LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 1er décembre 1997 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE :Me Santina Di Pasquale DE MONTRÉAL RÉGION: RICHELIEU ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :Pierre Phénix, médecin DOSSIER: 79934-62A-9605 DOSSIER CSST: 106634702 AUDIENCES TENUES LES : 7 février 1997 DOSSIER BR: 14 avril 1997 61698405 À: Montréal __________________________________________________ JOHN STANLEY STACEY 1195, Grand Rang Sainte-Clotilde-de-Châteauguay (Québec) J0L 1W0 PARTIE APPELANTE et ALLIED SIGNAL AÉROSPATIALE INC.a/s Monsieur Guy Rouisse 200, boul. Marcel-Laurin Saint-Laurent (Québec) H4M 2L5 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 22 mai 1996, monsieur John Stanley Stacey (le travailleur) en appelle d'une décision majoritaire du Bureau de révision de la région de Richelieu (le bureau de révision) datée du 6 mars 1996.
Par cette décision, le bureau de révision confirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) du 2 mai 1994 et déclare que le travailleur n'est pas atteint d'une maladie professionnelle.
OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision du 6 mars 1996 et de déclarer que sa myélodysplasie est une maladie causée par une intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques et constitue donc une maladie professionnelle.
LES FAITS Le travailleur est à l'emploi de Allied Signal Aérospatiale Inc.
(l'employeur en cause) depuis le 8 juillet 1969, à titre de technicien en calibration. Il produit une réclamation le 15 octobre 1993 à la Commission dans laquelle il indique qu'il est atteint d'une maladie professionnelle, soit une myélodysplasie.
Il est alors âgé de 64 ans. Il indique comme date de l'événement, le 29 avril 1993, soit la date de son arrêt de travail.
Le 29 avril 1993, le docteur Whittemore, hématologue et médecin qui a charge du travailleur, écrit ce qui suit: "The above named is under my care for a serious blood disorder which may or may not be related to chronic exposure to organic solvents. The composition and exact nature of these solvents would be necessary to know.
It is recommended that he remain off work, duration at this time uncertain. He is seeing me every 2 weeks and is under treatment." Dans une lettre datée du 29 septembre 1993, le docteur Whittemore apporte les précisions suivantes quant à l'état du travailleur: "The above named patient was initially seen on March 18, 1993 for evaluation of pancytopenia. He complained of fatigue of approximately 2 years duration and shortness of breath on exertion for the preceding 2-3 months. He had no other complaints. Physical examination revealed a well nourished, well developed 64 year old man. Blood pressure 130/72, pulse 68/min., reg., weight 159 lbs. General physical examination revealed no abnormality except for a short ejection systolic murmur along the left sternal border without radiation.
Blood counts revealed a hemoglobin of 10.5 gn. % with hematocrit of 29 and an MCV of 93. Red cell morphology revealed some mild anisocytosis. The white cell count was 4,300 with 2,190 neutrophils, 1,850 lymphocytes and some nucleated red cells. The platelet count was 89,000. Bone marrow aspiration was attempted from the sternum and iliac crest without success. A bone marrow biopsy showed immaturity of all cell lines with increased reticulin compatible with the diagnosis of myelodysplasia.
The patient was given a trial of Fluoxymesterone for 3 months with no benefit. Since mid May he has been transfusion dependent, requiring 2 units of concentrated red cells every 2-3 weeks to maintain a hemoglobin of 8-10.5 gm. %.
He works for an aircraft company in St. Laurent and over the years has had some exposure to hydrocarbons.
In 1990 or 1991 the nature of this exposure changed and it was shortly after this some decrease in his blood counts was first noted. Since that time there has been a gradual decrease in red cells, white cells and platelets to the present levels.
At the present time this man is unable to work and it is highly improbable that he will ever return to work.
The prognosis of his underlying marrow disease is guarded." Le 27 octobre 1993, le docteur Whittemore signe un formulaire à l'attention de la Commission avec le diagnostic de myélodysplasie.
Le 17 mars 1994, le dossier du travailleur est acheminé par la Commission au docteur Jean-Marie Delâge, hématologue, afin d'évaluer la relation entre le diagnostic de myélodysplasie et le travail de technicien au contact du solvant Stoddard. Le docteur Delâge répond ainsi: «Monsieur Stacey travaille depuis 1970 dans l'entretien et le calibrage d'un système de contrôle pour des turbines à gaz. Il utilise dans ce travail un solvant dit solvant stoddard, souvent désigné sous le nom "naphtol spirits" qui contient des traces de trimithyl benzène (voir lettre du docteur Séguin, 19 juin 1985).
La teneur en hydrocarbure aromatique serait d'environ 0,15%. Entre le 15 et le 20 octobre 1990 dans le milieu de travail de monsieur Stacey certains employés ressentent des malaises: céphalées, faiblesse, et sensation de respirer une odeur désagréable. Docteur Robinson dans sa lettre du 26 novembre 1990 rapporte qu'il a fait une visite à l'usine le 26 octobre. Il s'aperçoit que le "naphtol spirits" livré à cette époque n'avait pas tout à fait la même composition que celle du solvant habituel. L'étude a montré que ce nouveau solvant contenait une quantité accrue de toluène alors que le solvant couramment utilisé n'en montrait que des traces. La concentration accrue en toluène dans ce nouvel arrivage expliqua probablement l'odeur qui avait été notée de même que les malaises ressentis par certaines personnes dans le milieu de travail. À ce moment-là le docteur Robinson fait effectuer des mesures de concentration de toluène à 3 postes de travail et il relève des valeurs de 2 à 10 ppm en mentionnant que les concentrations permises dans l'air sont de 100 ppm.
Le 18 mars 1993 monsieur Stacey consulte un hématologue, le docteur Whittemore à l'Hôpital général de Montréal pour dyspnée et asthénie. Il constate à ce moment-là qu'il a 105 grammes d'hémoglobine, 4,300 globules blancs, 80,000 plaquettes. La moelle est pauvre. On fait une biopsie de moelle qui montre les signes d'une myélodysplasie. Le traitement à la fluoxymestérone durant 3 mois ne donne aucun résultat.
Le malade doit être par la suite transfusé.
On est donc en présence d'un malade qui souffre d'une pancytopénie par myélodysplasie.
Qu'est-ce que la myélodysplasie? C'est une maladie clonale, apparentée à la leucémie aiguë et se terminant souvent d'ailleurs par la leucémie aiguë. Elle se manifeste par une bi ou une pancytopénie et des changements morphologiques importants dans le sang et dans la moelle. C'est ainsi qu'on peut y observer de 5 à 15% de myéloblastes. C'est une maladie qui est due à un déficit acquis de l'ADN sur un ou plusieurs chromosomes d'une cellule souche hématopoïétique puripotente.(sic) L'évolution est généralement fatale en quelques mois, quelques années. Très souvent, la seule chance de survie réside en une greffe de moelle réussie.
Quelle est la cause de la myélodysplasie? Elle est totalement inconnue. On sait cependant qu'il y a eu des cas de myélodysplasies secondaires à des expositions au benzène d'où l'inquiétude dans ce cas- ci.
Qu'en est-il du toluène? C'est un méthylbenzène de la famille des alkylbenzène. (ref Casarett et Doull's, TOXICOLOGY, Pergamont Press, 1991, p. 684). Il ne semble pas que le toluène soit réputé causer d'atteinte du type de la leucémie aiguë ou de la myélodysplasie.
Les signes graves de toxicité sont surtout ceux d'une toxicité aiguë sous forme de dépression du système nerveux central. On ne connaît pas de signe de toxicité chronique. Par ailleurs on n'a jamais trouvé d'anomalie chromosomique chez les êtres humains exposés au toluène. Parlant encore du toluène, les auteurs disent "they are relatively non toxic except during acute exposure to high concentrations". Le trinitotoluène (sic) très proche du toluène, peut donner de l'aplasie d'après Winthrobe (Clinical hematology, Lee & Fibiger, 1993). Les auteurs signalent que les composés aromatiques présents dans les distillats de pétrole, à part le benzène, ont peut- être des propriétés myélo-toxiques mais ce sont seulement des évidences circonstancielles qui permettent de faire cette hypothèse.
En résumé: malade exposé depuis 1970 à un produit solvant contenant des traces de benzène. Épisodes d'exposition aiguë à des concentrations de toluène en octobre. Apparition chez le malade d'une insuffisance médullaire grave sous forme de myélodysplasie avec danger de prolifération leucémique.
Aussi bien que dans les circonstances, le lieu du travail, que dans les notions de la littérature, il est à peu près impossible de pouvoir imputer de façon scientifique un quelconque rôle du toluène dans la genèse de la maladie hématologique présentée par le patient.
Ceci ne veut pas dire que l'on peut et doit exclure le toluène (ou même le benzène qui est présent en faible quantité dans le stoddard) comme agent(s) étiologique(s) de la myélodysplasie présentée par le patient. C'est possible, mais cela me semble improbable. De toute façon, il serait bien difficile de le prouver rétrospectivement.» Le 21 avril 1994, le docteur Salomon, médecin à la Commission, se dit d'avis «qu'il est improbable que le toluène puisse être à l'origine de la myélodysplasie».
Par décision datée du 2 mai 1994, la Commission refuse la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle. Le travailleur conteste cette décision.
Un document rédigé par le docteur Whittemore et daté du 11 avril 1995 est au dossier. Le docteur Whittemore s'exprime ainsi dans ce document: "(...) From mid-May 1993 to January 1994 he required 26 units of red cells to maintain a hemoglobin of greater than 80 grams/litre. Since that time, his hemoglobin has ranged from 105-110 with no therapy. His white count has been 3,400 to 4,200 and platelets 72,000 to 90,000.
It is my understanding that, over the years, he had some exposure to hydrocarbons, most particulary Stoddard solvent, the composition of which is unknown to me. In 1990-1991 he says that the nature of his exposure increased and continued until 1993. We know that his blood counts were normal from 1977 to 1989.
In April 1990 his hemoglobin was 154 grams/litre, white count 5,400 and platelets 138,000, down from 202,000 from the year before. In June of 1991 the hemoglobin was 136 grams/litre, white count 5,000 and platelets 125,000. In October 1992, his hemoglobin was 129 grams/litre, white count 3,000 and platelet count 104,000. The change in his blood counts appears to coincide with his change in exposure by history, to the Stoddard solvent.
The diagnosis of myelodysplasia was established by bone marrow biopsy in March 1993. This is a disorder of the bone marrow characterized by immature cells which may evolve to acute myelogenous leukemia in 10-20% of cases over a period of months or years. It is not possible to predict which cases may follow this course.
It is interesting that approximately nine months after his exposure to hydrocarbons ceased, his blood counts stabilized and he has required no transfusions over the past sixteen months.
Does his exposure to hydrocarbons have any role in his hematologic disease? This is difficult to answer.
Myelodysplasia is of unknown etiology and usually seen in patients over the age of 40 years. Exposure to hydrocarbons has been associated with acute myelogenous leukemia and it is possible that a potential preleukemic condition such as myelodysplasia could also be associated with such exposure.
Whether this hypothesis applies to Mr. Stacey or not is difficult to be certain as the exact nature of his exposure and composition of Stoddard solvent is unknown to me." Le 6 mars 1996, le bureau de révision confirme la décision de la Commission du 2 mai 1994 et déclare que le travailleur n'a pas été victime d'une lésion professionnelle le 29 avril 1993. Le travailleur conteste cette décision, d'où le présent appel.
Dans un document daté du 31 janvier 1997, le docteur Whittemore écrit ce qui suit: "Approximately 9 months after no further exposure to hydrocarbons his blood counts stabilized. It is now 3 years since requiring any transfusions and all 3 cell elements have been very stable. The blood role, if any, that chemical exposure has played in the development of myelodysplasia is difficult to say. We certainly know that Benzene exposure has been associated with the development of acute non lymphocytic leukemia and in nearly every such case for which data is available, a pre leukemic syndrome preceded the onset of overt leukemia. In a recent study of the occupational and the environmental exposures of patients with myelodysplasia, frequent exposure to gazoline and diesel fumes or liquids was found in myelodysplasia patients. Gasoline and diesel fumes contain a large number of chemicals in addition to Benzene and Toluene and many of these constituents are known carcinogins.
(...)" Le travailleur témoigne à l'audience. Il est à l'emploi de la même compagnie depuis 1969, même si au fil des années, la compagnie a changé sa dénomination sociale. Elle s'est appelée successivement Aviation Electric, Bendix Avelex puis Allied Signal. Il a toujours occupé le poste de technicien en calibration mais à différents départements. Le travail à ces départements consistait à faire l'entretien et la calibration de pièces utilisées dans les avions civils et militaires.
Il a commencé dans le département de l'assemblage. Il a travaillé dans ce département pendant une période de deux ans.
Avant de procéder à l'assemblage et à la calibration des pièces, il devait les nettoyer dans un bassin contenant du trichloréthane chauffé. Cette opération durait cinq minutes et il estime qu'il la répétait environ six fois par journée de travail.
De 1971 à 1974, il a travaillé dans le "test cell" à calibrer les unités de contrôle de carburant. Il utilisait le «solvant Stoddard M13/1» comme fluide de calibration pour tester les unités car ce produit possède les mêmes propriétés physiques que le «carburant pour jet» (jet fuel) mais est moins inflammable.
Il avait cependant un certain contact avec le «carburant pour jet» car les pièces usagées qu'il testait contenaient encore de ce carburant. Il travaillait à cette époque 12 heures par jour et ne portait aucun masque. L'employeur mettait des gants à la disposition des employés mais il ne pouvait effectuer son travail correctement avec les gants et ne les portait pas. Il utilisait seulement une crème barrière pour les mains.
De 1974 à 1976, le travailleur était affecté dans le département de révision des unités usagées de contrôle de carburant. Il devait démonter les unités comportant 2 700 pièces, nettoyer les pièces des résidus de «carburant pour jet» et de métal et ensuite les réassembler. Pour nettoyer les pièces, il devait se rendre dans le département de lavage pour les faire tremper dans un bassin de trichloréthylène chauffé, puis les pièces s'asséchaient à l'air ambiant.
Par ailleurs, les pièces qui étaient peintes devaient préalablement tremper durant huit heures dans un bassin ouvert, muni d'un couvercle, contenant un solvant puissant, auquel le travailleur réfère comme "Bendix cleaner". Le travailleur précise que ce solvant puissant a été remplacé vers 1990 ou 1991 par un autre produit.
De plus, si les pièces n'étaient pas complètement propres en sortant du bassin de "Bendix cleaner", il devait compléter le nettoyage avec un fusil projetant du solvant, installé dans un appareil en théorie étanche, mais qui en pratique laissait échapper des vapeurs du solvant. Enfin, il utilisait un fusil à air comprimé pour assécher les pièces, à l'air libre. De 1974 à 1976, il procédait à ce type de nettoyage une ou deux fois par semaine et y passait alors deux à trois heures par jour.
À partir de 1976 jusqu'à la date de son arrêt de travail en 1993, le travailleur a été affecté au banc d'essai FF-17. Il était le seul employé qui travaillait sur ce banc d'essai. Il recevait les unités usagées de "fuel flow transmitter" qui sont des turbines électromécaniques utilisées sur les avions militaires et commerciaux, les démontait et les nettoyait dans le bassin de trichloréthylène chauffé, comme il le faisait de 1974 à 1976. De même, 80% des unités étant peintes, il procédait au nettoyage dans le bassin de "Bendix cleaner" puis avec le fusil à solvant, comme il le faisait de 1974 à 1976. Par la suite, il se rendait à son banc d'essai avec plusieurs unités pour les calibrer. Ce banc d'essai FF-17 était localisé dans la section "test cell 6A" où régnait une odeur terrible car le système de ventilation ne fonctionnait pas adéquatement.
À ce banc d'essai, le travailleur installait chacune des unités à calibrer, à laquelle il ajustait les boyaux dans lesquels circulait le fluide de calibration, soit le «solvant Stoddard».
Sous la grille où il installait l'unité se trouvait un bassin collecteur recueillant le fluide s'échappant de l'unité et des boyaux.
Le travailleur précise que son banc d'essai était différent des autres. D'une part, le fluide de calibration qui s'échappait restait dans le fond du bassin collecteur. D'autre part, il devait commander manuellement la vidange du bassin collecteur vers le réservoir de rétention, alors qu'à d'autres bancs, le liquide retournait automatiquement dans ce réservoir. De plus, le couvercle du réservoir de rétention n'était pas étanche.
Selon le travailleur, l'odeur dans la pièce où était situé son banc d'essai était insupportable et pire le lundi. L'été, la température dans la pièce était extrêmement élevée. Ses compagnons de travail toléraient mal l'odeur qu'il dégageait lorsqu'il circulait dans l'usine.
Selon lui, les bouches d'aspiration installées sur le banc d'essai ne fonctionnaient pas et n'avaient certainement pas été nettoyées depuis plusieurs années.
Il portait un sarrau qu'il devait changer à chaque semaine, mais aucun masque ni gants. Seule une crème barrière pour la peau était disponible. Le travailleur indique qu'il était exposé par sa respiration aux vapeurs du fluide de calibration s'échappant du banc d'essai. De plus, ses mains étaient en contact avec ce fluide car il devait ouvrir l'unité testée pour faire les ajustements requis, entraînant ainsi un contact entre la peau de ses mains et le fluide présent dans l'unité. Dans certains cas, il devait ainsi ouvrir l'unité jusqu'à 12 fois pour en effectuer la calibration. Il se souvient d'un épisode où un boyau a éclaté, éclaboussant sa chemise de fluide de calibration, qui brûlait sur sa peau. Il a aussi reçu de plus petites éclaboussures à quelques reprises. Il précise qu'il devait tester certaines unités qui provenaient directement des avions sans avoir été nettoyées, contenant encore du «carburant pour jet JP4».
Il ajoute aussi qu'en 1990 un autre poste de travail, le "fuel nozzles stand", était situé à proximité du sien et qu'il s'en échappait aussi des vapeurs de fluide de calibration.
Le travailleur déclare qu'il était la seule personne à occuper ce poste dans la compagnie. Il y a remplacé un employé qui avait quitté en raison d'une maladie non précisée, à l'âge de 50 ans environ. Il a formé environ six employés, dont messieurs Trudeau et Laing, mais tous ont refusé de travailler à ce banc d'essai par la suite.
Le travailleur relate qu'en octobre 1990, on a ajouté dans son réservoir de rétention du «solvant Stoddard» provenant d'un nouvel arrivage à la compagnie et dont l'odeur était très forte.
Des plaintes ont été formulées par lui et d'autres employés, des inspecteurs sont venus vérifier et ont rassuré les employés qu'il n'y avait aucun danger. Par contre, le liquide a été changé à tous les bancs d'essai après cet événement, sauf au sien.
Environ huit mois après cet événement, il a commencé à présenter des symptômes, tels des étourdissements, des troubles visuels et des douleurs au coin des yeux, qui disparaissaient lorsqu'il ne travaillait pas. Il a consulté le médecin de la compagnie pour une rougeur aux yeux. Ce médecin ne semblait pas intéressé à son cas et il a consulté un médecin à l'externe qui lui a dit que ses problèmes étaient probablement dus à une exposition à certains produits chimiques. Par la suite, il a commencé à transpirer la nuit et se sentait extrêmement fatigué. En 1993, suite à des tests sanguins, il a été retiré de son milieu du travail. Son état de santé s'est amélioré par la suite bien qu'il ait dû recevoir 32 unités de sang en transfusion au cours d'une période de huit mois.
Le travailleur souligne qu'à la suite de son départ, son poste a été aboli et le banc d'essai démoli. Il indique n'avoir jamais eu de problème de santé significatif avant 1990 et que c'est à partir de cette période que ses tests sanguins ont commencé à se détériorer. Il précise avoir effectué sa tâche malgré les inconvénients car il aimait son travail et était efficace. Il ne croyait pas qu'il pouvait en découler un dommage pour sa santé.
A également témoigné à l'audience, monsieur Marcel Trudeau. Il est à l'emploi de la compagnie Allied Signal Aérospatiale Inc.
depuis le 5 décembre 1977. Il occupe les fonctions de technicien en instrumentation et il était un collègue du travailleur. Il a suivi un entraînement au début des années 1990 avec le travailleur pour démonter, nettoyer et calibrer les unités. Les pièces étaient nettoyées dans un bain-marie puis avec un liquide projeté sous pression dans une boîte avec un grillage au fond mais dont le devant était ouvert. À sa connaissance, le liquide utilisé était du «varsol». Une fois les pièces nettoyées et l'unité remontée, il se rendait pour le calibrage au "test cell 6A", une pièce prêtée par un autre département, mal éclairée, mal ventilée et où il faisait très chaud.
Le témoin explique qu'il devait installer l'unité sur le banc d'essai puis y coupler deux boyaux permettant de faire passer le fluide de calibration à l'intérieur de l'unité afin de vérifier si elle fonctionnait bien. L'opérateur venait en contact avec le fluide par ses mains surtout lors du débranchement des boyaux.
S'il ne faisait pas attention, il pouvait se faire arroser par le liquide. Il ne portait ni masque ni gants, et il ne s'est jamais servi de la crème barrière. Il portait un sarrau qui dégageait une odeur désagréable, selon ses compagnons de travail.
Monsieur Trudeau explique que le banc d'essai mesurait entre cinq à six pieds de long et 18 pouces de large. Il y avait un grillage à travers lequel passait le fluide qui s'écoulait dans le bassin collecteur. Dans le centre de ce bassin, profond de 10 pouces environ, il y avait un trou d'évacuation recouvert d'un filtre métallique d'un pouce de diamètre, empêchant les pièces de métal et de peinture de tomber dans le trou. À l'occasion, il était nécessaire d'enlever le grillage et d'aller nettoyer le filtre ou de récupérer des vis avec la main. Il restait toujours un peu de fluide dans le bassin en raison de la conception du filtre dont la soudure montait à un demi ou un pouce de la surface du bassin. Il confirme que la vidange du bassin collecteur vers le réservoir de rétention devait être commandée manuellement et ne pouvait s'effectuer lorsqu'un essai était en cours. Il confirme aussi le contact des mains avec le fluide de calibration lors du démontage de l'unité en cours de calibration.
Quant à la ventilation sur le banc d'essai, il ne sait pas si elle fonctionnait mais il a déjà vu qu'on avait installé un ventilateur sur pied dans la pièce pour faire de l'aération.
Finalement, le témoin déclare qu'il n'a jamais été mandaté pour remplacer le travailleur sur une base permanente, mais qu'il le remplaçait plutôt de temps à autre. En tout, il a travaillé dans ce département pour un total d'environ 30 à 40 jours, sur une période de trois mois. Ce banc d'essai a été démoli en 1994 ou 1995. Il n'a jamais présenté de problème de santé.
Interrogé par le représentant de l'employeur, le témoin indique que, lorsqu'il travaillait au banc d'essai FF-17, il pouvait tester environ deux unités par jour mais que le temps passé variait de une heure à toute la journée, dépendant des difficultés de calibration.
Monsieur Bruce Laing, un autre collègue du travailleur, a témoigné à l'audience. Il est à l'emploi de la compagnie depuis 23 ans. Il occupe les fonctions de technicien en calibration depuis deux mois. Auparavant, il était inspecteur à l'instrumentation et, à ce titre, vérifiait les appareils de calibration dans la salle 6A. Il ne touchait à rien et faisait seulement de l'inspection visuelle. Il n'aimait pas aller dans cette salle en raison des odeurs et des vapeurs désagréables. Le système de ventilation dans cette pièce n'était pas fonctionnel, ce qu'il a vérifié avec le test du papier mouchoir qui ne révélait aucune aspiration. À son avis, les grilles d'aspiration sur le banc d'essai n'étaient pas branchées. Il ajoute, qu'en entrant dans la pièce, il ressentait l'impression d'une ambiance très humide, vu la présence d'un grand bassin rempli de fluide de calibration.
Le banc d'essai utilisé par le travailleur a été remplacé maintenant. Dorénavant, on utilise un système fermé, ce qui veut dire que le fluide n'est plus dans un réservoir ouvert et, en plus, le banc d'essai est muni d'un système de ventilation. De plus, ce n'est qu'au cours des dernières années qu'on utilise des masques et des gants dans ce travail. Il confirme aussi qu'il y avait le poste de "fuel nozzles" dans la même pièce, utilisant un brouillard de solvant à haute pression et dont s'émanaient des vapeurs à l'ouverture de l'appareil.
Il témoigne, qu'en relation avec l'incident d'octobre 1990, une personne du laboratoire lui a confié qu'il y avait alors un haut niveau de benzène dans le fluide de calibration, plus qu'à l'habitude. Il s'en est plaint à ses supérieurs qui lui ont répondu qu'il ne s'agissait que d'un problème d'odeur plus forte.
Monsieur Pierre Allard, technicien en calibration, est à l'emploi de la compagnie depuis 1980. Au début, il effectuait la calibration des contrôles de carburant provenant des moteurs PT-6 sur un banc d'essai. La moitié des unités qu'il vérifiait étaient neuves et l'autre moitié étaient usagées, contenant alors un résidu de «carburant pour jet JP-4».
Depuis 1990, monsieur Allard occupe également les fonctions de représentant à la prévention et de membre du Comité de santé et sécurité de l'entreprise.
Le témoin explique que l'exposition au fluide de calibration est plus importante dans les systèmes ouverts que dans les systèmes fermés.
Monsieur Allard a également travaillé dans la salle 6A avec le travailleur, pour l'équivalent d'un mois, sur une période de six mois au total. Il était alors affecté à un autre banc d'essai qui était situé dans la même pièce ("nozzles").
En octobre 1990, un nouveau produit a été livré pour utilisation comme fluide de calibration. Plusieurs travailleurs se sont plaints de malaises à la suite de l'utilisation de ce nouveau produit. Une enquête a été faite par le Département de santé communautaire (DSC), mais le fournisseur a été incapable de déterminer quel additif avait été ajouté au produit pour causer le problème. Le DSC a fait analyser le produit et on y a retrouvé la présence de toluène comme nouvel additif.
L'employeur a fourni des masques à cartouches à tous les employés mais il était difficile de travailler avec de tels masques toute la journée. Quant aux gros gants disponibles, il était impossible de les utiliser car la tâche nécessitait une bonne dextérité manuelle.
Monsieur Allard réfère le tribunal à un document au dossier, daté du 26 novembre 1990, émanant du docteur Jacques Robinson, médecin responsable, du DSC de l'Hôpital du Sacré-Coeur. Le docteur Robinson écrit ce qui suit, suite à une demande d'analyse à l'Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec (IRSST) pour trois échantillons de «solvant Stoddard», soit l'ancien, le nouvel arrivage et un mélange des deux: «(...) L'analyse demandée était un rapport de composition, c'est-à-dire, une analyse qualitative et non quantitative. Malgré tout, Monsieur Jacques Lesage m'a affirmé que le toluène était présent à moins de 1% dans les contenants no 1 et no 2. Il conclut également que le stoddard utilisé est de très haute qualité puisqu'il ne contient aucun xylène, très peu d'aromatiques et seulement une trace de triméthylbenzène. En d'autres mots, le stoddard utilisé est surtout composé de solvants aliphatiques de très hautes qualités.
La présence de toluène dans le dernier arrivage, explique parfaitement tous les symptômes et l'odeur décelée par vos employés. Le toluène est une substance très volatile dont le seuil de détection olfactive n'est que de 2.1 ppm.
Dès que nous avons su qu'il y avait présence de toluène, Monsieur Charles Milord est allé constater sur place et a pris des "Gastec", Gastec qui n'a démontré qu'une très faible concentration de toluène à trois postes de travail. Deux échantillons étaient aux environs de 2 ppm et un troisième entre 2 et 10 ppm.
Ajoutons que la concentration permise dans l'air est de 100 ppm.
En résumé, le taux de toluène dans l'air est suffisant pour que les employés le sentent mais à de très faibles concentrations, il ne représente pas à mon avis un danger pour la santé de vos employés. Cependant, à de tels niveaux, il peut engendrer des malaises et de l'inconfort tel qu'il a été noté depuis la fin octobre au département des "Test cell".
(...) Conclusion Suite à cet incident, l'objectif retenu serait d'éliminer la présence de toluène dans le stoddard M13- 1.
(...)» (sic) Monsieur Allard explique que, lorsqu'il a commencé à travailler comme représentant à la prévention, il y avait des problèmes à tous les bancs d'essai et, plus particulièrement, ceux qui étaient des unités ouvertes. Au banc d'essai 6A, soit le poste de travail du travailleur, il y avait, en plus, un problème de température et de ventilation dans la pièce. C'est lorsque le travailleur lui a dit que son médecin croyait qu'il y avait une relation entre sa maladie et le travail qu'il effectuait que monsieur Allard a procédé à une évaluation et constaté que le poste de travail du travailleur était différent des autres. Le bassin était ouvert et il restait toujours du fluide dans le bassin du banc d'essai. En plus, il devait actionner manuellement une pompe pour faire la vidange.
Le témoin précise qu'après l'incident d'octobre 1990, le fluide a été changé partout, sauf au banc d'essai du travailleur. À l'appui de cette affirmation, il produit un document intitulé "Test stand log sheet" qui n'indique aucunement que le fluide de calibration a été changé au banc du travailleur. Par contre, ce document démontre que du fluide a été ajouté le 5 décembre 1990.
Le 30 août 1993, monsieur Allard a produit un rapport d'inspection de sécurité où il notait qu'il y avait un problème au banc d'essai FF-17. L'employeur lui a répondu que ce banc ne serait plus utilisé parce que c'était trop difficile de le modifier.
Monsieur Allard explique que le banc d'essai FF-17 n'a jamais été l'objet de mesures en hygiène industrielle par le DSC. En effet, puisque ce poste ne relevait pas du département des "test cells", mais plutôt de celui de l'instrumentation, aucun échantillonnage n'a été pris à ce poste au cours des diverses évaluations par le DSC. Par contre, lors d'un échantillonnage fait en mai 1993, dans le cadre d'une vérification en hygiène industrielle effectuée dans toutes les usines de la compagnie, monsieur Allard a demandé de vérifier le banc d'essai FF-17. N'ayant pas d'unité à tester, il s'est porté volontaire et a simplement laissé couler le fluide dans le bassin. Cependant, il a été incapable de simuler les mêmes conditions, la température n'étant pas la même, ni l'opération effectuée. Les résultats de cet échantillonnage sont rapportés dans un document daté du 1er juin 1993, rédigé par monsieur Dale Miron, coordonnateur en Santé-sécurité- environnement de Allied Signal Aerospace, à Etobicoke, Ontario, lequel se lit ainsi: "Personal air sampling was conducted in Test Cell #6A on 21 May 1993, to determine the airborne concentration of Kerosene, Benzene and Toluene during the testing of a fuel control unit.
Air samples were obtained in the breathing zone of Pierre Allard (employee #5146) while testing a fuel control unit at the Fuel Control Test Stand.
The results are summarized below.
PRODUCT SAMPLING RESULTS IN PPM NAME DURATION KEROSENE BENZENE TOLUENE & M CODE Calibrating 44 min. 2.72 <0.02 <0.02 Fluid M-13- 1 TWAEV IN --- 16.3 5 100 PPM ppm = parts per million Time Weighted Average Exposure Value (TWAEV) is the average of the airborne concentration of a biological or chemical agent determined from air sample of the airborne concentration to which a worker may be exposed in a work day or a work week.
The sampling results obtained are believed to represent a typical exposure to Kerosene, Benzene and Toluene which are present in the calibrating fluid used in the test cells.
As indicated by the results, the airborne concentration of each contaminant is well below its established TWAEV. No adverse health effects are anticipated." (...) Dans un autre document daté du 6 juin 1993, intitulé "Results of Gas Chromatographic Analysis Performed on May 25th, 1993", on peut lire ce qui suit pour ce qui concerne le banc d'essai 6A: "Labora Your Analy Amount Sample Concen to- Sample te /mg Volume - ry Identi Sample tratio Sample fica- n no. tion ppm 3326 Test Benze <0.000 4.39 L <0.021 Cell ne 3 #6A Tolue <0.000 <0.018 ne 3 Keros ene 0.0733 2.722 Napth a " On indique aussi que la méthode d'analyse utilisée possède une limite de détection du benzène et du toluène de 0,0003 mg, et de 0,0165 mg pour le naphta de kérosène. Cette analyse a été effectuée par le laboratoire Monserco et les résultats envoyés à Dale Miron.
Monsieur Allard relate que le benzène a déjà été utilisé à l'état pur chez l'employeur pour le nettoyage des pièces car il était très efficace. Les pièces étaient nettoyées avec le «varsol» puis rincées avec le benzène qui se trouvait dans un gros bassin avec un couvercle dans la salle de lavage. De plus, les employés en avaient en petits pots à leur poste de travail. Ce produit a été utilisé de 1961 à 1987. En 1987, le produit a été remplacé par un solvant aliphatique (M-17-2) et, depuis 1995, par l'alcool isopropylique. Le témoin dépose plusieurs documents pour confirmer son témoignage. Ces documents se lisent ainsi: "APPROVED VENDORS LIST AVL 17/10 PRODUCT: BENZENE REFERENCE: M17 Index SPECIFICATION: ACS Grade VENDOR PRODUCT APPROVAL REMARKS DESIGNATIO N Nicholl Benzene Yes 11/9/ s #1442 61 Chemica l Co.
Le deuxième document date du 5 septembre 1973 et semble être une fiche d'identification du produit «M-17/10 benzène». Ce document, approuvé par T. Raunay, indique ce qui suit: "GENERAL This specification covers benzene to be used as general cold cleaning solvent. At AEL, it is normally used as a solvent in local cleaning of surfaces.
PROCUREMENT Material purchase to this specification must meet the following requirements.
Specification FormConditionAEL Code Commercial CanLiquidM17/10 " Un troisième document également daté du 5 septembre 1973 et portant la mention «approuvé», par T. Raunay, se lit ainsi: " VENDOR PRODUCT REMARKS DESIGNATION Shell Canada Benzene Ltd., Mtl.
PURCHASE ORDER TO SPECIFY: Material N/A Specification: N/A Vendor Documentation: Preferable package size Packaging 1 gallon Instruction: container perma- nently identified.
RECEIVING INSPECTION: Submission to M.P.E.: Not required.
Shelf Life: Indefinite.
MATERIALS AND PROCESSESS ENGI- NEERING: Test Procedure: N/A " La deuxième fiche d'identification pour le produit «M-17/10 benzène» date du 20 août 1987 et a été approuvée par I. Gordon.
La mention qui apparaît sur cette fiche est la suivante: "This issue cancels M17/10." Monsieur Allard dépose également une fiche signalétique émanant de l'employeur pour le produit «solvant aliphatique (M-17-2)».
D'après ce document, ce produit est composé de "aliphatic petroleum naptha" (dans une proportion de 95 à 100%) et de traces de benzène.
Il indique que la mise en application de la loi sur le SIMDUT en 1987, qui permet aux travailleurs de connaître la composition des produits utilisés au moyen de fiches d'identification, a entraîné un changement des mentalités. Auparavant, les travailleurs référaient aux produits uniquement par leur numéro de code et n'avaient pas le souci d'être prudents à l'égard des produits qu'ils utilisaient.
Interrogé par le représentant de l'employeur, monsieur Allard signale qu'il n'a aucun document pour démontrer que le benzène a effectivement été acheté par l'employeur. Il n'a pas été en mesure d'obtenir ces documents.
À la question de la Commission d'appel, il dit croire que le "Bendix cleaner" n'était pas le même produit que le benzène utilisé.
A également témoigné à l'audience, monsieur Jacques Bolduc, ingénieur-chimiste et détenteur d'une maîtrise en hygiène industrielle.
Monsieur Bolduc explique la composition du «solvant Stoddard» qui est un mélange d'hydrocarbures de la famille des solvants. Il réfère la Commission d'appel à un document émanant de l'IRSST intitulé «Mélanges d'hydrocarbures en milieu de travail»[1] où on identifie la composition des naphtas légers et lourds comme suit: «- des hydrocarbures aliphatiques saturés ou alcanes ou paraffines; ex.: pentane, hexane, octane.
- des hydrocarbures aliphatiques insaturés ou alcènes ou oléfines; ex.: pentène, hexène.
- des hydrocarbures cycliques saturés ou cycloparaffines; ex.: cyclohexane.
- des hydrocarbures cycliques insaturés ou aromatiques; ex.: benzène, toluène, xylènes.» Dans le même document, on peut lire que le «solvant Stoddard» est composé de 30 à 50% d'hydrocarbures aliphatiques, de 1% d'hydrocarbures oléfinés, de 30 à 40% d'hydrocarbures cycloparaffinés et de 10 à 20% d'hydrocarbures aromatiques.
Monsieur Bolduc précise que le benzène est un hydrocarbure aromatique. Il indique également que le «Stoddard» qu'on retrouve chez l'employeur est un mélange d'hydrocarbures aromatiques, aliphatiques et alicycliques. Il sert comme agent solvant (dégraissant) et comme un substitut au kérosène (jet fuel) pour fins de calibration. Puisque le «Stoddard» est un agent dégraissant, il est absorbé par la peau en plus d'être inhalé lors d'une exposition au produit. L'élévation de la température augmente les vapeurs de solvant dans l'air, vu la volatilité du produit. Donc, le degré d'exposition varie en fonction de la ventilation, de la construction de la pièce et des mesures protectrices personnelles, tel le port de gants. Quant à l'utilisation d'une crème barrière, le témoin précise que, puisque le «Stoddard» est un solvant, cette propriété diminue l'efficacité de la crème.
Monsieur Bolduc réfère le tribunal au Volume II du Patty's Industrial Hygiene and Toxicology[2]. Les auteurs écrivent ce qui suit: "The light petroleum naphthas are composed mainly of alkanes, mono and di-cyclanes, alkenes, alkylbenzenes, naphthenes, and some benzenes, lending the mixture its specific physicochemical properties, such as boiling point range and flash point. (...) It is used as rubber solvent, paint thinner, cleaning or degreasing agent, and petroleum refining stock. (...) 5.4.1.1 Toxicity. Petroleum benzin, mineral spirits, and naphthas are volatile and present a higher toxicity hazard than the higher-boiling fraction. Chronic exposure to petroleum distillate caused CNS damage.
Aside from CNS depression, myocardial and hematopoietic effects have been recorded. Myelotoxic effects and hypoplasia are ascribed to the benzene content.
However, where possible, benzene now has been removed from most commercial materials." Selon monsieur Bolduc, les symptômes associés à l'exposition à des naphtas légers sont l'irritation des voies respiratoires et des yeux et, si l'exposition est de longue durée, une atteinte au système nerveux central.
Monsieur Bolduc explique qu'il y avait auparavant plus de benzène dans le «Stoddard» mais qu'avec les connaissances que nous avons aujourd'hui en matière de toxicologie, le benzène en a été éliminé le plus possible. Par ailleurs, le produit qui a remplacé le benzène comme solvant dégraissant chez l'employeur, le M-17-2, contient encore des traces de benzène comme le révèle une fiche signalétique de ce produit, rédigée par l'employeur, en date du 5 mars 1997.
Monsieur Bolduc produit un document d'information émanant de l'organisation américaine "American Conference of Governmental Industrial Hygienists" (ACGIH)[3] qui porte spécifiquement sur le «Stoddard» (CAS 8052-41-3). Ce produit contient normalement 14% d'hydrocarbures aromatiques. De plus, on peut lire dans ce document ce qui suit: "A number of fatalities due to aplastic anemia have been ascribed to occupational and consumer use of Stoddard-type solvents. The National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) reviewed a 1958 Belgian report of subchronic toxicity due to gross (unquantified) occupational exposure to "white spirits" (83% paraffins, 17% aromatics) over a 4-month period.
These workers complained of nausea and vomiting and one individual developed aplastic anemia; bone marrow depression was confirmed on sternal biopsy. This employee died several months later of septicemia. It appears that the most likely explanation for these reports of bone marrow depression associated with human exposure to "white spirits" is the presence of myelotoxic compounds, notably benzene, in the solvents of interest." Monsieur Bolduc réfère ensuite le tribunal à une étude de la qualité de l'air faite par l'Association paritaire de prévention pour la santé et la sécurité du travail, à la demande de l'employeur, à certains postes de travail. L'échantillonnage a eu lieu le 1er septembre 1981. Les extraits pertinents de cette étude pour les fins du présent dossier se lisent ainsi: «Échantillonnage: Au département de lavage, nous avons échantillonné les polluants suivants: (...) - varsol (benzène) (...) *(N.B.: La CALP a dû reproduire le tableau qui suit en deux parties) 1ière partie TABLEAU 1: Résultats des concentrations de benzène au département de lavage Échant Opérate Opérati Durée Heure illon ur on de l'expos iton 1 J. Nettoya 1 hre 8h45- Vachon ge par 9h15 des jour pièces dans une cabine 2 J. Nettoya 1 hre 8h45- Vachon ge par 9h15 des jour pièces dans une cabine 2ième partie Échant Concentration Concentration Norme illon pour une pour une * période de 8 période heures par d'exposition jour d'une heure (mg/m3 (mg/m3) par jour ) (mg/m3) 1 <0.655 <0.655 30.0 2 <0.655 <0.655 30.0 * Pour une période d'exposition de 8 heures par jour.
Règlement relatif à la qualité du milieu de travail, A.C.
3169-79 de 1979 11 28.
*(N.B.: La CALP a dû reproduire le tableau qui suit en deux parties) 1ière partie TABLEAU II: Résultats des concentrations de benzène, de dichloroéthylène et de chlorure de méthylène au département de lavage Pollu Opérate Opération Durée de ant ur l'exposition Benzè R. Trempage de 2 hres par ne Drouill pièces dans les jour et dissolvants 17/21 et 17/3 et nettoyage sous pression d'air avec le dissolvant 17/3 Benzè " " " ne 2ièmepartie Heure Concentration Concentration Norme pour une pour une * période période d'exposition d'exposition de de (mg/m3 8 hres par 2 hres par ) jour jour (mg/m3) (mg/m3) 11h25- 103.54 25.88 30.0 12h00 " 69.38 17.34 30.0 * Norme à ne jamais dépasser, et ce, en aucun temps.
Règlement relatif à la qualité du milieu de travail, A.C. 3169-79 11 28 Interprétation des résultats et recommandations D'après les résultats inscrits au tableau I, les employés qui nettoient des pièces dans les cabines sont exposés à de très faibles concentrations de benzène.
En effet, nous avons déterminé des concentrations de benzène de beaucoup inférieures à la norme permise par le Gouvernement Provincial, c'est donc dire que le système de ventilation à l'intérieur des cabines est suffisant pour contrôler les vapeurs de varsol.
Cependant, si nous nous référons aux concentrations de benzène (provenant du varsol) inscrites au tableau II, nous observons qu'un employé est exposé à de fortes concentrations de benzène lorsqu'il utilise le varsol sous pression en dehors des cabines.
Le benzène est considéré comme un cancérigène et la norme fixée à 30.0 mg/m3 ne doit être dépassée en aucun temps. Ainsi, aucun employé ne devrait vaporiser du varsol sur des pièces s'il n'y a pas de système de ventilation pouvant éliminer ce polluant à la source.» Le témoin précise que l'étude susmentionnée contient certaines erreurs de méthodologie car il est périlleux d'extrapoler l'exposition sur huit heures à partir d'une mesure de deux heures mais, à tout le moins, l'étude confirme qu'il y avait une exposition au benzène significative lors du nettoyage au «varsol». Il dépose des extraits du Règlement sur la qualité du milieu de travail (S-21, r.15) applicables à des époques différentes.
Ainsi, en 1981, la norme prévue au Règlement prévoyait une concentration moyenne admissible au benzène de 10 ppm, soit 30 mg/m3 (facteur d'équivalence 1 ppm = 3 mg/m3). Cependant, ce règlement gouvernemental a été modifié en 1994 de telle sorte que l'exposition moyenne pondérée admissible est dorénavant de 1 ppm.
On a aussi ajouté une valeur d'exposition de courte durée de 5 ppm, qui est permise pour un maximum de 15 minutes, au maximum quatre fois par jour et à intervalle minimum de 60 minutes entre ces expositions. Ce nouveau règlement précise aussi que le benzène a un effet cancérogène démontré chez l'humain. La norme était donc 10 fois plus élevée en 1981 que maintenant car les risques pour la santé reliés au benzène n'étaient pas aussi bien reconnus à l'époque. De plus, l'ACGIH[4] a proposé en 1996 que la norme soit encore réduite de moitié, soit 0,5 ppm d'exposition moyenne et 2,5 ppm d'exposition de courte durée.
Monsieur Bolduc ajoute qu'il n'est pas du tout étonné du fait que le benzène ait pu être utilisé à l'état pur avant 1987 chez l'employeur, car la préoccupation à l'égard de ses risques toxicologiques était moindre. Par contre, aujourd'hui, c'est connu que le benzène est une substance cancérogène. Il réfère au document de l'ACGIH sur le benzène rédigé en 1991[5]. Les extraits les plus pertinents de ce document se lisent ainsi: "At one time benzene was an important solvent, especially for inks, rubber, lacquers, and paint removers. At present, such uses are minimal. (...) Benzene is a myelotoxicant, known to suppress bone marrow cell proliferation and to induce hematologic disorders in humans and in animals. Signs of benzene- induced aplastic anemia include suppression of leukocytes (leukopenia), red cells (anemia), platelets (thrombocytopenia), or all three cell types (pancytopenia). Classic symptoms include weakness, purpura, hemorrhage, pancytopenia, and aplastic anemia.
(...) TLV Recommendation The adopted TLV-TWA for benzene, since 1977, is 10 ppm and A2, suspected human carcinogen. This value, last documented in 1987 when the 25 ppm STEL was deleted, was recommended by the TLV Committee in recognition of benzene as a leukemogen, thus the A2 designation. At that time, the TLV Committee was of the opinion that there was insufficient evidence to demonstrate that exposure to benzene at concentrations below 25 ppm causes blood dyscrasias of any kind and that a TLV-TWA of 10 ppm provided a suitable margin of safety for such effects.
The relatively recent addition of quality epidemiologic data and quantitative human health risk assessments related to documented and theoretical leukemic deaths from exposure to benzene constitute the basis for a proposed revision of the recommended TLV.
Although benzene has long been recognized as a myelotoxicant (e.g., more that 140 fatalities due to benzene poisoning were recorded in the open scientific literature prior to 1959), the carcinogenic activity of chronic exposure to relatively low ambient concentrations of benzene in workplace air was not recognized until the last 10 years. Benzene is a human and rodent clastogen and carcinogen. Adverse health effects in animals exposed to benzene mirror those reported in humans, with exposure at 1 ppm benzene and above inducing measurable cytogenetic damage. Women inhaling 1-9 ppm exhibited increased lymphocyte chromosome aberrations, and significant elevations in chromosomal aberrations have been corroborated among workers inhaling benzene at mean concentrations less that 10 ppm.
(...) White et al. used a linear, nonthreshold model to describe the benzene dose-reponse human carcinogenicity data. (...) The International Agency for Research on Cancer (IARC) used a similar approach and published theoretical excess cancer risk estimates of 14-140 excess cases per 1000 individuals exposed at 10 ppm, and 1.4-14 excess cases among 1000 individuals exposed at 1 ppm. Crump et al. carried out quantitative analyses of the epidemiologic data gathered by Rinsky et al., Ott et al., and Wong et al. After 45 years (working lifetime) exposure at 10 ppm benzene, Crump et al. calculated 95 theoretical excess leukemia deaths per 1000 workers.
Exposure at 1 ppm was calculated as associated with 10 theoretical excess leukemia deaths per 1000 workers.
Although such estimates have been preferred in the legal arena, these methods remain the subjects of severe criticism.
Because of the acknowledged high quality of the epidemiologic data, direct inspection of these data can provide the basis for the proposed benzene TLV. The Dow Chemical Company study 'demonstrates a significant fourfold increase in myelogenous leukemia for workers who had been exposed to average benzene concentrations of about 5 ppm for an average of about nine years' and 'two out of the four individuals in the study who died from leukemia were characterized as having been exposed to average benzene levels below 2 ppm'.
The risk assessment for benzene and leukemia is based on the human data. Rinsky et al. provided the most authoritative examination of the known odds of death from benzene-induced leukemia. For a worker exposed at average daily benzene concentrations of 10 ppm for 40 years, the odds of death from leukemia were 155 times that of an unexposed worker. For an individual inhaling 1 ppm for 40 years, the odds of benzene- induced leukemic death were 1.7 times that of an unexposed worker. Using these data, the odds of benzene-induced leukemic death at 0.1 ppm approach very nearly the odds of leukemic death for a worker who is not exposed to benzene. Accordingly, a revision of the presently adopted TLV-TWA of 10 ppm to 0.1 ppm was proposed in 1990 and placed on the Notice of Intended Changes.
(...) ...As calculations show that benzene dermal absorption can contribute substantially to the total absorbed benzene dose, the addition of the skin designation is appropriate and included in the proposed TLV revision." (notre soulignement) Relativement à l'incident d'octobre 1990, monsieur Bolduc explique que le chimiste ne va mesurer que ce qu'on lui demande de rechercher. On avait demandé au chimiste de l'IRSST de vérifier les concentrations de toluène dans le «Stoddard» et c'est ce qu'il a fait. Pour le benzène, il est nécessaire de faire des échantillonnages de l'air respiré. De plus, puisque le «Stoddard» contient moins de benzène au cours des dernières années, il est nécessaire d'avoir une méthodologie appropriée et de prolonger le temps d'échantillonnage pour obtenir des résultats fiables. Dans le présent dossier, c'est seulement lors de l'échantillonnage de mai 1993, effectué par l'employeur, que le benzène a été dosé dans les vapeurs respirables du «solvant Stoddard». La dose de benzène était alors inférieure à la limite de détection. Cependant, selon le témoin, la représentativité et la durée de l'échantillonnage n'étaient pas adéquates pour avoir une bonne évaluation, même si la méthodologie utilisée (mesure dans la zone respiratoire) était correcte. Sur une période de 44 minutes, à moins d'avoir des concentrations élevées de benzène, on ne peut se fier aux résultats obtenus. Il aurait fallu aussi mesurer la concentration du benzène dans le fluide de calibration.
Le témoin précise enfin qu'on peut inférer que les solvants utilisés chez l'employeur dans le passé contenaient plus de benzène, car deux fiches signalétiques de 1980, portant sur les naphtas aromatiques, indiquent des concentrations en benzène de l'ordre de 40 ppm et pouvant atteindre 100 ppm.
En ce qui concerne la relation entre la myélodysplasie et l'exposition au benzène, monsieur Bolduc réfère la Commission d'appel au Volume II de "Patty's Industrial Hygiene and Toxicology"[2] où les auteurs s'expriment ainsi: "1.2.1 General Aspects Benzene is the simplest aromatic compound. In commerce, benzene is one of the most important industrial chemicals. However, currently as an analytic agent and in many household and industrial products, benzene has been replaced by other solvents, such as toluene.
1.2.2 Chemical and Physical Data Benzene, benzol, or phene is a clear, colorless liquid with a characteristic sweet odor at low concentrations, disagreeable and irritating at high levels. (...) It is an excellent solvent.
(...) 1.2.3 Occurrence, Industrial Sources, and Preparation Benzene occurs in coal tar and petroleum naphtha, from which it is commercially prepared. (...) Some consumer products have contained 50 percent benzene or more; however, current products with a benzene content above 0.1 percent must be adequately labeled with warnings to the consumer.
(...) ... Benzene is a high-energy component of aviation and automotive fuels, especially as a replacement for alkyl lead compounds.
1.2.5 Toxicity 1.2.5.1 Acute Human Exposure. The primary toxic effects of benzene are hematopoietic effects, leukemia, and CNS depression.
(...) 1.2.5.5 Chronic Human Exposure. Formerly, benzene was used extensively as a fast-drying solvent in a variety of trades. When the hematopoietic potential of benzene was realized, it was controlled more strictly or subsequently replaced wherever feasible. Benzene intoxication results from its use in improperly ventilated areas.
(...) ... Exposure to benzene and other chemical agents may cause hyporegenerative anemias or pancytopenias, which in some cases may evolve into myeloblastic, granulocytic, or hemocytoblastic leukemia. Benzene exposure, possibly in combination with other solvents, has been linked to 50 cases of leukemia.
(...) Subcellular Effects. Chromosomal aberrations were found in peripheral lymphocytes of benzene workers but not in personnel handling toluene. Both chromatid and chromosomal aberrations occur in bone marrow preparations. Aberrations in some subjects were detected several years after cessation of the benzene exposure.
(...) 1.3 Toluene 1.3.1 Properties, Sources, and Use Toluene is the lowest-molecular-weight alkylbenzene.
Alkybenzenes possess properties similar to those described for benzene, except they are not hematotoxic ..." Ensuite, le témoin réfère la Commission d'appel à un volume intitulé "Occupational Health in Aviation: Maintenance and Support Personnel"[6]. Au chapitre 7 de ce volume, le docteur R.
Rayman écrit: "E. Benzene Although benzene is a component of some solvents and aviation fuels, it is not a major hazard because it is not ubiquitous in the aviation industry and where it is found, it is in low concentrations. Nevertheless, aviation medicine practitioners must be mindful of its presence because of its toxicity, most notably its carcinogenicity.
The primary route of exposure is by the inhalation of fumes although skin contact can also cause harm.
(...) It can also cause drying and fissuring of the skin with absorption and penetration which can lead to systemic effect (Blank and McAuliff, 1985).
(...) benzene's notoriety is mainly due to its association with aplastic anemia and leukemia. Marrow suppression is heralded by a myelodysplastic syndrome.
Leukemia may develop after months to years of exposure.
(notre soulignement) (...) P. Fuels There are several types of fuels used in aviation for jet and propeller aircraft. In general, they consist of aliphatic and aromatic hydrocarbons as well as various additives. Jet fuel, or JP-4, as it is commonly called, is primarily kerosene which distinguishes it from aviation gasoline or avgas utilized for propeller-driven airplanes. The latter also contains tetraethyl lead (TEL). Other dangerous ingredients in aviation fuel include n-hexane and benzene. Workers are most likely to be exposed during refueling of aircraft, servicing engines, and cleaning of fuel tanks." Monsieur Bolduc produit également la monographie sur le benzène rédigée par l'IARC (International Agency for Research on Cancer)[7], dont les extraits suivants s'avèrent pertinents: "(...) (b) Occupational exposure There is or has been occupational exposure to benzene in numerous industries because of its presence as a component of many fuels and as an impurity in organic chemicals made from it. For example, it is present in straight-run petroleum distillates and in coal-tar distillates (Ayers and Muder, 1964). It has been estimated that about two millon workers in the US are potentially exposed to benzene (Brief et al., 1980).
(...) Absorption, distribution, excretion and metabolism The most frequent route by which humans are exposed to benzene is via inhalation. Toxic effects in humans have often been attributed to combined exposure by both respiration and through the skin: e.g., rotogravure workers wash ink from their hands in open vats of benzene (Hunter, 1978). (notre soulignement) (...) SUMMARY OF DATA REPORTED AND EVALUATION (...) Chronic human exposure to benzene results in leucopenia, thrombocytopenia, anaemia or combinations of these. At early stages of such blood dyscrasias, these effects appear to be reversible. Exposure to high doses for longer periods of time may lead to pancytopenia, which results from aplasia of the bone marrow and is considered to be an irreversible stage of the disease.
(...) The relationship between benzene exposure and the development of acute myelogenous leukaemia has been established in epidemiological studies.
(...) There is sufficient evidence that benzene is carcinogenic to man." En 1970, David Prager et Charles Peters, dans un document intitulé "Development of Aplastic Anemia and the Exposure to Stoddard Solvent"[8], écrivaient: "(...) Briefly, Stoddard solvent is a petroleum distillate that has a boiling range of 150-200 C (300-400 F).
Because of its high boiling point, it cannot contain benzene (boiling point 80.1 C or 176.2 F) which is recognized as a myelotoxic chemical.
... Identification of the several hundred hydrocarbons present in Stoddard solvent has not been possible. To date, benzene and its derivatives have been unique among hydrocarbons in their myelotoxic property. The development of aplastic anemia and/or acute myelogenous leukemia after exposure to benzene derivatives is well appreciated and accepted. The lack of benzene in Stoddard solvent is the prime reason for not recognizing this solvent to possess myelotoxic properties. Generally, the higher-boiling-point hydrocarbons, such as those in Stoddard solvent, have not been associated with bone marrow depression. There have been, however, a few reported cases of aplastic anemia associated with exposure to these higher- boiling-point petroleum distillates, but not specifically in association with Stoddard solvent.
Since all the hydrocarbons have not been identified in Stoddard solvent, it is conceivable that unknown myelotoxic substances could be present.
(...)" Monsieur Bolduc s'appuie sur ce document qui vient confirmer ce qu'il retrouve dans l'ensemble des publications à ce sujet, soit que «le solvant Stoddard» peut contenir du benzène. Il admet que le répertoire toxicologique de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne mentionne pas la présence de benzène dans le «solvant Stoddard» mais ajoute que ces documents ne sont pas toujours exhaustifs.
Monsieur Bolduc dépose enfin un article scientifique "Myelodysplasia, Chemical Exposure, and Other Environmental Factors"[9], où les auteurs énoncent ce qui suit: "(...) Myelodysplasia is a preleukemic clonal disorder of hemopoietic stem cells, commonly associated with peripheral blood cytopenias and an increase in risk of acute myeloid leukaemia. Currently no treatment is known to be effective. The incidence of myelodysplasia (MDS) is largely unknown but is believed to be similar to that of acute myeloid leukemia (AML), the majority of cases occuring over the age of 50 years. Between 20 and 50% of MDS patients eventually transform to AML.
Follow-up studies have shown that both conditions can arise from benzene exposure and following treatment with cytotoxic drugs. (notre soulignement) (...) The principal chemical association found in this pilot study was that MDS patients reported more exposure to petrol and diesel fumes or liquids. Much of this exposure was associated with jobs in the transport industry. Petrol and diesel fumes and exhausts from petrol and diesel engines contain a large number of chemicals in addition to benzene and toluene, and many of the constituents are known carcinogens.
(...)" Monsieur Bolduc indique à la Commission d'appel que c'est surtout l'exposition du travailleur au benzène avant 1990 qui est importante et pertinente au développement de sa maladie. On ne peut ainsi extrapoler les données recueillies par l'employeur en 1993 à la situation antérieure, vu les changements effectués entre-temps.
Certains documents déposés lors de l'audience au bureau de révision s'avèrent pertinents et sont ci-dessous résumés. Par ailleurs, certaines autres études et documents produits par le témoin Bolduc ou se trouvant au dossier sont cités en annexe. La Commission d'appel a fait une lecture attentive de tous les documents mais s'est limitée à résumer les documents les plus pertinents pour les fins du présent dossier.
1. Un rapport d'étude environnementale effectuée par Charles Milord, technicien en hygiène du travail au DSC de l'Hôpital du Sacré-Coeur. Le rapport est daté du 10 juillet 1985 et l'étude effectuée le 4 juin précédent.
On a alors effectué des mesures de l'exposition au «fluide d'étalonnage M13-1» pour des travailleurs affectés à des bancs d'essai. Monsieur Milord indique qu'une «analyse sommaire du M13-1 effectuée en laboratoire nous permet d'apparenter ce liquide au solvant Stoddard dont la norme québécoise se situe à 575 mg/m3».
Les résultats révèlent une exposition de l'ordre de 250 mg/m3 dans la chambre d'essai no 9 mais de 455 et 335 mg/m3 pour deux bancs d'essai situés dans la chambre d'essai no 8.
Monsieur Milord commente ces résultats comme suit: «D'après ce que nous avons pu constater lors de l'échantillonnage, il y avait un dépôt de M13-1 sous les grillages ou plaques des bancs. Ce liquide laissé à l'air libre s'évapore continuellement. Ce qui expliquerait, peut-être, la concentration plus élevée dans la chambre d'essai #8 étant donné que dans cette chambre il y a trois (3) bancs d'essai, tandis que la chambre d'essai #9 n'en contient que deux (2).
CONCLUSION Le solvant stoddard représente non pas un produit pur mais une famille de solvants. A l'intérieur de cette même famille nous pouvons retrouver plusieurs produits ayant une composition chimique différente.
C'est pourquoi nous devrons analyser de nouveau le M13-1 afin de connaître plus précisément sa composition chimique dans le but de mieux évaluer les dangers de contacts cutanés.
(...)» 2. Une lettre rédigée par le docteur Pierre Séguin, médecin responsable au DSC de l'Hôpital du Sacré-Coeur, datée du 3 avril 1986. Le docteur Séguin avait réalisé à cette époque une étude pour évaluer les dangers pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent et qui travaillaient au département du contrôle des carburants. Il s'exprime ainsi dans son rapport: «De plus, le chlorure de méthylène contenu dans le bassin de Turco Transpo (M 17/21) est une substance soupçonnée d'être tératogène, mutagène et cancérigène.
(...) Par contre, le démontage des carburateurs exposent(sic) la travailleuse à l'absorption des composantes du JP4 par voie cutanée.
L'importance de cette exposition est difficile à évaluer.
(...) Finalement, le JP4 contient des traces de benzène qui peut être absorbé par la peau. Le benzène est une substance cancérigène reconnue. Pour toutes ces raisons, les travailleuses enceintes ou qui allaitent ne devraient pas travailler dans le "stripping room".
Finalement, les concentrations de solvant stoddard que nous avons mesurées antérieurement dans les chambres d'essai (test cells) constituent une contre- indication claire à la présence de travailleuses enceintes ou qui allaitent dans ce département.» (...) 3. Un rapport intitulé «Bilan des mesures environnementales réalisées aux bancs d'essai», rédigé par Charles Milord, en date de septembre 1990.
«Historique et introduction L'établissement Allied Bendix Inc. fait l'objet d'un suivi environnemental depuis 1985.
Ce rapport fait état des prélèvements de solvant Stoddard réalisés chez les techniciens oeuvrant dans les chambres d'essai. La fonction de ces techniciens consiste à étalonner et à vérifier des carburateurs de moteur d'avion. Pour ce faire, les carburateurs sont couplés sur des simulateurs (banc d'essai) où des conditions de marche sont simulées. Le solvant stoddard est utilisé pour remplacer l'essence d'avion (jet fuel) car il a les mêmes propriétés.
Plusieurs types de carburateurs sont étalonnés et vérifiés. De ce fait, les manipulations varient d'une unité à l'autre.
En effet, certaines unités peuvent être étalonnées sans laisser s'échapper du liquide tandis que pour certains autres, il faut absolument que le carburateur soit ouvert afin que le technicien ait accès aux vis d'ajustements. On peut concevoir facilement que les concentrations de solvant stoddard émises lors de ces opérations peuvent varier grandement.
Ceci dit, le rapport se veut un bilan rétrospectif de l'ensemble des mesures réalisées jusqu'aujourd'hui. Une mise en garde est cependant de rigueur à l'effet que certains postes de travail ont subi des modifications (réduction à la source ) depuis les prélèvements.
Tableau des Résultats Le tableau qui suit présente les concentrations de solvant stoddard dans différentes chambres d'essai.
Poste de Année de Durée de [ ] Remarques Travail la mesure la mg/m3 mesure min.
TC#9, 85-07-10 79 250 Sans FF56 déflecteu r TC#8, 39 275 Avec FF56 " TC#8, 116 455 FF35 TC#8, 98 435 FF34 TC#8, 87-01 65 155 Unité FF35 fermée #8, FF35 55 15 " " #9, FF59 51 60 " " #9, FF- 61 100 59 #1, FF- 64 40 " 28 " #1, FF- 74 100 Unité 28 ouverte #1, FF- 40 145 Unité 14B fermée #1, Fixe 62 50 #4, FF- 58 90 Unité 10 fermée #4, FF- 66 95 " 31 " #8, FF- 89-07-11 48 275 " 35 " #8, FF- 45 315 " 34 " #8, FF- 90-07-30 15 55 Unité 35 ouverte #8, Fixe 15 30 " " #1, FF- 90-08-22 96 275 73 #1, FF-1 78 * 270 #1, FF-2 95 550 Unité ouverte #8, FF- 96 * 90 34 #4 * Non valide » 4. Un extrait du rapport intitulé «Évaluation de l'exposition aux solvants suite à un inconfort», rédigé par Charles Milord, en date de juin 1995.
«L'analyse en laboratoire démontre que le M 13-1 est un solvant de type Stoddard ...» Cette conclusion découlait d'une analyse sur ce produit, par chromatographie en phase gazeuse, effectuée par l'IRSST, le 30 mai 1995.
5. Un rapport d'une analyse effectuée par le laboratoire Technitrol-Éco, à la demande de Allied Signal, sur la quantité de benzène contenue dans le "Calibrating Fluid M 13-1, MIL C-7024, type 2".
"On 24 November 1995 we received one sample of the above for analysis.
The benzene content of the sample was determined by BTEX gas chromatography.
The benzene content of sample 3091 was less than 1 ppm. The lower detection limit was 1 milligram benzene per liter of sample (1 ppm).
6. Une fiche signalétique émanant de Shell Canada Limited, datée de 1988, pour le produit "Shell Jet B", soit du carburant pour jet. On peut lire sur ce document: "This product contains benzene. Repeated exposure to benzene concentrations greater than the recommended TLV/TWA may reduce the cellular components of peripheral blood and bone marrow. Epidemiological studies indicate that long term inhalation of benzene vapour can cause leukaemia in man. Benzene has also produced chromosomal aberrations in peripheral blood lymphocytes." 7. Une fiche du répertoire toxicologique de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour le produit "Shell Jet B", qui comporte la mention suivante: «Note: ce produit peut contenir divers hydrocarbures aliphatiques et aromatiques ...» 8. Un extrait du volume «Toxicologie Industrielle et Intoxications Professionnelles»[10], traitant des hydrocarbures aromatiques et plus spécifiquement du «benzène»: «TOXICITÉ À fortes doses, le benzène exerce un effet déprimant sur le système nerveux central. La toxicité chronique du benzène résulte de son action sur la moelle osseuse qui semble due, au moins en partie, à sa transformation en dérivés époxydés et phénoliques.
Le toluène et le xylène n'ont pas d'action sur le tissu érytho- et myélopoïétique.
Cependant, les préparations commerciales de toluène (toluol) et de xylène (xylol) peuvent contenir un pourcentage appréciable de benzène.
(...) 2e INTOXICATION CHRONIQUE. - Il s'agit d'une atteinte de la moelle osseuse qui peut revêtir des aspects très polymorphes et désignée sous le nom de benzénisme. Des facteurs de susceptibilité individuelle jouent un rôle (Browning). Tous les travailleurs exposés de manière prolongée à des concentrations excessives de benzène n'en sont pas atteints. Le temps de latence entre l'exposition au benzène et l'apparition des premiers symptômes peut être très long (plusieurs mois à plusieurs années). La symptomatologie peut même n'apparaître que plusieurs années après cessation de tout contact avec le benzène (Guberan et Kocher).
Dans la forme classique, le benzène produit une aplasie de la moelle osseuse entraînant une réduction du taux de plaquettes (Lob, 1963, 1969), puis des globules blancs polynucléaires et enfin des globules rouges circulants. Au début, seul l'examen hématologique est anormal (thrombopénie, neutropénie, signe du lacet positif, anémie éventuellement avec macrocytose), puis surviennent les signes cliniques.
(...) Des altérations de chromosomes lymphocytaires sont plus fréquentes chez les sujets exposés au benzène que chez les sujets contrôles (Berlin et al., Tough et Court-Brown). Ces anomalies ne seraient cependant pas plus fréquentes en cas d'exposition au toluène (Forni et al., 1971 a). Ce dernier groupe de chercheurs (Forni et al., 1971 b) a également observé une plus grande fréquence d'anomalies chromosomiques au niveau des lymphocytes parmi 25 sujets ayant présenté 1 à 18 ans auparavant une intoxication benzénique.» 9. Une lettre adressée au procureur du travailleur par monsieur Denis Bégin, chimiste, en date du 15 juin 1995: «Concernant le dossier de M. Stacey, j'ai trouvé une autre information qui peut vous aider. Le fait qu'il y avait différents numéros d'enregistrement CAS (Chemical Abstract Service) dans les fiches signalétiques du "calibrating fluid M13-1" m'intriguait de sorte que je les ai vérifiés.
Le numéro CAS: 8052-41-3 est bien du solvant Stoddard mais le CAS: 64742-48-9 n'est pas un solvant Stoddard. Il s'agit d'un naphta dont le point d'ébullition se situe entre 65 et 230 C et qui est composé d'un mélange complexe d'hydrocarbures dont le nombre de carbone est compris dans une gamme de C6 à C13. Ainsi, ce solvant peut contenir des hydrocarbures contenant 6 atomes de carbones.
De plus le point d'ébullition du benzène étant de 80 C, celui-ci pourrait donc se retrouver dans le produit final. Ceci contrecarre l'argumentation élaborée par le «chimiste» Hans Brouwer et son collègue ingénieur M. Zbigdublonski niant la possibilité de la présence de benzène à cause de la gamme de points d'ébullition du solvant Stoddard. Le numéro CAS 64742-48-9 se retrouve même sur la fiche signalétique (date: 1995/05/03) de Allied Signal ainsi que sur la fiche du fournisseur Ashland. Ces informations sont incompatibles avec la spécification militaire américaine MIL-C-7024 qui exige un point d'ébullition initial d'au moins 149 C. En conclusion, les fiches signalétiques indiquent que d'autres produits qui ne sont pas du solvant Stoddard ont été utilisés à la compagnie pour le calibrage.
En raison de la gamme de points d'ébullition plus faible, ces substances pourraient contenir du benzène.» 10. Plusieurs documents intitulés "Military Specification - Calibrating fluids, aircraft fuel system components", portent la référence MIL-C-7024.
Ces documents datent de 1969 à 1990, chaque mise à jour remplaçant la version précédente.
On y indique dans la classification que le type II des fluides de calibration correspond au "Special Run Stoddard Solvent".
Dans la version MIL-C-7024 D, en date du 30 août 1990, on exige certaines caractéristiques du produit de type II, pour se conformer à ces normes militaires.
Ainsi, le point d'ébullition initial du produit en distillation doit être au moins 149 C, soit 300 F. Cette caractéristique était déjà requise en 1969.
De plus, on permet un volume maximal de 20% en hydrocarbures aromatiques dans le produit de type II. Cette spécification a été ajoutée lors d'un amendement en date du 12 décembre 1974.
11. Une fiche d'identification du produit "AVL 13-1 - Calibrating fuel" de la section "Materials and Processes Engineering" de Bendix Avelex. Cette fiche est émise le 10 février 1992 par P. Roy, révisée par G. Quaid et approuvée par G. Ritlop.
On y précise que le matériel doit rencontrer les exigences du MIL-C-7024, type II. Les fournisseurs sont: - Harrison et Crosfield (Montréal) (Naphta Spirits); - Ashland Chemical (USA) (360 Calibrating Fluid); - Castrol Canada (Toronto) (Calibrating Fluid).
12. Une fiche signalétique du produit «M 13-1 - Fluide de Calibration», rédigée le 19 mars 1992, par l'entreprise Harrison et Crosfield. On y indique que ce produit est utilisé à certains bancs d'essai chez Bendix Avelex.
La composition est ainsi décrite: _________________________________________________________ "3- Section II - HazardousIngredients/IngredientsDangereux __________________________________________________________ HAZARDOUS COMPONENTS:OTHERLIMITS: INGREDIENTS HASARDEUX:AUTRESLIMITES: (Specific Chemical ID) OSHA PEL ACGIH TLV RECOMMENDED % (Identification Chimique) Naphthol spirits 300ppm100 Extraits de Naphtol Cas No. 64742-48-9 (...)" On recommande de maintenir une ventilation adéquate lors de l'usage du produit et d'éviter les contacts fréquents ou prolongés avec la peau, en plus de l'utilisation de gants appropriés.
13. Une fiche signalétique du produit "Calibration Fluid", émise par la compagnie Ashland Chemical, en date du 5 janvier 1996, fournissant les informations pertinentes suivantes: "2. COMPOSITION / INFORMATION ON INGREDIENTS Ingredient(s) CAS Number % (by volume) ________________________________________________________________ ALIPHATIC HYDROCARBONS (STODDARD TYPE) 8052-41-398.0 - 100.0" ________________________________________________________________ Le produit est absorbé par inhalation et par la peau. On mentionne que l'exposition cutanée prolongée ou répétée peut assécher la peau et qu'on doit utiliser des gants appropriés. De même, l'exposition respiratoire doit être minimisée, soit par une ventilation adéquate ou par un masque à adduction d'air en cas de dépassement des normes.
Les sections intitulées "Toxicological Information" et "Biological Information" ne contiennent aucune information, alors que pour les sections "Cancer Information" et "Other Health Effects", on mentionne "No data".
14. Une fiche signalétique du produit "Calibration Fluid" (MIL C-7024 C, type II), émise par la compagnie Castrol Canada, en mai 1989.
Il s'agit d'un mélange d'hydrocarbures utilisé comme fluide de calibration pour les composants des systèmes de carburant des avions.
Les éléments suivants du documents sont pertinents: "SECTION II - HAZARDOUS INGREDIENTS OF MATERIAL _________________________________________________________________ ___ HAZARDOUS % CONCENTRATIONCAS/NA/LD 50LC50 INGREDIENTS (Approximate)UN # (Specify Species & Route) _________________________________________________________________ ____ THIS IS A CONTROLLED PRODUCT UNDER W.H.M.I.S.
_________________________________________________________________ ___ C9 - C11 Paraffins>9064742-48-9Not Not C9 - C11 Cycloparaffins Available Available (Aromatic Hydrocarbon Mixture) _________________________________________________________________ ___ (...)" Les informations concernant les risques reliés à l'exposition cutanée et respiratoire ainsi que les mesures de protection à adopter sont de même nature que pour la fiche précédente. On recommande aussi une ventilation générale et une aspiration à la source en cas d'utilisation.
15. Une autre fiche signalétique pour le même produit "Calibrating Fluid MIL-C-7424 (type II)", émise par la compagnie Castrol Canada, le 1er septembre 1991.
Les éléments pertinents sont semblables à ceux énoncés ci- haut, sauf les éléments suivants: "SECTION II - HAZARDOUS INGREDIENTS OF MATERIAL _________________________________________________________________ ____ HAZARDOUS % CONCENTRATIONCAS/NA/LD50LC 50 INGREDIENTS UN #(Specify Species & Naphta (Approximate)CAS #Route) (petroleum) 90 64742-48-9NotNot Hydrotreated Avai-Available heavy lable (...) ENGINEERING CONTROLS (Ventilation, Enclosed process, specify) General ventilation and local exhaust recommended, especially at elevated temperatures. Prevent build up of mists/vapours in the working atmosphere." 16. Une fiche signalétique sur le solvant Stoddard produite par le répertoire toxicologique de la Commission le 10 mars 1992 indique qu'il n'y a aucune information disponible sur la formule et la masse moléculaire du produit.
Par ailleurs, on note qu'un des effets d'une exposition chronique est la possibilité d'anémie aplastique. Quant à l'effet cancérogène, on précise «aucune donnée».
MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider si le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle. La maladie professionnelle est définie comme suit à l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., chapitre 3.001] (la loi): «maladie professionnelle»: une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur soumet que sa maladie résulte d'une intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques et qu'il a exercé un travail impliquant l'utilisation et la manipulation de ces substances. Il invoque donc l'application en sa faveur de la présomption de maladie professionnelle prévue à l'article 29 de la loi, laquelle énonce: 29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
La section I de l'annexe I à laquelle se réfère cet article précise à son 12ième paragraphe: SECTION I MALADIES CAUSÉES PAR DES PRODUITS OU SUBSTANCES TOXIQUES MALADIES GENRES DE TRAVAIL (...) 12. Intoxication un travail impliquant par l'utilisation, la les hydrocarbures manipulation ou une aliphatiques, autre forme d'exposition alicycli- à ces substances ques et aromatiques En l'instance, la preuve non contredite révèle que le travailleur souffre d'une myélodysplasie. La myélodysplasie n'étant pas spécifiquement mentionnée à l'annexe I de la loi, le bureau de révision a conclu que le travailleur ne pouvait bénéficier de la présomption de maladie professionnelle.
La section I de l'annexe I de la loi ne fait référence à aucune maladie spécifique. Le législateur utilise simplement la notion d'intoxication dans le contexte de maladies causées par des produits ou substances toxiques, tel que l'indique le titre de cette section. Dans ces circonstances, la Commission d'appel est d'avis que le tribunal doit, dans un premier temps, déterminer si la myélodysplasie constitue une forme d'intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques avant de conclure si cette maladie est prévue à l'annexe.
La notion d'intoxication n'étant pas définie dans la loi, la Commission d'appel considère qu'il y a lieu, d'une part, de se référer au sens usuel du terme et d'autre part, de chercher le but poursuivi par le législateur en édictant cette partie de l'annexe de la loi, afin d'en comprendre sa signification et sa portée. De plus, il ne faut pas oublier que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi sociale qui a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. C'est dans ce contexte que le tribunal doit interpréter la notion d'intoxication qu'on retrouve à l'annexe afin de lui donner son plein effet.
Le Petit Robert définit ainsi le terme «intoxication»: «Action nocive qu'exerce une substance toxique (poison) sur l'organisme; ensemble des troubles qui en résultent ...» Le Dictionnaire de Médecine Flammarion définit ce même terme comme suit: «INTOXICATION Ensemble des accidents provoqués par des substances toxiques, provenant de l'extérieur (intoxication exogène) ou de l'intérieur de l'organisme (intoxication endogène: concept un peu vieilli et terme encore plus désuet).» De ces définitions, il faut conclure que la notion d'«intoxication» comprend aussi bien l'intoxication chronique qu'aiguë, puisqu'elle consiste en l'ensemble des troubles ou des accidents qui résultent de l'action nocive d'une substance toxique.
La Commission d'appel constate également, après une lecture et analyse de la section I de l'annexe I de la loi, que celle-ci fait référence à une série de maladies causées par des intoxications aigues et des intoxications chroniques. Par exemple, l'intoxication au plomb qui résulte en général d'un effet cumulatif dans le temps suite à l'exposition au plomb, est une maladie couverte par le premier paragraphe de la section I de l'annexe, soit une intoxication par les métaux et leurs composés toxiques organiques ou inorganiques. Par ailleurs, une intoxication aigue qui survient suite à l'exposition à un gaz contenant du chlore est une maladie couverte par le deuxième paragraphe de la section I de l'annexe, soit une intoxication par les halogènes et leurs composés toxiques organiques ou inorganiques. Il est donc logique de conclure que la notion d'intoxication prévue à l'annexe doit être interprétée de façon à inclure l'intoxication aigue et/ou chronique.
Qui plus est, la Loi sur les accidents du travail (L.R.Q., c.A-3) dans le contexte de l'application de la présomption de maladie professionnelle, à l'annexe D, prévoyait comme maladie professionnelle l'empoisonnement au benzène.
Article III 1. Lorsqu'une maladie professionnelle cause au travailleur une incapacité ou son décès, le bénéficiaire a droit aux prestations prévues par la présente loi, comme si la maladie était une lésion corporelle provenant d'un accident et comme si l'incapacité de travail était le résultat d'un accident, le tout sujet aux dispositions suivantes: nulle prestation n'est payée si le travailleur, lors de son entrée dans l'emploi, a volontairement et faussement représenté par écrit ne pas avoir auparavant souffert de cette maladie. La réclamation du bénéficiaire doit être produite dans les six mois à compter du moment où il est médicalement établi et porté à sa connaissance qu'il est atteint ou qu'il est décédé d'une maladie professionnelle, selon le cas.
[...] 8. Si, au moment où l'incapacité se manifeste ou immédiatement auparavant, le travailleur était employé dans l'un quelconque des genres d'occupation indiqués dans la seconde colonne de l'annexe D ou des règlements et si la maladie contractée est celle indiquée dans la première colonne de la même annexe ou des règlements en regard de la description de ce genre d'occupation, cette maladie est censée avoir été causée, à moins de preuve contraire, par ce genre d'occupation. Dans les autres cas, il doit être établi, à la satisfaction de la commission, que la maladie a été causée par le genre d'occupation auquel le travailleur était employé.
[...] Annexe D Maladies professionnelles Genre de maladie Genre d'occupation 6. Empoisonnement et leurs suites: a) Arsenic: Toute occupation comportant l'emploi de l'arsenic ou de ses préparations ou de ses composés.
b) Benzène: Toute occupation comportant l'emploi de benzène. [...]» La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a étendu l'application de la présomption à l'intoxication par tous les hydrocarbures, qui sont une grande famille de composés chimiques, dont les divers effets sur la santé ne sont pas encore tous connus. Cette modification, soit d'élargir l'application de l'annexe pour y inclure plutôt les familles de produits ayant un potentiel toxique, aussi bien pour les hydrocarbures que pour les métaux, laisse entrevoir la volonté du législateur de créer une annexe «adaptable» afin de tenir compte de l'évolution des connaissances toxicologiques.
Par ailleurs, la Commission d'appel considère qu'il n'est pas nécessaire pour l'application de la section I de l'annexe I de la loi que le médecin qui a charge du travailleur pose strictement le diagnostic d'«intoxication». Généralement, un médecin n'est pas en mesure de poser un diagnostic d'intoxication, surtout s'il s'agit d'une intoxication chronique, sans avoir la confirmation d'une exposition suffisante au produit toxique. Dans certains cas, des tests spécifiques, comme la plombémie lors de l'exposition au plomb, permettent de poser le diagnostic avec suffisamment de confiance. Cependant, pour un grand nombre d'intoxications chroniques, il n'y a pas d'examen ni test pathognomonique d'une telle intoxication et les médecins énoncent uniquement le diagnostic clinique qu'ils ont porté. Par la suite, il est nécessaire d'établir une relation entre la maladie documentée et l'exposition à un produit qui est susceptible de causer cette maladie par une démarche de recueil d'information en toxicologie et en hygiène industrielle. En l'instance, c'est ce que les docteurs Whittemore et Delâge laissent sous-entendre lorsqu'ils indiquent qu'une évaluation de l'exposition aux substances toxiques est nécessaire avant de conclure à un diagnostic d'intoxication. Cette façon de procéder n'est pas inhabituelle ou anormale mais plutôt le reflet d'une pratique diligente et courante de la médecine, où il est nécessaire d'obtenir tous les faits pertinents avant de porter une conclusion diagnostique. La maladie résultant de l'exposition à l'amiante, l'amiantose, illustre bien cette pratique. Avant de porter un diagnostic d'amiantose, il est nécessaire d'avoir la preuve d'une exposition suffisante à l'amiante, et ce, même en présence d'une preuve radiologique positive.
Finalement, la Commission d'appel, afin d'illustrer l'illogisme de l'argument qui voudrait que seulement un diagnostic formel d'«intoxication» permettrait l'application de la présomption de maladie professionnelle prévue à la section I de l'annexe I, cite à titre d'exemple le cas d'un travailleur atteint de leucémie qui démontre par une preuve prépondérante qu'il a exercé un travail impliquant l'utilisation, la manipulation ou autre forme d'exposition au benzène. Le benzène étant reconnu et identifié au Règlement sur la qualité du milieu de travail (L.R.Q., S-2.1, r. 15) comme étant une substance réputée cancérogène, la Commission d'appel pourrait difficilement justifier la décision de ne pas le faire bénéficier de la présomption de maladie professionnelle.
Par conséquent, la Commission d'appel considère que si le travailleur démontre par une preuve prépondérante que l'exposition à la substance toxique a été suffisante pour être la cause plausible de la maladie diagnostiquée, alors cette maladie constitue une intoxication au sens de l'annexe I de la loi et le premier élément constitutif de la présomption a été prouvé.
En l'instance, la myélodysplasie dont souffre le travailleur constitue-t-elle une forme d'intoxication chronique au benzène, un hydrocarbure aromatique? La preuve scientifique, médicale et épidémiologique soumise dans le présent dossier permet de conclure par l'affirmative.
Les rapports des docteurs Whittemore et Delâge établissent que la myélodysplasie est une maladie préleucémique, se manifestant par une bi- ou pancytopénie et par des changements morphologiques importants dans le sang et la moelle osseuse, et qui évolue souvent vers une leucémie aigue. Cette définition de la myélodysplasie comme étant une condition préleucémique est confirmée dans les textes de Ribak et al.[6] ainsi que de Farrow et al.[9], déposés par le travailleur.
Or, la preuve scientifique accumulée au cours des dernières décennies, telle que rapportée dans les nombreux documents soumis par le travailleur, prouve clairement que l'exposition chronique au benzène peut entraîner une leucémie, à une fréquence considérablement plus élevée que dans la population non exposée.
Ainsi, le texte de l'ACGIH (1991)[5] rapporte les conclusions de Rinsky et al.[11], qui sont considérées les plus fiables pour ce qui est de l'évaluation du risque de leucémie en relation avec l'exposition au benzène; ces auteurs calculent qu'un travailleur exposé durant 40 ans à une concentration moyenne journalière de 10 ppm de benzène a 155 fois plus de risque de mourir d'une leucémie qu'un travailleur non exposé. C'est sur la base de telles données que les organismes tels l'ACGIH et l'IARC, ainsi que le Règlement sur la qualité du milieu de travail (S-21, r.15), reconnaissent que le benzène est une substance cancérogène prouvée chez l'homme. La preuve révèle que le benzène produit des altérations chromosomiques {ACGIH (1991)[5], Patty[2], Lauwerys[10], fiche signalétique de Shell}, ce qui explique de manière plausible qu'il puisse entraîner une myélodysplasie car, selon le docteur Delâge, il s'agit «d'une maladie clonale due à un déficit acquis de l'ADN sur un ou plusieurs chromosomes d'une cellule souche hématopoïétique pluripotente.» Ainsi, à partir des prémisses que l'exposition chronique au benzène entraîne un fort risque d'apparition d'une leucémie aigue par altérations chromosomiques et que la myélodysplasie constitue une condition préleucémique, il faut en conclure comme Rayman[6] et Farrow et al[9] que la myélodysplasie est le syndrome clinique qui constitue une phase dans l'évolution temporelle vers une éventuelle leucémie causée par le benzène. Il s'agit donc d'une maladie pouvant être causée par une intoxication chronique au benzène.
Afin de permettre l'application de la présomption prévue à l'article 29 de la loi, le travailleur doit donc prouver qu'il a été suffisamment exposé au benzène dans le cadre de son travail pour que cette exposition puisse avoir entraîné sa myélodysplasie. La Commission d'appel estime que la preuve fournie dans la présente affaire permet de conclure que le travailleur a subi une telle exposition chez l'employeur.
Pour en arriver à une telle conclusion, la Commission d'appel doit établir des inférences à partir des témoignages et de la preuve documentaire, car il est établi que le travailleur n'a jamais bénéficié d'une évaluation personnalisée en hygiène industrielle, permettant de déterminer son niveau d'exposition à des contaminants chimiques, dont le benzène. Plusieurs facteurs semblent expliquer cet état de fait. D'une part, monsieur Allard précise que le banc d'essai FF-17, poste de travail du travailleur à compter de 1976, n'a jamais été évalué par le DSC car il relevait du département de l'instrumentation, alors que les interventions du DSC étaient effectuées dans le département des "test cells". Ainsi, on ne retrouve aucune mention du banc d'essai FF-17 dans le bilan des mesures environnementales rédigé par Charles Milord en septembre 1990.
D'autre part, la Commission d'appel constate que le travailleur n'était pas au courant de la composition chimique exacte des produits qu'il utilisait dans son travail, les connaissant sous leur nom de code ou de commerce. Selon monsieur Allard, cette attitude était partagée par les autres travailleurs dans l'usine jusqu'à la mise en application de la loi sur le SIMDUT en 1987, qui a entraîné un changement des mentalités car elle a permis aux travailleurs de connaître la composition de ces produits, leur danger pour la santé et les précautions à utiliser. La Commission d'appel estime aussi que c'est vraisemblablement cette connaissance nouvelle des risques qui a amené l'abandon de l'utilisation du produit M17/10 (benzène) dans l'entreprise, le 20 août 1987. Ainsi, le travailleur n'étant pas conscient qu'il était exposé au benzène ni informé des dangers que ce produit représentait, il ne pouvait demander qu'on en évalue son niveau d'exposition. La Commission d'appel constate aussi que cette ignorance des dangers du benzène semblait répandue chez l'employeur, comme le suggère monsieur Bolduc. Ainsi, même si l'employeur savait depuis 1981, à la suite de sa demande d'évaluation en hygiène industrielle par l'Association paritaire de prévention pour la santé et la sécurité du travail (APPSST), que le benzène était un produit considéré comme cancérogène, ce n'est qu'en 1987 que son usage à l'état pur a été cessé dans l'entreprise, comme l'indiquent le témoignage de monsieur Allard et les documents qu'il a fournis concernant l'utilisation du produit M17/10 dans l'entreprise. Sur ce sujet, la Commission d'appel ne retient pas l'argument du représentant de l'employeur voulant qu'il n'y ait pas de preuve que le benzène à l'état pur ait pu être utilisé dans l'entreprise, vu qu'aucune preuve d'achat de ce produit n'a été fournie. En effet, le document du 5 septembre 1973 sur le M- 17/10 (benzène) indique clairement que ce produit est normalement utilisé chez l'employeur comme solvant de nettoyage à froid d'usage général. De plus, la Commission d'appel estime que le représentant de l'employeur avait la possibilité de réfuter le témoignage de monsieur Allard sur ce sujet, ce qu'il n'a pas fait. La Commission d'appel retient donc la preuve non contredite fournie par monsieur Allard, à l'effet que le benzène à l'état pur a été utilisé chez l'employeur de 1961 à 1987, entre autres dans la salle de lavage. Cet usage n'est pas surprenant, considérant que le benzène est un excellent solvant qui a été utilisé de manière extensive dans le passé, comme le précisent monsieur Bolduc ainsi que les documents de Patty[2] et ACGIH (1991)[5].
La Commission d'appel estime que la preuve permet clairement de conclure que monsieur Stacey a été exposé au benzène dans le contexte de son travail chez l'employeur de 1971 jusqu'à son arrêt en 1993 à partir d'au moins deux sources documentables, soit lors du nettoyage des pièces au département de lavage et par le contact avec le «carburant pour jet JP4», et possiblement aussi en raison de la composition chimique du fluide de calibration M 13/1. Nettoyage des pièces au département de lavage La preuve révèle que le travailleur, à compter de 1974 et jusqu'en 1993, devait nettoyer les pièces sur lesquelles il travaillait, et qu'à compter de 1976, 80% de ces pièces étaient peintes. Ceci l'amenait au département de lavage, où il procédait à diverses opérations de nettoyage. La première étape consistait au trempage dans un solvant puissant, le "Bendix cleaner". À partir de la description de la tâche fournie lors de l'évaluation par l'APPSST, on peut en déduire que ce produit portait le numéro 17/21. Or, le docteur Séguin, dans sa lettre du 3 avril 1986, précisait que le M 17/21 était du chlorure de méthylène, une substance soupçonnée d'être tératogène, mutagène et cancérigène.
D'ailleurs monsieur Allard est d'avis que le "Bendix cleaner" n'était pas le benzène pur auquel il fait référence dans son témoignage. Ainsi, le travailleur était à cette étape exposé à un hydrocarbure aux propriétés potentiellement tératogènes et cancérigènes, mais pas au benzène.
Cependant, le travailleur faisait suivre cette étape par le nettoyage avec un fusil projetant du solvant dans un appareil non étanche, suivi de l'utilisation d'un fusil à air comprimé pour assécher les pièces à l'air libre. Monsieur Trudeau, qui a été formé par le travailleur et a effectué ce travail, témoigne qu'à sa connaissance, le solvant utilisé était du «varsol». Il précise aussi que la boîte, dans laquelle le solvant était projeté sous pression, était ouverte à l'avant. Cette séquence des opérations de nettoyage semble confirmée par le document émanant de l'APPSST, suite à l'échantillonnage du 1er septembre 1981. On décrit l'opération ainsi: «Trempage de pièces dans les dissolvants 17/21 et 17/3 et nettoyage sous pression d'air avec le dissolvant 17/3» Le document mentionne aussi la conclusion suivante: «Nous observons qu'un employé est exposé à de fortes concentrations de benzène lorsqu'il utilise le varsol sous pression en dehors des cabines.» On peut donc raisonnablement en inférer que le dissolvant 17/21 correspond au "Bendix cleaner" comme il est précisé ci-haut, et que le dissolvant 17/3 correspond au «varsol», qui était utilisé sous pression selon la technique décrite par le travailleur et monsieur Trudeau et qui a fait l'objet des mesures en hygiène industrielle. Or, ce «varsol» contenait des quantités importantes de benzène, selon les résultats de l'évaluation par l'APPSST. En effet, l'évaluation de l'exposition au benzène provenant du «varsol» dans le contexte des activités de nettoyage similaires à celles effectuées par le travailleur, donne une exposition de l'ordre de 17 et 25 mg/m3 pour une période de deux heures par jour. Or, le travailleur effectuait cette tâche de deux à trois heures par jour, une ou deux fois par semaine, de 1974 à 1976. À compter de 1976, comme 80% des pièces étaient peintes, il devait accomplir cette tâche certainement aussi longtemps, sinon plus.
Bien qu'il faille être prudent avec ces données comme le mentionne monsieur Bolduc, car la mesure n'a été effectuée que durant 35 minutes et qu'il est périlleux d'extrapoler l'exposition sur une plus longue durée, la Commission d'appel estime que ces résultats établissent quand même un ordre de grandeur du niveau de l'exposition au benzène dans ce type de travail et conclut que le travailleur a vraisemblablement subi une exposition importante au benzène dans cette activité. Il semble, selon le témoignage de monsieur Allard, que les produits servant au nettoyage aient été changés en 1987 pour un solvant aliphatique, le M17/2, dont la preuve révèle qu'il contenait aussi des traces de benzène. Ce n'est qu'en 1995 qu'un produit ne contenant pas de benzène, l'alcool isopropylique, a été utilisé.
Par ailleurs, la Commission d'appel n'est pas en mesure de conclure de manière certaine que le travailleur a utilisé le benzène pur pour rincer les pièces après le nettoyage au «varsol», même si cela est probable, vu que monsieur Allard indique qu'il s'agissait là d'une méthode de travail utilisée dans l'entreprise. Le rapport de l'APPSST n'est d'ailleurs pas utile à cet égard, car il ne rapporte pas s'il y avait une utilisation au département de lavage du produit M17/10, numéro de code du benzène pur utilisé dans l'entreprise. S'il s'avérait que le travailleur ait effectivement utilisé le benzène à l'état pur, comme le suggère le témoignage de monsieur Allard, ceci aurait accentué de manière significative le niveau de son exposition au benzène. Cependant, compte tenu de l'ensemble de la preuve, l'utilisation ou non de benzène pur par le travailleur ne s'avère pas un élément déterminant quant aux conclusions portées dans la présente affaire.
Contact avec le «carburant pour jet JP4» La Commission d'appel estime que monsieur Stacey a aussi été exposé au benzène par le contact avec du «carburant pour jet JP4», lorsqu'il testait des unités usagées provenant des avions.
Cette exposition s'est produite de 1971 à 1974, lorsqu'il calibrait les unités de contrôle de carburant, puis à compter de 1976, lors de son affectation au banc d'essai FF-17, où il réparait les "fuel flow transmitter". La preuve révèle clairement que le «carburant pour jet JP4» contient du benzène (Patty[2], Ribak et al.[6], IARC[7], fiche signalétique de Shell, répertoire toxicologique de la Commission, opinion du docteur Séguin du 3 avril 1986). Cette exposition au benzène est survenue à la fois lors de la manipulation directe des pièces usagées dans la phase de démontage et lors de la calibration, alors qu'il venait en contact avec le «carburant pour jet» contenu dans les unités. Le témoignage du travailleur révèle qu'il travaillait à mains nues pour ces tâches, n'utilisant qu'une crème barrière. Or, cette crème devient rapidement inefficace lorsqu'il y a contact avec les solvants, comme l'indique monsieur Bolduc et comme le soutient la preuve qui souligne l'effet dégraissant des solvants et la nécessité de porter des gants appropriés lors de leur manipulation. Ainsi, le travailleur a subi une absorption cutanée du benzène, ce qui selon le document d'ACGIH[5], peut certainement contribuer de manière substantielle à la dose totale absorbée. Le document d'IARC[7] note aussi que les effets toxiques du benzène chez l'humain ont souvent été attribués à l'exposition combinée par la peau et la respiration. La Commission d'appel comprend donc de cette preuve que cette exposition cutanée, bien que non mesurable, ajoute un niveau de risque qui peut s'avérer déterminant dans l'apparition des problèmes de santé reliés au benzène.
De même, le travailleur a subi une exposition au benzène par voie respiratoire, en raison du contact avec le «carburant pour jet».
Le benzène est un solvant très volatile, en raison de sa structure chimique à 6 atomes de carbone seulement. C'est d'ailleurs cette propriété qui en faisait un solvant "fast- drying" de choix, comme le rapporte Patty[2]. Ainsi, tant dans la phase de démontage des pièces que dans la phase de calibration, le travailleur était exposé aux vapeurs du benzène contenu dans le «carburant pour jet JP4». Cette exposition respiratoire n'était atténuée d'aucune façon, car le travailleur ne portait aucun masque et la preuve révèle que le système d'aspiration à la source au banc d'essai FF-17 n'était pas fonctionnel, comme en témoigne monsieur Laing suite à ses inspections. De fait, l'ensemble des témoignages du travailleur et de messieurs Trudeau, Laing et Allard sont à l'effet que la pièce où était situé le banc d'essai FF-17 ne bénéficiait pas d'une ventilation adéquate et était parfois très chaude, augmentant ainsi l'évaporation des solvants et conséquemment l'exposition du travailleur, selon monsieur Bolduc. Le banc d'essai FF-17 était une «unité ouverte», ce qui entraîne une plus grande exposition aux vapeurs de solvants, comme l'indique monsieur Allard et comme le suggère le bilan des mesures environnementales de septembre 1990 de monsieur Milord.
Au surplus, la preuve révèle que le banc d'essai FF-17 comportait certaines particularités dans sa configuration ayant pour effet d'augmenter l'exposition respiratoire du travailleur aux solvants, dont le benzène. Ainsi, contrairement à d'autres bancs d'essai, le bassin collecteur de celui-ci ne se vidangeait pas automatiquement dans le réservoir de rétention, et l'opération manuelle de vidangeage ne pouvait s'effectuer lors d'un essai en cours. De plus, la conception du filtre faisait en sorte qu'il y avait toujours un résidu dans le bassin, facilitant ainsi l'évaporation du benzène dans la zone respiratoire du travailleur et dans la pièce. Enfin, le travailleur mentionne que le couvercle du réservoir de rétention n'était pas étanche, ce qui pouvait entraîner la dissémination dans l'air ambiant des vapeurs plus légères du benzène, présent comme contaminant dans le fluide de calibration contenu dans le réservoir de rétention. Il faut noter d'ailleurs que ce banc d'essai n'a plus été utilisé suite au départ du travailleur et qu'il a été détruit par la suite car, selon monsieur Allard, il était trop difficile de le modifier pour en corriger les défauts. La preuve ne permet pas de déterminer le niveau précis de contamination par le benzène du fluide de calibration utilisé au banc d'essai FF-17 lorsque le travailleur y était affecté, car on n'a jamais effectué de mesure spécifique de cette nature.
Cependant la preuve révèle clairement que le fluide de calibration à ce poste était significativement contaminé par le «carburant pour jet». En effet, les résultats de l'analyse effectuée pour le compte de l'employeur le 21 mai 1993, avec la participation de monsieur Allard, démontre la présence de naphta de kérosène, de l'ordre de 2.72 ppm, dans les vapeurs respirables. Le kérosène étant la composante principale du carburant pour avion à réaction, selon le dictionnaire Petit Robert et le texte de Ribak et al.[6], ceci ne fait que confirmer que le fluide de calibration avec lequel le travailleur était en contact était contaminé de manière significative par le «carburant pour jet JP4», et conséquemment par le benzène présent dans ce carburant.
Par ailleurs, la Commission d'appel ne considère pas comme contradictoire le fait qu'on n'ait retrouvé qu'une très faible quantité de benzène lors de ces tests en 1993. En effet, comme en témoigne monsieur Allard, il n'a pas été possible de reproduire les conditions usuelles de la tâche du travailleur, car il n'y avait aucune unité à tester. Dans le contexte où la source de contamination par le benzène est le «carburant pour jet JP4» provenant des unités usagées, il est évident que cette évaluation ne peut être représentative de l'exposition préalable du travailleur lors du calibrage des unités. De même, vu les fuites dans le réservoir de rétention notées plus haut, le benzène contaminant le fluide de calibration aurait eu le temps de s'échapper dans l'air ambiant entre l'arrêt du travailleur le 29 avril 1993 et la mesure le 21 mai suivant.
Quant à l'analyse effectuée par l'IRSST à la demande du DSC en 1990, ses résultats doivent être interprétés avec circonspection.
D'une part, le prélèvement n'a pas été effectué au poste du travailleur et la preuve ne permet pas de savoir à quel poste de travail l'ancien fluide a été prélevé, afin de déterminer s'il avait été susceptible d'être contaminé par le «carburant pour jet», comme celui utilisé par le travailleur. D'autre part, il s'agit d'une analyse qualitative et non quantitative, comme le précise la lettre du docteur Robinson. Cette lettre rapporte aussi que le produit contient «très peu d'aromatiques» mais sans précision quant à la présence ou l'absence de benzène. À cet égard, la Commission d'appel partage l'opinion de monsieur Bolduc lorsqu'il énonce que le chimiste ne va mesurer que ce qu'on lui demande de rechercher. Comme l'emphase était mise sur les problèmes reliés au nouvel arrivage, il est vraisemblable que le chimiste n'ait cherché qu'à déceler la différence entre celui-ci et le produit déjà en utilisation, sans se préoccuper de la composition exacte de l'ancien fluide. Composition chimique du fluide de calibration M 13/1 Le représentant du travailleur a aussi évoqué que le travailleur a pu contracter sa maladie en raison de son exposition au fluide de calibration (M13/1) comme tel, en raison de sa composition chimique et de sa toxicité documentée. La preuve révèle que ce fluide de calibration est «apparenté au solvant Stoddard», comme le révèle le rapport du 10 juillet 1985 de monsieur Milord du DSC Sacré-Coeur, suite à une analyse en laboratoire. Monsieur Bolduc a soumis un document de l'IRSST établissant que le «solvant Stoddard» est un mélange d'hydrocarbures de la famille des solvants, contenant des composés aliphatiques, oléfinés, cycloparaffinés et aromatiques. Ce témoin dépose aussi un document de l'ACGIH[3] sur le «solvant Stoddard», produit connu sous le code CAS8052-41-3, dans lequel on indique que ce solvant contient normalement 14% d'hydrocarbures aromatiques. Ce document rapporte aussi des cas de suppression de la moelle osseuse suite à une exposition élevée durant 4 mois à des "white spirits", un mélange contenant 17% d'aromatiques; le document attribue ces problèmes de santé de manière vraisemblable à la présence de composés myélotoxiques, en particulier le benzène, dans ces solvants. De même, le document de Prager et al.[8], tout en partant de la prémisse que le «solvant Stoddard» ne contient pas de benzène, note qu'on a rapporté des cas d'anémie aplastique en association avec les distillats du pétrole contenus dans le «solvant Stoddard»; il suggère que certaines composantes non identifiées du «solvant Stoddard» peuvent avoir des propriétés myélotoxiques. Pour sa part, le docteur Delâge rapporte l'hypothèse semblable évoquée dans le texte d'hématologie clinique de Winthrobe, et ajoute que le benzène est présent en faible quantité dans le «solvant Stoddard». La fiche signalétique de la Commission sur le «solvant Stoddard» mentionne aussi la possibilité d'anémie aplastique suite à une exposition chronique.
La preuve révèle que le produit utilisé chez l'employeur comme fluide de calibration n'est pas nécessairement du «solvant Stoddard» standard, qui porte le numéro de code CAS8052-41-3, mais parfois un autre composé portant le numéro de code CAS64742- 48-9. Ainsi, la fiche d'identification de l'entreprise pour le fluide de calibration, datée du 10 février 1992, précise le nom de trois fournisseurs pour ce produit. Dans le cas de la compagnie Ashland Chemical, la fiche signalétique du 5 janvier 1996 précise que le composé fourni est bien un type de «solvant Stoddard». Par contre, dans le cas de Harrison et Crosfield, la fiche du 19 mars 1992 indique que le produit utilisé à certains bancs d'essai chez l'employeur est un "naphtol spirits", portant le numéro de code CAS64742-48-9. Les fiches de la compagnie Castrol de mai 1989 et septembre 1991 révèlent que leur produit porte aussi ce même numéro de code. En mai 1989, on précise que le produit est constitué à plus de 90% de paraffines et cycloparaffines de l'ordre de C9 à C11, mais on mentionne aussi entre parenthèses "aromatic hydrocarbon mixture", représentant vraisemblablement la fraction résiduelle du produit. La fiche de 1991 n'établit que la composition à 90% par du naphta lourd hydrotraité, sans plus de détails sur la fraction résiduelle.
Or, la lettre du chimiste Bégin indique que le naphta CAS64742- 48-9 est un «mélange complexe d'hydrocarbures dont le nombre de carbone est compris dans une gamme de C6 à C13», et dont le point d'ébullition se situe entre 65 et 230o C. Monsieur Bégin précise que comme le benzène a 6 atomes de carbone et un point d'ébullition de 80o C, il est susceptible de se retrouver dans le fluide de calibration utilisé chez l'employeur. Il souligne aussi que ce produit ne semble pas rencontrer la spécification militaire MIL-C-7024, qui prévoit un point d'ébullition initial d'au moins 149o C. La Commission d'appel constate comme monsieur Bégin, à l'analyse des documents déposés en preuve, qu'il semble y avoir discordance apparente entre la spécification militaire prévue et les produits fournis par les fournisseurs Harrison et Crosfield et Castrol, mais pour laquelle il existe peut-être une explication. Cependant, cet élément n'est pertinent dans la présente affaire que dans la mesure où il est possible que le fluide de calibration utilisé dans le passé par le travailleur ait pu contenir du benzène. La Commission d'appel a indiqué plus haut qu'il n'y a jamais eu de mesure spécifique de la composition du fluide de calibration avec lequel le travailleur était en contact durant ses années de travail. Il y a bien le résultat d'un prélèvement effectué le 24 novembre 1995 indiquant que le fluide de calibration alors analysé contenait moins de 1 ppm de benzène, soit la limite de détection. Cependant, ce résultat n'est pas nécessairement représentatif du passé car comme l'indiquent le témoignage de monsieur Bolduc ainsi que les documents de ACGIH[5] et Patty[2], le benzène était beaucoup plus abondamment présent dans divers produits dont les solvants, avant qu'on ne porte attention à son effet toxique.
Ainsi, la Commission d'appel considère qu'il est plausible que le fluide de calibration auquel le travailleur a été exposé au cours de son travail chez l'employeur ait pu contenir du benzène, en quantité indéterminée. De plus, même si la concentration en benzène dans le fluide de calibration était vraisemblablement faible en raison des normes militaires à respecter, le travailleur en aurait reçu une forte dose d'exposition tant respiratoire que cutanée, en raison des caractéristiques de son milieu de travail et de sa tâche, décrites plus haut. De plus, la présence du poste de "fuel nozzles stand" à proximité aggravait cette exposition.
La Commission d'appel note d'ailleurs que l'utilisation du fluide de calibration dans le poste de travail de monsieur Stacey n'était pas conforme aux recommandations des fournisseurs, à l'égard de la ventilation et de la protection personnelle, tant respiratoire que cutanée.
En conclusion, après analyse de l'ensemble de la preuve et malgré les imprécisions relatives quant au niveau de son exposition, la Commission d'appel juge que cette preuve est largement prépondérante à l'effet que le travailleur a été exposé de manière constante au benzène dans son travail, tant par absorption cutanée que respiratoire, à des doses qu'il est impossible de mesurer rétrospectivement mais qui étaient certainement modérément élevées selon les normes et connaissances actuelles et que cette exposition a entraîné sa myélodysplasie, un syndrome clinique pré-leucémique. D'ailleurs, le fait que son état de santé se soit stabilisé suite à son retrait du travail, comme l'indique le docteur Whittemore, apporte un élément confirmatif supplémentaire quant à l'origine professionnelle de sa maladie. Il faut constater qu'uniquement en considérant l'ordre de grandeur de son exposition présumée lors du nettoyage des pièces au département du lavage, soit de l'ordre de 21 mg/m3 en moyenne (ou 7 ppm) pour deux heures, on se situe à une dose 7 fois plus élevée que la norme permise d'exposition en vigueur au Québec depuis 1994, pour un produit reconnu cancérogène. Ce niveau d'exposition doit aussi être comparé avec les données tirées du document de ACGIH[5] qui rapporte qu'à la compagnie Dow Chemical, on a démontré une augmentation de quatre fois le nombre de leucémies chez des travailleurs exposés à une moyenne de 5 ppm de benzène durant 9 ans, et que deux des quatre travailleurs porteurs de cette maladie avaient même eu une exposition inférieure à 2 ppm. La Commission d'appel considère donc que la présomption de maladie professionnelle s'applique au travailleur car il a subi une exposition au benzène suffisamment importante pour avoir entraîné sa myélodysplasie et que l'employeur n'a pas réussi à renverser cette présomption. Quoi qu'il en soit, la Commission d'appel considère qu'indépendamment de l'application de la présomption, le travailleur a réussi à démontrer par une preuve prépondérante que sa maladie a été contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qu'elle est caractéristique du travail qu'il a exercé, car les études épidémiologiques démontrent que sa maladie est caractéristique de l'exposition au benzène qu'il a subie et qu'en plus, sa maladie est reliée aux risques particuliers de son travail en raison de son environnement de travail déficient.
La Commission d'appel tient aussi à souligner qu'en matière de maladie professionnelle, il faut apprécier les faits à la lumière des connaissances épidémiologiques et médicales les plus récentes, lorsqu'elles sont crédibles et documentées adéquatement, et non pas uniquement en fonction du respect des normes légales. D'ailleurs, la Commission des affaires sociales, dans l'affaire Sauveteurs et Victimes d'actes criminels (1991 CAS 67 ), appelée à décider si la présomption de maladie professionnelle prévue sous la Loi des accidents du travail s'appliquait à un travailleur porteur de leucopénie qui avait été exposé au benzène dans le cadre de son travail, s'exprimait ainsi: «(...) Que le règlement édicté en 1979 sous l'empire de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ait établi à 10 parties par million (dans l'air) la norme permise pour le benzène, et à 100 parties par million celle pour le solvant Stoddard, de telles concentrations pour une durée d'exposition de 40 heures par semaine, ne signifie pas qu'en deçà de cette norme il n'y a pas de danger. D'ailleurs, les experts entendus à l'audience l'ont tous reconnu, certains indiquant même qu'une exposition, même à des doses infimes, par inhalation de ce produit hautement cancérigène peut entraîner une intoxication. De fait, et la Commission à ce propos retient les principes énoncés dans les extraits d'ouvrages précités, en particulier les conclusions de l'Occupational Safety and Health Agency américaine, il n'y a pas de seuil reconnu en deçà duquel aucun danger n'existe quant au benzène. Le travailleur a utilisé un solvant contenant une partie sur mille de benzène. Il a respiré ce produit pendant plus de huit heures par jour. Au surplus, il y a eu ici une exposition cutanée importante, qui s'ajoute à l'exposition par voie d'inhalation, alors que le produit toxique est absorbé par voie cutanée. D'ailleurs, il n'est pas superflu de rappeler que l'OSHA, par son règlement en 1978, interdisait tout contact avec la peau d'un produit contenant du benzène. Il appert également des extraits cités qu'en France on considère à risque l'occupation de nettoyage des pièces métalliques avec des solvants contenant du benzène. Enfin, les experts entendus à l'audience ont reconnu qu'une telle exposition par voie cutanée, même à une concentration aussi faible en benzène que 0,1% était de nature à causer une intoxication.» La Commission d'appel note à cet égard que la preuve épidémiologique déposée dans la présente affaire démontre que ce ne sont pas tous les individus exposés aux mêmes concentrations de benzène qui développent des problèmes de santé, mais uniquement ceux qui sont particulièrement susceptibles (Lauwerys)[10].
La Commission d'appel estime par ailleurs que la preuve ne permet pas de relier clairement la maladie du travailleur à l'incident d'octobre 1990, alors qu'on a retrouvé du toluène dans un nouvel arrivage de fluide de calibration, car la preuve médicale ne permet pas de relier la myélodysplasie du travailleur à l'exposition au toluène. Monsieur Laing a témoigné avoir reçu une information du laboratoire à l'effet qu'il y aurait alors eu une plus forte quantité de benzène dans le fluide de calibration, mais les autres éléments de la preuve ne permettent pas de confirmer ce témoignage. Il est d'ailleurs plausible qu'on ait alors confondu toluène et benzène, vu leur similarité chimique.
Quoi qu'il en soit, cet élément ne change rien aux conclusions de la présente affaire.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE l'appel de monsieur John Stanley Stacey, le travailleur; INFIRME la décision du bureau de révision du 6 mars 1996; DÉCLARE que monsieur John Stanley Stacey, le travailleur, est atteint d'une maladie professionnelle; ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de verser à monsieur John Stanley Stacey, le travailleur, les indemnités auxquelles il a droit conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., chapitre 3.001].
_______________________________ Santina Di Pasquale Commissaire F.T.Q.
(Monsieur Jean-Pierre Néron) 545, boul. Crémazie est 17ième étage Montréal (Québec) H2M 2C1 Représentant de la partie appelante Monsieur Guy Rouisse 200, boul. Marcel-Laurin Saint-Laurent (Québec) H4M 2L5 Représentant de la partie intéressée DOCUMENTS DÉPOSÉS PAR LA PARTIE APPELANTE 1. DROLET Daniel et GOYER Nicole, Mélanges d'hydrocarbures en milieu de travail: Notes et rapports scientifiques et techniques, Institut de recherche en santé et sécurité du travail du Québec; 2. CLAYTON Georges D, CLAYTON Florence E, Patty's Industrial Hygiene and Toxicology, Volume II, Part B, Toxicology, Fourth Edition; 3. A.C.G.I.H., Stoddard Solvent; 4. A.C.G.I.H., TLV'S AND BEI'S: Threshold Limit Values for Chemical Substances and Physical Agents, Biological Exposure Indices, 1996; 5. A.C.G.I.H., Benzene, 1991; 6. RIBAK Joseph, RAYMAN Russel B, FROOM Paul, Occupational Health in Aviation: Maintenance and Support Personnel, Academic Press Inc., San Diego, U.S.A. 1995; 7. IARC (International Agency for Research on Cancer) MONOGRAPHS: Benzène, volume 29, 1982; 8. PRAGER David, PETERS Charles, Development of Aplastic Anemia and the Exposure to Stoddard Solvent, Blood, Vol. 35, No. 3 (March) 1970; 9. FARROW A, JACOBS A, WEST RR, Myelodysplasia, Chemical Exposure, and Other Environmental Factors, Leukemia, 1988; 10. LAUWERYS Robert R, Toxicologie industrielle et intoxications professionnelles, Deuxième édition, Masson, Paris, 1982; 11. RINSKY Robert A, SMITH Alexander B, HORNUNG Richard, FILLOON Thomas G, YOUNG Ronald J, OKUN Andrea H, LANDRIGAN Philip J, Benzene and Leukemia: An Epidemiologic Risk Assessment, The New England Journal of Medicine, April 23, 1987; 12. HOET P, LAUWERYS R, Cancers du système lymphatique et hématopoiétique (leucémies, lymphomes, myélomes multiples) d'origine toxique professionnelle: Synthèse des données épidémiologiques, Cahiers de médecine du travail, volume XXXIL, no 4, 1995; 13. SAWAHATA Tadashi, RICKERT Douglas E, GREENLEE William F, Metabolism of Benzene and Its Metabolites in Bone Marrow, Toxicology of the Blood and Bone Marrow, edited by Richard D Dons, Raven Press, New York, 1983.
JURISPRIDENCE DÉPOSÉE PAR LA PARTIE APPELANTE - Sauveteurs et Victimes d'actes criminels,- 17, 1991 C.A.S.
67; - Robert E. King et Air Products & Chemicals Inc.,B.R.P. no 60191444, 15 mars 1990; - Dr D.H. Farrell c. Margaret Snell, 1990 2 R.C.S. 311 .
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