LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES QUEBEC MONTREAL, le 17 novembre 1993 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Me Marie Lamarre DE MONTREAL REGION:Ile de Montréal DOSSIER: 35904-60-9201 DOSSIER CSST: 0042 07056 AUDIENCE TENUE LE: 18 mai 1993 DOSSIER BR: 6066 1230 A: Montréal Bombardier Inc.Madame Fernande Suys 1800, boulevard Laurentien Ville St-Laurent (Québec) H4B 4K2 PARTIE APPELANTE et Monsieur Claude Côté 6360, rue Des Écores Montréal (Québec) H2G 2J5 PARTIE INTERESSEE D E C I S I O N Le 13 janvier 1992, Bombardier inc. (l'employeur) en appelle d'une décision du bureau de révision paritaire rendue le 22 novembre 1991. Par cette décision unanime le bureau de révision maintient une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) du 16 octobre 1990 à l'effet que le travailleur était admissible en réadaptation conformément aux prescriptions de l'article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, (L.R.Q., c. A-3.001) ce qui lui donne droit par le fait même à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 45 de L.A.T.M.P.
OBJET DE L'APPEL L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que le travailleur n'est pas admissible en réadaptation et n'a pas droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu conformément aux prescriptions de l'article 45 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
LES FAITS Le travailleur qui est à l'emploi de Canadair (Division Bombardier inc.), comme nettoyeur de pièces, adresse à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) une réclamation le 9 janvier 1990 pour maladie professionnelle. La description de l'événement que l'on retrouve dans ce formulaire se lit comme suit: "Je travaillais dans l'atelier de peinture, département 130. J'étais en train d'emballer des pièces d'avion lorsque soudain je me mis à tousser et sentis que j'avais de la misère à respirer. Je dus aller au médical car j'avais de la misère à respirer. Cela se produisit plusieurs fois jusqu'à ce que l'on me change de département. À chaque fois je me rendis au médical de Canadair où les infirmières constatèrent mon état lamentable. J'ai manqué les jours où j'ai fait des crises et les lendemains (on m'a envoyé chez-moi).
Plus 4 jours jusqu'au rendez-vous chez le docteur Boudreau, le 15 novembre 1989. Parce qu'on ne pouvait me changer de département sans l'approbation du docteur." (sic) Dans la formule «avis de l'employeur et demande de remboursement» complétée le 11 janvier 1990, le travailleur écrit: "Je travaille dans l'atelier de peinture comme nettoyeur de pièces. Mes premiers malaises ont débuté le 19 octobre 1989 vers 10 h 45 a.m. Je me suis mis à tousser et j'avais de la difficulté à respirer. Je fus référer au Centre hospitalier thoracique de Montréal pour investigation en octobre 1989." On indique dans ce formulaire que le début de l'incapacité est le 8 novembre 1989.
On retrouve au dossier du travailleur une attestation médicale complétée par le docteur Jean-Luc Malo, pneumologue, dans laquelle il pose le diagnostic d'asthme professionnel probable et réfère le travailleur à un comité des maladies professionnelles pulmonaires. Antérieurement, le travailleur avait déjà consulté le docteur J.D. Boudreau du Centre hospitalier thoracique de Montréal lequel l'avait référé au docteur Malo.
Tel que rapporté dans la décision du bureau de révision paritaire, le 22 février 1990, le travailleur est évalué par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires de Montréal, lequel en vient à la conclusion que le travailleur souffre d'asthme professionnel aux isocyanates et réfère à nouveau le travailleur au docteur Malo afin qu'il poursuive son investigation consistant en des tests de provocation bronchique spécifique. À la suite de tests effectués les 3 et 19 avril 1990, le docteur Malo conclut que le travailleur présente véritablement un asthme professionnel aux isocyanates et recommande de lui attribuer un déficit anatomo-physiologique minimal de 3 % avec révision dans les deux ans. Le 21 juin 1990, le Comité spécial des présidents transmet à la Commission l'avis suivant: "À leur réunion du 21 juin 1990, les membres soussignés du Comité spécial des présidents ont étudié le dossier de ce réclamant.
Ils ont pris connaissance de l'expertise faite par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles "B" de Montréal en date du 22 février 1990 de même que du rapport complémentaire fourni en date du 3 mai 1990.
Cet individu avait été investigué par le docteur Jean- Luc Malo qui l'a soumis à des tests de provocation bronchique spécifique entre le 3 et le 19 avril 1990.
Ils ont revu l'histoire occupationnelle, les données du questionnaire cardio-respiratoire, la médication, les habitudes, les antécédents personnels et familiaux.
La description de l'examen physique de même que les résultats des examens de laboratoire ont été notés.
Ils ont relu les radiographies pulmonaires et ils ont analysé les valeurs du bilan fonctionnel respiratoire.
En conclusion, les membres du Comité spécial des présidents reconnaissent le diagnostic d'asthme aux isocyanates. Il ne doit plus être exposé aux vapeurs de cette substance.
Il devra être réévalué dans deux ans pour fixation du déficit anatomo-physiologique." Pour sa part, le 9 octobre 1990, le docteur Jean-Luc Malo, fait parvenir à la Commission les recommandations suivantes: "Un diagnostic d'asthme professionnelle a été dûment reconnu par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de la C.S.S.T. en juin dernier.
La compagnie Canadair avait fixé une assignation temporaire à monsieur Côté avant cette date, mais cette assignation temporaire n'a pas été réévaluée par la C.S.S.T. suite à la décision du Comité des présidents de juin dernier. Nous croyons donc que l'assignation temporaire fixée par Canadair devrait s'arrêter après la décision du Comité des présidents et devrait être réévaluée à la lumière des suggestions du dit Comité.
Cette assignation temporaire pourrait s'arrêter à toutes dates ultérieures du 21 juin 1990." (sic) Puis, le 16 octobre 1990, la Commission fait parvenir au travailleur la décision suivante: "La présente fait suite à l'avis rendu le 21 juin 1990 par le Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires désigné par le ministre du Travail relativement à votre demande d'évaluation d'une maladie professionnelle pulmonaire.
Dans son avis, le Comité spécial des M.P.P. a conclu comme suit sur les questions d'ordre médical: - Le diagnostic de votre lésion professionnelle est ASTHME AUX ISOCYANATES.
- Il y a existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique résultant de votre lésion professionnelle, le pourcentage de votre atteinte à votre intégrité physique doit être réévalué dans 2 ans.
Si vous désirez contester la présente décision en ce qui concerne une question d'ordre médical déterminée par le Comité spécial des M.P.P., vous pouvez en interjeter appel devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel).
De plus, conformément à l'article 233 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Commission est liée par cet avis et rend en conséquence la décision suivante: Considérant votre atteinte permanente et vos limitations fonctionnelles, l'article 145 vous donne droit à la réadaptation dans la mesure où votre état le requiert. Nous référons donc votre dossier à un conseiller en réadaptation pour l'évaluation de vos besoins. Des indemnités de remplacement du revenu vous seront versées jusqu'à ce qu'il ait été statué sur votre capacité d'exercer votre emploi.
Si vous désirez contester la présente décision pour tout autre motif qu'une question d'ordre médical déterminée par le Comité spécial des M.P.P., vous pouvez en demander la révision par un bureau de révision paritaire dans les 30 jours de la réception la présente (a.358). Cette demande de révision doit être faite par écrit et transmise au bureau de la CSST de votre région." La Commission adresse également au travailleur la décision suivante le 18 octobre 1990 concernant son droit à la réadaptation: "Suite à votre lésion professionnelle du 19 octobre 1990, vous demeurez avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
L'évaluation de votre situation que nous avons faite ensemble a permis de prévoir des problèmes de retour à votre emploi habituel.
Conformément à l'article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, vous avez droit à la réadaptation.
Nous allons donc poursuivre le versement de votre indemnité de remplacement du revenu et entreprendre avec vous au cours des prochaines semaines, la mise en place d'un plan individualisé de réadaptation visant la réintégration de votre emploi habituel, dans un emploi équivalent ou, si cela s'avère impossible, facilitant l'accès à un emploi convenable.
Votre participation active est essentielle pour que cette démarche soit vraiment adaptée à votre situation et se réalise dans les meilleures conditions possibles.
Si vous désirez contester cette décision, vous pouvez le faire par écrit en précisant vos motifs de contestation. Cette demande de révision doit être transmise au bureau régional de la CSST dans les 30 jours de la date de réception de cette décision." Le 26 octobre 1990, l'employeur conteste la décision rendue par la Commission le 16 octobre 1990, cette lettre de contestation se lit comme suit: "Suite à la décision du 16 octobre dernier de reprendre les indemnités de remplacement du revenu dans le dossier ci-haut mentionné, nous croyons que la Commission a rendu cette décision en se basant sur la lettre datée du 9 octobre 1990, du pneumologue le docteur J.-Luc Malo, et que les opinions de ce dernier ne sont pas valables (copie ci-jointe). De plus, suite à un appel de monsieur Guy Sansfaçon le 10 octobre dernier, alors qu'il voulait de l'information sur les tâches de monsieur Côté, je lui apprenais que le travailleur avait démissionné pour raisons personnelles (copie ci-jointe).
Nous croyons que le travailleur n'a plus droit à l'I.R.R. ayant lui-même interrompu son revenu en démissionnant et cela jusqu'à l'établissement de son plan professionnel et qu'il serait toujours en assignation temporaire s'il n'avait pas démissionné.
Pour ces raisons, nous contestons tout paiement d'I.R.R. et nous demandons à la Commission de rendre une décision en ce sens." Plus tard, le 10 janvier 1991, la Commission avise le travailleur qu'un déficit anatomo-physiologique de 3.30 % lui est attribué à la suite de la lésion professionnelle.
Il appert par ailleurs que, le 16 novembre 1989, le travailleur était assigné à un nouveau travail soit à l'expédition, travail s'effectuant à l'extérieur de l'usine de peinture et consistant à l'emballage des pièces et à leur démarquage. Le travailleur déclare à l'audience que le local où se fait l'emballage des pièces était situé à proximité de l'atelier de peinture et qu'il était amené à entrer régulièrement dans l'atelier et à en sortir dans l'exercice de ses fonctions. Il devait en effet sortir des chariots ou aller chercher des gens dans l'atelier de peinture régulièrement. En outre, les paniers sur lesquels étaient posées les pièces étaient remplis de poussière de peinture, laquelle était souvent encore humide et collée en-dessous des pièces. Il rapporte avoir refusé à plusieurs reprises de travailler dans ces conditions. Il explique que le 25 septembre 1990, il a rencontré monsieur Philippe Robert, conseiller au niveau des relations entre les employés chez Canadair, pour l'informer qu'il éprouvait de la difficulté à travailler dans ces conditions de travail. Il lui aurait dit qu'il ressentait une grande fatigue, qu'il y avait beaucoup de bruit et qu'il respirait une vapeur indirecte de peinture parce que les portes s'ouvraient continuellement, qu'il était à proximité de l'atelier de peinture et qu'il devait entrer régulièrement dans ce local pour y apporter de la marchandise ou sortir des chariots, ou encore pour aller chercher des gens. Le but de sa rencontre avec monsieur Robert était pour lui demander s'il était possible de travailler dans un autre département soit en électricité ou dans des bureaux ou il ne serait pas en contact avec des matériaux. Monsieur Robert lui aurait répondu qu'il n'y avait pas de poste et qu'il n'avait rien d'autre à lui offrir.
Le travailleur affirme que monsieur Robert ne lui a pas recommandé d'aller étudier et lui a suggéré de démissionner et d'écrire que c'était pour raisons personnelles. Le travailleur explique qu'effectivement il a démissionné en écrivant que c'était pour raisons personnelles parce qu'il était alors désemparé et ne savait plus ce qu'il devait faire exactement. Il rapporte avoir débuté un cours en électricité le 5 octobre 1992, qu'il a terminé en septembre 1993 et qu'il a reçu des indemnités de remplacement du revenu à compter de la décision de la Commission statuant sur son droit à la réadaptation, soit le 16 octobre 1990.
On retrouve au dossier du travailleur une lettre dactylographiée portant la date manuscrite du 25 septembre 1990 et qui se lit comme suit: "À qui de droit, je désire par la présente vous remettre ma démission en date du 25 septembre 1990 pour raisons personnelles. Nom de l'employé: Côté, Claude.
Signature Claude Côté, numéro matricule 75978." À l'audience devant la Commission d'appel, témoigne également, monsieur Philippe Robert, conseiller de relations de travail avec les employés chez l'employeur, lequel rapporte avoir rencontré le travailleur la journée de sa démission soit le 25 septembre 1990.
Il déclare que le travailleur s'est présenté à son bureau en se plaignant qu'il y avait trop de bruit à son poste de travail et qu'il demandait un nouveau poste. Ils ont regardé ensemble s'il n'y avait pas quelque chose d'autre, mais il n'y avait rien de disponible. En outre, son dossier académique l'empêchait d'être transféré dans un poste plus technique. Il a alors discuté avec le travailleur afin de savoir s'il désirait suivre d'autres cours pour occuper éventuellement un autre poste. Il explique qu'il n'existe pas de politique de congé sans solde chez l'employeur pour étudier à temps complet et qu'il met à pied les travailleurs afin qu'ils retournent aux études. Par la suite, l'employeur étudie leur dossier et détermine s'il peut les réengager. Selon lui, le travailleur a signé la lettre du 25 septembre 1990 afin de retourner aux études. Il rapporte que lorsque le travailleur a démissionné, il occupait toujours officiellement à cette date, le poste de nettoyeur de pièces, cependant dans les faits il avait été réaffecté au poste d'emballeur. Il mentionne que le poste d'emballeur était situé à l'extérieur de l'atelier de peinture, et que le travailleur ne s'est pas plaint qu'il souffrait encore d'asthme professionnel mais seulement qu'il éprouvait de la difficulté avec le bruit.
Témoigne également en faveur de l'employeur, monsieur Duchesneau, contremaître des ateliers de peinture à l'époque où le travailleur était à l'emploi de Canadair. Il mentionne que le travailleur, dans l'exercice de ses fonctions de nettoyeur de pièces, plaçait des pièces sur une chaîne de peinture à l'intérieur de l'atelier. Il rapporte qu'il a effectué ces tâches pendant deux mois et demi et qu'après il fut transféré à un poste d'emballeur. Lorsqu'il fut informé que le travailleur éprouvait des difficultés avec la peinture, il fut réaffecté à l'emballage et devait également s'occuper d'un petit magasin. Le nouveau poste de travail du travailleur était situé à environ 50 pieds de la porte de l'atelier de peinture et les pièces qui en ressortaient étaient sèches. Il y avait également une ventilation à l'intérieur de l'atelier de peinture afin que les vapeurs ne sortent pas à l'extérieur.
Faisant référence à une formule intitulée 'temporary assignment following a professional injury' déposée au dossier du travailleur, ce témoin rapporte que dans le but de réaffecter le travailleur à un autre emploi, le bureau médical lui a remis cette formule afin qu'il la fasse compléter par son médecin traitant. On peut lire sur ce document qu'il a pour but de réassigner temporairement un travailleur à la suite d'une lésion professionnelle conformément aux dispositions de l'article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. La partie 'A' de cette formule indique ce qui suit: «PART A - To be completed by the physician in charge of the worker»: 1. Functional limitations. À cette question le docteur Boudreau répondra par écrit: « Patient probably has occupational asthma. (Possibly induced by exposure to sensitizing agent in paints).» «2. The employee is fit to do ( ) his/her regular job; (x) to be assigned; ( ) unfit to any work before the anticipated date fo consolidation.» Le médecin coche la case "to be assigned".
«3. Duration _________ Effective on___________» Le médecin traitant n'écrit rien en réponse à cette question.
Cette partie est signée par le docteur Boudreau et porte la date du 15 novembre 1989. Le témoin rapporte à l'audience que la partie 'A' a été effectivement complétée par le docteur Boudreau le 15 novembre 1989 et que celui-ci a coché la case «to be assigned». Cependant la partie 'B' de ce document lequel est intitulé: «To be completed by the Bombardier inc. / Canadair Health Department» laquelle concerne l'emploi faisant l'objet de l'assignation temporaire a été complétée par la compagnie mais n'a pas été soumise au médecin qui a charge. On peut lire en effet que cette partie a été complétée par Carole Poitras le 16 novembre 1989, soit le lendemain que le docteur Boudreau avait complété la partie 'A' le 15 novembre 1989, et que ce médecin n'a pas indiqué approuver l'emploi faisant l'objet de l'assignation temporaire lequel était décrit comme suit: "Emballage des pièces et démarquage des pièces à l'extérieur des paint shop pour 2 mois".
Ce témoin mentionne qu'effectivement il y a eu erreur et que le médecin traitant n'a pas été reconsulté afin de déterminer si cet emploi correspondait aux limitations fonctionnelles du travailleur. Il réitère que la procédure prévue par la loi à l'article 179 n'a pas été complètement suivie puisque le médecin traitant n'a pas donné son approbation quant à la possibilité de réassigner le travailleur à un poste à l'emballage et si ce poste respectait les limitations fonctionnelles du travailleur.
Le 22 novembre 1991, le bureau de révision paritaire par une décision unanime maintient la décision de la Commission du 16 octobre 1990 et déclare que, compte tenu que le travailleur présentait des limitations fonctionnelles de même qu'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique découlant de sa lésion professionnelle, il est donc admissible en réadaptation ce qui lui donne droit, par le fait même, à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 45 de la loi et ce, même si dans le cadre de ses relations de travail avec l'employeur il a démissionné le 25 septembre 1990 pour des raisons strictement personnelles.
L'employeur en appelle de cette décision du bureau de révision paritaire le 13 janvier 1992, d'où le présent appel.
ARGUMENTATION Le représentant de l'employeur argumente qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'un cas de l'application de l'article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles puisque qu'effectivement le médecin traitant, qui était à l'époque, le docteur Malo, pneumologue, n'a pas formellement approuvé la réassignation du travailleur dans un emploi au nettoyage des pièces. Il expose cependant que le travailleur ayant effectué ce travail du 16 novembre 1989 au 25 septembre 1990, sans qu'aucun de ses médecins ne lui prescrivent un arrêt de travail complet, il y a lieu de considérer qu'il y avait consentement implicite à l'effet qu'il exerce cette assignation temporaire. Par ailleurs, le 27 avril 1990 dans l'évaluation médicale adressée par le docteur Malo au Comité des maladies professionnelles pulmonaires de la Commission, celui-ci indique, que selon le travailleur, il a été retiré du département où il était antérieurement et qu'il n'est donc plus exposé actuellement à son travail, à des isocyanates. Ces commentaires du docteur Malo contredisent donc le témoignage du travailleur à l'effet qu'il aurait continué d'être exposé à des émanations de vapeurs de peinture même s'il ne travaillait plus dans le département de peinture.
Faisant référence à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de même que la politique de réadaptation-indemnisation adoptée par la Commission et en vigueur le 1er novembre 1992, le représentant de l'employeur soutient qu'il doit exister trois critères pour qu'un travailleur puisse avoir droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu et ce, même s'il a fait l'objet d'une référence en réadaptation. Il doit premièrement être un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, être incapable d'exercer son emploi, être privé de son revenu en raison de cette lésion professionnelle et avoir besoin d'indemnités de remplacement du revenu. Il soutient qu'en l'espèce le travailleur a été privé de revenus à compter du 25 septembre 1990, non pas en raison de sa lésion professionnelle, mais parce qu'il a volontairement démissionné de son poste pour des raisons personnelles. En démissionnant il a donc perdu son statut de travailleur à compter du 25 septembre 1990 en rompant librement son lien d'emploi avec l'employeur. Il a donc rendu inapplicable tous les articles de la loi statuant sur son droit de bénéficier soit d'une assignation temporaire, du droit de retour au travail, ou de retirer temporairement des indemnités de remplacement du revenu. Faisant le parallèle entre le retrait préventif et le cas des travailleurs retraités, il mentionne que le travailleur n'aurait pas dû recevoir des indemnités de remplacement du revenu parce qu'il était référé en réadaptation professionnelle à compter de la date de sa démission, soit le 25 septembre 1990.
MOTIFS Dans la présente instance la Commission d'appel doit statuer sur le droit du travailleur de recevoir des indemnités de remplacement du revenu conformément à l'article 47 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cet article se lit comme suit: "47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable." Les articles 145 et 166 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoient également ce qui suit: "145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle." "166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable." En l'espèce, la preuve prépondérante révèle qu'en date du 16 novembre 1989, le travailleur a été assigné à un emploi différent que celui en raison duquel il a développé une maladie professionnelle pulmonaire. Cependant, la Commission d'appel comme le bureau de révision paritaire, est d'avis que ce poste ne peut être considéré comme une assignation temporaire de travail conforme aux dispositions de l'article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles puisque les conditions prévues à cet article n'apparaissent pas avoir été respectées en l'espèce. L'article 179 de la loi prévoit en effet ce qui suit: "179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que: 1 le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail; 2 ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et 3 ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale." Il ressort en effet de la preuve prépondérante que le médecin traitant du travailleur n'a pas donné son approbation explicite sur la capacité raisonnable du travailleur d'accomplir un travail à l'emballage des pièces et au démarquage. La formule que l'on retrouve au dossier du travailleur concernant son assignation temporaire révèle que le médecin traitant n'a pas approuvé expressément la réassignation temporaire du travailleur à ce poste. La Commission d'appel ne saurait retenir l'argumentation de l'employeur à l'effet que les médecins traitants ont implicitement, par la suite, acquiescé à cette réassignation temporaire en ne prescrivant pas d'arrêt de travail au travailleur, alors qu'ils savaient qu'il travaillait à ce poste.
La jurisprudence de la Commission d'appel est en effet très claire sur cette question et les conditions de l'article 179 de L.A.T.M.P. doivent être rencontrées rigoureusement. De l'avis de la Commission d'appel un acquiescement implicite du médecin traitant ne saurait être considéré comme équivalent à un consentement express manifesté par le médecin traitant comme le suggère l'article 179 de la loi, en conséquence, il n'y a pas ouverture à une réduction ou à une suspension des indemnités de remplacement du revenu par la Commission en vertu de l'article 142, alinéa e) de la loi, lequel édicte: "142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité: 1o Si le bénéficiaire: e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article l79, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article l80".
La Commission ne pouvait donc, en l'espèce, priver le travailleur de son droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu en vertu de l'article 142 alinéa e) de la loi, à compter de la date où le travailleur a quitté son emploi d'emballage de pièces et démarquage, le 25 septembre 1990.
La Commission d'appel estime également qu'il y a lieu de rejeter l'argumentation de l'employeur à l'effet, qu'en l'espèce, le travailleur bien que référé en réadaptation n'avait pas droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu puisque, en raison de sa démission du 25 septembre 1990, il avait rompu son lien d'emploi avec l'employeur donc n'était plus un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et que sa perte de revenu ne résultait donc pas de sa lésion professionnelle mais bien d'une décision volontaire de rompre son lieu d'emploi avec l'employeur et de démissionner.
La Commission d'appel estime, en effet, qu'il n'existe aucune disposition relative au droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu ou au droit à la réadaptation dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, assujettissant l'application de ces bénéfices à un travailleur victime d'une lésion professionnelle au maintien de son lien d'emploi avec son employeur. Sur ce point, en effet, la jurisprudence de la Commission d'appel a reconnu le droit pour les travailleurs de retirer des indemnités de remplacement du revenu après la fermeture ou la cessation des activités d'un employeur, et après la mise à pied de travailleurs par l'employeur, circonstances où ces liens d'emploi étaient rompus.
La Commission d'appel considère également que pour bénéficier de l'application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles il y a lieu de considérer le statut d'un travailleur au moment de la survenance de cette lésion professionnelle. Le fait que le lien d'emploi entre un travailleur et son employeur soit rompu ultérieurement, à la suite d'une mise à pied, d'une démission ou autres circonstances ne saurait en aucun cas privé un travailleur des bénéfices de l'application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ainsi, un travailleur victime d'une rechute, récidive ou aggravation alors qu'il serait sans emploi, aurait été mis à pied où congédié ne saurait faire obstacle à son droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu et d'être référé en réadaptation, puisque ce qui importe, c'est de déterminer son statut au moment de la survenance de la lésion professionnelle initiale. On ne retrouve en effet nulle part dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, de même que dans la réglementation ou dans les politiques relatives à la réadaptation et à l'indemnisation, des conditions à l'effet que pour bénéficier du droit à la réadaptation et des indemnités de remplacement du revenu, un travailleur doit avoir conservé un lien d'emploi avec son employeur. La Commission d'appel considère, par ailleurs, que la jurisprudence relative au droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu dans des cas de retraits préventifs prévus à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, (L.R.Q., c. S- 2.1) vise des situations totalement différentes du cas en l'espèce et ne saurait recevoir application dans le présent litige, puisque le droit de bénéficier d'indemnités de remplacement du revenu en raison d'un retrait préventif est essentiellement lié à l'exercice d'un travail alors qu'il y a exposition à des dangers. Or, lorsqu'il y a disparition de la source du danger, le droit au retrait préventif n'ayant évidemment plus sa raison d'être, il en découle que le droit aux indemnités de remplacement du revenu cesse.
En l'espèce, le droit du travailleur de recevoir des indemnités de remplacement du revenu est intimement lié à son droit de bénéficier de mesures de réadaptation telles que prévues par la loi, afin de redevenir capable d'exercer son emploi, ou si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable. Or, en l'instance, la preuve prépondérante révèle que le travailleur, en raison de sa maladie professionnelle pulmonaire, ne pouvait évidemment pas reprendre éventuellement son travail de nettoyeur de pièces chez l'employeur et conformément aux prescriptions de l'article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles il avait droit, en raison de ses limitations professionnelles et son atteinte permanente, de bénéficier des mesures de réadaptation requises par son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. La jurisprudence de la Commission d'appel est par ailleurs à l'effet que, même si l'emploi auquel fut réassigné le travailleur à l'emballage des pièces et démarquage, pouvait être considéré comme un emploi convenable pour le travailleur, ce dernier malgré sa démission de ce poste aurait eu droit de bénéficier des mesures de réadaptation prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et conserverait son droit d'indemnités de remplacement du revenu si la preuve révèle que le travailleur avait des raisons valables pour démissionner. En l'espèce, il ressort du témoignage du travailleur que l'exercice de cette fonction lui occasionnait une grande fatigue et que le lieu de ce travail étant situé à proximité du poste responsable de sa maladie professionnelle, il continuait à l'occasion de respirer des vapeurs de peinture, ce qui l'aurait amené à démissionner.
C'est le raisonnement que suivait la Commission d'appel dans l'affaire Claude Raymond & Velan inc. 24 mai 1990, dossier 07646- 62-8805. Dans la décision Daniel Viau et Standard Paper Box Canada inc., dossier 18270-61-9004 et 18271-69-9004 le 22 mars 1993, la Commission d'appel déclarait également que l'article 146 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles visant à assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, commande une interprétation qui favorise la réalisation de ce droit, et qu'un travailleur, malgré une démission de son emploi, ne devrait pas être privé de son droit à la réadaptation et des indemnités de remplacement du revenu qui y sont assortis.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES; REJETTE l'appel de l'employeur Bombardier inc.; CONFIRME la décision unanime du bureau de révision paritaire rendue le 22 novembre 1991; DÉCLARE que monsieur Claude Côté est admissible en réadaptation conformément à l'article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et a donc droit de recevoir les indemnités de remplacement du revenu prévues à l'article 45 de L.A.T.M.P.
______________________ Marie Lamarre Commissaire
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.