Décision

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Chabot et JDHM nettoyage

2008 QCCLP 7319

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec :

18 décembre 2008

 

Région :

Québec

 

Dossier :

350417-31-0806

 

Dossier CSST :

128133659

 

Commissaire :

Guylaine Tardif, juge administratif

 

Membres :

Aubert Tremblay, associations d’employeurs

 

Pierre Banville, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Chantal Chabot

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

JDHM nettoyage

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 juin 2008, madame Chantal Chabot (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 17 avril 2008.

[2]                Par cette décision, la CSST rejette la demande de révision de la travailleuse, confirme sa décision initiale et détermine que la travailleuse n’a pas droit d’être remboursée des frais suivants :

-          déneigement du stationnement et de deux voies d’accès au domicile;

-          grand ménage de son domicile;

-          tonte de pelouse;

-          taille de haies et d’arbustes;

-          travaux de peinture intérieure.

[3]                L’audience a dûment été convoquée et s’est tenue le 27 novembre 2008 en présence de la travailleuse. JDHM nettoyage (l’employeur) n’était ni présent ni représenté. La CSST n’est pas intervenue en l’instance.

[4]                À la demande du tribunal, la travailleuse a ensuite produit les divers reçus et soumissions relatifs à sa demande de remboursement.

[5]                La cause a été mise en délibéré le 4 décembre 2008 sur réception de ces documents.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[6]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a droit au remboursement des frais d’entretien mentionnés précédemment ainsi qu’au coût de location d’une boîte postale au bureau de poste.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent l’avis de la commissaire soussignée. Ils sont d’avis que la travailleuse a droit au remboursement des frais relatifs à la tonte de gazon, à la peinture au rouleau des murs et des plafonds de son domicile, au déneigement du stationnement et de deux voies d’accès à son domicile, de ratissage de printemps et d’automne, à la coupe du gazon en bordure, au grand ménage de son domicile, à la location d’une boîte postale et à la taille des arbres entourant son domicile, le tout à l’intérieur de la limite établie à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi), pour les frais encourus à compter du 31 janvier 2006.

[8]                Toutefois, elle n’a plus droit au remboursement de frais de tonte de gazon depuis l’été 2007.

[9]                Ils accueilleraient la requête en partie.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement qu’elle réclame.

[11]           La travailleuse revendique le droit prévu à l’article 165  de la loi qui se lit comme suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[12]           Selon la jurisprudence bien établie, le déneigement des voies d’accès et du stationnement du domicile[1], la tonte de gazon et de taille d’arbres[2], le grand ménage du domicile[3] ainsi que les travaux de peinture intérieure[4] sont des travaux d’entretien courant du domicile.

[13]           De l’ avis de la commissaire soussignée, les travaux de coupe du gazon poussant en bordure de la maison ou d’autres structures naturelles ou artificielles et les travaux de ratissage faits au printemps et à l’automne doivent être également considérés comme des travaux d’entretien courant du domicile. Il s’agit de travaux de même nature que ceux mentionnés au paragraphe [10].

[14]           Par ailleurs, selon le témoignage crédible de la travailleuse, elle effectuait elle-même tous ces travaux avant de subir la lésion professionnelle. Elle explique qu’elle aime faire des travaux manuels, surtout s’ils sont faits à l’extérieur, et qu’elle tient à continuer de le faire autant que possible.

[15]           Elle se sent toutefois incapable de faire certains travaux en raison des malaises et de la perte fonctionnelle qui affectent son membre supérieur gauche.

[16]           La travailleuse est droitière. Elle a développé une tendinite de l’épaule gauche le 16 mai 2005 dans le cadre de son travail. Ce premier épisode a été consolidé sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[17]           Le 31 janvier 2006, la travailleuse connaît une rechute, récidive ou aggravation de la tendinite de l’épaule gauche, qui est consolidée le 28 mai 2007 avec un déficit anatomo-physiologique de 2 % et les limitations fonctionnelles suivantes :

-          Éviter d’élever le bras gauche plus haut que la hauteur des épaules;

-          Éviter de garder le bras en position statique d’élévation ou d’abduction même inférieure à 80°;

-          Éviter d’effectuer des mouvements de rotation de l’épaule gauche;

-          Éviter de soulever ou porter des charges de plus de 15 kilos.

[18]           Le tribunal constate que les travaux de déneigement, de ratissage, de coupe du gazon en bordure, de peinture intérieure, de taille des arbres et de coupe du gazon nécessite l’utilisation des deux membres supérieurs, pour partie ou la totalité de l’activité.

[19]           Par ailleurs, ces travaux exigent de garder le membre supérieur gauche en élévation (pelleter, ratisser, tailler les arbres, couper le gazon en bordure, peinturer les murs au rouleau), ou de faire des mouvements de rotation de l’épaule gauche (pelleter, couper le gazon en bordure). L’accomplissement de ces travaux est donc incompatible avec les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle.

[20]           L’usage d’outils télescopiques (taille-haie, manche à rouler la peinture ou à nettoyer murs et plafonds) permet uniquement de limiter les mouvements de grande amplitude requis par certaines activités. Il n’évite pas le maintien de postures en élévation ou abduction ni l’accomplissement de mouvements de rotation de l’épaule gauche. De même, la CSST ne pouvait refuser le remboursement en se fondant sur le fait que la travailleuse faisait déneiger mécaniquement son stationnement trois fois par année avant la survenance de la lésion professionnelle. Le reste du temps, elle pelletait la neige elle-même, ce qu’elle ne peut plus faire en raison de la lésion professionnelle. Elle encourt donc depuis des frais additionnels de déneigement.

[21]           Selon la jurisprudence, la notion d’atteinte permanente grave doit être appréciée en tenant compte du déficit anatomo-physiologique et de l’impact des limitations fonctionnelles sur la capacité de la travailleuse à accomplir les activités d’entretien courant de son domicile[5]. Toutefois, les limitations d’origine personnelle ne peuvent être considérées[6].

[22]           Ainsi, la réclamation de frais pour l’année 2005 doit être rejetée, en l’absence d’atteinte permanente grave à l’intégrité physique de la travailleuse à la suite de ce premier épisode. À l’époque, il ne persistait en effet ni atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[23]           Conformément à la jurisprudence déjà mentionnée, les travaux de déneigement, de ratissage, de tonte de gazon, de taille des arbres, de coupe du gazon en bordure et de peinture des murs du domicile faits depuis 2006 sont remboursables alors que les travaux de peinture au pinceau, que la travailleuse pourrait faire de la main droite si elle ne souffrait pas d’une maladie de Ménière qui l’empêche de se tenir dans un escabeau, ne sont pas remboursables.

[24]            Par ailleurs, il n’y a pas de main d’œuvre intéressée à pelleter les abords de la boîte aux lettres du domicile de la travailleuse, qui est située près du chemin public. Après avoir reçu plusieurs avis de la Société canadienne des postes, la travailleuse s’est résolue à louer une boîte postale où son courrier est déposé pendant les mois d’hiver.

[25]           En l’espèce, la travailleuse a démontré son besoin de faire retenir son courrier au bureau de poste pendant les mois d’hiver parce qu’elle est incapable de dégager la boîte aux lettres de la neige et de la glace qui s’y accumulent et qu’elle n’a trouvé aucune personne qui accepterait de le faire moyennant rémunération. Dans les circonstances, la solution appropriée la plus économique (voir l’article 182 de la loi) est la location d’une boîte postale pendant les mois d’hiver. La solution doit en l’espèce être assimilée à un remboursement de frais d’entretien courant du domicile.

[26]           Finalement, la travailleuse reconnaît qu’elle peut conduire le tracteur à gazon elle-même depuis l’été 2007.

[27]           En somme, la travailleuse a droit d’être remboursée des frais, encourus depuis le 31 janvier 2006, et qui sont associés aux travaux de peinture des murs et des plafonds au rouleau, au grand ménage, au déneigement, au ratissage de printemps et d’automne, à la taille des arbres, à la coupe du gazon en bordure et à la location d’une boîte postale, et ce, jusqu’à concurrence du maximum prévu à l’article 165 de la loi.

[28]           Depuis l’été 2007, elle n’a pas droit au remboursement de frais de tonte de gazon puisqu’elle accomplit ce travail elle-même.

[29]           Finalement, la CSST ne s’est pas prononcée sur la demande de référence à un ergothérapeute formulée par la travailleuse à l’égard de l’accomplissement de ses activités domestiques, non plus que sur sa demande de remboursement des frais associés au cordage de son bois de chauffage. Il appartient à la CSST de se prononcer sur toute question en premier lieu (voir l’article 349 de la loi). La Commission des lésions professionnelles ne peut s’en saisir à sa place.

[30]           Si elle le désire, la travailleuse pourra demander à la CSST de se prononcer sur ces deux autres questions.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame Chantal Chabot, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 avril 2008;

DÉCLARE que madame Chantal Chabot a droit, depuis le 31 janvier 2006, d’être remboursée des frais associés aux travaux de tonte de gazon, de peinture au rouleau des murs et des plafonds de son domicile, de déneigement du stationnement et de deux voies d’accès à son domicile, de ratissage de printemps et d’automne, de coupe du gazon en bordure, de grand ménage de son domicile, de location d’une boîte postale et de taille des arbres entourant son domicile, et ce, jusqu’à concurrence du maximum prévu à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que madame Chantal Chabot n’a plus droit au remboursement des frais associés à la tonte du gazon depuis l’été 2007.

 

 

 

Guylaine Tardif

 



[1]          Brousseau et Protection d’incendie Viking ltée, 18374-61-9004, 15 septembre 1992, L. Boucher;   Chevrier et Westburne ltée, 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy, (J2-15-19);            Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc.., [1990] C.A.L.P. 683 ; Lagassé et Construction Atlas inc.,            58540-64-9404, 31 octobre 1995, F. Poupart; Pinard et Russel Drummond, 145317-02-0008,           29 novembre 2000, R. Deraîche; Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc., 142213-03B-0007,             12 décembre 2000, R. Savard.

[2]          Brousseau et Protection d’incendie Viking ltée, précitée, note 1; Chevrier et Westburne ltée,        précitée, note 1; Lévesque et Mines Northgate inc, précitée, note 1; Lagassé et Construction         Atlas inc., précitée, note 1; Pinard et Russel Drummond, précitée, note 1; Paquet et Pavillon de         l’Hospitalité inc., précitée, note 1.

[3]          Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc., précitée, note 1; Boroday et Société canadienne des         postes, 91417-62-9708, 21 juin 1999, L. Vallières; Tardif et Alimentation Chez-vous, 29828-03-     9106, 2 août 1993, J.-M. Dubois; Liburdi et Les spécialistes d’acier Grimco, 124728-63-9910,      9 août 2000, J.-M. Charrette; Rouette et Centre hospitalier Cooke, 131411-04-0006, 31 mai 2001,        S. Sénéchal; Castonguay et St-Bruno Nissan inc., 137426-62B-0005, 26 novembre 2001, A.             Vaillancourt.

[4]          Caron et Vêtements junior Deb inc., [1999] C.L.P. 150 ; Ouimet et Revêtements Polyval inc.,        57104-61-0103, 26 septembre 2001, L. Nadeau, (01LP-108); Liburdi et Les spécialistes d’acier          Rimco, précitée, note 2; Castonguay et St-Bruno Nissan inc, précitée, note 2.

[5]          Chevrier et Westburne ltée, précitée, note 1; Lalonde et Mavis Construction, 146710-07-0009,      28 novembre 2001, M. Langlois.

[6]          Bergeron et Défense nationale, 145217-71-0008, 6 décembre 2001, S. Matthieu

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