Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rimouski

24 mai 2006

 

Région :

Bas-Saint-Laurent

 

Dossier :

257521-01A-0503

 

Dossier CSST :

117825083

 

Commissaire :

Me Raymond Arseneau

 

Membres :

M. Gilles Cyr, associations d’employeurs

 

M. Pierre Boucher, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr Yves Landry

______________________________________________________________________

 

 

 

Louise Boulay

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé et de

la sécurité du travail - Québec

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 17 mars 2005, madame Louise Boulay (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 8 février 2005 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 4 novembre 2004. Elle déclare que le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué n'est pas en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 27 janvier 2000.

[3]                La travailleuse est présente et représentée à l’audience tenue le 20 janvier 2006 à Rimouski. La CSST y est représentée par l’un de ses procureurs. Par ailleurs, le dossier n’a été pris en délibéré que le 10 mai 2006, au moment où la représentante de la travailleuse a informé le tribunal n’avoir aucun commentaire additionnel à soumettre en réponse à l'argumentation écrite du représentant de la CSST reçue quelques semaines auparavant.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de reconnaître que le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué est en relation avec la lésion professionnelle survenue le 27 janvier 2000.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête de la travailleuse devrait être rejetée. Ils soulignent que la preuve ne permet pas d'associer le syndrome du canal carpien diagnostiqué en 2004 aux exercices effectués par la travailleuse à l’été 2002 lors de sa participation à un programme de remise en forme. Ils ne croient pas non plus que la thèse de la surutilisation du membre supérieur gauche invoquée par la travailleuse soit la cause de ses problèmes au poignet gauche, surtout que l’étude électrophysiologique passée à l’été 2004 a révélé la présence d’un syndrome du canal carpien bilatéral.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                Au départ, il paraît opportun de faire un bref rappel chronologique des faits à l’origine du litige.

[7]                Le 27 janvier 2000, la travailleuse alors âgée de 40 ans se blesse dans l’exercice de son emploi de conseillère en réadaptation pour la CSST. Dans sa réclamation, elle décrit l’événement accidentel comme suit : « Près des escaliers de l’entrée principale, j’ai chuté sur la glace. J’ai ressenti une douleur au cou qui a bloqué et sur tout le côté droit (épaule, côtes, avant-bras) ».

[8]                Le même jour, la travailleuse consulte un médecin qui diagnostique une entorse cervicale droite avec contusion sévère au membre supérieur droit. Il prescrit des anti-inflammatoires et des analgésiques. La travailleuse est en arrêt de travail à compter de ce moment.

[9]                Dans les mois suivants, le médecin de la travailleuse, le docteur Michel Dallaire, fait principalement mention dans ses différents rapports médicaux d’une entorse cervicale, d’un syndrome facettaire C5-C6 et C6-C7, d’une tendinite de la coiffe des rotateurs et d’une douleur à l’articulation acromio-claviculaire droite. À sa suggestion, la travailleuse reçoit des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture ainsi que des infiltrations à l’épaule droite.

[10]           Entre-temps, la CSST reconnaît que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 27 janvier 2000 dont le diagnostic est une entorse cervicale droite et une contusion au membre supérieur droit. Elle reconnaît également que le syndrome facettaire C5-C6 et C6-C7 et la tendinite de la coiffe des rotateurs droite diagnostiqués sont en relation avec cette lésion professionnelle.

[11]           Le 11 décembre 2000, le docteur René Parent, physiatre, examine la travailleuse et rédige un rapport médical dans lequel il exprime l’opinion que la lésion professionnelle est consolidée.

[12]           Le 17 janvier 2001, le docteur Dallaire suggère que la travailleuse fasse l’objet d’une évaluation médicale.

[13]           Le 19 mars 2001, la docteure Danie Saucier, physiatre, procède à l’évaluation requise. Elle détermine que le déficit anatomo-physiologique résultant de la lésion professionnelle est de 8 %, soit 2 % pour l’entorse cervicale avec séquelles objectivables, 2 % pour l’atteinte des tissus mous du membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles et 4 % pour l’ankylose de l’épaule droite. Elle émet les limitations fonctionnelles suivantes : éviter de manipuler des charges de plus de quinze kilos; éviter les mouvements répétitifs du rachis cervical en flexion, extension, rotation et flexion latérale; éviter les vibrations de basse fréquence et les contrecoups à la colonne vertébrale; éviter les mouvements répétitifs et les activités avec les bras élevés ou en abduction à plus de 90 degrés; éviter les activités à bout de bras et éviter les positions statiques prolongées.

[14]           Sur réception de ce rapport, la CSST admet la travailleuse en réadaptation et fixe l’atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle à 9,20 %, incluant 1,20 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie.

[15]           Au mois de novembre 2001, la travailleuse se rend à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec afin de participer à un programme de développement des capacités fonctionnelles. Après évaluation, les responsables du programme notent qu’elle devra augmenter son niveau d’activités avant d’entreprendre un processus de réadaptation professionnelle intensif. Ils la dirigent donc vers un centre de réadaptation de sa région.

[16]           Entre les mois de mai et octobre 2002, la travailleuse participe à un programme de remise en forme géré par une équipe multidisciplinaire dans un centre de réadaptation à Mont-Joli. Elle participe notamment à des séances de physiothérapie, d’ergothérapie et de conditionnement physique et elle bénéficie d’un support psychologique.

[17]           À l’automne 2002, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi convenable de conseillère en orientation. À la même époque, la travailleuse participe à un programme de conditionnement physique en salle pendant quelques mois.

[18]           Au printemps 2003, la travailleuse ressent une exacerbation de douleurs à la région cervicale. Le docteur Dallaire diagnostique alors une cervicobrachialgie chronique et suspecte la présence d’un syndrome douloureux régional complexe au bras droit. Il précise que sa condition la rend incapable de reprendre le travail.

[19]           Le 28 août 2003, la travailleuse consulte le docteur Bernard Raphy, neurologue, qui diagnostique un syndrome épaule-main droite sévère post-traumatique.

[20]           Le 19 septembre 2003, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que la travailleuse a subi le 20 mai 2003 une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale, reconnaissant ainsi que le syndrome épaule-main droite sévère diagnostiqué est en relation avec cette lésion.

[21]           Le 6 novembre 2003, le docteur Parent revoit la travailleuse et lui fait passer une étude électrophysiologique des membres supérieurs qui ne révèle aucune anomalie. Il souligne qu’elle ne souffre pas d’un syndrome douloureux régional complexe au bras droit, mais réitère qu’elle est aux prises avec un problème de cervicobrachialgie droite chronique.

[22]           Le 5 février 2004, le docteur Jean-François Roy, orthopédiste, procède à une cryothérapie facettaire C4-C5 et C5-C6. Au même moment, il demande une nouvelle consultation en neurologie, suspectant un syndrome du canal carpien gauche.

[23]           Le 12 février 2004, une agente d’indemnisation de la CSST consigne la note suivante au dossier administratif : « Mess. de T - dlr à la main G par surutilisation ».

[24]           Le 18 août 2004, le docteur Patrick Jobin, neurologue, examine la travailleuse et lui fait passer une nouvelle étude électrophysiologique. Il rédige un rapport médical dont voici certains extraits :

« J’ai rencontré madame Boulay, de 44 ans, qui nous est dirigée pour paresthésies à la main gauche.

[…]

La patiente présente, depuis plus d’un an, une paresthésie à la main gauche qui implique l’ensemble des doigts et qui peut irradier jusqu’à l’épaule. Elle a une sensibilité aussi au poignet. […] Le membre supérieur droit est douloureux et presque impossible à mobiliser selon elle de par une parésie et une composante de douleur. […]

 

[…] Au membre supérieur droit, elle n’a à peu près aucun mouvement actif. L’immobilisation [sic] passive est possible avec sensibilité locale. Il n’y a pas d’évidence d’atrophie musculaire. […]

 

Il y a un tunnel carpien bilatéralement au niveau électrophysiologique, mais symptomatique du côté gauche. Je crois en effet que la symptomatologie de la patiente est compatible avec ce syndrome du côté gauche. Bien entendu, du côté droit, il y a un autre problème qui semble être d’origine à priori musculosquelettique. Notons qu’il est plutôt impressionnant de voir une immobilisation aussi importante depuis environ janvier 2000 sans aucune atrophie musculaire franche. »

 

 

[25]           Le docteur Dallaire fait lui aussi mention du diagnostic de syndrome du canal carpien dans ses rapports médicaux subséquents.

[26]           Vers la fin de l’été 2004, la travailleuse reçoit une infiltration au poignet gauche qui diminue l’intensité de ses symptômes pendant plusieurs mois.

[27]           Le 3 novembre 2004, la docteure Line Lemay, médecin régional de la CSST, exprime l’opinion que le syndrome du canal carpien gauche n’est pas en relation avec la lésion professionnelle reconnue.

[28]           Le 4 novembre 2004, la CSST rend une décision par laquelle elle donne suite à l’opinion de la docteure Lemay. Cette décision est ultérieurement confirmée à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[29]           Le 20 juillet 2005, le docteur Pierre du Tremblay, orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de sa représentante et rédige un rapport d’expertise médicale dont voici certains extraits :

« […] lors de la physiothérapie, elle a développé un phénomène d’engourdissements au niveau du membre supérieur gauche pour lequel un tunnel carpien a finalement été diagnostiqué et est en cours de traitement.

[…]

Suite à l’examen objectif de ce jour et en réponse à vos questions:

 

Y a-t-il un diagnostic de tunnel carpien gauche avec l’événement du 27 janvier 2000 ?

 

Nous croyons qu’il y a effectivement un diagnostic de tunnel carpien gauche en relation avec l’événement de janvier 2000. En effet, étant donné l’incapacité fonctionnelle importante du membre supérieur droit, elle a dû se servir de façon importante du membre supérieur gauche pour la manipulation des objets de tous les jours, ce qui explique une augmentation des mouvements de flexion, des prises de force au niveau de la main et du poignet et ce qui peut provoquer l’apparition d’un tunnel carpien.

 

De plus, cependant, nous croyons qu’il y a un événement déclencheur aussi important, sinon plus important, à savoir les exercices physiques qu’elle a dû effectuer dans le cadre de son programme de physiothérapie qui sous-entendaient des mouvements de flexion et d’extension au niveau du poignet et surtout des prises de force importantes, ce qui, quant à nous, est une cause de l’apparition de son tunnel carpien. »

 

 

[30]           La travailleuse témoigne à l’audience. Elle affirme que ses symptômes (« paresthésies et douleurs importantes ») à la main gauche ont débuté au mois de juin 2002, pendant la période où elle était traitée au centre de réadaptation à Mont-Joli. Elle explique qu’elle devait effectuer beaucoup d’exercices contraignants pour les poignets, principalement durant les séances de physiothérapie et d’ergothérapie. Elle mentionne avoir rapporté ces faits au docteur Dallaire au mois de novembre 2002 et précise que ce dernier croyait qu’il s’agissait de symptômes reliés à des problèmes gastriques ou coronariens.

[31]           La travailleuse mentionne avoir toujours été droitière, mais précise ne pratiquement plus utiliser sa main droite depuis la survenance de l’accident du travail du 27 janvier 2000. Elle ajoute avoir considérablement réduit ses activités depuis ce temps, se qualifiant « d’hyperactive » avant l’événement accidentel et « d’hypoactive » après.

[32]           Cet historique étant présenté, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué en 2004 est en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 27 janvier 2000.

[33]           Lors de l’argumentation, la représentante de la travailleuse prétend que les exercices effectués au cours du programme de remise en forme sont à l’origine de cette pathologie, sans exclure que la surutilisation du membre supérieur gauche puisse également en être la cause. Nous examinerons ces deux thèses de façon séparée.

Programme de remise en forme

[34]           Le législateur étend la protection de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) aux lésions résultant des moyens thérapeutiques destinés à traiter les conséquences d’une lésion professionnelle ou celles résultant de l’omission de tels moyens. Ainsi, l’article 31 énonce ce qui suit :

31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:

 

1°   des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2°   d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[35]           Pour bénéficier de cet article, la travailleuse doit démontrer, par preuve prépondérante, l’existence des trois conditions suivantes, à savoir :

·     une blessure ou une maladie;

·     des soins reçus pour une lésion professionnelle ou l’omission de tels soins ou une activité prescrite dans le cadre de traitements médicaux ou dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation;

·     un lien de causalité entre la blessure ou la maladie et ces soins (ou cette omission de soins) ou cette activité.

[36]           Dans les faits, la travailleuse a prouvé les deux premières conditions, le syndrome du canal carpien étant une maladie et le programme de remise en forme auquel elle a participé ayant été prescrit dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation.

[37]           Au regard de la troisième condition, la preuve contemporaine à la participation de la travailleuse au programme de remise en forme ne supporte toutefois pas les prétentions de sa représentante, puisque :

-  le rapport initial de l’ergothérapeute du 13 mai 2002, celui de la physiothérapeute du 21 mai 2002 et celui de l’éducateur physique du 25 juin 2002 établissent que les traitements étaient axés sur les problèmes identifiés à la région cervicale et au membre supérieur droit; ainsi, même si certains exercices pouvaient exiger une contribution de la main gauche, il est peu plausible qu’ils aient été suffisamment contraignants pour avoir causé le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué;

-  aucun des rapports rédigés par les intervenants du centre de réadaptation de Mont-Joli ne fait état de symptômes touchant le bras ou la main gauche, à l’exception de celui rédigé par la physiothérapeute le 31 mai 2002 où elle mentionne devoir continuer les traitements « pour résorption œdème et engourdis. main G »; or, il est évident, comme le souligne le représentant de la CSST dans son argumentation écrite, qu’il s’agit d’une erreur d’écriture parce que dans une autre section de ce même rapport, elle spécifie que la travailleuse présente « des engourdissements main D [et] œdème lég. main et doigts D »; de plus, dans son rapport du 21 mai 2002, la même thérapeute ne parle que de la main droite et inscrit que les traitements ont pour but la « résorption œdème et engourdis. main D »;

-  il est pour le moins étrange qu’avant 2004, le médecin de la travailleuse ne fasse aucunement mention de symptômes au membre supérieur gauche, à l’exception de la note suivante consignée le 11 novembre 2002 : « Follow up de cervicalgie post traumatique. […] Elle note encore aussi des sensations d’engourdissement surtout au bras droit à l’occasion, mais aussi au bras gauche »; de toute évidence, si la travailleuse l’avait informé de l’origine des engourdissements au bras gauche, il n’aurait pas relié ces symptômes à des problèmes gastriques ou coronariens; qui plus est, et il s’agit ici d’un élément important, les engourdissements rapportés lors de cette consultation ne touchent pas la main gauche - site de la lésion alléguée en l’espèce - mais plutôt les deux bras, principalement le droit;

-  même si la travailleuse était en communication régulière avec des intervenants de la CSST entre 2002 et 2004, jamais elle n’a mentionné éprouver de problèmes à la main gauche avant le 12 février 2004 et, à ce moment, elle n’a pas associé sa condition au programme de remise en forme mais plutôt à une surutilisation de son membre supérieur gauche.

[38]           De ce qui précède, le tribunal constate qu’il y a absence de connexité au plan temporel entre le programme de remise en forme et l’apparition du syndrome du canal carpien.

[39]           Cela étant, l’opinion exprimée par le docteur du Tremblay sous cet aspect ne peut être retenue puisqu’elle est fondée sur des prémisses écartées par le tribunal.

Surutilisation du membre supérieur gauche

[40]           À ce stade-ci, il est utile de rappeler que la travailleuse est droitière. Aussi, puisque l’accident du travail survenu le 27 janvier 2000 a entraîné des séquelles à son membre supérieur droit, il est compréhensible qu’elle ait davantage utilisé son membre supérieur gauche pour la manipulation des objets de tous les jours.

[41]           Partant de ce constat, le docteur du Tremblay avance qu’il y a ainsi eu « augmentation des mouvements de flexion, des prises de force au niveau de la main et du poignet », ce qui, à son avis, « peut provoquer » l’apparition d’un syndrome du canal carpien.

[42]           L’opinion exprimée par le docteur du Tremblay à ce sujet n’est pas déterminante, notamment parce qu’elle ne tient pas compte de la relativité des contraintes biomécaniques associées à la compression du nerf médian. En effet, ce n’est pas toute augmentation des mouvements de flexion ni toute augmentation d’efforts de la main ou du poignet qui provoquent une telle pathologie.

[43]           À cet égard, il ne faut pas perdre de vue que la travailleuse n’a pas occupé d’emploi depuis le mois de janvier 2000 et, de son propre aveu, elle a considérablement réduit ses activités après la survenance de l’accident du travail. Par la force des choses, elle a donc été moins exposée aux situations impliquant le genre de sollicitations musculo-squelettiques associées à l’apparition du syndrome du canal carpien.

[44]           En outre, à compter de l’été 2002, la condition du membre supérieur droit de la travailleuse s’est améliorée, de sorte que, selon la preuve documentaire contenue au dossier, elle a recommencé à l’utiliser pour effectuer certaines activités de la vie quotidienne. Par exemple, à la fin du programme de remise en forme, voici ce que les intervenants notent :

-  la physiothérapeute (le 26 septembre 2002) : « Commence à porter sacs d’épicerie main D. Ne sent + qu’elle compense du m s G [membre supérieur gauche] […]. Selon cliente niveau de récupération est à 80 % »;

-  la psychologue (le 2 octobre 2002) : « La fin du traitement semble venue. Son épaule a récupéré à 80 %, selon elle, et elle a repris un fonctionnement plus normal avec son bras »;

-  la chef d’équipe en réadaptation de la CSST (le 2 octobre 2002) : « […] je rencontre T seule en entrevue. Elle me confirme son amélioration ».

[45]           Dans le même ordre d’idées, le représentant de la CSST signale que les médecins ayant examiné la travailleuse au cours des dernières années, incluant le docteur du Tremblay, n’ont pas constaté d’atrophie au niveau de son membre supérieur droit. Il soutient que ce constat suggère que la travailleuse a effectivement continué d’utiliser son membre supérieur droit malgré ses allégations à l’effet contraire. À ce propos, il rappelle les commentaires suivants émis par le docteur Jobin, à la suite de son examen du 18 août 2004 : « Le membre supérieur droit est douloureux et presque impossible à mobiliser selon elle […]. Notons qu’il est plutôt impressionnant de voir une immobilisation aussi importante […] sans aucune atrophie musculaire franche ». (Nos soulignements)

[46]           Du reste, la thèse de la surutilisation du membre supérieur gauche n’est pas soutenue par le résultat de l’étude électrophysiologique passée à l’été 2004. En effet, même si le syndrome du canal carpien n’est présentement symptomatique que du côté gauche, cet examen a démontré que la pathologie affectait les deux poignets, le docteur Jobin concluant comme suit : « Il y a un tunnel carpien bilatéralement au niveau électrophysiologique ». (Nos soulignements)

[47]           En somme, à l’instar du médecin régional de la CSST, le tribunal considère que la preuve ne permet pas de conclure que le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué est en relation avec la lésion professionnelle survenue le 27 janvier 2000.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de madame Louise Boulay, la travailleuse;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 8 février 2005 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué ne résulte pas d’une activité prescrite dans le cadre du plan individualisé de réadaptation élaboré pour la travailleuse;

DÉCLARE que le syndrome du canal carpien gauche diagnostiqué n’est pas en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 27 janvier 2000;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité de remplacement du revenu au regard de ce diagnostic.

 

 

 

 

Raymond Arseneau

 

Commissaire

 

 

Me Lu Chan Khuong

BELLEMARE, AVOCATS

Représentante de la partie requérante

 

Me Pierre Villeneuve

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intéressée

 



[1]     L.R.Q., c. A-3.001.

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