RÉGION : Saguenay- Lac-Saint-Jean |
QUÉBEC, le 18 janvier 2000 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me MICHÈLE CARIGNAN |
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DOSSIER : 102093-02-9806-R
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MARCEL BEAUMONT, Associations d'employeurs |
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DOSSIER CSST : 113657316-1 |
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MARC VILLENEUVE, Associations syndicales |
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AUDIENCE TENUE LE : |
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À : |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN VERTU DE L’ARTICLE 429.56 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., c. A-3.001) |
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3997, rue Sainte-Élizabeth Jonquière (Québec) G8A 1M5 |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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et |
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GALERIES DE MODES JONQUIÈRE 19842347, rue Saint-Dominique Jonquière (Québec) G7X 6L9 |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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et |
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COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAILDirection régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean 901, boulevard Talbot Chicoutimi (Québec) G7H 6P8 |
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PARTIE INTERVENANTE |
[1.] Le 30 avril 1999, la succession de feue Mme Gisèle Bouchard (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête afin de faire réviser la décision que cette instance a rendue le 9 mars 1999.
[2.] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que la travailleuse n’a pas été victime d’une maladie professionnelle le 14 janvier 1997.
OBJET DE LA REQUÊTE
[3.] Par sa requête, la succession demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue par cette instance le 9 mars 1999 et de reconnaître que Mme Gisèle Bouchard a subi une maladie professionnelle.
[4.] Tant dans sa requête qu’à l’audience, la succession allègue ce qui suit :
«(...)
31.
L’analyse de la décision contestée révèle que, compte tenu de
la preuve incontestable au dossier, le commissaire Ringuet ne pouvait exclure
l’application de la présomption de l’article
32.
A la page 8 de la décision de la Commission des lésions
professionnelles, vu le diagnostic de mésothéliome et l’exposition prouvée à
l’amiante “le tribunal se doit donc de conclure que les conditions énoncées à
l’article
33. Au paragraphe 20 de la décision contestée le commissaire Ringuet admet que la travailleuse fut exposée à des fibres d’amiante pendant 15 ans;
34. Au paragraphe 21, le commissaire Ringuet se contredit immédiatement en précisant que l’exposition fut de 13 ans seulement;
35.
Tel qu’il appert des enregistrements de l’audition, aucune
preuve ne fut présentée ni par l’employeur ni par la Commission afin de
renverser l’application de la présomption de l’article
36. L’analyse de la décision contredit catégoriquement le commissaire Ringuet lorsque celui-ci estime que “la preuve factuelle démontra de façon prépondérante, que la travailleuse n’a pas été exposée de façon significative, aux fibres d’amiante”;
37. La conclusion du commissaire Ringuet est contraire et illogique en regard de la preuve qu’il a lui-même résumé; (sic)
38. La conclusion du commissaire Ringuet est contradictoire en regard l’analyse de la preuve et est fondée sur de fausses prémisses, constituant par le fait même un déni de justice grave équivalant à un vice de fond de nature à invalider la décision;
39.
La conclusion de renverser l’application de la présomption de
l’article
40. Tant le comportement de commissaire Ringuet avant et pendant le déroulement de l’audience est inquiétante (sic) en regard de l’impartialité du tribunal;
41. (...)»
[5.] À l’audience, la succession soumet un autre argument voulant que le tribunal a ajouté à la loi en exigeant une exposition significative aux fins de l’application de la présomption prévue à l’article 29 et de la reconnaissance de la lésion professionnelle.
[6.] La succession allègue également que le seul fait pour le tribunal de conclure qu’il n’y a pas eu d’exposition significative ne constitue pas une décision suffisamment motivée et que cela constitue un vice de fond de nature à invalider celle-ci.
LES FAITS
[7.] Pour rendre la présente décision, la soussignée se réfère à l’ensemble de la preuve documentaire et celle rapportée dans la décision attaquée.
[8.] Considérant les allégations de la succession au soutien de sa requête, il y a lieu de reprendre les motifs de la décision attaquée, lesquels se lisent comme suit :
«La Commission des lésions professionnelles doit décider si madame Bouchard a été victime d’une maladie pulmonaire professionnelle le 14 janvier 1997.
L’article
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
.[Maladie présumée professionnelle.].
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
D’autre part, la section V de l’annexe I de la loi indique :
« MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES
POUSSIÈRES ORGANIQUES ET INORGANIQUES
MALADIES GENRES DE TRAVAIL
1. Amiantose, cancer Un travail impliquant une
pulmonaire ou exposition à la fibre
mésothéliome causé par d’amiante.»
l’amiante :»
Les informations au dossier révèlent que le 15 janvier 1997,
madame Gisèle Bouchard fut reconnue porteuse d’un mésotholiome (sic) malin de
type épithélial, diagnostic qui fut confirmé par l’autopsie effectuée le 20
juin 1998. De plus, l’inspection de
l’établissement où a travaillé madame Bouchard pendant quinze ans a révélé que
cette dernière a été exposée à des fibres d’amiante par le fait de son
travail. Le tribunal se doit donc de
conclure que les conditions énoncées à l’article
Toutefois, cette présomption est réfragable si une preuve prépondérante est faite que la travailleuse n’a pas subi une maladie professionnelle.
Dans le présent dossier, il n’est pas contredit que madame Bouchard a oeuvré comme commis-vendeuse pour des semaines de travail variant de 15 à 30 heures, pendant quinze ans, chez l’employeur en cause et qu’au cours de cette période, elle fut exposée à des fibres d’amiante pouvant varier de .05 f/cc au niveau du plancher des ventes à .19 f1cc dans la chambre à fournaise au sous-sol.
Le tribunal se réfère aux commentaires des pneumologues consultés et retient les faits que la travailleuse n’a pas été en contact étroit et constant avec l’ambiance du sous-sol de l’établissement, et que sa maladie est apparue treize (13) ans seulement après le début de l’exposition, ce qui ne correspond pas au délai général de 20 à 30 ans reconnu par la littérature médicale pour l’apparition d’une telle maladie. Le tribunal estime que, dans le présent dossier, la preuve factuelle démontre, de façon prépondérante, que la travailleuse n’a pas été exposée, de façon significative, aux fibres d’amiante ayant pu entraîner sa maladie et que, de ce fait, la présomption est renversée. Le tribunal considère convaincants les commentaires des pneumologues à l’effet que les éléments de contextes sont très inhabituels pour déclarer l’existence d’une maladie pulmonaire professionnelle, et que la prépondérance des probabilités est à l’effet que l’exposition démontrée n’a pu entraîner ladite maladie.»
AVIS DES MEMBRES
[9.] Tant le membre issu des associations syndicales que celui issu des associations d’employeurs sont d’avis qu’il n’a pas été démontré que la décision attaquée comporte un vice de fond de nature à invalider celle-ci.
[10.] Les membres estiment que le motif soulevé par la succession au sujet d’une crainte de partialité du tribunal à cause des propos tenus par le commissaire au sujet de l’application de la présomption de l’article 29 est non fondé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[11.] La Commission des lésions professionnelles doit décider, dans une première étape, s’il a été démontré un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par cette instance le 9 mars 1999.
[12.]
L’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1o lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2o lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3o lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3o, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
________
1997, c. 27, a. 24.
[13.]
La Commission des lésions professionnelles ne retient pas le
premier argument soulevé par la succession voulant que le comportement du
commissaire avant et pendant l’audience «est inquiétante (sic) en regard de
l’impartialité du tribunal». La
succession reproche au commissaire de lui avoir mentionné de ne pas insister
sur l’application de la présomption prévue à l’article
[14.]
D’une part, cet argument surprend puisque le tribunal, dans la
décision attaquée, applique la présomption prévue à l’article
[15.] D’autre part, si la succession croyait vraiment que les propos tenus par le commissaire avant et pendant l’audience laissaient craindre une apparence de partialité de sa part, cela devait être soulevé à la première occasion en demandant au commissaire de se récuser à l’audience et non pas attendre la décision finale avant de soulever ce motif en révision.
[16.] La jurisprudence a clairement établi[1] que l’apparence de partialité d’un décideur doit être soulevée à la première occasion et elle ne peut pas constituer un motif d’appel ou de révision.
[17.] La succession invoque également que la décision est entachée d’un vice de fond de nature à invalider celle-ci. Elle soutient que le tribunal ne pouvait pas conclure au renversement de l’application de la présomption de l’article 29 vu l’absence de preuve permettant de la renverser.
[18.] La jurisprudence[2] de la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée sur la portée des termes «vice de fond de nature à invalider la décision».
[19.] Il a été établi qu’il faut entendre par ces termes une erreur manifeste de droit ou de faits qui est déterminante sur l’issue de la contestation. Une erreur manifeste a été définie[3] comme étant une erreur flagrante pouvant être découverte à la simple lecture de la décision.
[20.] Enfin, il doit être rappelé que le recours prévu à l’article 429.56 ne peut pas être assimilé à un appel au moyen duquel on voudrait faire réapprécier la preuve ou bonifier son argumentation afin d’obtenir une décision différente.
[21.]
La présomption prévue à l’article
[22.] De plus, la suffisance de l’exposition ou le degré d’exposition est de toute évidence un élément pertinent pour renverser la présomption de l’article 29. Cette preuve était à la connaissance de la succession et elle a choisi de ne pas présenter de preuve sur la suffisance de l’exposition.
[23.] Le tribunal a retenu l’opinion émise par les six pneumologues et sa décision est suffisamment motivée pour qu’on comprenne les raisons pour lesquelles il rejette l’appel.
[24.] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’a pas été démontré que la décision attaquée comporte un vice de fond de nature à invalider celle-ci. Il s’agit dans le présent cas d’un appel déguisé, ce que ne permet pas le recours en révision.
[25.] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée par la succession de Mme Gissèle Bouchard le 30 avril 1999.
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MICHÈLE CARIGNAN |
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Commissaire |
CHARETTE & oUELLET (Me Michel Charette) 3402, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H1W 1C6 |
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Représentant de la partie requérante |
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galeries de modes jonquière 1984 (M. Roger Hébert) 2347, Saint-Dominique Jonquière (Québec) G7X 6L9 |
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Représentant de la partie intéressée |
(Me Stéphane Larouche)
901, boulevard Talbot
Chicoutimi (Québec)
G7H 6P8
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.