Hounsell et Réseau de transport de Longueuil |
2009 QCCLP 5386 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saint-Hyacinthe |
31 juillet 2009 |
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Région : |
Yamaska |
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Dossier CSST : |
132164534 |
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Commissaire : |
Jean-Marc Dubois, juge administratif |
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Membres : |
Normand Bédard, associations d’employeurs |
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Alain Rajotte, associations syndicales |
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Partie requérante |
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Réseau de transport de Longueuil |
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Partie intéressée |
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[1] Le 27 mai 2008, monsieur Michel Hounsell (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 14 mai 2008 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 19 janvier 2008, déclare que la dermatite de contact irritative diagnostiquée le 29 octobre 2007 ne peut être reconnue à titre de lésion professionnelle.
[3] Le travailleur est présent et représenté à l’audience tenue à Saint-Hyacinthe le 23 juin 2009. Le Réseau de Transport de Longueuil (l'employeur) est également représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de reconnaître à titre de maladie professionnelle la dermatite de contact irritative diagnostiquée par la Dre Linda Moreau.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales expriment unanimement l’avis que la présomption prévue à l’article 29 de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) s’applique en faveur du travailleur.
[6] Les membres sont ainsi d’avis que le travailleur a clairement démontré les conditions prévues à l’article 29 de la loi soit qu’il est atteint d’une dermatite de contact et qu’il exerce un travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe 1 de la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la dermatite de contact irritative dont est porteur le travailleur revêt le caractère de maladie professionnelle tel que définit à l’article 2 de la loi.
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[8] Les articles 29 et 30 de la loi édictent ce qui suit :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
[9] La dermatite de contact irritative est une maladie énumérée à la section III de l’annexe I de la loi :
« ANNEXE I
MALADIES PROFESSIONNELLES
(Article 29)
SECTION III
MALADIES DE LA PEAU CAUSÉE PAR DES AGENTS
AUTRES QU’INFECTIEUX
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
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1. Dermite de contact irritative: |
un travail impliquant un contact avec des substances telles que solvants, détergents, savons, acides, alcalis, ciments, lubrifiants et autres agents irritants; |
2. Dermite de contact allergique: |
un travail impliquant un contact avec des substances telles que nickel, chrome, époxy, mercure, antibiotique et autres allergènes; [...] » |
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1985, c. 6, annexe I.
[10] Le travailleur est au service de l’employeur depuis le mois de mars 1988 comme mécanicien de relève. Il travaille sur le quart de jour et bénéficie de deux pauses santé par demi-journée ainsi que d’une période de 30 minutes pour le repas du midi.
[11] Le travailleur témoigne qu’il effectue le nettoyage d’autobus avec un appareil qui projette de la vapeur à pression. Ce système ne permettant pas toujours un nettoyage suffisant, il doit utiliser un liquide normalement réservé pour nettoyer les freins et que parfois, il utilise un lubrifiant pour faciliter la manutention des écrous.
[12] On retrouve au dossier une série de fiches signalétiques de produits qui sont susceptibles d’être utilisés par le travailleur dans l’exercice de ses fonctions.
[13] Le travailleur témoigne qu’il n’utilise pas ces produits à tous les jours et que lors de leur utilisation, il ne porte pas toujours des gants. De plus, à plusieurs reprises pendant son quart de travail, il doit se laver les mains.
[14] Le travailleur affirme que ses symptômes ont commencé par des démangeaisons et qu’il a par la suite eu des crevasses aux mains.
[15] Le travailleur précise que ses symptômes apparaissaient pendant la semaine et qu’ils diminuaient la fin de semaine pour recommencer lorsqu’il reprenait le travail.
[16] Il déclare que le 11 juin 2007, il a consulté un dermatologue sur la recommandation de son médecin en raison de lésions apparues aux deux mains vers le mois de septembre 2006.
[17] Dans un premier temps, croyant que son problème était lié à l’usage du savon, le travailleur se traite avec une crème hydrocortisone 0,5 % qu’il achète en pharmacie.
[18] Le 29 octobre 2007, il consulte la Dre Linda Moreau qui rapporte un diagnostic de dermatite de contact irritative et elle soumet le travailleur à une série de tests épicutanés (patch test).
[19] Le 30 novembre 2007, la Dre Moreau produit le rapport d’évaluation médicale suivant :
[...]
Il démontre à l’examen une dermatite modérée aux mains côtés latérales des doigts avec fissures. Les patch tests ont été faits avec la série standard nord-américaine de 65 allergènes et la série des huiles de coupes. La révision des savons et des huiles au travail a été faite. Les résultats des tests n’ont démontré aucune allergie pertinente au milieu de travail avec la révision des fiches signalétiques. Le diagnostic final est donc une dermatite de contact irritative.
[...]
L’évaluation du 28 novembre ne démontre aucune dermatite active, donc guérie.
[...]
À la lecture finale du 2 novembre 2007, les réactions positives suivantes ont été notées :
1+ glutaral
1+ n-octyl-isiothiazolinone
+/- mercaphobenzothiazole
[20] Le 4 septembre 2008, le Dr Louis-Philippe Durocher, dermatologue, examine le travailleur à la demande de son procureur. Dans son rapport, décrit ainsi les fiches signalétiques des produits utilisés en milieu de travail chez l’employeur qui les a lui-même déposées à la CSST :
o Solvant inodore pour nettoyer les pièces : irritant pour la peau
o Solvant qualité supérieure Safety-Kleen
Solvant de bassin lave-pièce irritant pour la peau
o PL-100 aérosol de Prolab Technilub
Lubrifiant pénétrant irritant pour la peau
o Target Tap All, refroidissant de coupe des
métaux irritant pour la peau et le contact répété cause une dermatite
o Pure shot. Nettoyant en aérosol irritant pour la peau
o Huiles hydrauliques Performance Plus irritant pour la peau
o Donas TX, liquide de transmission automatique
o Carburant Diésel mazout no 2 de Ultramar
[21] Le Dr Durocher précise que la relation entre la dermite de contact irritative et l’exposition aux solvants en milieu de travail est bien connue et qu’il existe plusieurs formes de manifestations.
[22] Le Dr Durocher affirme qu’habituellement, la barrière cutanée qui se régénère a le temps de récupérer son intégrité entre les périodes de manipulation d’irritants. Il précise que dans le cas du travailleur, cette barrière a été rompue avec les années puisque, dans la cinquantaine l’hydratation naturelle de la peau est réduite parce que les glandes sébacées ralentissent leur production. Il ajoute qu’avec l’âge, l’état d’irritabilité de la peau est altéré.
[23] Au soutien de ses prétentions, le Dr Durocher réfère à une série d’ouvrages[2].
[24] La preuve non contredite démontre clairement que le travailleur est en contact avec divers produits irritants pour la peau.
[25] Il n'est pas nécessaire d'identifier spécifiquement quel produit a provoqué l'irritation lorsqu'il y a présence de plusieurs substances irritantes. Si en matière de dermite allergique les tests d'allergie permettent d'identifier la substance responsable, cela serait plus difficile pour une dermite irritative[3].
[26] Par ailleurs, le fait que les tests épicutanés soient revenus positifs que sur des allergènes qui n’apparaissent pas dans les produits utilisés par le travailleur ne fait pas obstacle à la reconnaissance l’application de la présomption puisqu’il ne s’agit pas de tests qui visent à identifier la substance responsable pour une dermatite irritative.
[27] Dans les circonstances, le travailleur a fait la démonstration de tous les éléments nécessaires à l’application de la présomption, soit qu’il est atteint d’une maladie énumérée à la section 3 de l’annexe I de la loi et qu’il a exercé un travail correspondant à cette maladie.
[28] Finalement, aucune preuve n’a été présentée pour renverser l’application de cette présomption.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Michel Hounsell;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 14 mai 2008 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la dermatite irritative de contact subie par le travailleur constitue une maladie professionnelle.
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Jean-Marc Dubois |
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Me Denis Mailloux |
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CSN |
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Représentant de la partie requérante |
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Claudette Houle |
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RÉSEAU DE TRANSPORT DE LONGUEUIL |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c.A-3.001.
[2] Les solvants et la protection de la peau, J Lara et LÉSION PROFESSIONNELLE Durocher, chapitre 7 dans Solvants Industriels de M Gérin, éd. Masson, 2002, p. 179-283; La dermite de contact irritative chez le travailleur, Lésion professionnelle Durocher et N Paquette, Le Clinicien, 1988, 3 : 51-57; Occupationnal Skin Disease, RM Adams, édé WBSaunders, 1999, p.4; Skin Diseases, LÉSION PROFESSIONNELLE Durocher, D Sasseville et al, chapitre 12 dans : Encyclopédie du Bureau International du Travail, Genève, 2988,12.9-12.16
[3] Parise et Sceaux
de sécurité Canada Mayer,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.