Décision

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                              COMMISSION D'APPEL EN
                MATIÈRE DE LÉSIONS
                              PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC                   MONTRÉAL, le 26 juin 1987

     DISTRICT D'APPEL         DEVANT LE COMMISSAIRE:      DE MONTRÉAL
                Réal Brassard

     RÉGION:ÎLE DE MONTRÉAL   AUDITION TENUE LE:
                              3 mars 1987
     DOSSIER: 01059-60-8610

     DOSSIER CSST:8660R0461   A: Montréal

                              M. MICHEL HARDOIN
                              2170, rue Favard, # 6
                              Montréal (Québec)
                              H3K 1Z8

                                   PARTIE APPELANTE
                                   Représentée par:
                                   Me Julie Dutil

                              et

                              CANADAIR LTÉE
                              1800, boul. Laurentien
                              Montréal (Québec)
                              H4R 1K2

                                   PARTIE INTÉRESSÉE
                                   Représentée par:
                                   Antonio Lebrun

     01059-60-8610                                    2/

                                     D É C I S I O N

     Le 7 octobre 1986, monsieur Michel Hardoin, l'appe-

     lant, dépose à la Commission d'appel en matière de

     lésions professionnelles  (ci-après «la Commission

     d'appel»),  une  déclaration  d'appel  à  l'encontre

     d'une décision majoritaire du bureau de révision de

     la  région  de  l'île-de-Montréal  rendue  le  17

     septembre 1986.
     

Par cette décision, le bureau de révision infirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après «la Commission») à l'effet que la lésion subie par l'appelant lors d'un accident survenu le 10 mars 1986 est une lésion professionnelle en vertu de l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

OBJET DE L'APPEL L'appelant demande à la Commission d'appel d'in- firmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il a été victime d'une lésion profes- sionnelle le 10 mars 1986, en vertu des disposi- tions de l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

01059-60-8610 3/ EXPOSE DES FAITS Le 29 novembre 1985, alors qu'il est à l'emploi de Canadair Ltée, partie intéressée, l'appelant est victime d'un accident du travail. Il subit une lésion professionnelle et s'absente du travail.

Pendant son absence du travail, il reçoit des soins de physiothérapie. Il revient au travail le 21 janvier 1986. A cette date, il n'a pas encore terminé ses traitements de physiothérapie, de sorte qu'il travaille chez son employeur l'avant-midi et s'absente du travail l'après-midi pour recevoir ses traitements de physiothérapie.

L'employeur rémunère l'appelant l'avant-midi et autorise son absence au travail l'après-midi en lui remettant un permis d'absence. L'appelant reçoit des indemnités de remplacement du revenu pour la demi-journée qu'il consacre aux soins de physiothé- rapie.

Durant cette période, l'appelant quitte l'usine vers 11 h 20, prend l'autobus pour se rendre à l'hôpital Champlain pour y recevoir les soins que nécessite son état. Ses traitements se terminent vers 01059-60-8610 4/ 15 h 00 et il retourne en autobus chez lui, jugeant inutile de retourner à son travail puisque son quart de travail se termine à 15 h 45.

Comme d'habitude, 1e 10 mars 1986, il se rend à l'hôpital Champlain pour y recevoir ses traitements de physiothérapie. Après avoir terminé, il se rend sur le coin de la rue, près de l'hôpital, pour y attendre l'arrivée de l'autobus qu'il a l'habitude de prendre pour retourner chez lui. Une automobile s'arrête près de lui. Il s'agit d'une personne recevant des traitements de physiothérapie en même temps que lui et qu'il connaît.

Cette personne lui propose de le reconduire chez lui. Comme il prévoit une attente de 15 à 20 minutes avant l'arrivée de l'autobus qu'il doit prendre, l'appelant accepte la proposition et monte dans l'automobile. Il en descend à une certaine distance de chez lui. Il se dirige donc à pied vers son appartement. Arrivé à la hauteur de la 4e avenue et de l'avenue Verdun, vers 15 h 30, il fait une chute en glissant sur un trottoir glacé. Il se blesse alors à la cheville gauche.

01059-60-8610 5/ Le médecin qui prend charge de l'appelant diagnostique une fracture bi-malléolaire à la cheville gauche.

ARGUMENTATION DES PARTIES L'appelant soumet que l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies profes- sionnelles est de droit nouveau. Il souligne que cet article de la loi crée une présomption de lésion professionnelle pour une blessure qui survient par le fait ou à l'occasion des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion profes- sionnelle. Cet article, selon l'appelant, ajoute à la définition de lésion professionnelle de l'arti- cle 2 de la loi.

L'appelant soutient que cet article de la loi doit recevoir une interprétation large dans la mesure où 1e législateur a explicitement prévu, au dernier alinéa, les exceptions à son application.

L'appelant souligne que, n'eût été de la nécessité pour lui de subir des traitements de physiothé- rapie, il aurait été au travail à cette heure-là, le jour de l'accident. Il revenait d'une séance de traitements. Il soutient donc que la blessure 01059-60-8610 6/ qu'il a subie s'est produite à l'occasion de ses traitements. Cette blessure, selon lui, doit donc être considérée une lésion professionnelle au sens de l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

L'appelant souligne encore qu'au moment de l'accident en cause, il était payé comme s'il était au travail, qu'il détenait un permis d'absence de son employeur, qu'il était donc en quelque sorte sous le contrôle de son employeur.

L'employeur souligne que l'expression «à l'occasion de soins» qui se retrouve à l'article 31 de la loi est tout à fait similaire à l'expression «à l'occa- sion de son travail» que l'on retrouve dans la définition de l'accident du travail, à l'article 2 de la loi. Il soumet qu'il est donc tout à fait approprié de donner à cette expression la même interprétation que celle qui a été faite dans le cadre de la définition d'un accident du travail et d'appliquer la jurisprudence qui existe par rapport à l'interprétation de cette expression.

01059-60-8610 7/ L'employeur soumet que, dans le présent cas, l'appelant n'était pas sous son autorité, qu'il n'existait pas entre lui et l'appelant de lien de subordination lorsqu'est survenu l'accident du 10 mars 1986. Il indique que le permis d'absence que détenait l'appelant a pour effet de le libérer de ses obligations en vertu du contrat de travail et non pas de le maintenir sous son contrôle. L'em- ployeur soumet que, durant la période où l'appelant était en traitement, il était plutôt sous le contrôle de la Commission.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider si la blessure que l'appelant a subie lors de l'accident survenu le 10 mars 1986 doit être considérée une lésion professionnelle en vertu des dispositions de l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

L'article 31 de la loi ci-haut mentionné édicte: 31. Est considéré une lésion profession- nelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion: 1 - des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins; 01059-60-8610 8/ 2 - d'une activité prescrite au travail- leur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

Cependant, le premier alinéa ne s'appli- que pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (L.R.Q., chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (L.R.Q., chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indem- nisation des victimes d'actes criminels (L.R.Q., chapitre I-6).

Les exceptions à l'application de cet article, exceptions prévues à son dernier alinéa, ne s'appli- quent pas dans la présente cause. Aucune preuve n'a été faite à cet effet.

La blessure subie par l'appelant n'est pas survenue à l'occasion d'une activité prescrite dans le cadre des traitements de physiothérapie qu'il recevait.

Le deuxième paragraphe du même article ne s'appli- que donc pas en l'espèce.

Il reste donc à déterminer si la blessure subie par l'appelant est survenue à l'occasion des soins qu'il a reçus pour la lésion professionnelle dont il a été victime 1e 29 novembre 1985.

01059-60-8610 9/ L'article 31 de la loi est un article de droit nouveau. L'expression «à l'occasion de» est la même expression que l'on retrouve dans la défini- tion de l'expression «accident du travail», à cette différence que, dans le cas de l'accident du travail, cette expression est liée au travail du travailleur, à la prestation de travail. Dans le cas de l'article 31, premier paragraphe, l'expres- sion «à l'occasion de» est en relation avec les soins reçus pour une lésion professionnelle.

L'article 31 de la loi établit une relation entre une lésion ou une maladie et les soins que reçoit un travailleur pour une lésion professionnelle. Il s'agit d'établir un lien de causalité, sans égard à la faute, entre la lésion ou la maladie et les soins reçus. L'expression «à l'occasion de» laisse voir que ce lien de causalité n'est pas restreint à la cause immédiate de la lésion. C'est ainsi que la lésion pourra être causée par les soins eux-mêmes ou par une cause plus ou moins éloignée.

Dans le premier cas, on dira que la lésion ou la maladie est survenue par le fait des soins; dans le deuxième cas, la lésion ou la maladie sera survenue à l'occasion de tels soins.

01059-60-8610 10/ Il existe généralement une pluralité de causes qui ont amené un événement: il y a la cause immédiate, celle qui a causé la lésion, l'événement causal, et il y a un ensemble de causes contributives, ou un enchaînement de causes. Il s'agit ici de détermi- ner jusqu'où il faut remonter dans l'ensemble des causes pour lier l'événement survenu aux soins reçus.

Il est intéressant de faire ici un parallèle avec la jurisprudence concernant l'interprétation donnée par les tribunaux et les Cours de justice à l'expression «à l'occasion de».

L'examen de la jurisprudence consultée révèle que l'expression «à l'occasion de» a été interprétée à la lumière de deux paramètres: l'accident doit être survenu dans le cadre du travail et un lien doit exister entre l'action du travailleur et le travail pour lequel il est rémunéré.

Ont été considérés comme des événements survenus dans le cadre du travail, ceux qui arrivent sur les lieux mêmes du travail ou sur les lieux immédiats du travail, où la présence du travailleur 01059-60-8610 11/ s'expliquait par le fait qu'il était à se rendre à son poste de travail. C'est ainsi, par exemple, que la jurisprudence a reconnu comme étant survenu dans le cadre du travail, un accident qui se produit sur les terrains de l'employeur, sur les routes donnant accès immédiat au lieu de travail.

Ces accidents ont été reconnus comme accidents du travail ou non selon que l'événement à l'origine de l'accident était ou non en relation avec le travail. Le lien avec le travail a été reconnu selon qu'il s'agissait d'un acte connexe au travail et plus ou moins utile à son accomplissement, Les accidents de trajets, sur les routes publiques, même si le travailleur circulait sur ces routes en raison de son travail, n'ont pas été reconnus comme étant arrivés dans le cadre du travail ni comme étant arrivés à l'occasion du travail.

La Commission d'appel considère que, dans l'inter- prétation de l'article 31 de la Loi sur les acci- dents du travail et les maladies professionnelles, il y a lieu de s'inspirer de cette jurisprudence et 01059-60-8610 12/ de considérer qu'une blessure ou une maladie survient à l'occasion des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle quand une telle blessure ou maladie survient dans le cadre de ces soins, c'est-à-dire sur les lieux mêmes où sont prodigués les soins ou sur les lieux immédiats, où se trouve le travailleur pour recevoir ces soins, ou quand il quitte ces lieux.

La Commission d'appel qu'une blessure ou une maladie qui survient sur le trajet entre le lieu où sont prodigués les soins et le lieu de départ ou de retour du travailleur n'est pas survenue à l'occa- sion de soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle, pas plus qu'une blessure survenue dans de telles circonstances ne serait une blessure survenue à l'occasion du travail.

Dans la présente cause, l'appelant a été victime d'une blessure après qu'il eut quitté l'Hôpital Champlain, après y avoir reçu les soins de physio- thérapie que nécessitait sa lésion professionnelle.

01059-60-8610 13/ L'accident est survenu à distance de sa demeure, après qu'un bon samaritain qui lui avait offert de le reconduire chez lui, l'eut déposé. L'accepta- tion de l'offre qui lui était faite est un geste purement personnel sans relation avec les soins qu'il recevait à l'hôpital pour sa lésion profes- sionnelle, comme l'est celui de prendre l'autobus ou sa voiture personnelle pour retourner à la maison.

La Commission d'appel considère que la blessure dont a été victime l'appelant le 10 mars 1986, n'est pas survenue à l'occasion des soins qu'il recevait pour une lésion professionnelle.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel; 01059-60-8610 14/ CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision de la région de l'île-de-Montréal, le 17 septembre 1986.

Réal Brassard Commissaire JURISPRUDENCE CONSULTÉE Cyr c. Hôpital Général Fleury Inc. (1977, C.S., 303 à 305) Dominion Quarry c. Morin (1911, R.J.Q., 147 à 158) CTCUM c. CAT et Roger Caron (1978, C.S., 1 à 5) Les Pâtes Domtar Ltée c. CSST (1981, C.S., 657 à 663) Giguère c. Dame Couture (1970, C.A., R.S.Q., 212 à 224) OUVRAGE DE DOCTRINE CONSULTÉ La responsabilité civile délictuelle, Jean-Louis Beaudoin (Les Editions Yvon Blais Inc., 175 à 189)

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