Industries Mégatube Canada inc. et Caouette |
2012 QCCLP 6951 |
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[1] Le 22 mars 2012, l'employeur, Les Industries Mégatube Canada inc., dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 22 février 2012.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision du 15 novembre 2011 et déclare que la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe est en relation avec l'accident du travail dont monsieur Patrick Caouette a été victime le 23 février 2010, qu’il s'agit d'une lésion professionnelle et que ce dernier a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en relation avec celle-ci.
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[3] Le 30 mai 2012, l'employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative, le 24 mai 2012.
[4] Par cette décision, la CSST confirme la décision du 20 mars 2012 et déclare qu'il y a lieu d'imputer à l'employeur la totalité du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par monsieur Caouette le 23 février 2010.
[5] Le 5 septembre 2012, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint-Jérôme à laquelle monsieur Caouette est présent. L'employeur est représenté par Me Nathalie Guilbault.
L'OBJET DES CONTESTATIONS
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[6] L'employeur demande de déclarer que la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur gauche n'est pas en relation avec l'accident du travail dont monsieur Caouette a été victime le 23 février 2010, mais constitue une maladie survenue par le fait ou à l'occasion des soins reçus pour cette lésion professionnelle.
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[7] L'employeur demande qu'à compter du 10 juin 2010, le coût des prestations dues en raison de la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur gauche soit imputé aux employeurs de toutes les unités.
L'AVIS DES MEMBRES (dossier 467342-64-1203 seulement)
[8] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu d'accueillir la requête de l'employeur, de modifier la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 22 février 2012 et de déclarer que la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe est une lésion professionnelle, car elle est survenue par le fait ou à l'occasion des soins que monsieur Caouette a reçus pour la lésion professionnelle qu’il a subie le 23 février 2010.
[9] La preuve établit de façon probante un lien entre l'immobilisation du membre supérieur gauche de monsieur Caouette qui a été recommandée à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 23 février 2010 et la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe à compter du 3 juin 2011.
LES FAITS ET LES MOTIFS
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[10] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe constitue une lésion professionnelle en relation avec l'accident du travail dont monsieur Caouette a été victime le 23 février 2010.
[11] Le tribunal constate que la CSST n'a pas rendu de décision en application de l'article 31 de la loi déterminant que le syndrome douloureux régional complexe dont est atteint monsieur Caouette est une lésion professionnelle qui est survenue par le fait ou à l'occasion des soins qu'il a reçus pour la lésion professionnelle du 23 février 2010.
[12] En effet, malgré que l'employeur ait demandé à la CSST de rendre une décision sur ce sujet, la CSST a déclaré, le 20 mars 2012, qu’il n'y avait pas lieu de se prononcer en regard de l'application de l'article 31 de la loi, car dans la décision du 22 février 2012, il a été décidé que la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe était en relation avec l'accident du travail dont monsieur Caouette a été victime le 23 février 2010.
[13] Comme la CSST a exercé sa juridiction sur ce sujet, le tribunal peut se prononcer, par le biais de la contestation de l'employeur de la décision reconnaissant la relation entre la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe et l'accident du travail dont monsieur Caouette a été victime le 23 février 2010, sur l'applicabilité de l'article 31 au présent cas.
[14] L'article 31 de la loi stipule ce qui suit :
31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :
1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;
2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).
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1985, c. 6, a. 31.
[15] Dans l'analyse de la requête de l'employeur, le tribunal tient compte des divers principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et de la Commission des lésions professionnelles selon lesquels :
Ø L'article 31 vise une lésion distincte de la lésion initiale[2] ;
Ø L'article 31 ne vise pas les conséquences indissociables de la lésion initiale[3] ;
Ø L'article 31 n'exclut pas les conséquences prévisibles de la lésion initiale[4].
[16] Partant de ces principes, le tribunal considère que l'employeur doit démontrer qu'une nouvelle blessure, maladie ou pathologie s'est développée par le fait ou à l'occasion des soins reçus, d'une complication lors d'un traitement ou d'une lésion attribuable à un traitement, pour avoir droit à l'application de l'article 31 de la loi[5].
[17] Le tribunal considère que l'employeur a relevé son fardeau de preuve et qu’il a démontré que le syndrome douloureux régional complexe dont monsieur Caouette a été atteint est une nouvelle lésion qui s'est développée par le fait ou à l'occasion des soins qu’il a reçus en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime le 23 février 2010.
[18] C'est ce qui ressort de l'opinion émise le 22 décembre 2011 par le professionnel de la santé désigné par l'employeur, le docteur C. Giasson.
[19] Dans son rapport d’expertise médicale, le docteur Giasson explique qu'à son avis, le syndrome douloureux régional complexe n'est pas en relation avec le traumatisme subi par monsieur Caouette le 23 février 2010, mais en lien avec l'immobilisation de son membre supérieur gauche qui a suivi cet accident du travail.
[20] Le docteur Giasson fait référence à des extraits de doctrine médicale[6]. Dans cet ouvrage, les auteurs écrivent ce qui suit en ce qui a trait à l'effet de l'immobilisation d'un membre en regard de l'apparition d'un syndrome douloureux régional complexe :
« […]
Facteurs prédisposant au SDRC
L'apparition d'un SDRC se produit le plus souvent après un traumatisme, habituellement mineur. Il peut s'agir de l'immobilisation d'un membre, d'une blessure ou d'une chirurgie. Aucune corrélation n'a pu être établie entre la gravité de l'événement initial et le syndrome douloureux. Une autre condition médicale y est parfois associée, tel un accident vasculaire cérébral. Dans 10 à 17 % des cas, aucune étiologie n'est retrouvée.
[…]
Facteurs liés au traitement
La grande majorité des SDRC surviennent après une période d'immobilisation d'un membre. Ce syndrome pourrait résulter de l'immobilisation consécutive à un traumatisme plutôt que de la blessure elle-même. Appliquée de façon incorrecte ou prolongée, particulièrement lors des traitements des fractures complexes, l'immobilisation peut contribuer autant à l'apparition du syndrome qu'à sa chronicité. Associés au phénomène douloureux, les changements trophiques et métaboliques qui résultent de cette immobilisation peuvent nuire à l'intégration sensitivomotrice du mouvement normal dans le système nerveux central. Une immobilisation, même de courte durée, peut perturber la fonction motrice et produire un tableau d'héminégligence. L'immobilisation est souvent étroitement liée aux autres facteurs prédisposant au SDRC décrits au tableau 22.2. Cette hypothèse ne fait toutefois pas l'unanimité.
[…] »
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Les références sont omises. Les soulignés sont de la soussignée.
[21] Le tribunal retient de cette doctrine que l'immobilisation d'un membre même de courte durée peut entraîner un syndrome douloureux régional complexe.
[22] Le tribunal note, par ailleurs, que la Commission des lésions professionnelles a déjà reconnu le syndrome douloureux régional complexe à titre de maladie survenant par le fait ou à l'occasion d'une immobilisation[7].
[23] Dans le présent cas, la preuve révèle que le membre supérieur gauche de monsieur Caouette a été immobilisé à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 23 février 2010.
[24] C'est ce qui ressort de son témoignage non contredit. Ce dernier explique que lors du fait accidentel du 23 février 2010, la manche gauche de son vêtement a été entraînée dans le mécanisme d'une machine et qu’il a subi une plaie à l'avant-bras gauche.
[25] Le tribunal note qu'à ce diagnostic se sont ensuite notamment ajoutés ceux d'hématome à l'avant-bras gauche, de contusion à l’avant-bras gauche, d'écrasement à l'avant-bras gauche, de tendinite traumatique à l'extenseur du poignet gauche, de douleur neuropathique, de douleur post contusion à l'avant-bras gauche et de neuropathie du nerf cubital gauche.
[26] À la suite de l'événement, son médecin lui a interdit de se servir de son bras. Monsieur Caouette a suivi cette recommandation jusqu'au mois de juin 2010.
[27] Monsieur Caouette ajoute qu'une prescription de traitements de physiothérapie a été faite à compter du mois d'avril 2010, mais que ceux-ci ont réellement été prodigués à compter du 6 juin 2010, soit après que la plaie ait été guérie et que la gale recouvrant celle-ci soit disparue. Monsieur Caouette précise qu'avant cette date, les traitements étaient très sommaires et consistaient à masser la peau aux contours de la plaie.
[28] Monsieur Caouette confirme donc qu'il n'a pas utilisé son membre supérieur gauche du 23 février 2010 au 6 juin 2010.
[29] Selon le docteur Giasson, cette immobilisation est à l'origine du syndrome douloureux régional complexe, car les signes de ce syndrome ont commencé à se manifester en juin 2010, à son avis.
[30] Le docteur Giasson précise qu'il n'est pas surprenant que le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe ait été posé tardivement.
[31] Le tribunal note, en effet, que le médecin qui a charge pose ce diagnostic pour la première fois le 3 juin 2011 seulement.
[32] Toutefois, comme le souligne le docteur Giasson, monsieur Caouette a commencé à se plaindre d'une douleur neuropathique dès le mois de juin 2010.
[33] Le docteur Giasson explique, dans son rapport, que la première difficulté soulevée en regard du diagnostic de syndrome douloureux régional complexe est de reconnaître les signes de cette pathologie. Le docteur Giasson fait alors référence à un extrait de doctrine médicale[8] dans lequel les auteurs soulignent que les signes initiaux de l'algodystrophie « peuvent se confondre avec les lésions traumatiques ».
[34] C'est pourquoi le professionnel de la santé désigné par l'employeur considère que « la responsabilité financière de l'employeur se termine au 10 juin 2010, alors qu'apparaît cette nouvelle lésion ».
[35] Le tribunal retient en partie les conclusions du docteur Giasson.
[36] La soussignée considère que la preuve établit de façon probante un lien entre l'immobilisation du membre supérieur gauche de monsieur Caouette qui a été recommandée à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 23 février 2010 et la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe à compter du 3 juin 2011.
[37] Ainsi, le syndrome douloureux régional complexe peut être considéré comme une nouvelle maladie survenant par le fait ou à l'occasion des soins que monsieur Caouette a reçus pour sa lésion professionnelle, car la non-utilisation de son membre supérieur gauche a été recommandée par ses médecins selon son témoignage non contredit.
[38] Le tribunal estime, en raison de l'avis émis par le docteur Giasson et de la doctrine médicale qui établit que la grande majorité des syndromes douloureux régionaux complexes surviennent après une période d'immobilisation d'un membre, que dans le cas de monsieur Caouette, il est probable que cette pathologie soit en lien avec l'immobilisation de son membre supérieur gauche plutôt que consécutive au fait accidentel du 23 février 2010.
[39] Toutefois, en ce qui concerne la « responsabilité financière » à laquelle fait référence le docteur Giasson dans son rapport, le tribunal considère qu’il y a lieu d'apporter le bémol suivant.
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[40] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l'employeur doit être imputé pour le coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par monsieur Caouette le 23 février 2010.
[41] L’article 326 de la loi prévoit ce qui suit en matière d’imputation :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[42] Il ressort de cette disposition que le principe général en matière de financement est d'imputer le coût des prestations dues en raison d'une lésion professionnelle au dossier de l'employeur à l'emploi duquel le travailleur se trouve au moment où il subit cette lésion.
[43] L'employeur peut toutefois obtenir une imputation moindre ou un transfert d’imputation s'il démontre qu'il supporte injustement le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers[9], qu'il est obéré injustement[10], qu'il s'agit d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31[11], qu'il s'agit de prestations d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion[12], que la maladie professionnelle du travailleur a été engendrée chez un ou d'autres employeurs[13], que le travailleur est déjà handicapé au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle[14] ou que le coût des prestations résulte d’un désastre[15].
[44] Dans le présent cas, l'employeur demande au tribunal de considérer qu’il a droit à un transfert des coûts en application du paragraphe 1o de l'article 327.
[45] L'article 327 de la loi est libellé comme suit :
327. La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations :
1° dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31 ;
2° d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.
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1985, c. 6, a. 327.
[46] Le paragraphe 1o de l'article 327 réfère à l'article 31 de la loi.
[47] Dans le cas de monsieur Caouette, le tribunal reconnaît que la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur gauche constitue une lésion professionnelle en application du paragraphe 1o de l'article 31 de la loi.
[48] Or, le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe est posé pour la première fois le 3 juin 2011 seulement.
[49] La procureure de l'employeur plaide que le syndrome douloureux régional complexe apparaît le 10 juin 2010, car à cette date le médecin qui a charge indique que monsieur Caouette se plaint d’une douleur neuropathique.
[50] Le tribunal ne nie pas ce constat.
[51] Toutefois, l'employeur n'a pas démontré de façon probante que la présence de ce symptôme est suffisante pour poser le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur gauche à cette époque ou qu'une douleur neuropathique est une autre appellation pour le syndrome douloureux régional complexe.
[52] Il est vrai que dans son rapport, le docteur Giasson écrit que la douleur neuropathique est une « apparition tardive de ce qui sera appelé syndrome douloureux régional complexe ».
[53] Le tribunal note, cependant, que cette affirmation n'est pas confirmée dans l'ouvrage Pathologie médicale de l'appareil locomoteur[16] dans lequel les auteurs font une revue exhaustive des différentes appellations de ce syndrome au cours des derniers siècles :
« […]
Introduction
La douleur est un motif fréquent de consultation. Parmi les grands syndromes douloureux, le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) est probablement l'un des plus invalidants. Il survient surtout après un traumatisme et touche, en général, les extrémités des membres. Parce qu’il atteint l'ensemble du système neuro-musculo-squelettique, ses conséquences fonctionnelles peuvent s'avérer dramatiques.
Le SDRC a été connu sous une variété d'appellations et son diagnostic s'est appuyé sur divers critères au fil du temps. La première description du syndrome est attribuée à Ambroise Paré en 1598. Au milieu du XVIIIe siècle, Claude Bernard évoquait une association entre la douleur et le système nerveux sympathique. En 1864, Silas Weir Mitchell, chirurgien militaire, fut le premier à décrire la causalgie (maintenant appelée le SDRC de type II) chez les vétérans de la guerre civile aux États-Unis. Au début du siècle, Paul Südeck, radiologiste allemand, décrivit “ l'atrophie de Südeck ” après avoir mis en évidence la décalcification osseuse succédant parfois au traumatisme d'une extrémité.
En 1923, René Leriche décrit l'œdème aigu post-traumatique de la main associé à une impotence fonctionnelle. Il associe les changements vasomoteurs retrouvés cliniquement à une activité anormale du système sympathique. En 1946, James Evans propose le terme de dystrophie sympathique réflexe. Otto Steinbrocker décrit le syndrome épaule-main en 1949. Tour à tour, d'autres termes, telles l'ostéoporose post-traumatique, l'ostéoporose transitoire ou l'algoneuro-dystrophie, ont aussi été utilisés pour désigner ce syndrome. En 1953, John Bonica suggère le terme « dystrophie sympathique réflexe » pour regrouper l'ensemble de ces syndromes douloureux sur la base d'une atteinte du système sympathique comme étiologie commune.
D'autres, comme Franklin Kozin en 1976, Paul Doury en 1981, ont tour à tour proposé divers critères diagnostiques qui ont permis aux cliniciens et chercheurs de l'époque de mieux définir et évaluer ce syndrome douloureux.
En 1994, l'« International Association for Study of Pain » (IASP) adopte le terme syndrome douloureux régional complexe (SDRC), qui se veut plus général et descriptif, et sans référence à aucune étiopathologie, pour remplacer ceux de dystrophie réflexe sympathique et de causalgie. De nouveaux critères diagnostiques sont alors établis, tels qu’ils apparaissent au tableau 22.1. Ce changement de définition était rendu nécessaire car, selon Merskey, « qu’est-ce qu'une dystrophie réflexe sympathique si ce n'est pas réflexe, s'il n'y a pas d'activité sympathique et s'il n'y a pas toujours d'algodystrophie » ?
[…] »
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Les références sont omises.
[54] Selon cette doctrine médicale, le syndrome douloureux régional complexe a été connu sous différentes appellations telles que causalgie, « atrophie de Südeck », dystrophie sympathique réflexe, syndrome épaule-main, ostéoporose post-traumatique, ostéoporose transitoire ou l'algoneuro-dystrophie, mais en aucun temps, les auteurs ne réfèrent aux termes « douleur neuropathique » pour désigner cette pathologie.
[55] Ainsi, le tribunal ne retient pas l'argument de l'employeur qui soutient que le syndrome douloureux régional complexe est apparu le 10 juin 2010.
[56] Le tribunal estime, en conséquence, que le coût des prestations dues en raison de la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur gauche doit être imputé aux employeurs de toutes les unités à compter du 3 juin 2011 en application du paragraphe 1o de l'article 327 de la loi.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
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ACCUEILLE la requête de l'employeur, Les Industries Mégatube Canada inc., en date du 22 mars 2012 ;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 22 février 2012 ;
DÉCLARE que la lésion diagnostiquée comme syndrome douloureux régional complexe est une lésion professionnelle survenue par le fait ou à l'occasion des soins que monsieur Patrick Caouette a reçus pour la lésion professionnelle entraînée par l'accident du travail dont il a été victime le 23 février 2010 et que ce dernier a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en relation avec cette lésion ;
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ACCUEILLE la requête de l'employeur, Les Industries Mégatube Canada inc., en date du 30 mai 2012 ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 24 mai 2012 ;
DÉCLARE qu'il y a lieu d'imputer aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle diagnostiquée le 3 juin 2011 comme syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur gauche.
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Martine Montplaisir |
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Me Nathalie Guilbault |
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Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert & associés |
Représentante de la partie requérante
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec métropolitain, C.L.P. 90304-03-9708, 17 avril 1998, M. Carignan ; Banque Nationale du Canada, C.L.P. 135415-73-0003, 15 novembre 2000, Y. Ostiguy ; Centre hospitalier Robert-Giffard, C.L.P. 177283-32-0201, 23 avril 2002, M.-A. Jobidon ; Industries John Lewis ltée, C.L.P. 182333-04-0204, 17 mars 2003, A. Gauthier ; Entreprise Cara ltée et CSST, C.L.P. 214961-72-0309, 14 novembre 2003, D. Lévesque, (03LP-205).
[3] Unival (St-Jean-Baptiste) et Gaudreault, [1997] C.A.L.P. 612 ; Bombardier Aéronautique, [2002] C.L.P. 525 ; Structures Derek inc., [2004] C.L.P. 902 ; Poirier Bérard ltée, [2006] C. L. P. 818 .
[4] H.P. Cyrenne ltée, C.L.P. 131759-04B-0002, 29 juin 2000, A. Gauthier ; Bell Canada et CSST, C.L.P. 120568-04B-9907, 7 septembre 2000, A. Gauthier ; Ressources Meston inc. et CSST, [2001] C.L.P. 355 ; Structures Derek inc., précitée, note 3.
[5] Entreprise Cara ltée et CSST, précitée, note 2.
[6] Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE, Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, 2e éd., Saint-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 2008, pp. 1037-1045.
[7] CSST et Pratt & Whitney Canada inc., [1997] C.A.L.P. 1422 ; Brasserie Labatt limitée et CSST, C.L.P. 192554-63-0210, 24 février 2004, F. Dion Drapeau ; C.H.U.Q. (Pavillon C.H.U.L.) (SST), C.L.P. 357521-31-0809, 23 septembre 2009, H. Thériault ; Rénovation Y. Germain inc., C.L.P. 413263-31-1006, 28 janvier 2011, C. Lessard.
[8] A. LESPINE, « Les algodystrophies : rôle du traumatisme, difficultés diagnostiques, incidences socio-économiques et réparation », (1997) 23 Revue française du dommage corporel, pp. 335-350.
[9] Article 326, alinéa 2.
[10] Article 326, alinéa 2.
[11] Article 327, paragraphe 1.
[12] Article 327, paragraphe 2.
[13] Article 328, alinéas 2 et 3.
[14] Article 329.
[15] Article 330.
[16] Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE, loc. cit., note 6.
AVIS :
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