Décision

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Fournier et C.J. Picard inc.

2009 QCCLP 5923

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

31 août 2009

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

342717-03B-0803

 

Dossier CSST :

119477529

 

Commissaire :

Geneviève Marquis, juge administratif

 

Membres :

Suzanne Blais, associations d’employeurs

 

Marc Villeneuve, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Richard Fournier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

C.J. Picard inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 13 mars 2008, monsieur Richard Fournier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 25 février 2008.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme les trois décisions suivantes qu’elle a déjà rendues :

·        Décision du 13 juillet 2007 à l’effet que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’orthèses plantaires.

·        Décision du 10 octobre 2007 à l’effet que le travailleur n’a pas droit à une assistance financière pour l’achat d’une arbalète.

·        Décision du 12 octobre 2007 à l’effet que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable déterminé antérieurement à sa récidive, rechute ou aggravation du 8 juillet 2005, à savoir l’emploi de préposé à la billetterie, qu’il n’a plus droit à la pleine indemnité de remplacement du revenu et que la CSST est justifiée de reprendre le versement de son indemnité réduite.

[3]                Le travailleur est présent et représenté par procureure à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles à Lévis le 5 mars 2009. C.J. Picard inc. (l’employeur) n’est ni présent ni représenté. La CSST est représentée par procureure.

[4]                L’affaire est mise en délibéré le 29 juin 2009, après réception de documents complémentaires déposés par le travailleur et la CSST, suivis des argumentations écrites des procureures de ces parties et enfin d’une note de l’ophtalmologiste traitant du travailleur qui, après avoir revu dernièrement ce dernier, refuse de préciser des limitations fonctionnelles au niveau de l’œil gauche.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelle de déclarer qu’il n’est pas apte à exercer l’emploi de caissier à la billetterie à compter du 11 octobre 2007, qu’il ne s’agit pas d’un emploi convenable et de rétablir son droit à la pleine indemnité de remplacement du revenu à compter de cette dernière date. Le travailleur demande également au tribunal de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût d’achat d’une arbalète.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Les membres issus des associations d’employeurs ainsi que des associations syndicales considèrent qu’il y a lieu d’accueillir en partie la requête du travailleur.

[7]                Les membres sont d’avis, d’une part, que la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable de préposé à la billetterie à compter du 11 octobre 2007 doit être maintenue. Le membre issu des associations d’employeurs estime que les limitations fonctionnelles résultant de la récidive, rechute ou aggravation du 8 juillet 2005 ne sont pas incompatibles avec l’exercice de cet emploi prélésionnel et qu’il n’y a pas matière à examiner de nouveau l’ensemble des critères de l’emploi convenable. Le membre issu des associations syndicales estime pour sa part que l’état de la preuve présentée ne permet pas de conclure de façon prépondérante que la capacité résiduelle du travailleur est incompatible avec les exigences de l’emploi convenable déterminé antérieurement. En outre, le travailleur était en accord avec le maintien de cet emploi convenable qu’il considérait pouvoir exercer à temps partiel peu de temps avant la récidive, rechute ou aggravation du 8 juillet 2005. Il n’y a pas lieu de réexaminer les autres critères de la notion d’emploi convenable dans les circonstances.

[8]                Les membres estiment, d’autre part, que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’une arbalète car les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle qu’il a subie à l’épaule gauche le 8 juillet 2005, en sus de celles dont il était porteur à la suite d’une autre lésion professionnelle à l’épaule droite, l’empêchent désormais de chasser à l’arc et que seule cette mesure de réadaptation sociale est de nature à lui permettre de chasser comme il le faisait habituellement auparavant.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur, à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 8 juillet 2005, était de nouveau apte à exercer à compter du 11 octobre 2007 l’emploi convenable de préposé à la billetterie déjà déterminé en juin 2002 et réitéré en mai 2005. Le tribunal doit également décider si le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’une arbalète à titre de mesure de réadaptation.

[10]           Un exposé détaillé des faits figure déjà à l’argumentation écrite du travailleur de même qu’aux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles que l’on retrouve à la preuve documentaire.

[11]           Rappelons que le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il travaille à titre de charpentier menuisier le 8 septembre 2000. Le travailleur présente alors une entorse ainsi qu’une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche. Il accuse également à cette occasion une contusion de l’omoplate gauche et une lacération de la paupière droite. À ces diagnostics s’ajoute celui d’une chondropathie de grade IV du genou gauche à compter du 5 décembre 2001.

[12]           La lésion professionnelle précitée est consolidée le 7 mai 2002 avec un déficit anatomophysiologique (DAP) de 14 % ainsi que des limitations fonctionnelles. Celles-ci consistent à éviter le travail en terrain inégal, des travaux qui nécessitent une position accroupie (flexion de plus de 120° du genou gauche) ainsi que tout travail nécessitant une station debout prolongée.

[13]           Un emploi convenable de préposé à la billetterie est déterminé au travailleur qui devient apte à l’exercer à compter du 10 juin 2002.

[14]           Entre-temps, soit le 9 avril 2001, le travailleur subit une bursite de l’épaule droite à titre de récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle survenue le 4 juin 1999. Une arthroscopie et une acromioplastie sont effectuées à ce niveau.

[15]           À la suite d’une seconde récidive, rechute ou aggravation de bursite de l’épaule droite le 12 juin 2003, le travailleur conserve un DAP de 10 % et des limitations fonctionnelles selon les conclusions émises par le docteur Robert le 16 janvier 2004. Ces limitations consistent à éviter un travail nécessitant des mouvements répétitifs avec le membre supérieur droit surtout avec charge au-dessus des épaules, des mouvements répétés ou fréquents de rotation, de s’accrocher ou de s’agripper, de tirer des objets avec charge au-delà de 10 kilos, de soulever ou porter des charges dépassant 10 kilos surtout avec le membre supérieur au-delà de 75° et plus. Le docteur Robert ajoute que la charge de travail devrait être réduite à 22 heures par semaine considérant à la fois les handicaps de l’épaule droite, du genou gauche et de la cheville droite du travailleur, la prise par celui-ci d’une médication analgésique et la réduction de ses capacités à l’activité.

[16]           À compter du 28 mai 2004, le travailleur est déclaré apte à refaire l’emploi convenable de préposé à la billetterie. Le travailleur conteste cette décision. Bien qu’il se dise en accord avec l’emploi convenable en question, le travailleur considère ne pas être en mesure de l’exercer à temps plein suivant les conclusions du docteur Robert. La Commission des lésions professionnelles conclut que l’emploi de préposé à la billetterie constitue toujours un emploi convenable pour le travailleur qui est capable de l’exercer à temps plein dans une décision finale rendue le 4 mai 2005.

[17]           Le 8 juillet 2005, le travailleur présente une déchirure partielle du sus-épineux de l’épaule gauche qui sera admise à titre de récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 8 septembre 2000. À la suite de la consolidation de cette lésion professionnelle établie au 4 décembre 2006, le travailleur conserve un DAP de 12,25 % (atteinte permanente qui sera toutefois majorée par la CSST à la suite d’une révision administrative le 27 février 2008) en plus de limitations fonctionnelles émises par le docteur du Tremblay. Ces limitations fonctionnelles consistent à éviter, au niveau de l’épaule gauche, tout mouvement répétitif et répété, éviter tout mouvement au-delà de 90° d’abduction, éviter d’avoir à soulever des poids au-delà de 5 kilos et éviter les positions statiques prolongées même en deçà de 90° d’abduction.

[18]           À compter du 11 octobre 2007, la CSST déclare le travailleur capable d’exercer l’emploi convenable déjà déterminé de préposé à la billetterie. Le travailleur conteste cette décision que confirme la CSST à la suite d’une révision administrative dans le cadre de la décision présentement en litige.

[19]           Au soutien de sa requête, le travailleur invoque une diminution de ses capacités à la suite de l’évolution de divers problèmes de santé tels que documentés depuis 2005 dont un diabète de type 2 toujours non contrôlé avec chirurgie pour un pied Charcot du côté gauche (sans incidence toutefois sur la stabilité du genou gauche), orthèses plantaires bilatérales, chirurgie à l’œil gauche consécutive à une hémorragie du vitré sur rétinopathie diabétique en plus d’un changement de médication analgésique passant du Demerol au Dilaudid 2 mg à raison de 2 à 3 comprimés par jour.

[20]           S’appuyant sur le nouveau courant jurisprudentiel élaboré par la Commission des lésions professionnelles depuis l’affaire Fontaine et C.L.S.C de la région Sherbrookoise[1], la procureure du travailleur soutient que la CSST a erré, en 2007, dans l’évaluation de la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà retenu en ne vérifiant que si les limitations fonctionnelles nouvellement établies à l’épaule gauche respectent les exigences physiques de l’emploi de préposé à la billetterie à partir des données de « Repères » et des observations effectuées dans le dossier d’un autre travailleur. La CSST devait plutôt, en raison de l’atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles supplémentaires découlant de la récidive, rechute ou aggravation à l’épaule gauche survenue le 8 juillet 2005, évaluer les besoins de réadaptation du travailleur en examinant l’emploi convenable déterminé au préalable dans sa globalité en fonction de l’ensemble des critères énoncés à l’article 2 de la loi.

[21]           Après analyse des courants jurisprudentiels se rapportant à la question précitée dont il est saisi, le présent tribunal ne peut, avec respect, souscrire aux prétentions du travailleur. La soussignée se rallie plutôt au courant exprimé par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Claveau et Orlando Corporation[2] et repris encore tout récemment[3], à l’effet que lorsqu’un emploi convenable a déjà été déterminé, il faut examiner dans un premier temps si les nouvelles limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle du travailleur le rendent incapable d’exercer cet emploi. Dans la négative, il n’y a pas lieu de poursuivre la démarche ni d’analyser tous les critères de la notion d’emploi convenable.

[22]           Suivant les étapes de la réadaptation professionnelle prévues aux articles 169 à 171 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi), ce n’est que si le travailleur demeure incapable d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé en raison des limitations fonctionnelles résultant de sa récidive, rechute ou aggravation qu’il y a lieu d’évaluer si une mesure de réadaptation pourrait le rendre capable d’exercer cet emploi et, si cela ne s’avère pas possible, de déterminer un autre emploi selon les critères énumérés à la définition d’emploi convenable que l’on retrouve à l’article 2 de la loi.

169. Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent.

__________

1985, c. 6, a. 169.

 

170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.

__________

1985, c. 6, a. 170.

 

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

__________

1985, c. 6, a. 171.

 

 

[23]           C’est donc à bon droit que la CSST a analysé, en 2007, la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé en 2002, puis réitéré par la Commission des lésions professionnelles en 2005, et ce, à partir des limitations fonctionnelles nouvellement établies à l’épaule gauche du travailleur à la suite de la récidive, rechute ou aggravation qu’il a subie le 8 juillet 2005. À l’instar de la CSST, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que les limitations fonctionnelles à l’épaule gauche du travailleur empêchent ce dernier d’exercer l’emploi convenable de préposé à la billetterie.

[24]           Seule la limitation fonctionnelle établie à l’épaule gauche qui consiste à éviter d’avoir à soulever des poids au-delà de 5 kilos est invoquée par le travailleur, à la fin de son argumentation, comme étant incompatible avec l’une des exigences physiques de l’emploi décrites à la monographie de « Repères » qui indique une capacité de soulever un poids d’environ 5 à 10 kilos. Il s’agit toutefois d’un poids approximatif. Qui plus est, les poids manipulés s’avèrent inférieurs à cette indication suivant la réalité du travail déjà évaluée par la CSST dans le cadre d’un autre dossier. Une telle évaluation, bien qu’elle porte sur un poste spécifique de caissier à la billetterie pour un autre travailleur, demeure malgré tout pertinente dans le présent cas où le travailleur ne souhaite pas collaborer avec la CSST en vue d’un quelconque retour au travail en 2007.

[25]           Le travailleur n’a présenté aucune preuve relative aux exigences concrètes en termes de poids à manipuler dans le cadre de cet emploi essentiellement sédentaire. L’opinion de l’ergothérapeute qu’il a obtenue en 2008 repose uniquement sur le constat qu’il doit éviter, au niveau de l’épaule gauche, d’avoir à soulever des poids de plus de 5 kilos alors qu’il peut être appelé à manipuler un poids d’environ 5 à 10 kilos selon la monographie de « Repères ». La référence à cette indication de poids approximative ne saurait à elle seule permettre au tribunal de conclure que la limitation émise à 5 kilos au niveau de l’épaule gauche du travailleur est incompatible avec l’exercice de l’emploi convenable de préposé à la billetterie. Comme le souligne la procureure de la CSST, non seulement la réalité d’un tel emploi implique des poids inférieurs suivant la preuve soumise mais il appert également de la preuve que le travailleur est droitier et qu’il demeure apte à manipuler des poids de 10 kilos au niveau du membre supérieur droit.

[26]           Le travailleur était donc apte à exercer, à compter du 11 octobre 2007, l’emploi convenable déterminé au préalable et il n’avait plus droit à la pleine indemnité de remplacement du revenu en raison de la lésion professionnelle qu’il a subie à l’épaule gauche le 8 juillet 2005.

[27]           Bien que la Commission des lésions professionnelles n’ait pas à considérer la capacité résiduelle du travailleur en l’instance, force est de constater que la diminution des capacités physiques alléguée par le travailleur depuis 2005, à la suite de l’évolution d’un diabète de type 2 toujours non contrôlé avec atteinte notamment au pied gauche et à l’œil gauche qui ont fait l’objet d’interventions chirurgicales, est peu ou pas étayée au plan médical. Il en est de même de la réduction des facultés cognitives invoquée par le travailleur à la suite du changement de sa médication à l’automne 2005 où il prend désormais Dilaudid 2 mg à raison de 2 à 3 comprimés par jour plutôt que Demerol dont les effets secondaires s’apparentent toutefois selon la monographie déposée.

[28]           À l’absence d’opinion médicale motivée précisant des limitations ou restrictions supplémentaires consécutives à l’évolution des conditions personnelles du travailleur s’ajoutent les éléments factuels suivants qui tendent à contredire les allégations de ce dernier concernant la diminution de ses capacités physiques et facultés cognitives.

[29]           Il appert de la preuve que le travailleur demeure apte à conduire son véhicule, comme le confirme un rapport de son médecin, qu’il poursuit ses activités de chasse tout en demeurant détenteur des permis requis pour ce faire et qu’il s’est même procuré une arbalète qu’il utilise faute de pouvoir chasser à l’arc comme il le faisait auparavant. Le fait que le travailleur utilise un télescope pour la chasse ne permet pas de conclure à une limitation incapacitante de sa vision, d’autant plus que l’ophtalmologiste traitant a refusé en définitive de préciser les limitations fonctionnelles tel que requis en l’instance.

[30]           À la lumière de la preuve qui lui a été présentée, la Commission des lésions professionnelles conclut que la réalité des conditions invalidantes invoquées par le travailleur n’a pas été démontrée. La preuve tend plutôt à établir que le travailleur est capable non seulement d’exercer un travail de préposé à la billetterie mais aussi de poursuivre la chasse qui constitue l’activité sportive qu’il privilégie et qui est de nature à l’aider à surmonter les conséquences de ses lésions professionnelles auxquelles s’ajoutent les conditions secondaires à un diabète de type 2 non contrôlé.

[31]           La Commission des lésions professionnelles souscrit à l’argumentation de la procureure du travailleur quant à l’impossibilité désormais pour le travailleur de chasser à l’arc et même d’obtenir l’adaptation de cet équipement de loisir compte tenu de la nature des limitations fonctionnelles prévalant désormais aux deux épaules à la suite de la dernière récidive, rechute ou aggravation du 8 juillet 2005.

[32]           Pour tendre l’arc, le travailleur doit en effet accomplir un mouvement simultané des membres supérieurs avec effort en élévation et en abduction à la hauteur des épaules et plus, la main gauche maintenant l’arc à la verticale et le poussant pendant que la main droite tire la corde. Un tel geste est contraire aux limitations fonctionnelles établies au niveau de l’épaule gauche du travailleur qui doit éviter notamment tout mouvement au-delà de 90° d’abduction de cette articulation.

[33]           Le travailleur, qui est droitier, ne peut plus avec son membre supérieur gauche pousser ni maintenir l’arc en position pour tirer, et ce, même si cet arc était muni d’un support qui étire la corde et maintient l’arc en position ouverte. Une telle adaptation aurait permis au travailleur de tendre son arc à l’époque où il était porteur de limitations fonctionnelles à l’épaule droite et non aux deux épaules comme c’est le cas en l’espèce depuis 2007. Or, avec l’arbalète déposée sur un support ou même sur le rebord du camion, le travailleur peut tirer à l’horizontale et sans effort.

[34]           Le présent tribunal souscrit aux principes énoncés à la décision déposée par la procureure du travailleur dans l’affaire Letendre et Relizon Canada inc.[4] suivant lesquels un travailleur qui demeure porteur d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles à la suite d’une lésion professionnelle a droit à la réadaptation que requiert son état, incluant les mesures de réadaptation sociale suivant les articles 151 et 152 de la loi.

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

 

1°   des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2°   la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3°   le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4°   le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5°   le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[35]           La réadaptation sociale vise à aider le travailleur à redevenir autonome dans l’exercice de ses activités non seulement professionnelles mais habituelles. Qui plus est, l’énumération de ce que peut comprendre un programme de réadaptation sociale n’est pas exhaustive. Un tel programme peut inclure entre autres le remboursement du coût d’adaptation et même d’achat d’un équipement de loisir comme en l’espèce.

[36]           La CSST a adopté une politique quant à l’application d’une telle mesure de réadaptation sociale dont certaines exigences débordent toutefois le cadre de la loi et ne peuvent faire obstacle à la demande du travailleur. Il en est ainsi des exigences relatives à l’existence d’une atteinte permanente grave de même qu’au droit à une autre mesure de réadaptation (adaptation du véhicule, port d’une prothèse ou d’une orthèse). Par contre, l’exigence voulant que l’adaptation de l’équipement de loisir soit rendue nécessaire en raison des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle est conforme à la loi.

[37]           Dans le cas présent, il est démontré que le travailleur ne peut plus poursuivre la chasse à l’arc en raison des limitations fonctionnelles dont il est désormais porteur aux deux épaules et qui s’avèrent incompatibles avec les exigences physiques d’une telle activité. L’adaptation de cet équipement de loisir n’est plus possible pour les raisons énoncées précédemment. L’achat d’une arbalète constitue une mesure permettant au travailleur de poursuivre son activité de chasse en le rendant de nouveau autonome pour ce faire. Il s’agit de la solution appropriée susceptible d’atteindre l’objectif visé par la réadaptation sociale, soit de permettre au travailleur de surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle à l’épaule désormais bilatérale et de s’adapter à la nouvelle condition qui en résulte en redevenant autonome dans l’exercice de l’activité de loisir qu’il privilégie. Certes, le travailleur a reconnu détenir une carabine. Il demeure toutefois que c’est la chasse à l’arc qu’il pratiquait auparavant. Le tribunal conçoit difficilement, de surcroît, que l’utilisation d’une carabine constitue une solution appropriée considérant la condition des épaules du travailleur.

[38]           Le travailleur a donc droit au remboursement du coût d’achat d’une arbalète à titre de mesure de réadaptation requise à la suite des conséquences de sa lésion professionnelle du 8 juillet 2005.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Richard Fournier, le travailleur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, à la suite d’une révision administrative le 25 février 2008;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût relié à l’acquisition d’orthèses plantaires.

DÉCLARE que le travailleur est apte à exercer son emploi convenable de préposé à la billetterie à compter du 11 octobre 2007 et qu’il n’a plus droit à la pleine indemnité de remplacement du revenu à compter de cette dernière date;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’une arbalète.

 

 

__________________________________

 

Geneviève Marquis

 

 

Me Michelle Labrie

LORD, LABRIE, NADEAU

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Odile Tessier

PANNETON, LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           C.L.P. 151636-05-0012, 27 mars 2003, L. Boudreault, révision accueillie, [2003] C.L.P. 692 , requête en révision judiciaire accueillie, [2004] C.L.P. 213 (C.S.), appel rejeté, [2005] C.L.P. 626 (C.A).

[2]           [2008] C.L.P. 521 .

[3]           Voir notamment les récentes décisions Guzman et As de la construction inc., C.L.P. 303507-62-0611, 17 août 2009, J. Landry; Desruisseaux et Cercueils Victoriaville ltée, C.L.P. 245616-04B-0410, 29 juin 2009, L. Collin.

[4]           C.L.P. 235551-04B-0406, 21 mars 2005, D. Lajoie.

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