Montréal (Ville de) et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2010 QCCLP 6870 |
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[1] Le 9 janvier 2009, la Ville de Montréal (l'employeur) dépose une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative, le 19 décembre 2008.
[2] Par cette décision, la CSST maintient celle rendue initialement en imputation le 20 juin 2008 pour conclure que l'employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie le 16 août 2005 par monsieur Jonathan Fontaine (le travailleur).
[3] Une audience a été tenue initialement devant une autre juge administratif, le 12 janvier 2010, en présence de la partie requérante et le dossier a été mis en délibéré le même jour.
[4] Pour sa part, la CSST avait avisé de son absence à l’audience et par l’entremise de son procureur, Me David Martinez, a fait parvenir une argumentation écrite datée du 11 janvier 2010.
[5] Toutefois, en raison de l’impossibilité pour la juge administratif d’exercer ses fonctions pour des raisons de santé, la partie requérante a consenti à ce qu’un autre juge administratif rende la décision[1].
[6]
Une ordonnance du président de la Commission des lésions professionnelles, émise en vertu des articles
418
et
[7] Le 26 juillet 2010, le dossier est mis en délibéré par la soussignée.
[8] Afin de rendre la décision, la soussignée a écouté l’enregistrement de l’audience tenue le 12 janvier 2010.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[9] La procureure de l'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que ce dernier a droit à un partage d’imputation dans les proportions suivantes : 10 % à son dossier financier et 90 % à l’ensemble des employeurs.
LES FAITS
[10] La preuve révèle que le 16 août 2005, le travailleur, âgé de 29 ans, est victime d’un accident du travail dans le cadre de ses fonctions d’agent de récupération ainsi décrit au formulaire Avis de l'employeur et demande de remboursement :
En voulant démêler des barricades prises ensemble j’ai tiré sur une barricade et j’ai ressenti une douleur (point) au bas du dos. Cette douleur est persistante.
[Dossier C.L.P., page 61]
[11] Le 17 août 2005, le docteur O. Arihan diagnostique une entorse lombaire pour laquelle il recommande un arrêt de travail.
[12] À compter du 10 octobre 2005, le docteur Arihan recommande une assignation temporaire.
[13] Le 11 novembre 2005, le docteur T.-T. Pham, radiologiste, interprète ainsi la résonance magnétique lombaire :
Constatations :
L4-L5 :
Dégénérescence discale avec légère perte de signal en T2. Léger bombement discal circulaire qui devient discrètement accentué en postéro-médian compatible avec une très discrète hernie sous-ligamentaire à large base à ce niveau faisant une légère indentation sur le contour antérieur du sac dural.
L5-S1 :
Très discrète hernie à large base foraminale gauche.
Les autres niveaux sont sans particularité.
Signal et position normaux du conus médullaire.
Signal normal des structures osseuses.
[Dossier C.L.P., page 74]
[14] Le 12 décembre 2005, le docteur Arihan ajoute au diagnostic d’entorse lombaire celui de dégénérescence discale avec petites hernies en L4-L5 et L5-S1. Il recommande toutefois la poursuite de l’assignation temporaire.
[15] Le 4 avril 2006, un médecin parle de discopathie en L4-L5 et L5-S1 pour laquelle il recommande des épidurales.
[16] Le 5 avril 2006, le docteur S. Ferron diagnostique une maladie discale dégénérative en L4-S1.
[17] Le 8 mai 2006, le docteur J. Jobin procède à des épidurales caudales sous fluoroscopie. Il recommande un arrêt de travail jusqu’au 10 mai 2006 puis de revoir le médecin traitant pour le suivi.
[18] Le 3 juillet 2006, le docteur Bergeron recommande des blocs facettaires.
[19] Le 17 août 2006, le docteur Jobin procède à des blocs facettaires en L3-L4, L4-L5 et L5-S1 gauche. Il recommande un arrêt de travail jusqu’au 21 août 2006 puis de revoir le médecin traitant pour assurer le suivi.
[20] Entre-temps, le 9 août 2006, un médecin désigné par la CSST, le docteur L. Besner, chirurgien orthopédiste, produit une expertise médicale. À la suite de son examen clinique du travailleur du 13 juillet 2006, il note que celui-ci a eu quatre « événements d’entorse lombaire en CSST », sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il note que celui-ci présente de la discopathie dégénérative à deux niveaux, soit en L4-L5 et L5-S1. Considérant le mécanisme de production de la lésion, soit une chute sur les fesses qui a provoqué une douleur lombaire, et comme il ne peut retenir le diagnostic de hernie discale car cliniquement, il n’y a pas d’irritation radiculaire et que l’examen neurologique est normal, il retient celui d’entorse lombaire à titre de lésion professionnelle. Il considère qu’elle est consolidée le 13 juillet 2006, avec suffisance de traitements et sans autre indication pour des blocs facettaires. Il retient un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles ainsi que des limitations fonctionnelles.
[21] Le 21 septembre 2006, le docteur Arihan, dans un rapport complémentaire, retient le diagnostic d’entorse lombaire accompagnée d’une maladie discale dégénérative en L4-L5 et L5-S1. Il mentionne son accord avec l’évaluation et les conclusions du docteur Besner.
[22] Le 3 octobre 2006, le docteur Y. Bergeron écrit, dans son rapport médical : blocs de branche médiane et ergothérapie.
[23] Le 17 octobre 2006, la CSST rend une décision d’admissibilité et refuse le nouveau diagnostic de hernie au niveau de L4-L5 et L5-S1 ainsi que celui de dégénérescence discale.
[24] Le 18 octobre 2006, le docteur Bergeron produit également un rapport complémentaire dans lequel il mentionne avoir pris connaissance des conclusions de l’évaluation du docteur Besner. Il souligne que l’épidurale n’a rien donné puisque les blocs facettaires ont amélioré la condition du travailleur pour environ une semaine. C’est la raison pour laquelle il poursuit par des blocs de branche médiane afin d’identifier s’il peut contrôler la douleur et, éventuellement, l’orienter vers une thermolésion. Il considère que la lésion n’est pas consolidée. Le générateur de la douleur n’ayant pas été identifié, par conséquent, les ressources thérapeutiques ne peuvent être déployées. Il considère que les traitements sont toujours indiqués.
[25] Le 5 novembre 2006, le docteur C. Fiset note une lombalgie chronique pour laquelle le travailleur est suivi en physiatrie et qu’il aurait connu une exacerbation « en se penchant chez lui ». Il recommande un arrêt de travail jusqu’au 10 novembre 2006.
[26] Le 13 novembre 2006, un membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur P.-P. Hébert, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur. En tenant compte des circonstances entourant l’apparition des symptômes, du diagnostic posé de façon contemporaine à l’événement, de l’évolution de la pathologie, de l’absence de signe clinique de hernie discale et de l’absence de compression radiculaire à l’imagerie par résonance magnétique, il retient le diagnostic d’entorse lombaire. Comme date de consolidation, il émet le 13 juillet 2006 puisque après cette date, les blocs facettaires n’ont apporté aucun élément bénéfique à long terme. Selon lui, la littérature médicale ne soutient pas, dans des articles scientifiques reconnus, l’efficacité objective à long terme des thermolésions. Il considère que les traitements étaient adéquats et suffisants jusqu’à cette date. Il octroie un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec séquelles objectives ainsi que des limitations fonctionnelles.
[27] Le 21 novembre 2006, la CSST entérine les conclusions émises par le membre du Bureau d’évaluation médicale dans une décision. À la même date, elle reconnaît aussi une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur de 2,20 %.
[28]
Le 6 décembre 2006, le docteur M. Truteau, médecin conseil de l'employeur,
estime qu’un partage d’imputation s’impose en vertu de l’article
Antécédents :
02-2002 : Entorse lombaire (2 mois)
06-2002 : Entorse lombaire (1 semaine)
03-2004 : Entorse lombaire (6 semaines)
01-2005 : Entorse lombaire (9 semaines)
Discussion :
M. Fontaine est âgé de 29 ans au moment d’un incident que l’on peut qualifier de banal (en tirant sur une barricade!).
On relève de nombreux antécédents d’entorse lombaire dès l’âge de 26 ans.
L’investigation donne réponse à ces nombreux incidents.
En effet, on découvre la présente d’une double discopathie au niveau L4-L5 et L5-S1.
Ces discopathies, hautement anormales considérant l’âge du travailleur, furent traitées par épidurale et blocs facettaires à trois niveaux […] par le docteur Bergeron.
Toutes les opinions médicales au dossier sont unanimes à reconnaître que M. Fontaine a pu subir une entorse lombaire mais qu’il est symptomatique de ces discopathies.
En conséquence, il nous apparaît évident qu’en raison de cette condition personnelle, reconnue par la CSST, la consolidation a été anormalement allongée (5 semaines versus 11 mois).
C’est pourquoi, nous vous demandons de bien vouloir procéder à un partage de l’ordre de 90% - 10% en faveur de la Ville de Montréal.
[29] Le 20 juin 2008, la CSST refuse la demande de partage d’imputation. Cette décision est maintenue à la suite d’une révision administrative le 19 décembre 2008. Contestée par l'employeur, cette décision fait l’objet du présent litige.
[30] Lors de l’audience tenue devant une autre juge administratif, le 12 janvier 2010, des documents ont été déposés, dont une résonance magnétique de la colonne lombaire, du 6 septembre 2007, ainsi interprétée par le docteur P. Kaplan, radiologiste (pièce E-2) :
1. Le conus médullaire est au niveau de L1.
2. Moelle épinière lombaire : la configuration et le signal sont normaux.
3. Structures osseuses : la moelle osseuse est normale. L’alignement est anatomique.
4. Espaces discaux, foramens latéraux, canal spinal et articulations facettaires : les niveaux L1-L2, L2-L et L3-L4 sont normaux, sans évidence de dégénérescence discale, hernie discale, sténose du canal spinal, sténose foraminale ou arthrose facettaire.
L4-L5 : légère discopathie dégénérative caractérisée par une dessiccation du disque, minime bombement diffus ainsi qu’une fissure annulaire postéro-centrale. Aucune hernie discale démontrée. Pas de sténose foraminale ou du canal central. Les articulations facettaires sont normales.
L5-S1 : petite protrusion discale à base large postéro-foraminale gauche causant une légère sténose du foramen gauche. Aucune sténose du canal central ou du foramen droit. Les articulations facettaires sont normales.
OPINION :
1. Légère discopathie dégénérative avec une fissure annulaire L4-L5.
2. Petite hernie discale postéro-foraminale gauche L5-S1.
[31] Un avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur R. Knight, est également déposé à la suite de l’examen clinique du travailleur le 25 février 2009. Cet examen réfère à la résonance magnétique du rachis lombaire du 6 septembre 2007 qui fait état d’une « légère discopathie dégénérative avec fissure annulaire L4-L5, petite hernie discale postéro-foraminale gauche à L5-S1 » (pièce E-3).
[32] Lors de l'audience, le docteur Truteau a également témoigné. À l’appui de ses prétentions, il a déposé certains extraits de littérature médicale dont l’un provient des auteurs Dupuis-Leclaire[3] (pièce E-1) et l’autre émane d’une revue médicale[4] (pièce E-4).
[33] Le docteur Truteau indique que le travailleur a subi un événement le 16 août 2005 qui est, d’un point de vue médical, bénin, puisque c’est en tirant des barrières qu’il a ressenti une douleur au dos pour laquelle un diagnostic d’entorse lombaire a été accepté par la CSST. La persistance des malaises a amené le médecin à le diriger vers différents spécialistes. Or, trois spécialistes se sont prononcés, dont le docteur Ferron, qui, pour une double discopathie, suggérait une chirurgie éventuelle. Le docteur Bergeron recommandait des épidurales et des blocs facettaires qui ne sont pas des traitements utilisés pour une entorse lombaire mais plutôt réservés pour une condition personnelle. Enfin, le docteur Besner a émis une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles d’ordre préventif en raison de la condition personnelle.
[34] Le docteur Truteau relève du dossier clinique que le travailleur n’est âgé que de 29 ans lors d’un événement très banal et qu’il était déjà porteur de quatre épisodes antérieurs d’entorse lombaire ayant débuté dès l’âge de 25 ans. Selon lui, l’événement de 2005 ne peut, à lui seul, expliquer une simple entorse lombaire rebelle avec des traitements conservateurs qui se poursuivent pendant plus d’un an.
[35] Or, le docteur Truteau est d’avis que l’investigation radiologique, dont la résonance magnétique, démontre clairement une atteinte dégénérative à deux niveaux. Certes, la résonance magnétique sans le contexte clinique est à la limite de la normalité et, prise isolément, elle ne peut expliquer les malaises persistants.
[36] Toutefois, selon le docteur Truteau, le travailleur est porteur d’un déplacement discal avec bombement de l’anneau fibreux sans fissuration visible au moment de cette résonance magnétique, qui représente un stade 2 s’acheminant vers une rupture d’anneau fibreux conduisant à une hernie franche avec signes neurologiques. Il dépose de la littérature dans laquelle les auteurs Dupuis-Leclaire procèdent à un historique des différents stades de la hernie discale qui démontre qu’effectivement, le travailleur en est déjà rendu au stade 2 puisque ce qui est responsable d’un bombement discal est le matériel discal qui est déplacé. La résonance magnétique démontre la présence d’un stade 2 puisque le matériel discal est déplacé et qu’il est inévitable que le travailleur, conséquence de cette double discopathie, présente une instabilité segmentaire mécanique de son rachis lombaire qui est responsable de la longue réponse aux traitements conservateurs. Malheureusement, le travailleur fait partie d’un faible pourcentage de gens chez qui seule une greffe avec fusion lombaire avec arthrodèse postérieure constitue une chirurgie de dernier recours.
[37] Selon les auteurs Dupuis-Leclaire, un travailleur qui présente un stade 2 va voir sa lésion évoluer avec le temps. Il réfère à la résonance magnétique du 6 septembre 2007, soit un mois après le retour au travail du travailleur et à la suite d’un nouvel événement, qui rapporte des trouvailles identiques à celles mentionnées auparavant. D’ailleurs, le membre du Bureau d’évaluation médicale en conclut que cette résonance magnétique fait état d’une discopathie dégénérative avec fissure annulaire démontrant que la condition personnelle a progressé.
[38] Le docteur Truteau réfère aux travaux des professeurs Farfan et autres[5] qui démontrent que toute atteinte de l’anneau fibreux entraîne une diminution significative de la résistance à tout stress de flexion et d’extension du rachis lombaire. Dès qu’un anneau est atteint, comme dans le présent cas, cela entraîne une perte de fonction du disque qui amène une instabilité et une perte de substance (pièce E-4). Il conclut que l’état préfissulaire du travailleur, illustré par la discopathie, le prédisposait à une blessure de son rachis.
[39] Ainsi, le travailleur présentait un tableau d’instabilité chronique, conséquence de ses atteintes dégénératives précoces qui affaiblissaient la résistance du disque lors de stress, d’efforts ou de torsions. Il est hautement anormal qu’une telle condition s’installe et qu’elle soit rebelle à toute approche de traitement.
[40] Le docteur Truteau conclut, de la preuve médicale, que le travailleur présentait une déficience significative, soit une instabilité sur un rachis lombaire, conséquence de ses atteintes dégénératives précoces. Le plan de traitement, dont les blocs facettaires, a donc été réservé pour la condition personnelle ainsi que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Selon lui, ces éléments permettent d’octroyer un partage d’imputation uniquement de l’ordre de 10 % au dossier financier du présent employeur.
[41] Le docteur Truteau rappelle également l’importance des conséquences de cette lésion professionnelle, puisque l’entorse lombaire aurait entraîné 332 jours de versement d’indemnités de remplacement du revenu en plus de 72 traitements de physiothérapie ainsi que des blocs facettaires et des épidurales. Normalement, la période de consolidation pour une entorse lombaire généralement reconnue est de 3 à 5 semaines, alors que dans le présent cas, 47 semaines ont été nécessaires. Il s’agit d’une consolidation anormalement longue d’une lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[42] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l'employeur a droit au partage d’imputation dans les proportions réclamées.
[43]
L’employeur appuie sa demande de partage de l’imputation sur l’article
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[44]
Le terme « travailleur déjà handicapé » a fait l’objet
d’une interprétation jurisprudentielle[7] par la Commission des lésions professionnelles. Celle-ci considère qu’un travailleur déjà handicapé,
au sens de l’article
[45] Selon la définition retenue par la jurisprudence, une déficience constitue une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale. Cette déficience peut être congénitale ou acquise.
[46] Selon la jurisprudence, l’employeur, qui désire obtenir l’application de l’article 329 en sa faveur, afin d’obtenir une imputation partagée et voir le travailleur reconnu « déjà handicapé » au sens de cet article, doit démontrer la présence de deux critères.
[47] En premier lieu, l’employeur doit démontrer, par une preuve prépondérante, que le travailleur était porteur d’une déficience avant que se manifeste sa lésion professionnelle. Puis, en deuxième lieu, il doit établir l’existence d’un lien entre cette déficience et la lésion professionnelle, soit en démontrant que la déficience a influencé l’apparition ou la production de la lésion professionnelle, soit parce qu’elle a agi sur les conséquences de cette lésion professionnelle.
[48] Pour la détermination de l’existence d’un lien entre la déficience et la lésion professionnelle et ses conséquences, la jurisprudence[8] a indiqué qu’il y avait lieu de considérer certains critères, tels la nature ou la gravité du fait accidentel; le diagnostic initial de la lésion professionnelle; l’évolution des diagnostics et la condition du travailleur; la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle; la durée de consolidation de la lésion compte tenu de la lésion professionnelle; la gravité des conséquences de la lésion professionnelle; les opinions médicales ainsi que l’âge du travailleur.
[49] La Commission des lésions professionnelles retient le témoignage non contredit du docteur Truteau voulant que le travailleur ait présenté un tableau d’instabilité chronique de son rachis lombaire, conséquence de ses atteintes dégénératives précoces pour un travailleur âgé de 29 ans au moment du fait accidentel, qui est hors norme et constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale.
[50] À ce sujet, le docteur Truteau interprète la résonance magnétique dans le contexte de tout l’historique clinique du travailleur pour conclure que ce dernier fait partie d’une minorité de personnes qui présentent de tels problèmes chroniques et évolutifs néfastes malgré leur jeune âge. Cette insuffisance discale aurait joué un rôle prépondérant sur la production même de la lésion professionnelle du 16 août 2005 vu l’événement, somme toute, bénin. L’investigation radiologique démontrait clairement une atteinte dégénérative à deux niveaux qui, selon la littérature médicale, permettait de constater que le travailleur en était rendu au stade 2. Ceci a amené comme conséquence que le travailleur présentait une instabilité segmentaire mécanique du rachis lombaire qui est d’ailleurs responsable de la non-réponse aux traitements conservateurs.
[51] Le docteur Truteau s’appuie sur les auteurs pour indiquer que toute atteinte de l’anneau fibreux entraîne une diminution significative de la résistance à tout stress de flexion ou extension du rachis lombaire.
[52] En résumé, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que le travailleur est âgé de 29 ans au moment de l’événement qui, médicalement, selon le témoignage du docteur Truteau, est effectivement banal, soit le fait d’avoir tiré des barricades. Au surplus, le travailleur est porteur de quatre épisodes antérieurs d’entorse lombaire ayant débuté quelques années auparavant. Une investigation a démontré une atteinte dégénérative à deux niveaux. Le docteur Truteau a expliqué que le travailleur présente un tableau d’instabilité chronique, conséquence de ses atteintes dégénératives précoces qui affaiblissent la résistance du disque lors de stress, d’efforts ou de torsions. Enfin, le traitement conservateur normal pour une entorse lombaire a échoué en raison du fait, selon le docteur Truteau, qu’une telle condition personnelle est rebelle à toute approche thérapeutique. Au surplus, le plan de traitement concernant les blocs facettaires et l’épidurale n’est pas un traitement généralement effectué dans le cas d’une entorse lombaire.
[53] La Commission des lésions professionnelles considère donc que l'employeur a démontré que la déficience a eu une incidence sur la production même de la lésion professionnelle et également sur les conséquences de celle-ci.
[54] En effet, la lésion professionnelle du 16 août 2005 a été consolidée que le 13 juillet 2006, représentant 332 jours d’indemnités de remplacement de revenu. Il est donc manifeste, de l’avis du docteur Truteau auquel concourt la soussignée, que la période de consolidation de la lésion professionnelle a été anormalement prolongée pour une simple entorse lombaire acceptée par la CSST qui, normalement, requiert de quatre à six semaines.
[55] Par conséquent, la proportion d’imputation suggérée par l'employeur, soit 10 % des coûts engendrés par cette lésion professionnelle, appert raisonnable.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par la Ville de Montréal le 9 janvier 2009;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, le 19 décembre 2008;
DÉCLARE que 10 % du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie le 16 août 2005 par monsieur Jonathan Fontaine doit être imputé à la Ville de Montréal, tandis que 90 % doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
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Doris Lévesque |
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Me Monique Martin |
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Ville de Montréal - section litiges |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Sylvana Markovic |
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Vigneault, Thibodeau, Giard |
Représentante de la partie intervenante
[1] Le consentement écrit a été transmis par la représentante de l'employeur, Me Monique Martin, le 13 juillet 2010.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] Michel DUPUIS et Richard LECLAIRE, Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, St-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 1986, p. 269-270.
[4] H. F. FARFAN, J. W. COSSETTE, G. H. ROBERTSON, R. V. WELLS et H. KRAUS, «The Effects of Torsion on the Lumbar Intervertebral Joints: The Role of Torsion in the Production of Disc Degeneration », Journal of Bone & Joint Surgery, American Volume, 1970; 52:468-497.
[5] Précitée, note 4.
[6] L.R.Q., c. A-3.001.
[7] Municipalité Petite-Rivière-St-François et CSST,
[8] Urgences Santé,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.