Modèle de décision CLP - juin 2011

Fabrications Dor-Val ltée

2012 QCCLP 7053

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

31 octobre 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

476229-71-1206

 

Dossier CSST :

132973322

 

Commissaire :

Anne Vaillancourt, juge administratif

 

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Fabrications Dor-Val ltée

 

Partie requérante

 

 

 

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DÉCISION

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[1]           Le 29 juin 2012, Fabrications Dor-Val ltée, l’employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 5 juin 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision en révision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 8 mars 2012 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations versées à monsieur José A. Jovel-Larin, le travailleur, en lien avec la lésion professionnelle qu’il a subie le 22 février 2008.

[3]           Avant l’audience prévue le 9 octobre 2012, l’employeur a demandé à la Commission des lésions professionnelles de rendre une décision à partir des éléments contenus au dossier et d’une argumentation écrite incluant un complément de preuve qui a été reçu par le tribunal le 10 octobre 2012. L’affaire a été mise en délibéré le 10 octobre 2012.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder un partage du coût des prestations versées au travailleur découlant de sa lésion professionnelle subie le 22 février 2008 dans une proportion de 5 % au dossier de l’employeur et de 95 % à l’ensemble des employeurs.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit à un partage d’imputation en vertu de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit comme suit :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[6]           Pour bénéficier d’un partage du coût des prestations, l’employeur doit démontrer que le travailleur était déjà handicapé lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle le 22 février 2008.

[7]           La notion de « travailleur déjà handicapé » fait l’objet d’une interprétation largement partagée par la Commission des lésions professionnelles depuis l’affaire Municipalité Petite-Rivière-St-François[2], dont il convient de reproduire l’extrait suivant :

[23.]     […] un travailleur déjà handicapé au sens de l’article 329 de la loi est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion.

 

[24.]     La première étape consiste donc à vérifier si le travailleur présente une déficience physique ou psychique. Sur ce point, il est utile de se référer à la Classification internationale des handicaps élaborée par l’Organisation mondiale de la santé (Paris, CTNERHI-Inserm, 1988) parce que ce manuel a l’avantage de représenter un consensus de la communauté médicale internationale sur ce que constitue un handicap. Selon cet ouvrage, une déficience constitue une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme bio-médicale. Cette déficience peut être congénitale ou acquise. Finalement, pour reprendre le courant de jurisprudence que la soussignée partage, la déficience peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement. La déficience peut aussi exister à l’état latent, sans qu’elle se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle.

 

 

[8]           L’employeur doit donc démontrer l’existence d’une déficience physique ou psychique qui correspond à une déviation, par rapport à une norme biomédicale, par une preuve objective.

[9]           Il doit ensuite démontrer que cette déficience a joué un rôle dans l’apparition de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de celle-ci. À cette fin, la Commission des lésions professionnelles a énuméré certains paramètres à considérer dans l’analyse de la relation entre la déficience et la lésion professionnelle[3]. Aucun de ces critères ne doit être considéré isolément; ils doivent plutôt être considérés dans leur ensemble.

[10]        Ces paramètres sont les suivants :

·         La nature et la gravité du fait accidentel

·         Le diagnostic de la lésion professionnelle

·         L’évolution des diagnostics et de la condition du travailleur

·         La durée de la période de consolidation de la lésion professionnelle

·         La nature des soins et des traitements prescrits

·         La compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle

·         L’existence ou non de séquelles découlant de la lésion professionnelle

·         L’âge du travailleur

·         Les opinions médicales

 

[11]        Qu’en est-il dans le présent dossier?

[12]        Le 22 février 2008, le travailleur, alors âgé de 59 ans, occupe un emploi de sableur chez l’employeur depuis 1994, lorsqu’il ressent une douleur à l’épaule gauche en déplaçant une table.

[13]        Le 25 février 2008, le docteur Vincent pose un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche et recommande un arrêt de travail complet. Des traitements de physiothérapie sont prescrits le même jour.

[14]        Le 26 février 2008, le docteur Lemire pose un diagnostic de tendinite calcifiante de l’épaule gauche. Une infiltration est prescrite.

[15]        À compter du 15 mars 2008, le médecin traitant autorise une assignation temporaire.

[16]        Le 2 avril 2008, le docteur Lemire constate une détérioration de la tendinite calcifiante et prescrit une période de repos.

[17]        Le 26 mai 2008, le docteur Lemire pose un diagnostic de tendinite calcifiante de l’épaule gauche avec douleur neuropathique en T2 gauche.

[18]        Le 31 juillet 2008, le docteur Dansereau met fin aux traitements de physiothérapie et débute un retour au travail léger progressif.

[19]        Le 13 août 2008, le docteur Yves I-Bing Cheng constate un état stationnaire de la tendinite de l’épaule gauche et prescrit une échographie.

[20]        Le 28 août 2008, le travailleur passe une échographie de l’épaule gauche qui met en évidence une petite calcification du tendon sous-épineux d’une dimension de 3 millimètres et une calcification du tendon sus-épineux de 1,4 centimètre toutes deux compatibles avec une tendinite calcifiante. De plus, le résultat décrit aussi une bursite sous-acromiale sous-deltoïdienne, une arthrose acromio-claviculaire et un accrochage de grade II/III. Il est noté de plus que la morphologie acromiale est de type II.

[21]        Le 29 août 2008, le travailleur est référé au docteur Lévesque, orthopédiste, pour une tendinite de l’épaule gauche complexe et rupture tendineuse avec échec des traitements conservateurs.

[22]        Le travailleur a rendez-vous avec le docteur Lévesque le 15 septembre 2008, mais le 12 septembre 2008, la docteure Andrée Robillard rédige un rapport final constatant que la tendinite calcifiée s’améliore. La lésion est consolidée le 12 septembre 2008 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Un retour au travail régulier est prescrit le 15 septembre 2008.

[23]        Le 12 mars 2009, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 22 février 2008. Il y a lieu de reproduire l’extrait suivant de la décision :

[41]      On constate donc que dès 2001, soit après dix années d’utilisation de la sableuse, le travailleur a commencé à ressentir des douleurs à son épaule gauche et s’en est plaint à son employeur. C’est à cette époque que le travailleur consulte un médecin qui prescrit la prise d’anti-inflammatoires. Aucun arrêt de travail n’ayant lieu, l’exposition aux risques s’est alors poursuivie.

 

 

[42]      Plus tard, vers 2003, le travailleur est assigné au sablage des banquettes. Toutefois, les conditions dans lesquelles ces tâches étaient effectuées sont assimilables à celles qu’on retrouvait lors du ponçage des tables. Ces conditions ont ainsi contribué à la formation de la tendinite.

 

[43]      Par ailleurs, malgré le fait que cet élément n’est pas inclus à l’article 29 de la loi, le tribunal tient compte des vibrations générées par la vitesse de rotation de la sableuse. Cet aspect engendre une sollicitation supplémentaire de l’épaule et augmente les risques auxquels le travailleur était exposé.

 

[44]      Tous ces mouvements sollicitaient les muscles des épaules. Puisque le travailleur utilisait en alternance ses deux membres supérieurs, il n’est pas étonnant que la tendinite se présente sur son bras non dominant qui est par définition le plus faible.

 

[45]      En 2005-2006, le travailleur est assigné au poste d’inspecteur des chaises. Ses fonctions sont alors plus variées. Il doit notamment soulever des chaises, les déposer sur un plan de travail et y effectuer diverses corrections. Toutefois, encore ici, il doit utiliser la sableuse durant près de deux heures chaque jour. Bien que le temps d’utilisation de la sableuse est moins important qu’autrefois, il demeure qu’il doit poncer des parties différentes pour chaque chaise. Tenant compte de la structure irrégulière des chaises, il doit alors adopter des positions qui peuvent parfois être contraignantes.

 

[46]      Les notes de consultation datant de décembre 2007 démontrent que l’épaule gauche du travailleur est affectée d’une tendinite calcifiante. Considérant que les symptômes sont présents depuis 2001, il n’est pas surprenant de constater que durant cette période, la tendinite s’est calcifiée.

 

[47]      Puis survient l’événement du 22 février 2008, alors qu’en saisissant une chaise à bout de bras, les symptômes se manifestent de manière plus marquée. Même si aucun geste sortant de l’ordinaire n’est relaté, il n’en demeure pas moins que l’épaule était alors préalablement affectée et plus susceptible de subir ce genre de blessure.

 

[48]      Selon la preuve présentée par le travailleur, il avise son superviseur de l’augmentation de ses symptômes et quitte le travail pour son domicile où il se reposera durant la fin de semaine qui suit, espérant que la douleur diminuera.

 

[49]      Pour sa part, madame Lefebvre témoigne que lors de son départ, le travailleur ne lui aurait pas rapporté l’apparition de la douleur, se contentant de mentionner qu’il ne se sent pas bien.

 

[50]      Le tribunal note toutefois que ce ne sont pas les informations qu’on retrouve aux notes évolutives de la CSST alors que l’agente rapporte les propos tenus par madame Lefebvre qui confirme l’événement et précise que le travailleur a quitté l’établissement vers 10h le 22 février 2008. Il convient donc de retenir cette dernière version.

 

[51]      Parce que la douleur ne régresse pas, le lundi 25 février 2008, le travailleur consulte le docteur Vincent qui pose le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs gauche. De l’avis du tribunal, il s’agit ici d’une manifestation survenue au travail de la tendinite qui affectait l’épaule gauche depuis plusieurs années et qui est reliée aux conditions dans lesquelles les fonctions de sablage étaient effectuées.

 

[52]      C’est dans un tel contexte que la Commission des lésions professionnelles conclut que la présomption décrite à l’article 29 de la loi trouve ici son application : la tendinite calcifiante de l’épaule gauche constitue donc une maladie professionnelle qui a rendu le travailleur incapable d’exercer son travail à compter du 22 février 2008. Sa requête doit être accueillie.

 

 

[24]        Le 30 mars 2009, le travailleur cesse de nouveau le travail pour une tendinite aux deux épaules et produit une réclamation à la CSST. Il allègue qu’il a présenté des douleurs en effectuant son travail régulier entre son retour au travail le 12 septembre 2008 et le nouvel arrêt de travail le 30 mars 2009.

[25]        Le 14 mai 2009, la CSST reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 29 mars 2009, soit une tendinite aux deux épaules. Cette décision est confirmée par la révision administrative le 28 octobre 2009.

[26]        Le 2 octobre 2009, le docteur Cheng rédige un rapport d’évaluation médicale pour une tendinite de l’épaule gauche et de l’épaule droite. Il rapporte qu’une échographie de l’épaule droite effectuée le 23 juin 2009 démontre une tendinite du sous-scapulaire, une bursite sous-acromiale sous-deltoïdienne avec accrochage grade II/III et une déchirure transfixiante du supra-épineux distal. Malgré des traitements conservateurs, le travailleur n’a pas été en mesure de reprendre son travail. Lors de l’examen objectif, les amplitudes articulaires des deux épaules sont complètes. Les signes de Neer et Hawkins sont positifs pour la coiffe des rotateurs bilatéralement. Le docteur Cheng retient un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une atteinte des tissus mous des épaules droite et gauche et des limitations fonctionnelles.

[27]        Le 28 avril 2010, la CSST détermine un emploi convenable de journalier de rembourrage qui est disponible chez l’employeur et que le travailleur est capable d’exercer à compter du 28 avril 2010.

[28]        Le 10 septembre 2010, le travailleur présente une réclamation à la CSST pour une rechute récidive ou aggravation de l’événement du 29 mars 2009, soit la reprise de douleur dans l’exercice de son travail de journalier de rembourrage. Un diagnostic de tendinite aux deux épaules est de nouveau posé et un arrêt de travail est de nouveau recommandé.

[29]        Le 10 novembre 2010, le travailleur est examiné par le docteur Claude Lamarre, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur. Il retient des diagnostics de tendinites calcifiantes des deux épaules qui sont résolues sans nécessité de prévoir d’autres traitements. Il ne retient pas d’atteinte permanente, mais en raison du problème de calcification bilatérale et des douleurs aux épaules, il recommande des limitations fonctionnelles personnelles. Le docteur Lamarre rapporte intégralement le résultat d’une échographie de l’épaule droite réalisée le 23 juin 2009 qu’il convient de reproduire :

« 1. Bourse sous-acromio-sous-deltoïdienne : bursite modérée sous-acromiale sous-deltoïdienne.

 

2. Tendon du long biceps : position, configuration et échogénécité normaux.

 

3. Tendon du sous-scapulaire : tendinite calcifiante mesurant environ 7 mm de diamètre au niveau du sous-scapulaire, pas de déchirure.

 

4. Tendon de l’infra-épineux : configuration et échogénécité normaux.

 

5. Tendon de l’infra-épineux : déchirure oblique d’allure transfixiante du supra-épineux distal. La déchirure mesure environ 13 x 15 cm de diamètre. En comparaison avec l’examen antérieur de août 2008, pas de changement significatif.

 

6. Articulation acromio-claviculaire : pas d’évidence d’ostéoarthrose ou autre anomalie.

 

7. Articulation gléno-humérale : pas d’épanchement.

 

8. Évaluation dynamique : accrochage grade II/III, caractérisé par l’accumulation de liquide dans la bourse sous-acromiale sous-deltoïdienne et douleur lors de l’élévation et de l’abduction du bras.

 

 

[30]        Puis, le docteur Lamarre ajoute le commentaire suivant concernant la condition personnelle :

[...]

 

Il présente des calcifications au niveau des deux épaules qui peuvent occasionner des douleurs au niveau des épaules. Il s’agirait à ce moment-là d’un problème personnel qui a eu une incidence sur la consolidation et qui est hors norme biomédicale.

 

L’acromion de type II ne semble pas, d’après nos connaissances actuelles, occasionner de problèmes majeurs. Il peut toujours favoriser une certaine tension au niveau de la coiffe, mais tant que nous n’avons pas un acromion de type III, on ne peut pas vraiment parler de cause personnelle importante.

 

Pour ce qui est de la plaque au niveau de l’humérus droit, comme je l’ai dit plus haut, ceci n’occasionne aucun problème.

 

 

[31]        Le 6 janvier 2011, la CSST refuse la réclamation du travailleur, mais cette décision est infirmée par la révision administrative le 31 mai 2011 qui reconnaît que le travailleur a subi une rechute récidive ou aggravation le 10 septembre 2010 pour un diagnostic de tendinite aux deux épaules.

[32]        Le 4 mars 2011, le travailleur est examiné par le docteur Pierre Beaumont, orthopédiste et membre désigné du Bureau d’évaluation médicale pour donner un avis concernant la lésion professionnelle du 29 mars 2009 et la récidive, rechute ou aggravation du 10 septembre 2010 quant à la date de consolidation, la nécessité des soins, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Les amplitudes articulaires des deux épaules sont complètes. Il juge les lésions consolidées le 2 octobre 2009, mais en insistant sur le respect par l’employeur des limitations fonctionnelles. Il convient de reproduire un extrait de son avis sur la question :

[…]

 

Si je me fie au dossier, aux nombreuses visites chez le médecin traitant, la consultation chez le docteur Mitchell, il ne semble pas y avoir de changement par rapport à mon examen et celui du docteur Lamarre. En effet, les lésions étaient consolidées. Le problème, semble-t-il, est plutôt le respect des limitations fonctionnelles par l’employeur. Le patient ne semble pas très bien comment s’organiser avec le non respect des limitations fonctionnelles, ce pourquoi il continuait de rencontrer son médecin après la date de consolidation. D’ailleurs, le docteur Cheng le note à plusieurs reprises dans ses notes d’évolution.

 

J’ignore pourquoi le docteur Lamarre a indiqué le mois d’août 2009 comme date de consolidation. En fait, le REM a été fait le 2 octobre 2009 par le docteur Cheng et les limitations fonctionnelles ont été corrigées pour passer de charges de 20 kilos à 10 kilos, en date du 30 octobre 2009, envoyées de façon officielle à la CSST à cette date. En effet, celui-ci corrigeait le no 9 comme suit : « Compte tenu du suivi de ce patient, des résultats de l’investigation, de l’examen physique effectué aujourd’hui, je retiens les limitations fonctionnelles suivantes :

 

[...]

 

Le docteur Lamarre ne semblait pas en désaccord avec cela si je me fie à l’évaluation qu’il a fait en date du 10 novembre 2010.

 

On devrait retenir comme date de consolidation le 2 octobre 2009 et le rapport final des limitations fonctionnelles comme étant le 30 novembre 2009, si je me fie au rapport officiel du docteur Cheng. [sic]

 

 

[33]        Le 5 mars 2012, le docteur Jules Boivin, chirurgien orthopédiste, réalise une expertise à la demande de la CSST après avoir examiné le travailleur le 24 février 2012. Il conclut à des signes de discordance entre les examens passif et actif. Il est d’avis de retenir les séquelles permanentes qui avaient été retenues par le docteur Cheng en 2009.

[34]        Le 11 avril 2012, la Commission des lésions professionnelles rend une décision entérinant un accord intervenu en conciliation et déclare que la rechute récidive ou aggravation du 10 septembre 2010 est en lien avec la lésion professionnelle initiale du 22 février 2008 plutôt que la lésion professionnelle du 29 mars 2009.

[35]        L’employeur produit un portrait du travailleur qui illustre les différentes périodes où le travailleur a reçu des indemnités de remplacement du revenu depuis sa lésion professionnelle en 2008.

[36]        L’employeur demande un partage du coût de l’imputation et produit une argumentation écrite à la Commission des lésions professionnelles. L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de prendre en considération les commentaires du docteur Lamarre, selon lesquels les tâches du travailleur ne peuvent avoir causé les calcifications au niveau des coiffes des rotateurs et qu’il s’agit de phénomènes hors norme biomédicale qui ont eu une incidence sur la consolidation de la lésion. À cet égard, l’employeur soutient que la période de consolidation réelle est de près de 800 jours alors que la période normale pour une tendinite est de 35 jours, et demande en conséquence un partage de l’ordre de 5 % à son dossier et de 95 % à l’ensemble des employeurs.

[37]        C’est à partir de ces éléments de la preuve que la Commission des lésions professionnelles doit maintenant rendre sa décision.

[38]        La preuve factuelle et médicale permet de conclure que le travailleur présentait des tendinites calcifiantes aux deux épaules, et ce, avant leur reconnaissance en 2008 (épaule gauche) et en 2009 (deux épaules).

[39]        Selon le docteur Lamarre, le travailleur « présente des calcifications au niveau des deux épaules qui peuvent occasionner des douleurs au niveau des épaules. Il s’agirait à ce moment-là d’un problème personnel qui a eu une incidence sur la consolidation et qui est hors norme biomédicale. » Cette opinion est plutôt succincte et peu ou pas motivée.

[40]        Le docteur Lamarre ne fournit pas de données pour justifier sa conclusion selon laquelle il s’agit d’une condition hors norme. De même, il n’élabore pas son opinion concernant la dimension des calcifications et le stade d’évolution de la dégénérescence.

[41]        Or, selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, la tendinite calcifiante a déjà été reconnue comme étant une déficience lorsque la preuve le démontre. Dans ces décisions, certaines données médicales sont discutées, telles que le type de calcification et les différentes étiologies qui y sont associées, le tout appuyé par de la littérature médicale[4]. Dans le présent dossier, ni le type de calcification ni l’étiologie qui y est associée ne sont discutés. L’affirmation du docteur Lamarre ne démontre pas en quoi les tendinites calcifiantes peuvent constituer une déficience.

[42]        Et même en considérant l’hypothèse qu’une telle preuve permettrait à la Commission des lésions professionnelles de conclure dans le présent dossier à la présence d’une déficience, la preuve ne permet pas d’établir que celle-ci a joué un rôle dans l’apparition de la symptomatologie ni dans l’aggravation des conséquences de la lésion professionnelle.

[43]        Tel qu’il appert de la décision d’admissibilité rendue par la Commission des lésions professionnelles et de l’extrait reproduit précédemment dans la présente décision, l’évolution de la symptomatologie a été mise en relation avec les tâches exercées par le travailleur, et ce, depuis le début de la symptomatologie. Et, lors de la réclamation, la Commission des lésions professionnelles a reconnu une maladie professionnelle en considérant que le travailleur exerçait des tâches qui ont causé la lésion professionnelle.

[44]        L’employeur n’a donc pas démontré que le travailleur était atteint d’une déficience lors de la survenance de la lésion professionnelle et même si tel avait été le cas, il n’a pas démontré que cette déficience a pu jouer un rôle dans la production de la lésion professionnelle ou sur ses conséquences. Il n’a donc pas droit à un partage du coût de l’imputation.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête présentée par Fabrications Dor-Val ltée, l’employeur;

CONFIRME la décision rendue le 5 juin 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’employeur doit être imputé de la totalité du coût des prestations versées à monsieur José A. Jovel-Larin, le travailleur, en lien avec la lésion professionnelle qu’il a subie le 22 février 2008.

 

 

 

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Anne Vaillancourt

 

 

 

Me Sylvain Pelletier

ADP SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           [1999] C.L.P. 779 .

[3]           Hôpital Général de Montréal, [1999] C.L.P. 891 .

[4]           Voir 9010-6352 Québec inc. 2012 QCCLP 1428 ; Hôpital Maisonneuve-Rosemont, C.L.P. 363423-62-0811, 25 janvier 2010, M. Watkins.

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