Décision

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Trudel et Atelier de Soudure Chab (fermé)

2007 QCCLP 1713

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Rouyn-Noranda

19 mars 2007

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

246933-08-0410

 

Dossier CSST :

123946030

 

Commissaire :

Me Pierre Prégent

 

Membres :

Rodney Vallière, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr André Gaudreau

______________________________________________________________________

 

Louis-Marie Trudel

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Atelier de Soudure Chab (fermé)

Entretien et Installation M.E.T.A.

Garage Sonic 111 (fermé)

G.M. Soudure (fermé)

Hydrau-Mecanic

Lar Machinerie (1983) inc.

Mécanique et Soudure S.G.S. (fermé)

P.D.G. Mécanique-Soudure

PlC inc.

 

Parties intéressées

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                Le 22 octobre 2004, monsieur Louis-Marie Trudel, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 29 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 2 juillet 2004. Elle déclare qu’il n’est pas démontré qu’il existe une quelconque relation entre le diagnostic d’intoxication au cadmium et le travail et que le travailleur a contracté une maladie professionnelle. Elle déclare également que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1](la loi) et que la somme de 32 098,87 $ reçue de bonne foi ne lui sera pas réclamée.

[3]                À l’audience tenue à Rouyn-Noranda le 19 février 2007, le travailleur est absent et il n’est pas représenté. Il n’a pas avisé la Commission des lésions professionnelles de son absence et il n’a pas acheminé d’argumentation écrite. L’employeur, PDG Mécanique-Soudure, est représenté. La CSST est représentée par avocate. Le dossier est pris en délibéré le jour de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est porteur d’une maladie professionnelle diagnostiquée comme une intoxication au cadmium et qu’il a droit aux bénéfices de la loi.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d’avis de retenir les opinions médicales des docteurs Lecours et Nantel quant à l’absence d’une intoxication au cadmium et au manganèse. La présence d’un taux sanguin de cadmium relève davantage d’un tabagisme important depuis plusieurs années. Quant à une possible intoxication au manganèse, aucune donnée objective ne permet de conclure à son existence. La Commission des lésions professionnelles doit donc déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux bénéfices de la loi.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est porteur d’une lésion professionnelle et s’il a droit aux bénéfices de la loi.

 

[7]                Afin de disposer de l’objet de contestation, la Commission des lésions professionnelles se réfère aux définitions suivantes de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[8]                D’emblée, la Commission des lésions professionnelles écarte la notion de présomption de lésion professionnelle de l’article 28 de la loi ainsi que celle d’accident du travail. En effet, il n’est pas démontré que le travailleur a subi une blessure, sur les lieux du travail, alors qu’il est au travail. Il n’y a aucune preuve prépondérante au dossier du travailleur qui permet de retenir qu’il est survenu un événement imprévu et soudain, par le fait ou à l’occasion du travail et qui entraîne une lésion professionnelle.

[9]                L’article 29 de la loi se lit comme suit :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[10]           À l’annexe I de la loi, on peut lire ce qui suit :

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

 

 

SECTION I

MALADIES CAUSÉES PAR DES PRODUITS

OU SUBSTANCES TOXIQUES

 

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

 

1.       Intoxication par les métaux et leurs composés toxiques organiques ou inorganiques:

un travail impliquant l'utilisation, la manipulation ou autre forme d'exposition à ces métaux;

2.       […]

[…]

 

 

[11]           Le 10 avril 2003, le docteur Paradis pose le diagnostic d’intoxication au cadmium chez un soudeur.

[12]           Le travailleur déclare que, durant sa vie professionnelle, il a effectué les travaux suivants : peinture industrielle, peinture galvanisée, découpage de pièces de métal peinturées dans les moulins à scie, soudure dans les mines, coulage et nettoyage de cocottes de moulin à papier, coulage de palettes à 900o F avec application préalable d’une couche d’étain, oxi-coupage, coupage aux torches de métal trempées dans le zinc pour portes de barrage et cuves chez Alcan, soudure au bronze, soudure par arc submergé et à l’arc semi-automatique, soudure à l’aluminium, vernissage de planchers et entretien avec l’ammoniac comme concierge.

[13]           Selon la littérature générale produite par le travailleur au sujet de l’intoxication au cadmium, il apparaît que les fumées et les gaz générés par les activités de soudure contiennent du cadmium et du manganèse, entre autres.

[14]           La Commission des lésions professionnelles considère que les conditions à l’application de la présomption de maladie professionnelle contenues à l’article 29 de la loi sont rencontrées. En effet, le diagnostic d’intoxication au cadmium est posé par le médecin qui a charge du travailleur et il n’est pas contesté selon la procédure prévue à la loi. Il lie donc les parties. La preuve non contestée révèle que le travailleur a exercé un travail qui implique une forme d’exposition au cadmium.

[15]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur doit bénéficier de la présomption de maladie professionnelle. Ainsi, l’intoxication au cadmium diagnostiquée est présumée être une maladie professionnelle.

[16]           L’employeur peut renverser cette présomption en démontrant que la maladie présumée est attribuable à une autre cause[2].

[17]           La Commission des lésions professionnelles, à l’analyse des rapports des docteurs Lecours et Nantel, spécialistes en toxicologie et du témoignage du docteur Nantel, retient les éléments suivants :

-     Le travailleur fume environ une vingtaine de cigarettes par jour depuis plus de 30 ans. Un taux de 36 nmol/litre de cadmium sanguin doit être considéré normal compte tenu de ses habitudes tabagiques.

 

-          De plus, le cadmium sanguin du travailleur demeure dans le même ordre de grandeur bien que le travailleur ne travaille plus.

 

-          Les travaux de soudure, ponçage, peinture, usinage et finition qui caractérisent les divers postes de travail du travailleur n’ont pu entraîner qu’une exposition légère à modérée au cadmium. Aucune évaluation en hygiène industrielle qui permettrait de quantifier cette exposition n’a été produite.

 

-          L’intoxication chronique au cadmium se caractérise principalement par une atteinte pulmonaire obstructive et une atteinte tubulaire rénale (protéinurie, aminoacidurie et glycosurie).

 

-          Le travailleur présente une protéinurie. Deux dosages de protéinurie des 24 heures apparaissent au dossier soit 0.48 g/d le 2 juin 2003 et 0.96 g/d le 17 mars 2004; la normale étant jusqu’à 0.15 g/d. Par contre le cadmium urinaire et la bêta-2-microglobuline urinaire sont normaux. Si la protéinurie anormale du travailleur était en relation avec une intoxication au cadmium, le cadmium urinaire et la bêta-2-microglobuline seraient élevés. Le travailleur est aussi porteur d’un diabète de type 2 qui peut expliquer sa protéinurie.

 

-          Les tests de fonction respiratoire passés par le travailleur suggèrent une maladie pulmonaire obstructive. Cette atteinte pulmonaire peut aussi être reliée au tabagisme important du travailleur.

 

[18]           Les docteurs Lecours et Nantel concluent respectivement que le travailleur n’a pas subi une intoxication au cadmium.

[19]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’employeur a renversé la présomption de maladie professionnelle dont bénéficiait le travailleur.

[20]           L’article 30 de la loi se lit comme suit :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[21]           À l’analyse des éléments contenus au dossier du travailleur, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il n’est pas démontré que l’intoxication au cadmium diagnostiquée constitue une maladie caractéristique ou reliée aux risques particuliers du travail exercé par le travailleur.

[22]           En effet, aucune étude scientifique ou épidémiologique ne permet de retenir que cette maladie est davantage présente chez des personnes qui exercent le même travail que le travailleur, pour le même groupe d’âge, que dans la population en général. Il n’est pas démontré également que d’autres personnes, placées dans les mêmes conditions de travail, seraient susceptibles de développer la même maladie[3].

[23]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les éléments contenus au dossier du travailleur ne permettent pas de retenir que les activités exercées par le travailleur, en raison de leur nature ou de leurs conditions habituelles d’exercice, lui font encourir un risque particulier[4] de développer une intoxication au cadmium.

 

 

[24]           Quant à une intoxication au manganèse dont il est fait mention par le docteur Lecours, la Commission des lésions professionnelles retient que les éléments contenus au dossier du travailleur ne permettent pas de conclure que ce dernier a été exposé de façon significative au manganèse notamment faute d’une démonstration prépondérante qu’il s’est adonné à des activités de soudure sur des métaux durs et des carbures métalliques pendant des périodes prolongées. De plus, les évaluations des docteurs Roux et Chouinard, neurologues, éliminent une maladie neurologique comme un syndrome parkinsonien.

[25]           Compte tenu des motifs exprimés précédemment, la Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’intoxication au cadmium ne constitue pas une maladie professionnelle au sens de la loi, tout comme une intoxication au manganèse soulevée au cours de l’évaluation médicale.

[26]           La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux bénéfices de la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Louis-Marie Trudel déposée le 22 octobre 2004;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Louis-Marie Trudel n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux bénéfices de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Me Pierre Prégent

 

Commissaire

 

 

 

Me Marie-Claude Jutras

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 


JURISPRUDENCE  DÉPOSÉE  PAR  LA  CSST

 

 

 

Guy Michaud et Aubé Pontiac Buick ltée, Débosselage du Nord, Gaétan Laforest, Gareau Auto inc., Gareau Toyota, Hardy Ringuette Automobiles, L. Fournier et Fils inc., CLP, 231056-08-0404, 2006-07-12, G. Morin



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Société canadienne de Métaux Reynolds ltée c. C.A.L.P., [1989] C.A.L.P. 891 (C.S.); Papiers Scott ltée et Beaudoin, [1987] C.A.L.P. 126 ; Société canadienne des postes et Bilodeau, 08815-63-8808, 98-01-23, J.-M. Dubois, (J9-13-49), révision rejetée, [1998] C.L.P. 1151 ; Simard et Société canadienne des postes, [1998] C.L.P. 1201 , révision rejetée, 101150-02-9805, 01-03-19, C. Lessard.

[3]           Versabec inc. et Levasseur, 39198-60-9204, 94-06-29, L. Thibault; Entreprises d’émondage LDL inc. et Rousseau, 214662-04-0308, 05-04-04, J.-F. Clément.

[4]           Société canadienne des postes et Côté, 88086-05-9704, 99-12-12, F. Ranger; Marché Fortier ltée et Fournier, [2001] C.L.P. 693 .

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