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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 20 novembre 2006, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur
d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article
[3] Au paragraphe 122, nous lisons :
Comme le rappelle l’employeur, la compagnie LSPC (Les Silos Port-Cartier) est une entreprise de juridiction fédérale. En conséquence, elle est soumise à la Loi sur l’indemnisation des employés de l’État2 ainsi qu’au Règlement sur la santé et la sécurité au travail3 adopté en vertu du Code canadien du travail4.
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2 S.R.C. 1970, c. G-8.
3 (2001) 133 G.O. II, 5020.
4 L.R.C. (1985), c. L-2.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
Comme le rappelle l’employeur, la compagnie LSPC (Les Silos Port-Cartier) est une entreprise de juridiction fédérale. En conséquence, elle est soumise à la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État2 ainsi qu’au Règlement sur la santé et la sécurité au travail3 adopté en vertu du Code canadien du travail4.
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2 L.R.C. (1985), c. G-5.
3 (2001) 133 G.O. II, 5020.
4 L.R.C. (1985), c. L-2.
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PIERRE SIMARD |
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Commissaire |
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Me Patrick Essiminy |
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STIKEMAN, ELLIOTT |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Denis Mailloux |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Jean-Marc Hamel |
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PANNETON LESSARD |
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Représentant de la partie intervenante |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Québec |
20 novembre 2006 |
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Région : |
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte‑Nord |
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Dossiers: |
232306-09-0404 243603-09-0409 |
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Dossier CSST : |
122264401 |
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Commissaire : |
Pierre Simard, avocat |
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Membres : |
Michel Piuze, associations d’employeurs |
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Thérèse Blanchet, associations syndicales |
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Assesseur : |
Pierre Nadeau, pneumologue |
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Les Silos Port-Cartier |
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Partie requérante |
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et |
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James Chisholm |
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Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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Dossier 232306-09-0404 :
[1] Le 8 avril 2004, Les Silos Port-Cartier (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une contestation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 19 mars 2004, suite à une révision administrative du dossier.
[2] Par cette décision, la CSST confirmait deux décisions initialement rendues le 7 janvier 2004.
[3] La première portait sur l’admissibilité de la réclamation déposée par monsieur James Chisholm (le travailleur) concernant une maladie professionnelle pulmonaire, et plus spécifiquement une condition d’asthme professionnel due à son exposition aux grains de céréales, le tout en date du 26 septembre 2002.
[4] La seconde décision établissait le pourcentage d’atteinte permanente à 3.30 % et permettait au travailleur de recevoir une indemnité forfaitaire de 1 596,61 $.
Dossier 243603-09-0409 :
[5] Le 7 septembre 2004, l’employeur déposait à la Commission des lésions professionnelles une contestation à l’encontre d’une décision rendue par la CSST, le 13 août 2004, suite à une révision administrative du dossier.
[6] Par cette décision, la CSST confirmait une décision initialement rendue le 8 mars 2004 et déclarait que le travailleur avait le droit de recevoir les mesures de réadaptation sociale prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) suite à la reconnaissance d’une atteinte permanente ainsi que de limitations fonctionnelles.
[7] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Québec, les 27 et 28 septembre 2005. Les parties étaient présentes et représentées. La CSST a prévenu la Commission des lésions professionnelles qu’elle ne se présentait pas à l’audience, se référant aux décisions rendues.
[8] D’autre part, la Commission des lésions professionnelles a permis l’administration d’une preuve commune dans les dossiers de messieurs James Chisholm, Edward Dufour et Claude Potvin, à la demande des parties.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[9] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer les décisions contestées et de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le ou vers le 26 septembre 2002, sous la forme d’une maladie professionnelle pulmonaire, en l’occurrence un asthme résultant de l’exposition du travailleur à de la poussière de grains.
[10] Subsidiairement, l’employeur ajoute, dans l’hypothèse du rejet de la réclamation du travailleur, que les décisions subséquentes soient déclarées sans objet, l’accessoire suivant le principal.
L’AVIS DES MEMBRES
[11] Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de rejeter les contestations produites par l’employeur et de déclarer que, conformément à la prépondérance de preuve, le travailleur est atteint d’asthme professionnel. De plus, le travailleur présente un taux d’atteinte de 3.30 % et il est admissible aux mesures de réadaptation sociale.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[12] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le ou vers le 26 septembre 2002, sous la forme d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit un asthme professionnel dû aux poussières de grains.
[13] Il apparaît opportun à la Commission des lésions professionnelles de faire, de manière non exhaustive, un bref rappel des faits mis en preuve afin de bien cerner la question en litige.
[14] Ces faits sont puisés à même la documentation produite au dossier, les admissions que les parties ont soumises à la Commission des lésions professionnelles ainsi que de la preuve testimoniale administrée lors des audiences tenues devant la Commission des lésions professionnelles.
[15] Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle a eu le bénéfice d’entendre monsieur Van Hiep Nguyen, ingénieur et spécialiste de la qualité de l’air et de l’hygiène industrielle, le Dr Paolo Renzi, pneumologue et expert de l’employeur, ainsi que le Dr Marc Desmeules, pneumologue et témoin expert.
[16] L’employeur exploite une entreprise de transbordement de différents types de grains céréaliers, dont l’orge, le blé, le seigle, le maïs et le soya.
[17] Au cahier des « Admissions », on déclare :
« (…)
2. De façon particulière, l’entreprise offre des services de manutention de céréales impliquant le déchargement de lacquiers qui transportent du grain, l’entreposage de grain et le chargement de natures océaniques;
3. L’élévateur de transfert de LSPC a une capacité d’entreposage de 290 000 tonnes métriques et se compose de deux (2) aires d’entreposage comprenant cent deux (102) silos et huit (8) réservoirs d’acier;
4. Afin de comprendre les activités de LSPC, une description des activités de l’entreprise est déposée, pièce A-1;
5. LSPC emploie trente-deux salariés (32) syndiqués et quinze (15) salariés non-syndiqués, dont un (1) à Montréal;
6. Les horaires de travail au sein de l’entreprise se divisent, en règle générale, en deux quarts de travail soit de 8h00 à 16h00 et de 16h00 à 24h00;
7. Les activités principales de l’entreprise débutent en avril et finissent à la fin du mois de décembre. Aussi, les effectifs de l’entreprise sont généralement réduits du 1er janvier au 31 mars, le tout tel qu’il appert des statistiques de chargement et de déchargement notées depuis 1967, déposées, pièce A-2;
8. La procédure de déchargement du grain implique le déchargement de lacquiers remplis de grain;
9. Chaque lacquier devant être déchargé contient environ vingt-sept mille (25 000 )[sic] tonnes de grain;
10. Dans son ensemble, la procédure de déchargement dure environ seize (16) heures;
11. Durant la procédure de déchargement, une personne est assignée à la salle de contrôle, deux opérateurs par quart de travail sont assignés au déchargement et une personne est assignée au poste de patrouilleur durant les premières huit (8) heures que dure l’opération de déchargement. Le rôle de cette dernière personne est de s’assurer qu’il n’y a aucun déversement de grain sur le sol;
12. Durant la deuxième portion de huit (8) heures de la procédure de déchargement, une heure est prévue pour le nettoyage de la cale des navires. Ce nettoyage se fait à l’aide d’une chargeuse sur roues. Cette chargeuse est descendue dans la cale du navire et elle pousse le grain vers un « leg », sorte d’élévateur. Le grain tombe ainsi sur un convoyeur et est ensuite acheminé à l’intérieur des silos. Une demi-heure additionnelle est allouée au balayage de la cale par un employé en vue de compléter le nettoyage;
13. L’entrepose du grain se fait dans des silos se trouvant à l’extérieur;
14. L’entreprise effectue également des opérations de chargement de grain;
15. La procédure de chargement débute par la préparation d’une liste des types de grain à être chargés;
16. Lors du chargement du grain sur les navires, deux contrôleurs sont assignés à la salle de contrôle et un patrouilleur fait la tournée des convoyeurs;
17. Le chargement des navires se fait par le biais de six (6) goulottes télescopiques;
18. Lorsqu’il n’y a aucun chargement ni déchargement à effectuer, les salariés s’occupent à diverses autres tâches :
· Entretien des élévateurs (tâche impliquant le balayage ainsi que le nettoyage à l’aide du système d’aspiration centrale);
· Entretien général (tâche de maintenance préventive, réparations diverses, peinture); et
· Entretien préventif mécanique et électrique; » [sic]
[18] Le travailleur, actuellement âgé de 58 ans, travaille pour l’employeur depuis 1968. Depuis son embauche, le travailleur a occupé le poste de manœuvre jusqu’en 1977. De 1977 à 1990, il a occupé le poste de conducteur de chargeuse. Il a ensuite occupé le poste de concierge à partir de 1991 jusqu’à son arrêt de travail les 28 et 29 novembre 2002. Il a ensuite continué à œuvrer au poste de concierge jusqu’à son arrêt de travail en date du 28 avril 2003.
[19] Quant aux différentes tâches qu’a occupées le travailleur, elles sont décrites aux descriptions de tâches déposées aux pièces A-14, A-15 et A-11, avec les admissions.
[20] D’autre part, il est admis que le travailleur fut exposé à des poussières de grains.
[21] Le 27 septembre 2002, le travailleur signe une « Réclamation du travailleur » dans laquelle il est allégué qu’il est victime d’une maladie pulmonaire professionnelle, en date du 26 septembre 2002. Sa demande est accompagnée d’une attestation médicale complétée par le Dr Bruno Imbeault, pneumologue, datée du 26 septembre 2002, dans laquelle on pose un diagnostic d’asthme professionnel dû aux poussières de grains.
[22] D’autre part, le Dr Bruno Imbeault, à une lettre adressée à la Dre Johanne Côté, en date du 26 septembre 2002, indiquait qu’il lui référait son patient, celui-ci présentant une possibilité d’asthme professionnel à la poussière de grains. Comme antécédents personnels, il indiquait que le travailleur présentait une maladie coronarienne athérosclérotique ainsi que d’autres conditions décrites.
[23] Il estimait le tabagisme du travailleur à 20 paquets/année en soulignant que celui‑ci n’avait aucune allergie connue.
[24] D’autre part, le travailleur prend une médication décrite à ce rapport.
[25] Quant à l’histoire occupationnelle, il soulignait que le travailleur se plaignait de difficultés respiratoires avec une respiration sifflante, une toux et une oppression thoracique accompagnée de phénomènes de rhinite lorsqu’exposé à de la farine de soya.
[26] Ces symptômes seraient moins importants les jours de congé et il nie toute difficulté respiratoire lors des vacances.
[27] D’autre part, les tests de fonction respiratoire démontraient un VEMS à 2.61 litres, soit 74 % des valeurs prédites. Un test de provocation bronchique à l’Histamine démontrait une CP20 à 5.33 milligrammes par millilitre, le tout traduisant une hyperactivité bronchique légère et reproduisant les symptômes du travailleur.
[28] Quant aux tests d’allergie effectués, ils se montraient négatifs.
[29] Sur réception de la réclamation du travailleur, la CSST dirige celui-ci au Comité des maladies pulmonaires professionnelles conformément à l’article 226 de la loi qui prévoit ce qui suit :
226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.
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1985, c. 6, a. 226.
[30] Le 2 mai 2003, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Québec se réunit. Les pneumologues Jean-Guy Parent, Serge Boucher et Marc Desmeules complètent donc le rapport déposé au dossier.
[31] À ce rapport, il est bon de rapporter les extraits suivants :
RAISON DE CONSULTATION : Évaluation pour problèmes respiratoires en rapport avec le travail dans les silos de Port-Cartier.
HISTOIRE PROFESSIONNELLE : Monsieur Chisholm est concierge depuis douze ans aux entreprises SILOS PORT-CARTIER. Il est constamment en contact avec le grain. Auparavant, il avait été journalier, opérateur pendant au total trente-cinq ans de travail dans ce milieu.
HISTOIRE DE LA MALADIE : Quand il y a beaucoup de grains, monsieur Chisholm doit procéder au nettoyage. Il s’agit de grains de mais, de fève soya, d’orge ou de blé américain. Il éprouve alors un blocage à la gorge, des sibilances, une toux sévère «dyspnéisante» et de la dyspnée. Il note en même temps des problèmes digestifs. Quelquefois, il peut noter des sibilances à domicile. Il note qu’il est mieux pendant les vacances. Généralement, il peut suivre une personne de son âge tout en conversant avec. Il monte deux étages, après quoi il doit faire une pause pour reprendre son souffle. Il accuse des sibilances quotidiennes. Il n’y a pas d’urgence matinale à la médication et pas de nécessité de bronchodilatateurs la nuit.
(…)
TABAGISME : Il a fumé depuis l’âge de 14 ans, 15 à 20 cigarettes par jour. Cessé en septembre 2002.
ENVIRONNEMENT : Pas d’animaux. Présence de tapis. Pas de plumes ni draps santé dans le lit. Chauffage électrique à plinthes.
(…)
EXAMEN PHYSIQUE : Pas de cyanose, pas de clubbing, pas d’adénopathie sus-claviculaire. Le nez, la gorge et les oreilles sont normaux. Aux poumons, on note une diminution du murmure vésiculaire, en partie par un effet de blindage. Il n’y a pas de râle. Au niveau cardiaque, le rythme est régulier à 67 par minute avec des bruits normaux. La tension artérielle est à 150/90.
RADIOGRAPHIE PULMONAIRE : Légère accentuation de la trame bronchique.
TEST DE FONCTION RESPIRATOIRE : Le bilan de fonction respiratoire montre des valeurs de volume et de débit expiratoire forcé à la limite de la normale. La capacité de diffusion est discrètement abaissée.
L’épreuve de la Méthacholine est à la limite de la normale avec une CP 20 à 15.3 mg/ml.
BIOLOGIE : Voir rapports annexés.
OPINION ET COMMENTAIRES : Ce réclamant se plaint de troubles respiratoires à caractère intermittent paroxystique en rapport avec l’exposition aux poussières sur le site du travail. Les poussières de grains constituent un environnement susceptible de provoquer des sensibilisations spécifiques de l’arbre respiratoire. La possibilité d’un asthme professionnel doit donc être sérieusement évaluée. Avant de formuler un avis définitif, nous recommandons que ce patient subisse une épreuve de provocation bronchique spécifique aux poussières de céréales en laboratoire. »
[32] Par la suite, le travailleur fut soumis à deux séries de tests pratiqués par la Dre Johanne Côté, pneumologue.
[33] À la première série de tests effectuée à partir du 14 juillet 2003, la Dre Côté décrit les résultats pendant les cinq jours où le travailleur fut soumis à ces tests.
[34] Au premier jour, le patient fut exposé au lactose pour une période totalisant deux heures. Suite à cette exposition, le VEMS est demeuré stable. De plus, le test à la Méthacholine qui fut réalisé en fin de journée démontrait une réactivité bronchique normale.
[35] Au jour 2, le travailleur fut exposé à de la poussière de soya pour une période totalisant 60 minutes. Suite à cette exposition, aucune réaction asthmatique n’a été constatée.
[36] Au jour 3, le patient fut réexposé au soya pour une période totalisant deux heures. Encore une fois, le VEMS est demeuré stable.
[37] Au jour 4, le patient fut exposé à de la poussière de blé pour une période totalisant 120 minutes. Au cours de cette journée, on constate une discrète baisse du VEMS avec une chute maximale de 17 %.
[38] Au jour 5, le patient fut exposé à de la poussière de blé. Le VEMS de base est légèrement abaissé en comparaison avec les valeurs précédentes. On observe une chute de 17 % du VEMS en comparaison avec la valeur de base. En fin de journée, un test à la Méthacholine fut réalisé, démontrant des changements significatifs de la réactivité bronchique, la CP20 étant passée de 16 à 4.7 milligrammes par millilitre.
[39] Suite à cette première série de tests, la pneumologue Johanne Côté conclut :
« CONCLUSION : test de provocation spécifique pouvant être compatible avec le diagnostic d’asthme professionnel à la poussière de blé chez ce réclamant. Je suggère toutefois de reprendre ce test avec une exposition totalisant 3 heures. »
[40] Le 21 octobre 2003, la Dre Johanne Côté complète un second rapport suite aux nouveaux tests effectués en septembre 2003.
[41] Lors de la première journée, on effectue un contrôle en utilisant de la poussière de lactose. On constate que le VEMS est normal, celui-ci n’ayant pas chuté suite à l’exposition au lactose.
[42] D’autre part, un test de provocation spécifique réalisé à la fin de la journée démontrait une réactivité bronchique normale avec une CP20 à 24.5 milligrammes par millilitre.
[43] Au jour 2, le travailleur fut exposé à la poussière de blé pour une période totalisant deux heures. Suite à ce contact, une brève réaction asthmatique immédiate avec chute du VEMS de 22 % était observée. Vingt minutes après la fin de l’exposition, le VEMS était revenu aux valeurs de base.
[44] Au jour 3, le travailleur fut exposé à de la poussière de blé pour une période totalisant trois heures. On ne note aucune chute significative du VEMS. Le test fut toutefois interrompu prématurément, le patient ayant présenté des douleurs angineuses.
[45] En conclusion, la Dre Côté énonce :
« CONCLUSION : test de provocation spécifique à reprendre sans stéroïde topique, lorsque les problèmes coronariens de ce patient auront été stabilisés. »
[46] Le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Québec se réunit à nouveau le 31 octobre 2003, le tout composé des mêmes pneumologues qu’en date du 2 mai 2003.
[47] À leur rapport complémentaire, ceux-ci exposent :
« Ce rapport complète l’expertise du 2 mai 2003. Nous avons pris connaissance des tests de provocation bronchique spécifique qui ont été effectués. Une première série de tests avaient été faits à l’Hôpital Laval dans la semaine du 14 au 18 juillet 2003. La journée contrôle au lactose montrait une stabilité du VEMS toute la journée. L’exposition au soya n’avait pas démontré de variation significative du VEMS. Une première journée d’exposition aux poussières de blé toutefois montrait une chute qui était aux limites de la signification. La journée supplémentaire avec exposition à la même substance montrait que les valeurs de base avaient diminué et que ceci pouvait résulter de l’exposition de la veille. Enfin, la chute du VEMS était de 17 % par rapport à la valeur de base. De plus, la CP 20 était passée de 16 avant les tests à 4.7mg/ml. Toutefois, à ce moment, la docteure Côté avait recommandé de faire un test complémentaire. Les tests ont été repris dans la semaine du 29 septembre 2003. On a observé une première journée une chute immédiate et de très courte durée d’environ 22 %. Au jour 3, alors que le patient était à nouveau exposé sur une durée d’environ trois heures, les chutes n’atteignaient pas la signification. Toutefois, le test a été interrompu parce que le patient présentait des douleurs de nature angineuse et qu’il a été dirigé vers l’urgence. Il n’y a pas eu de contrôle de la CP 20.
À la lumière de ces données, le Comité estime qu’on doit conclure l’expertise. Les différents tests d’exposition au blé et les variations de la CP 20 qui ont été démontrées en juillet suffisent à notre avis à établir que ce patient présente une sensibilisation spécifique de l’arbre respiratoire aux poussières de blé. En conséquence, monsieur Chisholm est reconnu porteur d’un asthme professionnel au blé. Nous recommandons d’accorder immédiatement un déficit anatomo-physiologique de 3 % (code 223500) pour tenir compte de la sensibilisation respiratoire.
TOLÉRANCE AUX CONTAMINANTS : Désormais, ce patient doit éviter tout contact avec l’environnement des silos à grains.
LIMITATION FONCTIONNELLE : Aucune par ailleurs sur le plan respiratoire.
(…) »
[48] Après avoir pris connaissance du rapport complémentaire du Comité des maladies pulmonaires professionnelles, la CSST soumet le dossier du travailleur au Comité des présidents, et ce, conformément à la procédure établie à l’article 231 de la loi :
231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.
Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.
Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.
__________
1985, c. 6, a. 231.
[49] Le 12 novembre 2003, le Comité spécial des présidents, constitué des pneumologues Raymond Bégin, Jean-Jacques Gauthier et Gaston Ostiguy, rapporte :
« (…)
La première série avait déjà démontré des variations de VEMS de l’ordre de 17 % avec, en plus, une baisse de la CP20 qui était passée de 16 milligrammes/millilitre avant à 4.7 milligrammes/millilitre après.
Une deuxième série, reprise dans la semaine du 29 septembre 2003, avait démontré la première journée une chute d’environ 22 % mais qui était de très courte durée. Une nouvelle exposition, le lendemain, a été toutefois rapidement limitée après trois heures car le patient a présenté un syndrome coronarien aigu.
Le comité est d’accord pour prendre une décision et juge que les évidences disponibles sont suffisamment convainquantes pour reconnaître monsieur Chisholm porteur d’un asthme professionnel au grain de céréale.
Nous recommandons d’accorder immédiatement un déficit anatomophysiologique de 3 % (code 223500) pour tenir compte de la sensibilisation respiratoire.
Tolérance aux contaminants
Désormais, ce réclamant doit éviter tout contact avec l’exposition au grain.
Limitations fonctionnelles
Aucune par ailleurs sur le plan respiratoire.
Réévaluation
Dans deux ans pour fixer le déficit anatomophysiologique définitif. » [sic]
[50] Le 7 janvier 2004, la CSST rend une décision par laquelle elle donne suite à l’avis du Comité des présidents et déclare que le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit un asthme professionnel aux poussières de grains de céréales.
[51] À la même date, la CSST rend une seconde décision dans laquelle elle fixe le pourcentage d’atteinte permanente à 3,30 %. Ces décisions seront contestées par l’employeur ainsi que la décision portant sur l’admissibilité en réadaptation rendue le 13 août 2004.
[52] Le 3 décembre 2004, les représentants de l’employeur adressaient à la Dre Johanne Côté une lettre par laquelle ils requerraient des informations portant sur le processus des tests effectués. Plus spécifiquement, on voulait connaître la grandeur et les dimensions de la salle employée, le système de ventilation ainsi que le nombre de changements d’air, le protocole employé lors du test. L’objectif visé par cette demande était la préparation d’une expertise médicale par le Dr Paolo Renzi.
[53] Le 16 décembre 2004, la Dre Côté transmet les informations requises aux représentants de l’employeur. De plus, on précise que la méthode employée est celle de Pepys. La Dre Côté souligne qu’ils n’ont pas l’appareillage requis pour pouvoir quantifier le degré d’exposition du travailleur à la poussière de grains lors de la passation des tests.
[54] Le 28 février 2005, monsieur Van Hiep Nguyen, de la compagnie Groupe Teknika, transmettait au Dr Paolo Renzi les résultats d’une simulation visant l’évaluation des tests de provocation bronchique réalisés selon la technique de Pepys, et ceci dans des conditions similaires à celles effectuées par la Dre Johanne Côté, selon les descriptions que celle-ci a offertes à la demande de renseignements transmise précédemment.
[55] À ce document, le Dr Nguyen souligne qu’il existe effectivement une lacune dans la méthodologie des tests utilisés puisque l’on n’est pas capable d’établir la « concentration » de poussières se retrouvant dans l’air au cours du déroulement de ces tests.
[56] En conséquence, cette simulation vise à établir cette concentration du contaminant identifié, en l’occurrence la poussière de grains.
[57] Monsieur Nguyen décrit sa méthodologie ainsi que les résultats obtenus.
« Les échantillonnages dans l’air de la poussière de grains (farine de blé) ont été prélevés au cours de la simulation d’un test de provocation bronchique impliquant ce contaminant. Les essais ont été réalisés en conformité avec la méthode de Pepys décrite dans l’article « Asthma due to inhaled chemical agents-piperazine dihydrochloride » (test réalisé sans l’utilisation d’un nébuliseur).
La simulation a été réalisée dans une salle possédant des dimensions similaires à ceux d’une salle de provocation utilisée par la docteure Johanne Côté lors des tests de provocation bronchique réalisés avec le patient Claude Potvin. Également, ce même local était desservi par un système de ventilation assurant une cinquantaine de changements d’air à l’heure (pareillement à la salle de la docteure Johanne Côté).
Les échantillonnages d’air ont été effectués dans une salle de l’Hôpital Notre-Dame de Montréal durant la journée du 9 février dernier, avec la participation de madame Annie Chapdelaine, hygiéniste industrielle chez Teknika Inc.
Au total, quatre (4) échantillons d’air ont été prélevés et seulement les poussières de blé ont été évaluées (la farine de blé a été fournie directement par la compagnie Les Silos Port-Cartier). Les échantillons ont été prélevés conformément à la méthode d’échantillonnage officielle du Québec 48-1 de l’IRSST et analysés conformément à la méthode analytique NIOSH 0500 par un laboratoire américain du nom de Clayton Lab Services accrédité par l’agence d’accréditation américaine AIHA.
RÉSULTATS
La norme d’exposition aux poussières non autrement classifiées permise par la CSST pour une exposition de huit (8) heures est de 10mg/m3 (VEMP). Lorsque la poussière provient des grains (avoine, blé, orge), la CSST réduit la norme d’exposition à 4mg/m3 (VEMP).
Le tableau 1 suivant présente les concentrations de poussières de farine de blé mesurées durant une simulation d’un test de provocation bronchique réalisé à partir de ce contaminant. Les résultats plus détaillés du rapport de laboratoire sont présentés à l’annexe 1 de ce document.
Tableau 1
Concentrations de poussières de farine de blé mesurées dans l’air au cours
de la réalisation d’un test de provocation bronchique
Hôpital Notre-Dame, février 2005
Date de l’échantillonnage |
Durée du test |
Concentration mesurée (mg/m3) |
9 février 2005 |
30 minutes |
6,7 |
9 février 2005 |
60 minutes |
96 |
9 février 2005 |
90 minutes |
64 |
9 février 2005 |
120 minutes |
123 |
Concentration moyenne calculée pour les quatre (4) mesures |
72 |
CONCLUSION
La présente évaluation permet de connaître les niveaux de concentrations pouvant être atteints durant l’exécution d’un test de provocation bronchique avec des poussières de farine de blé. Les échantillonnages ont été effectués en conformité avec la méthode officielle prévue par l’IRSST et l’analyse des échantillons a été accomplie par un laboratoire accrédité.
Les concentrations mesurées sont élevées et elles sont toutes supérieures à la norme d’exposition permise par la CSST.
En espérant que les informations rencontrent vos attentes, nous vous prions de recevoir, Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs. » [sic]
[58] Le 5 avril 2005, le Dr Paolo Renzi complétait une expertise médicale dans le dossier du travailleur.
[59] L’objectif recherché est de déterminer si le travailleur souffre d’une maladie pulmonaire professionnelle, en l’occurrence de l’asthme.
[60] À ce document, ce médecin résume l’historique complet des consultations et tests médicaux effectués.
[61] D’autre part, ce médecin ajoute :
« (…)
Impression :
1. Maladie cardiaque artériosclérotique avec angor.
2. Emphysème manifestée par une chute légère de la diffusion au monoxyde de carbone et MPOC versus asthme à cause de la réversibilité dans ce dossier.
3. L’asthme professionnel à la poussière de grains est possible mais non démontré dans ce dossier pour les raisons suivantes :
a) la présentation de la symptomatologie n’est pas typique si on se réfère aux notes de consultation aux médecins ainsi qu’aux urgences. En effet, M. Chisholm aurait eu un épisode en 1989 de bronchite avec dyspnée puis a cessé la consommation de cigarettes et à cause de sa dyspnée était mis sous médication au début de 2001 sans se plaindre de symptômes pire au travail et mieux la fin de semaine. Il a pu continuer à travailler avec exposition constante un an jusqu’à son évaluation par le Dr. Imbeault et sa référence pour asthme professionnel.
b) les poussières de céréales sont des agents de haut poids moléculaire, on aurait dû s’attendre à une sensibilisation cutanée à ces agents et ce n’était pas le cas.
c) les évaluations des hygiénistes industriels dans ce dossier montrent que l’exposition à la poussière de céréales est sous les normes permises. En effet, vous avez un rapport d’Environnement SCN Inc. daté le 17 août 2000, suite à une évaluation du 11 août 2000 pour l’exposition aux poussières de blé pour un contremaître dans le cadre de ses activités régulières et un superviseur des opérations à la salle de contrôle. Vous noterez que la concentration de poussières totales se retrouve à 0,54 mg/m3 et 0,36 mg/m3, les normes canadiennes étant de 10 mg/m3 et de l’ACGIH et du Québec est de 4 mg/m3. Ces mesures ont été obtenues quant il y avait une activité importante aux Silos Port-Cartier, soit 11,500 tonnes métriques de grains furent chargées sur le bateau Liberty Wave et 9,000 tonnes du même type de grain et 5,000 tonnes de yellow soya furent déchargées de la barge Algoville. Environnement SCN Inc. émettait un autre rapport le 25 septembre 2000 suite à la mesure de poussières totales effectuée le 21 septembre 2000 en prélèvements fixes. Vous noterez qu’au poste de travail de Philippe Côté et de Denis Smith les poussières totales n’étaient pas mesurables et ce malgré qu’il y avait un haut niveau d’activité aux Silos Port-Cartier, soit 6,800 tonnes métriques de blé canadien furent chargées sur le bateau Rays Kingston au cours de la période d’échantillonnage et 9,800 tonnes d’orge (barley) furent déchargées du bateau Algocen durant l’échantillonnage. La firme Aer-Pro émettait un rapport final de l’évaluation des conditions d’hygiène industrielle le 29 janvier 2003 où l’exposition aux poussières de céréales était sous les normes permises. Entre autre, notons qu’il y a eu mesure spécifique de l’exposition de M. James Chisholm en tant que concierge le 7 novembre 2002 entre 8h24 et 15h21, soit pendant 417 minutes de l’exposition à la poussière respirable en mesurant sur lui-même la concentration de poussières à laquelle il a été exposé. La quantité de poussières respirables sur 8 heures était de 0,06 mg/m3 soit bien en dessous des normes permises. À noter que pendant cette journée, ses tâches étaient de passer la vadrouille, d’effectuer le ménage dans l’atelier, l’entrepôt et la cafétéria. Enfin, le 28 février 2005 le groupe Teknika émettait un rapport intitulé "Étude de la concentration de poussières de farine de blé dans l’air durant l’accomplissement d’une simulation d’un test de provocation pulmonaire". Quatre mesures ont été effectuées sur un total de 120 minutes de simulation d’un test de provocation bronchique dans des locaux semblables à ceux de l’Hôpital Laval avec la même ventilation (50 échanges d’air à l’heure). La concentration moyenne calculée pour les 4 mesures était de 72 mg/m3, à 30 minutes la concentration mesurée était de 6,7 mg/m3, à 60 minutes la concentration était de 96 mg/m3, à 90 minutes elle était de 64 mg/m3 et à 120 minutes elle était de 123 mg/m3. Il y a donc une discordance importante entre la quantité d’exposition de M. Chisholm au travail et l’exposition qui a été effectuée durant les tests de provocation bronchique. Ceci peut expliquer les chutes du VEMS-1 à des moments durant l’exposition à la poussière de grains et ce sur une base irritative, les concentrations auxquelles il a été exposé étaient même au-dessus des normes permises.
En tenant compte des facteurs décrits ci hauts et de l’histoire ainsi que du dossier médical, il est peu probable que M. Chisholm souffre d’asthme professionnel à la poussière de grains chez les Silos Port-Cartier. Dans le contexte de la symptomatologie de monsieur exposé au Dr. Imbeault et le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Québec, il était tout à fait approprié de procéder à un test de provocation bronchique spécifique. Cependant ce test devrait être fait en exposant M. Chisholm à des quantités de poussières réalistes et semblables à celles qu’il rencontre aux Silos Port-Cartier.
J’espère que j’ai pu répondre à vos questions, je demeure à votre entière disposition. » [sic]
[62] Le 13 septembre 2005, monsieur Van Hiep Nguyen produisait un rapport complémentaire au Dr Paolo Renzi portant sur la grosseur des particules de farine de blé utilisée pour réaliser la simulation des tests de provocation pulmonaire.
[63] Quatre-vingt-sept pour cent des particules de l’échantillon de farine de blé utilisée ont un diamètre inférieur à 10 microns, soit la fraction des particules respirables.
[64] Lors de l’audience, la Commission des lésions professionnelles a entendu monsieur Van Hiep Nguyen. Son statut d’expert fut admis, le tout en hygiène industrielle, celui-ci étant ingénieur en mécanique et détenant une importante expérience en santé et sécurité du travail.
[65] Lors de l’audience, il explique les objectifs recherchés lors de la simulation effectuée à la demande du Dr Paolo Renzi ainsi que la méthodologie utilisée.
[66] Plus spécifiquement, on tentait de déterminer la concentration du contaminant identifié et utilisé lors de la passation des tests de provocation bronchique.
[67] En effet, rien dans la méthodologie utilisée par la méthode de Pepys ne permettait d’identifier cette concentration. En conséquence, on ne pouvait évaluer à quelle « dose » était exposé le travailleur lors de la passation de ces tests.
[68] Monsieur Nguyen confirme donc les résultats obtenus, tout en les comparant avec les normes fédérale et provinciale de dix milligrammes par mètre cube au fédéral et quatre milligrammes par mètre cube au provincial.
[69] Quant au rapport complémentaire, il visait à établir le pourcentage de particules respirables, c’est-à-dire le pourcentage de particules qui atteignait le poumon.
[70] En conséquence, il confirme donc les résultats obtenus dans ce rapport complémentaire.
[71] À l’audience, la Commission des lésions professionnelles a entendu le Dr Paolo Renzi, pneumologue et expert de l’employeur.
[72] D’entrée de jeu, le Dr Renzi décrit le mandat qui lui fut confié par l’employeur. Pour réaliser ce mandat, il a visité l’entreprise, étudié l’histoire de cas, revu l’ensemble des tests effectués ainsi que la simulation desdits tests afin d’établir la concentration du contaminant.
[73] Le Dr Renzi, à l’aide d’une volumineuse documentation produite au dossier, explique à la Commission des lésions professionnelles l’étiologie de l’asthme professionnel ainsi que la méthodologie pour émettre un diagnostic d’asthme ainsi que d’asthme professionnel.
[74] Ainsi, dans un premier temps, il est nécessaire de déterminer l’existence de l’asthme pour ensuite en déterminer sa causalité.
[75] Il souligne l’utilité des tests de provocation permettant de déterminer l’agent responsable du contaminant tout en analysant les réactions du sujet lorsqu’exposé à cet agent.
[76] La Commission des lésions professionnelles n’entend pas reprendre toutes et chacune des explications techniques offertes par le Dr Renzi lors de son témoignage, référant le lecteur à son expertise médicale écrite sur ce sujet ainsi qu’aux conclusions déjà rapportées à la décision.
[77] D’autre part, le Dr Renzi souligne que les experts qui ont eu à évaluer le présent cas n’ont pas effectué une visite de l’entreprise, n’ont pas tenu compte ou évalué le pourcentage de contaminant présent dans l’air dans l’entreprise ni pris en considération la concentration de l’agent contaminant auquel fut exposé le travailleur lors des tests de provocation.
[78] Le Dr Renzi souligne qu’ainsi on ne peut éliminer la possibilité d’une réaction irritative lors de la passation des tests de provocation, vu les résultats obtenus lors des simulations effectuées par monsieur Nguyen.
[79] Il insiste que lors de l’exécution de ces tests, il faut éviter d’exposer le sujet à une dose irritative tout en tentant de recréer les conditions exactes de travail afin de vérifier si le sujet présente une réaction allergique en présence de l’agent.
[80] Ainsi donc, dans cette première partie de son témoignage, le Dr Renzi précise les limites de la méthodologie employée par le biais du test de Pepys sans pouvoir affirmer que les travailleurs soumis à ces tests ont présenté une réaction irritative, bien que la possibilité puisse exister.
[81] En d’autres mots, la nuance entre une réaction allergique et une réaction irritative se traduit par la dose à laquelle est exposé le sujet : dans une réaction allergique, une petite dose peut suffire alors que dans le cas d’une réaction irritative, une dose importante est requise.
[82] Selon lui, les doses auxquelles furent exposés les sujets lors de la passation des tests atteignaient des valeurs qui sont possiblement irritatives, le tout menant à un spasme, à une constriction des voies respiratoires.
[83] Par la suite, le Dr Renzi reprend l’étude des dossiers, cas par cas. Dans le dossier de monsieur James Chisholm, il refait l’historique de ce dossier.
[84] Il décrit l’histoire occupationnelle du travailleur, tout en soulignant que l’histoire de cas ne fournit pas de données spécifiques sur l’état comparatif du travailleur entre sa présence au travail et sa présence hors travail. Le travailleur prend des médicaments pour l’asthme et présente un tabagisme relativement important.
[85] Il souligne que les tests de la fonction respiratoire effectués à l’Hôpital Laval, le 30 avril 2003, étaient normaux.
[86] Or, il rappelle que le Comité des maladies pulmonaires professionnelles, à son rapport complémentaire du 31 octobre 2003, a fondé sa recommandation, sa décision, uniquement sur le résultat des tests pratiqués par la Dre Côté.
[87] Pourtant, il fait valoir que les différents tests effectués auparavant n’avaient pas révélé la présence d’une allergie, aussi bien au niveau cutané que par le bilan hématologique général, tout particulièrement quant au pourcentage des éosinophiles sanguins.
[88] Quant aux tests effectués par la Dre Côté, le Dr Renzi reprend la lecture de tous et chacun de ceux-ci en soulignant que la première batterie de tests était normale pour les jours 1, 2 et 3.
[89] Quant aux réactions notées à partir du jour 4, elles ne démontrent pas, selon lui, des changements significatifs permettant de poser le diagnostic d’asthme professionnel.
[90] Sur ce sujet, il souligne d’ailleurs la recommandation de la Dre Côté de soumettre le travailleur à une nouvelle série de tests pour préciser le diagnostic.
[91] Quant à cette deuxième série de tests, le Dr Renzi soutient qu’ils sont peu significatifs, même pour la deuxième journée.
[92] D’ailleurs, la Dre Côté suggérait de reprendre ces tests lorsque l’état du travailleur le permettrait, le tout sans médication.
[93] Le Dr Renzi ajoute que la preuve médicale au dossier, dont le rapport complété le 23 avril 1983, établit que le travailleur présente une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Pourtant, ce rapport porte sur une visite médicale du travailleur pour une plaie au cuir chevelu qui fut suturée. À l’occasion de cette visite, on ajoute que le travailleur présente une bronchite et l’on note entre parenthèses les termes MPOC.
[94] En conclusion, ce médecin reprend la conclusion émise à son rapport médical écrit précité, fondant son opinion sur l’ensemble de tous les éléments à prendre en considération pour pouvoir poser le diagnostic actuellement retenu d’asthme professionnel.
[95] Par la suite, la Commission des lésions professionnelles a entendu le Dr Marc Desmeules, pneumologue et expert.
[96] Le Dr Desmeules rappelle qu’il siège sur les comités de maladies professionnelles pulmonaires depuis 1975.
[97] En début de témoignage, le Dr Desmeules rappelle que la poussière de grains est une poussière complexe dans laquelle on retrouve des protéines, des bactéries, des insectes, des moisissures, etc.
[98] Dès lors, lors de tests de provocation bronchique on obtient de l’entreprise de la poussière de grains présente sur les lieux de travail, ce qui fut fait dans ce dossier.
[99] D’autre part, à partir de l’histoire de cas du travailleur, de la description des symptômes, des tests d’allergie et tests hématologiques ainsi que des examens médicaux, on tente d’identifier s’il y a la présence d’asthme.
[100] Pour vérifier ces premiers éléments, on soumet le travailleur à un test de provocation spécifique qui, dans les circonstances, est constitué par le test de Pepys sur lequel le Dr Desmeules décrit la méthodologie relative à ce test. Il rappelle que certaines mesures de sécurité doivent être prises lors de la passation de ces tests.
[101] Le Dr Desmeules explique la procédure à faire pour s’assurer de la stabilité des bronches avant d’entreprendre les épreuves de provocation spécifiques aux divers grains. Il s’agit des VEMS, de la CP20 ainsi que de l’inhalation d’un agent inerte, généralement le lactose.
[102] Ces vérifications permettent d’identifier la présence ou non d’hyperréactivité, le tout dans l’objectif de pouvoir commencer les tests spécifiques en l’absence d’une telle condition bronchique.
[103] En effet, ce que l’on veut vérifier est la présence et le degré d’hypersensibilisation.
[104] Le Dr Desmeules souligne la présence de faux positif ou de faux négatif en précisant l’étiologie des asthmes aux grains de différents types. Sur ce sujet, il rappelle que l’absence de réaction allergique, aussi bien au niveau cutané qu’hématologique, n’exclut pas la possibilité de l’existence d’un asthme professionnel, asthme qui peut être révélé par les résultats des tests spécifiques.
[105] Il convient que la méthodologie du test de Pepys ne permet pas de vérifier la concentration de l’agent pendant l’exécution du test. Il n’en demeure que des règles de prudence doivent s’appliquer, tels un milieu contrôlé dans un établissement de santé ainsi qu’une exposition progressive (temps d’exposition) aux plus petites doses possibles.
[106] Quant aux résultats obtenus par monsieur Nguyen, il soutient que ce résultat de 72 milligrammes par mètre cube, réalisé sur une période de deux heures, doit être pondéré et remis dans un contexte de huit heures, c’est-à-dire une concentration de 18 milligrammes par mètre cube.
[107] Quant aux facteurs de déposition dans le poumon versus la grosseur des particules, le Dr Desmeules souligne que la respiration implique l’aspiration et l’expiration d’air. Dès lors, un fort pourcentage de l’agent respirable ne se dépose pas dans le poumon (59 %), ce qui implique que les chiffres avancés par monsieur Nguyen et le Dr Renzi ne se transcrivent pas nécessairement dans la réalité.
[108] Le Dr Desmeules déclare que la durée des tests, à deux heures, constitue une durée qu’il qualifie de suffisamment longue. En effet, la plupart des sujets consomment des stéroïdes qui réduisent la réactivité, donc faussent les tests. Dès lors, la durée du test et la dose sont des éléments à prendre en considération puisque dans le cas d’une dose trop basse, on peut obtenir un faux négatif alors que dans le cas d’une dose trop haute, on pourrait provoquer une réaction irritative.
[109] D’autre part, les changements dans la CP20 sont un bon indicateur qu’il y a bien une réaction à un sensibilisant qui doit être prise en considération.
[110] Le Dr Desmeules souligne qu’il n’existe pas de mesure actuelle pouvant établir les seuils à atteindre pour provoquer une réaction irritative. Ainsi, l’opinion du Dr Renzi, sur ce sujet, se fonde plutôt sur une hypothèse que sur des données objectives quant à l’existence d’une réaction irritative.
[111] Selon lui, il ne croit pas qu’il y a eu surexposition dans l’exécution des tests réalisés par la Dre Côté malgré les résultats obtenus lors de la simulation effectuée par monsieur Nguyen.
[112] Dans le cas de monsieur Chisholm, il rappelle que le travailleur fut soumis à des tests alors qu’il prenait des stéroïdes topiques, ce qui diminue la réactivité.
[113] Lors de l’exécution de la première série de tests, le travailleur a présenté des réactions qu’il qualifie de « limites », celles-ci n’étant pas fortement positives.
[114] Il rappelle que les valeurs de base changeaient chaque jour, s’abaissant et que le travailleur a présenté une CP20 qui a baissé à 4.7.
[115] C’est dans ce contexte que l’on a soumis le travailleur à une deuxième série de tests.
[116] Or, lors de cette deuxième série de tests, le travailleur a présenté une chute immédiate et de très courte durée, d’environ 22 % du VEMS, donc une réaction positive dont le travailleur s’est rétabli rapidement.
[117] La troisième journée, le travailleur a subi un syndrome coronarien ne permettant pas de procéder plus avant.
[118] C’est donc dans ce contexte, retenant les modifications de la CP20 et du VEMS, que le Comité des maladies professionnelles pulmonaires a émis sa recommandation en tenant compte de l’ensemble des éléments au dossier.
[119] En fin d’analyse, le Dr Desmeules conclut que le travailleur présente un asthme professionnel, qu’il qualifie de léger, car le travailleur a pu continuer à œuvrer dans le même domaine.
[120] Sur ce sujet, il ajoute que selon les sujets, les problèmes d’asthme professionnel se traduisent par des symptômes plus ou moins importants, certains sujets supportant plus ou moins bien leurs symptômes.
[121] D’autre part, la Commission des lésions professionnelles a lu attentivement les argumentations écrites ainsi que les notes et autorités transmises par les parties au soutien de leur position.
[122] Comme le rappelle l’employeur, la compagnie LSPC (Les Silos Port-Cartier) est une entreprise de juridiction fédérale. En conséquence, elle est soumise à la Loi sur l’indemnisation des employés de l’État[2] ainsi qu’au Règlement sur la santé et la sécurité au travail[3] adopté en vertu du Code canadien du travail[4].
[123] D’autre part, conformément à l’application de ces lois, cet ensemble législatif est complété par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5], particulièrement dans le cas de maladie professionnelle. Dès lors, à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à l’article 2, on définit la notion de « maladie professionnelle » de la façon suivante :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[124] Afin de faciliter l’administration d’une telle preuve, le législateur québécois a stipulé une présomption de maladie professionnelle à l’article 29 de la loi :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
[125] Conformément à cette disposition, le travailleur a le fardeau de la preuve de démontrer qu’il est atteint d’une maladie rapportée à l’annexe I de la loi et qu’il occupe un travail décrit en corrélation avec cette maladie.
[126] À l’annexe I, section V, on énonce :
ANNEXE I
MALADIES PROFESSIONNELLES
(Article 29)
SECTION V
MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES POUSSIÈRES
ORGANIQUES ET INORGANIQUES
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
|
|
1. … |
… |
8. Asthme bronchique: |
un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant. |
__________
1985, c. 6, annexe I.
[127] À défaut de bénéficier de la présomption prévue à l’article 29 de la loi, un travailleur peut démontrer qu’il est atteint d’une maladie professionnelle en ayant recours à l’article 30, lequel se lit comme suit :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
[128] En l’instance et conformément à l’argumentation écrite soumise par l’employeur, celui-ci admet que le travailleur, James Chisholm, présente un asthme bronchique et bénéficie de la présomption prévue à l’article 29. D’autre part, on ne conteste pas que le travailleur fut exposé à de la poussière de grain céréalier qui est un agent spécifique sensibilisant.
[129] Cependant, l’employeur prétend que l’asthme diagnostiqué est d’origine personnelle sans relation avec le travail, les concentrations auxquelles fut exposé le travailleur étant en deçà de la norme fédérale et même de la norme provinciale précisée.
[130] C’est dans ce contexte que l’employeur allègue qu’en tenant compte de la preuve qu’il a présentée et des prétentions des parties, les questions en litige visent plutôt le renversement de la présomption prévue à l’article 29 de la loi ainsi que la non‑application de l’article 30 de la loi au présent cas.
[131] La preuve a établi que le travailleur, âgé actuellement d’approximativement 58 ans, travaille chez son employeur depuis 1968.
[132] Son histoire occupationnelle démontre qu’il fut exposé à de la poussière de grains à des concentrations en deçà des normes provinciale et fédérale prévues aux règlements précités.
[133] Il n’en demeure que le travailleur a subi une exposition à ce produit jusqu’à l’introduction de sa réclamation, le 27 septembre 2002.
[134] Au niveau médical, une consultation effectuée le 23 avril 1983 pose un diagnostic de bronchite auquel on ajoute, entre parenthèses, les termes MPOC. Il est donc clair et évident que le travailleur ne présentait pas à cette époque une condition d’asthme.
[135] Sur ce sujet, il est bon de rappeler que le travailleur présente un tabagisme relativement important, évalué par son médecin traitant à 20 paquets/année, tabagisme qu’il aurait cessé vers 2002. Or, cette condition peut être un facteur contributif au développement d’une condition asthmatique sans exclure l’existence d’un asthme professionnel, comme le reconnaît la jurisprudence produite par les parties.
[136] Hors la preuve médicale n’a pas établi que le travailleur souffre d’emphysème pulmonaire. Si l’on prend en considération l’ensemble des résultats des examens, radiographies, tests et opinions médicales, on ne retrouve aucune conclusion positive sur ce diagnostic. Seul l’asthme est retenu contrairement à l’affirmation du Dr Renzi à son expertise médicale écrite.
[137] Le suivi médical à partir de 1999 démontre une évolution des symptômes respiratoires présentés par le travailleur, un diagnostic d’asthme étant soulevé lors d’une consultation le 18 mai 2001.
[138] D’ailleurs, le 26 juin 2001, une consultation à la clinique externe du CLSC indique qu’il y a un asthme probable chez le travailleur.
[139] C’est dans ce contexte que le travailleur a introduit sa réclamation à la CSST, le tout accompagné du rapport médical de son médecin traitant, le Dr Imbeault, pneumologue.
[140] Cette première portion de l’histoire de cas est bien distincte des faits et circonstances rapportés dans l’affaire Silos Port-Cartier et Serge Dignard[6].
[141] En effet, on doit conclure que l’asthme du travailleur s’est présenté, s’est manifesté alors qu’il était au travail, occupant les fonctions décrites chez son employeur.
[142] En second lieu, pendant toute la période où le travailleur souffrait des premières manifestations d’asthme, l’histoire de cas révèle que ses symptômes s’aggravaient lorsqu’il était au travail et s’amélioraient pendant ses périodes de congé.
[143] La Commission des lésions professionnelles réfère le lecteur à l’histoire de cas ainsi qu’aux mentions qui y sont faites par le Dr Imbeault et le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Québec, à son rapport du 2 mai 2003.
[144] Il ressort de ces différents éléments, que l’asthme du travailleur est d’apparition relativement récente et présente des symptômes en parallèle à son exposition à la poussière de grains.
[145] Il s’agit d’un premier élément favorable à la thèse soutenue par le travailleur.
[146] D’autre part, le travailleur a pu maintenir sa prestation de travail, à l’aide de la médication qui lui fut prescrite sur une période relativement courte puisque, comme on l’a vu, les premières manifestations d’asthme sont relativement récentes.
[147] Ce court délai doit être retenu comme étant un facteur favorisant la position du travailleur.
[148] D’autre part, tous les tests d’allergie auxquels fut soumis le travailleur, tests cutanés et hématologiques, n’ont pas permis d’établir que le travailleur présentait une allergie à la poussière de grains.
[149] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[7] souligne l’importance de ce facteur. Or, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu’il ne s’agit pas d’un facteur décisif comme d’ailleurs le reconnaissent les experts dans ce dossier.
[150] Évidemment, une réaction positive démontrant la présence d’une allergie par le biais de ces tests serait un facteur particulièrement important à prendre en considération pour confirmer le diagnostic d’asthme professionnel.
[151] Il n’en demeure qu’en l’absence de résultat positif à ces tests d’allergie, il puisse exister une sensibilisation pouvant être révélée par les tests de provocation bronchique spécifique.
[152] Dès lors, la Commission des lésions professionnelles ne peut exclure, sur ce seul motif, la présence d’un asthme professionnel.
[153] Quant à la concentration de poussière dans le milieu de travail, dans l’affaire précitée, le commissaire Arseneau rappelait :
« […]
[43] Plusieurs études effectuées entre 1987 et 2002 démontrent que la concentration de poussières de céréales dans l'air aux différents postes occupés par le travailleur depuis son embauche par l'employeur est peu élevée3 et bien en deçà de la norme applicable en l'espèce, soit 10 mg/m3 de poussières totales (respirables ou non)4. Par ailleurs, la preuve révèle que le travailleur portait un masque protecteur dans le cadre de son travail.
[44] Ce fait, bien qu’il puisse être pris en considération, ne constitue toutefois pas un facteur déterminant puisque le docteur Renzi reconnaît lui-même qu’un individu peut se sensibiliser à la poussière de grains même s’il n’y est exposé qu’à un seuil de concentration très faible. De plus, le soussigné est d’accord avec le représentant du travailleur lorsqu’il signale que le respect de normes réglementaires d’exposition à une substance ne garantit pas que l’exposition soit sans risque pour l’organisme humain5.
[…] »
____________
3 Particulièrement aux postes occupés à compter de l'été 1979 (conducteur de portique de déchargement et opérateur à la salle de commande), où les concentrations de poussières mesurées varient de 0,18 mg/m3 à 0,61 mg/m3.
4 Selon l'article 8.22 (1) (b) du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires), L2‑DORS/87-183.
5 Au soutien de cet argument, le représentant du
travailleur produit les décisions suivantes : Roy et Fonderie
Grand-Mère ltée,
[154] La Commission des lésions professionnelles partage les conclusions du commissaire Arseneau sur ce sujet en soulignant que la norme réglementaire d’exposition à une substance constitue une mesure de prévention se traduisant par des sanctions. Elle n’a pas pour effet d’exclure automatiquement la possibilité de retrouver un asthme professionnel alors que la réglementation est respectée.
[155] Demeurent les tests de provocation bronchique.
[156] Comme on l’a vu, le travailleur fut soumis à deux séries de tests, à des dates différentes.
[157] Quant à la première série de tests, la Dre Johanne Côté concluait qu’ils pouvaient être compatibles avec le diagnostic d’asthme professionnel mais suggérait de reprendre ces tests avec une exposition totalisant trois heures.
[158] Lors des tests initiaux, on a pu observer, au jour 4, une discrète baisse du VEMS avec une chute de 17 %.
[159] Au jour 5, on observe toujours une perte de 17 % du VEMS. En fin de journée, suite à la réalisation du test de méthacoline, on note un changement significatif de la CP20 de 16 à 4.5 milligrammes par litre.
[160] Sur ce sujet, le Dr Renzi, à l’audience, a signifié son désaccord quant à l’évaluation de la baisse de CP20 . D’autre part, il souligne que ces tests sont à la limite de la normale.
[161] Quant à la seconde série de tests, bien que ceux-ci furent écourtés eu égard à la condition cardiaque du travailleur, il n’en demeure que la deuxième journée le travailleur a présenté une réaction asthmatique immédiate avec une chute du VEMS de 22 %.
[162] Bien que la Dre Côté proposait de reprendre ces tests de provocation spécifique, sans stéroïde topique, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles, tenant compte de l’histoire de cas et des résultats des premiers tests, conclut que l’on doit terminer le processus d’évaluation, de provocation bronchique spécifique et ajoute qu’il y a suffisamment d’éléments pour poser le diagnostic d’asthme professionnel.
[163] La Commission des lésions professionnelles tient à souligner que la conclusion du Comité des maladies pulmonaires professionnelles ne se fonde pas uniquement sur la première série de tests effectuée par la Dre Côté, comme le propose l’employeur.
[164] En effet, les avis initiaux et complémentaires émis par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles décrivaient toute l’histoire de cas et constituent donc des éléments qui ont été étudiés par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Québec.
[165] Il s’agit d’une conclusion où tous les membres des comités ont concouru. Ajoutons les opinions émises par le Dr Imbeault et la Dre Côté qui pointent tous dans une seule direction, c’est-à-dire à une probabilité d’asthme professionnel chez monsieur Chisholm. Il s’agit de professionnels de la santé qui sont des pneumologues spécialisés dans le domaine de l’asthme professionnel. La grande majorité de ceux-ci ont examiné le travailleur alors que le Dr Renzi se prononce sur dossier.
[166] La Commission des lésions professionnelles comprend et apprécie l’opinion émise par le Dr Renzi ainsi que l’argumentation soumise par l’employeur. En effet, le résultat de ces tests est à la limite du positif.
[167] Il n’en demeure que cette mince ligne entre la possibilité et la probabilité fut franchie par la très grande majorité des spécialistes dans ce dossier à partir de l’étude de l’ensemble du cas impliquant ces différents facteurs d’imputabilité.
[168] Quant à la question portant sur la fiabilité des tests effectués par la Dre Côté, par la méthode de Pepys, la Commission des lésions professionnelles a pris bonne note des résultats de la simulation et des différentes discussions tenues devant elle lors de l’audience, ainsi que dans l’argumentation.
[169] Il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles de trancher la question scientifique portant sur la validité de cette méthode eu égard à la concentration, à la dose d’un agent à laquelle peut être exposé un sujet par le biais de cette méthodologie.
[170] Plutôt, il appartient au tribunal, dans le présent cas, de décider si cette preuve permet d’établir, de façon prépondérante, que le travailleur ait pu présenter une réaction « irritative » lors de la passation de ces tests.
[171] Rappelons que bien que la possibilité d’une telle réaction irritative puisse exister, la preuve offerte n’a pas permis d’établir, de façon probante, que le travailleur a présenté une telle réaction lors de la passation des tests.
[172] En effet, comme on a pu le voir lors de la discussion de la preuve, il existe un désaccord entre le Dr Desmeules et le Dr Renzi quant au pourcentage moyen de concentration de l’agent sensibilisant pouvant exister sur une période de huit heures.
[173] En second lieu, rien dans la preuve offerte ne permet d’établir la description d’une réaction irritative, les paramètres où l’on retrouve une probabilité de l’existence d’une telle réaction.
[174] Finalement, la méthode de Pepys est utilisée dans plusieurs pays industrialisés depuis de nombreuses années et continue à l’être. Le Dr Desmeules rappelle qu’elle a permis, de 1990 à 2005, de départager dans 31 tests, 17 cas positifs et 14 négatifs. Si le dosage de l’agent traitant était au niveau irritatif, on devrait s’attendre à des réactions « fortement » positives dans tous les cas.
[175] En tout état de cause, la Commission des lésions professionnelles rappelle aux parties que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi à caractère social qui doit s’interpréter de façon à permettre la réalisation des objectifs recherchés par le législateur québécois.
[176] Il s’agit d’une loi que l’on doit interpréter de façon large et libérale, comme rappelé dans l’affaire Antenucci [8].
[177] Dès lors, en prenant en considération l’ensemble des éléments identifiés par la Commission des lésions professionnelles, il faut bien conclure que le travailleur présente un asthme professionnel, la présomption prévue à l’article 29 de la loi n’étant pas renversée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE les contestations déposées par Les Silos Port-Cartier, le 8 avril 2004 et le 7 septembre 2004;
CONFIRME les décisions émises par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 19 mars 2004 et le 13 août 2004;
DÉCLARE que monsieur James Chisholm a subi une lésion professionnelle, sous la forme d’une maladie professionnelle pulmonaire le 26 septembre 2002;
DÉCLARE que monsieur James Chisholm a subi une atteinte permanente à son intégrité physique de 3.30 % lui permettant de recevoir une indemnité forfaitaire de 1 596,61 $;
DÉCLARE que monsieur James Chisholm a droit de recevoir les mesures de réadaptation sociale prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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PIERRE SIMARD |
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Commissaire |
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Me Patrick Essiminy |
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STIKEMAN, ELLIOTT |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Denis Mailloux |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Jean-Marc Hamel |
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PANNETON LESSARD |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] S.R.C. 1970, c. G-8.
[3] (2001) 133 G.O. II, 5020.
[4] L.R.C. (1985), c. L-2.
[5] Voir note 1 précitée.
[6] C.L.P.
[7] Payette et R
& M Services inc., C.A.L.P.
[8] Antenucci c. Canada Steampship Lines inc.
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