Décision

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L.B. et Compagnie A

2010 QCCLP 5482

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

21 juillet 2010

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

400938-04-1001

 

Dossier CSST :

131097495

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal, juge administratif

 

Membres :

Denis Gagnon, associations d’employeurs

 

Serge Saint-Pierre, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

L... B...

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Compagnie A

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 28 janvier 2010, monsieur L... B... (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 15 janvier 2010, rendue à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 10 novembre 2009 et déclare qu’elle est justifiée de refuser le remboursement de frais liés à la fécondation avec donneur de sperme externe.

[3]                À l’audience tenue le 2 juillet 2010 à Trois-Rivières, le travailleur est présent.  Compagnie A (l’employeur) est absent. Ce dernier ayant cessé ses activités.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a droit au paiement des frais de fécondation avec donneur de sperme externe.

[5]                Il s’agit d’une mesure pour atténuer ou faire disparaître les conséquences de sa lésion professionnelle du 23 janvier 2007.

LES FAITS

[6]                À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste de mécanicien en machinerie lourde.

[7]                Le 23 janvier 2007, alors qu’il est âgé de 29 ans, il subit un accident du travail. Il se trouve sous une débusqueuse pour effectuer une réparation, un essieu se détache et le frappe dans le dos.

[8]                Le travailleur subit une blessure médullaire en raison d’une fracture à D12. Il devient paraplégique. Il y a une perte de sensibilité à partir de l’ombilic jusqu’au niveau des membres inférieurs. Il n’a aucun mouvement moteur.

[9]                De cette lésion découlent également un problème de vessie neurogène, un intestin neurogène, une dysfonction érectile complète et des douleurs neurogènes à partir de l’ombilic jusqu’à l’aine.

[10]           Le 15 septembre 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle établit l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique à 296,97 %, dont 30 % pour douleur et perte de jouissance de la vie pour un trouble de la fonction sexuelle.

[11]           Le travailleur est admis en réadaptation. Plusieurs mesures lui sont accordées dont notamment de l’aide personnelle à domicile, une adaptation du véhicule ou du domicile.

[12]           Le 21 janvier 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle statue sur l’impossibilité de déterminer un emploi que le travailleur serait capable d’exercer à temps plein. Elle verse donc au travailleur une indemnité de remplacement du revenu selon les modalités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) dont notamment l’article 56 de la loi.

[13]           Entre-temps, le travailleur et sa conjointe manifestent leur intention d’avoir un deuxième enfant. Le travailleur en discute avec l’agente de la CSST, le 8 juillet 2008. On l’informe alors de la possibilité d’un support financier pour une fécondation in vitro.

[14]           Le travailleur doit entreprendre des démarches auprès de Procréa, à Québec, à l’automne 2008. Ces démarches sont toutefois retardées en raison de difficulté avec le transport durant l’hiver.

[15]           Ces démarches débutent en janvier 2009. Le travailleur doit être évalué par un urologue. Cette évaluation a lieu le 17 février 2009. D’autres tests sont à venir. Il doit notamment y avoir un prélèvement des spermatozoïdes le 15 juillet 2009.

[16]           La CSST accepte de payer les frais pour ces démarches en vue d’une fécondation in vitro. Il y a relation entre ce traitement de fécondation et la lésion professionnelle du 23 janvier 2007. La CSST indique ce qui suit :

«  - ASPECT FINANCIER :

Suite à l’aprobation de notre BM sur la relation entre le traitement de fécondation In Vitro et la lésion, nous examinons avec le BM la soumission soumis par la cie Procréa.

Nous comparons aussi les coûts versus la liste des prix affiché sur leur site Web, qui sont identiques.

 

La facture totale envisageable pour cette étape -ci est de 9500,00$.

Ce qui comprend le PESA (prélèvement de spermatozoïdes) à 2 500$ et une première micro-injection à 1500$.

Certains frais ne tel le PESA ne seront pas à payer de nouveau advenant un échec de la première tentative de fécondation.

Selon nos politiques, nous acceptons 4 tentatives de fécondation, toute payée séparément.

ous convenons que ces tarifs sont acceptables pour une première tentative, et spécifieront dans notre décision que pour toute nouvelle tentative, nous devrons recevoir une nouvelle soumission.

 

À ce 9500,00$ pourrait s’ajouter des frais de médicaments en hromonothérapie payable en pharmacie pour la conjointe coutant jusqu’à 2000$ afin de stimuler la production d’ovule et des frais de 750$ requiis pour la congélation d’embryon et l’entrposage au cout annuel de 200$ + taxes et des frais de congélation et entreposage du sperme annuel à 100$ + taxes.

 

Appel Fait au T pour l,aviser de notre accord officiel et décision à rendre à T/E et Procréa.

 

(…)  » [sic]

[17]           Le 3 septembre 2009, l’agente de la CSST discute avec la conjointe du travailleur. Cette dernière indique ce qui suit :

«  - ASPECT MÉDICAL :

appel de la conjointe du T et T : le prélèvement de spermatozoïde viable n’a pas fonctionné. ils n’en ont pas trouvé, ainsi la seule alternative pour qu’elle puisse avoir un bébé serait l’insimmination artificielle via un donneur, le cout est d’environ 500$ à 600$

 

Je leur explique que ce n’est pas remboursable par la CSST. Alors ils vont réfléchir s’ils souhaitent que je rende une décision de ce refus officielle afin qu’ils puissent se prévaloir de leur droit d’appel.

Si tel est le cas, il va me transmettre une demande écrite.

 

(…)  »  [sic]

 

 

[18]           Aux notes évolutives, l’agente de la CSST reproduit un extrait de la politique de la CSST :

«  COUVERTURE D’ASSURANCE DE LA CSST

POUR LES FRAIS RELIÉS À LA FÉCONDATION IN VITRO

 

Orientation : Afin d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle de même qu’à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion, la CSST assume le remboursement des frais associés à la fécondation in vitro tant pour le travailleur accidenté que pour sa conjointe (examens, tests de laboratoire, hormonothérapie, tests de grossesse, échographies, conservation du sperme de l’accidenté ou d’ovules ou d’embryons, etc.) selon les normes et critères établis par la Commission.

 

Type de mesure : Mesure de réadaptation sociale.

 

Objectif de la mesure : Fournir un support financier au travailleur dont l’infertilité est reliée à sa lésion professionnelle pour lui permettre d’accéder à la technologie médicale de la fécondation in vitro et lui offrir ainsi la possibilité d’être le père biologique d’un enfant à naître.

 

Conditions d’octroi :

 

La relation entre l’infertilité et la lésion professionnelle doit être clairement établie;

la fécondation in vitro est appropriée à la condition physique et psychique du travailleur et            de sa conjointe.

 

Autres conditions;

 

Limite du nombre d’essais à quatre pour une grossesse, chacun de ces essais étant payé séparément;

pas de limite quant à un nombre spécifique de grossesses lorsque les interventions sont réalisées avec succès (grossesse); lorsque le traitement réussit, toute demande de couverture d’assurance pour une nouvelle grossesse doit franchir à nouveau les mêmes étapes;

exclusion du traitement de l’infertilité de la conjointe du travailleur;

exclusion des interventions avec un donneur de sperme externe;

exclusion des frais d’adoption;

pré-autorisation de tous les frais assumés par la CSST;

consentement écrit du travailleur et de sa conjointe pour donner à la CSST l’accès à leur dossier médical respectif;

la CSST ne rembourse pas les frais d’examens ou traitements inhérents à la grossesse, le remboursement ne visant que la fécondation in vitro;

signature obligatoire par le travailleur et sa conjointe d’un document d’acceptation des normes et critères de la CSST pour la couverture de ce type de frais.  »  [sic]

 

 

[19]           Le 10 novembre 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de rembourser les frais reliés à la fécondation avec un donneur de sperme externe. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[20]           Le 15 janvier 2010, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme son refus de rembourser au travailleur les frais liés à la fécondation avec donneur de sperme externe.

[21]           Le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision, d’où le présent litige.

[22]           Pour compléter la preuve documentaire, le travailleur soumet une lettre du 16 octobre 2009. Il s’agit d’une estimation de traitements par insémination avec sperme de donneur. On y prévoit deux inséminations par mois à 525 $ chacune, soit 1 050 $ par mois. On prévoit trois mois, donc 3 150 $.

[23]           Comme second document, le travailleur soumet une lettre signée le 27 avril 2010 par le docteur Michel Thabet, urologue. Dans cette lettre, le docteur Thabet indique : « Il nous a été impossible de faire des prélèvements testiculaires pour recherche de spermatozoïdes ». Le docteur Thabet réfère à l’intervention infructueuse du 15 juillet 2009.

[24]           À l’audience, le tribunal a entendu le témoignage du travailleur. Le 15 juillet 2009, le travailleur subit une intervention pour faire un prélèvement de spermatozoïdes en vue d’une fécondation in vitro. Cette intervention s’avère un échec.

[25]           Le site exploré par l’urologue n’a pas permis de trouver des spermatozoïdes. Le médecin n’a pu explorer plus loin dans l’appareil génital du travailleur craignant des complications pour sa santé. Selon le médecin, s’il n’a pas été possible de trouver des spermatozoïdes à l’endroit exploré, il aurait été surprenant d’en trouver ailleurs.

[26]           Tenant compte de ces résultats, aucune autre démarche n’est entreprise pour effectuer un prélèvement de spermatozoïdes chez le travailleur.

[27]           Après mûre réflexion, le travailleur et sa conjointe décident de se tourner vers l’insémination avec donneur de sperme externe.

[28]           Ils n’ont pas à avoir recours à la fécondation in vitro. La technique retenue consiste à faire deux inséminations par mois, deux journées consécutives. Cette technique, moins dispendieuse que la fécondation in vitro,  peut être répétée plusieurs fois. On leur a toutefois fait comprendre qu’après trois mois, les chances de succès s’avéraient difficiles.

[29]           À l’automne 2009, devant le refus de la CSST de rembourser les frais de l’insémination avec donneur de sperme externe, le travailleur et sa conjointe décident d’assumer eux-mêmes les frais.

[30]           Étant donné leurs moyens financiers restreints, ils décident de ne faire qu’une insémination à 525 $ par mois pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2009. Ces tentatives s’avèrent infructueuses.

[31]           Le travailleur et sa conjointe veulent essayer le traitement tel qu’il se doit, c'est-à-dire deux inséminations par mois, pour une période de trois mois.

[32]           Le travailleur et sa conjointe souhaitent la venue d’un second enfant. Ils veulent un frère ou une sœur pour leur premier enfant qu’il qualifie de « petit rayon de soleil ». Le travailleur accepte le fait qu’il ne peut être le père biologique de ce second enfant.

[33]           Le travailleur a un enfant de deux ans et demi. Cet enfant est né en [...] 2007. Sa conjointe venait à peine d’apprendre qu’elle était enceinte au moment de l’accident du travail du 23 janvier 2007. Le travailleur est le père biologique de cet enfant. Ils n’ont eu recours à aucune méthode d’assistance pour avoir cet enfant.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[34]           Le travailleur demande le remboursement des coûts pour cette technique d’insémination par donneur de sperme externe. Étant donné sa paralysie et l’ensemble de ses problèmes neurogènes, il n’est plus en mesure de fournir ou de produire de sperme. Ceci est une conséquence de sa lésion professionnelle. L’insémination avec donneur de sperme externe s’avère, dans les circonstances, une mesure pour atténuer ou faire disparaître les conséquences de sa lésion professionnelle.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[35]           Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils estiment que la technique proposée constitue une mesure de réadaptation sociale. La lésion professionnelle du 23 janvier 2007 entraîne de graves conséquences pour le travailleur, dont notamment une dysfonction érectile complète. À cette dysfonction érectile s’ajoute le fait que le travailleur ne peut plus fournir de sperme. Le travailleur et sa conjointe désirent un second enfant. L’insémination avec donneur de sperme externe s’avère la mesure pour pallier cette conséquence de la lésion professionnelle pour le travailleur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[36]           Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au paiement des frais afférents à une tentative d’insémination de sa conjointe avec donneur de sperme externe.

[37]           Il y a lieu d’abord de référer aux dispositions de la loi concernant la réadaptation sociale, lesquelles servent d’encadrement pour ce genre de demandes :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[38]           Dans la cause sous étude, la demande formulée par le travailleur concerne le recours à une technique de procréation assistée.

[39]           Sur cet aspect, il s’avère pertinent de référer à la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue dans l’affaire Julien et Construction Nationair inc. (fermée) et CSST[2] : Par cette décision, l’on comprend que la procréation assistée peut s’avérer une mesure de réadaptation sociale au sens des articles 151 et suivants de la loi:

«  […]

 

[35]      À tout événement, la Commission des lésions professionnelles considère que la technique de procréation assistée n’est pas un soin ou un traitement de la lésion professionnelle. Il s’agit plutôt de pallier par des moyens techniques aux conséquences permanentes laissées par cette lésion professionnelle. Vu sous cet angle, la problématique relève bien plus de la réadaptation que de l’assistance médicale.

 

[36]      La preuve médicale non contredite au dossier démontre que la lésion professionnelle a laissé non seulement une impuissance sexuelle mais aussi un problème de fertilité en raison d’une diminution de la motilité des spermatozoïdes. Cette diminution de la motilité nécessite le recours à des techniques assistées de procréation.

 

[37]      Rappelons que la réadaptation sociale a, selon les termes de l’article 151 de la loi, pour but d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles de la lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de la lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

 

[38]      Dans la poursuite de cet objectif de réadaptation sociale, la loi a spécialement prévu que le travailleur a droit notamment à des services professionnels d’intervention psychosociale, à l’adaptation de son domicile et de son véhicule, au paiement des frais d’aide personnelle à domicile, au remboursement des frais de garde d’enfants et au remboursement du coût d’entretien courant du domicile.

 

[39]      L’énumération apparaissant à l’article 152 de la loi n’est pas limitative4, vraisemblablement parce que chaque cas est un cas d’espèce, et qu’il fallait pouvoir adapter le programme de réadaptation sociale à chaque situation particulière.

 

[40]      Les articles 153 à 165 de la loi encadrent le droit à l’adaptation du domicile et du véhicule, le remboursement des frais d’aide personnelle à domicile et de garde d’enfants et le remboursement des frais d’entretien courant du domicile. Les conditions particulières d’ouverture à chacun de ces droits sont énoncées de même que les limites de la responsabilité financière de la C.S.S.T.5

 

[41]      Toutefois, rien dans la loi ou dans le chapitre particulier portant sur la réadaptation sociale n’encadre, ne restreint, ou ne limite le remboursement des frais de fécondation in vitro, qui ne sont pas non plus exclus.

 

[42]      La Commission des lésions professionnelles constate que selon la preuve, la fécondation in vitro est, dans la présente affaire, un moyen pour le travailleur de surmonter6 les conséquences personnelles de la lésion professionnelle et de s’adapter7 à la situation qui en résulte.

 

[43]      Il est vrai que cette technique de procréation assistée ne change rien au niveau d’autonomie du travailleur. Cependant, il en va de même des prestations pour aide personnelle à domicile, des frais d’intervention psychosociale et des frais de garde d’enfants qui sont pourtant remboursables8. Les dispositions relatives à ce type de prestations ne sont pas libellées de manière à écarter l’article 151 de la loi qui énonce les trois objectifs de la réadaptation sociale. La Commission des lésions professionnelles en tire la conclusion que les trois objectifs de la réadaptation sociale énoncés à l’article 151 de la loi ne doivent pas nécessairement être réunis pour qu’une mesure de réadaptation soit autorisée en vertu de l’article 152.

 

[44]      L’intention du législateur se manifeste suffisamment clairement par l’énonciation explicite à l’article 151 de la loi des objectifs poursuivis par la réadaptation sociale et par le texte de l’article 152 de la loi qui indique de manière non limitative ce que peut comprendre un programme de réadaptation sociale. Pour paraphraser l’article 145 de la loi, « la mesure de la réadaptation sociale à laquelle le travailleur a droit » est indiquée aux articles 151 et 152 de la loi. En principe donc, le travailleur aurait droit au paiement qu’il réclame, sauf à justifier le recours à cette technique de reproduction assistée.

 

[…]  »

____________________

4              Matthieu et Désourdy-Duranceau Ent. inc., 112847-62A-9903, 1999-09-14, J. Landry

5              Ce que les décisions suivantes confirment : Bibeau et Atco ltd., 105613-62-9810-1999-08-11, S. Matthieu; Charrette et Centco, 40446-63-9206, 1994-01-06, J. L’Heureux; C.S.S.T. et Lapointe et als., 30067-05-9106, 1993-05-31, G. Perreault

6                     Ce que les décisions suivantes confirment : Bibeau et Atco ltd., 105613-62-9810-1999-08-11, S. Matthieu; Charrette et Centco, 40446-63-9206, 1994-01-06, J. L’Heureux; C.S.S.T. et Lapointe et als., 30067-05-9106, 1993-05-31, G. Perreault

7                     [1]     « adapter  (s’) » : Se mettre en harmonie avec; se plier, se conformer à. S’adapter aux circonstances. Le Petit Larousse Illustré. op. cit. note 6; « adapter (s’) » : Se mettre en harmonie avec (les circonstances, le milieu), réaliser son adaptation biologique. S’acclimater, s’habituer. Le Nouveau Petit Robert, op. cit. note 6.

8                     Voir les articles 158 et 164 de la loi.

 

 

[40]           Dans cette décision de la Commission des lésions professionnelles, il s’agissait d’une situation où le travailleur pouvait être le père biologique de l’enfant désiré. Dans la cause sous étude, cette situation s’avère impossible. Non seulement le travailleur présente une dysfonction érectile complète, mais il existe une impossibilité de lui prélever des spermatozoïdes. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de motilité des spermatozoïdes, mais aussi d’un problème de pouvoir en fournir.

[41]           La preuve prépondérante permet de conclure que cette impossibilité pour le travailleur de fournir ses spermatozoïdes aux fins d’une procréation assistée s’avère une conséquence de la lésion professionnelle du 23 janvier 2007.

[42]           En effet, la lésion professionnelle du 23 janvier 2007 entraîne de très graves conséquences pour le travailleur. L’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est établie à 296,97 %. En plus d’une paraplégie complète avec perte de sensibilité à partir de l’ombilic jusqu’aux membres inférieurs sans mouvement moteur, il est aux prises avec une vessie neurogène, un intestin neurogène et surtout, une dysfonction érectile complète. À la suite de la tentative du 15 juillet 2009, on constate qu’à cette dysfonction érectile complète s’ajoute une impossibilité de prélever des spermatozoïdes. On ne peut en trouver.

[43]           Pourtant, l’on sait que le travailleur est déjà le père biologique d’un enfant né en octobre 2007, soit neuf mois après l’événement du 23 janvier 2007. Cet enfant a été conçu peu de temps avant la lésion professionnelle du 23 janvier 2007. Le travailleur et sa conjointe n’ont eu recours à aucune technique de procréation assistée pour avoir cet enfant.

[44]           Tenant compte de ce contexte, force est d’admettre que cette impossibilité de prélever des spermatozoïdes s’avère une conséquence directe de la lésion professionnelle du 23 janvier 2007.

[45]           De toute évidence, dans l’optique où le travailleur et sa conjointe souhaitent la venue d’un second enfant, le recours à une technique de procréation assistée devient incontournable pour pallier cette conséquence de la lésion professionnelle. Cette technique doit nécessairement prévoir le recours à un donneur de sperme externe puisque les conséquences de la lésion professionnelle font en sorte que le travailleur ne peut être le père biologique de cet enfant désiré.

[46]           La politique administrative de la CSST, dont un extrait est préalablement reproduit, exclut les interventions avec un donneur de sperme externe. Cela semble s’expliquer par le fait que cette politique a notamment comme objectif avoué d’offrir au travailleur la possibilité d’être le père biologique d’un enfant à naître.

[47]           Ceci étant, le tribunal rappelle qu’il n’est pas lié par une politique administrative de la CSST[3]. Le tribunal s’en remet à la loi qu’il est chargé d’interpréter et d’appliquer. Il s’assure que ce qui est demandé respecte le cadre légal, en l’occurrence les dispositions concernant la réadaptation sociale, afin que le travailleur obtienne ni plus ni moins que ce que la loi permet.

[48]           Dans les circonstances particulières du présent dossier, le recours à un donneur de sperme externe s’avère la seule issue pour ce couple qui désire voir naître un second enfant. L’insémination avec l’apport d’un donneur de sperme externe devient la mesure de réadaptation sociale permettant au travailleur de surmonter les conséquences personnelles de la lésion professionnelle du 23 janvier 2007 et de s’adapter à la situation qui en résulte.

[49]           La mesure de réadaptation sociale appropriée dans ces circonstances particulières est celle proposée par Procréa dans sa lettre du 16 octobre 2009, soit une tentative d’insémination avec sperme d’un donneur externe, ce qui implique deux inséminations par mois, pendant trois mois.

[50]           Il y aura lieu de se prononcer à nouveau sur cette question dans l’éventualité où la mesure proposée dans la lettre du 16 octobre 2009 échoue.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée le 28 janvier 2010 par monsieur L... B..., le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 15 janvier 2010, rendue à la suite d’une révision administrative;

ET

DÉCLARE que monsieur L... B... a droit au paiement des frais à encourir relativement à une tentative d’insémination de sa conjointe avec donneur de sperme externe, à raison de deux inséminations par mois, pour trois mois, sur présentation de la facture de Procréa.

 

 

 

__________________________________

 

 

SOPHIE SÉNÉCHAL

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur Éric Pronovost

BELHUMEUR PRONOVOST & ASSOCIÉS INC.

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif.

[3]           Hamelin et J. Walter cie Ltée, C.L.P. 303182-62B-0611, 4 décembre 2007, A. Suicco; Adams et Cie de Chemin de fer Canadien Pacifique, C.L.P. 283874-64-0603, 6 octobre 2006, J. David; Plaisirs gastronomiques inc., C.L.P. 144752-64-0008, 29 mars 2001, M. Montplaisir; Boisclair & Fils inc., C.L.P. 188623-64-0208, 15 août 2001, R. Daniel; Transport L. Rodrigue inc. et CSST, C.L.P. 372750-03B-0903, 8 décembre 2009, A. Quigley.

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