Décision

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Benoit St-Denis et Cld Matawinie, Cld Matawinie

2010 QCCLP 2078

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

16 mars 2010

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

330401-63-0710      330408-63-0710

 

Dossier CSST :

121977052

 

Commissaire :

Francine Mercure, juge administrative

 

Membres :

M. Pierre Gamache, associations d’employeurs

 

M. Claude Breault, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr Michel Lesage

______________________________________________________________________

 

330401

330408

 

 

Benoit St-Denis

Benoit St-Denis

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

CLD Matawinie

CLD Matawinie

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier : 330401-63-0710

 

[1]                Le 17 octobre 2007, monsieur Benoit St-Denis (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 6 août 2007 refusant au travailleur le remboursement de certains médicaments, un traitement antitabac, des frais de lunetterie et des traitements dentaires.

Dossier : 330408-63-0710

[3]                Le 17 octobre 2007, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 10 octobre 2007 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST modifie une décision donnant droit au travailleur à une indemnité pour préjudice corporel de 24 % et lui accorde une indemnité pour préjudice corporel de 28,75 %.

[5]                Bien que dûment convoqué, l’employeur est absent à l’audience. Le 10 novembre 2009, les procureurs de la partie intervenante avisent la Commission des lésions professionnelles qu’ils ne seront pas présents à l’audience. Seul le travailleur est présent et est représenté à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 16 décembre 2009, à Joliette.

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier : 330401-63-0710

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement des médicaments suivants : Paxil, Wellbutrin, Amitriptyline, Effexor, Clonazepam, Asaphen, Pulmicort, Desocort et Aricept.

[7]                Dans la présente affaire, la procureure du travailleur admet que les médicaments suivants ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle du 29 janvier 2002, soit : Prevex, Neutrogena, Lipitor, Novasen, Tums, Oxeze et un traitement antitabac. Il est également admis que le travailleur n’a pas droit au remboursement de frais de lunetterie et de traitements dentaires.

Dossier : 330408-63-0710

[8]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit à une indemnité pour préjudice corporel correspondante à l’évaluation effectuée au Rapport d’évaluation médicale du docteur Lecours du 9 janvier 2007 et du docteur Denis Phaneuf du 23 mai 2008.

LES FAITS

[9]                Entre 1991 et 2001, le travailleur exerce les fonctions de conseiller à l’Association de développement des Algonquins inc. qui regroupe neuf réserves indiennes dans le Témiscamingue.

[10]           En 1993, après avoir obtenu l’autorisation de ses supérieurs, il décide de déménager dans une maison sur la réserve pour diminuer ses déplacements et mieux s’intégrer aux communautés qu’il dessert. Le travailleur vit alors comme les membres de la réserve et mange la même nourriture qu’eux.

[11]           Il consulte en février 2001 le docteur Jocelyn Barriault qui note que le patient ressent depuis l’été une fatigue chronique, qu’il est séparé depuis plus de deux ans et qu’il a un rythme de travail effréné. Le médecin diagnostique une asthénie et une dépression et lui prescrit de la médication. Il demande aussi un bilan de santé complet. Le 23 mars 2001, il demande une recherche de plomb dans le sang.

[12]           Le 23 novembre 2001, le travailleur obtient un poste de commissaire industriel au Centre local de développement de Matawinie et quitte la réserve.

[13]           Le 29 janvier 2002, il soumet une réclamation à titre de lésion professionnelle. Il consulte alors le docteur Serge Lecours qui diagnostique un trouble d’adaptation et une dysthymie.

[14]           Le 20 juin 2002, la CSST refuse sa réclamation pour un trouble d’adaptation.

[15]           Le travailleur dirige sa réclamation auprès de l’assurance invalidité de son employeur. Il continue d’être suivi par le docteur Lecours en médecine interne, en hématologie, en psychiatrie et en toxicologie. On diagnostique chez lui une polycythémie, soit une augmentation des globules rouges, des acouphènes secondaires à une surdité et le docteur Kreps retient les diagnostics de trouble d’adaptation avec humeur dépressive, d’anxiété et de syndrome de fatigue chronique. Le docteur Lecours fait également effectuer un bilan en hématologie pour un problème de cadmium élevé dans le sang et les urines.

[16]           Le 15 août 2002, le docteur Lecours signe un certificat médical indiquant que le travailleur a eu une surexposition au cadmium. Il diagnostique également de la fatigue, une polyglobulie et un trouble d’adaptation.

 

[17]           Le 10 novembre 2004, il est évalué par le docteur Denis Phaneuf du département de microbiologie et d’infectiologie de l’Hôtel-Dieu de Montréal afin d’évaluer sa fatigue. Le docteur Phaneuf note que le patient a des problèmes de polycythémie et d’hypercholestérolémie moyenne, probablement associés à son ischémie cérébrale et aux lésions visibles à la résonance magnétique du cerveau. Il ajoute que celui-ci a également été intoxiqué au cadmium. Il note que le patient présente une fatigue chronique et souligne que la dépression et la personnalité peuvent modifier le comportement d’un patient avec ce type de syndrome. Il retient que le syndrome de fatigue chronique fait suite à une maladie virale de type aigu survenue en 1996-1997 alors qu’il travaillait sur la réserve.

[18]           Le 27 juin 2006, la Commission des lésions professionnelles accueille la réclamation du travailleur à titre de maladie professionnelle[1]. Elle reconnaît que le travailleur était porteur de conditions personnelles de polycythémie ou polyglobulie, d’hypercholestérolémie, de dépression et de signes de lésions cérébrales à la résonance magnétique. Elle déclare de plus que le travailleur est victime à compter du 29 janvier 2002 d’une maladie professionnelle d’intoxication au cadmium et de syndrome de fatigue chronique.

[19]           Lors de son témoignage à l’occasion des audiences tenues par la Commission des lésions professionnelles relatives à l’admissibilité de cette réclamation, le docteur Lecours expliquait que les personnes qui consomment du foie et les reins des animaux sauvages s’exposent à une intoxication au cadmium et est d’avis que c’est le fait que le travailleur ait mangé de la nourriture sur la réserve qui explique les taux élevés de cadmium chez le travailleur. Il expliquait que lors d’une intoxication au cadmium, le patient présente des symptômes chroniques de douleurs musculosquelettiques et de fatigue. Il soulignait toutefois que le problème d’acouphènes éprouvé par le travailleur n’était pas typique d’une telle pathologie et était attribuable à un problème de surdité. Il était également d’avis que la polycythémie était d’ordre personnel et n’expliquait pas le syndrome de fatigue chronique.

[20]           Le docteur Lecours concluait que le tableau clinique le plus important chez le travailleur était celui du syndrome de fatigue chronique. Il expliquait que le type de fatigabilité que présentait le travailleur n’était pas caractéristique d’un syndrome dépressif qui était en partie résolu. Il ajoutait toutefois qu’on retrouvait fréquemment un problème dépressif dans le cas des syndromes de fatigue chronique, comme c’est le cas chez le travailleur à qui on avait prescrit un antidépresseur.

[21]           Le 29 mai 2006, le docteur Lecours note que l’Aricept est prescrit par le docteur Kreps pour le syndrome de fatigue chronique.

[22]           Le 8 août 2006, le docteur Lecours diagnostique un syndrome de fatigue chronique avec un syndrome cérébral organique.

[23]           Le 6 septembre 2006, le docteur Moussette diagnostique une céphalée de type tensionnel et un ralentissement psychomoteur.

[24]           Le 28 septembre 2006, la docteure Danielle Racine, des services médicaux de la CSST, demande au docteur Lecours d’effectuer le Rapport d’évaluation médicale de la lésion professionnelle du 29 janvier 2002.

[25]           Le 9 janvier 2007, le docteur Lecours rédige le Rapport d’évaluation médicale (REM) en retenant les diagnostics de syndrome de fatigue chronique avec une composante de syndrome cérébral organique et une intoxication au cadmium. Il note alors que le patient prend pour un problème personnel du Lipitor, du Novasen et de l’Oxeze. Il ajoute que le patient sera revu par le docteur Kreps pour statuer sur son état mental en relation avec les diagnostics de trouble d’adaptation et de dépression.

[26]           Il accorde au travailleur un déficit anatomophysiologique (DAP) de 3 % pour un syndrome cérébral organique (code 211 005), de 15 % pour une atteinte des fonctions cérébrales intégrées (code 211 005), de 5 % pour un syndrome de fatigue chronique (code 223 001) et de 3 % pour une surcharge en cadmium (code 222 011), pour un total de DAP de 26 %.

[27]           Le 25 janvier 2007, le docteur Kreps, psychiatre, effectue le REM demandé par le docteur Lecours et ajoute au DAP déjà reconnu par le docteur Lecours, un DAP de 15 % pour un trouble d’adaptation avec sentiments mixtes anxio dépressifs, par analogie avec une névrose modérée (code 222 556).

[28]           Le 23 avril 2007, le docteur Kreps rédige un avis médical à l’intention du docteur Moussette, neurologue. Il y explique qu’étant donné que l’Aricept s’est avéré utile dans les cas graves de problèmes cognitifs (traumatisés crâniens, trouble de déficit d’attention, schizophrénie et troubles dépressifs) et considérant le niveau de désarroi du patient en raison de la diminution de ses fonctions cognitives, il considérait raisonnable de faire un essai de ce médicament.

[29]           Le 17 mai 2007, le docteur Claude Morel, médecin-conseil du bureau médical de la CSST, indique aux notes évolutives du dossier que la Commission des lésions professionnelles a décrit la dépression comme étant une condition personnelle et qu’il n’y a par conséquent pas lieu de retenir le REM effectué par le docteur Kreps.

 

[30]           Le 9 juin 2007, le docteur Lecours modifie le REM du 9 janvier 2007 à la suite d’une demande de la CSST. Il retranche le 3 % de DAP accordé pour un syndrome cérébral organique (code 211 005) et donne un DAP de 5 % pour le syndrome de fatigue chronique sous le code 211 167 (par analogie avec une atteinte cérébro-spinale de classe I) plutôt que de 5 % sous le code 211 167 (par analogie avec une maladie professionnelle pulmonaire). Le total des DAP accordés par le docteur Lecours est donc de 23 %.

[31]           Le 27 juin 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît au travailleur une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de 24 %, ce que le travailleur conteste.

[32]           Le 9 juillet 2007, le docteur Claude Morel des services médicaux de la CSST émet un avis médical au dossier relativement au droit du travailleur d’être remboursé de certains médicaments. Il indique que le Méthylphénidate, l’Aricept et le Robaxacet sont en relation avec la maladie professionnelle. Il refuse toutefois de reconnaître le Paxil, le Wellbutrin, l’Amitryptiline, l’Effexor et le Clonazepam qui sont des antidépresseurs et un anxiolytique prescrits pour soigner une maladie personnelle de dépression. Il refuse également l’Asaphen parce qui s’agit d’un médicament prescrit pour la circulation sanguine et le cœur.

[33]           Le 10 juillet 2007, les notes évolutives au dossier du docteur Morel révèlent que le docteur Lecours communique avec lui pour lui faire part de son désaccord avec le refus de la CSST d’accorder le DAP psychiatrique évalué par le REM du docteur Kreps du 23 avril 2007. Le docteur Morel lui indique alors que le trouble d’adaptation a été refusé par la CSST et que cette décision a été maintenue par la révision administrative et que la Commission des lésions professionnelles a décrit la dépression comme étant une condition personnelle. Le docteur Lecours lui répond qu’il n’est pas d’accord avec cette interprétation et que les changements dans la vie du travailleur qui l’ont arrêté de tout faire l’ont mis dans un état psychique intolérable. Le docteur Morel lui répond que ce sera à la Commission des lésions professionnelle d’en décider.

[34]           Le 6 août 2007, la CSST refuse de rembourser les médicaments qui font l’objet de la présente demande, ce que le travailleur conteste. Le 27 septembre 2007, la révision administrative maintient cette décision. Le travailleur conteste cette décision, d’où le présent recours.

[35]           Le 10 octobre 2007, la révision administrative modifie la décision du 27 juin 2007 et accorde au travailleur une indemnité pour préjudice corporel de 28,75 %, soit le 23 % de DAP évalué par le docteur Lecours auquel s’ajoute 5,75 % de DPJV pour le DAP. Le travailleur conteste cette décision, d’où le présent recours.

 

[36]           Le 23 mai 2008, le docteur Denis Phaneuf du département de microbiologie et d’infectiologie de l’Hôtel-Dieu de CHUM rédige un troisième REM à la demande du docteur Lecours pour effectuer l’évaluation du DAP relié à des séquelles d’une atteinte sensitive de classe II du système nerveux périphérique pour laquelle il accorde un DAP supplémentaire de 9 %. À cette occasion, il suggère une diminution de l’Aricept et un essai avec du Trental et s’étonne du fait que la CSST ne paie pas les médicaments directement utilisés pour la fatigue chronique.

 

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier : 330401-63-0710

[37]           Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils sont en effet d’avis que le travailleur a droit au remboursement des antidépresseurs et des anxiolytiques réclamés de même que de l’Aricept prescrits en relation avec le syndrome de fatigue chronique. Ils sont par ailleurs d’avis que le travailleur ne peut être remboursé du Desocort puisqu’il s’agit d’un médicament dermatologique qui n’est pas en relation avec la lésion professionnelle non plus que du Pulmicort qui est un médicament qui lui est prescrit pour son asthme. Ils sont finalement d’avis que le travailleur ne peut non plus être remboursé pour de l’Asaphen qui est un médicament prescrit pour éclaircir le sang dans un but de prévention des maladies cardiaques.

Dossier : 330408-63-0710

[38]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur. Il est en effet d’avis que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel correspondant au REM effectué par le docteur Lecours et qu’il a droit à une indemnité pour préjudice corporel équivalente à 28,75 %.

[39]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Il est en effet d’avis que le travailleur a droit au versement d’une indemnité pour préjudice corporel conformément aux Rapports d’évaluation médicale effectués par les docteurs Lecours et Kreps et qu’il a par conséquent droit à une indemnité pour préjudice corporel équivalente à 49,4 %.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier : 330401-63-0710

[40]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des médicaments qu’il réclame.

[41]           L’article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) édicte que le travailleur victime, d’une lésion professionnelle, a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion. Cette assistance médicale est énoncée à l’article 189 de la loi et comprend les médicaments et les autres produits pharmaceutiques. Ces articles prévoient ce qui suit :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1 ° les services de professionnels de la santé;

 

2 ° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3 ° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4 ° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5 ° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1 ° à 4 ° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

 

 

 

[42]           Dans la présente affaire, la procureure du travailleur admet que les médicaments suivants ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle du 29 janvier 2002 soit : Prevex, Neutrogena, Lipitor, Novasen, Tums, Oxeze et un traitement antitabac. Il est également admis que le travailleur n’a pas droit au remboursement de frais de lunetterie et de traitements dentaires.

[43]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement des médicaments suivants : Paxil, Wellbutrin, Amitriptyline, Effexor, Clonazepam, Asaphen, Pulmicort, Desocort et Aricept.

Pulmicort

[44]           Le Pulmicort est utilisé dans le traitement de l’asthme. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement du Pulmicort puisqu’il s’agit d’une médication prescrite pour un problème d’asthme qui n’est pas en relation avec la lésion professionnelle du 29 janvier 2002.

Desocort

[45]           Le Desocort est un médicament qui appartient à la classe des corticostéroïdes topiques et qui est prescrit pour soulager diverses affections de la peau. Le tribunal est d’avis qu’il n’a pas été démontré que ce médicament était en relation avec la lésion professionnelle reconnue.

Asaphen

[46]           L’Asaphen est de l’acide acétylsalicylique et est utilisé pour calmer la douleur et la fièvre. Il est aussi utilisé pour éclaircir le sang dans un but de prévention des maladies cardiaques. Il n’est en conséquence pas établi que sa prescription soit faite en relation avec la maladie professionnelle reconnue.

Paxil, Wellbutrin, Amitriptyline, Effexor et Clonazepam

[47]           Le Paxil est utilisé pour soigner la dépression, le trouble obsessionnel compulsif, le trouble panique, la phobie sociale, le trouble anxieux généralisé et le stress post-traumatique.

[48]           Le Wellbutrin est un antidépresseur utilisé également dans le traitement de la dépression.

[49]           L’Amitriptyline est également un antidépresseur qui est prescrit pour la dépression et a un usage de traitement des douleurs neuropathiques et des céphalées.

[50]           L’Effexor est aussi un antidépresseur et sert à traiter la dépression et les symptômes d’anxiété.

[51]           Le Clonazepam est un anxiolytique prescrit pour induire une sédation ou diminuer l’anxiété.

[52]           La CSST refuse de rembourser au travailleur les antidépresseurs et l’anxiolytique au motif que la décision de la Commission des lésions professionnelles de juin 2006 déclare que la dépression du travailleur constitue une condition personnelle et que ces médicaments ne sont pas en relation avec la maladie professionnelle.

[53]           La Commission des lésions professionnelles n’est pas de cet avis.

[54]           D’une part, il y a lieu de préciser que la CSST avait refusé au départ la réclamation du travailleur pour un trouble de l’adaptation qui apparaissait être relié à des problèmes de relations de travail et du stress et n’avait pas analysé le dossier sous l’angle d’une maladie professionnelle d’intoxication au cadmium ou de syndrome de fatigue chronique.

[55]           D’autre part, cette décision de la révision administrative a été infirmée par la Commission des lésions professionnelles qui a analysé et reconnu la réclamation de janvier 2002 sous l’angle non pas d’un accident du travail, mais bien d’une maladie professionnelle pour les diagnostics d’intoxication au cadmium et de syndrome de fatigue chronique.

[56]           Il est vrai qu’à cette occasion la Commission des lésions professionnelles a déclaré que le travailleur présentait des conditions personnelles de polycythémie, d’hypercholestérolémie, de dépression et des signes de lésions cérébrales.

[57]           En effet, il apparaît de l’étude du dossier que la polycythémie et l’hypercholestérolémie sont associées à l’ischémie cérébrale et aux lésions cérébrales du cerveau rapportées par la résonance magnétique.

[58]           Quant à la dépression, le dossier révèle que cette condition a été diagnostiquée à l’occasion du suivi médical occasionné par la maladie professionnelle reconnue de janvier 2002. En effet, ce qui avait été diagnostiqué au départ comme un trouble de l’adaptation s’est révélé être plutôt une maladie professionnelle d’intoxication au cadmium et de syndrome de fatigue chronique.

 

[59]           Le dossier révèle également que des membres de la famille du travailleur ont fait des dépressions et des tentatives de suicide. La condition personnelle de dépression à laquelle le juge administratif fait référence est en conséquence reliée aux antécédents psychiatriques familiaux de dépression et de tentatives de suicide de membres de la famille du travailleur et non pas à des antécédents personnels du travailleur.

[60]           Il ne suffit donc pas de lire le paragraphe 98 de cette décision pour refuser la médication antidépressive et anxiolytique prescrite au travailleur parce que la dépression constitue une condition personnelle.

[61]           La preuve au dossier révèle plutôt que le docteur Lecours est d’avis que le tableau clinique le plus important chez le patient était celui de syndrome de fatigue chronique et que le travailleur était traité médicalement pour en atténuer les symptômes. Il ajoutait que la médication lui était prescrite pour diminuer les problèmes cognitifs et les douleurs musculaires.

[62]           La juge administrative rappelait par ailleurs, au paragraphe 59 de sa décision, que le docteur Lecours reconnaissait qu’on retrouvait fréquemment un problème dépressif dans les cas de syndrome de fatigue chronique comme c’était le cas chez le travailleur à qui on avait prescrit un antidépresseur.

[63]           Le consensus canadien sur l’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique publié en 2003 est un document élaboré par un comité mis sur pied par Santé Canada et regroupant 11 experts du Canada et de l’étranger étant intervenu auprès de plus de 20 000 patients et s’appuyant sur plus de 200 références scientifiques. Ce consensus canadien présente non seulement une définition clinique, mais également des protocoles de diagnostic et de traitement, ainsi qu’un résumé des résultats marquants de la recherche sur le syndrome de fatigue chronique.

[64]           Pour faciliter la référence au consensus canadien dans le cadre du travail quotidien des médecins et des autres professionnels concernés, l’Association québécoise de l’encéphalomyélite myalgique publiait en avril 2008 une version condensée du consensus canadien appelée l’Abrégé du consensus canadien[3].

[65]           Ce document définit le syndrome de fatigue chronique comme une gamme de symptômes et de signes distinctifs de la maladie soit : un degré important de fatigue physique et mentale, des troubles du sommeil, un degré significatif de myalgie et de maux de tête, des manifestations neurologiques et cognitives comme des troubles de la concentration, une déficience de la mémoire à court terme, des épisodes asthéniques ou de l’anxiété. Il peut également y avoir des manifestations du système nerveux autonome et des manifestations neuroendocriniennes et immunitaires. Ainsi, un malade atteint d’un syndrome de fatigue chronique doit répondre à certains critères selon les symptômes et signes énumérés ci-dessous :

1.         La fatigue

2.         Malaise et/ou fatigue après effort

3.         Trouble du sommeil

4.         Douleur

5.         Manifestations neurologiques et cognitives

6.         Autres manifestations    a) du système nerveux autonome

                                               b) neuroendocriniennes

                                               c) immunitaires

7.         Persistance de la maladie au moins pendant au moins six mois.

 

 

[66]           L’Abrégé du consensus canadien prévoit également au chapitre de la gestion et du traitement des symptômes que les antidépresseurs tricycliques à faible dose comme le Zopiclone, le Clonazepam et le L-Tryptophane sont indiqués dans le traitement des troubles du sommeil.

[67]           Les benzodiazépines sont également prescrits dans le traitement des états anxieux.

[68]           Les antidépresseurs sont aussi utilisés pour traiter la dépression réactionnelle du fait de vivre avec une maladie chronique mal comprise.

[69]           Ainsi, le médecin traitant prescrit dans la présente affaire des antidépresseurs pour pallier aux signes dépressifs consécutifs au syndrome de fatigue chronique.

[70]           Quant à l’anxiolytique Clonazepam, le docteur Phaneuf explique le 23 mai 2008 qu’il est prescrit du point de vue neuropsychologique pour améliorer le sommeil.

[71]           La Commission des lésions professionnelles conclut de la preuve soumise qu’il y a lieu d’accorder au travailleur le remboursement d’antidépresseurs et d’anxiolytiques en relation avec le diagnostic de syndrome de fatigue chronique.

[72]           Elle est par conséquent d’avis que le travailleur a droit au remboursement du Paxil, du Wellbutrin, de l’Amitriptyline et de l’Effexor. Elle est également d’avis que le travailleur a droit au remboursement de l’anxiolytique Clonazepam.

Aricept

[73]           L’Aricept est prescrit pour le traitement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il exerce ses effets bénéfiques sur les mécanismes du cerveau qui participent à la pensée, à la mémoire et à l’attention et améliore l’aptitude à exécuter des tâches simples.

[74]           Sur l’utilisation de l’Aricept, le docteur Kreps note le 23 avril 2007 que ce médicament est prescrit pour un syndrome de fatigue chronique et de trouble dépressif. Il explique que l’utilisation est faite de ce médicament pour d’autres troubles que la démence de type Alzheimer et qu’il s’est avéré utile dans les cas de problèmes cognitifs comme des traumas crâniens, des troubles de déficit d’attention ou de schizophrénie et des troubles dépressifs. Il ajoute que considérant le niveau de désarroi important éprouvé par le travailleur en raison de la diminution de ses fonctions cognitives, il considérait raisonnable de faire un essai à l’Aricept.

[75]           Le docteur Phaneuf note de plus le 23 mai 2008 que l’Aricept est directement utilisée en relation avec le syndrome de fatigue chronique.

[76]           Le tribunal conclut qu’il s’agit d’un médicament prescrit par le docteur Kreps en relation avec le syndrome de fatigue chronique et que ce médicament doit par conséquent aussi être remboursé par la CSST. La procureure du travailleur indique au tribunal que celui-ci est maintenant payé, mais, qu’il ne l’a pas toujours été.

Dossier : 330408-63-0710

[77]           La Commission des lésions professionnelles doit décider de l’indemnité pour préjudice corporel à laquelle le travailleur a droit.

[78]           La CSST refuse de lui accorder l’atteinte permanente évaluée par le docteur Kreps le 25 janvier 2007 pour un trouble de l’adaptation avec sentiments mixtes anxio dépressifs au motif que la décision de la Commission des lésions professionnelles de juin 2006 a déclaré que la dépression constituait une condition personnelle.

[79]           La Commission des lésions professionnelles a reconnu en juin 2006 que le travailleur avait été victime le 29 janvier 2002 d’une maladie professionnelle d’intoxication au cadmium et de syndrome de fatigue chronique. Elle était alors saisie du refus de la CSST de reconnaître une lésion professionnelle du 29 janvier 2002 pour un trouble de l’adaptation relié à une surcharge de travail et du stress. Elle décidait toutefois, suivant la preuve administrée, que le travailleur avait été victime non pas d’un simple trouble de l’adaptation, mais de maladies professionnelles beaucoup plus importantes d’intoxication au cadmium et de syndrome de fatigue chronique.

[80]           Le travailleur a donc droit à une indemnité pour préjudice corporel en regard des maladies professionnelles reconnues.

[81]           Dans la présente affaire, le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Serge Lecours, a établi l’évaluation du DAP et des limitations fonctionnelles à l’occasion d’un REM du 9 janvier 2007. Il a ensuite corrigé le pourcentage de DAP qu’il accordait au travailleur suivant une demande formulée par la CSST et s’est dit d’accord, le 9 juin 2007, avec le retranchement du 3 % qu’il avait accordé pour un syndrome cérébral organique de même que pour la modification du code 223 001 pour celui de 211 167 en relation avec le diagnostic de syndrome de fatigue chronique.

[82]           Ainsi, le bilan des séquelles établi par le docteur Lecours accorde au travailleur un DAP de 15 % pour une atteinte des fonctions cérébrales intégrées, un DAP de 5 % pour un syndrome de fatigue chronique et un DAP de 3 % pour une surcharge en cadmium. Le docteur Lecours accorde donc au travailleur un déficit anatomophysiologique de 23 %.

[83]           Il note par ailleurs au REM du 9 janvier 2007 que le travailleur sera revu par le docteur Kreps pour statuer sur son état mental en relation avec un trouble d’adaptation et une dépression.

[84]           Ce REM est effectué par le docteur Kreps le 25 janvier 2007. En plus du bilan des séquelles évaluées par le docteur Lecours, le docteur Kreps ajoute un DAP de 15 % pour un trouble d’adaptation avec sentiments mixtes anxio dépressifs.

[85]           En accordant au travailleur une indemnité pour préjudice corporel le 27 juin 2007 qui ne tient pas compte du DAP psychiatrique évalué par le docteur Kreps, la CSST refuse de reconnaître une relation causale entre le trouble d’adaptation et le syndrome de fatigue chronique.

[86]           Ce refus est justifié par le fait que la dépression a été refusée par la révision administrative et que la Commission des lésions professionnelles a déclaré que la dépression était une condition personnelle.

[87]           Le tribunal rappelle que la réclamation pour lésion professionnelle de janvier 2002 pour un trouble d’adaptation qui a été initialement refusée par la CSST a été reconnue à titre de maladie professionnelle d’intoxication au cadmium et de syndrome de fatigue chronique.

[88]           Il rappelle de plus qu’en énonçant que la dépression était une condition personnelle, la Commission des lésions professionnelles faisait référence aux antécédents familiaux du travailleur et ajoute que cela ne permet pas de conclure que les manifestations cognitives, comme les états anxieux, la dépression ou l’asthénie réactionnelle du fait de vivre avec une maladie chronique qui entraîne des diminutions marquées des capacités fonctionnelles, ne sont pas en relation avec le syndrome de fatigue chronique.

[89]           Le tribunal ajoute sur cette question que la CSST a d’ailleurs reconnu à ses notes évolutives du 12 juillet 2007, lorsqu’elle décide de ne pas procéder à des mesures de réadaptation et de poursuivre le versement d’indemnités de remplacement du revenu en vertu de l’article 47 de la loi, que son analyse l’amène à conclure qu’il est possible que le diagnostic de dépression majeure soit évoqué en présence d’un syndrome de fatigue chronique.

[90]           Le tribunal est d’avis de l’analyse de la preuve soumise que le trouble d’adaptation est une conséquence du syndrome de fatigue chronique reconnu chez le travailleur.

[91]           Le Règlement sur le barème des dommages corporels[4] (le barème) prévoit que les fonctions psychiques de certains travailleurs peuvent être affectées de façon permanente et que ces déficits peuvent être la conséquence directe d’une lésion du système nerveux central et peuvent résulter de syndromes cérébraux, comme c’est le cas en l’instance.

[92]           Dans la présente affaire, le docteur Kreps évalue que le travailleur présente un trouble de l’adaptation avec sentiments anxio dépressifs qu’il associe par analogie à une névrose modérée du groupe 2 (code 222 547) donnant droit au travailleur à un DAP de 15 % supplémentaire.

[93]           Le tribunal est d’avis que le trouble d’adaptation présenté par le travailleur est en relation avec la lésion professionnelle de janvier 2002. Il est également d’avis qu’en l’absence d’un avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale sur l’évaluation du DAP psychiatrique effectuée par le docteur Kreps, la CSST comme le présent tribunal sont liés aux fins de rendre leurs décisions par cette évaluation.

[94]           Le tribunal est par conséquent d’avis que le DAP du travailleur doit s’établir comme suit :

Code

Description du DAP

Pourcentage de DAP

211 005

Atteinte des fonctions cérébrales intégrées

15 %

211 167

Syndrome de fatigue chronique (par analogie pour une atteinte cérébro-spinale, classe I)

5 %

222 011

Surcharge en cadmium (par analogie pour une sensibilisation)

3 %

222 556

Névrose modérée (par analogie pour un trouble d’adaptation avec sentiments mixtes anxio dépressifs)

15 %

 

[95]           Le travailleur présente donc un déficit anatomophysiologique total de 38 %. À ce pourcentage, on doit ajouter 11,4 % de DPJV pour le DAP (code 225 385) pour une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de 49,4 %.

[96]           Quant à l’évaluation du docteur Phaneuf du 23 mai 2008, relative à l’octroi d’un DAP pour une atteinte du système nerveux périphérique, le tribunal retourne le dossier à la CSST afin que celle-ci rende une décision puisqu’elle n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cette question.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier : 330401-63-0710

ACCUEILLE la requête de monsieur Benoit St-Denis, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 septembre 2007, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du Paxil, du Wellbutrin, de l’Amitriptyline, de l’Effexor, du Clonazepam et de l’Aricept.

Dossier : 330408-63-0710

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Benoit St-Denis;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 octobre 2007, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au versement d’une indemnité pour préjudice corporel de 49,4 %;

et

 

 

RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle se prononce sur le droit du travailleur à un déficit anatomophysiologique supplémentaire suivant le Rapport d’évaluation médicale du docteur Phaneuf du 23 mai 2008.

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Francine Mercure

 

 

 

Me Annie Tardif

Représentante de la partie requérante

 



[1]           Benoît St-Denis et l’Association de développement des Algonquins inc. et CLD Matawinie et         CSST, C.L.P. 199595-63-0302, 27 juin 2006, D. Besse.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           AQEM, Encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique : Définition clinique et lignes directrices à l’intention des médecins, Abrégé du consensus canadien, Bruce M. CARRUTHERS, et Marjorie I. VAN DE SANDE. Site internet : http://www.aqem.org

[4]           (1987) 119 G.O. II, 5576.

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