Sablière Guillaume Thibault inc. c. Ville de Saint-Raymond | 2025 QCCA 706 |
COUR D’APPEL |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
SIÈGE DE | QUÉBEC |
N° : | 200-09-010891-254 |
(200-17-036052-249) |
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DATE : | 6 juin 2025 |
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DEVANT | L'HONORABLE | GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A. | |
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SABLIÈRE GUILLAUME THIBAULT INC. |
REQUÉRANTE – demanderesse |
c. |
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VILLE DE SAINT-RAYMOND |
MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE COMTÉ DE PORTNEUF |
INTIMÉES – défenderesses |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
MIS EN CAUSE – mis en cause |
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JUGEMENT
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- Je suis saisie d’une demande de permission d’appeler d’un jugement rejetant le pourvoi en contrôle judiciaire intenté contre une décision rendue par l’intimée, Ville de Saint-Raymond (ci-après « Ville »), qui a refusé d’entreprendre les démarches de modification réglementaire requises afin de permettre à la requérante d’étendre ses activités de sablière sur des terrains dont elle est propriétaire[1].
- Les parties conviennent que la décision de modifier ou non la réglementation d’urbanisme est purement discrétionnaire. En l’occurrence, la Ville, par une lettre de son avocat, indique ne pas vouloir aller de l’avant avec la modification recherchée en raison de conflits potentiels avec le Schéma d’aménagement de la MRC et de la proximité d’une prise d’eau potable de la municipalité voisine. Elle ajoute que la requérante a la possibilité d’étendre ses activités sur d’autres terrains lui appartenant, lesquels sont situés dans une zone où l’extraction est déjà permise.
- S’appuyant sur l’article 118.3.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement[2], la requérante demande que soient déclarés inopérants et inapplicables à son égard :
1) l’article 8.5.2 du Plan d’urbanisme de la Ville;
2) les dispositions règlementaires interdisant les activités d’extraction dans la zone où sont situés ses terrains et;
3) les articles 3.4 du Document complémentaire et 7.3.6.3 du chapitre 7 du Schéma d’aménagement de l’intimée MRC.
- Elle plaide que ces dispositions lui sont inopposables puisqu’elles visent le même objet que le Règlement sur les carrières et sablières[3]. Outre les conclusions de nature déclaratoire, elle demande que la Ville lui délivre le certificat d’autorisation nécessaire pour lui permettre d’étendre ses activités.
- Le juge d’instance résume les prétentions de la requérante notamment en ce qui concerne le Schéma d’aménagement[4].
- Aux termes de son analyse, il conclut que le Règlement de zonage de la Ville ne porte pas sur le même objet que l’article 14 du Règlement sur les carrières et sablières. Le premier encadre les usages permis alors que le second énonce une norme de localisation.
[46] Ainsi, même si la demanderesse satisfait aux conditions de l’exception prévue à l’article 14 du Règlement sur les carrières et sablières, cela ne lui donne pas l’autorisation d’exploiter une sablière. Cet article ne fait que préciser les conditions d’exploitation en présence d’une aire de protection d’une source d’approvisionnement d’eau souterraine et prévoit une exception.
[47] La demanderesse ne pourra exploiter une sablière que sur un terrain dont le règlement de zonage municipal autorise une telle exploitation, après avoir obtenu les permis et certificats nécessaires.
- Le juge rejette donc la demande de pourvoi en contrôle judiciaire.
- Dans sa demande de permission d’appeler, la requérante identifie trois sujets qui, selon elle, méritent l’attention de la Cour :
L’identité d’objet entre un schéma d’aménagement d’une MRC et un règlement adopté en vertu de la Loi sur la Qualité de l’environnement;
Le caractère contraignant du SAD à l’égard du plan d’urbanisme et d’un règlement de zonage d’une municipalité;
Les normes de localisation établies dans un règlement de zonage et les usages qui sont permis.
- Dans le cadre de ses observations, la requérante précise ses moyens. Elle estime que le juge de première instance omet de traiter l’argument selon lequel le Schéma d’aménagement de la MRC doit être déclaré inopérant en vertu de 118.3.3 de la LQE puisqu’il porte sur le même objet que le Règlement sur les carrières et sablières. Si le Schéma d’aménagement est inopérant, le Règlement de zonage qui y donne effet l’est également. Il doit donc être modifié afin de permettre l’extraction dans la zone où se situent ses terrains et les certificats d’autorisation doivent être délivrés.
- La requérante ne me convainc pas que l’appel envisagé soulève une question nouvelle, une question de principe ou une question de droit faisant l’objet d’une jurisprudence contradictoire justifiant d’accorder la permission[5].
- Le juge de première instance n’est pas tenu de répondre à l’ensemble des questions soumises s’il estime qu’il n’est pas nécessaire de le faire[6].
- Le fait qu’il ne se soit pas prononcé sur la question soulevée relativement au schéma d’aménagement ne justifie pas d’autoriser l’appel.
- Par ailleurs, l’argument concernant l’identité d’objet entre le Schéma d’aménagement et le Règlement sur les carrières et sablières ne justifie pas d’accorder la permission. Il est bien établi qu’un schéma d’aménagement ne produit pas d’effet juridique sur la population. Il ne fait que déterminer un cadre ou un outil de planification[7] pour les municipalités. Ce sont les règlements municipaux qui visent les citoyens.
- La Cour énonce clairement ce qui suit dans l’arrêt Recyclage St-Michel[8] :
Le schéma d’aménagement est l’équivalent d’une directive. Par conséquent, il n’est sujet à aucune sanction judiciaire à moins que l’on ne démontre qu’il a été fait de mauvaise foi, pour des fins impropres, selon des principes erronés ou en tenant compte de considérations non pertinentes, ou encore, d’une façon arbitraire, injuste, discriminatoire ou déraisonnable. L’appelante n’a pas tenté de faire cette démonstration.
- La requérante n’attaque pas la validité du Schéma d’aménagement. Elle s’appuie sur l’article 118.3.3 LQE, qui énonce qu’un règlement pris en vertu de la LQE tel le Règlement sur les carrières et sablières « prévaut sur tout règlement municipal portant sur le même objet »[9]. Or, le Schéma d’aménagement n’est pas un règlement municipal.
- L’appel envisagé ne soulève donc aucune question justifiant de faire droit à la demande de permission d’appeler.
POUR CES MOTIFS, LA SOUSSIGNÉE :
- REJETTE la demande de permission d’appeler avec les frais de justice.
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| GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A. |
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Me Guillaume Crête |
LANGLOIS AVOCATS |
Pour la requérante |
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Me Olivier Arseneau |
TREMBLAY, BOIS |
Pour la Ville de Saint-Raymond |
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Me Martin Bouffard |
MORENCY, SOCIÉTÉ D’AVOCATS |
Pour la Municipalité régionale de comté de Portneuf |
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Me Gabrielle Ferland-Gagnon |
LAVOIE, ROUSSEAU |
Pour le mis en cause |
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Date d’audience : | 2 juin 2025 |
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[6] Martel c. Québec (Ville de), 2017 QCCA 1584, paragr.11; Camko Alignement pneus et mécanique inc. c. Société de Transport de Montréal, 2019 QCCA 319, paragr. 11-14.
[7] St-Michel Archange (Municipalité) c. 2419-6388 Québec inc, 1992 CanLII 2888 (QCCA), p.11; Pépin c. Ville de Sainte-Julie, 2024 QCCA 1263.