aria-disabled="false" :href="GenerateHref(lien.lienDto.urlTo)" target="_self">{{lien.lienDto.texte}}
{{bouton.texte}}

Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Kimtuk Construction et développement inc.

2010 QCCLP 5345

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Lévis

15 juillet 2010

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

399690-03B-1001

 

Dossier CSST :

131637423

 

Commissaire :

Geneviève Marquis, juge administratif

 

Assesseur :

Marc-André Bergeron, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Kimtuk construction et développement inc.

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 11 janvier 2010, Kimtuk construction et développement inc. (l'employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 9 décembre 2009.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 24 novembre 2009 et déclare que l'employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle qu’a subie monsieur Richard Bédard (le travailleur) le 25 mai 2007.

[3]                L'employeur est absent et non représenté à l’audience prévue le 25 mai 2010 et à laquelle il a renoncé dans le cadre d’une argumentation écrite déposée par sa procureure le 21 mai 2010.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit à un partage du coût des prestations se rapportant à la lésion professionnelle précitée, soit 15 % à son dossier financier et 85 % aux employeurs de toutes les unités.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si l'employeur a droit à un partage du coût des prestations dans le cadre du présent dossier.

[6]                Selon la règle générale énoncée au 1er alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le coût des prestations se rapportant à un accident du travail dont est victime un travailleur est imputé à son employeur.

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

[…]

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

[7]                L’article 329 de la loi prévoit toutefois une exception à ce principe lorsqu’il est démontré que le travailleur est déjà handicapé au moment où se manifeste sa lésion professionnelle. Cet article se lit comme suit :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

[8]                Bien que le handicap ne soit pas défini à la loi, la notion de « travailleur déjà handicapé » fait l’objet d’un très large consensus à la Commission des lésions professionnelles depuis les décisions rendues dans les affaires Municipalité Petite-Rivière St-François et CSST[2] et Hôpital général de Montréal[3].

[9]                Suivant la jurisprudence rendue en la matière, l'employeur qui entend bénéficier d’un partage de coût en vertu de l’article 329 de la loi doit d’abord établir, par une preuve prépondérante, que le travailleur est atteint d’une déficience, à savoir une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique correspondant à une déviation par rapport à la norme biomédicale avant que ne se manifeste sa lésion professionnelle. Cette déficience peut être congénitale ou acquise et peut exister à l’état latent, sans s’être manifestée avant la survenance de cette lésion. Par la suite, l'employeur doit également démontrer, au moyen d’une preuve prépondérante, qu’il existe un lien entre cette déficience et la lésion professionnelle du travailleur, à savoir que celle-ci a entraîné des effets sur l’apparition de la lésion ou qu’elle en a aggravé les conséquences.

[10]           La jurisprudence a établi certains critères en vue de déterminer si une telle déficience a entraîné des effets sur la production ou les conséquences de la lésion professionnelle dont la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initial de cette lésion, l’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur, la compatibilité entre le plan de traitements prescrits et le diagnostic reconnu, la durée de la période de consolidation compte tenu de la nature de la lésion professionnelle, la gravité des conséquences de la lésion professionnelle et les opinions médicales à ce sujet.

[11]           Aucun des critères n’est à lui seul décisif mais, pris dans leur ensemble, ils permettent de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de partage formulée par l'employeur.

[12]           Ce n’est que lorsque l'employeur aura fait cette double démonstration, quant à la déficience préexistante ainsi que le lien entre celle-ci et la lésion professionnelle, que la Commission des lésions professionnelles sera en mesure de conclure que le travailleur était déjà handicapé au sens de l’article 329 de la loi.

[13]           La preuve révèle que le travailleur est âgé de 61 ans et qu’il exerce le métier de charpentier-menuisier pour le compte de l'employeur lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 25 mai 2007 dans les circonstances qu’il décrit comme suit :

En manipulent échaffaudage 4 x 4 de 26 pieds de long. J’ai reçu un contre-coup dans mon épaule et bras droit de la une douleur insupportable à mon bras ainsi qu’à l’épaule. [sic]

 

[14]           Le 9 juin suivant, le travailleur consulte un médecin qui diagnostique une tendinite de l’épaule droite et l’autorise à accomplir des travaux légers pour une période de deux semaines.

[15]           Le 19 juin 2007, le travailleur se voit prescrire des traitements de physiothérapie pour sa tendinite post-traumatique de l’épaule droite.

[16]           Le 30 juillet 2007, le travailleur effectue un retour au travail.

[17]           Le 15 août 2007, la tendinite de l’épaule droite est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. L’examen révèle que la force est normale. Les amplitudes articulaires s’avèrent complètes. Seule persiste une douleur à la palpation.

[18]           Le 10 novembre 2007, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle précitée dans les circonstances qu’il décrit comme suit :

À la suite de mon accident du 25/05/07, j’ai repris mon travail le 30 juillet. Par la suite, j’ai recommencé à ressentir de la douleur mais j’ai persisté à travaillé quand même mais la douleur dans mon bras est devenu insupportable et j’ai du me rendre au chull à l’urgence le 10/11/2007. [sic]

 

[19]           Le diagnostic admis dans le cadre de la récidive, rechute ou aggravation précitée consiste en une tendinite de l’épaule droite pour laquelle une infiltration est administrée.

[20]           Le 21 février 2008, une arthro IRM de l’épaule droite est effectuée chez le travailleur qui accuse toujours de la douleur à ce niveau où une déchirure, voire même une lésion du labrum, est suspectée. Les observations ainsi que la conclusion qu’émet le radiologiste à cette occasion se lisent comme suit :

Observations :

 

Le labrum est normal. Il n’y a pas de fracture de Hills-Sachs à la tête humérale. Déchirure partielle des fibres inférieures du tendon du sus-épineux près de son insertion sur la tête humérale. Cette déchirure est presque trans-tendineuse. Il y a aussi une déchirure de fibres distales du sous-épineux, elle aussi presque trans-tendineuse. Le contraste dissèque le long des fibres au pourtour de la jonction myotendineuse. Il n’y a pas de passage du contraste dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne. Petite bursite sous-acromio-deltoïdienne.

 

Les tendons du sous-scapulaire et du petit rond sont normaux ainsi que celui de la longue portion du biceps qui est en position normale dans la gouttière bicipitale. Légère arthropathie non spécifique de l’articulation acromio-claviculaire sans déformation secondaire du muscle sus-épineux. L’acromion est de type 4. Il y a une légère arthrose gléno-humérale avec légère ostéophytose de la tête humérale et petite géode près de l’insertion de 5 mm à la portion latérale de la tête.

 

Les ligaments gléno-huméraux supérieur et inférieurs sont normaux. Le moyen n’est pas identifié. Il s’agit probablement d’une variante de la normale. La légère quantité de produit de contraste observée dans les tissus mous antérieurs est probablement traumatique suite à l’injection.

 

Conclusion :

 

Déchirure partielle de haut grade des tendons du sus et du sous-épineux.

Légère arthrose gléno-humérale.

Légère bursite sous-acromio-deltoïdienne.

Pas de lésion du labrum.

Acromion de type 4.

 

 

[21]           À la suite de l’arthro IRM précitée, un diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite est désormais retenu par les médecins du travailleur à compter du 11 mars 2008.

[22]           Dans un rapport médical du 16 avril 2008, il y a consolidation de la lésion professionnelle du travailleur avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[23]           Dans un rapport d'évaluation médicale du 23 avril 2008, le docteur Potvin fait état d’ankylose importante au niveau de l’épaule droite du travailleur se traduisant par une perte de 100 degrés d’abduction, de 20 degrés d’élévation antérieure et de 20 degrés de rotation externe et interne. Le déficit anatomo-physiologique (DAP) est évalué à 11 %. Ce chirurgien orthopédiste émet alors d’importantes limitations fonctionnelles qu’il énonce dans les termes suivants :

9)         Limitations fonctionnelles :

 

Le patient présentera donc des limitations fonctionnelles permanentes dues à cette atteinte importante de la coiffe des rotateurs. Étant menuisier de métier, il ne pourra plus faire de mouvements au-dessus de 90 degrés avec son épaule droite. Il ne pourra pas soulever des objets plus lourds que 2 kilos. Il sera donc très handicapé dans sa situation à cause de la diminution de force et de l’ankylose résiduelle. Il devra donc être réorienté dans un autre travail.

 

[24]           En date du 13 mai 2008, le travailleur est évalué à la demande de l'employeur par le docteur Fradet. À l’examen, ce chirurgien orthopédiste note une tendinite active résiduelle à l’épaule droite avec accrochage, abutement et ankylose. Les tests de Hawkins, Neer, Jobe, Speed et Yergason s’avèrent tous positifs. Le travailleur invoque une symptomatologie plus marquée que celle qui prévalait à l’été 2007. Il accuse une douleur constante au niveau de l’épaule droite qui origine de la région antérieure et irradie en postérieur tout en s’étendant de façon diffuse au reste de l’épaule. La douleur est provoquée par tous les mouvements de l’épaule droite, lesquels seraient limités. Cette douleur irradie à l’omoplate droite de même que du côté latéral du bras droit jusqu’au tiers moyen. En outre, le travailleur accuse une paresthésie intermittente qui touche les cinq doigts de la main droite.

[25]           Le docteur Fradet conclut à une tendinite de l’épaule droite avec déchirure partielle de la coiffe des rotateurs de cette épaule. Ce chirurgien orthopédiste souligne que le travailleur souffre également d’une arthrose gléno-humérale qui est une condition personnelle ainsi que d’un acromion de type IV. À l’instar du docteur Potvin, le docteur Fradet émet à la fois une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles dont le travailleur demeure porteur au niveau de l’épaule droite.

[26]           À l’item « Discussion » annexé à son rapport d'évaluation médicale, le docteur Fradet complète son opinion dans les termes suivants :

DISCUSSION

 

Considérant les limitations fonctionnelles recommandées, monsieur ne peut plus reprendre son travail.

 

Monsieur rapporte lors de son accident qu’il a glissé. Il a retenu un poids d’environ 150 livres alors que son bras était en rotation externe et en abduction. Considérant l’accélération qui a pu survenir lors de ce mouvement, monsieur a pu s’infliger une déchirure partielle au niveau de la coiffe. Il y a concordance de temps et concordance de siège. Il y a continuité évolutive. Il est à noter cependant qu’à l’âge de 50 ans que 20% des gens auront une déchirure complète de la coiffe des rotateurs tout en étant asymptomatique. Cependant, compte tenu de l’ensemble des critères médicaux, mon opinion est à l’effet que la relation est médicalement acceptable.

 

Monsieur par ailleurs présente une arthrose gléno-humérale et un acromion de type 4. Il s’agit de conditions personnelles. Ces conditions surtout l’arthrose gléno-humérale a pu retarder la période de consolidation. Cette condition par ailleurs peut expliquer en partie la RRA. La symptomatologie actuellement est diffuse, ne semble pas du tout originer uniquement de la coiffe des rotateurs et dans ce contexte mon opinion est à l’effet que cette atteinte dégénérative gléno-humérale a joué un rôle dans l’apparition du phénomène douloureux. Elle a retardé la période de consolidation et justifie en grande partie l’ankylose résiduelle et donc les séquelles recommandées ainsi que les limitations fonctionnelles.

 

La condition de l’épaule droite démontrée à l’IRM et l’acromion de type 4 sont des conditions hors norme pour l’âge.

 

[27]           Le 4 juin 2008, la CSST à la suite d’une révision administrative confirme une décision rendue le 7 avril 2008 qui admet le nouveau diagnostic de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite dans le cadre de la récidive, rechute ou aggravation du 10 novembre 2007.

[28]           Le 26 juin 2008, la CSST détermine que le travailleur ne peut reprendre son emploi de charpentier-menuisier, qu’il ne peut exercer un autre emploi chez l’employeur et qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans.

[29]           Le 8 décembre 2008, la CSST à la suite d’une révision administrative confirme une décision rendue le 14 mai 2008 par laquelle elle refuse d’admettre le nouveau diagnostic de légère arthrose gléno-humérale en relation avec la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur à l’épaule droite.

[30]           Le 4 février 2009, l'employeur adresse à la CSST une demande de partage du coût des prestations se rapportant à la lésion professionnelle du travailleur en vertu de l’article 329 de la loi.

[31]           Le 24 novembre 2009, la CSST refuse la demande précitée au motif qu’il n’existe aucune relation entre le handicap du travailleur et sa lésion professionnelle. La CSST considère que le handicap n’a joué aucun rôle déterminant dans le phénomène qui a provoqué la lésion, qu’il n’a pas prolongé de façon appréciable la période de consolidation de celle-ci et qu’il n’a pas contribué à augmenter la gravité de la lésion ni les frais de la réparation.

[32]           L'employeur demande la révision de cette décision que confirme la CSST à la suite d’une révision administrative le 9 décembre 2009. La CSST conclut que le travailleur était porteur d’un handicap préexistant sous la forme d’un acromion de type IV mais que cette déficience n’a pas joué un rôle déterminant dans la survenance de la lésion professionnelle ni prolongé de façon appréciable la période de consolidation de celle-ci ni même contribué à augmenter la gravité des conséquences de cette lésion.

[33]           Le 11 janvier 2010, l'employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre de la décision précitée. À l’appui de sa contestation, l'employeur soumet au présent tribunal les opinions motivées émanant des docteurs Fradet et Couturier qui confirment, d’une part, le handicap préexistant à la lésion professionnelle et, d’autre part, la relation entre le handicap et la lésion. L'employeur fonde ses prétentions plus particulièrement sur l’avis du docteur Couturier auquel il réfère en ces termes dans son argumentation écrite :

En l’espèce, nous vous soumettons que le handicap préexistant du travailleur a aggravé de façon significative les conséquences de la lésion professionnelle.

 

Tout d’abord, rappelons que le diagnostic initial reconnu par la CSST a été celui de tendinite à l’épaule droite. Cette lésion a été consolidée de façon relativement normale en date du 15 août 2007 et ce, sans séquelle permanente.

 

Par la suite, le travailleur est retourné à son travail régulier. Le ou vers le 10 novembre 2007, le travailleur note une réapparition progressive de ses douleurs à l’épaule droite.

 

Au vu de ces événements, le Dr Couturier est d’avis que l’acromion de type 4 a joué un rôle prépondérant dans la survenance de la RRA pour les raisons suivantes :

 

« Un acromion de type 4 fait pression sur la coiffe des rotateurs et est un élément anatomique qui peut être la cause de la déchirure de cette coiffe. Ce type d’acromion, dont la partie inférieure décrite comme concave empiète sur l’espace entre l’acromion et la tête fémorale réduisant ainsi l’espace disponible pour la coiffe des rotateurs et les bourses. Lors des mouvements d’élévation mais surtout d’abduction du bras, la partie inférieure peut appuyer sur la coiffe et causer une lésion qui, au début ne peut être qu’une déchirure minime mais qui affaiblit la coiffe des rotateurs. Ce processus d’effet de masse peut se reproduire et, dans les faits, se reproduit de façon répété dans tous les gestes de la vie quotidienne, effritant de plus en plus cette coiffe et éventuellement causant des déchirures de plus en plus importante ou l’affaiblissant au point que des événements même bénins causent ou augmentent ces déchirures de plus en plus importantes. » (pièce E-2, p. 4)

 

Il est vrai que les faits entourant l’événement initial ne sont pas bénins. Toutefois, comme l’explique le Dr Couturier dans son rapport d’expertise, la douleur à l’épaule droite est réapparue après plusieurs mois, même si la lésion avait été consolidée rapidement et sans séquelle permanente. Il précise sa pensée comme suit :

 

« Il faut retenir que M. Bédard s’est blessé le 25 mai 2007 en manutentionnant un échafaudage relativement lourd. Qu’il ait présenté, à la suite de cet événement, une tendinite de l’épaule droite est tout à fait médicalement logique et acceptable. D’ailleurs, l’évolution initiale de cette lésion professionnelle le confirme. (…) Cette consolidation par le Dr Thériault le 15 août 2007 suggère que l’examen était normal, que monsieur était asymptomatique et qu’il pouvait retourner à son travail sans limitation ni restriction. Cette consolidation confirme, selon nous, le rôle important joué par la condition personnelle sous-jacente dans la rechute, récidive, aggravation déclarée le 10 novembre 2007. » (pièce E-2, p. 5)

 

Un peu plus loin :

 

« Si monsieur a recommencé à présenter des douleurs à l’épaule droite en novembre 2007, après une consolidation sans atteinte permanente ou limitation et après quelques mois d’accalmie, il est médicalement logique de penser que la condition préexistante de Monsieur a joué un rôle extrêmement important dans le construit de cette rechute, récidive, aggravation. Outre une condition dégénérative de l’articulation gléno-humérale, cet acromion de type 4 a indubitablement continué à provoquer une pression et effet de masse sur la coiffe des rotateurs et cause ainsi une nouvelle tendinopathie inflammatoire. » (pièce E-2, p. 5)

 

 

Une fois de plus, les éléments au dossier démontrent que le handicap préexistant a eu un impact dans l’apparition de la RRA du 10 novembre 2007.

 

Même si la CSST a accepté le diagnostic de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs en lien avec l’événement, le Dr Couturier est d’avis que le handicap a joué un rôle majeur dans l’émission de ce diagnostic. Il s’exprime comme suit :

 

« Que M. Bédard ait subi une tendinite de la coiffe des rotateurs droite le 25 mai 2007 est tout à fait médicalement acceptable. Qu’il ait aggravé des déchirures déjà présentes à la coiffe des rotateurs l’est également. L’acromion de type 4, une condition qui, tel que mentionné, a certainement joué un rôle prépondérant dans le construit de ces déchirures, a été mentionné par le Dr Jean-François Fradet, chirurgien orthopédiste, lors de son examen du 13 mai 2008. Le chirurgien orthopédiste notait de plus un syndrome d’accrochage ce qui est une démonstration que l’acromion fait effet de masse sur la coiffe des rotateurs. » (p. 4)

 

Selon le Dr Couturier, il est fort probable que le travailleur présentait déjà des déchirures au niveau de son épaule avant l’événement du 25 mai 2007 pour les motifs suivants :

 

« Lorsqu’il déclare une RRA le 10 novembre 2007, décrit cette rechute comme « j’ai commencé à ressentir de la douleur ». Si le 15 août 2007 l’épaule de M. Bédard était redevenue asymptomatique, il faut médicalement accepter que les éléments inflammatoires de la tendinite étaient disparus. Sinon, monsieur serait demeuré symptomatique et la lésion professionnelle n’aurait pas été consolidée. Si M. Bédard était asymptomatique le 15 août alors qu’il était, selon la révision administrative, porteur de déchirures de la coiffe des rotateurs, établies par la CSST, en lien avec l’événement initial du 25 mai 2007, il était selon nous asymptomatique de ces dites déchirures. On peut par conséquent émettre l’hypothèse qu’il est très probable (50 % + 1) que M. Bédard présentait ces déchirures avant l’événement du 25 mai 2007 ».

 

D’ailleurs, une note clinique datée du 6 novembre 2007 fait mention que le travailleur avait déjà eu une tendinite à l’épaule droite pour laquelle il avait reçu un traitement par infiltration. (p. 75).

 

[34]           Au-delà des considérations médicales précitées, l'employeur invoque dans son argumentation que les effets de la déficience sur les conséquences de la lésion professionnelle ne s’arrêtent pas à la prolongation de la période de consolidation. Il y a lieu de tenir compte également de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles avec droit à la réadaptation et enfin de l’inemployabilité du travailleur.

Afin de déterminer le pourcentage d’imputation à accorder à l'employeur, nous référons le Tribunal à l’outil d’analyse de la CSST portant sur les durées moyennes de consolidation.

 

En utilisant la méthode de calcul de la CSST qui prévoit une période de consolidation de 5 semaines pour une lésion inflammatoire, telle qu’une tendinite à l’épaule, nous arrivons à un pourcentage d’imputation de 85% (243 jours de consolidation observés /35 jours de consolidation moyenne diagnostic 100 = 694).

 

En tenant compte du diagnostic de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs accepté par la CSST, la période moyenne de consolidation est de 11 semaines, ce qui représente un pourcentage d’imputation de 70% (243 jours de consolidation observés /77 jours de consolidation moyenne diagnostic 100 = 316)

 

Au vu du rôle du handicap préexistant dans la survenance de la RRA et sur l’ensemble du dossier, nous croyons que la CLP devrait accorder à l'employeur un  partage de l’ordre de 85-15%, notamment parce que :

 

« La durée moyenne n’étant qu’une moyenne et la période de consolidation qu’un indicateur, même s’il est très important, le Tribunal, pour rendre sa décision « suivant l’équité, la justice du cas et le mérite réel », doit considérer d’autres facteurs pour établir le partage de coûts attribuables à une lésion en particulier ».

 

De plus, les conséquences d’une lésion professionnelle ne s’arrêtent pas à la date de consolidation. L’atteinte permanente, l’attribution de limitations fonctionnelles ou encore l’admission à un programme de réadaptation sont tous des éléments qui peuvent survenir suite à la consolidation d’une lésion et qui génèrent des coûts importants.

 

Outre la prolongation de la période de consolidation, le travailleur a conservé une atteinte permanente de l’ordre de 11% ainsi que des limitations fonctionnelles telles que décrites par le Dr Potvin :

 

« Le patient présentera donc des limitations fonctionnelles permanentes dues à cette atteinte importante de la coiffe des rotateurs. Étant menuisier de métier, il ne pourra plus faire de mouvements au-dessus de 90 degrés avec son épaule droite. Il ne pourra plus soulever des objets plus lourds que 2 kilos. Il sera donc très handicapé dans sa situation à cause de la diminution de force et de l’ankylose résiduelle. Il devra donc être réorienté dans un autre travail. » (p. 66)

Ces séquelles permanentes ont été accordées au travailleur pour les raisons suivantes :

 

« Il s’agit d’un patient de 62 ans qui présente une atteinte importante au niveau de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite entraînant une ankylose résiduelle avec une diminution d’abduction et d’élévation de l’épaule et une perte de force musculaire. Le patient aura donc des limitations fonctionnelles permanentes et on ne peut envisager la chirurgie chez lui à cause de son âge. » (p. 66)

 

Bien plus, en raison de ces limitations fonctionnelles, la CSST à conclu que le travailleur ne pouvait refaire son emploi de charpentier-menuisier et qu’il était actuellement impossible de lui déterminer un emploi convenable. En conséquence, le travailleur continuera de recevoir des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans. (p. 99)

 

[35]           Après avoir analysé l’ensemble de la preuve documentaire soumise et soupesé les arguments invoqués par l'employeur, la Commission des lésions professionnelles estime justifiée un partage du coût des prestations au présent dossier.

[36]           Il appert, d’une part, que la demande de partage de l'employeur respecte le délai légal prévu à l’article 329 de la loi. Le tribunal note, d’autre part, que la CSST a elle-même considéré cette demande eu égard non seulement à la lésion professionnelle initiale survenue le 25 mai 2007, mais également à la récidive, rechute ou aggravation de cette lésion à compter du 10 novembre suivant. L’analyse de la demande de partage du 4 février 2009 réfère, en effet, à une durée de consolidation de 243 jours. Une telle analyse globale s’impose dans les circonstances particulières du présent dossier afin de tenir compte à la fois de l’évolution et des conséquences de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur à l’épaule droite.

[37]           La CSST a conclu à l’existence d’un handicap préexistant à la lésion professionnelle chez le travailleur concerné, à savoir un acromion de type IV. Comme le souligne le docteur Couturier dans son opinion écrite, un tel type d’acromion ne représente pas la norme biomédicale quelque soit l’âge de l’individu concerné. Il s’agit, par conséquent, d’une déficience correspondant à un handicap préexistant au sens de l’article 329 de la loi et de la jurisprudence en la matière.

[38]           Il incombe toutefois à l'employeur de démontrer que cette déficience physique a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion. Bien que le docteur Couturier affirme qu’un acromion de type IV fait pression sur la coiffe des rotateurs et constitue un élément anatomique pouvant être la cause d’une déchirure à ce niveau, aucune littérature médicale n’est produite à l’appui de cette affirmation. Il n’y a pas de donnée médicale mise en preuve établissant que la partie inférieure d’un tel acromion soit concave plutôt que convexe et qu’elle empiète sur l’espace entre l’acromion et la tête humérale, réduisant ainsi l’espace disponible pour la coiffe des rotateurs et les bourses en provoquant une pression et un effet de masse sur la coiffe de nature à causer une nouvelle tendinopathie, voire même une déchirure à ce niveau.

[39]           Malgré l’absence d’une telle preuve médicale, le tribunal ne peut ignorer pour autant les observations effectuées par le radiologiste lors de l’arthro IRM de l’épaule droite du travailleur en date du 21 février 2008. À l’acromion de type IV accompagné d’une légère arthrose gléno-humérale s’ajoute une légère ostéophytose de la tête humérale et une petite géode près de l’insertion de 5 mm à la portion latérale de la tête. La conjonction de telles anomalies identifiées à l’épaule droite du travailleur constitue une condition hors norme pour l’âge de celui-ci, comme en atteste d’ailleurs l’opinion écrite émise par le docteur Fradet en tant que chirurgien orthopédiste le 13 mai 2008. On note, enfin, l’existence d’antécédents de tendinite à l’épaule droite du travailleur qui a déjà été infiltré à ce niveau antérieurement à la lésion professionnelle du 25 mai 2007.

[40]           Le traumatisme significatif qu’a subi le travailleur en rotation externe de même qu’en abduction du membre supérieur droit pour retenir un poids d’environ 150 livres, lors de l’événement du 25 mai 2007 a pu en soi causer la tendinite de l’épaule droite diagnostiquée le 9 juin suivant. Cette lésion professionnelle s’est toutefois résorbée avec reprise du travail régulier à compter du 30 juillet suivant. Lors de la consolidation de la lésion, le 15 août 2007, l’examen de l’épaule droite s’avérait essentiellement normal malgré la persistance d’une douleur à la palpation. Le travailleur a d’ailleurs été en mesure de refaire son travail de charpentier-menuisier qui implique des efforts importants. C’est dans ce contexte qu’il y a eu réapparition par la suite d’une tendinite à l’épaule droite devenue incapacitante le 10 novembre 2007.

[41]           Les déchirures incomplètes du sus et du sous-épineux de cette épaule, telles que démontrées à la résonance magnétique du 21 février 2008, ont été admises dans le cadre de la récidive, rechute ou aggravation précitée. Or, si le traumatisme qu’a connu le travailleur le 25 mai 2007 est compatible avec la survenance d’une déchirure partielle de la coiffe des rotateurs, la preuve médicale au dossier atteste de deux déchirures à ce niveau qui, de surcroît, s’avèrent presque complètes.

[42]           L’importance et l’étendue de telles déchirures à la lumière de l’évolution de l’état clinique du travailleur depuis l’événement du 25 mai 2007 tendent à confirmer la thèse de l'employeur en faveur de déchirures préexistantes aggravées par le traumatisme du 25 mai 2007. De telles déchirures constituent malgré tout des lésions professionnelles telles que déjà admises par la CSST au présent dossier.

[43]           L’évolution de la symptomatologie ainsi que des diagnostics successifs émis à l’épaule droite du travailleur en 2007 et 2008 démontre que la déficience préexistante à ce niveau a eu des effets sur les conséquences de la lésion professionnelle.

[44]           Les diagnostics de tendinite et de déchirures de la coiffe des rotateurs admis par la CSST au présent dossier ont nécessité 243 jours de consolidation. Comme l’indique l'employeur, une telle prolongation de la période de consolidation généralement reconnue pour de telles lésions justifie l’octroi d’un partage de l’ordre de 30 % du coût des prestations au dossier financier de l'employeur et 70 % aux employeurs de toutes les unités. À la durée de consolidation de la lésion professionnelle s’ajoute l’octroi d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles importantes. Tel qu’il appert des opinions des docteurs Couturier et Fradet, la déficience préexistante à l’épaule droite du travailleur justifie en grande partie l’ankylose résiduelle et donc les séquelles ainsi que les limitations fonctionnelles incapacitantes à ce niveau.

[45]           La preuve médicale atteste, en outre, de l’évolution subséquente d’une arthrose gléno-humérale symptomatique dont l’admissibilité a cependant été refusée à titre de lésion professionnelle au dossier.

[46]           Considérant l’effet de la déficience préexistante à l’épaule droite du travailleur sur les conséquences de la lésion professionnelle admise à ce niveau, la Commission des lésions professionnelles estime juste et équitable de faire droit à la demande de l'employeur de lui accorder un partage du coût des prestations de l’ordre de 15 % à son dossier financier et 85 % aux employeurs de toutes les unités.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de Kimtuk construction et développement inc., l'employeur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 9 décembre 2009;

DÉCLARE que 15 % du coût des prestations se rapportant à la lésion professionnelle qu’a subie monsieur Richard Bédard, le travailleur, doit être imputé au dossier financier de l'employeur et 85 % aux employeurs de toutes les unités.

 

 

 

Geneviève Marquis

 

 

Me Émilie Bachand

A.P.C.H.Q. - SAVOIE FOURNIER

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           [1999] C.L.P. 779 .

[3]           [1999] C.L.P. 891 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.