Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Québec

QUÉBEC, le 20 décembre 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

192230-31-0210

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Hélène Thériault

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Normand Beaulieu

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Céline Leclerc

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

103430104-7

AUDIENCE TENUE LE :

16 décembre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Québec

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EZEQUIEL ESPINOSA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AIR NOVA INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU

TRAVAIL

Direction régionale - Québec-Nord

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 10 octobre 2002, monsieur Ezequiel Espinosa (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 juillet 2002 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue le 26 novembre 2001 et déclare que le travailleur n’a plus droit à l’allocation d’aide personnelle à domicile à compter du 26 novembre 2001.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[3]               Le travailleur demande de déclarer que sa requête a été produite dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et de reconnaître qu’il a droit à l’allocation pour aide personnelle à domicile en raison des séquelles découlant de l’événement du 9 avril 1992.

 

LES FAITS

[4]               Le 9 avril 1992, le travailleur est victime d’un accident du travail dont il en découle trois épisodes de rechute, récidive ou aggravation.

[5]               En novembre 1997, le travailleur subit une greffe au niveau L4-L5 à la suite duquel la CSST accepte de lui verser une allocation pour aide personnelle à domicile au cours des périodes du 19 novembre 1997 au 13 février 1998, du 20 février au 4 avril 1998 et du 25 avril au 14 août 1998.

[6]               Le 23 septembre 1998, la CSST décide de mettre fin à l’allocation pour aide personnelle au motif que le travailleur a retrouvé une autonomie complète pour prendre soin de lui-même compte tenu des aides techniques qui lui ont été fournies.  Le travailleur conteste cette décision.

[7]               Par une décision rendue le 17 août 2000, la Commission des lésions professionnelles confirme la décision rendue initialement le 23 septembre 1998 et déclare que le travailleur n’a plus droit à l’allocation pour l’aide personnelle à domicile.

[8]               Le 8 décembre 1999, la CSST se prononce sur le droit du travailleur au versement de l’allocation pour aide personnelle à domicile du 3 décembre 1999 au 3 décembre 2001 à la suite de l’évaluation de ses besoins.

[9]               Le 13 février 2001, madame Anne N. Boileau, ergothérapeute, produit un rapport d’évaluation à la suite des visites au domicile réalisées les 4 et 8 janvier 2001.  Elle souligne que l’évaluation globale est sensiblement la même que celle faite en novembre 1999 par une autre ergothérapeute, mis à part quelques changements, suite au déménagement du travailleur.  Elle mentionne à son rapport que le travailleur a une autonomie totale en ce qui a trait aux activités de se lever et de se coucher de même qu’en ce qui concerne les soins vésicaux et intestinaux.  En ce qui concerne la capacité de s’habiller ou de se déshabiller, elle réfère au rapport précédent fait en novembre 1999 lequel indiquait qu’il accomplissait de façon partielle cette activité de la vie quotidienne.  Elle recommande alors l’acquisition d’aides techniques lui permettant d’obtenir une pleine autonomie.  En ce qui a trait à la préparation des repas, elle souligne qu’il peut utiliser la desserte à roulettes pour servir les repas préparés à l’avance par autrui et qu’il est capable de réchauffer des plats préparés au four à micro-ondes.

[10]           En ce qui concerne la lessive, madame Boileau considère que le travailleur ne peut effectuer cette tâche puisque la laveuse et la sécheuse sont installées au sous-sol, ce qui implique des déplacements fréquents avec charge dans les escaliers.  En ce qui concerne l’entretien ménager lourd, elle considère que le travailleur ne peut effectuer une tâche en position debout de façon prolongée et qu’il ne peut transporter des objets compte tenu qu’il se déplace avec une canne.  Elle conclut son rapport en lui précisant que le travailleur nécessite à ce jour de l’aide pour les activités de la vie domestique plus précisément pour l’hygiène corporelle et l’habillage.  Elle dit qu’elle ne peut pas parler d’autonomie totale ou de dépendance puisque les douleurs varient d’intensité d’une journée à l’autre.

[11]           Afin de rendre le travailleur plus autonome, madame Boileau suggère l’installation d’un siège surélevé pour la toilette située au premier étage et l’installation d’une barre d’appui de 18 pouces, oblique et chromée du côté droit pour celle du rez-de-chaussée.  Afin de faciliter l’hygiène corporelle et d’améliorer la sécurité du travailleur lorsqu’il prend son bain, elle recommande l’installation d’une douche téléphone d’une longueur minimale de sept pieds avec un crochet mural.  Elle recommande également pour un bon sommeil, une surface thérapeutique.

 

[12]           À la suite de cette évaluation des besoins d’adaptation de son domicile, la CSST rembourse les frais encourus pour l’achat d’un lit électrique à multi position permettant d’augmenter l’autonomie au transfert et aux mobilisations, l’ajout d’un pic à glace pour la canne et une semelle à glace pour éviter les risques de chute lors des sorties à l’extérieur ainsi que l’installation d’une barre d’appui de façon stable et sécuritaire sur le mur de la baignoire.  La CSST a également remboursé les frais encourus pour le réaménagement de la salle de lavage à l’étage tel que recommandé par l’ergothérapeute.  Des aides techniques lui ont également été autorisées pour son hygiène personnelle.

[13]           Dans son témoignage, le travailleur précise qu’au cours de l’été 2002, il est en visite chez son frère à Victoria en Colombie-Britannique et que la CSST en avait d’ailleurs été avisée en juin 2002, tel qu’il est consigné aux notes évolutives contenues à son dossier.

[14]           À son retour, il communique avec l’intervenant de la CSST afin de vérifier avec lui si la décision en révision administrative portant sur le droit à l’aide personnelle a été rendue.  On l’informe qu’effectivement une décision a été rendue en juillet 2002 et la CSST lui en transmet une copie car le travailleur dit ne pas l’avoir reçue.  Cette information est également corroborée au dossier. Lorsqu’il reçoit cette décision, il se rend à la Commission des lésions professionnelles avec l’enveloppe cachetée afin de démontrer qu’il n’a pu prendre connaissance de cette décision que le 18 septembre 2002 seulement, bien qu’elle soit datée du 15 juillet 2002.  Une note à cet effet est inscrite sur l’enveloppe et signée par le travailleur.

[15]           En ce qui concerne l’allocation pour aide personnelle à domicile, il souligne que depuis la fin des versements, il assume lui-même les frais encourus, soit la somme de 660,00 $ par mois.  La personne est rémunérée pour faire le ménage et préparer les repas.  Elle fait l’épicerie et il s’y rend avec elle à l’occasion  Il est propriétaire d’une automobile et il la conduit à l’occasion.  Depuis l’été 2002, il n’a plus la garde de sa fille la semaine.  Il la voit la fin de semaine et de temps à autre au cours de la semaine.  Il souligne qu’il y a des jours où il ne présente pas de difficulté particulière à faire ses activités alors que d’autres fois, en raison de la douleur trop intense, il a de la difficulté à se déplacer.  Il dit ne pas avoir de problème particulier à faire son lavage, compte tenu des aménagements qui ont été défrayés par la CSST.  Il dit avoir, à l’occasion, trop de douleurs pour prendre sa douche.  Il allègue ne pouvoir faire des repas élaborés en raison de la médication qu’il prend, qui entraîne de la somnolence.

 

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[16]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la requête a été formulée dans le délai de 45 jours à compter de la date de notification de la décision et qu’elle est donc recevable au sens de l’article 359 de la loi.  En ce qui a trait à l’allocation pour aide personnelle à domicile, les membres sont d’avis qu’il n’est pas établi que le travailleur est incapable de prendre soin de lui-même et qu’il ne peut bénéficier dans les circonstances de cette allocation pour l’entretien ménager de son domicile.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la requête déposée par le travailleur est recevable et s’il y a lieu se prononcer si le travailleur a droit à l’allocation pour aide personnelle à domicile à compter du 26 novembre 2001.

[18]           L’article 359 de la loi prévoit ce qui suit :

359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.

________

1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.

 

 

[19]           Selon l’article 429.19 de la loi, la Commission des lésions professionnelles peut prolonger ou relever une personne des conséquences de son défaut s’il a démontré qu’il existe un motif raisonnable.  Cette disposition se lit comme suit :

429.19. La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle - ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[20]           Dans le présent cas, il ressort de la preuve que le travailleur est absent de sa résidence au cours des mois de juin, juillet et août 2002.  Ce n’est donc qu’à son retour que le travailleur a pu prendre connaissance de la décision rendue le 15 juillet 2002 dont il en demande copie dès le 17 septembre 2002.  Dès lors, il ressort de la preuve documentaire et testimoniale que le travailleur a pris connaissance de la décision le 18 septembre 2002 et déposé sa requête le 10 octobre 2002, soit à l'intérieur des 45 jours prévus à l’article 359 de la loi à compter de la date de notification.

[21]           Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut à la recevabilité de la requête déposée par le travailleur et il y a lieu de se prononcer sur le fond.

[22]           La question en litige portant sur le droit du travailleur de bénéficier de l’allocation d’aide personnelle à domicile, il y a lieu de référer aux articles 158 et 162 de la loi lesquels se lisent comme suit :

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui‑même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :

 

1   redevient capable de prendre soin de lui‑même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

2   est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S‑4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S‑5).

________

1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

[23]           Selon la jurisprudence, deux conditions sont essentielles pour avoir droit à cette allocation, soit être incapable de prendre soin de lui-même et être incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques effectuées normalement.  Ces deux critères étant indissociables, le travailleur doit être considéré incapable de prendre soin de lui-même pour avoir droit à ce programme.  Ainsi, le seul fait de ne pouvoir exécuter les tâches domestiques n’est pas suffisant[2].  Le règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile pour l’année 1995, règlement reconduit annuellement depuis, énumère les activités de la vie quotidienne avec un pointage correspondant au besoin de l’assistance complète ou partielle, selon l’analyse des besoins qui est faite.

[24]           Le règlement ne fait pas la distinction entre ce qui correspond à la notion de soins et celle de tâches domestiques.  Toutefois, à la lecture des activités décrites, il apparaît que le soin réfère à toute activité de la vie quotidienne reliée à la personne même alors qu’une tâche domestique est celle qui permet le fonctionnement normal dans son milieu de vie, en l’occurrence, au domicile du travailleur.

[25]           Ceci étant dit, les activités énumérées et la grille d’évaluation faisant partie de la notion de soins sont :

-          le lever;

-          le coucher;

-          l’hygiène corporelle;

-          l’habillage et le déshabillage;

-          les soins vésicaux et intestinaux;

-          l’alimentation

et

-          l’utilisation des commodités du domicile;

 

 

[26]           Les autres activités correspondant aux tâches domestiques, sont la préparation des repas, le ménage, le lavage et l’approvisionnement.

[27]           Il ressort des deux évaluations faites par les ergothérapeutes en 1999 et en 2000 qu’une analyse du degré d’autonomie du travailleur pour chacune des activités énumérées à la grille d’évaluation a été réalisée.  Des adaptations ainsi que des aides techniques ont fait l’objet de recommandations lesquelles ont été suivies par la CSST, celles-ci visant à pallier à la perte d’autonomie que présentait alors le travailleur.  Ainsi, force est de constater que l’ajout de ces aides techniques et des adaptations ont permis au travailleur de retrouver une autonomie qui lui permet de prendre soin de lui-même. Le travailleur en convient d’ailleurs dans son témoignage lorsqu’il soutient qu’il a besoin d’assistance pour la préparation des repas et l’entretien ménager.  Toutefois, même si le travailleur soutient avoir besoin d’aide pour ces tâches domestiques, cela n’est pas suffisant en soi pour conclure qu’il a droit à l’aide personnelle à domicile pour les motifs ci-haut énoncés.

[28]           Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’allocation doit cesser dès le 26 novembre 2001, date à laquelle le travailleur est redevenu capable de prendre soin de lui-même tel que le prévoit l’article 162 de la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Ezequiel Espinosa;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 15 juillet 2002 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la contestation logée le 10 octobre 2002 à l’encontre de la décision rendue le 15 juillet 2002;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit à l’allocation pour l’aide personnelle à domicile après le 26 novembre 2001;

 

 

 

 

 

 

           HÉLÈNE THÉRIAULT

 

                  Commissaire

 

 

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Berthi Fillion)

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          C.S.S.T. et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 ;  Cameron et Service de données Asselin, [1998] C.L.P. 890 ;  Lebel  et Municipalité Paroisse de St-Eloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault, commissaire;  Frigeau et Commission scolaire de Montréal, C.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau, commissaire.

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