Décision

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Maison Sami TA Fruits inc. c. Agence du revenu du Québec

2025 QCCA 992

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030004-220

(500-80-032721-160) (500-80-032722-168) (500-80-034759-176)

 

DATE :

11 août 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 

 

 

No : 500-80-032722-168 et 500-80-032721-160

LA MAISON SAMI T.A. FRUITS INC.

APPELANTE – demanderesse

c.

 

AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

INTIMÉE – défenderesse

______________________________________________________________________

 

No : 500-80-034759-176

SAMI AL ASMAR

APPELANT – demandeur

c.

 

AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

INTIMÉE – défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 3 mars 2022 par la Cour du Québec, chambre civile, district de Montréal (l’honorable Louis Riverin), lequel rejetait les demandes en appel de cotisation fiscale de La Maison Sami T.A. Fruits inc. dans les dossiers 500-80-032721-160 et 500-80-032722-168 avec les frais de justice dans les deux dossiers et rejetait la demande en appel de cotisation fiscale de M. Sami Al Asmar dans le dossier 500-80-034759-176 sans frais dans ce dossier.
  2.                 Pour les motifs du juge Hamilton, auxquels souscrivent les juges Lavallée et Bachand, LA COUR :
  3.                 REJETTE l’appel des appelants avec les frais de justice.

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

 

 

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

 

 

 

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 

Me Guy Du Pont

Me Élisabeth Robichaud

Me Cédric Primeau

DAVIES WARD PHILLIPS & VINEBERG

Me Jean Groleau

GROLEAU GAUTHIER PLANTE

Pour les appelants

 

Me Josée Fournier

Me Kamal Saoud

LARIVIÈRE MEUNIER (Revenu Québec)

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

16 avril 2024


 

MOTIFS DU JUGE HAMILTON

 

 

  1.                 L’Agence du revenu du Québec (« l’ARQ ») a établi la cotisation de La Maison Sami T.A. Fruits inc. (« Sami Fruits ») pour les années d’imposition 2007 à 2012 en fonction de revenus imposables et de retenues à la source déterminés par des méthodes alternatives. En outre, elle a imposé M. Sami Al Asmar (« M. Al Asmar ») personnellement en tant qu’actionnaire unique de Sami Fruits sur des profits non déclarés qu’il se serait approprié.
  2.                 Sami Fruits et M. Al Asmar se pourvoient contre le jugement rendu le 3 mars 2022 par la Cour du Québec, chambre civile (l’honorable Louis Riverin), lequel rejette leurs appels de ces cotisations[1].

I.                   LE CONTEXTE

  1.                 Le juge de première instance fait un résumé exhaustif des faits pertinents[2]. Il convient de rappeler les éléments suivants.
  2.                 Les appelants œuvrent dans le domaine de la vente de fruits et légumes, en gros et au détail. Dès son arrivée au Canada en 1973, M. Al Asmar commence la vente de fruits et légumes. Il opère d’abord un kiosque et par la suite un magasin au marché Jean-Talon. Il ouvre un entrepôt en 1990 et il fonde Sami Fruits en 1992; à l’époque, l’entreprise est grossiste de fruits et légumes. Sami Fruits quitte le marché Jean-Talon et ouvre un magasin en 2007. Au moment du litige, Sami Fruits exploite trois magasins et un entrepôt. Son chiffre d’affaires annuel dépasse 50 millions de dollars. M. Al Asmar demeure l’unique actionnaire de Sami Fruits et il contrôle, avec son fils Taleb, la gestion de l’entreprise.
  3.                 La façon d’opérer et la comptabilité de Sami Fruits n’évoluent pas au rythme de sa croissance. Il n’existe aucune liste de prix – ceux-ci sont plutôt fixés par M. Al Asmar ou son fils à quelques reprises pendant la semaine et sont communiqués aux gérants des magasins par téléphone. Les gérants informent les employés à la caisse des nouveaux prix, qui les retiennent. Le seul endroit où le prix est affiché est un écriteau au-dessus du produit ou devant celui-ci sur l’étalage. Toutes les ventes sont réglées en argent comptant. Les relevés de caisse et les rapports Z de caisse (qui totalisent les ventes quotidiennes) sont jetés à la fin de chaque journée. Il n’existe aucun horaire de travail écrit et les salaires sont payés en argent comptant à même le tiroir-caisse. Les sommes récupérées par GardaWorld, une entreprise de sécurité, à la fin de chaque journée sont déposées dans les comptes bancaires. Aux fins comptables et fiscales, Sami Fruits établit ses ventes uniquement sur la base de ces dépôts bancaires, sans tenir compte des salaires payés en argent comptant.
  4.                 Trois différents dossiers de vérification sont successivement ouverts par l’ARQ.
  1. Dossier en impôt des sociétés
  1.            L’ARQ commence une vérification en matière d’impôt des sociétés à l’endroit de Sami Fruits, pour les années 2008, 2009 et 2010, en avril 2012. La vérification portera éventuellement sur la période de 2007 à 2012.
  2.            Le vérificateur demande à Sami Fruits de mettre à sa disposition les livres, registres et autres documents comptables et il visite les magasins. Il conclut rapidement qu’il ne peut se fier aux livres et registres – les relevés de caisse et les rapports Z sont jetés après usage, aucun système de prix n’est consigné par écrit, et il y a des ventes et des salaires qui ne sont pas déclarés. Il demande d’autres informations, mais Sami Fruits collabore peu ou pas à la vérification.
  3.            Le vérificateur décide de recourir à une méthode alternative pour estimer les revenus de Sami Fruits.
  4.            Il considère que les achats rapportés par Sami Fruits dans ses livres sont fiables et, pour estimer ses revenus, il applique à ses achats la marge brute médiane des entreprises de taille moyenne dans l’industrie des marchés de fruits et légumes selon Statistique Canada, soit 29,5 %[3]. La marge brute déclarée par Sami Fruits n’étant que de 13 % en 2010, par exemple, il ajoute ainsi près de 55 millions de dollars aux revenus de Sami Fruits pour la période de 6 ans visée.
  5.            À partir de cette nouvelle estimation des revenus de Sami Fruits (et après déduction du nouveau montant de la masse salariale découlant de la deuxième vérification), le vérificateur recalcule l’impôt payable.
  1. Dossier de retenues à la source
  1.            Pendant la vérification, le vérificateur constate que les salaires sont payés en argent comptant et qu’aucune feuille de temps n’est utilisée. Un autre vérificateur entame alors une vérification en février 2013 pour s’assurer que la masse salariale déclarée par Sami Fruits correspond effectivement à la réalité et que les retenues à la source (RAS) que celle-ci était tenue de verser l’ont été.
  2.            Sami Fruits collabore peu ou pas à cette vérification et le vérificateur décide de recourir à une méthode alternative pour estimer la masse salariale de Sami Fruits et les RAS payables en conséquence.
  3.            Le vérificateur effectue anonymement l’observation et le dénombrement des employés dans les trois magasins. Il estime les besoins quotidiens en main-d’œuvre directe de chaque magasin et les horaires hebdomadaires, ainsi que le total des heures travaillées. Il inclut dans son estimation les heures effectuées par les employés pour la préparation et l’entretien des magasins avant l’ouverture et après la fermeture de même que les heures effectuées par les chauffeurs de camion.
  4.            Le nombre total d’employés est alors estimé à 220, contre 178 déclarés par Sami Fruits. Le vérificateur utilise les taux horaires de Sami Fruits pour estimer les salaires et il ajoute près de 23 millions de dollars à la masse salariale de Sami Fruits pour la période de 6 ans. Il calcule ensuite les RAS qui auraient dû être versées et établit des cotisations.
  5.            L’estimation de la masse salariale est utilisée pour réduire les profits de Sami Fruits et l’impôt payable.
  1. Dossier en impôt personnel de M. Al Asmar
  1.            Enfin, le résultat des vérifications des revenus et de la masse salariale de Sami Fruits amène l’ARQ à conclure que cette dernière a réalisé des profits non déclarés. Comme ces sommes ne se retrouvent pas dans les coffres de Sami Fruits, le vérificateur considère qu’il y a eu appropriation de ces sommes par M. Al Asmar, en sa capacité de seul actionnaire. Il propose d’imposer M. Al Asmar sur ces revenus additionnels de plus de 31 millions de dollars pour la période de 6 ans.
  2.            Pour donner suite à ces vérifications, l’ARQ établit en novembre 2014 trois séries de cotisations pour les années 2007 à 2012, incluant les intérêts et les pénalités, pour un total de plus de 30 millions de dollars :
  • Cotisations de Sami Fruits au titre de l’impôt des sociétés sur ses revenus non déclarés, pour un total de 8 111 858 $;
  • Cotisations de Sami Fruits pour les RAS impayées, pour un total de 8 099 772 $; et
  • Cotisations de M. Al Asmar au titre de l’impôt personnel sur les profits non déclarés de Sami Fruits qui lui sont attribués, pour un total de 13 819 763 $.
  1.            Dans le cas de M. Al Asmar, les cotisations pour les années 2007 à 2010 sont établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.
  2.            Les appelants s’opposent à l’ensemble des cotisations le 25 février 2015. En mars 2016, Sami Fruits fait appel des cotisations dans les dossiers 500-80-032721-160 (RAS) et 500-80-032722-168 (impôt des sociétés). L’opposition de M. Al Asmar est rejetée le 23 novembre 2016 et il fait appel des cotisations dans le dossier 500-80-034759-176 en février 2017. Les trois dossiers sont réunis pour procès.

II.                 LE JUGEMENT DONT APPEL

  1.            Le juge considère dans un premier temps l’obligation de Sami Fruits de conserver les relevés de caisses enregistreuses et les rapports Z. Le paragraphe 34(1) de la Loi sur l’administration fiscale[4] (ci-après « LAF ») impose au contribuable qui exploite une entreprise l’obligation de tenir des registres et de conserver les pièces qui appuient les renseignements qui y sont contenus. Le juge conclut, jurisprudence à l’appui, que les relevés de caisse et les rapports Z font partie des documents qui doivent être conservés[5].
  2.            Il conclut de la preuve qu’il était impossible pour le vérificateur de procéder à une vérification traditionnelle dans le dossier en impôt des sociétés[6]. Il souligne la destruction systématique de rapports Z, l’inexistence de listes de prix, le défaut d’identification du produit vendu lors des ventes et l’absence d’inventaires. Il affirme qu’en l’absence de documentation comptable permettant la vérification, c’est à juste titre que l’ARQ a eu recours à une méthode de vérification indirecte[7].
  3.            Dans le dossier des RAS, le juge retient l’absence de relevés de paie, de feuilles de temps, d’horodateur, d’horaire pour les employés ou de registre des salaires fiable et le refus de communiquer l’identité des chauffeurs de camion, ainsi que le versement des salaires en argent comptant sans preuve de paiement. Il conclut que l’ARQ était fondée de recourir à une méthode alternative afin d’estimer le nombre réel de salariés de Sami Fruits et le nombre d’heures travaillées et d’établir les RAS qui en découlent[8].
  4.            Le juge applique la règle bien connue en matière de fardeau de preuve énoncée dans l’arrêt Hickman Motors[9] : dans un premier temps le contribuable doit « démolir » la présomption de validité rattachée aux cotisations émises par l’ARQ[10]. Il doit produire une preuve prima facie, qui présente un degré de probabilité permettant d’y donner foi[11]. La preuve soumise par le contribuable doit comporter un certain degré de précision et « aura avantage » à être soutenue par une preuve documentaire[12]. Une fois que le contribuable s’est acquitté de ce fardeau, le fardeau de preuve passe à l’ARQ qui doit prouver le bien-fondé des cotisations selon la prépondérance des probabilités[13].
  5.            Le juge conclut dans un premier temps que Sami Fruits est parvenue à repousser la présomption de validité applicable pour les cotisations d’impôt des sociétés. L’expert de Sami Fruits, M. Christian Léger, témoigne qu’une médiane n’est pas représentative s’il y a une grande variabilité dans la distribution, tel que c’est le cas en l’espèce[14], de sorte que l’utilisation d’une médiane crée un risque important de surestimer ou de sous-estimer la marge bénéficiaire brute de Sami Fruits[15]. Par ailleurs, le chiffre d’affaires de Sami Fruits (selon Sami Fruits, entre 45 et 50 millions de dollars) est supérieur à ceux de la strate dans laquelle elle a été placée (entre 5 et 25 millions de dollars)[16].
  6.            Toutefois, à la seconde étape, le juge détermine que l’ARQ s’est déchargée de son fardeau de preuve de démontrer que la marge brute retenue était raisonnable[17] :
  1.            Le juge note par ailleurs que l’ARQ a tenté d’établir une comparaison entre les prix de vente et les prix en gros quotidiens des fruits et légumes. Elle en vient à une moyenne de 23 % de marge brute, une moyenne suffisamment proche de 29,5 % qu’elle l’a retenue comme confirmation de la méthode alternative[27].
  2.            Le juge analyse aussi les autres éléments de preuve. Il constate d’abord que l’ARQ a cherché à obtenir des informations et documents permettant d’établir les ventes réelles de Sami Fruits et sa marge bénéficiaire, mais qu’elle s’est butée à un manque d’informations, de documentation et de collaboration de la part de Sami Fruits[28]. Il note que les rapports Z ont été détruits, même après que l’ARQ en a fait la demande pendant le processus de vérification. Il infère que « Sami n’a pas intérêt à présenter ses “z” de caisse »[29], parce que ces éléments de preuve lui sont défavorables. Il conclut que Sami Fruits n’a pas déclaré l’ensemble de ses revenus et que l’ARQ a prouvé, de façon prépondérante, le bien-fondé des cotisations d’impôt des sociétés[30].
  3.            Au chapitre des RAS, le juge est d’avis que la preuve présentée par Sami Fruits est loin de satisfaire aux critères de la jurisprudence en matière de renversement de la présomption de validité des cotisations. Il n’y a aucun horaire écrit et les employés ne sont informés de leur horaire qu’oralement chaque semaine[31]. À la fin de chaque semaine, les heures sont calculées et les employés sont payés en argent comptant qui provient des tiroirs-caisses. Aucun écrit n’existe ou n’est conservé hormis le journal des salaires, et le juge conclut que ce journal « est incomplet et truffé d’erreurs de telle sorte qu’on ne peut lui prêter foi »[32].
  4.            Le juge rejette le rapport de KPMG préparé pour Sami Fruits, tout en indiquant que « le fait que Sami ne soit pas en mesure d’établir autrement que par la présentation d’un tiers qui effectue un dénombrement pour une seule journée à une seule de ses succursales son nombre d’employés demeure une énigme »[33]. Il se serait attendu à ce que Sami Fruits présente l’horaire réel de ses employés.
  5.            Le juge conclut que Sami Fruits ne présente pas une preuve prima facie démontrant l’inexactitude des cotisations relatives aux RAS, et celles-ci sont donc maintenues[34].
  6.            Enfin, quant aux cotisations à l’endroit de M. Al Asmar personnellement, les revenus non déclarés ne figurent pas dans les états financiers de Sami Fruits et, en l’absence d’explications de Sami Fruits, ces revenus sont imputés à M. Al Asmar, son unique actionnaire[35]. Le juge fait référence aux arrêts Alertpay[36] et Pangakis[37] pour affirmer que le principal critère permettant de conclure à l’appropriation de fonds par l’actionnaire est « le plein contrôle » d’une société[38]. M. Al Asmar est, avec son fils, l’unique administrateur qui a un rôle actif au sein de Sami Fruits[39] et il surveille étroitement les gérants de magasins et embauche le personnel[40]. Le juge en tire une présomption de fait, permettant l’application de l’article 111 de la Loi sur les impôts[41] (ci-après « LI »). Dans le cas de l’appropriation, le juge rappelle par ailleurs :

[274] Rappelons que lorsqu’un contribuable n’est pas en mesure d’expliquer les écarts relevés par Revenu Québec et le sort de l’argent provenant des ventes non déclarées, il ne peut se décharger de son fardeau lui permettant de « démolir » la présomption de l’appropriation de fonds. Revenu Québec n’a pas à prouver quand et comment un contribuable s’est illégalement approprié des fonds d’une société pour conclure à l’appropriation de fonds.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

  1.            Il conclut que les affirmations de M. Al Asmar selon lesquelles il n’a pas d’autres revenus que ceux qu’il a déclarés ne suffisent pas à « démolir » les présomptions de validité des cotisations[42]. Enfin, il est d’avis (concernant les années 2007 à 2010 qui étaient prescrites au moment de l’établissement des cotisations) que le sous-alinéa 1010 (2) b) (i) LI s’applique puisque M. Al Asmar exerce le contrôle sur son entreprise, ne conserve pas la documentation minimale requise et détruit de manière systématique les rapports Z[43].
  2.            Le juge aborde la légalité de l’ensemble des pénalités imposées à Sami Fruits. D’abord, dans le cas des RAS, il conclut que la preuve révèle des écarts entre les déclarations de Sami Fruits et la réalité, ainsi que l’absence de documentation, l’omission de collaborer et le défaut de remplir une obligation, notamment en ce que Sami Fruits ne fournit pas de bulletin de paie aux employés à chaque période de paie[44]. Concernant l’impôt des sociétés, le juge retient que Sami Fruits a une comptabilité déficiente et incomplète et n’a pas déclaré des montants importants de ventes. Il qualifie la destruction des rapports Z de geste intentionnel qui empêche un contrôle fiscal adéquat[45]. Appliquant le critère de « négligence flagrante », il est d’avis que l’ARQ s’est déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait en l’espèce[46] et il maintient les pénalités.
  3.            Quant aux pénalités associées aux cotisations à l’encontre de M. Al Asmar, le juge conclut que les omissions sont importantes, répétitives et n’ont pas été justifiées adéquatement. Il considère que l’absence de registres ou la tenue inadéquate de ceux-ci est, selon la jurisprudence, une indication importante de la négligence flagrante[47].
  4.            Il rejette ainsi l’ensemble des appels relatifs aux cotisations.

III.              LES MOYENS D’APPEL

  1.            Les enjeux du pourvoi se résument ainsi :
  1. Dans le dossier d’impôt des sociétés :
    1. Le juge a-t-il erré en décidant qu’il suffisait que la méthode alternative est « raisonnable »? 
    2. Le juge a-t-il erré en concluant que le rapport d’expert suffisait pour « démolir » la présomption de validité des cotisations, mais qu’il ne suffisait pas au fond?
  2. Dans le dossier de RAS :
    1. Le juge a-t-il erré en concluant que Sami Fruits n’a pas réussi à « démolir » la présomption de validité des cotisations par sa preuve d’expert?
    2. Le juge a-t-il erré en omettant de statuer sur une objection à la preuve par ouï-dire au sujet du dénombrement des employés par l’ARQ?
    3. Le juge a-t-il erré en droit en concluant que Sami Fruits était tenue au versement de RAS sans rattacher celles-ci à un employé en particulier?
  3. Dans le dossier d’impôt personnel :
    1. Le juge a-t-il erré en confirmant que M. Al Asmar s’est approprié des fonds?
    2. Le juge a-t-il erré en maintenant les cotisations établies hors du délai de prescription?
    3. Le juge a-t-il erré en maintenant les pénalités pour négligence flagrante?

IV.             ANALYSE

Principes généraux

  1.            Pour bien situer l’analyse qui suit, il y a lieu de rappeler certains concepts de base[48].
  2.            La LI impose au contribuable l’obligation de payer un impôt sur ses revenus imposables. Le processus de perception repose principalement sur l’autodéclaration : le contribuable doit déclarer ses revenus de façon complète, honnête et conforme à la LI, calculer l’impôt payable et le payer, le cas échéant. Ce fardeau est imposé au contribuable parce qu’il est le seul à avoir une connaissance complète de ses affaires.
  3.            L’ARQ n’est toutefois pas liée par la déclaration du contribuable. Elle vérifie la déclaration en fonction de l’information fournie par le contribuable. Afin de permettre à l’ARQ de vérifier l’exactitude de cette information, la loi impose au contribuable l’obligation de préserver ses livres et registres et confère à l’ARQ de larges pouvoirs d’exiger que le contribuable réponde à des questions et fournisse des documents à l’appui.
  4.            De plus, l’ARQ, « [e]n présence de déclarations fausses, inexactes ou incomplètes et devant l’absence d’explications raisonnables de la part du contribuable »[49], peut recourir à une méthode alternative ou indirecte ou estimative de cotisation[50], afin d’estimer les revenus d’un contribuable et l’impôt payable. Avant d’avoir recours à une méthode alternative, elle doit conclure que la comptabilité du contribuable en cause manque de fiabilité ou est déficiente[51].
  5.            La méthode alternative consiste essentiellement pour l’ARQ à estimer les revenus du contribuable à partir des éléments à sa disposition, qu’ils proviennent du contribuable ou d’ailleurs[52]. La méthode utilisée doit être raisonnable et intelligible et doit donner un résultat qui est fiable et suffisant pour atteindre le niveau de qualité requis[53]. La fiabilité de la méthode alternative employée s’évalue notamment en fonction de la pertinence et de l’objectivité des données utilisées pour établir les revenus du contribuable et la cotisation de ce dernier[54]. Il y a nécessairement une part d’approximation[55]. Le choix de la méthode alternative est une prérogative de l’ARQ[56], et cette dernière n’a pas à opter pour la méthode la plus avantageuse pour le contribuable. La méthode alternative ne doit toutefois pas être punitive[57].
  6.            Une fois la vérification effectuée selon ces principes, l’ARQ peut établir une nouvelle cotisation.
  7.            Toute cotisation est présumée valide, selon l’article 1014 alinéa 1 LI :

1014. Sous réserve des modifications ou de l’annulation résultant d’une opposition, d’une contestation ou d’un appel et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée valide et tenante nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission qui s’y trouve ou qui se trouve dans toute procédure s’y rattachant.

[…]

1014. An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection, contestation or appeal and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding relating thereto.

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Cette présomption s’explique par l’écart entre les informations détenues par le contribuable et celles mises à la disposition de l’ARQ. Il est parfois difficile pour l’ARQ de prouver le bien-fondé de sa cotisation. Par contre, le contribuable connaît toutes les informations pertinentes et contrôle l’ensemble de la documentation. S’il veut contester la cotisation établie par l’ARQ, c’est à lui de présenter la preuve tendant à démontrer que la cotisation est invalide.
  2.            La présomption n’est pas absolue. Tel que le prévoit l’article 1014, alinéa 1 LI, la cotisation peut être modifiée ou annulée à la suite d’une contestation (processus interne à l’ARQ) ou d’un appel à la Cour du Québec. En appel devant la Cour du Québec, il incombe au contribuable de renverser (« démolir ») la présomption de validité dont jouit la cotisation attaquée[58].
  3.            Le fardeau incombant au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement, parce que celui-ci est le seul à connaître les renseignements dont l’ARQ ne dispose pas[59]. Diverses expressions ont été utilisées par la Cour pour délimiter la preuve nécessaire afin de « démolir » la présomption de validité : « un début de preuve convaincante »[60], « une preuve suffisante pour établir un fait jusqu’à preuve du contraire »[61], « suffisante pour convaincre le tribunal, à première vue »[62]. Cette même preuve doit également « comporter un certain degré de précision et de probabilité en sa faveur »[63]. Le contribuable doit établir, à première vue, le caractère incorrect des faits soutenant la cotisation, sans besoin d’établir le montant exact de son revenu imposable[64].
  4.            La simple négation des faits retenus aux fins de l’établissement de l’avis de cotisation litigieux n’est généralement pas suffisante[65]. Une simple affirmation par témoignage ne suffira généralement pas si elle n’est pas soutenue par une preuve documentaire ou circonstancielle suffisamment probante[66]. Toutefois, un témoignage crédible peut suffire, même s’il est contredit par les autorités fiscales[67].
  5.            Lorsque le contribuable parvient à « démolir » la présomption de validité, il revient à l’ARQ de « réfuter la preuve prima facie et [de] prouver la cotisation établie par présomption »[68]. Ainsi, il reviendra à l’ARQ de démontrer que sa preuve soutenant les faits sur lesquels s’appuie sa cotisation se rapproche davantage de la réalité que la preuve soumise par le contribuable[69].
  6.            La présomption de validité des cotisations s’étend aussi à celles qui sont établies par l’utilisation d’une méthode indirecte[70]. Dans ces cas, le contribuable pourra se décharger de son fardeau en démontrant, prima facie, que la méthode « n’était pas fiable ou que les conditions requises pour y recourir n’ont pas été observées »[71]. Il peut aussi reconstituer ses véritables revenus imposables[72]. La prémisse sous-jacente demeure que le contribuable est celui qui maîtrise le mieux sa comptabilité[73].
  7.            Toutefois, s’il ne maintient pas une comptabilité fiable ou s’il ne fait pas preuve de collaboration et de candeur lors de la vérification, il aura plus de mal à contester la méthode alternative à l’étape de l’opposition. Le juge Thorson a expliqué comme suit cet équilibre[74] :

If the taxpayer makes no return or gives incorrect information either in his return or otherwise he can have no just cause for complaint on the ground that the Minister has determined the amount of tax he ought to pay provided he has a right of appeal therefrom and is given an opportunity of showing the amount determined by the Minister is incorrect in fact. Nor need the taxpayer who has made a true return have any fear of the Minister’s power if he has a right of appeal. […] Ordinarily, the taxpayer knows better than any one else the amount of his taxable income and should be able to prove it to the satisfaction of the Court. If he does so and it is less than the amount determined by the Minister, then such amount must be reduced in accordance with the finding of the Court. If, on the other hand, he fails to show that the amount determined by the Minister is erroneous, he cannot justly complain if the amount stands. If his failure to satisfy the Court is due to his own fault or neglect such as his failure to keep proper accounts or records with which to support his own statements, he has no one to blame but himself. […]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Ainsi, pour récapituler, les étapes de l’analyse d’un appel en matière de cotisations établies par méthodes alternatives ont été résumées par la juge Marie-Michelle Lavigne de la Cour du Québec, en ces termes[75] :

[47] Pour décider du sort de cet appel de cotisation, le Tribunal devra s’interroger comme suit :

  • Le vérificateur avait-il les indices nécessaires pour conclure que les livres, les registres et la comptabilité de l’entreprise n’étaient pas fiables ce qui lui permettait de recourir à une méthode indirecte ou alternative de vérification à l’origine de la cotisation?
  • Si tel est le cas, la cotisation bénéficiera alors de la présomption de validité. Le Tribunal devra se demander si Dynasty a réussi à ébranler la présomption de validité par une preuve prima facie.
  • Si tel est le cas, le Tribunal devra considérer le renversement du fardeau de la preuve et se demander alors si l’ARQ a prouvé sa cotisation par la balance des probabilités.
  1.      Le dossier d’impôt des sociétés
  1.            Lors de la vérification qu’il fait à l’endroit de Sami Fruits en matière d’impôt des sociétés, le vérificateur décide de recourir à une méthode alternative pour estimer les revenus de Sami Fruits.
  2.            La méthode alternative qu’il choisit consiste à appliquer une marge brute qu’il juge raisonnable aux achats rapportés dans les livres de Sami Fruits. La marge brute qu’il retient est la marge brute médiane dans l’industrie de la vente au détail de fruits et légumes selon Statistique Canada. Il utilise la classe 445230 « Marchés de fruits et de légumes » et la strate des entreprises moyennes, qui font 5 à 25 millions de dollars. La marge brute retenue est de 29,5 % et a pour résultat l’ajout de plus de 55 millions de dollars aux revenus de Sami Fruits pour la période de 6 ans examinée.
  3.            Le juge de première instance confirme les cotisations.
  4.            En appel, Sami Fruits soutient que le juge a erré en jugeant que la méthode alternative était « raisonnable ».
  5.            Dans un premier temps, il est important de souligner que dans le cadre de ce pourvoi, Sami Fruits ne remet pas en question le recours par l’ARQ à une méthode alternative. Elle reconnaît que ses livres et registres ne sont pas fiables.
  6.            Sami Fruits ne tente pas non plus de reconstituer ses véritables revenus. Elle se limite plutôt à attaquer la méthodologie retenue par l’ARQ[76]. Elle s’appuie sur le rapport et le témoignage du Dr Christian Léger, statisticien, qui formule deux grandes critiques quant à la fiabilité de la méthode alternative : (1) la médiane utilisée par l’ARQ n’est pas une donnée représentative, et (2) l’ARQ n’a pas retenu la bonne catégorie.
  7.            En regardant seulement la preuve de l’expert de Sami Fruits, le juge estime qu’elle est suffisante pour « démolir » la présomption de validité des cotisations. Cette conclusion n’est pas contestée en appel. Toutefois, il conclut sur l’ensemble de la preuve que l’ARQ s’est acquittée de son fardeau de prouver la validité de ses cotisations.
  8.            Sami Fruits conteste cette conclusion. Elle avance qu’une fois la présomption de validité « démolie », l’ARQ ne s’est pas acquittée de son fardeau. Je ne suis pas d’accord.
  9.            La méthode alternative retenue par l’ARQ pour déterminer les revenus de Sami Fruits est d’appliquer une marge brute à ses achats. L’ARQ utilise les livres de Sami Fruits pour déterminer ses achats. Sami Fruits ne peut s’en plaindre. Pour la marge brute, l’ARQ utilise la médiane des données de Statistique Canada. L’utilisation des données recueillies par Statistique Canada est raisonnable. Ce sont des données objectives et fiables.
  10.            La première critique de l’expert porte sur la pertinence de l’utilisation d’une médiane. La médiane est la valeur qui sépare la distribution en deux parties égales, c’est-à-dire que la moitié des valeurs lui sont inférieures et la moitié lui sont supérieures. Donc, la médiane retenue de 29,5 % en l’espèce signifie que la moitié des répondants ont une marge brute plus élevée que 29,5 %, et l’autre moitié, une marge brute moins élevée.
  11.            L’expert est d’avis que l’utilisation de la médiane n’est pas fiable en raison de la grande variabilité des marges brutes dans la catégorie retenue : le premier quartile (la médiane des valeurs inférieures à la médiane) est de 18,9 % en 2010, alors que le troisième quartile (la médiane des valeurs supérieures à la médiane) est de 34,5 %. Autrement dit, le premier quart des répondants ont une marge brute inférieure à 18,9 %; le deuxième quart entre 18,9 % et 29,5 %; le troisième quart entre 29,5 % et 34,5 %; et le dernier quart supérieur à 34,5 %. Selon l’expert, l’écart interquartile entre 18,9 % et 34,5 % indique le risque d’une erreur importante, c’est-à-dire que la marge brute de Sami Fruits soit bien en deçà (ou au-delà) de 29,5 %.
  12.            Si Sami Fruits fait partie de la catégorie retenue, il y a 50 % de chances que sa marge brute soit supérieure à 29,5 % et 50 % de chances qu’elle lui soit inférieure. Sami Fruits ne fait aucune démonstration que sa marge brute serait moins élevée que la médiane retenue. Sami Fruits suggère que l’ARQ aurait dû utiliser le chiffre de 18,9 %, qui est le plafond du premier quartile, mais rien dans la preuve et aucune logique ne justifie l’utilisation d’une marge brute qui est plus élevée que la marge brute de 25 % des entreprises dans la catégorie et moins élevée que la marge brute de l’autre 75 %[77]. En l’absence d’autres indications, il est raisonnable d’utiliser la médiane.
  13.            D’autre part, l’expert est d’avis qu’il n’est pas approprié d’utiliser la médiane des moyennes entreprises de la classe 445230 (« marchés de fruits et légumes »), c’est-à-dire celles qui ont un chiffre d’affaires entre 5 et 25 millions de dollars, parce que Sami Fruits ne fait pas partie de cette catégorie, ayant un chiffre d’affaires plus élevé.
  14.            L’ARQ explique qu’elle a utilisé les données pour les marchés de fruits et légumes de taille moyenne parce que Statistique Canada n’a pas publié de résultats pour les gros marchés de fruits et légumes[78]. En outre, l’ARQ considérait que les données pour les magasins d’alimentation de taille moyenne étaient représentatives parce que « le modèle d’affaire du contribuable est basé sur trois magasins de détail, qui réalisent un chiffre d’affaires comparable à cette strate ». L’approche de l’ARQ me semble raisonnable, surtout en l’absence de toute preuve de la part de Sami Fruits sur sa marge brute réelle. D’ailleurs, en comparant la marge de la catégorie des entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 5 millions et celle des entreprises dont le chiffre d’affaires se situe de 5 à 25 millions, le vérificateur estime que la marge brute des entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 25 millions serait plus élevée[79]. La marge retenue serait donc à l’avantage de Sami Fruits.
  15.            Une dernière remarque est de mise. Sami Fruits a elle-même participé en 2007 à l’enquête de Statistique Canada menant à l’élaboration de ces données. Elle y est inscrite sous la classe « Marchés de fruits et de légumes ». Dans le présent litige, les statistiques recueillies par Statistique Canada de Sami Fruits lors de cette enquête n’ont pas été publiés par Statistique Canada et ne pouvaient être obtenues auprès d’elle parce qu’il n’y avait pas assez de répondants. Le vérificateur a demandé l’information à Sami Fruits par lettre à son procureur le 12 juillet 2017 de même que lors de la demande de conférence de gestion datée du 2 août 2018. Sami Fruits n’a pas donné suite à ces demandes. Il s’agit d’un autre exemple de cas où Sami Fruits connaît les informations pertinentes et décide sciemment de ne pas les partager.
  16.            Je propose de rejeter ce moyen d’appel.
  1.      Le dossier des retenues à la source (« RAS »)
  1.            Pour les RAS, le vérificateur constate que les salaires sont payés en argent comptant et qu’aucune feuille de temps n’est utilisée. Il décide de recourir à une méthode alternative pour estimer la masse salariale de Sami Fruits et les RAS qu’elle était tenue de verser.
  2.            Deux employés de l’ARQ procèdent anonymement à l’observation et au dénombrement des employés dans les trois succursales. À partir de ces données, le vérificateur estime le besoin de main-d’œuvre directe pour chaque magasin, ainsi que le total des heures travaillées. Il inclut dans son estimation les heures effectuées par les employés pour la préparation et l’entretien des magasins avant l’ouverture et après la fermeture de même que celles effectuées par les chauffeurs de camions.
  3.            Au procès, Sami Fruits s’oppose au dépôt du rapport de vérification sans témoignage des deux employés de l’ARQ qui ont procédé à l’observation et au dénombrement des employés de Sami Fruits. Le juge prend l’objection sous réserve, mais n’en traite pas dans son jugement final.
  4.            De plus, Sami Fruits dépose le rapport de KPMG, qui a effectué le dénombrement des employés de Sami Fruits pour une journée à l’un de ses magasins. Le juge rejette ce rapport. Il conclut que Sami Fruits ne présente pas une preuve prima facie démontrant l’inexactitude des cotisations relatives aux RAS, et celles-ci sont donc maintenues[80].
  5.            En appel, Sami Fruits soulève trois moyens :
  1. Le juge a-t-il erré en omettant de statuer sur une objection à la preuve par ouï-dire du dénombrement?
  2.  Le juge a-t-il erré en concluant que Sami Fruits n’a pas réussi à « démolir » la présomption de validité des cotisations dans le dossier des RAS par sa preuve d’expert?
  3. Le juge a-t-il erré en droit en concluant que Sami Fruits était tenue au versement de RAS sans rattacher celles-ci à un employé en particulier?
  1.      La présentation d’un nouvel argument en appel dans le dossier des RAS
  1.            Je traite d’abord du troisième moyen. Sami Fruits souhaite argumenter que l’absence d’un lien de rattachement des cotisations à des employés spécifiques rend les cotisations à ce chapitre non fondées.
  2.            Malgré l’excellente argumentation orale sur ce point à l’audience, je suis d’avis que la Cour ne devrait pas considérer ce moyen. L’argument n’a pas été présenté lors de la vérification ni lors de l’opposition, pas plus qu’en première instance. C’est plutôt dans la déclaration d’appel qu’on le trouve pour la première fois. Il n’est que brièvement mentionné dans le mémoire.
  3.            Les questions non débattues en première instance ne peuvent en principe être soulevées en appel[81]. La Cour conserve toutefois une discrétion pour se saisir d’une nouvelle question lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient[82] :

[14] Saisie d’une demande de présentation d’un nouveau moyen pour la première fois en appel, la Cour doit, en premier lieu, déterminer si elle est en présence de circonstances exceptionnelles qui expliquent la présentation à ce stade du moyen envisagé. Si tel est le cas, en second lieu, elle entreprend une analyse aux fins d’exercer sa discrétion judiciaire d’autoriser ou non cette demande en considérant divers facteurs pertinents, dont notamment : (a) l’aspect stratégique de la demande, c’est-à-dire si le moyen n’a pas été soulevé au procès dans le cadre d’une stratégie qui n’a pas réussi et qu’on tente de défaire en appel; (b) la preuve au dossier d’appel, laquelle doit être suffisante pour traiter adéquatement le nouveau moyen soulevé; (c) le préjudice qui pourrait être causé à une partie qui n’a pu répondre au nouveau moyen par des éléments de preuve au cours du procès; et (d) le déni de justice subi si le nouveau moyen n’est pas traité en appel.

[Renvoi omis]

  1.            Dans l’arrêt Phillips, la Cour décide qu’une modification du droit postérieurement au jugement de première instance constitue une circonstance exceptionnelle[83]. Par ailleurs, la Cour suprême dans Guindon[84] exerce sa discrétion - qu’elle qualifie « de portée limitée et devant être exercé avec modération » - pour trancher une question constitutionnelle.
  2.            Dans le présent dossier des RAS, les circonstances ne sont pas de nature à permettre qu’une nouvelle question soit plaidée. Il ne s’agit en effet pas d’une question constitutionnelle et Sami Fruits n’a pas justifié de circonstances exceptionnelles qui expliquent la présentation tardive du moyen.
  3.            Il n’est donc pas propice d’en traiter.
  1.      Le juge a-t-il erré en concluant que Sami Fruits n’a pas réussi à « démolir » la présomption de validité des cotisations dans le dossier des RAS par sa preuve d’expert?
  1.            Le juge estime que la preuve présentée par Sami Fruits pour « démolir » la présomption de validité des cotisations dans le dossier des RAS « est loin de satisfaire aux critères de la jurisprudence pour lui permettre de renverser la présomption »[85]. Sami Fruits soutient en appel que le juge de première instance a erré.
  2.            Dans un premier temps, le juge analyse le journal des salaires et la liste des employés de Sami Fruits ainsi que le témoignage des gérants et dirigeants de Sami Fruits. Il conclut que cette preuve est « sibylline » et il constate des contradictions et des lacunes[86]. Il dénote l’absence de preuve documentaire précise[87] de même que des incohérences dans celle soumise[88]. Il conclut donc que « si la comptabilité de Sami reflète la réalité, ce dont on peut douter fortement, celle-ci est truffée d’erreurs et d’inexactitudes à un point tel que l’on ne peut s’y fier »[89]. Cet aspect du jugement n’est pas remis en question en appel.
  3.            Sami Fruits produit le rapport KPMG pour contester les cotisations. En ce qui concerne les RAS, le mandat de KPMG porte sur deux aspects :

2)  Visiter un magasin Sami Fruits pour une journée sélectionnée de manière aléatoire, sans s’annoncer au préalable, et comparer les employés sur le plancher à ceux figurant sur la paie générée pour cette journée;

3)  Revoir les formulaires d’impôts (T4) des employés et valider leur exactitude pour des employés sélectionnés de manière aléatoire[.]

  1.            Puis, elle fait témoigner l’expert-comptable (Yanick Brissette) et le juricomptable qui a effectué le dénombrement des employés (Tony Lam).
  2.            Le juge rejette cette preuve :

[231] La démarche de Sami, de procéder par une observation d’un tiers en 2019, pour démontrer son nombre d’employés dans l’une de ses succursales laisse perplexe. Sami est l’employeur, il détermine ses besoins de main-d’œuvre et il fixe le nombre et l’horaire de ses employés. En semblables circonstances, le Tribunal conçoit mal comment et pourquoi Sami ne peut pas, ou choisit de ne pas présenter l’horaire réel de cette semaine-là plutôt qu’un dénombrement par observation du personnel sur place.

[232] Pourquoi Sami ne présente pas une preuve plus complète, tel un horaire hebdomadaire alors qu’elle sait pertinemment ce que Revenu Québec tente d’évaluer. Dès le départ, Revenu Québec transmet un formulaire à remplir pour établir le nombre des employés et leur horaire et prend la peine de mentionner « merci de compléter le besoin en main-d’œuvre (nombre d’employés) pour chaque tranche horaire par catégorie d’emploi dans chaque magasin ».

[233] Aux yeux du Tribunal, le fait que Sami ne soit pas en mesure d’établir autrement que par la présentation d’un tiers qui effectue un dénombrement pour une seule journée à une seule de ses succursales son nombre d’employés demeure une énigme. Ce n’est certes pas là une preuve suffisante pour renverser la présomption de l’article 1014 L.I.

[Renvoi omis]

  1.            Le juge ne mentionne pas l’analyse des T4 par KPMG.
  2.            Sami Fruits soutient que le juge fait erreur lorsqu’il conclut que cette preuve est insuffisante pour « démolir » la présomption de validité des cotisations relatives aux RAS. Je ne suis pas d’accord.
  3.            L’appréciation d’une expertise est une question de fait. Son appréciation relève du juge de première instance (art. 2845 C.c.Q.). La Cour doit alors faire preuve de déférence à l’égard de la valeur probante accordée à l’expertise en première instance[90]. Il s’ensuit qu’en l’absence d’erreur manifeste et déterminante dans le jugement entrepris, la Cour n’interviendra pas sur les conclusions et les inférences que le juge dégage (ou ne dégage pas) d’un rapport d’expert.
  4.            Le juge a raison de souligner qu’il aurait été préférable de démontrer plus directement la validité des registres durant la période pertinente. De plus, le dénombrement a été effectué un jour (18 septembre 2019) à un magasin (Jarry). Il est sans doute probant pour établir le nombre d’employés à cette date à ce magasin, mais il n’établit pas la fiabilité des registres de Sami Fruits entre 2007 et 2012.
  5.            Le dénombrement est effectué bien après la période visée par les cotisations et ne reflète pas la situation au moment des vérifications ni lors des cotisations attaquées. Le rapport précise qu’il était impossible de retourner en arrière et que « les représentants de Sami Fruits nous ont mentionné qu’il n’y a eu aucun changement significatif dans le processus de paie entre 2007 à aujourd’hui ». Cette affirmation est difficile à accepter, vu que le dénombrement a eu lieu plus de 6 ans après le début de la vérification des RAS. Il est courant qu’un contribuable modifie ses façons de faire une fois qu’il sait qu’une vérification est en cours.
  6.            Enfin, l’analyse de KPMG semble confirmer des problèmes dans le registre de paie. KPMG dénombre 37 employés qui travaillent la journée en question, alors que seulement 25 sont payés selon le registre de paie. Sur ces employés, 21 ont des heures payées qui semblent raisonnables selon KPMG. Le rapport fait état des différentes explications qui sont fournies : quatre employés auraient échangé leur journée de travail avec un collègue, cinq employés auraient travaillé des heures supplémentaires non payées, car ils devaient rattraper des heures après être arrivés en retard au travail une autre journée dans la même période de paie, cinq employés n’auraient pas été payés, car ils étaient en formation, et deux employés n’auraient pas été payés, car ils devaient du temps en raison d’un congé payé. Le tout semble appuyer la conclusion du juge que le registre de paie n’est pas fiable. Bien que le juge aurait pu faire mention de l’expertise de KPMG sur les T4, ce défaut n’est pas fatal dans la mesure où la preuve documentaire (ou plutôt ses lacunes) démontre adéquatement que Sami Fruits n’est pas parvenue à mettre en doute les faits sur lesquels l’ARQ base son estimation selon sa méthode alternative. Sami Fruits n’a donc pas réussi à ébranler la présomption de validité de la cotisation qui en résulte.
  7.            Ce moyen d’appel doit donc échouer.
  1.      Le juge a-t-il erré en omettant de statuer sur une objection à la preuve par ouï-dire du dénombrement?
  1.            La preuve de l’ARQ quant au dénombrement des employés dans les magasins, qui est à la base de sa méthode alternative quant aux RAS, a été faite par le dépôt du rapport de vérification sur les RAS. Or, l’ARQ n’a pas fait témoigner ses employés qui ont effectué le décompte. Il s’agirait donc, selon Sami Fruits, de ouï-dire inadmissible. Sami Fruits soutient que le juge de première instance a omis de trancher ses objections répétées à cette preuve.
  2.            Sami Fruits a en effet formulé des objections lors du procès. Il y a toutefois lieu de nuancer la manière dont Sami Fruits les caractérise. L’ARQ fait témoigner Corinne Laverdure, qui était la superviseure du vérificateur Abdoul Kadre Bamba, plutôt que ce dernier, parce qu’il n’est plus à l’emploi de l’ARQ. Le procureur de Sami Fruits s’oppose à la production du rapport de vérification sur les RAS par Mme Laverdure et soutient que le rapport ne peut faire preuve de son contenu. Sans explicitement rejeter l’objection, le juge assure le procureur que le rapport ne fait pas preuve de son contenu et qu’il devra évaluer la véracité du contenu en fonction de l’ensemble de la preuve. Le dépôt du rapport est donc autorisé.
  3.            S’ensuivent d’autres objections du procureur de Sami Fruits qui s’oppose à des réponses de Mme Laverdure qu’il qualifie de ouï-dire. Le juge indique qu’il prend ces objections sous réserve et que le fait que Mme Laverdure n’a pas une connaissance personnelle peut avoir un effet négatif sur la force probante de son témoignage. Il indique aussi qu’il sera peut-être nécessaire de faire témoigner M. Bamba.
  4.            M. Bamba finit par témoigner le lundi suivant. Lors de son interrogatoire, le procureur de Sami Fruits formule de nouveau une objection relativement au dénombrement des employés que ce dernier a utilisé dans son rapport, car il ne l’a pas effectué lui-même. Le juge permet toutefois le dépôt de la page en question sous réserve de sa force probante. Il ne revient pas sur cette question dans son jugement.
  5.            Bien que l’on puisse reprocher au juge d’avoir manqué de clarté sur sa décision de prendre ces objections sous réserve ou de ne pas en avoir traité dans sa décision finale, il demeure que ce moyen d’appel doit échouer.
  6.       Dans le dossier des RAS, le juge conclut que Sami Fruits ne s’est pas acquittée de son fardeau de « démolir » la présomption de validité des cotisations établies à son encontre[91]. Il effectue cette analyse en fonction de la preuve produite par Sami Fruits, dont le rapport de KPMG, qu’il rejette. Il n’avait pas à ce stade besoin d’examiner plus en détail la preuve présentée par l’ARQ au soutien de sa cotisation.
  7.       Il n’est donc pas pertinent de déterminer si le juge a erré en omettant de statuer sur l’objection.
  1.      Le dossier d’impôt personnel
  1.      Le juge a-t-il erré en confirmant que M. Al Asmar se serait approprié des fonds?
  1.       Enfin, les cotisations établies à l’endroit de M. Al Asmar personnellement lui attribuent les profits non déclarés de Sami Fruits. Le juge conclut que le témoignage de M. Al Asmar, dans lequel il nie s’être approprié quelque somme d’argent que ce soit et affirme avoir déclaré tous ses revenus, est insuffisant pour démolir la présomption de validité de ces cotisations.
  2.       M. Al Asmar soutient dans un premier temps que la présomption de validité ne s’applique pas ou qu’elle a été renversée, et ce, pour les deux raisons suivantes : 1) comme l’ARQ n’allègue pas le moment ou la manière dont les fonds auraient été appropriés, il n’y avait pas de faits au soutien des cotisations à démolir, et 2) le juge avait accepté dans le dossier d’impôt des sociétés de Sami Fruits que la présomption avait été « démolie ».
  3.       M. Al Asmar invoque l’arrêt Anchor Pointe[92] et l’affaire Elbadawi[93] afin de soutenir un renversement du fardeau de preuve lorsqu’une cotisation établie par méthode alternative repose sur une allégation d’appropriation. Il se base sur le passage suivant dans Elbadawi :

[24] Toute hypothèse de fait selon laquelle on attribuerait des revenus à un actionnaire pour la seule raison que la société a gagné ces revenus contreviendrait aux exigences définies au paragraphe 29 de l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 CAF 188, [2008] 1 R.C.F. 839 :

 

[29] L’équité exige que les faits allégués comme hypothèses soient complets, précis, exacts et énoncés de façon honnête et franche afin que le contribuable sache bien clairement ce qu’il devra prouver : Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., au paragraphe 23; Holm c. Canada; Canada c. Loewen, 2004 CAF 146 (CanLII), [2004] 4 R.C.F. 3 (C.A.F.), au paragraphe 9; Grant c. Canada, 2003 CAF 77, au paragraphe 18; First Fund Genesis Corp. c. Canada, 1990 CanLII 13571 (FC), [1990] 2 C.T.C. 24 (C.F. 1re inst.) aux pages 26 et 27; Shaughnessy c. Canada, [2002] A.C.I. no 91 (QL), au paragraphe 13; Stephen c. Canada, [2001] A.C.I. no 250 (QL), au paragraphe 6.

 

[25] Conformément aux motifs de l’arrêt Anchor Pointe, le fait de se contenter d’énoncer des hypothèses de fait, comme l’intimée l’a fait aux alinéas 8i) et j), selon lesquelles on a tenu pour acquis que les revenus sont directement passés par la société pour se retrouver chez l’actionnaire ne serait ni assez complet ni assez précis pour que l’appelant sache ce qu’il devra prouver. De telles hypothèses devraient contenir des détails au sujet du moment où l’actionnaire a reçu ces fonds et s’est vu conférer ces avantages de la société ainsi que de la manière dont cela s’est fait. Dans le cas contraire, le fardeau de la preuve serait inversé et il reviendrait au ministre de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, un contribuable a reçu des revenus non déclarés de la société.

  1.       Il poursuit en plaidant qu’une présomption légale d’appropriation par l’actionnaire serait incompatible avec le principe de la personnalité morale distincte de la société et qu’une présomption de fait serait sans fondement.
  2.       Ces arguments ne peuvent être retenus.
  3.       La cotisation de l’actionnaire pour les profits non déclarés de la société repose sur l’article 111 LI, qui énonce ce qui suit :

111. Lorsque, à un moment quelconque, un avantage est accordé par une société à un actionnaire de la société, à un membre d’une société de personnes qui est actionnaire de la société ou à un actionnaire pressenti de la société, le montant ou la valeur de cet avantage doit être inclus dans le calcul du revenu de l’actionnaire, du membre ou de l’actionnaire pressenti, selon le cas, pour son année d’imposition qui comprend ce moment.

111. Where, at any time, a benefit is conferred by a corporation on a shareholder of the corporation, on a member of a partnership that is a shareholder of the corporation or on a contemplated shareholder of the corporation, the amount or value of the benefit must be included in computing the income of the shareholder, member or contemplated shareholder, as the case may be, for its taxation year that includes the time.

  1.       Une telle cotisation bénéficie de la présomption de validité de l’article 1014 LI.
  2.       Dans l’affaire Pangakis c. Agence du revenu du Québec[94], l’ARQ avait établi une cotisation à l’encontre de l’actionnaire unique d’une compagnie. La juge Savard (aujourd’hui juge en chef) cite les articles 111 et 1014 LI et indique que le fardeau incombe au contribuable de « démolir » les faits qui soutiennent la cotisation. Elle confirme le jugement de première instance, qui conclut que l’actionnaire n’a pas réussi à « démolir » la présomption de validité :

[37] L’appelante n’a contesté aucun de ces faits, pas plus que la méthode alternative utilisée par l’ARQ pour déterminer le montant des ventes non déclarées. Le juge de première instance pouvait conclure que son seul témoignage voulant qu’elle ne puisse expliquer la situation, alors qu’elle a fait fi de ses obligations légales quant à la tenue des registres de la société était insuffisant pour « démolir » les faits à l’origine des cotisations.

[38] Il pouvait également conclure que la preuve de l’avoir net de l’appelante et de son train de vie modeste était insuffisante pour « démolir » la présomption. Je rappelle ici le contexte fort particulier de l’affaire où, tout au cours de la période pertinente, l’appelante exerce le seul et plein contrôle de la gestion de Plat d’Or, en plus d’être la seule actionnaire de la société. Vu l’absence de toute explication quant aux entrées et sorties de fonds du restaurant et à ce qui serait advenu de l’argent provenant de ces ventes non déclarées, il lui était raisonnable de conclure que l’appelante, à qui il accordait peu de crédibilité, n’avait pas réfuté l’hypothèse de l’appropriation.

[39] Mais quoi qu’il en soit, même s’il s’agissait là d’une preuve prima facie ayant pour effet de renverser le fardeau de preuve, il se dégage de la preuve une présomption de faits (art. 2847 C.c.Q.) qui soutient les prétentions de l’ARQ et les établit de façon prépondérante.

[Soulignement ajouté; renvoi omis]

  1.       Ces notions sont reprises et développées par le juge Ruel dans l’arrêt Alertpay[95] :

[47] M. Patel a été cotisé personnellement pour les mêmes montants que ceux de l’entité corporative. Il prétend que l’ARQ n’avait aucune justification de procéder ainsi.

[48] La conclusion que M. Patel s’est approprié les fonds d’Alertpay repose sur les déterminations factuelles suivantes : (1) pour les années en litige, Alertpay a généré des revenus qui n’ont pas été déclarés; (2) ces revenus ne figurent pas aux états financiers d’Alertpay et aucune explication raisonnable n’a été fournie; et (3) M. Patel est actionnaire et administrateur unique d’Alertpay et a le plein contrôle de cette société.


[49] Ces éléments étaient suffisants pour conclure que M. Patel s’est approprié les fonds d’Alertpay. Il pouvait donc être cotisé par l’ARQ en conséquence.

[Renvoi omis]

  1.       L’arrêt 2844-9676 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec[96] est au même effet.
  2.       Selon cette jurisprudence, il y a une présomption de fait voulant que l’actionnaire ou administrateur unique qui a le plein contrôle de l’entreprise s’approprie les profits non déclarés de l’entreprise, à moins que ces profits ne figurent dans la documentation comptable ou qu’une explication raisonnable soit fournie pour expliquer ce qu’il est advenu de ces fonds. L’ARQ n’a pas à vérifier les affaires personnelles de l’actionnaire pour démontrer que son avoir net ou son train de vie excède ses revenus déclarés.
  3.       Cette présomption de fait respecte la personnalité juridique distincte et le patrimoine distinct de la société. Ce n’est pas confondre les revenus de la société avec ceux de l’actionnaire de présumer que l’actionnaire s’est approprié les fonds de la société lorsque ces fonds ne figurent dans la documentation comptable de la société ou qu’aucune explication raisonnable est fournie pour expliquer ce qu’il en est advenu.
  4.       La présomption s’applique en l’espèce. L’ARQ conclut que Sami Fruits a généré des profits non déclarés. Les incohérences dans la comptabilité ne permettent pas de déterminer où sont passées ces sommes[97]. Enfin, M. Al Asmar a le plein contrôle de Sami Fruits comme actionnaire et administrateur unique[98].
  5.       M. Al Asmar nie s’être approprié les fonds[99]. Il affirme que les sommes transitaient entre plusieurs mains et pourraient se trouver ailleurs. Il témoigne quant à son mode de vie modeste.
  6.       Il ressort toutefois de la jurisprudence de la Cour qu’il fallait ici « démolir » le fondement des cotisations. Il ne s’agit pas de démontrer un autre scénario possible (argument qui de plus est formulé en appel, mais ne semble pas avoir été avancé au procès). M. Al Asmar ne parvient pas à en faire la démonstration de manière prima facie. Il n’est donc pas justifié que la Cour intervienne sur cette question.
  7.       Quant à l’argument selon lequel le juge a conclu à la « démolition » de la présomption dans le dossier d’impôt des sociétés de Sami Fruits, il a tout de même conclu que l’ARQ a prouvé les profits non déclarés.
  8.       L’appel dans ce dossier doit donc échouer.
  1.      Le juge a-t-il erré en maintenant les cotisations établies hors délai?
  1.       M. Al Asmar soutient que le juge erre en rejetant son argument de prescription du recours personnel à son encontre pour les années 2007 à 2010.
  2.       Le sous-alinéa 1010 (2) b) (i) LI permet de passer outre la prescription lorsqu’il y a une fausse représentation ou une fraude :

1010. […] 2. Le ministre peut aussi déterminer de nouveau l’impôt, les intérêts et les pénalités en vertu de la présente partie et faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire, selon le cas : […]

 

1010. […] (2)  The Minister may also redetermine the tax, interest and penalties payable under this Part and make a reassessment or an additional assessment, as the case may be, […]

 

b) en tout temps, si le contribuable ou la personne qui a produit la déclaration :

(b)  at any time, if the taxpayer or the person who filed the return

 

i. a fait une fausse représentation des faits par incurie ou par omission volontaire ou a commis une fraude en produisant la déclaration ou en fournissant un renseignement prévu en vertu de la présente partie; ou […]

i.  has made a misrepresentation that is attributable to negligence or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information provided for in this Part, or […]

  1.       Ainsi, il s’agit de déterminer s’il y a eu une « fausse représentation des faits par incurie ou omission volontaire » ou une fraude dans la déclaration de revenu ou les renseignements qui la soutiennent. La Cour a formulé ces observations sur ce qui constitue une représentation fausse[100] :

[10] Une représentation sera « fausse » au sens de l’art. 1010 (2) b) (i) L.I. même en l’absence d’intention malicieuse ou frauduleuse; il suffit qu’elle soit inexacte. Dans Fiducie Desjardins c. Québec (Sous-ministre du revenu), la Cour établit que le fardeau de l’agence consiste alors à prouver la faute objective commise par l’appelante. Dans Québec (Sous-ministre du revenu) c. Chiasson, elle énonce que le sens à donner au mot « incurie » de l’article 1010 (2) b) (i) L.I. s’apparente à la négligence ou au manque de diligence, mesuré sur une base objective.

[Renvois omis]

  1.       Ainsi, le juge devait déterminer si l’ARQ a démontré une négligence ou un manque de diligence, sur une base objective, de M. Al Asmar. Rappelons qu’il s’agit ici d’une question d’appréciation de la preuve par le juge de procès, qui commande déférence.
  2.       M. Al Asmar fait valoir que la conclusion doit être fondée sur des négligences flagrantes dans les gestes posés par le contribuable[101]. Il soutient que le juge se fonde erronément sur des éléments du comportement de Sami Fruits et non du sien.
  3.       Le juge impute à M. Al Asmar le manque de documentation et particulièrement la destruction des Z de caisse, puisqu’il avait le contrôle de Sami Fruits[102]. Les appelants ne démontrent pas d’erreur manifeste ni déterminante dans cette conclusion. Le juge note en outre qu’il est surprenant que les Z de caisse aient continué d’être détruits, même après les visites des vérificateurs[103].
  1.      Le juge a-t-il erré en maintenant les pénalités pour négligence flagrante?
  1.       Enfin, M. Al Asmar soutient que le juge erre en maintenant les pénalités prévues aux articles 59.4 LAF et 1049 LI, qui énoncent :

59.4. Quiconque, volontairement, élude ou tente d’éluder le paiement, la perception ou la remise d’un montant prévu par une loi fiscale, encourt une pénalité de 50 % du montant dont il a ainsi éludé ou tenté d’éluder le paiement, la perception ou la remise.

59.4. Every person who wilfully evades or attempts to evade the payment, collection or remittance of an amount prescribed by a fiscal law incurs a penalty of 50% of the amount the payment, collection or remittance of which he evaded or attempted to evade.

 

1049. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances qui équivalent à de la négligence flagrante, fait un faux énoncé ou une omission, dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse, appelé « déclaration » dans le présent article, fait ou produit pour l’application de la présente loi à l’égard d’une année d’imposition, ou y participe ou y acquiesce, encourt une pénalité égale au plus élevé de 100 $ et de 50 % de l’excédent : […]

1049. Every person who, knowingly or under circumstances amounting to gross negligence, has made or has participated in or acquiesced in the making of, a false statement or omission in a return, certificate, statement or answer, in this section referred to as a “return”, made or filed in respect of a taxation year for the purposes of this Act, incurs a penalty equal to the greater of $100 and 50% of the amount by which […]

  1.       Le critère prévu à l’article 59.4 LAF repose sur les termes « volontairement, élude ou tente d’éluder » et dans le cas de l’article 1049 LI, il consiste à déterminer si une personne a, sciemment ou par négligence flagrante, effectué un faux énoncé ou une omission. Le critère applicable a été expliqué par la Cour[104] :

[46] La négligence flagrante à laquelle réfère l’article doit être démontrée de façon claire et ce fardeau incombe à l’intimée. Cette dernière doit donc démontrer que le contribuable a eu « un comportement grave, presque volontaire » ou qu’il a commis une « faute lourde ». Ainsi, le simple fait qu’un contribuable n’est pas parvenu à « démolir » la présomption de validité des cotisations n’est pas suffisant afin de conclure à l’imposition de cette pénalité.

[47] L’analyse de la négligence flagrante d’un contribuable doit plutôt se faire au regard d’une série de critères dégagés par la jurisprudence :

• l’importance des sommes omises, la valeur des justifications fournies par le contribuable et les circonstances dans lesquelles l’omission est survenue;

• la qualité des registres comptables tenus par le contribuable;

• l’éducation, les connaissances et l’expérience en affaires du contribuable;

• le fait que le contribuable a reconnu ou déclaré volontairement les omissions, ou les faussetés, affectant les déclarations litigieuses;

• la nature des relations antérieures entre le contribuable et le fisc;

• la crédibilité du contribuable.

[48] Ces critères ne sont pas cumulatifs et sont tributaires des faits particuliers propres à chaque affaire.

[Renvois omis]

  1.       La tenue inadéquate de registres est un exemple de négligence flagrante[105]. Quant aux arguments des appelants, il est vrai que cette démonstration doit être faite pour le contribuable dont il est question dans chaque cotisation.
  2.       Le juge a conclu que les appelants ont « volontairement élud[é] ou tent[é] d’éluder » (art. 59.4 LAF) et qu’ils ont sciemment ou par négligence flagrante effectué de faux énoncés ou omissions (art. 1049 LI). En effet, le juge retient à ce chapitre les éléments suivants :

[286] Les motifs retenus aux fins d’imposer la pénalité de l’article 59.4 L.A.F. sont les suivants :

-      Les faits relevés lors de la vérification de la société et le caractère frauduleux des omissions constatées sont étroitement liés à l’omission de M. Asmar;

-      Il a omis de déclarer des revenus de sa société et un écart important a été constaté;

-      De par son statut d’actionnaire unique et dirigeant ayant le contrôle de l’entreprise, il est au courant des revenus non déclarés au niveau de sa société;

-      Il a connaissance de la présentation erronée quant à rencontrer ses obligations et il y a préjudice réel en ce que les pertes de recettes fiscales s’élèvent à plus de 7 millions en impôt des particuliers.

[287] Quant à la pénalité pour négligence flagrante mentionnée à 1049 L.I., il y a lieu de retenir la piètre qualité des livres et registres tenus par Sami, le degré de connaissance et de sophistication de son entreprise, l’importance des montants de revenus non déclarés par rapport aux revenus déclarés et le peu de crédibilité à accorder considérant l’ensemble de l’œuvre.

[Renvois omis]

  1.       Le juge a donc imputé les omissions à M. Al Asmar. Au vu des critères précités, il s’agit d’une conclusion à laquelle le juge pouvait arriver, compte tenu de la négligence observée dans la comptabilité de Sami Fruits et du haut degré d’implication de ce dernier.
  2.       Ce moyen doit être rejeté.
  3.       Pour l’ensemble de ces motifs, je propose donc de rejeter l’appel des appelants, avec les frais de justice.

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 


[1]  Maison Sami T.A. Fruits inc. c. Agence du revenu du Québec, 2022 QCCQ 754 [jugement dont appel].

[2]  Jugement dont appel, paragr. 8-80.

[3]  L’ARQ et le juge mentionnent à différents moments 29 %, mais le chiffre retenu par l’ARQ et utilisé dans les cotisations est de 29,5 %.

[4]  RLRQ, c. A-6.002.

[5]  Jugement dont appel, paragr. 86-87.

[6]  Id., paragr. 98.

[7]  Id., paragr. 96.

[8]  Id., paragr. 108-113.

[9]  Hickman Motors Ltd c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336.

[10]  Jugement dont appel, paragr. 120.

[11]  Id., paragr. 127.

[12]  Id., paragr. 131 citant St-Georges c. Québec (Sous-ministre du revenu), 2007 QCCA 1442, paragr. 11.

[13]  Jugement dont appel, paragr. 129.

[14]  Id., paragr. 142.

[15]  Id., paragr. 144 et 146.

[16]  Id., paragr. 138.

[17]  Id., paragr. 168, 171 et 172.

[18]  Id., paragr. 173.

[19]  Id., paragr. 178.

[20]  Id., paragr. 157 et 159.

[21]  Id., paragr. 160-162.

[22]  Id., paragr. 159.

[23]  Id., paragr. 165.

[24]  Jugement dont appel, paragr. 163-164. Le vérificateur estime que la marge brute pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires de plus de 25 millions est de 32,66 %.

[25]  Id., paragr. 163.

[26]  Id., paragr. 158 et 175-177.

[27]  Id., paragr. 167.

[28]  Id., paragr. 180-181.

[29]  Id., paragr. 194.

[30]  Id., paragr. 192, 208 et 211-212.

[31]  Id., paragr. 215, 217-218.

[32]  Id., paragr. 219, 223 et 244.

[33]  Jugement dont appel, paragr. 233.

[34]  Id., paragr. 249.

[35]  Id., paragr. 263.

[36]  Alertpay incorporated inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 46.

[37]  Pangakis c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCA 1325.

[38]  Jugement dont appel, paragr. 268.

[39]  Id., paragr. 269.

[40]  Id., paragr. 269-272.

[41]  RLRQ, c. I-3.

[42]  Jugement dont appel, paragr. 275-278.

[43]  Jugement dont appel, paragr. 282.

[44]  Id., paragr. 253-254.

[45]  Id., paragr. 257.

[46]  Id., paragr. 259-261.

[47]  Id., paragr. 291-294.

[48]  Voir R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, 2002 CSC 73, paragr. 49, traitant des dispositions analogues de la loi fédérale.

[49]  Alertplay Incorporated c. ARQ, supra, note 36, paragr. 29-30; Tanis c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCCA 1583, paragr. 7.

[50]  Ce pouvoir est issu de la prérogative en matière de vérification dont jouit l’autorité fiscale, tel que consacré à l’article 95.1 LAF. Voir aussi Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Chenel, 2005 QCCA 794, paragr. 30; Dezura v. Minister of National Revenue, [1948] Ex.C.R., p. 12.

[51]  Atelier de pneus Garo ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu) (Agence du revenu du Québec), 2012 QCCQ 9736, paragr. 103; Compagnie de tabac Dynasty inc. c. Agence de revenu du Québec, 2013 QCCQ 12995, paragr. 47; 9023-1796 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2022 QCCQ 1669, paragr. 28.

[52]  Alertplay Incorporated c. ARQ, supra, note 36, paragr. 30, qui cite : Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Chenel, supra, note 50, paragr. 30 et Julie Tremblay et David Coutu, « Les méthodes alternatives – mise à jour et pièges à éviter », (2017) 1 Congrès APFF 13:1, page 13:3.

[53]  Telus Communications (Edmonton) Inc. c. La Reine, 2008 CCI 5, paragr. 33; 9010-9869 Québec Inc. c. La Reine, 2007 CCI 365, paragr. 50-51; Compagnie de tabac Dynasty inc. c. Agence du revenu du Québec, supra, note 51, paragr. 43.

[54]  Durand c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2004] R.D.F.Q. 32, paragr. 29 (C.A.).

[55]  Alertplay Incorporated c. ARQ, supra, note 36, paragr. 30, qui cite : Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Chenel, supra, note 50, paragr. 30.

[56]  Langheit c. La Reine, 2017 CCI 250, paragr. 35.

[57]  9010-9869 Québec Inc. c. La Reine, supra, note 53, paragr. 52.

[58]  Le terme « démolir » est cité par les arrêts de notre Cour faisant souvent référence aux motifs de la juge L’Heureux Dubé dans Hickman Motors Ltd. c. Canada, supra, note 9, paragr. 92, qui faisait elle-même référence aux motifs du juge Rand dans Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486, p. 489 : « […] the onus was his [l’appelant] to demolish the basic fact on which the taxation rested »; voir également Capozzi c. Agence du revenu du Québec, 2023 QCCA 574, paragr. 12; 2844-9676 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCA 446, paragr. 4.

[59]  Hickman Motors Ltd. c. Canada, supra, note 9, paragr. 92, repris dans Agence du revenu du Québec c. Stamatopoulos, 2018 QCCA 474, paragr. 49.

[60]  Hardy c. Agence du revenu du Québec, 2015 QCCA 564, paragr. 3.

[61]  9027-5967 Québec inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 47, paragr. 14 citant Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 3e éd., Wilson & Lafleur, Montréal, 2004, p. 453, cette définition est encore à jour.

[62]  Bermex International inc. c. Agence du revenu du Québec, 2013 QCCA 1379, paragr. 24.

[63]  St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), supra, note 12, paragr. 11; voir aussi : Latulippe c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCCA 2177, paragr. 57; Agence du revenu du Québec c. Lafrenière, 2017 QCCA 670, paragr. 4.

[64]  3096-4035 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 1039, paragr. 31.

[65]  Immeubles Zamora ltée c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 894, paragr. 33; Latulippe c. Agence du revenu du Québec, supra, note 53, paragr. 57; Agence du revenu du Québec c. Stamatopoulos, supra, note 59, paragr. 48; Agence du revenu du Québec c. Lafrenière, supra, note 53, paragr. 4; St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), supra, note 12, paragr. 12.

[66]  St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), supra, note 12, paragr. 11.

[67]  Hickman Motors Ltd. c. Canada, supra, note 9, paragr. 87, 88 et 91. Voir aussi : Immeubles Zamora ltée c. Agence du revenu du Québec, supra, note 55, paragr. 33; Agence du revenu du Québec c. Lavoie, 2015 QCCA 750, paragr. 15.

[68]  Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, supra, note 36, paragr. 27 citant Durand c. Québec (Sous-ministre du Revenu supra, note 54, paragr. 17; Rébec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCA 1732, paragr. 5; Bermex International inc. c. Agence du Revenu du Québec supra, note 52, paragr. 23; St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), supra, note 12, paragr. 9.

[69]  Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, supra, note 36, paragr. 27.

[70]  Id., paragr. 31.

[71]  Id., paragr. 31, citant Nault c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 4556, paragr. 31, qui citait Compagnie de tabac Dynasty inc. c. Agence du revenu du Québec, supra, note 51, paragr. 43.

[72]  Le contribuable « n’a pas à établir le montant exact de son revenu imposable » - Capobianco c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 1235, paragr. 14, mais il s’agit d’une façon pour lui de « démolir » la présomption de validité.

[73]  Voitures Orly Inc. c. Canada, 2005 CAF 425, paragr. 20.

[74]  Dezura v. Minister of National Revenue, supra, note 50, p. 15-16.

[75]  Compagnie de tabac Dynasty inc. c. Agence du revenu du Québec, supra, note 51, paragr. 47.

[76]  Elle soutient aussi en appel que l’ARQ a omis d’analyser d’autres méthodes alternatives qui auraient pu être plus appropriées, telle la méthode par majoration des achats (« MMA »). Il n’y a rien qui indique que cet argument a été présenté en première instance.

[77]  Par opposition, dans Bakar c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCQ 12589, le juge a conclu au choix du quartile bas parce que « les entreprises du contribuable sont relativement jeunes et sont opérées par un individu qui n’avait pas auparavant d’expérience significative de commerce au détail de ce genre et qui ne disposait pas de l’aide d’une bannière établie » (paragr. 137).

[78]  Essentiellement parce qu’il n’y a pas assez de magasins de fruits et légumes avec des revenus supérieurs à 25 millions au Canada et que Statistique Canada doit anonymiser ses données, la strate d’entreprises ayant des revenus supérieurs à 25 millions (que l’on pourrait appeler « SCIAN à six chiffres ») n’existe pas dans cette classe.

[79]  Jugement dont appel, paragr. 163-164. Le vérificateur estime que la marge brute pour les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 25 millions est de 32,66 %.

[80]  Jugement dont appel, paragr. 249.

[81]  Cyr c. Procureur général du Québec, 2023 QCCA 213, paragr. 18.

[82]  Phillips c. La Reine, 2017 QCCA 1284.

[83]  Phillips c. La Reine, paragr. 17.

[84]  Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, paragr. 5.

[85]  Jugement dont appel, paragr. 215.

[86]  Id., paragr. 216.

[87]  Id., paragr. 223.

[88]  Id., paragr. 230 (existence de chauffeurs de camion), 235 (gestion des paies), 237 (inscription de la masse salariale) et 243 (employés qui sont absents par séquence).

[89]  Jugement dont appel, paragr. 245.

[90]  Coalition contre le bruit c. Bel-Air Laurentien Aviation inc., 2022 QCCA 51, paragr. 39; Genexy Company Limited c. Gagné, 2021 QCCA 1748, paragr. 31.

[91]  Jugement dont appel, paragr. 249.

[92]  Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 CAF 188, paragr. 29.

[93]  Elbadawi c. La Reine, 2014 CCI 259, appel rejeté par Elbadawi c. Canada, 2016 CAF 57.

[94]  2016 QCCA 1325, paragr. 33-39.

[95]  Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, supra, note 36.

[96]  2021 QCCA 446, paragr. 33, 79, 80 et 83.

[97]  Jugement dont appel, paragr. 275.

[98]  Id., paragr. 265-268.

[99]  Id., paragr. 276-278.

[100]  Tanis c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCCA 1583, repris dans Héroux c. Agence du revenu du Québec, 2022 QCCA 1543, paragr. 6 notamment.

[101]  Il cite Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Chiasson, 2010 QCCA 1188, paragr. 7.

[102]  Jugement dont appel, paragr. 282.

[103]  Id., paragr. 192.

[104]  Delorme c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 1295; sur la question des critères, St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), supra, note 12, paragr. 19.

[105]  Agence du revenu du Québec c. Technostructur inc., 2014 QCCA 533, paragr. 62 cité dans le jugement dont appel, paragr. 294.

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