Simard et Olymel St-Hyacinthe |
2009 QCCLP 6652 |
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[1] Le 3 septembre 2008, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 août 2008 lors d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 6 juin 2008 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des traitements de chiropractie qu’il réclame au motif qu’ils ont été dispensés au travailleur avant la prescription émise par le médecin qui a charge du travailleur.
[3] L’audience s’est tenue à St-Hyacinthe le 16 septembre 2009 en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur a avisé le tribunal de son absence et du fait qu’il ne serait pas représenté, demandant simplement au tribunal de rejeter la requête du travailleur.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût des traitements de chiropractie reçus entre le 9 novembre 2005 et le 7 mai 2008 et prescrits par son médecin, la Dre Luneau.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs partagent le même avis et croient que la requête du travailleur doit être accueillie en partie.
[6] Les membres sont d’avis que dans la mesure où la Commission des lésions professionnelles a reconnu, le 26 février 2008, que le travailleur a subi une entorse lombaire le 15 décembre 2005, celui-ci a droit au remboursement des traitements de chiropractie reçus à compter de cette date, les membres considérant que le médecin du travailleur, à cette même date, a prescrit lesdits traitements, même si le travailleur avait déjà commencé à les recevoir.
[7] Les membres considèrent que le travailleur a droit au remboursement de ses traitements de chiropractie jusqu’au 6 novembre 2006 seulement puisqu’à cette date, son chiropraticien notait que les maux de dos du travailleur étaient résolus.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] De l’analyse du dossier et à la lumière du témoignage du travailleur, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments suivants.
[9] Le travailleur occupe un poste d’homme de plancher chez l’employeur depuis plusieurs années lorsqu’il subit un premier accident du travail le 25 janvier 2000, s’infligeant alors une tendinite de la coiffe des rotateurs.
[10] Cette lésion reconnue par la CSST comme une maladie professionnelle, est déclarée consolidée le 24 octobre 2000 à la suite d’un avis du Dr Wiltshire, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale. Un rapport d’évaluation médicale (REM) produit le 24 novembre 2000 établit que le travailleur conserve de sa lésion une limitation fonctionnelle ainsi qu’un déficit anatomo-physiologique (DAP) de 3 %.
[11] Le 1er avril 2005, le travailleur subit une nouvelle lésion professionnelle alors qu’il tente de déplacer une cage de métal de 100 kilogrammes. Le diagnostic retenu par le Dr Gaudet, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, est celui d’entorse lombaire, le médecin retenant également que la lésion est consolidée le 12 juillet 2005, sans nécessité de traitement après cette date.
[12] La Dre Micheline Luneau, médecin traitant, produit un rapport final le 16 août 2005 dans lequel elle retient le diagnostic d’entorse lombaire sur arthrose. Le médecin mentionne « qu’il persiste chez le travailleur de la douleur sans limitation au niveau de la mobilité ». Elle conclut que le travailleur ne conserve ni atteinte permanente à son intégrité physique (APIPP), ni limitations fonctionnelles de sa lésion.
[13] La décision de la CSST, ayant entériné l’avis du Dr Gaudet, a donné lieu à une contestation de la part de l’employeur. Le 5 mai 2006, la Commission des lésions professionnelles a rendu une décision[1] entérinant un accord entre les parties dans ce litige.
[14] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que la lésion professionnelle, subie par le travailleur le 1er avril 2005 et lui ayant causé une entorse lombaire, est consolidée le 13 mai 2005, soit à la date retenue par le Dr Beauchamp, médecin choisi par l’employeur, sans nécessité de traitements ou de soins au-delà de cette date.
[15] Entre temps, le travailleur témoigne avoir débuté en novembre 2005, de sa propre initiative, des traitements de chiropractie en raison des douleurs persistantes qu’il ressent au cou et au dos, ajoutant que ces traitements ne lui avaient pas été prescrits à ce moment. Il en assume alors le coût.
[16] Le travailleur décrit qu’il reçoit des traitements de chiropractie à la fois pour ses douleurs au cou, au dos et à la région lombaire, précisant un besoin surtout au niveau du cou et en lombaire.
[17] Le 15 décembre 2005, le travailleur consulte la Dre Luneau. Le médecin pose alors le diagnostic d’entorse lombaire récidivante améliorée par des traitements de chiropractie et ne recommande pas d’arrêt du travail.
[18] Le travailleur témoigne que la Dre Luneau lui prescrit à ce moment de continuer les traitements de chiropractie entrepris, mais il ne peut préciser si un «formulaire de prescription » lui a été remis lors de cette visite. À l’attestation médicale émise, la Dre Luneau note « traitements de chiro à poursuivre ».
[19] Le 20 décembre 2005, le travailleur produit une réclamation à la CSST pour une « récidive, une rechute ou une aggravation, le 24 novembre 2005, des lésions professionnelles initialement subies le 25 janvier 2000 et le 1er avril 2005. Au formulaire produit, le travailleur mentionne ceci :
« J’ai eu un événement le 26 janvier 2000. Depuis mon retour au mois de juin 2000, je suis resté avec des douleurs cervicales et également des maux de tête.
Je travaille quand même depuis ce temps avec la douleur. Durant les dernières années j’ai suivi des traitements d’acupuncture, de physiothérapie, ergothérapie, massothérapie, mais sans succès et la douleur m’empêche de dormir.
En avril 2005, j’ai eu un événement pour entorse lombaire et ma douleur cervicale a augmenté légèrement. Depuis le 3 novembre 2005, j’ai commencé des traitements de chiro et cela me fait du bien. J’en ai discuté avec mon médecin et celui-ci m’a dit de continuer si cela me soulageait. »
[20] Le 26 janvier 2006, le travailleur revoit la Dre Luneau qui pose les diagnostics « d’entorse lombaire récidivante, de douleur cervicale et hernie amélioré avec chiro; programme de plusieurs mois en cours ». Le médecin note une bonne évolution et indique « chiro à poursuivre pour 1 an ».
[21] Le 7 mars 2006, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare qu’il n’y a pas de lien entre le diagnostic d’entorse lombaire récidivante, de douleur cervicale et de hernie et l’événement du 26 juin 2000, refusant la réclamation du travailleur pour une récidive, une rechute ou une aggravation qui serait survenue le 14 décembre 2005.
[22] Le même jour, la CSST rend une seconde décision par laquelle elle déclare qu’il n’y a pas de lien entre les diagnostics de douleur cervicale et de hernie et l’événement du 1er avril 2005, refusant ainsi la réclamation du travailleur pour une récidive, une rechute ou une aggravation qui serait cette fois survenue le 15 décembre 2005.
[23] Ces deux décisions du 7 mars 2006 seront confirmées par la CSST en révision administrative le 31 mai 2006.
[24] Toutefois, le 26 février 2008, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[2] par laquelle elle déclare que les diagnostics de « douleur cervicale, de hernie discale et d’entorse lombaire récidivante » ne sont pas reliés à la lésion professionnelle subie le 25 janvier 2000 et, donc, que le travailleur n’a pas subi le 14 décembre 2005 une récidive, une rechute ou une aggravation de cette lésion du 25 janvier 2000.
[25] De même, la Commission des lésions professionnelles déclare par cette même décision que les diagnostics de « douleur cervicale et de hernie discale » ne sont pas reliés à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 1er avril 2005.
[26] Cependant, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 15 décembre 2005 dont le diagnostic est celui d’entorse lombaire.
[27] Dans l’analyse qu’il fait, le tribunal écrit alors ceci :
[31] Par contre, le tribunal doit examiner le diagnostic « entorse lombaire récidivante ». Il est noté que la CSST n’a pas disposé de ce diagnostic dans sa décision du 7 mars 2006, même s’il a été posé le 15 décembre 2005, neuf mois après la reconnaissance par la CSST de l’entorse lombaire survenue le 1er avril 2005.
[32] Le tribunal a souventes fois conclu que la nature d’une lésion, dont le diagnostic est entorse, est de guérir en laissant ou non des séquelles selon qu’elle ait été grave ou légère. Toutefois, cela n’empêche pas la survenance d’une nouvelle entorse au même site qu’une entorse antérieure et c’est ce que conclut le tribunal.
[33] À la lumière du témoignage du travailleur concernant la persistance de la douleur au dos, et du diagnostic posé par la docteure Luneau le 15 décembre 2005, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’une nouvelle entorse s’est produite le 15 décembre 2005. La douleur au dos est devenue importante le 15 décembre 2005, et le médecin traitant a posé le diagnostic d’« entorse lombaire récidivante » après avoir examiné le travailleur. Il s’agit d’une lésion professionnelle, qu’il s’agisse d’une nouvelle entorse au même site ou d’une augmentation significative de la douleur le 15 décembre 2005, ou d’une aggravation de la condition pathologique du travailleur au dos.
(Les soulignements sont du soussigné)
[28] À compter du 23 mai 2008, un agent de la CSST contacte le travailleur pour l’informer du suivi à donner à son dossier à la suite de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles.
[29] Dans une note du 29 mai 2008, l’agent rapporte ceci :
ASPECT MÉDICAL :
Suite à notre fax, le Dre Luneau nous contacte.
Appel du Dr Luneau :
Le md traitant nous indique qu’elle n’a pas d’événement en date du 05.12.15. Nous lui indiquons que la CLP a pris une date fictive pour créer une RRA. Cependant, nous avons des RME mentionnant un événement du 05.11.24 qui n’est pas fermé par RMF.
Dre Luneau nous indique qu’elle n’a pas revu le T pour ce problème après le 06.01.26. Nous convenons que la date de conso retenue sera le 06.01.26.
Elle nous enverra le RMF.
[30] Le même jour, la Dre Luneau produit un rapport final dans lequel le médecin indique un événement du 24 novembre 2005, une visite du 26 janvier 2006 et elle mentionne : « entorse lombaire récidivante chiro à poursuivre pour un an ». Elle indique que la lésion du travailleur est consolidée le 26 janvier 2008 et que le travailleur ne conserve de sa lésion ni limitations fonctionnelles, ni atteinte permanente.
[31] Le 5 juin 2008, l’agent note ceci :
« Appel de M. Fournier :
Nous indiquons au repr. syndical que le dossier a été accepté au 05.12.15 et le md consolide la lésion en janvier 2006. Nous lui expliquons que le T a déclaré ses tx sur son rapport d’impôt. Il a donc eu un crédit pour les tx.
De plus, il a eu un remboursement de sa cie d’assurance. Avant de rembourser les tx, il faudrait s’assurer que le T ait remboursé l’assureur et modifié ses déclarations d’impôt pour 2005 et 2006.
De plus, les tx ont été donnés pour des problèmes au niveau cervical et de la hernie, qui sont des dx refusés par la CLP.
M. Fournier nous réfère au document du chiro en date du 08.05.07. Après en avoir pris connaissance, nous constatons 2 éléments :
1. À la section « histoire », le chiro indique que le T développe des céphalées suite à un mal de cou en 2000 dans le cadre de son travail. En dernier lieu, il mentionne que le patient lui a « aussi » fait part d’une dlr lombaire chronique qui aurait débuté en 2005 suite à un accident de travail.
2. À la section « motif de consultation », le chiro indique que le T se plaint d’une douleur au cou principalement. Pour ce qui est des dlrs lombaires, on parle d’une irradiation.
Nous expliquons au repr. syndical que les tx ont été donnés pour une entorse cervicale et la hernie discale qui ont été refusés par la CSST et la CLP. »
[32] Le 6 juin 2008, la CSST refuse la demande de remboursement des frais de chiropractie produite par le travailleur. Dans sa note rédigée la veille, l’agent indique ceci :
« Avons reçu facture du T pour des soins de chiro.
Les soins reçus couvrent la période du mois de novembre 2005 à mai 2008.
Considérant que la date de RRA est en décembre 2005 et que les soins ont débuté en novembre 2005, soit avant le FA accepté par la CLP;
Considérant que lors de la conversation avec le Dre Luneau , celle-ci nous indiquait qu’elle n’avait pas suivi le T pour le problème lombaire après janvier 2006 et que la lésion était consolidée à ce moment;
Considérant que sur le RME du 06.01.26, le md indique « HD amélioré avec chiro, poursuivre X 1 an »;
Considérant que selon le document du chiro, les soins donnés le sont pour un problème cervical et une irradiation, dx refusés par la CSST;
Considérant que les tx sont donnés pour un maintien de la condition chronique du T selon chiro;
Considérant que la cie d’assurance du T a payé pour une partie des tx;
Considérant que le T a réclamé la balance des tx dans son rapport d’impôt;
Nous refusons le remboursement des frais pour les raisons mentionnées. »
[33] On retrouve au dossier deux rapports du Dr Jean-Sébastien Gélinas, le chiropraticien ayant prodigué les traitements reçus par le travailleur et visés à sa demande de remboursement.
[34] Dans le premier rapport, daté du 1er août 2007, le Dr Gélinas rapporte un examen physique fait le 6 novembre 2006 et intéressant exclusivement la région des épaules et la région cervicale du travailleur. Le Dr Gélinas écrit alors ceci :
Diagnostic et impressions cliniques:
Dx : Suite à l’étude de l’histoire du cas et des résultats de l’examen physique, mon impression clinique est que M Gérald Simard souffre d’un complexe de subluxation vertébrale à C2, C3, C5, C6 accompagné d’hypertonicité des muscles rhomboïdes et sous-occipitaux.
Traitement
En date du 6 novembre 2006, M. Simard avait reçu une série de 84 traitements chiropratiques. Ces soins consistaient en des ajustements de la colonne cervicale , thoracique et lombaire, des réductions de points ischémiques et des thérapies de tissus mous de la musculature cervicale. Le but de ces soins consistaient en la réduction des symptômes et le rétablissement du bon alignement de la colonne vertébrale du patient. La procédure de soin est basée sur la technique CBP (Chiropractic Biophysic Protocol).
Présentement, M. Simard poursuit des soins chiropratiques de maintient et de prévention. Les procédures de soins demeurent les mêmes mais à raison de 1 visite toutes les 3 semaines.
Progrès
Depuis la première visite du 9 novembre 2005 jusqu’au 6 novembre 2006, le patient me mentionne une amélioration globale concernant ses céphalées devenues moins intenses et ses maux de dos qui sont disparus. De plus, il remarque être moins tendu de façon générale. [sic]
(Les soulignements sont du tribunal)
[35] Interrogé spécifiquement par le tribunal sur la mention du Dr Gélinas voulant que « ses maux de dos sont disparus », le travailleur nie le tout, ajoutant qu’il a continué à ressentir des douleurs jusqu’à ce jour.
[36] Dans le second rapport, daté du 7 mai 2008, le Dr Gélinas mentionne ceci :
Histoire
M. Gérald Simard est un travailleur d’usine à la production âgé de 54 ans qui s’est présenté à ma clinique le 2 novembre 2005. Il me mentionne qu’il a développé en 2000, dans le cadre de son travail, une douleur au cou accompagnée de céphalées. Les douleurs sont présentes de façon constante. Il a consulté son médecin qui lui a suggéré une médication et des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
Le patient m’a aussi fait part d’une douleur lombaire de nature chronique qui a débuté en 2005 suite à un accident du travail.
[…]
Motif de consultation du patient
M. Simard se plaint d’une douleur au cou de type raideur qui est constante quotidiennement depuis l’année 2000. Elle est localisée entre C2 et T1 centralement et au niveau de l’érecteur du rachis cervical et provoque des céphalées rétro-orbitaires. Il ressent une irradiation dans les articulations de membre supérieur. La douleur est pire lorsqu’il est assis et immobile et semble s’améliorer avec le mouvement. De façon générale, ses symptômes s’aggravent. Il prend un médicament anti-épileptique à effets secondaires de somnolence pour combattre la douleur.
Les douleurs lombaires à la hauteur L3, L4, L5 et sacro-iliaque sont quant à elles constantes et de type raideur. Il y a une irradiation au niveau des fesses à l’occasion sans présenter de perte de force ni perte de sensibilité.
Examen physique pratiqué en 2005
L’examen de la posture démontra des débalancements importants. L’examen des amplitudes de mouvements passifs et actifs des régions cervicales et lombaire se fait avec beaucoup de restrictions et de douleurs dans toutes les amplitudes.
[…]
L’évaluation du jeu articulaire du rachis cervical effectuée selon Bergmann démontre les restrictions de mouvements au segments C2-C3-C4-C5-C6,C7-T1-T2, L4,L5 et sacro-iliaque. La palpation des tissus mous a permis de déceler des tensions musculaires et des points gâchettes aux niveaux des muscles trapèze, supra-épineux droit, rhomboïdes, sous-occipitaux, élévateur de la scapula bilatéralement et érecteur du rachis lombaire.
[…]
Progrès
Depuis la première visite du 9 novembre 2005 jusqu’au 6 novembre 2006, le patient me mentionne une amélioration globale concernant ses céphalées et ses maux de dos devenues moins intenses. De plus, il remarque être moins tendu de façon générale.
En contre partie, depuis son suivi périodique de maintient à raison d’un traitement par mois, M. Simard est toujours très tendu au niveau du cou et du bas du dos. En effet, il présente des maux de tête, de cou et du bas du dos d’une intensité modérée. C’est un signe probant que les blessures sont toujours présentes. [sic]
[37] À la lumière de l’ensemble de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des traitements de chiropractie reçus entre le 9 novembre 2005 et le 7 mai 2008.
[38] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] prévoit ceci :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
[…]
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[39] Le règlement auquel réfère l’article 189(5°) de la Loi est le Règlement sur l’assistance médicale[4]. Ce règlement a été modifié en novembre 2007[5]. Le tribunal reproduit ci-après les passages pertinents du texte du règlement en vigueur en décembre 2005, au moment de la survenue de la lésion professionnelle du travailleur, soit le 15 décembre 2005, et des modifications subséquentes apportées aux articles 3 et 6 :
2. Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l'assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d'une lésion professionnelle.
D. 288-93, a. 2.
3. La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.
De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d'une copie de l'ordonnance du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l'intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût.
L'ordonnance du médecin peut être détaillée ou prendre la forme d'une adresse à un intervenant de la santé.
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3. La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.
De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d'une copie de la prescription du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l'intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût. |
D. 288-93, a. 3. |
D. 288-93, a. 3; D. 888-2007, a. 2. |
[…]
6. La Commission assume le coût des soins et des traitements déterminés à l'annexe I, jusqu'à concurrence des montants qui y sont prévus, lorsqu'ils sont fournis personnellement par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier.
La Commission assume également le coût des examens de laboratoire effectués dans un laboratoire de biologie médicale au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (L.R.Q., c. P-35) et des règlements pris en application de cette loi jusqu'à concurrence des montants prévus à l'annexe I. |
6. La Commission assume le coût des soins et des traitements déterminés à l'annexe I, jusqu'à concurrence des montants qui y sont prévus, lorsqu'ils sont fournis personnellement par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier.
La Commission assume également le coût des examens de laboratoire effectués dans un laboratoire de biologie médicale au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (L.R.Q., c. L-0.2) et des règlements pris en application de cette loi jusqu'à concurrence des montants prévus à l'annexe I. |
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D. 288-93, a. 6.
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D. 288-93, a. 6; D. 888-2007, a. 3. |
(a. 5, 6, 7, 9, 14, 16 et 17)
SOINS ET TRAITEMENTS DISPENSÉS PAR DES INTERVENANTS DE LA SANTÉ
Chiropratique
Traitement de chiropratique, par
séance (Ce montant inclut le
coût des radiographies)
[40] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, à la lumière des dispositions légales mentionnées ci-dessus, le travailleur a droit au remboursement des frais de chiropractie qu’il réclame, mais en partie seulement, et ce, pour les motifs suivants.
[41] Tout d’abord, il est indéniable que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 15 décembre 2005. La décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 26 février 2008 à cet égard est finale et lie le présent tribunal.
[42] Selon cette décision, seul le diagnostic d’entorse lombaire a été reconnu. Par ailleurs, bien que la CSST ait noté qu’il n’y a pas de réclamation correspondant à un événement au 15 décembre 2005 pour une entorse lombaire[6] , il est apparent que la Commission des lésions professionnelles, dans sa décision du 26 février 2008, rattache le diagnostic d’entorse lombaire qu’elle retient au fait que ce diagnostic est posé par la Dre Luneau le 15 décembre 2005.
[43] Or, à cette date, la Dre Luneau indique également à l’attestation médicale qu’elle émet « entorse lombaire récidivante améliorée par des traitements de chiropractie » et « traitements de chiro à poursuivre ».
[44] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, bien qu’à la même période la preuve révèle que le travailleur ait été affligé de douleurs au niveau cervical et qu’une hernie discale avait également été diagnostiquée chez lui, le seul diagnostic posé par la Dre Luneau le 15 décembre 2005 est celui d’entorse lombaire.
[45] Il en découle que le médecin autorise, en fait prescrit, des traitements de chiropractie pour cette seule pathologie à ce moment.
[46] Lors de la visite suivante du travailleur, le 26 janvier 2006, la Dre Luneau énonce : « entorse lombaire récidivante, + douleur cervicale + hernie amélioré avec chiro; programme de plusieurs mois en cours ». Le médecin note une bonne évolution et indique « chiro à poursuivre pour 1 an ».
[47] De l’avis du tribunal, la Dre Luneau « prescrit » à ce moment, à nouveau au travailleur, des traitements de chiropractie. Pour le tribunal, la Dre Luneau prescrit lesdits traitements, à la fois pour son entorse lombaire récidivante, sa douleur cervicale et sa hernie. Le tribunal ne partage pas l’avis de l’agent de la CSST voulant que les traitements étaient requis pour la seule hernie[7].
[48] À ce sujet, le tribunal est bien conscient que les réclamations du travailleur pour les problèmes cervicaux et de hernie discale qu’il vivait en 2005-2006 ont été refusées par la Commission des lésions professionnelles dans la décision du 26 février 2008 et que le travailleur n’a pas droit au remboursement de soins qui seraient en lien avec ces pathologies, puisqu’elles ne constituent pas des lésions professionnelles alors que l’article 2 du Règlement précité mentionne bien que les soins qui font partie de l'assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur sont ceux que requiert son état en raison d'une lésion professionnelle.
[49] Cependant, de l’avis du tribunal, il est virtuellement impossible de départager à la lumière de cette seule attestation du 26 février 2006, les raisons de cette prescription, comme semble pourtant l’avoir fait l’agent de la CSST[8] : les traitements de chiropractie sont-ils requis pour traiter l’entorse, la douleur cervicale, la hernie? Toutes ces pathologies?
[50] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles s’en remet au témoignage non contredit du travailleur à l’effet que les traitements reçus du Dr Gélinas, chiropraticien, visaient à la fois les régions cervicale, dorsale et lombaire.
[51] Au surplus, si les rapports fournis par le Dr Gélinas et datés du 1er août 2007 et du 7 mai 2008 semblent faire davantage état d’une problématique cervicale chez le travailleur, lesdits rapports mentionnent par ailleurs la présence de traitements également prodigués au niveau lombaire.
[52] De même, les factures soumises aux fins du remboursement demandé corroborent en partie le témoignage du travailleur dans la mesure où l’on y mentionne la fourniture d’un coussin de traction lombaire.
[53] L’article 3 du Règlement sur l’assistance médicale édicte que la CSST assume le coût des soins prévus au Règlement s’ils sont prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant qu’ils ne soient reçus.
[54] De l’avis du tribunal, aucune formule sacramentelle n’est requise pour une telle prescription et les attestations médicales émises par la Dre Luneau le 15 décembre 2005 et le 26 janvier 2006 constituent, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, une prescription valide des traitements de chiropractie en litige. Pour les fins du traitement de la réclamation, on saurait difficilement reprocher au travailleur le fait que son médecin n’ait pas fourni une « ordonnance »[9] ou une « prescription »[10].
[55] Par ailleurs, le texte du Règlement est cependant limpide quant au fait que la CSST n’assume le coût des traitements en question que si les traitements sont prescrits avant que d’être reçus. De l’avis du tribunal, le travailleur n’a en conséquence le droit d’être remboursé que pour les seuls traitements prescrits à compter du 15 décembre 2005 par son médecin et reçus après cette date.
[56] De même, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a droit au remboursement des traitements de chiropractie jusqu’au 6 novembre 2006 seulement.
[57] En effet, les seules prescriptions de traitements de chiropractie de la part d’un médecin que l’on retrouve au dossier sont celles du Dre Luneau du 15 décembre 2005 et 26 janvier 2006. Dans cette dernière attestation, le médecin prescrivait lesdits traitements « pour un an », ce qui en théorie, devrait permettre des traitements jusqu’en janvier 2007.
[58] Toutefois, si le tribunal a déjà indiqué qu’il était difficile de distinguer si les traitements prescrits étaient requis pour les autres malaises affligeant le travailleur ou pour l’entorse lombaire récidivante du 15 décembre 2005, il apparaît cependant clairement du rapport du Dr Gélinas du 1er août 2007 que lors de sa rencontre du 6 novembre 2006, de l’avis même du travailleur, « ses maux de dos étaient résolus ».
[59] Le tribunal comprend des propos du travailleur à l’audience, lorsque interrogé à ce sujet par le tribunal et qui a nié ce passage du rapport du Dr Gélinas, qu’en définitive, il a continué à avoir mal « au dos » après novembre 2006 et a reçu d’autres traitements de chiropractie.
[60] Néanmoins, la Commission des lésions professionnelles considère dans les circonstances que la note du Dr Gélinas est éloquente : les maux de dos étaient résolus.
[61] Si le travailleur a pu continuer à recevoir des traitements pour son entorse lombaire après le 6 novembre 2006, bien que le chiropraticien ait noté que les « maux de dos étaient résolus », le tribunal ne peut considérer que les traitements subséquents ont alors été « prescrits » par le médecin qui a charge du travailleur, aucune attestation n’apparaissant au dossier à cet effet.
[62] Au demeurant, à la lumière des commentaires de la Dre Luneau à l’agent d’indemnisation au dossier le 29 mai 2008, il serait étonnant que la Dre Luneau ait agi de la sorte puisqu’il appert qu’elle n’a pas revu le travailleur « pour sa condition lombaire après le 26 janvier 2006 ».
[63] À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la mention de la Dre Luneau au rapport final du 29 mai 2008 à l’effet de « poursuivre les traitements pour un an » ne constitue pas une nouvelle prescription de traitements de chiropractie pour le travailleur, à compter dudit rapport final, mais est en fait une reproduction de l’opinion qu’elle avait émise en janvier 2006, s’inscrivant dans le contexte de l’émission du rapport final demandé par l’agent de la CSST.
[64] Le tribunal ne saurait voir dans cette note un fondement pour refuser, comme l’a fait l’agent et la révision administrative, de rembourser au travailleur les soins en question au motif qu’ils ont été reçus avant d’être prescrits. Manifestement, le travailleur réclamait le remboursement des soins prescrits en 2006 et reçus à cette période et non des traitements prescrits en mai 2008.
[65] Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a droit au remboursement des seuls traitements de chiropractie qui lui ont été prescrits et qui ont été reçus entre le 15 décembre 2005 et le 6 novembre 2006 selon le tarif applicable à cette période.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur déposée le 3 septembre 2008;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 août 2008 lors d’une révision administrative.
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de chiropractie pour les traitements reçus entre le 15 décembre 2005 et le 6 novembre 2006, selon le tarif applicable à cette période.
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Michel Watkins |
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Guy Rivard |
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T.U.A.C. (LOCAL 1991-P) |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Sylvain Chabot |
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OGILVY RENAULT |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] Olymel Saint-Hyacinthe et Simard, C.L.P. 270869-62B-0509, 5 mai 2006, N. Blanchard.
[2] Simard et Olymel St-Hyacinthe et CSST, C.L.P. 291341-62B-0605 et 291350-62B-0605, 26 février 2008, J.C. Danis.
[3] L.R.Q. c. A-3.001
[4] (1993) 125 G.O. II, 1331
[5] D. 888-2007, a. 2.
[6] Selon la note du 29 mai 2008.
[7] Selon la note du 6 juin 2008.
[8] Selon les notes du 5 et du 6 juin 2008.
[9] Article 3 paragraphe 2 du Règlement
[10] Article 3 paragraphe 2 du Règlement tel que modifié.
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