la travailleuse qui, en réponse aux questions de la CSST, a choisi d’être évaluée par le docteur Naud avec qui elle avait pris elle-même un rendez-vous au 6 octobre 2003, tel que précisé sur un formulaire qu’elle a signé et que nous retrouvons au dossier.

[29]           Dans son rapport du 20 octobre 2003, le docteur Naud retient les mêmes limitations fonctionnelles que celles qu’avait précisées le docteur Pagé dans son rapport final mais en vient à la conclusion que la travailleuse n’est porteuse d’aucune atteinte permanente.

[30]           Le représentant de la travailleuse a fait valoir que le docteur Naud n’avait expédié ni à la travailleuse ni au docteur Pagé une copie de son rapport tel que précisé par l’article 203 de la loi.

[31]           Concernant cet aspect technique, le tribunal est d’avis que même s’il n’a pas été respecté intégralement semble-t-il, cela n’a pas pour effet de donner des droits au travailleur que le législateur n’a pas prévus.

[32]           En effet, le législateur a laissé au travailleur le choix de son médecin autant pour les traitements que pour l’évaluation de l’atteinte permanente mais celui-ci ne peut contester les conclusions de ce médecin lorsqu’il en est insatisfait sinon cela conduirait à une surenchère inacceptable.

[33]           Uniquement pour les fins de la discussion, le tribunal précise également que même si le rapport du docteur Naud était considéré comme illégal, le rapport du docteur Giroux ne pourrait être accepté puisque la loi précise bien à l’article 203 que le pourcentage d’atteinte permanente doit être évalué d’après le Barème des dommages corporels adopté par Règlement. Or, le docteur Giroux, après un examen complètement normal tel que spécifié dans son rapport, attribue à la travailleuse pour le côté gauche et le côté droit le code 102 383 attribuable à l’atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles. Or, pour être conforme au Barème selon l’examen qu’il avait pratiqué, il aurait dû attribuer le code 100 401 pour épicondylite opérée sans séquelle fonctionnelle qui donne 0% d’atteinte permanente tel que l’a fait le docteur Naud puisque ces 2 médecins précisaient dans leur évaluation que la travailleuse n’était porteuse d’aucune séquelle fonctionnelle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de Mme Denise Raymond;

CONFIRME la décision de la CSST rendue en révision administrative le 26 février 2004;

DÉCLARE que Mme Denise Raymond ne souffre d’aucune atteinte permanente en relation avec sa lésion professionnelle du 25 septembre 2001 et qu’en conséquence elle n’a droit à aucune indemnité pour dommages corporels.

 

 

__________________________________

 

André Gauthier

 

Commissaire

 

 

 

 

Daniel Therrien

C.S.D.

Représentant de la partie requérante

 

 

Jocelyn Roy

Roy, Laporte & Sylvestre

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3001

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.