DÉCISION
[1] Le 7 juin 2000, l’employeur, Federated Genco ltée, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 5 mai 2000, à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).
[2] Par cette décision, la CSST maintient trois décisions qu’elle a initialement rendues les 17 décembre 1998, 15 février et 18 février 2000 et, en conséquence, elle détermine :
-que monsieur Michel Saint-Amand (le travailleur) a été victime d’une maladie professionnelle, à savoir une intoxication au plomb, le 22 mai 1998 ;
-que le travailleur conserve une atteinte permanente de 60,75% à la suite de cette maladie professionnelle ;
-que le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état vu l’atteinte permanente reconnue.
[3] L’employeur et le travailleur sont présents aux deux jours que dure l’audience et ils sont représentés.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le représentant de l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas été victime d’une maladie professionnelle le 22 mai 1998. Comme les autres décisions découlent de cette dernière, il demande qu’elles soient déclarées sans effet dans l’éventualité où la requête de l’employeur est accueillie par la Commission des lésions professionnelles.
LES FAITS
[5] Ce dossier comporte de nombreux documents médicaux, formulaires et expertises. De plus, l’audience dure deux jours et, à cette occasion, la Commission des lésions professionnelles entend deux témoins ordinaires ainsi que quatre témoins experts qui déposent une abondante littérature médicale.
[6] La Commission des lésions professionnelles croit donc opportun, pour une bonne compréhension des faits de la présente affaire, de scinder la preuve présentée selon les sujets traités.
LA RÉCLAMATION
[7] Le 29 juin 1998, le travailleur dépose une demande d’indemnisation à la CSST. Il y indique avoir travaillé pour l’employeur durant 33 ans et souffrir d’une intoxication au plomb.
LE TRAVAIL DU TRAVAILLEUR CHEZ L’EMPLOYEUR
[8] Le travailleur est né le 20 mars 1935.
[9] Il œuvre chez l’employeur de juin 1964 au 2 janvier 1998 à titre de fondeur de plomb (1 an), d’aide-opérateur aux presses (5 ans) et de bobineur de fil à souder (28 ans).
[10] Le travail de fondeur de plomb consiste à faire la coulée de porte de plomb. L’aide-opérateur aux presses s’occupe de la fabrication de tuyaux et de broches de plomb. Enfin, le bobineur de fil de plomb alimente une machine avec un fil de plomb et il coupe ce fil lorsque la bobine est complétée.
[11] En outre, le 28 octobre 1998, l’agent de la CSST communique avec l’employeur pour obtenir certaines informations quant au travail accompli par le travailleur. L’employeur indique alors que le travailleur travaillait au bobinage, à la fabrication ou au laminoir. Ces départements sont reliés les uns aux autres. De plus, l’employeur reconnaît que, dans les années 1960-1970, « la captation du plomb était moins performante ».
LES ÉTUDES INDUSTRIELLES RÉALISÉES CHEZ L’EMPLOYEUR
[12] Le 20 juillet 1998, le docteur Michelle Soucy du CLSC Lac Saint-Louis s’adresse à la CSST en ces termes concernant l’exposition au plomb des travailleurs de l’employeur :
Nous vous présentons le rapport environnemental sur l’exposition des travailleurs au plomb dans l’entreprise pré-citée. Vous retrouverez l’interprétation et nos recommandations aux sections 7 et 8.
En résumé, malgré de grands efforts fournis par la compagnie et des améliorations marquées à plusieurs endroits, il persiste un dépassement des normes pour le plomb à quelques postes de travail. [sic]
[13] Le rapport joint à cette lettre démontre que le travail effectué chez l’employeur est la transformation de plomb en lingots, en barres, en disques et en anodes.
[14] Pour ce faire, l’employeur prépare des alliages à base de plomb et il coule ce mélange dans des moules sous diverses formes. Ces pièces moulées sont vendues telles quelles ou sont transformées à leur tour, par l’employeur, en produits finis (fil à souder, tuyau de plomb, feuille de plomb, etc.). Au moment du test, en 1998, le poste de bobinage présente un niveau d’exposition au plomb en dessous de la norme (0,041 mg/m3 ) en raison d’une ventilation à la source. Enfin, les examinateurs font la mise en garde suivante :
Enfin, nous aimerions rappeler, bien que la quasi totalité des résultats soit inférieure ou égale à la norme du Québec (0,15 mg/m3), que le niveau recommandé par l’ACGIH (American Conference of Governmental Industrial Hygienists) se situe quant à lui à 0,05 mg/m3. En comparant les mesures de ce rapport avec ce niveau de référence, on note qu’elles sont égales ou supérieures à la recommandation de l’ACGIH. [sic]
[15] Le CLSC adresse également à la CSST d’autres études industrielles faites chez l’employeur.
[16] L’étude de 1986 ne vise pas le travail au bobinage. Les mesures à la fabrication sont de 0.03 ou de 0.05 ou de 1 mg/m3 selon le poste. L’étude de 1987 fait mention d’un poste au bobinage de fil de plomb. La mesure est de 0.07 mg/m3. Les postes à la fabrication font état de mesures variant de 0.02 à 0.27 mg/m3 selon le poste analysé. Les études de mai et décembre 1988 ne sont pas réalisées aux postes occupés par le travailleur. Celles de janvier et mars 1989 ne sont pas effectuées au poste de bobineur. Toutefois, des mesures de 0.02 à 1,20 mg/m3 sont relevées à différents postes de fabrication. L’étude de mars 1992 fournit une mesure au poste de l’opérateur de presse qui enroule le fil de plomb autour d’une bobine. Le taux est alors de 0.04 mg/m3. Les études de mars 1995 et d’août et d’octobre 1996 ne traitent pas du travail effectué par le travailleur.
MISE AU POINT CONCERNANT LE PLOMB
[17] Avant d’entrer dans le vif du sujet et de discuter des symptômes présentés par le travailleur et des taux de plombémie relevés durant sa vie de travail, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il serait intéressant de dresser, sommairement, le mode d’absorption et d’élimination du plomb et les symptômes reliés à l’intoxication à ce produit et de traiter des normes en cette matière.
[18] Pour ce faire, la Commission des lésions professionnelles réfère à une brochure et à un document, produits au dossier et provenant du CLSC Lac Saint-Louis, puisque ces textes ont l’avantage d’être clairs, concis, complets et faciles à comprendre.
[19] Il ressort de ces documents que le plomb s’absorbe par la voie digestive, par la voie respiratoire ou par inhalation directe, entre autres, en fumant dans un milieu contaminé. Le plomb s’élimine par l’urine, les selles, la bile et la sueur.
[20] Les symptômes de l’intoxication au plomb y sont décrits ainsi :
Le plomb est transporté dans tout l’organisme par le sang et il s’accumule principalement dans les os. Un travailleur s’intoxiquera s’il absorbe plus de plomb que son organisme en rejette. Les symptômes suivants peuvent être le signe d’une intoxication :
-la fatigue
-le mauvais sommeil
-les maux de tête
-les douleurs musculaires et articulaires
-les troubles digestifs
-les douleurs abdominales
-la perte d’appétit
-des troubles d’humeur et de comportement
Ces symptômes varient selon le degré d’exposition et la sensibilité de chacun. Des effets internes peuvent se produire aussi sans symptômes. L’intoxication chronique par le plomb s’appelle le saturnisme : maladie professionnelle reconnue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[21] Par ailleurs, le CLSC Lac Saint-Louis indique ce qui suit au sujet des taux de plombémie et de la conduite à adopter selon les taux constatés :
3,38 mmol/l (700 µg/L) - Retrait préventif du travail jusqu’à ce que la plombémie soit égale ou inférieure à 1,93 mmol/l (400 µg/L).
2,50 mmol/l (± 518 µg/L) et plus - Suivi médical plus fréquent.
1,93 mmol/l (400 µg/L) - Retour au travail possible suite à un retrait préventif.
1,50 mmol/l (310 µg/L) - Niveau de déclaration obligatoire au Québec au Ministère de la santé sous l’item intoxication au plomb.
0 - 0.50 mmol/l (± 100 µg/L) - Niveau retrouvé dans une population normale (non exposée). Niveau à ne pas dépasser durant la grossesse.
LES FORMULAIRES COMPLÉTÉS PAR LE TRAVAILLEUR ET LES TAUX DE PLOMBÉMIE PRÉSENTÉS PAR CE DERNIER
[22] Au fil des années, le travailleur complète certains formulaires ayant pour but de déceler les symptômes d’intoxication au plomb pouvant être présents chez ce dernier.
[23] Ainsi, en 1992, le travailleur rapporte des élancements dans les bras, des épisodes sporadiques de dépression, d’épuisement et de désintéressement de la vie et de l’insomnie.
[24] En 1995 et 1996, il fait mention de constipation ou de diarrhée, d’engourdissements ou de faiblesse aux bras et aux doigts, même au repos, et d’insomnie. Enfin, en 1997, il se plaint d’engourdissements et de faiblesse aux membres supérieurs.
[25] Par ailleurs, le travailleur se soumet à de multiples prises de sang, de 1976 à 1997, afin d’évaluer son taux de plombémie.
[26] Les résultats de ces tests de plombémie sont fournis par le CLSC Lac Saint-Louis. Plusieurs tests sanguins sont réalisés à chaque année. Les taux de plombémie annuels les plus élevés sont 860 µg/L en 1976, 605 µg/L en 1977, 645 µg/L en 1978, 660 µg/L en 1979, 755 µg/L en 1980, 625 µg/L en 1981, 525 µg/L en 1982, 525 µg/L en 1983, 520 µg/L en 1984, 540 µg/L en 1985, 513 µg/L en 1986, 480 µg/L en 1987, 621 µg/L en 1988, 490 µg/L en 1989, 656 µg/L en 1990, 2,24 µmol/L (464 µg/L) en 1991, 2,28 µmol/L (472 µg/L) en 1992, 2,49 µmol/L (516 µg/L) en 1994, 1,86 µmol/L (385 µg/L) en 1995, 2,34 µmol/L (484 µg/L) en 1996 et 2,48 µmol/L (513 µg/L) en 1997.
[27] Ces résultats sont également pris en compte par le docteur Lecours, le 3 avril 1998, lorsqu’il reçoit le dossier du CLSC. Il note les taux de plombémie suivants : en 1997, les taux varient de 2,04 à 2,48 mmol/L (422 à 513 µg/L) ; en 1996, les taux sont de 2 à 2,71 mmol/L (414 à 561 µg/L) ; en 1995, les taux s’étalent de 1,26 à 2,27 mmol/L (261 à 470 µg/L) ; en 1994, les taux sont de 2,29 à 2,49 mmol/L (474 à 516 µg/L) ; en 1993, le taux se maintient à 1,94 mmol/L (402 µg/L) ; en 1992, les taux varient de 1,72 à 2,28 mmol/L (356 à 472 µg/L) ; en 1991, les taux se situent entre 1,73 et 2,24 mmol/L (358 à 464 µg/L) ; en 1989 et en 1990, aucune donnée n’est inscrite ; en 1988, le taux est de 568 µg/L ; de 1982 à 1988, aucune donnée n’est inscrite ; en 1981, le taux de plomb s’élève à 755 µg/L ; en 1980, le taux est de 685 µg/L ; aucune donnée n’est inscrite pour 1979 ; en 1978, le taux inscrit est de 785 µg/L et, enfin, en 1976, le taux noté est de 860 µg/L. Aucune donnée n’est disponible pour les années 1964 à 1976.
[28] Enfin, le 6 avril 1998, un nouveau prélèvement sanguin est effectué dans le but d’évaluer le taux de plomb sanguin chez le travailleur. Ce taux s’élève alors à 1,75 µmol/L (362 µg/L). Les valeurs de référence indiquées sur le rapport sont les suivantes :
Personne non exposée : < 0.50 µmol/L (± 100 µg/L)
Peu ou pas d’effet néfaste : (adulte) < 1.40 µmol/L (290 µg/L)
LA PREUVE MÉDICALE, ÉPIDÉMIOLOGIQUE, NEUROPSYCHOLOGIQUE ET LES DÉCISIONS RENDUES PAR LA CSST
[29] Le travailleur dépose une réclamation en juin 1998 mais, en fait, l’investigation médicale débute en 1997.
[30] Ainsi, le 8 avril 1997, le docteur Soucy du CLSC Lac Saint-Louis évalue un questionnaire rempli par le travailleur. Il y note souffrir de douleurs et d’engourdissements depuis plusieurs années.
[31] Le docteur Soucy fait état d’une longue histoire d’exposition au plomb. Elle inscrit que la plombémie actuelle est de « » 2 » et elle désire rencontrer le travailleur afin de préciser le diagnostic.
[32] Le 12 juin 1997, le docteur Soucy examine le travailleur. Il ressent alors des douleurs sous les côtes, du côté droit, depuis plus de dix ans. Le travailleur rapporte aussi un phénomène d’engourdissements aux mains la nuit. De plus, il a de la difficulté à dormir à cause d’acouphènes. Cependant, cette insomnie serait moins présente depuis une consultation visant à régler ce problème. Le docteur Soucy est d’avis que le travailleur est affecté d’un syndrome du tunnel carpien à la main droite. Elle inscrit également que « la symptomatologie ne correspond pas à intox. au plomb ». Elle suggère cependant une investigation en gastro-entérologie vu les douleurs abdominales dont se plaint le travailleur et les antécédents familiaux de cancer digestif de ce dernier. Elle croit que le travailleur devrait se trouver un médecin de famille.
[33] Le 17 décembre 1997, le travailleur se soumet à un test de plombémie. Il présente alors un taux de 2,48 mmol/L (514 µg/L).
[34] Le 2 janvier 1998, le travailleur se présente à l’urgence du Centre hospitalier de Lachine en raison de douleurs thoraciques persistantes à l’effort. Le docteur Gilberte Thibert, interniste, note alors que ce dernier fume un paquet de cigarettes par jour depuis l’âge de 14 ans et il boit une à deux bières par jour. Il n’a cependant pas de problèmes pulmonaires ou de problèmes au foie. Le docteur Thibert soupçonne une angine instable et elle admet le travailleur aux soins intensifs.
[35] Le travailleur fait l’objet d’une investigation à la suite de son hospitalisation. Ainsi, l’échographie cardiaque est normale. Toutefois, une coronographie démontre une sténose de 80% de la circonflexe proximale suivie d’une occlusion ainsi qu’une légère hypokinésie diaphragmatique. Le docteur Thibert examine ces résultats et elle estime que cette sténose est non dilatable.
[36] Le 2 février 1998, le docteur Thibert s’adresse au docteur Maurice Caron, médecin consulté par le travailleur. Elle remarque que ce dernier n’est pas un candidat pour une dilatation artérielle et il n’est pas, non plus, un candidat pour un pontage vu l’atteinte à une seule artère.
[37] Le 15 février 1998, le docteur Caron dirige le travailleur en toxicologie auprès du docteur Serge Lecours.
[38] Le docteur Caron informe ce dernier que le travailleur a toujours eu un taux de plombémie assez élevé. Il désire que le docteur Lecours entreprenne une investigation dans le but d’évaluer les séquelles du saturnisme.
[39] De même, le 2 mars 1998, le docteur Caron remplit un formulaire pour la compagnie d’assurance-invalidité du travailleur. Il y note que ce dernier souffre d’une angine non contrôlée par la médication et de « problèmes de surcharge au plomb » et de « saturnisme chronique ».
[40] Le 6 mars 1998, le travailleur rencontre le docteur Lecours. Il se plaint alors de diarrhée occasionnelle, de paresthésies nocturnes, de faiblesse de préhension, d’insomnie, de troubles de la mémoire et de dépression. Le docteur Lecours diagnostique une exposition au plomb, une surdité et des problèmes cardiaques. Il requiert le dossier médical du travailleur auprès du CLSC avant de poursuivre l’investigation. Ce dossier est reçu par le docteur Lecours, le 3 avril 1998, et les données qu’il contient sont colligées à la section portant sur les taux de plombémie du travailleur.
[41] Le 9 avril 1998, un Doppler de la région cervico-encéphalique et du duplex carotidien s’avère normal.
[42] Le 22 mai 1998, le docteur C. Saint-Maurice fournit une attestation médicale à la CSST. Il y indique que le travailleur souffre d’une « démence induite par une intoxication sévère et chronique au plomb au travail » (DSM IV 292.82 ou 292.62). Il revoit le travailleur à plusieurs reprises et il maintient ce diagnostic.
[43] Le 16 juin 1998, le docteur Christophe Nowakowski, psychiatre, examine le travailleur, à la demande du docteur Lecours, dans le but d’évaluer l’atteinte neuropsychologique possible à la suite de son exposition au plomb. Le docteur Nowakowski s’exprime en ces termes :
[…] monsieur a été exposé au plomb et il rapporte depuis environ une dizaine d’années, une détérioration progressive de sa mémoire.
Sur le plan subjectif, il lui arrive souvent d’égarer des objets d’usage courant, il a de la difficulté à se souvenir de ce qu’on lui dit, et il se dit également incapable d’acheter trois articles à l’épicerie sans se faire une liste. Signalons qu’antérieurement monsieur St-Amand était un grand amateur de mots croisés, alors qu’actuellement il dit être complètement inefficace dans cette activité.
Je n’ai aucune information concernant les niveaux d’exposition ni les indices de toxicité dans le cas de monsieur St-Amand. Toutefois, l’histoire est entièrement compatible avec une détérioration cognitive secondaire à l’exposition au plomb, et monsieur St-Amand ne devrait certainement pas retourner dans le même milieu de travail avant qu’on puisse procéder à une évaluation neuropsychologique complète. Fort probablement, il présente également une atteinte cognitive qui devrait être déclarée à la CSST et encore une fois une évaluation neuropsychologique serait nécessaire afin de documenter l’étendue de cette détérioration.
[44] Le 29 juin 1998, le travailleur présente sa demande d’indemnisation à la CSST.
[45] Le 10 juillet 1998, le docteur Lecours rencontre le travailleur. Il note que ce dernier ne peut aller en ville seul car il se perd. Il diagnostique un syndrome cérébral organique et il dirige le travailleur en neuropsychologie.
[46] Le 14 juillet 1998, l’employeur s’oppose à la demande d’indemnisation déposée par le travailleur. Il indique que ses travailleurs sont rencontrés sur une base trimestrielle et subissent les tests nécessaires afin de prévenir une trop grande accumulation de plomb dans le sang. Or, à la fin de 1997, aucun taux de plombémie n’exigeait le retrait préventif d’un travailleur, y compris monsieur Saint-Amand.
[47] En octobre 1998, le travailleur subit un pontage coronarien.
[48] Le 17 novembre 1998, madame Louise Bérubé, neuropsychologue, évalue l’état neuropsychologique du travailleur afin de « documenter la présence de troubles cognitifs et psychologiques en relation avec une surexposition au plomb ». Le travailleur décrit alors « l’apparition graduelle, depuis 4-5 ans peut-être, de symptômes cognitifs avec désorientation spatiale, troubles de la mémoire pour les faits récents ainsi qu’un manque de motivation et d’intérêts et des sentiments dépressifs avec découragement ». Il présente aussi une insomnie, une fatigue excessive, des étourdissements, des engourdissements dans les doigts et une diminution de la force et de la dextérité de la main gauche. Il remarque également une modification de son caractère étant devenu plus irritable et agressif avec les années. Madame Bérubé observe ce qui suit en cours d’examen :
Monsieur St-Amand a bien collaboré à l’évaluation sans tendance à minimiser ou exagérer ses difficultés. Nous n’avons pas observé d’intolérance à la fatigue pourtant bien évidente en fin de session. La surdité nécessitant de répéter les données et les consignes ne semble toutefois pas avoir constitué un facteur significatif dans les résultats.
L’orientation est perturbée dans les trois sphères. Monsieur St-Amand ne peut donner son âge sans faire le calcul, ne peut dire la dernière année de scolarité complétée ni le nom de son école de campagne. Il ne peut donner la chronologie exacte des faits, présente une désorientation légère dans le temps et ne peut se déplacer sans se perdre depuis déjà quelques années semble-t-il. Il était accompagné aujourd’hui car il n’aurait pu venir seul à l’évaluation. Les faits autobiographiques comme les données relatives à sa famille sont très imprécis (année de mariage, âge des filles, région natale). Les connaissances générales sont confuses quant à l’actualité (mêle les choses).
Au testing formel, on observe un genre d’oubli à mesure, une incapacité à faire des activités simultanées, un trouble d’attention et des difficultés de calcul écrit alors qu’il affirme spontanément être « bon là-dedans ». Il existe un ralentissement psychomoteur important avec une certaine apathie mais sans inertie mentale comme telle ni tendance persévérative.
[49] Le fonctionnement intellectuel général est considéré perturbé par madame Bérubé. De plus, l’attention, la mémoire et les capacités d’apprentissage souffrent de lacunes.
[50] Ainsi, bien que le travailleur soit en mesure de répéter 7 chiffres dans l’ordre, ce qui se situe dans la normale de la mémoire à court terme, il ne peut les répéter en sens inverse. Madame Bérubé est d’avis que le travailleur présente « un important trouble de mémoire avec phénomène d’oubli à mesure à moins d’avoir bénéficier [sic] de répétitions successives ». De même, « les stratégies de rappel sont déficitaires et ne permettent pas un encodage normal ». Elle note également des déficits « au plan de l’orientation spatiale, de l’intégration visuoperceptuelle et visuopratique ». Elle conclut ainsi son rapport :
On est donc en présence d’un homme qui a été exposé pendant plusieurs années au plomb et qui présente actuellement un état de détérioration cognitive importante. L’intensité des déficits cognitifs y incluant la modification de la personnalité, orientent vers un tableau de type démentiel, compatible avec une encéphalopathie au plomb.
Monsieur St-Amand a subi récemment des pontages coronariens mais ne décrit pas de changement significatif au plan du comportement ou de ses capacités cognitives. Il affirme que ses symptômes étaient présents depuis longtemps déjà. Il est donc probable que cette condition associée ne contribue pas de façon significative au tableau neuropsychologique documenté aujourd’hui.
[51] Le 11 décembre 1998, le docteur Lecours inscrit sur un rapport adressé à la CSST que le test neuropsychologique est anormal et compatible avec des séquelles d’intoxication au plomb.
[52] Le 18 décembre 1998, la CSST accepte la demande d’indemnisation déposée par le travailleur. Elle reconnaît une maladie professionnelle, soit une intoxication au plomb, à compter du 22 mai 1998, date du premier rapport médical adressé à la CSST qui en fait mention. L’employeur demande la révision de cette décision.
[53] Le 14 janvier 1999, le docteur Saint-Maurice maintient le diagnostic de démence persistante induite par une intoxication sévère et chronique au plomb et la référence au DSM-IV 292.62. Il poursuit le suivi médical du travailleur pour cette condition. De son côté, le 19 janvier 1999, le docteur Lecours fait état d’un ralentissement psychomoteur évident chez le travailleur. Il reprend cette impression lors des visites médicales subséquentes. Toutefois, ces deux médecins précisent que ces conditions restent stables.
[54] Le 3 mars 1999, le docteur Margit Bleecker, du Center for Occupational and Environmental Neurology de Baltimore, s’adresse ainsi à l’employeur :
I have examined the records provided on the above cited case. The following is my opinion on whether there is evidence to support the diagnosis for « Organic Dementia DSM 292.82 »
[55] Elle résume les données retrouvées au dossier et elle discute principalement de l’expertise réalisée par madame Bérubé en ces termes :
This
description of Mr. St-Amand suggests a profound dementia, he cannot recall
basic demographic information such as his age and his educational background.
Personal historical information of this type is usually only affected when
dementia has progressed to a severe state. His test performance is not
consistent with a severe dementia. For instance, he is able to learn 6/10 of
the original verbal paired associates and retain these for 30 minutes, yet he
reports that he cannot recall three items from a grocery list. The Wechsler
Memory Score of 64 is not significantly below a Verbal IQ (VIQ) of 71. The two
scores indicate that his memory is consistent with his current level of
intellectual functioning and are not supportive of a dementia. There are no
specific memory scores presented, making it impossible to conclude whether he
has a significant deficit. In other areas of functioning (executive and
language), he appears to function within normal limits. On Trails B, a measure
of executive function that is sensitive to dementia, Mr. St-Amand had no
difficulty with the tracking and set-shifting required. This is not consistent
with an individual who does not know his age or where he is.
The report
states nonverbal abilities (PIQ) are superior to verbal, yet provides no score
for nonverbal. If PIQ is higher than 71, he is operating in the borderline-low
average range of intelligence. Educational background would have a greater
influence on VIQ scores and therefore it is not unexpected to find VIQ lower
than PIQ. However it is surprising that PIQ is higher given the spatial
disorientation he is reporting.
It is
concluded that there is a visual perceptual/visuomotoric deficit in spite of no
support for this in the report. The presence of carpal tunnel syndrome with its
associated sensory loss in the radial three fingers may have profound effects
on motor speed ; but again this was not taken into consideration. No scores or
descriptions of errors were presented for the Hooper Visual Organization Test.
The reproduction of the clock was consistent with intellectual functioning. An
individual with a borderline IQ should perform from the 1st to 16th
percentiles on most of these measures.
Based on the
neuropsychological report, one cannot conclude that Mr. St-Amand has dementia.
The absence of specific information regarding his performance severely limits
any conclusions that can be drawn regarding his suffering from a dementia. In
order to diagnose a dementia, one must show a decline in functioning from a
previously higher premorbid level. There is no information regarding Mr.
St-Amand’s premorbid level of functioning, nor any indication that this level
has declined. Also in the neuropsychological report it states that for many
years he has felt emotionally dulled ; experiencing neither sadness, nor joy.
However examination of depression or its potential impact on memory and motor
speed were not discussed.
Besides lack
of documentation that showed a decline in functioning from his premorbid level the
attribution to lead exposure is based exclusively on the fact that he worked at
a smelter for many years. No blood levels were reviewed. Mr St-Amand who does
not know his age, location, family history etc can remember that his symptoms
appeared a long time ago. This point is used to support that coronary bypass, a
procedure well documented to produce changes in cognitive abilities, had no
effect on his behavior or memory. The marked discrepancy between reported
deficits and test performance brings into questions the validity of the self
reported symptoms. They certainly cannot be used to establish a benchmark. No
discussion covered other causes of low scores such as educational history,
learning disability, head trauma, hearing impairment, present medications
(Nitrodur, Lopressor 15 bid, Flurazipam 15 mg hs, Ranitidine 150 mg bid and
Entrophen) or sleep deprivation. Flurazipam, a sleeping medication, has side
effects of dizziness, drowsiness, light-headedness, staggering and ataxia that
may be more prominent in the elderly population.
With regard
to Mr. St-Amand’s exposure to lead, 90 blood lead concentrations covering the
years of employment from February, 1976 to April, 1998 were reviewed.
Calculation of the Time Weighted Average (TWA) blood lead concentration from
1976 to 1998 was 49.4 µg/dL (494 µg/L), that is below the accepted Biological
Monitoring Level for lead of 50 µg/dL. This is not a level that has ever been
reported to produce a progressive dementia.
In summary the medical record does not provide evidence to support a diagnosis of dementia and review of the blood lead concentrations obtained over the years of employment does not show a sustained exposure to levels that result in neurotoxic injury of the nervous system. There are numerous other explanations, mentioned above, that could explain all of the symptoms presented by Mr. St-Amand. [sic]
[56] Le 15 décembre 1999, le docteur Lecours produit un rapport final. Il consolide une lésion de « syndrome cérébral organique secondaire à l’exposition chronique au plomb », le 6 octobre 1999, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il réfère à son rapport d’évaluation médicale effectué le 6 octobre 1999. Dans ce rapport, il note ce qui suit :
Dans le dossier de la compagnie, nous trouvons les plombémies à partir de 1976. En septembre 1976, la plombémie était de 860 µg/L. De 1976 à 1981, la plombémie était généralement supérieure à 600, culminant à 755 le 11 décembre 1980. Les FEP étaient supérieurs à 200 en avril 1980, décembre 1980, février 1981, mars 1990, avril 1990 et juin 1990. Notons que la plombémie était en mars et avril 1990 supérieure à 600.
[…]
Il s’agit donc d’un travailleur qui a développé un syndrome cérébral organique dont l’étiologie par exclusion est le plomb. Il ne devrait donc plus être exposé dans cet environnement. Par ailleurs, il présente des troubles cognitifs très importants qui le rendent pratiquement inapte à tout travail.
[…]
Le travailleur devrait être orienter en réhabilitation neuro-cognitive avant d’établir un DAP final. [sic]
[57] Le 10 janvier 2000, madame Bérubé évalue de nouveau le travailleur. Elle note une légère amélioration de l’état de ce dernier. Cependant, ses conclusions restent les mêmes que celles énoncées en novembre 1998. Elle estime que le travailleur a besoin de surveillance dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes.
[58] Le 3 février 2000, le docteur Lecours établit l’atteinte permanente relative au syndrome cérébral organique dont souffre le travailleur à 60,75%. Ce pourcentage se détaille ainsi : 45% pour le déficit anatomo-physiologique psychique et 15,75% pour le déficit attribué à la douleur et à la perte de jouissance de la vie.
[59] Le 15 février 2000, la CSST accepte la suggestion du docteur Lecours. Elle reconnaît l’existence d’une atteinte permanente de l’ordre de 60,75% et elle calcule l’indemnité pour dommages corporels correspondant à ce pourcentage.
[60] Le 18 février 2000, la CSST détermine que le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état vu l’atteinte permanente résultant de sa lésion professionnelle.
[61] L’employeur demande la révision de ces deux décisions.
[62] Le 20 avril 2000, la CSST décide que le travailleur n’est pas en mesure d’occuper son emploi prélésionnel ou un quelconque autre emploi chez l’employeur. Elle lui verse donc une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans. L’employeur ne conteste pas cette dernière décision.
[63] Le 5 mai 2000, la révision administrative maintient les décisions rendues par la CSST au sujet de l’admissibilité de la réclamation du travailleur, de l’atteinte permanente générée par cette maladie professionnelle et du droit à la réadaptation d’où le présent litige.
[64] Le 22 janvier 2001, le représentant du travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles un rapport rédigé par monsieur Norman King le 15 janvier 2001. Monsieur King possède un baccalauréat en biochimie et une maîtrise en épidémiologie. D’entrée de jeu, il indique ne pas vouloir s’immiscer dans les diagnostics retenus dans ce dossier car cet aspect ne relève pas de son expertise. Il s’attache davantage à l’effet neurotoxique du plomb selon l’exposition. Il décrit ainsi son mandat :
Le but de l’épidémiologie est d’établir s’il existe une relation causale entre une exposition quelconque et un problème de santé. Un des défis majeurs confrontés par les épidémiologistes est de quantifier adéquatement l’exposition des travailleurs à différents contaminants en milieu de travail. Étant donné que la majorité des maladies professionnelles sont des maladies qui se développent de façon lente et insidieuse, il est important de caractériser l’exposition actuelle mais aussi celle du passée, ce qui est particulièrement difficile en raison de l’absence de ces données dans bien des cas.
Le plomb est un des rares contaminants pour lesquels ces données existent, car les travailleurs exposés à ce contaminant ont subi des analyses sanguines régulièrement depuis plusieurs années, ce qui facilite de beaucoup l’analyse de ce dossier.
En conséquence, je regarderai la littérature scientifique actuellement disponible pour vérifier dans quelle mesure l’ampleur de l’exposition de Monsieur St-Amand au plomb est suffisante pour causer des dommages neurotoxiques […] [sic]
[65] Monsieur King poursuit en précisant les différentes unités de mesure utilisées pour évaluer les taux de plomb retrouvés dans le sang du travailleur. Il mentionne ce qui suit à ce sujet :
[…] j’utiliserai les mêmes unités tout le long, soit : µg/L de sang. Les autres unités rencontrées dans la littérature sont µg/dL ou µmol/L. Les équivalences sont les suivantes :
1µg/dL = 10 µg/L. En d’autres mots, 40 µg/dL = 400 µg/L
1 µg/L x 0,00483 = 1 µmol/L ou à l’envers : 1 µmol/L = 207,04 µg/L. Donc les mesures en µmol/L seront converties en µg/L en les multipliant par 207,04.
[66] Il commente, par la suite, l’expertise réalisée par le docteur Bleecker en ces termes :
Selon le Dr. Bleecker, les niveaux de plombémie obtenues chez Monsieur St-Amand, soit une moyenne pondérée de 494 mg/L de sang, ne démontrent pas une exposition soutenue qui peut avoir un effet neurotoxique. Selon moi, la littérature scientifique disponible démontre plutôt le contraire, et ce pour les raisons suivantes :
-plus les connaissances scientifiques avancent, plus on est en mesure d’identifier des effets délétères à des niveaux d’exposition au plomb jugés sécuritaires auparavant (voir Baker et collègues, 1985 ; 514, colonne de droite ; Landrigan, 1990 ; p. 907) ;
-le calcul effectué par le Dr. Bleecker pour évaluer l’exposition de Monsieur St-Amand au plomb sous-estime son exposition réelle ;
-ce calcul ne tient pas compte de la durée d’exposition, ce qui est essentiel à considérer pour connaître la dose cumulative de l’exposition. [sic]
[67] Il s’applique, par ailleurs, à faire la preuve de chacun de ces énoncés. Ainsi, il indique d’abord que, même si le taux moyen de plomb dans le sang du travailleur est estimé à 494 µg/L, taux en deçà du seuil légal de 500 µg/L, le respect d’une norme légale ne garantit pas que l’exposition sera sans effet pour l’organisme humain. Or, il évalue les taux auxquels a été exposé le travailleur durant sa vie de travail et il constate que, selon les normes appliquées par le docteur Bleecker, ce dernier aurait dû être retiré de son travail à plusieurs occasions entre 1976 et 1990 puisque son taux de plombémie était hors norme. De plus, il constate que le taux de plombémie présenté par le travailleur n’est jamais descendu en deçà de 400 µg/L, taux qui, selon la littérature médicale qu’il cite, est suffisant pour entraîner des effets neurotoxiques et une atteinte neurologique.
[68] Monsieur King s’attaque également au calcul de l’exposition au plomb suggéré par le docteur Bleecker puisque ce calcul ne tient compte que des données obtenues entre 1976 et 1997 et omet totalement de considérer les années 1964 à 1976. Or, comme les niveaux d’exposition au plomb ont tendance à baisser avec les années, vu l’amélioration des connaissances quant aux effets de l’exposition et les corrections apportées au milieu de travail, il croit que cette omission a pour effet de sous-estimer grandement le niveau d’exposition au plomb du travailleur. Il suggère de tirer une moyenne des cinq premières années où des mesures sont disponibles et d’appliquer cette moyenne aux années 1964 à 1976. Ce calcul donne une plombémie moyenne sur 33 ans de 527,5 µg/L ce qui « est un peu plus élevé que le seuil de 500 µg/L mentionné par le Dr. Bleecker dans son expertise, et nettement plus élevé que le seuil sécuritaire de 400 µg/L ».
[69] Il discute enfin de la dose cumulative de l’exposition au plomb du travailleur. Il explique que la dose cumulative consiste à tenir compte de l’intensité et de la durée de l’exposition.
[70] Il fait état de différentes études à ce sujet. Il note que la dose cumulative d’exposition au plomb du travailleur en fait un individu hautement exposé selon ces études. Les doses auxquelles le travailleur a été exposé sont de nature à créer des effets neurotoxiques et une atteinte neuropsychologique persistant même après l’arrêt de l’exposition.
[71] Monsieur King conclut :
La littérature scientifique présentée ici démontre clairement que le plomb exerce ses effets neurotoxiques à partir de 400 µg/L de sang. De plus, des études récentes permettent de décortiquer les effets causés par une faible exposition récente et des expositions plus importantes dans le passé. En effet, des études publiées depuis 1995 démontrent que la mesure de la dose cumulative de l’exposition est le paramètre le plus utile pour évaluer la neurotoxicité du plomb chez les travailleurs exposés pendant longtemps. L’étude récente de Schwartz et collègues effectuée chez les travailleurs dont l’exposition au plomb a cessé depuis 16 ans en moyenne confirme la présence des séquelles.
L’analyse du dossier de Monsieur St-Amand démontre que sa dose cumulative d’exposition est plus élevée que celle de la grande majorité des travailleurs pour lesquels ces données sont présentées par les études scientifiques publiées depuis 1995. Il est donc clair que cette dose cumulative d’exposition est suffisamment élevée pour causer des effets neurotoxiques persistants. [sic]
[72] Il dépose de la littérature médicale soutenant ses conclusions[1].
[73] Il ressort de ces textes que :
-le plomb affecte plusieurs systèmes dont le système nerveux ;
-les taux sanguins de plombémie ne reflètent pas l’exposition antérieure au plomb et l’accumulation de cette substance dans le corps du travailleur exposé à ce produit ;
-les taux de plombémie considérés acceptables sont encore trop élevés compte tenu des connaissances actuelles de la science et des effets constatés sur la santé des travailleurs ; la tendance observée est de rabaisser le taux de plombémie acceptable à 250 µg/L et de ramener le seuil de retrait préventif à 400 µg/L ;
-une exposition à des taux variant de 400 µg/L à 600 µg/L peut entraîner une atteinte neuropsychologique, entre autres, sous forme d’altérations de l’humeur, de la mémoire à court terme, de la coordination visuo-motrice, de la dextérité manuelle etc. ; de même, une exposition à des taux plus bas peut aussi affecter les fonctions neuropsychologiques ;
-les effets d’une exposition importante et prolongée au plomb sur le système nerveux central subsistent même lorsque l’exposition est réduite ou cessée ; ces effets peuvent s’accélérer avec le processus de vieillissement.
[74] Enfin, la Commission des lésions professionnelles croit opportun de reproduire la définition du diagnostic d’intoxication au plomb proposé par le Comité médical provincial en santé au travail du Québec puisque, selon l’introduction de leur rapport intitulé La prévention et le contrôle des intoxications par le plomb en milieu de travail, le contenu de ce document « représente le consensus professionnel qu’ont développé les médecins-conseils en santé au travail de toutes les régions du Québec à partir des connaissances scientifiques actuellement disponibles » :
Si le diagnostic d’intoxication suppose la mise en évidence de certaines anomalies fonctionnelles et physiologiques, le fait de présenter une plombémie supérieure à 300 µg/L constitue en soi, selon nous, une altération de la santé.
LA PREUVE PRÉSENTÉE À L’AUDIENCE
LA PREUVE DE L’EMPLOYEUR
[75] Avant de présenter son premier témoin, le représentant de l’employeur admet que le travailleur a été exposé au plomb durant les années travaillées chez ce dernier.
Le témoignage du docteur Margit Bleecker
[76] Le représentant de l’employeur fait entendre le docteur Margit Bleecker, médecin au Center for Occupational and Environmental Neurology de Baltimore.
[77] Elle dépose son curriculum vitae. Elle est neurologue et elle possède un doctorat en neuroanatomie. Elle est la directrice du Center for Occupational and Environmental Neurology et elle s’intéresse aux effets de l’exposition au plomb depuis plusieurs années.
[78] Elle explique que le plomb se présente sous deux formes : la forme organique (dans l’essence, par exemple) et la forme inorganique. C’est cette dernière forme que l’on retrouve chez l’employeur.
[79] Le plomb affecte la santé des personnes exposées. Les effets dépendent de l’intensité et de la durée de l’exposition. Le plomb affecte le sang, le système nerveux périphérique, le système rénal, la tension artérielle, le sperme. Il affecte également le système nerveux central à des concentrations variant de 400 à 600 µg/L.
[80] Les symptômes de l’exposition varient selon le genre d’intoxication observé. Ainsi, une intoxication aiguë (exposition à des niveaux de 800 à 1000 µg/L) entraîne l’épilepsie, le coma et une atteinte permanente au cerveau. L’intoxication chronique est celle observée dans la majorité des cas.
[81] Les symptômes qui peuvent être associés à une intoxication chronique sont non spécifiques. Il s’agit de fatigue, de maux de tête, d’étourdissements, d’irritabilité et de sensations étranges dans les mains.
[82] De plus, un certain niveau d’exposition doit exister pour produire des effets. Ainsi, un taux de 550 µg/L crée des effets sur le sang. Il est cependant plus difficile de mesurer les effets sur le système nerveux car ces effets ne se reflètent pas par des anomalies cliniques mais par des modifications subtiles du comportement ou des performances, modifications qui ne peuvent être qualifiées d’anormales ou de cas cliniques. Elle explique cependant qu’un changement dans les performances est observé lorsque les taux varient de 400 à 600 µg/L.
[83] Le docteur Bleecker indique que ses études ne lui ont pas permis de déceler d’anomalies cliniques au système nerveux par l’exposition au plomb. De plus, sa revue de la littérature la conduit à une conclusion similaire. Elle précise cependant que l’étude d’un groupe n’a pas pour but d’établir un diagnostic clinique. Elle précise également que, dans la constitution d’un groupe de recherche, les personnes présentant une démence ou une condition psychiatrique seraient exclues. Toutefois, quelques études mettraient en évidence une atteinte neurologique permanente à la suite d’une exposition chronique au plomb. Le docteur Bleecker critique ces études.
[84] Par la suite, elle parle de celles qu’elle a effectuées. Elle indique que son étude démontre une différence statistiquement significative au niveau des performances lors de tests neuropsychologiques administrés entre les travailleurs ayant fait l’objet d’une exposition importante au plomb et ceux ayant fait l’objet d’une faible exposition. Cependant, cette différence n’est pas cliniquement significative en ce sens que, de ce point de vue, il n’existe pas une grande disparité entre ces deux groupes.
[85] Le docteur Bleecker poursuit en analysant les deux diagnostics proposés dans ce dossier. Selon elle, les diagnostics de démence et de syndrome cérébral organique sont similaires. Ils impliquent tous deux une détérioration en regard d’un état antérieur au plan de l’orientation, de la mémoire ou de la capacité de raisonner. Or, avant de conclure au sujet de cette détérioration, il faut bien connaître l’état antérieur. Il faut également prendre en compte le niveau de scolarité du travailleur puisqu’un bas niveau de scolarité peut affecter la performance aux tests neuropsychologiques. Enfin, il faut aussi éliminer les autres causes de la démence soit la maladie de Alzheimer, l’hypertension chronique, les maladies affectant le taux de sodium sanguin, un taux de calcium trop élevé, une maladie de la glande thyroïde, le diabète, une tumeur, un traumatisme à la tête, une chirurgie cardiaque avec perfusion, une maladie neurologique comme la maladie de Parkinson, les causes inconnues et le style de vie (prise de drogues ou d’alcool). Sa revue de la littérature médicale ne lui a pas permis de retrouver un cas rapporté de démence ou de syndrome cérébral organique à la suite d’une exposition chronique et de bas niveau au plomb.
[86] Le docteur Bleecker procède ensuite à l’analyse des taux de plombémie retrouvés dans ce dossier et elle explique son mode de calcul. Elle retient un taux moyen de 496 µg/L. Se rapportant à son étude, le travailleur aurait été classé dans le groupe ayant fait l’objet d’une exposition importante. Elle estime cependant que les données compilées sur les formulaires ne permettent pas de conclure que ce dernier présente des symptômes d’intoxication reliée au plomb. De plus, ses performances aux tests neuropsychologiques ne correspondent pas au degré d’atteinte allégué par ce dernier. Au surplus, son niveau de scolarité et son syndrome du tunnel carpien peuvent interférer dans la fiabilité de ces tests.
[87] Le docteur Bleecker remarque que, dans ce dossier, le travailleur travaille durant 33 ans sans se plaindre et ce n’est que lors d’un arrêt du travail pour des problèmes cardiaques qu’une investigation sur les effets du plomb est amorcée. À son avis, il n’y a pas d’association temporelle entre l’apparition des symptômes et l’exposition au plomb du travailleur.
[88] Elle reprend le texte de son expertise et elle conclut qu’il n’existe pas de lien entre les diagnostics de démence ou de syndrome cérébral organique et le travail du travailleur. Elle met même en doute ces diagnostics en l’absence de preuve d’une détérioration de l’état mental et des performances de ce dernier.
LA PREUVE DU TRAVAILLEUR
[89] Le représentant du travailleur dépose les politiques de la CSST au sujet des maladies reliées à l’exposition au plomb inorganique. Il fait aussi entendre le travailleur.
Le témoignage du travailleur
[90] Ce dernier indique que, au début de son travail chez l’employeur, il y a beaucoup de poussières et de fumées.
[91] Avec les années, il constate que sa mémoire est moins bonne. De plus, la vie ne l’intéresse plus, il est dépressif, il devient agressif. Au travail, il se fatigue facilement.
[92] Il estime présenter ces symptômes depuis 10-15 ans. Ils apparaissent graduellement et, au fur et à mesure, il s’aperçoit qu’il n’est plus comme avant.
[93] Depuis qu’il n’est plus au travail, il se sent mieux. Il croit que sa mémoire revient un peu.
Le témoignage de la fille du travailleur
[94] Madame Sylvie Saint-Amand témoigne également pour le travailleur. Elle est la fille de ce dernier. Elle vit avec son père jusqu’en 1999.
[95] Elle relate un changement de comportement graduel chez le travailleur avec une dégradation accentuée à partir du début des années 1990.
[96] Elle constate que son père éprouve des difficultés d’orientation. Il peine à se retrouver ou à se déplacer en ville.
[97] De même, il faisait beaucoup de mots croisés et, petit à petit, il abandonne cette activité. Il démontre des difficultés de compréhension de documents qu’il comprenait auparavant. Il perd des objets. Il oublie des choses. Il lui fait répéter des informations qu’il connaît déjà comme son secteur d’étude.
Le témoignage de monsieur Norman King
[98] Monsieur Norman King témoigne pour le travailleur.
[99] Il reprend, à peu de choses près, les données et les conclusions retrouvées au document réalisé le 15 janvier 2001 par ce dernier.
[100] Il insiste sur le fait que les résultats d’une étude ne tiennent pas compte des susceptibilités individuelles. Cependant, l’examen clinique permet de considérer cet aspect.
[101] Il commente également certaines études jointes à son expertise. Il estime que ces études démontrent des impacts neuropsychologiques lorsque les taux de plombémie se situent entre 400 et 600 µg/L. Il précise toutefois que ces études n’analysent pas les effets cumulatifs du plomb.
[102] Il admet, de plus, que les auteurs ne traitent pas de la relation existant entre un syndrome cérébral organique ou une démence et l’exposition au plomb. Ils ne parlent que des effets neurotoxiques généraux sans proposer ou identifier de diagnostic précis.
[103] En ce qui concerne le travailleur, il considère que ce dernier présente, la plupart du temps, des taux de plombémie qui avoisinent ou dépassent 400 µg/L. Ce taux est similaire ou même plus important que ceux constatés chez les travailleurs faisant l’objet de ces études. Or, ces travailleurs présentent des séquelles. Il est donc permis de penser que le travailleur est à risque de développer une atteinte neuropsychologique.
Le témoignage du docteur Serge Lecours
[104] Le docteur Serge Lecours, médecin, offre un court témoignage pour le travailleur. Il indique avoir pris les données nécessaires à son rapport d’évaluation médicale dans les documents reçus du CLSC Lac Saint-Louis. Il dépose, à ce sujet, une fiche faisant état des taux de plombémie constatés en 1976 et jetant un doute sur l’exactitude des données colligées pour les mois de février, mai et juin 1976 (taux de 150 µg/L, 240 µg/L et 170 µg/L). Ces derniers taux seraient rattachés à une analyse d’urine et non à une plombémie sanguine.
Le témoignage du docteur Christophe Nowakowski
[105] Le docteur Christophe Nowakowski, psychiatre, témoigne pour le travailleur.
[106] Il explique que, au cours des années, il développe une expertise en ce qui concerne les maladies reliées à l’intoxication au plomb vu son association de longue date avec le docteur Lecours.
[107] C’est d’ailleurs le docteur Lecours qui lui dirige le travailleur afin d’évaluer la détérioration cognitive dont se plaint ce dernier. Il reçoit le travailleur sans son dossier et, avec les informations mises à sa disposition, il estime que les problèmes constatés peuvent être reliés à son exposition au plomb. Il croit cependant que d’autres tests sont nécessaires d’où l’évaluation neuropsychologique de madame Bérubé.
[108] À la suite de cette évaluation, il est d’avis que le travailleur présente une atteinte cognitive documentée qui est probablement reliée à son exposition au plomb.
[109] Il discute, par la suite, des diagnostics retenus par les docteurs Saint-Maurice et Lecours. Il considère que ces diagnostics sont compatibles. Il réfère au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV)[2] concernant le diagnostic de démence. La démence y est ainsi définie :
La caractéristique essentielle de la démence est l’apparition de déficits cognitifs multiples qui comportent une altération de la mémoire et au moins l’une des perturbations suivantes : aphasie, apraxie, agnosie ou perturbations des fonctions exécutives. Les déficits cognitifs doivent être suffisamment sévères pour entraîner une altération significative du fonctionnement professionnel ou social et doivent représenter un déclin par rapport au niveau du fonctionnement antérieur. Le diagnostic de démence ne doit pas être porté si les déficits surviennent exclusivement au cours d’un delirium. Si la démence est présente lorsque le delirium ne l’est plus, les deux diagnostics doivent être portés. La démence peut être reliée étiologiquement à une affection médicale générale, aux effets persistants de l’utilisation d’une substance (notamment l’exposition à une substance toxique), ou à une combinaison de ces facteurs.
[…]
[…] Les sujets peuvent n’avoir que peu ou pas conscience de la perte de mémoire ou des autres anomalies cognitives. […] Les individus atteints de démence sont particulièrement sensibles aux facteurs de stress physiques (p. ex., maladie bénigne ou petite chirurgie) et psychologiques (p. ex., aller à l’hôpital, être en deuil), qui peuvent augmenter leurs déficits intellectuels et les symptômes associés.
[…]
L’évaluation des fonctions intellectuelles doit tenir compte du milieu culturel et de l’éducation.
[…]
L’âge du début de la démence dépend de l’étiologie mais il est habituellement tardif et la prévalence la plus élevée se situe après 85 ans.
[110] Le docteur Nowakowski retrouve chez le travailleur la perte de la mémoire et certains problèmes décrits à ce texte. Il est donc d’avis que, techniquement, le diagnostic de démence peut être justifié. Cependant, bien que le travailleur présente des déficits cognitifs, il n’aurait peut-être pas retenu un tel diagnostic.
[111] De son côté, le docteur Lecours propose un diagnostic de syndrome cérébral organique. Il s’agit d’un terme très général qui décrit des perturbations des fonctions cognitives ou neurologiques supérieures dues à une atteinte structurelle, métabolique, clinique ou neurologique du cerveau.
[112] En somme, selon le docteur Nowakowski, les diagnostics utilisés par les docteurs Lecours et Saint-Maurice convergent vers une même réalité : le travailleur présente une atteinte des fonctions cognitives constatée lors des examens et des tests spécifiques.
[113] Maintenant, cette atteinte est-elle reliée à l’exposition ou à l’intoxication au plomb ?
[114] Le docteur Nowakowski reconnaît qu’une telle atteinte peut découler d’une maladie de Alzheimer ou d’une maladie vasculaire ou d’une intoxication au plomb. Pour départager ces possibilités, il croit qu’il faut tenir compte de l’intensité et de la durée de l’exposition au plomb et de la relation chronologique entre l’apparition des problèmes cognitifs et cette exposition. Il faut également éliminer les causes les plus fréquentes de la démence. Ce n’est qu’après cet exercice que l’examinateur est en mesure de conclure sur les causes de la démence ou du syndrome cérébral organique.
[115] Il voit le travailleur en 1998 alors que ce dernier rapporte des problèmes dès 1988. Il serait étonnant, compte tenu de la détérioration lente et sur une longue période, que le diagnostic de maladie de Alzheimer soit en cause. De plus, l’état du travailleur se détériore peu ou pas et même s’améliore légèrement entre 1998 et 2001. Un tel développement est peu compatible avec une maladie de Alzheimer.
[116] Par ailleurs, en 1998, le travailleur cesse de travailler en raison d’une athérosclérose. Ce phénomène peut certes atteindre les artères irriguant le cerveau. Cependant, dans ce dossier, les problèmes apparaissent graduellement, de façon insidieuse. Ce n’est pas le mode d’apparition usuel d’une démence d’origine vasculaire. De plus, l’échographie cardiaque et le Doppler de la région cervico-encéphalique et du duplex carotidien sont normaux. Il est donc peu probable que les malaises du travailleur soient reliés à ses problèmes vasculaires.
[117] Il reste l’exposition au plomb durant une trentaine d’années. Les problèmes cognitifs présentés par le travailleur sont cohérents avec une telle exposition. De plus, les taux de plombémie relevés chez ce dernier suffisent pour créer une telle démence.
[118] Le docteur Nowakowski explique qu’en toxicologie, les recherches sont limitées. Les scientifiques ne peuvent rendre les gens malades sous prétexte d’étudier les effets d’un produit. Les recherches ne peuvent donc porter que sur des gens atteints de façon accidentelle. Or, les études scientifiques révèlent que le plomb affecte les fonctions cognitives à un taux de 400 µg/L. Les effets sont alors décelables par des tests spécifiques sans pour autant créer une pathologie.
[119] Ces données sont tirées de statistiques générales ; c’est donc dire que ces résultats peuvent varier selon les individus.
[120] Ainsi, un individu plus fragile peut être affecté à des taux plus bas et peut également présenter une pathologie. Il faut donc analyser les résultats des études en tenant compte de cette réalité.
[121] De plus, une revue de la littérature sur la question du plomb permet de constater une évolution des normes avec les années. En effet, les normes acceptables sont en constante diminution.
[122] Donc, lorsque le docteur Bleecker fait une analyse statistique basée sur les données actuelles, elle peut tirer des conclusions générales justes. Cependant, lorsqu’on tient compte de la susceptibilité individuelle et des effets subtils du plomb, le travailleur peut certainement souffrir d’une atteinte secondaire au plomb, surtout si l’on considère les taux de plombémie relevés chez ce dernier et les résultats des tests neuropsychologiques. De même, le docteur Bleecker évalue l’exposition au plomb du travailleur en omettant de considérer les années sans mesure. Or, plus on remonte dans le temps, plus l’exposition est importante car les normes sont moins sévères. Ses conclusions sur l’exposition du travailleur sont faussées à cet égard.
[123] Le docteur Nowakowski estime qu’une plombémie avoisinant les 400 µg/L peut donner des atteintes neuropsychologiques non spécifiques à savoir des déficits mnésiques, plus particulièrement dans l’apprentissage de données nouvelles, des problèmes visuo-cognitifs, des problèmes aux fonctions exécutives et des troubles d’attention. Le travailleur présente de tels problèmes selon les deux évaluations neuropsychologiques réalisées dans ce dossier.
[124] Le docteur Nowakowski dépose un texte intitulé Prevention of Neurotoxic Illness in Working Populations[3]. Dans ce document, les auteurs dressent un tableau des manifestations cliniques et des causes des atteintes au système nerveux central. Ils identifient le plomb à titre de substance neurotoxique. Ils font état des symptômes reliés à l’exposition chronique en ces termes :
Mood changes (irritability, depression), sleep disorders ; difficulty concentrating ; memory complaints ; symptoms are more noticeable to relatives than to patient.
[125] Ils divisent, par la suite, les maladies qui peuvent résulter de cette exposition en deux parties : l’encéphalopathie toxique chronique légère et l’encéphalopathie toxique chronique sévère qu’ils qualifient de démence. Les symptômes et les signes reliés à cette dernière catégorie sont les suivants :
Significant loss of ability to perform activities of daily living-difficulty in comprehension, profound memory loss, reduced verbal fluency.
Testing compatible with severe neurological damage and neuropsychological impairment as seen in dementia.
[126] Le docteur Nowakowski indique que la démence induite par l’exposition au plomb est certes rare mais elle n’est pas exclue par les auteurs. De plus, ces auteurs réitèrent la mise en garde en ce qui concerne les susceptibilités individuelles. Ces auteurs appuient donc, dans une certaine mesure, les conclusions des médecins ayant examiné le travailleur.
LA CONTRE-PREUVE DU DOCTEUR MARGIT BLEECKER
[127] Le docteur Bleecker revient commenter la preuve présentée par le travailleur.
[128] Elle indique que les chiffres qu’elle propose au sujet de l’exposition cumulative au plomb du travailleur sont très près des résultats suggérés par monsieur King même si elle ne tient pas compte des dix premières années d’exposition. La différence observée est peu significative et n’a pas d’impact sur le témoignage offert préalablement.
[129] Elle discute, par la suite, de la littérature médicale. Elle note qu’aucune étude épidémiologique n’a porté sur le risque de développer une démence après une exposition au plomb. Elle réfère à l’étude qu’elle a pilotée et qui a été citée par monsieur King. Elle remarque que le groupe très exposé au plomb présente une modification des performances aux tests neuropsychologiques. Cependant, ces modifications demeurent dans le domaine de la normalité ; elles ne correspondent pas et ne supportent pas un diagnostic de démence. De plus, son étude vise 467 travailleurs et aucun n’a présenté une plus grande susceptibilité à l’exposition au plomb. La thèse des susceptibilités personnelles n’est donc pas démontrée. En outre, le dossier médical du travailleur ne fait pas état de symptômes particuliers d’intoxication au plomb. Or, s’il était plus susceptible de s’intoxiquer qu’un autre travailleur, il aurait dû présenter des symptômes bien avant 1998.
[130] Elle commente également le dernier document déposé par le docteur Nowakowski. Elle croit que l’encéphalopathie toxique chronique sévère qui y est mentionnée suppose une exposition majeure et soutenue au plomb. Ce n’est pourtant pas ce qu’on retrouve au présent dossier. De plus, les temps requis pour développer les maladies décrites se calculent en semaines et en mois et non en années. En conséquence, le travailleur aurait dû développer des symptômes rapidement à la suite de son exposition.
[131] Enfin, le docteur Bleecker considère que les tests neuropsychologiques effectués chez le travailleur ne révèlent pas de détérioration de son état compatible avec le diagnostic de démence.
[132] En effet, il obtient des résultats conformes à son niveau d’éducation et à son quotient intellectuel. De plus, le travailleur présente une dépression qui altère l’acquisition de nouvelles informations, la mémoire et les activités motrices. Cette condition explique donc les trouvailles de madame Bérubé.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
[133] Le représentant de l’employeur soutient que, bien que le travailleur ait été exposé au plomb dans le cadre de son travail, il n’a pas subi d’intoxication au plomb.
[134] En effet, les taux de plombémie relevés, même en tenant compte de ceux proposés par le travailleur, ne démontrent pas une surexposition à ce métal. De plus, les taux baissent constamment au cours des années qui précèdent le dépôt de la demande d’indemnisation. De même, le travailleur ne fait pas l’objet d’un retrait préventif par les professionnels de la santé chargés d’évaluer sa plombémie. C’est donc dire qu’il n’y a pas eu intoxication ou risques suffisants pour entraîner un tel retrait.
[135] Par ailleurs, l’intoxication n’est pas démontrée médicalement. En effet, l’analyse du dossier médical ne révèle aucun signe objectif d’intoxication au plomb. Tous les formulaires remplis par le travailleur dans le but de déceler une problématique à cet égard sont négatifs. Les seules anomalies signalées, à savoir des engourdissements ou des insomnies ou des troubles de l’humeur, s’expliquent par un syndrome du tunnel carpien, des acouphènes et une dépression et non par une intoxication au plomb. De plus, ses tests sanguins sont normaux. Au surplus, le travailleur ne ressent pas le besoin de consulter un médecin prouvant, de ce fait, qu’il ne présente pas de symptômes d’intoxication au plomb. En outre, en 1997, le docteur Soucy précise que les symptômes rapportés par le travailleur ne sont pas ceux retrouvés lors d’une intoxication au plomb. Donc, si ces signes n’existent pas en 1997 comment peuvent-ils apparaître en 1998 alors que le travailleur n’est plus exposé en raison d’un problème cardiaque d’origine personnelle.
[136] Le représentant de l’employeur mentionne également que, en 1998, le travailleur se prête à une investigation pour ses problèmes cardiaques. Or, les nombreux examens ne mettent pas en évidence une perte de mémoire ou une détérioration de la fonction cognitive du travailleur. Cependant, l’investigation révèle une importante maladie athérosclérotique ; le travailleur subit même une perte de conscience lors d’une épreuve à l’effort. Par la suite, le travailleur devient totalement invalide. Il accuse des pertes de mémoire et des troubles mentaux et nerveux. Un tel déroulement démontre que les problèmes de ce dernier sont reliés à sa maladie cardiaque et non à l’exposition au plomb.
[137] Le représentant de l’employeur poursuit en se demandant qui est le médecin traitant du travailleur. Il conclut qu’il s’agit du docteur Saint-Maurice vu les nombreux rapports médicaux qu’il produit à la CSST.
[138] Or, ce dernier retient un diagnostic de démence qui ne peut être remis en cause par le travailleur. Il attribue cette démence à l’intoxication au plomb sans le démontrer. En effet, il n’existe aucune information au dossier permettant de déceler les éléments l’amenant à une telle conclusion.
[139] Il en est de même du rapport du docteur Nowakowski. Il est basé sur les dires du travailleur sans examen formel et conforme.
[140] En définitive, le représentant de l’employeur soutient que la seule source objective démontrant une atteinte chez le travailleur est constituée des deux rapports émis par la neuropsychologue Bérubé. Ces rapports sont effectués après la chirurgie cardiaque. Ils illustrent des séquelles mais ils ne font pas la preuve de l’origine de ces dernières.
[141] Le travailleur ne souffre donc pas d’une intoxication au plomb. En conséquence, la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] (la loi) ne peut s’appliquer.
[142] Par ailleurs, la preuve ne révèle pas que la démence présentée par le travailleur est une maladie reliée à l’intoxication au plomb. En effet, aucune étude ne tire une telle conclusion. De plus, le docteur Bleecker nie une telle hypothèse. Monsieur King et le docteur Nowakowski émettent cette opinion sans pouvoir se fonder sur des textes médicaux précis. Au surplus, la jurisprudence exige plus qu’une allégation d’un médecin traitant pour conclure à une intoxication. Elle demande une preuve médicale objective d’une telle intoxication[5]. Or, cette preuve n’est pas faite dans le présent dossier.
[143] Enfin, l’article 30 de la loi ne peut également trouver application. En effet, la démence n’est pas caractéristique ou reliée aux risques particuliers d’un travail exposant le travailleur au plomb. De plus, la preuve n’établit pas de lien entre la démence et l’exposition au plomb. Les études démontrent, tout au plus, certaines modifications des fonctions cognitives mais sans pathologie associée. Par ailleurs, la thèse de la susceptibilité individuelle du travailleur n’est pas confirmée par les études effectuées et, si susceptibilité il y a chez ce dernier, elle aurait dû entraîner des problèmes bien avant 1998.
[144] L’histoire de la maladie n’est donc pas compatible avec une relation causale entre les problèmes pour lesquels le travailleur dépose une réclamation et son exposition au plomb. La requête de l’employeur doit, en conséquence, être accueillie.
[145] Le représentant du travailleur soutient que, selon l’article 29 de la loi, deux éléments doivent être prouvés pour que ce dernier puisse bénéficier de l’application de la présomption de maladie professionnelle : l’intoxication au plomb et un travail impliquant une exposition à ce produit.
[146] Or, l’employeur ne remet pas en cause l’exposition au plomb du travailleur. Il s’oppose au premier élément de la présomption. Pourtant, le diagnostic retenu est celui de démence induite par une intoxication au plomb et ce diagnostic n’a jamais été contesté par l’employeur. Ce diagnostic correspond au premier élément de la présomption.
[147] Par ailleurs, le docteur Nowakowski a bien expliqué les symptômes requis pour diagnostiquer une démence. Le travailleur présente ces symptômes à savoir des déficits cognitifs multiples et une perte de mémoire et la littérature médicale permet de conclure que ces déficits peuvent découler d’une intoxication au plomb.
[148] Le travailleur est exposé durant 33 ans à du plomb. Son taux de plombémie moyen est plus élevé que celui relevé dans les différentes études. Les textes médicaux et les témoignages démontrent qu’un taux de plombémie supérieur à 400 µg/L peut induire des atteintes cognitives. Or, l’état du travailleur se détériore sur une période de plusieurs années. Cette détérioration est amorcée bien avant l’apparition des problèmes cardiaques de ce dernier. Ce fait est confirmé par la fille du travailleur et par les réponses retrouvées aux différents formulaires.
[149] L’atteinte des fonctions neuropsychologiques du travailleur est objectivée par les tests effectués par madame Bérubé. Cette atteinte est reliée à l’exposition au plomb tant par les docteurs Saint-Maurice, Lecours et Nowakowski.
[150] La preuve prépondérante milite donc en faveur d’une démence induite par une intoxication au plomb et, en conséquence, la présomption de maladie professionnelle s’applique au présent dossier.
[151] L’employeur n’a pas réussi à renverser cette présomption. Il n’a fait que soulever des hypothèses non prouvées pour en arriver à cette fin. Ainsi, il prétend que les troubles cognitifs découlent de l’athérosclérose. Pourtant, les tests spécifiques ne permettent pas d’en venir à une telle conclusion et, au surplus, tous les médecins ayant examiné le travailleur connaissent cette condition et maintiennent le lien entre l’état du travailleur et son exposition au plomb.
[152] De même, madame Bérubé et la fille du travailleur affirment que l’état du travailleur n’est pas influencé par cette maladie. Le représentant de l’employeur soulève également la possibilité qu’un syndrome du tunnel carpien influence les symptômes rapportés par le travailleur. Or, ce diagnostic est évoqué mais non prouvé. Aucune électromyographie n’est effectuée visant à le confirmer. Cette thèse ne peut donc être retenue.
[153] Si la Commission des lésions professionnelles en venait à la conclusion que la présomption de maladie professionnelle ne peut s’appliquer, la décision devrait tout de même être maintenue puisque, selon l’article 30 de la loi, la démence dont souffre le travailleur est reliée aux risques particuliers du travail de ce dernier.
[154] En effet, ce travail l’expose à d’importantes doses de plomb et la littérature médicale démontre qu’une atteinte cognitive peut découler d’une exposition similaire.
[155] Il demande donc à la Commission des lésions professionnelles de maintenir la décision rendue par la révision administrative et il dépose quelques décisions au soutien de son argumentation[6].
L'AVIS DES MEMBRES
[156] Le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’il y a lieu de rejeter la requête déposée par l’employeur.
[157] En effet, la preuve prépondérante, constituée par les expertises et opinions des docteurs Caron, Saint-Maurice, Lecours et de la neuropsychologue Bérubé et appuyée par les témoignages du travailleur, de sa fille, de monsieur King et par la littérature médicale, permet de conclure que les problèmes présentés par le travailleur proviennent de son exposition chronique au plomb durant de nombreuses années à des taux limites.
[158] Le travailleur souffre donc d’une intoxication par un métal, le plomb, et il a accompli un travail l’exposant à ce métal. Il peut donc bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à la loi. La preuve présentée par l’employeur ne permettant pas de renverser cette présomption, la décision rendue par la révision administrative doit être maintenue dans son intégralité.
[159] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête déposée par l’employeur et de déclarer que le travailleur n’a pas été victime d’une maladie professionnelle.
[160] En effet, il estime que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que le travailleur a subi une intoxication réelle au plomb puisque, d’une part, la preuve médicale n’établit pas que l’atteinte dont souffre le travailleur est reliée d’une quelconque façon à son exposition au plomb et puisque, d’autre part, le travailleur n’a pas été exposé à des niveaux de plomb susceptibles d’affecter sa santé. Il n’a d’ailleurs jamais dû être retiré du travail en raison de cette exposition. De plus, plusieurs autres hypothèses peuvent expliquer les déficits constatés chez ce dernier.
[161] Le travailleur n’ayant pas subi d’intoxication au plomb, il ne peut bénéficier de l’application de la présomption de maladie professionnelle.
[162] Une maladie professionnelle ne peut également être reconnue en vertu de l’article 30 de la loi puisque la preuve ne permet pas d’établir que l’atteinte présentée par le travailleur est caractéristique de son travail ou reliée aux risques particuliers de son travail.
[163] En somme, la preuve ne milite pas en faveur d’un lien entre les diagnostics de démence ou de syndrome cérébral organique et l’exposition au plomb du travailleur et les décisions rendues doivent être infirmées.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[164] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si le travailleur a été victime d’une maladie professionnelle le 22 mai 1998.
[165] Cette détermination comporte plusieurs volets qui peuvent être exposés ainsi :
-dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit préciser la lésion dont est atteint le travailleur ;
-dans un deuxième temps, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur peut bénéficier de l’application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi. Pour ce faire, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur présente une intoxication au plomb et s’il a été exposé à ce produit ;
-dans l’éventualité où cette présomption est applicable, la Commission des lésions professionnelles doit, dans un troisième temps, vérifier si l’employeur a réussi à renverser cette présomption ;
-enfin, dans l’éventualité où cette présomption est inapplicable, la Commission des lésions professionnelles doit statuer sur l’existence d’une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi.
[166] Avant de procéder à cette analyse, la Commission des lésions professionnelles rappelle que ses conclusions doivent être basées sur la preuve prépondérante présentée et non sur la certitude scientifique. Cette distinction est importante puisque la causalité scientifique, plus exigeante, diffère de la causalité en droit. Comme l’exprimait le juge Gonthier de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Laferrière v. Lawson[7]:
La causalité en droit n'est pas identique à la causalité scientifique.
La causalité en droit doit être établie selon la prépondérance des probabilités, compte tenu de toute la preuve, c'est-à-dire la preuve factuelle, la preuve statistique et les présomptions.
[167] La Commission des lésions professionnelles compte donc appliquer les critères de la causalité en droit à la présente affaire.
La lésion dont souffre le travailleur
[168] Avant même d’analyser l’applicabilité de l’article 29 de la loi, la Commission des lésions professionnelles croit opportun d’établir le ou les diagnostics à retenir dans ce dossier vu les arguments présentés de part et d’autre à ce sujet.
[169] D’entrée de jeu, la Commission des lésions professionnelles rappelle que, selon l’article 224 de la loi, elle est liée par le ou les diagnostics proposés par le ou les médecins traitants du travailleur.
[170] Or, dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles constate que le travailleur est examiné par quatre médecins, les docteurs Caron, Saint-Maurice, Lecours et Nowakowski.
[171] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les docteurs Caron et Nowakowski ne peuvent être identifiés à titre de médecins traitants dans le cadre de la présente réclamation puisque le premier ne produit qu’un seul rapport médical et le deuxième rencontre le travailleur une seule fois afin de procéder à une expertise. Les diagnostics retenus par ces deux médecins ne peuvent donc lier la Commission des lésions professionnelles.
[172] Cependant, la Commission des lésions professionnelles remarque que les docteurs Saint-Maurice et Lecours s’occupent tous les deux de l’état de santé du travailleur. Ils le voient aussi régulièrement l’un que l’autre. De son côté, le docteur Lecours produit le rapport final et le rapport d’évaluation médicale. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc déterminer que seul le docteur Saint-Maurice est le médecin traitant du travailleur puisque le docteur Lecours participe également au suivi médical. La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis qu’elle est liée par les deux diagnostics suggérés par ces médecins, à savoir une démence et un syndrome cérébral organique.
[173] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles estime que ces diagnostics ne sont pas incompatibles ou contradictoires. Selon la preuve non contredite offerte par le docteur Nowakowski, preuve confirmée par le docteur Bleecker, ils sont le reflet d’une même réalité soit une atteinte des fonctions cognitives du travailleur.
[174] La Commission des lésions professionnelles évaluera donc l’applicabilité de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi en regard de l’un ou l’autre de ces diagnostics.
La présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi
[175] Le présent dossier porte sur l’existence d’une maladie professionnelle. Il n’existe d’ailleurs aucun élément permettant de rattacher la démence ou le syndrome cérébral organique du travailleur à un événement particulier ou à une lésion antérieure. Il ne saurait donc être question d’un accident du travail ou d’une récidive, rechute ou aggravation en l’espèce. De plus, les diagnostics retenus ne correspondent pas à la notion de blessure prévue à l’article 28 de la loi. La présomption de lésion professionnelle décrite à cet article n’est donc d’aucun secours au travailleur.
[176] La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si le travailleur a été victime d’une maladie professionnelle en application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi.
[177] Pour reconnaître une telle maladie, le travailleur doit démontrer qu’il souffre d’une maladie énumérée à l’annexe I de la loi et qu’il a accompli un travail correspondant à cette maladie.
[178] Le travailleur invoque souffrir d’une intoxication au plomb.
[179] La section I de l’annexe I de la loi porte sur les maladies causées par des produits ou des substances toxiques.
[180] Elle permet l’application de la présomption lorsque la preuve révèle l’existence d’une intoxication par les métaux et leurs composés toxiques organiques ou inorganiques et l’accomplissement d’un travail impliquant l’utilisation, la manipulation ou une autre forme d’exposition à ces métaux.
[181] Le travailleur doit donc démontrer qu’il présente une intoxication au plomb et qu’il a accompli un travail l’exposant à ce produit.
[182] La composante « exposition au plomb » est vite résolue. Le représentant de l’employeur admet que le travailleur a été exposé à cette substance dans le cadre de son travail chez ce dernier et, de toute façon, la nature même des activités de l’employeur et les mesures mises en place sont éloquentes à cet égard. Le travailleur a donc exercé un travail l’exposant au plomb.
[183] Maintenant, le travailleur souffre-t-il d’une intoxication à ce produit ?
[184] Le terme « intoxication » n’est pas défini dans la loi. Cependant, la jurisprudence et certains documents déposés fournissent des renseignements permettant de cerner ce concept et d’en proposer une définition.
[185] Ainsi, dans l’affaire Stacey et Allied Signal Aérospatiale inc[8], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) précise que la notion d’intoxication prévue à l’annexe I de la loi vise non seulement l’intoxication aiguë mais également l’intoxication chronique. De plus, le tribunal peut conclure à une intoxication même si le médecin traitant du travailleur n’utilise pas cette expression. Il suffit que la preuve démontre que la maladie diagnostiquée découle d’une exposition au produit toxique identifié.
[186] Par ailleurs, dans l’affaire Gagné et Miron inc.[9], la Commission d’appel décrit ainsi ce que constitue une intoxication en référant au sens commun de ce terme :
Le Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris : Dictionnaire Le Robert, 1989, nous fournit la définition suivante :
Intoxication : (.) Action nocive qu’exerce une substance toxique (poison) sur l’organisme; ensemble des troubles qui en résultent. (.)
[187] Cette définition est reprise dans l’affaire Stacey précitée.
[188] Enfin, le Comité médical provincial en santé au travail du Québec suggère que le « diagnostic d’intoxication suppose la mise en évidence de certaines anomalies fonctionnelles et physiologiques ».
[189] Que conclure de ces documents ? De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il faut distinguer entre une exposition à une substance toxique et une intoxication à cette substance. Une intoxication exige le développement d’une pathologie découlant de l’exposition au produit toxique. En conséquence, pour reconnaître une intoxication au plomb, le travailleur doit démontrer qu’il souffre d’une maladie reliée à son exposition au plomb. Le travailleur doit donc prouver que sa démence ou son syndrome cérébral organique sont causés par son exposition au plomb.
[190] Or, après avoir analysé l’ensemble de la preuve présentée, la Commission des lésions professionnelles estime que la démence ou le syndrome cérébral organique diagnostiqués chez le travailleur découlent de son exposition au plomb pour les raisons suivantes.
[191] En premier lieu, la Commission des lésions professionnelles constate que, peu importe qu’elle retienne les données suggérées par le docteur Bleecker ou celles proposées par monsieur King, le travailleur présente un taux moyen de plombémie avoisinant les 500 µg/L. La littérature médicale déposée fait état d’atteintes neuropsychologiques à des taux de plombémie égaux ou supérieurs à 400 µg/L Or, le travailleur souffre d’une atteinte des fonctions cognitives, atteinte objectivée par la neuropsychologue Bérubé lors de deux tests réalisés par cette dernière. De plus, madame Bérubé croit que cette atteinte est compatible avec une surexposition au plomb.
[192] En second lieu, la Commission des lésions professionnelles remarque que, selon la brochure élaborée par le CLSC Lac Saint-Louis, les symptômes d’une intoxication au plomb sont la fatigue, le mauvais sommeil, les maux de tête, les douleurs musculaires et articulaires, les troubles digestifs, les douleurs abdominales, la perte d’appétit et les troubles d’humeur et de comportement. De son côté, le docteur Bleecker précise que les symptômes associés à une intoxication chronique au plomb sont non spécifiques. Elle ajoute à ceux retenus par le CLSC les étourdissements, l’irritabilité et les sensations étranges dans les mains. Or, les formulaires complétés par le travailleur en 1992, 1995, 1996 et 1997 font état d’insomnie, de troubles de l’humeur, de troubles digestifs et d’engourdissements et de faiblesse aux bras et aux doigts. De plus, en 1998, le travailleur rapporte des problèmes similaires lors de sa rencontre avec le docteur Lecours. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ces symptômes sont compatibles avec ceux observés lors d’une intoxication au plomb même si le travailleur ou le docteur Soucy les attribuent à d’autres causes comme les acouphènes ou un syndrome du tunnel carpien.
[193] En troisième lieu, en 1997, le docteur Soucy soupçonne une intoxication au plomb et ce, avant même que le travailleur fasse l’objet d’une investigation pour ses problèmes cardiaques. C’est donc dire que le travailleur présente un taux de plombémie alarmant à cette époque.
[194] En quatrième lieu, en février 1998, le docteur Caron est d’avis que le travailleur souffre de saturnisme chronique. Il attribue donc les problèmes de ce dernier à son exposition au plomb.
[195] En cinquième lieu, la Commission des lésions professionnelles constate que, selon le DSM-IV, la démence du travailleur est précoce. Il est donc moins probable qu’elle soit le fruit du vieillissement de ce dernier.
[196] Enfin, en dernier lieu, les docteurs Nowakowski et Lecours identifient l’exposition au plomb du travailleur comme cause la plus probable des problèmes neuropsychologiques constatés chez ce dernier.
[197] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le travailleur présente une pathologie, à savoir une démence ou un syndrome cérébral organique, découlant de son exposition au plomb. Il peut donc bénéficier de l’application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi.
[198] La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si l’employeur a réussi à écarter ou à renverser cette présomption.
Le renversement de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi
[199] L’employeur propose plusieurs moyens visant à repousser ou renverser l’application de cette présomption. La Commission des lésions professionnelles compte analyser ces derniers.
[200] Dans un premier temps, l’employeur soutient que le degré d’exposition au plomb du travailleur est insuffisant pour engendrer une quelconque maladie chez ce dernier et encore moins une démence ou un syndrome cérébral organique. Il base cette assertion sur le témoignage du docteur Bleecker, sur les taux de plombémie relevés au dossier et sur les différentes études réalisées à ce sujet. Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir ces éléments pour les motifs suivants.
[201] D’une part, le degré d’exposition au plomb du travailleur est important. Le docteur Bleecker admet même que le travailleur aurait été classé dans les travailleurs fortement exposés s’il avait participé à ses études.
[202] Or, même si les taux de plombémie présentés par le travailleur respectent les normes légales, le respect de ces normes ne garantit pas que l’exposition est sans effet pour l’organisme humain. Les critiques faites sur ces taux et les recommandations à la baisse proposées par des organismes spécialisés sont éloquentes à cet égard.
[203] D’autre part, le travailleur est exposé de 1964 à 1976 sans qu’aucune mesure ne soit effectuée. À l’instar de monsieur King, la Commission des lésions professionnelles considère que l’exposition du travailleur à cette époque a dû être plus importante que celle constatée durant les dernières années vu les restrictions de plus en plus sévères imposées en cette matière et le commentaire fait par l’employeur, le 28 octobre 1998, à l’agent d’indemnisation de la CSST. Les extrapolations faites par ce dernier semblent donc conservatrices mais elles valent mieux que l’absence d’évaluation du docteur Bleecker. Or, comme mentionné précédemment, le taux de plombémie moyen du travailleur dépasse les 500 µg/L. Selon l’ensemble de la littérature médicale déposée, ce taux est suffisant pour produire des atteintes neuropsychologiques.
[204] Il est vrai qu’aucune étude ne conclut spécifiquement à une démence ou à un syndrome cérébral organique à la suite d’une telle exposition. Cependant, le but des études épidémiologiques n’est pas d’établir un diagnostic clinique. Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles constate que ces études mettent en lumière une panoplie de symptômes reliés à l’exposition au plomb. Ces symptômes correspondent à ceux présentés par le travailleur et, de surcroît, ils sont similaires à ceux décrits au DSM-IV au chapitre de la démence. Ces études appuient donc, dans une certaine mesure, les prétentions du travailleur.
[205] De plus, selon les témoignages offerts par monsieur King et par le docteur Nowakowski, témoignages qui trouvent écho dans la littérature médicale, les études épidémiologiques sont des études statistiques. Elles proposent des résultats qui peuvent varier selon les individus. Donc, même si, dans les études, les travailleurs ne présentent pas de pathologies reliées à leur exposition au plomb mais seulement des atteintes décelables par des tests spécifiques, il n’est pas exclus qu’un travailleur en particulier dévie de cette statistique et développe une telle maladie surtout lorsque, comme en l’espèce, l’exposition au plomb a été importante et prolongée.
[206] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le degré d’exposition au plomb du travailleur ne permet pas d’écarter la présomption de maladie professionnelle dont bénéficie ce dernier.
[207] Dans un deuxième temps, l’employeur soutient que la symptomatologie présentée par le travailleur s’explique par des maladies personnelles dont souffre ce dernier. Il soulève la possibilité que sa démence découle d’une maladie de Alzheimer ou de ses problèmes cardiaques et d’athérosclérose ou de sa chirurgie cardiaque et que les symptômes rapportés aux membres supérieurs soient attribuables à un syndrome du tunnel carpien.
[208] Le docteur Bleecker soulève également plusieurs autres hypothèses (une dépression, une hypertension chronique, des maladies affectant le taux de sodium sanguin, un taux de calcium trop élevé, une maladie de la glande thyroïde, le diabète, une tumeur, un traumatisme à la tête, une maladie de Parkinson ou la prise de drogues ou d’alcool) quant à l’origine des problèmes notés chez le travailleur.
[209] Or, d’une part, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’est pas nécessaire que le travailleur élimine toutes les causes possibles de ses malaises pour pouvoir bénéficier de l’application de la présomption de maladie professionnelle. Il suffit qu’il établisse, de façon prépondérante, que sa maladie est reliée à son exposition au plomb.
[210] D’autre part, la Commission des lésions professionnelles constate que la plupart des hypothèses soulevées par le docteur Bleecker ne sont pas supportées par la preuve. En effet, le dossier médical du travailleur ne recèle aucun indice permettant de conclure que le travailleur souffre des maladies décrites par cette dernière.
[211] Cependant, le travailleur présente effectivement des problèmes cardiaques et dépressifs. De plus, un syndrome du tunnel carpien droit est soupçonné chez ce dernier. En outre, le diagnostic de maladie de Alzheimer est considéré par les médecins examinateurs. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que ces maladies ne sont pas la cause de la démence ou du syndrome cérébral organique du travailleur ou de ses mauvaises performances aux tests neuropsychologiques pour les raisons suivantes.
[212] En premier lieu, la Commission des lésions professionnelles retient la preuve offerte par le docteur Nowakowski au sujet de l’évolution de la maladie de Alzheimer. Or, les symptômes du travailleur se développent sur une très longue période et son état de santé reste stable ou s’améliore à la suite de son retrait du travail. Une telle évolution est incompatible avec une maladie de Alzheimer.
[213] En second lieu, le syndrome du tunnel carpien droit invoqué par le docteur Bleecker n’est pas prouvé. Il s’agit d’une possibilité évoquée par le docteur Soucy mais qui n’a fait l’objet d’aucune investigation par les médecins traitants du travailleur. C’est donc dire que cette première impression du docteur Soucy n’a pas créé l’unanimité dans le monde médical. De plus, en 1998, le travailleur rapporte une perte de dextérité de sa main gauche. Or, cette main n’a jamais fait l’objet d’un diagnostic de syndrome du tunnel carpien. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc se baser sur un syndrome du tunnel carpien hypothétique pour expliquer des symptômes qui, selon la littérature médicale, peuvent se rapporter à une intoxication au plomb.
[214] En dernier lieu, le dossier révèle que le travailleur souffre d’une maladie cardiaque et d’athérosclérose. Cependant, la gravité de cette condition ne ressort pas des tests spécifiques effectués. En effet, le docteur Thibert ne croit pas, au départ, que le travailleur est un candidat à une chirurgie vu l’atteinte à un seul niveau. De plus, l’échographie et le Doppler sont normaux. Au surplus, la thèse d’une atteinte cognitive découlant de la chirurgie cardiaque n’est pas supportée par la preuve. En effet, le diagnostic de démence est retenu dès le mois de mai 1998 et la chirurgie n’a lieu qu’en octobre 1998. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc identifier cette chirurgie comme cause des problèmes du travailleur. Enfin, le docteur Nowakowski explique qu’une démence d’origine vasculaire présente un mode d’apparition différent de celui constaté dans ce dossier. La Commission des lésions professionnelles retient ses conclusions. De même, la dépression notée chez le travailleur et incriminée par le docteur Bleecker ne fait pas l’objet d’un diagnostic particulier. Elle constitue davantage un symptôme de son intoxication au plomb qu’une pathologie indépendante de ce problème. Il n’y a donc pas lieu de retenir ces éléments pour écarter l’application de la présomption de maladie professionnelle.
[215] Dans un dernier temps, le docteur Bleecker met en doute les résultats obtenus par la neuropsychologue Bérubé. Elle croit que ces résultats sont conformes au niveau d’éducation et au quotient intellectuel du travailleur. En fait, ils ne seraient que le reflet des capacités réelles de ce dernier et de la dépression et du syndrome du tunnel carpien qui l’affligent. De plus, le travailleur travaille durant 33 ans sans se plaindre et ce n’est que lors d’un arrêt du travail pour des problèmes cardiaques qu’une investigation sur la question du plomb est amorcée. Il n’y aurait donc pas d’association temporelle entre l’apparition des symptômes et l’exposition au plomb. Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir ces prétentions.
[216] En effet, comme mentionné précédemment, la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que l’hypothétique syndrome du tunnel carpien ou la dépression influencent les performances du travailleur.
[217] De plus, les diagnostics de démence et de syndrome cérébral organique ne peuvent être remis en cause puisqu’ils émanent des médecins traitants du travailleur. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc les nier pour retenir la thèse suggérée par le docteur Bleecker.
[218] Par ailleurs, il ressort clairement du témoignage de la fille du travailleur que l’état cognitif de ce dernier se détériore sur une période d’environ 10 ans. La Commission des lésions professionnelles n’a aucune raison d’écarter ce témoignage livré avec sincérité. Or, ce témoignage ne permet pas de conclure que la détérioration est récente et coïncide avec les problèmes cardiaques du travailleur.
[219] En outre, sur les formulaires remplis depuis 1992, le travailleur se plaint de problèmes qui, comme mentionné précédemment, peuvent être associés à une surexposition au plomb. Au surplus, le travailleur n’a pas de médecin traitant avant d’être suivi pour ses problèmes cardiaques. Il a donc pu présenter des symptômes auparavant sans que ces derniers ne soient portés à l’attention d’un médecin.
[220] D’ailleurs, le DSM-IV et les auteurs du texte Prevention of Neurotoxic Illness in Working Populations déposé par le docteur Nowakowski mentionnent que les symptômes sont plus évidents pour les gens qui côtoient le travailleur que pour le travailleur lui-même. Ainsi, le travailleur a pu ne pas se rendre compte des anomalies cognitives qu’il présentait auparavant. Enfin, selon les données retrouvées au DSM-IV, les déficits intellectuels et les symptômes associés à la démence peuvent être accrus par des facteurs de stress physiques ou psychologiques tels aller à l’hôpital ou subir une chirurgie. Les symptômes déjà présents chez le travailleur ont donc pu être aggravés par l’investigation de son problème cardiaque ou la chirurgie. Cependant, la preuve prépondérante ne permet pas de conclure qu’ils découlent de ces facteurs.
[221] Il est vrai que le représentant de l’employeur dépose certaines décisions où l’intoxication au plomb n’a pas été reconnue. Cependant, la Commission des lésions professionnelles constate que la preuve présentée dans le cadre de ces décisions est différente de celle dont elle est saisie. Dans certains cas, la preuve d’exposition est ténue et, dans d’autres cas, la preuve du lien entre les malaises du travailleur et l’exposition au plomb est insuffisante. La Commission des lésions professionnelles estime que ce n’est pas le cas dans le présent dossier.
[222] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la démence ou le syndrome cérébral organique sont des manifestations de l’intoxication au plomb du travailleur. L’employeur n’ayant pas réussi à renverser cette preuve, la Commission des lésions professionnelles confirme la décision rendue par la révision administrative à ce sujet.
[223] Quant au pourcentage d’atteinte permanente reliée à ces maladies et au droit à la réadaptation du travailleur, la Commission des lésions professionnelles n’a reçu aucune preuve démontrant le caractère erroné de ces décisions. En conséquence, la Commission des lésions professionnelles confirme également ces aspects de la décision rendue par la révision administrative.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée par l’employeur, Federated Genco ltée, le 7 juin 2000 ;
CONFIRME la décision rendue par la révision administrative le 5 mai 2000 ;
DÉCLARE que le travailleur, monsieur Michel Saint-Amand, a été victime d’une maladie professionnelle le 22 mai 1998 ;
DÉCLARE que le travailleur conserve une atteinte permanente de 60,75% à la suite de cette maladie professionnelle et qu’il a droit à la réadaptation que requiert son état.
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Me Carmen
Racine |
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Commissaire |
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OGILVY RENAULT Me Christian
Beaudry |
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Représentant de la partie requérante |
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ME MARCO
MONTÉMIGLIO |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1]
Landrigan
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