TRIBUNAL D’ARBITRAGE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N° : 2015047 (GAJD)
(103315 GHQ)
MONTRÉAL, le 19 août 2015
EN PRÉSENCE DE : Me ROBERT MASSON, ing., C.Arb.
CASSANDRA GOUIN
Bénéficiaire - Demanderesse
c.
Les Habitations rea inc.
Entrepreneur - Défenderesse
et
La Garantie HABITATION DU QUÉBEC INC.
faisant affaires sous les raisons sociales Qualité Habitation et/ou La Garantie Qualité Habitation
Administrateur de la garantie - Défenderesse
SENTENCE ARBITRALE
[1] Le Tribunal d'arbitrage est constitué en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide du groupe d'arbitrage - juste décision (gajd), organisme d’arbitrage agréé par la régie du bâtiment du québec chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.r.q., c. B-1.1)).
[3] La demande d’arbitrage est faite le 1er avril 2015. La procédure d’arbitrage débute par une audience préliminaire tenue par conférence téléphonique le 29 mai 2015 et continuée le 17 juin 2015. La défenderesse Les Habitations Rea Inc., dûment appelée, n'a pas comparu et n'est pas présente. L'arbitrage a lieu ex parte de l'entrepreneur.
[4] Lors de l’audience préliminaire, les parties présentes acceptent la nomination du soussigné comme arbitre. Elles reconnaissent la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles conviennent que la décision de l’arbitre les liera et conviennent de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (l.r.r.q., c. B-1.1, r. 0.2).
[5] À cette même occasion, l’arbitre rappelle aux parties présentes que cet arbitrage est régi par les lois en vigueur dans la Province de Québec dont le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs « Règlement ». Les règles de preuve et les règles de procédure sont celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour améliorer et maximiser l'efficacité du processus d'arbitrage et pour favoriser une meilleure et toute l’administration de la preuve.
[6] L'audience au mérite a lieu le 18 juin 2015.
[7] À la fin de son argumentaire, la procureure de la demanderesse demande que les montants accordés le soient avec intérêts et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec. Le procureur de l'administrateur de la garantie s'est d'une part objecté à cette demande et s'est dit surpris par cette nouvelle demande et requiert un délai pour soumette des autorités à cet égard. L'objection est prise sous réserve d'en traiter dans la présente décision et le délai demandé est accordé. Le même délai est aussi accordé à la procureure de la demanderesse pour valoir, le cas échéant.
[8] De même, à la fin de l'audience, le Tribunal d'arbitrage rouvre l'enquête et demande proprio motu au procureur de l'administrateur de la garantie de le renseigner quant à l'état actuel de l'immeuble. Le procureur a produit une copie de l'index des immeubles à cet égard.
[9] Enfin, la procureure de la demanderesse a demandé que, compte tenu de la décision de l'administrateur de la garantie d'accepter de remettre l'acompte de 3 000 $ versé par la demanderesse, de le faire sans attendre la décision du Tribunal d'arbitrage.
[10] À ces causes, le délibéré dans la présente cause a débuté le 6 juillet 2015.
Mise en contexte
[11] L’entrepreneur est le constructeur d’un bâtiment résidentiel à Terrebonne à être détenu en copropriété divise.
[12] Le 30 avril 2014 la bénéficiaire signe avec l’entrepreneur, le Contrat préliminaire de vente et Contrat de garantie obligatoire de condominium (B-1), pour l'achat d'une unité de condominium à construire. Le contrat indique qu'au moment de la signature un acompte de 3 000 $ a déjà été versé (B-1, section 2.0 - Prix et mode de paiement, article 2.1, Montant à payer).
[13] Il faut savoir que la bénéficiaire a auparavant, le 1er novembre 2012, passé contrat (B-16) avec l'entrepreneur, œuvrant alors sous la bannière Abritat, le plan de garantie de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (apchq), pour l'achat de l'unité de condominium à construire précitée au paragraphe précédent. C'est au moment de la signature de ce contrat qu'un acompte de 3 000 $ a été versé à l'entrepreneur. L'unité de condominium devait alors être livrée le 15 juin 2013.
[14] Cependant, dans l'intérim, Abritat a révoqué le certificat d'accréditation de l'entrepreneur, le rendant dès lors inhabile à construire tout bâtiment résidentiel régi par le Règlement.
[15] Sylvain Beausoleil, T.P., est directeur général adjoint de Qualité Habitation « QH ». Il est aussi directeur du Service d'inspection et il est le signataire de la décision de l'administrateur. Il témoigne que l'entrepreneur a pris contact avec QH dès le 3 décembre 2013 pour obtenir une nouvelle accréditation et pouvoir continuer à exploiter son entreprise.
[16] Monsieur Beausoleil a suivi les négociations avec l'entrepreneur pour son adhésion et sa nouvelle accréditation par le plan de garantie. L'accréditation a été accordée le 14 mars 2014. Les négociations ont été très serrées et les conditions à respecter par l'entrepreneur pour maintenir son accréditation étaient sévères ; car l'entrepreneur avait la réputation de ne pas respecter ses engagements.
[17] Pour faire une histoire courte, avant même les nouvelles adhésion et accréditation, l'entrepreneur devait mettre de l'ordre dans les contrats de vente d'unités de condominium en cours au moment de la révocation de l'accréditation par Abritat ; et transférer sous la bannière de QH les contrats des promettant-acheteurs qui acceptaient de maintenir leur relation avec l'entrepreneur. Toutes ces opérations se sont faites sous la surveillance et le contrôle de QH.
[18] C'est dans le cadre de cette opération que la bénéficiaire-demanderesse a signé le contrat B-1 dont la page 1 est identique à la page 1 de B-16, en changeant ce qui doit être changé.
[19] Plus tard, les 27 et 28 novembre 2014, Qualité Habitation annule l'adhésion de Les Habitations Rea Inc. à son plan de garantie et émet un Certificat de révocation de son accréditation. La bénéficiaire en est informée par une lettre du 5 décembre 2014 (A-7).
[20] Le 16 décembre 2014, la bénéficiaire adresse une réclamation (B-2) à l'entrepreneur, dont une copie est transmise à l'administrateur de la garantie.
[21] Le 25 mars 2015, dû à l'inaction de l'entrepreneur, l'administrateur de la garantie rend une décision (A-2) quant à la réclamation de la bénéficiaire.
[22] Non satisfaite de la décision de l'administrateur de la garantie, la bénéficiaire en demande l'arbitrage en vertu du Règlement.
[23] Le Tribunal d'arbitrage croit utile d'indiquer qu'au sens du Règlement, toutes les dates contractuelles étant antérieures au 31 décembre 2014, c'est la version du Règlement en vigueur au 31 décembre 2014 qui s'applique au déroulement de l'arbitrage.
La demande d’arbitrage (Les questions soumises à l'arbitrage)
[24] La réclamation (B-2) de la demanderesse, comporte les items suivants, à savoir :
1 |
Remboursement de l'acompte initial |
3 000.00 $ |
2 |
Vanité, salle de bain |
951.94 $ * 919.79 $ |
3 |
Luminaires, chambre à coucher |
280.97 $ |
4 |
Robinetterie, salle de bain |
1 168.00 $ |
5 |
Luminaires, cuisine |
1 213.91 $ |
6 |
Revêtement de planchers |
1 074.45 $ |
7 |
Accessoires, salle de bain |
125.04 $ |
8 |
Dosseret de comptoir |
661.88 $ |
9 |
Luminaires encastrés |
621.70 $ |
10 |
Robinetterie, cuisine |
915.19 $ |
11 |
Toiles, fenêtres |
2 200.00 $ |
12 |
Frais de relogement (800.00 $/mois) |
14 400.00 $ * 20 000.00 $ |
13 |
Frais d'entreposage (12 mois à 158.10 $/mois + 13 mois à 169.01 $/mois) |
2 845.80 $ * 4 094.33 $ |
|
Total : |
29 458.88 $ * 36 275.26 $ |
[25] Le 29 mai 2015, à l'occasion de l'audience préliminaire, l'arbitre a demandé à la demanderesse de produire une mise à jour à la date du 18 juin 2015 des montants réclamés qui sont récurrents ; ce qu'elle fait le 28 mai 2015 (B-2.1). Les montants mis à jour sont précédés d'un astérisque (*).
[26] La valeur de cette demande d’arbitrage est de 36 275.26 $.
[27] La demanderesse demande le remboursement de tous et chacun des montants réclamés.
[28] À cet égard, l'administrateur de la garantie traite ainsi les demandes soumises dans sa décision du 25 mars 2015 :
"DÉCISION DE L'ADMINISTRATEUR
ATTENDU QUE le ou vers le 30 avril 2014, la bénéficiaire signait un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium portant le numéro 613047 (ci-après « le contrat »), lequel était signé par l'entrepreneur le 30 avril 2014 et ayant pour but la vente d'une unité de copropriété sise [au] 180, du Campagnol condo # 102, à Terrebonne (ci-après « l'immeuble ») avec prise de possession le 15 juin 2014 ;
ATTENDU QU'à la signature du contrat, la bénéficiaire avait déjà remis à l'entrepreneur un acompte de 3 000.00 $ ;
ATTENDU QUE la bénéficiaire a été informée que l'entrepreneur ne détenait plus la licence lui permettant de construire ce type de bâtiment à savoir la sous-catégorie 1.1.2 ;
ATTENDU QUE la bénéficiaire a formulé une demande de remboursement d'acompte formelle en date du 16 décembre 2014 ;
ATTENDU QUE les seules garanties offertes sur cet immeuble sont les garanties avant réception ;
L'ADMINISTRATEUR REND LA DÉCISION SUIVANTE :
ANALYSE
Conformément à l'article 30(1) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, [lorsque] les bénéficiaires demandent le remboursement de l'acompte versé à la signature du contrat :
30. La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants :
1° pour les acomptes, 39 000 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété ;
La preuve au dossier démontre que l'immeuble n'a pas été livré à la date prévue, comme quoi l'entrepreneur est en défaut de respecter l'obligation qui lui incombe prévue à la clause 4.6 du contrat.
La preuve démontre également que l'entrepreneur n'a plus sa sous-catégorie de licence lui permettant de construire ou vendre ce type de bâtiment à savoir la sous-catégorie 1.1.2 ;
L'attestation d'acompte signée par la bénéficiaire et l'entrepreneur en date du 30 avril 2014 confirme qu'un acompte de 3 000.00 $ a été versé à l'entrepreneur.
Conséquemment, l'administrateur entend donner suite à la réclamation des bénéficiaires (sic).
PAR CONSÉQUENT L'ADMINISTRATEUR :
ACCEPTE la réclamation de la bénéficiaire dans le cadre de son mandat ;
ORDONNE à l'entrepreneur de rembourser la somme de 3 000.00 $ à la bénéficiaire dans les 30 jours de la réception de la présente décision.
Quant aux autres sommes réclamées par la bénéficiaire, celles-ci ne peuvent être considérée comme étant un acompte."
[29] La question posée au Tribunal d'arbitrage est simple. L'administrateur de la garantie est-il bien fondé de limiter le remboursement au seul montant de 3 000 $ au titre d'acompte ? Et qu'en est-il des montants réclamés aux items 12 et 13 du paragraphe [24] ?
[31] Par souci de clarté et pour éviter les redondances, le Tribunal d’arbitrage choisit de traiter en une seule étape de la décision de l’administrateur de la garantie et des réclamations de la bénéficiaire faisant l’objet de l’arbitrage, au chapitre de la discussion et de l’analyse, ci-après.
Discussion
A) La loi des parties
[32] Le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d'améliorer la qualité des constructions neuves.
[33] Le Procureur général du Québec s'exprimait ainsi alors qu'il intervenait dans un débat concernant une sentence arbitrale rendue en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs où il avait été appelé :
"Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d'arbitrage vient s'insérer dans une politique législative globale visant l'établissement d'un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle." [1]
(Le soulignement est du Tribunal d'arbitrage).
[34] Le contrat de garantie fourni par l’entrepreneur est un contrat du type contrat de cautionnement par lequel La Garantie Habitation du Québec Inc. garantit toutes les obligations d'un entrepreneur en construction et garantit l’exécution des travaux convenus par ce dernier. Ce contrat est à la fois un cautionnement d’exécution, garantissant la complète exécution des travaux, et un cautionnement contre les malfaçons, garantissant la qualité des travaux exécutés.
[35] Ce contrat de cautionnement est un contrat intervenu en marge d’un autre contrat, le contrat d’entreprise (le contrat de construction), et au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[36] C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties. On retrouve ces conditions à l'article 7 du Règlement :
“Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues [au Règlement].” (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[37] C’est aussi un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, en faisant les adaptations nécessaires, d’extraits du Règlement qui impose cette intégralité.
[38] À cet égard, le Tribunal d'arbitrage croit utile de reproduire certaines des clauses du contrat de garantie qui régissent la présente affaire :
"CHAPITRE I
INTERPRÉTATION ET APPLICATION
SECTION I
INTERPRÉTATION
1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
…
«entrepreneur»: une personne titulaire d'une licence d'entrepreneur général l'autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d'un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent règlement ;
…
SECTION II
APPLICATION
…
2. Le présent règlement s'applique aux plans de garantie qui garantissent l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction :
…
2. des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie :
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée ;
b) un bâtiment multifamilial de construction combustible ;
c) un bâtiment multifamilial de construction incombustible comprenant au plus 4 parties privatives superposées ;
…
CHAPITRE II
GARANTIE MINIMALE
SECTION I
GARANTIE ET ADHÉSION OBLIGATOIRES
…
6. Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l'article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l'exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l'article 7 et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire.
SECTION II
CONTENU DE LA GARANTIE
7. Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
…
§ 2- Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise
I. Couverture de la garantie
…
26. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1. dans le cas d'un contrat de vente :
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire ;
b) soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur ;
…
3. le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants :
a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés ;
b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.
…
III. Limites de la garantie
30. La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants :
1. pour les acomptes, 39 000 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété;
2. pour la protection à l'égard du relogement, du déménagement et de l'entreposage des biens du bénéficiaire, sur présentation des pièces justificatives et à la condition qu'il n'y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire, 5 500 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété soit :
a) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le déménagement et l'entreposage ;
b) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le relogement comprenant gîte et couvert sans toutefois dépasser, sur une base quotidienne :
- pour 1 personne: 85 $ ;
…
CHAPITRE III
ADMINISTRATEUR D'UN PLAN DE GARANTIE
…
SECTION II
CONDITIONS À REMPLIR PAR L'ADMINISTRATEUR
…
§ 7. Autres conditions
…
74. Aux fins du présent règlement et, en l'absence ou à défaut de l'entrepreneur d'intervenir, l'administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l'entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.
…
CHAPITRE IV
NORMES ET CRITÈRES DU PLAN DE GARANTIE ET DU CONTRAT DE GARANTIE
…
SECTION I
ADHÉSION D'UN ENTREPRENEUR
78. Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit :
…
3. signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II;
…
§ 7. Annulation de l'adhésion
…
94. L'adhésion d'un entrepreneur cesse d'avoir effet dès qu'il n'est plus titulaire de la licence d'entrepreneur appropriée délivrée par la Régie.
…
§ 8. Dispositions particulières
…
96. Les droits d'un bénéficiaire ne sont pas affectés par la cessation d'effet de l'adhésion d'un entrepreneur.
97. Le bénéficiaire qui a conclu un contrat pour la vente ou la construction d'un bâtiment visé à l'article 2 avec un entrepreneur qui a adhéré à un plan approuvé, mais qui n'est pas titulaire du certificat d'accréditation approprié, ne perd pas le bénéfice de la garantie applicable à ce bâtiment.
…
SECTION IV
RÈGLES RELATIVES AU CONTRAT DE GARANTIE
…
135. La signature de l'entrepreneur doit être apposée sur la dernière page des doubles du contrat de garantie à la suite de toutes les stipulations.
136. La signature apposée par l'entrepreneur lie l'administrateur.
…
ANNEXE II
LISTE DES ENGAGEMENTS DE L'ENTREPRENEUR
L'entrepreneur s'engage :
…
8. à dénoncer à l'administrateur, sur la formule fournie par celui-ci, dès que versés, tous et chacun des acomptes qui lui sont remis relativement à l'achat de tout bâtiment visé ;"
[39] À l'égard de cet engagement de l'entrepreneur, le Contrat préliminaire de vente et Contrat de garantie obligatoire de condominium (B-1) contient la clause suivante :
"4.0 - Conditions spécifiques
…
4.4. Modifications
Le promettant-acheteur s'engage, pendant le cours de la construction, à ne demander aucune modification à l'immeuble sans avoir au préalable obtenu le consentement du vendeur. Le cas échéant le consentement du vendeur et le coût additionnel convenu pour les modifications, qui sera payable au vendeur avant leur réalisation, devront être constatés par écrit."
[40] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que l'économie générale du Règlement et les buts visés par le législateur, tel que l'exprime plus haut le Procureur général du Québec, l’inscrivent au type des lois de la protection du consommateur. Il est d’ordre public et on ne peut y déroger. À preuve, les articles suivants du Règlement :
“3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie [du bâtiment du Québec].
4 Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.
5 Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle.
...
19.1 Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations... à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
...
105 Une entente [suivant la médiation] ne peut déroger aux prescriptions du présent règlement.
...
138 Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
139 Toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.”
[41] L'article 6.1 de la Loi sur la protection du consommateur (l.r.r.q., c. P-40.1) confirme aussi cette classification :
"6.1 Le présent titre, le titre II relatif aux pratiques de commerce, les articles 264 à 267 et 277 à 290 du titre IV, le chapitre I du titre V et les paragraphes c, k et r de l'article 350 s'appliquent également à la vente, à la location ou à la construction d'un immeuble…"
[42] Et l'article 1384 du Code civil du Québec en fait, à certaines conditions, un contrat de consommation :
"1384. Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d'application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l'une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l'autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d'une entreprise qu'elle exploite."
[43] Pour résumer. La garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par La Garantie Habitation du Québec Inc. dans le cadre du Règlement est un contrat de cautionnement réglementé. C'est aussi un contrat s’inscrivant au titre des lois de la protection du consommateur et, à certaines conditions, un contrat de consommation. Enfin, c'est un contrat d’ordre public.
[44] C'est en gardant à l'esprit toutes ces considérations et en s'appuyant sur les textes de loi que le Tribunal d'arbitrage analyse les questions qui lui sont soumises.
B) Analyse
[45] Les faits relatés aux paragraphes [2] à [30], ne sont pas contestés, sauf certaines des réclamations énumérées au tableau du paragraphe [24].
[46] De même, les contrats du document B-1, contrat de vente et contrat de garantie, ne sont pas contestés ; y incluant la page Attestation d'acompte qui atteste à nouveau de l'acompte de 3 000 $ préalablement versé et l'annexe intitulée Annexe au contrat préliminaire qui indique 3 rubriques : inclusions / exclusions / modifications. Le Tribunal d'arbitrage note que cette page incluse au contrat B-1 ne comprend que les rubriques inclus et exclus.
[47] Outre l'attestation d'acompte que l'entrepreneur doit compléter et transmettre à l'administrateur pour dénoncer tous et chacun des acomptes qui lui sont remis…, il est de la connaissance judiciaire de ce Tribunal d'arbitrage, un tribunal spécialisé en matière du Plan de garantie sur les bâtiments résidentiels neufs, que les formulaires annexes que l'administrateur de la garantie transmet à l'entrepreneur avec les exemplaires du contrat précité comprennent toutes les annexes utiles pour couvrir toutes les situations contractuelles, notamment l'Annexe pour les modifications ou additions au contrat (au moment de la signature) et l'Annexe pour les modifications postérieures à la signature du contrat ; et que l'Annexe pour les modifications postérieures à la signature du contrat contient, entre autres, les clauses similaires aux suivantes, à savoir :
"Les parties conviennent des modifications suivantes en vertu du contrat décrit ci-dessus : __________
La nouvelle date de fin des travaux sera le __________
Le coût additionnel des travaux supplémentaires ci-dessus mentionnés sera de __________ $
Le promettant-acheteur/client s'engage à payer le coût additionnel relatif aux travaux supplémentaires au plus tard le __________"
[48] Or, ni la demanderesse ni l'administrateur de la garantie n'ont déposé d'autres pages relatives au contrat. Le Tribunal d'arbitrage en infère qu'il n'y a pas eu d'autres pages incluses au contrat.
[49] Quant à la page Annexe au contrat préliminaire précitée, la rubrique inclus comprend les indications suivantes :
- L'air climatisé central ;
- Les frais de notaire si vous faites affaire avec l'une (sic) de nos courtier (sic) hypothécaire (sic) % .50 de l'hypothèque ;
- Le rought (sic) de balayeuse central (sic) sera inclus ;
- Le vendeur paiera à partir du 15 juin 2013, 800 $ par mois pour les frais de retard du condo 102 phase 1.
(Note du T.A. : ajout comprenant un seul paraphe) : sera déduit des extras ou bien de l'hypothèque ;
- Il y aura un remboursement des frais de storage selon la vérification des frais avec facture à l'appuie (sic) (à venir). Le montant sera 158 $ par mois soit du 15 juin 2013 ;
[50] Maintenant, avant de traiter des réclamations de la demanderesse, le Tribunal d'arbitrage croit nécessaire de traiter de 2 points généraux, dans l'ordre ci-après :
- la demande de la demanderesse que les montants dus portent des intérêts majorés de l'indemnité additionnelle et l'objection de la défenderesse l'administrateur de la garantie à cet égard ;
- le silence et l'absence de l'entrepreneur ;
[51] À l'appui de son objection quant à l'octroi d'intérêts, l'administrateur de la garantie allègue que l'arbitre ne doit pas se servir de l'article 116 du Règlement pour octroyer à la bénéficiaire des droits que le Règlement ne lui confère pas. L'article en question énonce :
"116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient."
[52] L'administrateur de la garantie cite aussi l'arbitre Alcide Fournier dans l'affaire Doucet et al. [2], qui s'exprime ainsi :
"[42] Il faut dire d'abord que le règlement sur le plan de garantie ne prévoit pas le versement d'intérêts sur les sommes qui sont dues et ne prévoit pas non plus le versement de dommages et intérêts comme il est réclamé dans le présent litige."
[53] Avec égards pour l'opinion contraire, ce Tribunal d'arbitrage ne partage pas l'opinion de l'arbitre Fournier. En effet, dans l'affaire Gemme [3], ce Tribunal d'arbitrage s'exprimait déjà ainsi qu'il suit quant à l'octroi d'intérêts :
L'article 944.10 du Code de procédure civile énonce que :
"Les arbitres tranchent le différend conformément aux règles de droit qu'ils estiment appropriées et, s'il y a lieu, déterminent les dommages-intérêts." (Le soulignement est du Tribunal d'arbitrage).
Mais, pour circonscrire véritablement les pouvoirs et la compétence de l'arbitre, il faut en référer à la loi habilitante.
À cet égard, on retrouve au Règlement, aux chapitres "Exclusions de la garantie" et "Limites de la garantie", les articles 12, 13, 14, 29 et 30 qui limitent le pouvoir de l'arbitre d'accorder des dommages-intérêts.
Ces exceptions ou limitations confirment la règle du pouvoir de l'arbitre d'accorder des dommages-intérêts sous réserve des limites imposées par le Règlement.
Si le législateur a cru bon d'indiquer que l'arbitre ne peut octroyer la réparation de dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l'entrepreneur, c'est qu'il a considéré le pouvoir de l'arbitre d'en accorder pour des dommages découlant de la responsabilité civile contractuelle [de ce dernier].
[54] Qui plus est, l'article 2643 du Code civil du Québec stipule que, sous réserve des dispositions de la Loi auxquelles on ne peut déroger, la procédure d'arbitrage est réglée par le contrat ou, à défaut, par le Code de procédure civile.
[55] L'article 944.1 du Code de procédure civile édicte :
944.1. Sous réserve des dispositions du présent Titre, les arbitres procèdent à l'arbitrage suivant la procédure qu'ils déterminent. Ils ont tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leur compétence…
[56] Et, pour en terminer, il y a lieu de rajouter l'alinéa 3 de l'article 944.10 précité :
944.10. …
Dans tous les cas, ils décident conformément aux stipulations du contrat et tiennent compte des usages applicables. (Les soulignements sont du Tribunal d'arbitrage).
[57] Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal d'arbitrage rejette l'objection de l'administrateur de la garantie quant à l'octroi d'intérêts majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec. Il fera droit à de tels intérêts là où il estimera avenu de le faire, et cela sans avoir à invoquer l'équité.
[58] Quant au deuxième point énoncé plus avant, la preuve démontre le refus ou la négligence de l'entrepreneur à comparaître, son refus de répondre aux demandes de l'administrateur de la garantie et son manque de collaboration. Il serait dès lors futile, contre-productif, vexatoire à l'endroit de la demanderesse et pure perte de temps et d'énergie de condamner l'entrepreneur à faire ou ne pas faire quoi que ce soit et de contraindre la demanderesse, à défaut par ce dernier d'agir, à devoir ensuite se tourner vers l'administrateur de la garantie pour obtenir ce qui lui est dû.
[59] L'article 74 du Règlement, cité à la page 10, parle de lui-même. Comme l'administrateur de la garantie est le garant des obligations de l'entrepreneur et qu'il doit assumer tous et chacun des engagements de ce dernier, le Tribunal d'arbitrage dirigera directement vers l'administrateur de la garantie les condamnations qui auraient autrement dû être dirigées vers l'entrepreneur, réservant à l'administrateur de la garantie ses droits à être dédommagé par l'entrepreneur pour toute somme versée en ses lieu et place en vertu des garanties que l'administrateur de la garantie a obtenu en retour de ce cautionnement.
[60] Ce qui nous amène maintenant à la réclamation de la bénéficiaire dont chacun des items numérotés de 1 à 13 est décrit au tableau du paragraphe [24]. Le Tribunal d'arbitrage croit utile de regrouper les demandes de remboursement sous 3 rubriques pour en faciliter le traitement, à savoir :
- la demande de remboursement de l'acompte de 3 000 $ (item # 1) ;
- la demande de remboursement du prix de chacun des items # 2 à # 11 ;
- les frais de relogement (item # 12) et les frais d'entreposage (item # 13).
1 |
Remboursement de l'acompte initial |
[61] Dans sa décision du 25 mars 2015, l'administrateur de la garantie fait droit à la demanderesse au remboursement d'un montant de 3 000 $ au titre d'acompte et ordonne à l'entrepreneur de rembourser la dite somme dans les 30 jours de la réception de sa décision. Mais il est en preuve que l'entrepreneur ne répond pas aux demandes de l'administrateur de la garantie et qu'il refuse ou néglige de collaborer de quelque manière que ce soit. D'où la demande de la procureure de la demanderesse à l'administrateur de la garantie d'accepter de remettre l'acompte de 3 000 $ versé par la demanderesse sans attendre la décision du Tribunal d'arbitrage.
[62] Le procureur de l'administrateur de la garantie a plus tard informé le Tribunal d'arbitrage et a confirmé à la procureure de la demanderesse que l'administrateur de la garantie acceptait de payer et a effectivement payé à la procureure de la demanderesse, en fidéicommis, le dit montant de 3 000 $ au titre de remboursement de l'acompte initial, dans les jours suivant le 23 juin 2015. Dont acte.
[63] Comme le Tribunal d’arbitrage estime que c’est à compter de la date de la présente sentence arbitrale que les intérêts à l'égard de l'acompte initial devraient être calculés ; et comme le paiement a été exécuté alors que la suspension du délibéré n'avait pas encore été levée, le Tribunal d'arbitrage estime qu'il n'y a pas lieu d'octroyer d'intérêts.
2 |
Vanité, salle de bain |
3 |
Luminaires, chambre à coucher |
4 |
Robinetterie, salle de bain |
5 |
Luminaires, cuisine |
6 |
Revêtement de planchers |
7 |
Accessoires, salle de bain |
8 |
Dosseret de comptoir |
9 |
Luminaires encastrés |
10 |
Robinetterie, cuisine |
11 |
Toiles de fenêtres |
[64] Pour le traitement et une meilleure compréhension de la demande de remboursement du prix de chacun des items # 2 à # 11 le Tribunal d'arbitrage croit utile d'inclure ceux-ci dans un tableau chronologique des événements qui sont contemporains aux dates auxquelles ces dépenses ont été engagées.
[65] Liste chronologique d'événements.
Séq. |
Pièce |
Description |
Date |
Livraison ou Prix |
1 |
B-16 |
Contrat # 1 (gmn / apchq) |
1 nov. 2012 |
15 juin 2013 |
2 |
B-3 |
Frais de relogement - engagement |
17 aou. 2013 |
21 600.00 $ |
3 |
|
Révocation # 1 (S. Beausoleil) |
?? nov. 2013 |
|
4 |
B-5 |
Vanité - salle de bain |
2 fév. 2014 |
919.79 $ |
5 |
B-7 |
Salle de bain, équip. et accessoires |
4 mar. 2014 |
1 168.00 $ |
6 |
|
Accréditation (qh) (S. Beausoleil) |
14 mar. 2014 |
|
7 |
B-8 |
Luminaires (1213.91 $) |
7 avr. 2014 |
1 048.39 $ |
8 |
B-12 |
Luminaires encastrés |
7 avr. 2014 |
621.70 $ |
9 |
B-14 |
Toiles, fenêtres |
8 avr. 2014 |
2 200.00 $ |
10 |
B-1 |
Contrat # 2 (qh / acq) |
30 avr. 2014 |
15 juin 2014 |
11 |
B-1 |
Frais de relogement - Annexe |
30 avr. 2014 |
|
12 |
B-1 |
Frais d'entreposage - Annexe |
30 avr. 2014 |
|
13 |
B-4 |
Frais d'entreposage - engagement |
30 avr. 2014 |
4 094.33 $ |
14 |
B-9 |
Revêtement de planchers |
27 aou. 2014 |
1 074.45 $ |
15 |
B-10 |
Distributeur savon |
8 sep. 2014 |
125.04 $ |
16 |
B-6 |
Luminaires |
23 sep. 2014 |
280.97 $ |
17 |
B-11 |
Dosseret |
7 oct. 2014 |
661.88 $ |
18 |
A-5/A-6 |
Avis + Révocation # 2 |
27 nov. 2014 |
|
19 |
B-13 |
Robinetterie cuisine |
16 déc. 2014 |
915.19 $ |
[66] De la preuve non contestée, on apprend l'occurrence des événements listés au tableau du paragraphe précédent de même que la date de référence de ces événements. Les montants réclamés par la demanderesse pour les matériaux, équipements et accessoires ne sont pas contestés par l'administrateur de la garantie à l'exception du prix des luminaires B-8 pour lesquels le prix agréé devient 1 048.39 $. Pour certains de ces items, la contestation de l'administrateur de la garantie se situe à d'autres considérations tel qu'il en sera discuté dans cette section. Il est aussi utile de noter les 2 dates de livraison de l'unité de condominium établies par l'entrepreneur ; d'abord, à l'occasion du 1er contrat daté du 1er novembre 2012 (B-16) pour une livraison prévue le 15 juin 2013 puis à l'occasion du 2e contrat daté du 30 avril 2014 (B-1) pour une livraison prévue le 15 juin 2014. On peut aussi situer la date de la révocation de l'accréditation de l'entrepreneur par l'apchq vers le mois de novembre 2013 par le témoignage de monsieur Beausoleil qui nous indique que l'entrepreneur a approché La Garantie Habitation du Québec dès le 3 décembre 2013 pour entamer des pourparlers en vue de son accréditation par celle-ci, qu'elle a accordée le 14 mars 2014.
[67] La preuve non contestée nous apprend également que tous les achats faits par la demanderesse ont été payés, y incluant : la vanité de salle de bain (B-5) payée par sa mère, madame D'Errico Gouin, pour profiter d'un escompte accordé sur les achats payés avec sa carte de crédit, et que la demanderesse a par la suite remboursée ; et tous les luminaires encastrés (B-12), achetés par l'intermédiaire de l'employeur de son frère, un électricien, pour profiter d'un escompte, et qu'elle a payé directement. Une seule exception, la robinetterie de cuisine (B-13), un cadeau de ses parents, dont elle a obtenu un duplicata de la facture. La demanderesse a également produit des photos (B-15) démontrant que tous les matériaux, équipements et accessoires ont été livrés à l'entrepreneur et installés par ce dernier, sauf un broyeur d'évier de cuisine et les toiles des fenêtres qui ne sont pas encore installés.
[68] Elle témoigne aussi qu'à plusieurs occasions, inquiète de la situation et de la lenteur à laquelle progressaient les travaux, elle a communiqué avec madame Mélanie René, l'Adjointe aux réclamations chez La Garantie Qualité Habitation du Québec pour savoir si elle pouvait livrer ou faire livrer ses marchandises ; et qu'à chaque fois on lui répondait de ne pas avoir d'inquiétude ; qu'elle était assurée jusqu'à concurrence de 39 000 $... jusqu'au 5 décembre 2014, date à laquelle elle a reçu la nouvelle de la perte d'accréditation de l'entrepreneur et qu'elle a rappelé madame René pour connaître la procédure à suivre pour récupérer une partie de ce qui lui est dû.
[69] Inquiète, elle l'était. Elle et madame D'Errico Gouin, relatent que de promesse en promesse de la part de l'entrepreneur et de remise en remise, le chantier progressait lentement mais elles gardaient l'espoir de voir aboutir cette construction.
[70] La demanderesse est catégorique à tous égards quant aux extras achetés ou reçus en cadeau et pour lesquels les montants affichés au tableau ci-haut ne sont plus contestés. Elle a livré ou fait livrer à l'entrepreneur ces matériaux et équipements et accessoires. Elle témoigne également qu'à chaque fois qu'elle souhaitait que soit installé un produit d'un grade supérieur à celui prévu dans le prix de vente de l'entrepreneur, ce dernier indiquait à la demanderesse vers quel détaillant se diriger et exigeait qu'elle paie directement le fournisseur car il n'avait pas d'argent pour le payer. Dans ces cas, il devenait bête dès qu'il s'agissait de faire affaire directement avec un fournisseur et menaçait souvent d'annuler le contrat. Elle se sentait intimidée.
[71] La demanderesse produit en preuve ce qu'elle appelle une feuille de travail de Les Habitations Rea (B-7). Ce tableau comptable daté du 27 février 2014 est fort intéressant. Il énumère les équipements et accessoires de plomberie achetés chez le fournisseur Les Salles de bain du Coteau ; en dresse le prix de l'équipement de base fourni par l'entrepreneur et convenu avec le fournisseur, et le prix de l'équipement acheté par la cliente et la différence de prix : l'extra. De plus, des commentaires très probatoires y sont inclus, comme : « Robinet d'évier - fourni par la cliente » ; d'où un crédit de « 119.00 $ » pour l'équipement de base ; « Broyeur - attention-non installé » ; et finalement, la mention que le coût des extras, « 1 168.00 $ » a été « payé en argent comptant le 4 mars 2014 ». Le deuxième document de la pièce B-7 est une lettre de Vague & Vogue, le fournisseur de l'entrepreneur. L'un et l'autre document de B-7 ne sont pas contestés. Le directeur du magasin y détaille tous les équipements et accessoires achetés par la demanderesse, en indique les prix, soustrait le crédit du fournisseur à l'entrepreneur, et inscrit le résultat de l'opération : 1 168.00 $. Puis, le directeur du magasin écrit :
"Tous les extras de Mme Gouin ont été facturer (sic) à Habitation (sic) Rea et livré (sic) sur le projet en septembre 2014 mais n'ont jamais été payé par le constructeur."
[72] Pour le Tribunal d'arbitrage, tous les détails et toutes les explications donnés par la demanderesse relativement à tous ces produits surclassés renforcent et rehaussent la crédibilité du témoignage de cette dernière et le rendent inattaquable.
[73] Et le Tribunal d'arbitrage en infère le modus operandi de l'entrepreneur.
[74] Difficultés financières ou pas, cela n'a pas d'importance en l'espèce. En opérant de la façon décrite plus haut, l'entrepreneur omettait sciemment de compéter un ou des annexes pour les modifications postérieures à la signature du contrat. Il omettait également, sciemment, de compléter une ou des attestations d'acompte lorsque le montant des modifications était immédiatement payé par la cliente. Il mettait ainsi en péril les acomptes versés. Et il agissait en fraude des droits de la bénéficiaire. Il agissait aussi en fraude des droits de l'administrateur de la garantie ; d'abord parce que l'administrateur de la garantie doit garantir toutes et chacune des obligations de l'entrepreneur ; puis parce que l'augmentation du prix de la vente oblige également à verser les redevances requises par la caution pour le rehaussement des montants cautionnés. Mais celles-là sont d'autres considérations, extérieures à l'objet qui nous occupe.
[75] On comprend mieux maintenant pourquoi l'administrateur de la garantie, dans sa décision (A-2), écrit :
"La preuve au dossier démontre…
…
L'attestation d'acompte signée par la bénéficiaire et l'entrepreneur en date du 30 avril 2014 confirme qu'un acompte de 3 000.00 $ a été versé à l'entrepreneur."
(Notre soulignement).
Il n'y a pas d'autres documents au dossier de l'administrateur de la garantie indiquant les montants payés par la demanderesse directement aux fournisseurs pour et à l'acquit de l'entrepreneur et pour son propre bénéfice, à elle.
[76] Mais l'administrateur de la garantie va plus loin :
"Quant aux autres sommes réclamées par la bénéficiaire, celles-ci ne peuvent être considérée comme étant un acompte."
[77] À l'audience, à l'occasion de l'interrogatoire de monsieur Beausoleil, le procureur de l'administrateur n'a pas abordé ces questions. C'est dans son argumentaire qu'il indique d'abord que si un extra n'est pas payé à l'entrepreneur, c'est qu'il a été payé à un tiers et donc qu'il ne fait pas partie contrat ; et ensuite que ces montants n'apparaissent nulle part. Or comme La Garantie Habitation doit couvrir les obligations de l'entrepreneur, elle ne peut considérer ces paiements. Enfin, l'administrateur de la garantie allègue que certains items ont été payés avant la date de l'accréditation du 14 mars 2014 puis que la robinetterie de cuisine a été achetée après la date de la révocation # 2, le 27 novembre 2014.
[78] Le procureur renvoie ensuite le Tribunal d'arbitrage à l'article 1711 du Code civil du Québec qui énonce :
1711. Toute somme versée à l'occasion d'une promesse de vente est présumée être un acompte sur le prix à moins que le contrat n'en dispose autrement.
[79] Le procureur renvoie aussi le Tribunal d'arbitrage à la définition du mot acompte au Dictionnaire Larousse :
· "Paiement partiel à valoir sur une somme due.
· Somme d'argent versée au vendeur en cas d'exécution différée du contrat de vente. (En cas d'inexécution, l'acompte, sauf dispositions contraires, doit être restitué à l'acheteur.)"
[80] De ce qui précède, il ressort que l'article 1711 CcQ ne limite pas le versement d'un acompte au seul vendeur. Il suffit que la somme versée le soit à l'occasion d'une promesse de vente. Le Larousse donne une variante de l'article précité. Et il ajoute : en cas d'inexécution, l'acompte doit être restitué à l'acheteur.
[81] Le résultat : toutes les sommes d'argent versées au vendeur à l'occasion d'une promesse de vente inexécutée doivent être restituées à l'acheteur. Est-il nécessaire d'ajouter que tant que la vente n'est pas réalisée, les parties agissent dans le cadre d'une promesse de vente ?
[82] Et le procureur oublie aussi de nous référer aux articles 1555 et 1557 du CcQ qui enseignent que :
1555. Le paiement peut être fait par toute personne, lors même qu'elle serait un tiers par rapport à l'obligation…
1557. Le paiement doit être fait au créancier ou à une personne autorisée à le recevoir pour lui.
S'il est fait à un tiers, il est valable si le créancier le ratifie…
[83] Dans un premier temps, la preuve démontre que les paiements faits par des tiers pour l'achat des matériaux, équipements ou accessoires leur ont été remboursés par la demanderesse. Mais ce qui importe plutôt, c'est que c'est la demanderesse qui a livré ou fait livrer ces matériaux, équipements ou accessoires à l'entrepreneur qui, sauf pour les cas d'exception déjà indiqués, les a déjà installés.
[84] Dans un deuxième temps, dans les cas où la demanderesse a payé des tiers, c'est à la demande de l'entrepreneur qu'elle l'a fait et, encore une fois, l'entrepreneur a ratifié ces paiements en recevant les marchandises et, sauf pour les cas d'exception déjà indiqués, les a déjà installées.
[85] D'autre part, la preuve non contredite administrée par la procureure de la demanderesse démontre que l'administrateur de la garantie connaît, depuis son implication dans le dossier de l'entrepreneur, tous les engagements et toutes les obligations de ce dernier. D'abord par l'étude de sa situation antérieure, ensuite en acceptant de négocier son retour au plan de garantie et en menant des négociations serrées, puis par l'obligation faite à l'entrepreneur de nettoyer ses dossiers en cours avant le transfert des dossiers sous l'égide de QH, en acceptant d'accréditer l'entrepreneur, et finalement par la réception du contrat B-1 signé le 30 avril 2014 et par son suivi du dossier jusqu'au moment de l'avis d'annulation de l'adhésion au plan de garantie (A-5).
[86] À preuve aussi la lettre du 28 novembre 2014 (A-5), par laquelle l'administrateur de la Garantie annonce à Les Habitations Rea Inc. l'annulation de son adhésion au plan de garantie de QH et sa perte d'accréditation. L'article 66 du Règlement impose cette lettre : Toute décision de l'administrateur refusant ou annulant l'adhésion d'un entrepreneur au plan approuvé… doit être écrite et motivée. Il s'avère nécessaire de reprendre de larges extraits de cette lettre qui parle d'elle-même :
"La présente est pour vous aviser que nous procédons à l'annulation de l'adhésion de votre entreprise auprès du plan de garantie de Qualité Habitation puisqu'elle ne respecte pas le ou les articles suivants du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neuf.
Selon le règlement, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit : (article 78)
78.2 satisfaire aux conditions et aux critères financiers prescrits par la présente section ;
Selon le règlement, l'administrateur peut annuler une adhésion lorsque l'entrepreneur se trouve dans l'une des situations suivantes : (article 93)
93.1 il ne remplit plus l'une des conditions requises par le présent règlement pour obtenir un certificat d'accréditation ;
93.3 il est en défaut de paiement des frais d'adhésion, de renouvellement de l'adhésion ou d'enregistrement ;
93.4 ses constructions ne répondent pas aux critères de qualité requis par l'administrateur ;
93.5 il omet de parachever les travaux relatifs au bâtiment ou n'effectue pas les réparations requises selon les exigences de l'administrateur ;
93.9 il ne transmet pas les documents requis par l'administrateur ou ne fournit pas les garanties ou les sûretés exigées par l'administrateur conformément au présent règlement.
…
Selon le règlement, l'entreprise qui entend travailler dans le domaine des bâtiments multifamiliaux détenus en copropriété divise de plus de 5 parties privatives doit en outre fournir à l'administrateur : (article 87)
87.4 une copie de la note d'information prévue aux articles 1787 et suivants du Code civil ;
...
SELON L'ANNEXE II
L'entrepreneur s'engage :
p. 3 à respecter les règles de l'art et les normes en vigueur applicables au bâtiment ;
p. 7 à toutes et chacune des obligations qui lui sont imposées par l'administrateur dans le cadre du plan de garantie à l'égard de tout bâtiment visé, que ce dernier soit enregistré ou non auprès de l'administrateur ;
p. 8 à dénoncer à l'administrateur, sur la formule fournie par celui-ci, dès que versés, tous et chacun des acomptes qui lui sont remis relativement à l'achat de tout bâtiment visé ;
p. 11 à transmettre sur demande de l'administrateur, les rapports de surveillance continue et l'attestation de conformité préparés par un professionnel du bâtiment indépendant de l'entrepreneur, le cas échéant ;
p. 15 à produire, sur demande de l'administrateur, les rapports périodiques et les attestations de conformité préparés par un architecte ou un ingénieur lors de la construction de tout bâtiment soumis à l'exigence de la surveillance des travaux de construction selon le codes et normes en vigueur ;
p. 17 à collaborer avec tout représentant de l'administrateur dument mandaté ;
Également, l'entreprise ne respecte pas les dates de livraison promises aux bénéficiaires.
II va de soi que vous ne pourrez plus utiliser aucun des formulaires de la garantie Qualité Habitation que vous avez en votre possession. En conséquence, tel que l'exige le Règlement, veuillez nous les retourner et principalement le certificat d'accréditation et ce, dans les meilleurs délais.
La fermeture de votre dossier ne dégage en rien votre entreprise et les cautions personnelles de leurs responsabilités et obligations envers le plan de garantie."
(L'emphase est du Tribunal d'arbitrage).
[87] Quant aux arguments à l'effet que certains achats ont été faits avant la date de l'accréditation de l'entrepreneur au plan de garantie de QH et qu'un autre a été fait après la date de la révocation de son accréditation, ils ne tiennent pas.
[88] Il ne faut pas perdre de vue que, selon toute vraisemblance, l'entrepreneur est demeuré opérationnel et actif entre l'époque de la révocation de l'accréditation par Abritat (apchq) et celle de sa nouvelle accréditation par QH. En effet, comment la demanderesse pouvait-elle savoir où magasiner les extras qu'elle souhaitait acheter et pourquoi avoir fait les 2 achats des 2 février et 4 mars 2014 alors que l'entrepreneur avait perdu toute autorisation de continuer à œuvrer à la construction du bâtiment duquel il s'agit en l'instance, plus de 2 mois après la perte d'accréditation et presque 2 mois avant la nouvelle accréditation, sinon parce qu'elle et l'entrepreneur était toujours en contact, que l'entrepreneur était dans la phase « nettoyage de ses dossiers » exigée par QH et qu'il négociait aussi avec la demanderesse pour qu'elle accepte de maintenir sa relation contractuelle avec l'entrepreneur. Ce que l'administrateur de la garantie savait, devait savoir, ou aurait dû savoir.
[89] Pour ce qui est de la robinetterie de cuisine (B-13), cadeau des parents, il a été démontré (B-15) que l'équipement était installé au moment de la perte d'accréditation.
[90] Tous les obstacles à la qualification d'acompte des montants énumérés au paragraphe [65] ayant été surmontés, ces montants doivent-ils pour autant être remboursés à la bénéficiaire par La Garantie Habitation du Québec Inc. ?
[91] L'Honorable Jeffrey Edwards, j.c.s., alors qu'il était avocat et agissait comme arbitre, s'exprimait ainsi dans l'affaire Agudelo [4]
"[27] La question fondamentale à laquelle le Tribunal d'arbitrage doit répondre en l'espèce est la suivante : Dans le cas où un entrepreneur accrédité auprès de l'Administrateur fait sciemment fi et outrepasse les directives de l'Administrateur, et que cet entrepreneur trompe et abuse de la confiance d'un bénéficiaire en lui soutirant de l'argent dans la forme d'un acompte, quelle partie est la mieux placée, le bénéficiaire ou l'administrateur, pour prévenir et, le cas échéant, assumer cette perte?
[28] À notre avis, à moins de fraude, négligence grossière ou aveuglement volontaire de la part d'un bénéficiaire, la réponse qui s'impose est que l'Administrateur est le mieux placé pour gérer, conformément à l'esprit de la protection du consommateur du Règlement, le risque, les conséquences et les pertes d'argent liés au comportement fautif et délinquant de son ancien membre.
[29] Le Tribunal d'arbitrage considère qu'il est de l'esprit du Règlement de protéger les consommateurs à l'encontre d'un abus des entrepreneurs. En effet, Me Denys-Claude Lamontagne mentionne dans son ouvrage sur le droit de la vente :
« Depuis le 1er janvier 1999, toutes les constructions résidentielles neuves sont soumises au nouveau plan de garantie instauré par la Régie du bâtiment. Avec cette protection, d'ordre public, une des plus complètes au Canada, la Régie compte mettre un point final aux cauchemars des propriétaires. »
[30] Le Règlement a été mis en place notamment pour protéger les bénéficiaires en cas d'insolvabilité de l'entrepreneur. À notre avis, cette même protection existe en vertu du Règlement à l'égard de fausses représentations et/ou dol commis par un entrepreneur envers le consommateur….
[31] Devant un consommateur de bonne foi, l'Administrateur devrait assumer le risque de tels écarts de conduite de son ancien membre. L'Administrateur est beaucoup mieux placé pour contrôler et gérer ce risque, notamment :
A) en obtenant un avenant de l'assurance particulière anti-fraude ou anti-vol ;
B) en fixant et en augmentant les primes auprès de ses membres en conséquence ;
C) en exigeant de meilleures garanties et sûretés auprès de ses membres et en adoptant les mesures de sélection plus exigeantes concernant l'admission de nouveaux membres ;
D) en adoptant des mesures plus efficaces de contrôle concernant des activités prohibées des membres…"
[92] Le Tribunal d'arbitrage partage cette opinion et est d'opinion que, dès qu'un bénéficiaire remet à un entrepreneur une somme d'argent ou qu'il paie pour lui et à sa demande un tiers pour l'achat de matériaux, d'équipements ou d'accessoires utiles à la construction d'un bâtiment résidentiel et que ces biens sont livrés à l'entrepreneur, cette somme est protégée par un plan de garantie, même à défaut d'attestation d'acompte, que le bien soit installé ou non.
[93] Par ailleurs, quant à l'omission par l'entrepreneur de dénoncer à l'administrateur, sur la formule fournie par celui-ci, dès que versés, tous et chacun des acomptes qui lui sont remis relativement à l'achat de tout bâtiment visé, en contravention de l'engagement qu'il a pris (Annexe II, Liste des engagements de l'entrepreneur, 8°)), ce manquement à cette obligation imposée ne doit en aucun cas préjudicier au bénéficiaire et encore moins lui faire perdre des droits. Surtout s'il n'est pas partie à cette obligation.[5]
[94] Finalement, l'arbitre Jean Morissette formule l'opinion suivante dans l'affaire Lefrançois [6] quant au rôle et aux devoirs de l'administrateur de la garantie lorsqu'il traite une réclamation des bénéficiaires :
"[36] Le devoir de l'Administrateur lorsqu'il est appelé à vérifier une dénonciation d'un bénéficiaire du Plan de garantie n'est pas de faire peser sur le consommateur le principe de droit du fardeau de la preuve (sic). Son rôle est de sauvegarder les droits des personnes qui bénéficient d'une protection décrite dans le Règlement. Il doit prendre toutes les mesures qui s'imposent pour rendre une décision objective et neutre…" (Le soulignement est du Tribunal d'arbitrage)
[95] La somme des montants réclamés par la demanderesse pour les matériaux, équipements et accessoires achetés et payés pour et à l'acquit de l'entrepreneur, au titre d'acomptes et à son bénéfice, et dont il est question dans la présente section totalise 9 015.31 $, tel qu'il appert au tableau suivant :
Pièce |
Description |
Prix |
B-5 |
Vanité - salle de bain |
919.79 $ |
B-7 |
Salle de bain, équip. et accessoires |
1 168.00 $ |
B-8 |
Luminaires (1213.91 $) |
1 048.39 $ |
B-12 |
Luminaires encastrés |
621.70 $ |
B-14 |
Toiles, fenêtres |
2 200.00 $ |
B-9 |
Revêtement de planchers |
1 074.45 $ |
B-10 |
Distributeur savon |
125.04 $ |
B-6 |
Luminaires |
280.97 $ |
B-11 |
Dosseret |
661.88 $ |
B-13 |
Robinetterie cuisine |
915.19 $ |
[96] Cependant, le Tribunal d'arbitrage compte faire 2 ajustements à l'égard de 2 des montants, comme suit :
- Comme le montant de 919.79 $ (B-5) a été payé par madame Gouin mère pour faire bénéficier sa fille, la demanderesse, d'un escompte de 1 % sur les achats portés à sa carte de crédit, il y a lieu de retrancher un montant de 9.20 $ ;
- Quant au montant de 915.19 $ (B-13), il faut se rappeler que l'entrepreneur a accordé à la demanderesse un crédit de 119.00 $ sur la facture B-7 pour la robinetterie de cuisine fournie par la cliente. Ce montant doit aussi être retranché.
[97] Le Tribunal d'arbitrage est conscient que la demanderesse n'a pas payé cet accessoire de plomberie. Mais elle a livré à l'entrepreneur un produit de la valeur indiquée ; que celui-ci a installé. En temps normal, si l'unité de condominium lui avait été vendue, elle en aurait profité. En l'espèce, il n'est pas équitable que la demanderesse soit privée de la valeur du cadeau qu'elle a reçu et que cette valeur profite à l'entrepreneur comme à l'administrateur de la garantie. En conséquence, la valeur nette de cet accessoire est maintenue, en vertu de l'article 116 du Règlement.
[98] Le montant de la réclamation corrigée, au titre des acomptes, devient : 8 887.11 $ (9 015.31 $ - 9.20 $ - 119.00 $).
[99] Les montants réclamés par la demanderesse au titre des acomptes, à savoir 3 000 $, déjà déboursés par l'administrateur de la garantie, et 8 887.11 $, totalisent 11 887.11 $, un montant inférieur à la valeur de 39 000 $ garantie par l'article 30 du Règlement.
[100] Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que La Garantie Habitation du Québec Inc. doit rembourser à la demanderesse la somme de 8 887.11 $ au titre des acomptes versés. Et que cette somme porte intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la réclamation de la demanderesse, à savoir le 16 décembre 2014.
12 |
Frais de relogement |
13 |
Frais d'entreposage |
[101] Les montants réclamés sous ces 2 rubriques sont :
Pièce |
Description |
Prix |
B-3 |
Frais de relogement - engagement |
21 600.00 $ |
B-4 |
Frais d'entreposage - engagement |
4 094.33 $ |
Ces montants ont été calculés par la demanderesse selon les termes du contrat B-1. Ils sont constitués, d'une première part, d'un montant de 800 $ par mois à titre de dédommagement pour frais de relogement à être inscrit mensuellement, à compter du 15 juin 2013 jusqu'au 15 juin 2015 inclusivement, dans un compte de réserve dont la somme servira à réduire le prix des extras ou de l'hypothèque (entendre prix de vente). Et d'autre part d'un montant de 158 $ par mois à compter du 15 juin 2013 à titre de dédommagement pour la location d'un espace d'entreposage des biens mobiliers de la demanderesse. Ce montant a par la suite été augmenté à 169.01 $ par mois par le locateur à compter du 15 juin 2014. Ce montant est aussi calculé jusqu'au 15 juin 2015 inclusivement. Ces montants ne sont pas contestés par l'administrateur de la garantie.
[102] Le loyer de l'espace d'entreposage a été payé à chaque mois par la demanderesse (B-4) depuis le 1er septembre 2012. Elle ne réclame le remboursement qu'à compter du 15 juin 2013. Les montants du loyer n'ont jamais été remboursés à la demanderesse, contrairement à l'entente stipulée. Quant au dédommagement pour le relogement, la condition de remboursement n'est plus réalisable. Le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que le temps est venu de liquider ces montants.
[103] Ces montants, comme il a été indiqué précédemment, ont été parfaits au 15 juin 2015 par la demanderesse, à la demande de l'arbitre, à l'occasion de la conférence préliminaire. Ils n'ont pas été refaits à la date de l'audience. À tout événement, même si la société de l'entrepreneur est toujours active, le Tribunal d'arbitrage estime que ces paiements pour dédommagements ne peuvent s'éterniser au-delà de cet arbitrage. Ces montants sont donc immuables.
[104] Dans sa décision A-2, on l'a vu précédemment, l'administrateur de la garantie est laconique quant aux autres sommes réclamées par la demanderesse :
"Quant aux autres sommes réclamées par la bénéficiaire, celles-ci ne peuvent être considérées comme étant un acompte."
[105] À l'audience, monsieur Beausoleil a glissé quelques mots sur la réclamation de la demanderesse, se limitant à mentionner : l'acompte de 3 000 $ et d'autres frais. Rien de plus.
[106] Le procureur de l'administrateur a bien avancé que ces sommes, si elles étaient admissibles, ce qu'il a nié, devraient être catégorisées comme frais de relogement et frais d'entreposage au sens des garanties couvertes à l'article 26, 3°) du Règlement et dont les limites de la garantie sont énumérées à l'article 30, 2°) du Règlement. Rien de plus.
[107] Pourtant, la demanderesse qualifie ces montants dans sa réclamation B-2 : Renting Accommodation Fees et Fee for storage.
[108] Le Tribunal d'arbitrage estime que l'administrateur de la garantie a manqué à ses devoir et rôle fondamentaux comme l'exprime l'arbitre Me Jean Morissette au paragraphe [94] [7] de la présente sentence arbitrale. C'est une chose de qualifier une réclamation par la négative (ne sont pas un acompte) ; mais encore faut-il subséquemment qualifier les réclamations qui autrement tomberaient dans les limbes.
[109] Avec égards pour l'opinion contraire, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion qu'il s'agit d'obligations contractuelles de l'entrepreneur qui ne sont pas sujettes aux protections offertes à la sous-section 2 ― Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise des articles 25 à 32 du Règlement.
[110] Ce sont des obligations purement contractuelles, comme l'a mentionné la demanderesse à l'audience, qui ont été négociées et ajoutées par l'entrepreneur à l'occasion des négociations pour obtenir son acceptation à continuer sa relation contractuelle avec l'entrepreneur sous la bannière de Qualité Habitation.
[111] Ce sont des obligations qui apparaissent en toutes lettres à l'Annexe au contrat préliminaire B-1 :
- Le vendeur paiera à partir du 15 juin 2013, 800 $ par mois pour les frais de retard du condo 102 phase 1.
(Note du T.A. : ajout comprenant un seul paraphe) : sera déduit des extras ou bien de l'hypothèque ;
- Il y aura un remboursement des frais de storage selon la vérification des frais avec facture à l'appuie (sic) (à venir). Le montant sera 158 $ par mois soit du 15 juin 2013 ;
[112] Il ne faut pas oublier que ces 2 engagements de l'entrepreneur sont écrits le 30 avril 2014. La date de livraison de l'unité de condominium était initialement prévue le 15 juin 2013 et la date a été repoussée au 15 juin 2014. La demanderesse témoigne également que l'entrepreneur souhaitait qu'elle ne produise pas de réclamation à Abritat après la perte de son accréditation.
[113] L'entrepreneur a alors pelleté les obligations, d'abord contractées sous l'égide de Abritat, dans le giron de QH.
[114] Le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que si l'opération de changement de bannière n'avait été que la copie à l'identique du 1er contrat sur le second, les protections offertes à la sous-section 2 précitées auraient trouvé application. Mais, en l'occurrence, en ajoutant les 2 clauses dont il est ici question, qui n'opèrent pas redondance avec la sous-section 2, l'entrepreneur en a fait des obligations distinctes, additionnelles.
[115] Le Tribunal d'arbitrage réitère les articles du Règlement qui sont pertinents à ces obligations de l'entrepreneur. Ils se lisent :
"7. Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
74. Aux fins du présent règlement et, en l'absence ou à défaut de l'entrepreneur d'intervenir, l'administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l'entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.
96. Les droits d'un bénéficiaire ne sont pas affectés par la cessation d'effet de l'adhésion d'un entrepreneur.
[116] On sera peut-être tenté de recourir aux articles 5 et 139 du Règlement pour objecter que ces engagements de l'entrepreneur sont inconciliables avec le présent Règlement et donc nuls :
5. Toute disposition d'un plan de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
139. Toute clause d'un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
[117] Avec égards, le Tribunal d'arbitrage rappelle que les protections offertes aux consommateurs par le Plan de de garantie sont des protections de base ; le minimum des protections. Et qu'il est loisible à tout entrepreneur d'offrir au consommateur des protections qui sont supérieures à celles prévues au Règlement. Cela n'est pas inconciliable avec la lettre ni avec l'esprit du Règlement.
[118] Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que chacun de ces deux montants doit être remboursé à la demanderesse par La Garantie Habitation du Québec.
[119] Le Tribunal d'arbitrage est aussi d'opinion que chacun de ces montants, individuellement, doit porter intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, les intérêts étant calculés mensuellement mais non cumulativement pour chacun des montants mensuels constituant le montant considéré à compter du 15 juin 2013 jusqu'à la date du paiement.
C) Frais d’arbitrage
[120] Quant aux frais d’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :
“Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.”
[121] La bénéficiaire ayant obtenu gain de cause sur plusieurs points de sa réclamation, les frais de l’arbitrage doivent être supportés par l’administrateur de la garantie.
[122] Quant à ces frais d'arbitrage, c'est l'organisme d'arbitrage qui seul est autorisé à les facturer en vertu du Règlement. La pratique voulant que l'organisme d'arbitrage demande le versement de provisions pour honoraires et déboursés a été modifiée à la suite d'une entente intervenue dans le passé entre les organismes d'arbitrage d'alors et les administrateurs de la garantie. Cette entente est cependant muette à l'égard des comptes en souffrance.
[123] Le Tribunal d'arbitrage estime raisonnable de traiter les factures émises par l'organisme d'arbitrage comme toute facture du commerce et que les comptes de l'organisme d'arbitrage soient payés dans un délai de 30 jours comme l'est la pratique du commerce en ces matières. Et, comme en ces matières, en l'absence de convention à l'égard des intérêts, que tous les montants dus portent intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date à laquelle ils sont dus.
[124] En conséquence, la ou les factures émises par l'organisme d'arbitrage portent les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la dite facture, après un délai de grâce de 30 jours.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[125] CONSTATE l’absence de l’entrepreneur.
[126] ACCUEILLE en partie la réclamation de la bénéficiaire.
[127] DONNE ACTE aux parties du paiement par l'administrateur de la garantie à la procureure de la demanderesse du montant de 3 000 $, en fidéicommis, au titre du remboursement de l'acompte initial.
[128] CONDAMNE la défenderesse La Garantie Habitation du Québec Inc. à payer à la demanderesse la somme de 8 887.11 $ avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 16 décembre 2014.
[129] CONDAMNE la défenderesse La Garantie Habitation du Québec Inc. à payer à la demanderesse la somme de 21 600.00 $ avec les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, les intérêts étant calculés mensuellement mais non cumulativement pour chacun des montants mensuels de 800 $ constituant le montant ici considéré à compter du 15 juin 2013 jusqu'à la date du paiement.
[130] CONDAMNE la défenderesse La Garantie Habitation du Québec Inc. à payer à la demanderesse la somme de 4 094.33 $ avec les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, les intérêts étant calculés mensuellement mais non cumulativement pour chacun des montants mensuels de 158 $ ou de 169.01 $ constituant le montant ici considéré à compter du 15 juin 2013 jusqu'à la date du paiement.
[131] RÉSERVE à La Garantie Habitation du Québec Inc. ses droits à être dédommagée par l'entrepreneur pour toute somme versée en ses lieu et place.
[132] LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de La Garantie Habitation du Québec Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l'organisme d'arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
(s) Robert Masson
Me ROBERT MASSON, ing., C.Arb.
Pour la bénéficiaire :
- Me Martine Brodeur
BBP avocats
Pour l'entrepreneur : absent
Pour l'administrateur de la garantie :
- Me François-Olivier Godin
- BélangerParadis, avocats
Date d'audience : 18 juin 2015
[1]- Les Habitations Sylvain Ménard Inc. c. Gilles Lebire, es qualités d'arbitre, et al., 500-17-034723-075 (C.S.), Mémoire de l'intervenant Le Procureur général du Québec, p. 5.
[2]- Docile Lavoie et al. c. G.V. Construction et fils lnc. (en faillite) et La Garantie des Maîtres bâtisseurs Inc., M. Alcide Fournier, ing., 18 septembre 2008.
[3]- Danielle Gemme c. 141312 Canada Inc. (Construction Delormier) (faillie) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs du Québec Inc., Me Robert Masson, ing., Arb., 9 avril 2007.
[4] Catherine Agudelo c. Verre Azur Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc., Me Jeffrey Edwards, 6 juin 2007.
[5] Marie-André Crépeau c. Groupe J.F. Malo Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'apchq Inc., Me Robert Masson, ing., arb., 22 octobre 2006.
[6] Gaston Lefrançois et al. c. Gestion Immobilia et La Garantie des Maîtres bâtisseurs Inc., Me Jean Morissette, 7 octobre 2007.
[7] Supra, note 6.