Décision

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Gounis c. Ville de Laval

2019 QCCS 479

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-17-046845-080

 

DATE :

Le 15 février 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

France DULUDE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

PANAGIOTA GOUNIS

-et-

GEORGE PARASIRIS

-et-

STÉPHANIE PARASIRIS

Demandeurs

c.

VILLE DE LAVAL

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]          Dans le cadre d’une enquête visant le démantèlement d’un réseau de trafiquants de stupéfiants opérant à Laval, un juge de paix autorise l’exécution de six mandats de perquisition, dont un concerne la résidence de M. Basil Parasiris, à Brossard.

[2]          Le 2 mars 2007, à 5 h 10 a.m., neuf policiers de la section moralité, drogue et infiltration de la Ville de Laval procèdent à une entrée dynamique[1] au domicile de la famille Parasiris, en vue d’exécuter le mandat de perquisition obtenu. Deux des cinq policiers montés à l’étage sont atteints par des projectiles tirés par M. Parasiris, dont un mortellement. Durant la fusillade, Mme Gounis, la femme de M. Parasiris, est aussi blessée au bras par un projectile.

[3]          Après la perquisition, M. Parasiris est accusé de meurtre et de tentative de meurtre et de diverses autres infractions, dont la possession non autorisée d’armes à feu. Dans le cadre du procès criminel pour meurtre et tentative de meurtre, la perquisition exécutée au domicile de M. Parasiris est déclarée abusive et contraire à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) puisque :

·      Les motifs contenus dans la dénonciation présentée par l’agent Leblanc étaient insuffisants pour justifier l’émission d’un mandat de perquisition;

·      Une perquisition nocturne n’était pas justifiée ni autorisée;

·      La force utilisée lors de l’exécution du mandat de perquisition n’était pas justifiée.

[4]          Par la suite, M. Parasiris est acquitté des accusations de meurtre et de tentative de meurtre, mais déclaré coupable de possession illégale d’armes à feu.

[5]          Mme Gounis et ses deux enfants, George et Stéphanie, qui dormaient dans la résidence au moment de l’intervention policière, réclament 250 000 $[2] de la Ville de Laval pour les dommages qu’ils ont subis à la suite des multiples fautes prétendument commises par les policiers lors de l’exécution du mandat de perquisition.

[6]          Pour sa part, la Ville de Laval soutient que la perquisition fut effectuée selon les règles de l’art et pour une fin légitime. Selon elle, les évènements reprochés découlent de la réaction imprévisible, disproportionnée et déraisonnable de M. Parasiris ainsi qu’à l’utilisation irresponsable de son arme. Enfin, la Ville plaide que la réclamation des enfants est prescrite alors que celle de Mme Gounis l’est aussi en partie.

[7]          Dans le cadre d’un recours en responsabilité policière, le Tribunal doit s’abstenir d’évaluer en rétrospective la conduite des policiers. S’il s’avère qu’à la suite de l’exécution d’un mandat de perquisition dûment autorisé, la perquisition est déclarée illégale, la responsabilité des policiers n’est pas automatiquement engagée pour autant.

[8]          Si, comme en l’espèce, il est démontré que les policiers ont agi comme le ferait un policier prudent placé dans les mêmes circonstances au moment des événements, alors le recours doit être rejeté.

1.            LE CONTEXTE

[9]          Le service de police de la ville de Laval (SPL) a, entre autres, la responsabilité d’enquêter en vue de démanteler des réseaux de trafiquants de drogues, tels la cocaïne et le crack, et ce même s’ils opèrent en partie à l’extérieur de son territoire.

[10]       Plusieurs problèmes liés aux stupéfiants affectent le secteur Chomedey de Ville de Laval où l’on retrouve des points de vente ponctuels de cocaïne et de crack communément connus sous le nom de « crackhouse ».

[11]       En 2006, le sergent-détective Serge Courtemanche est responsable du secteur ouest de la section moralité, drogue et infiltration (MD) alors que le sergent-détective Sylvain Geneau est responsable du secteur est. Chacun dispose d’une équipe de cinq agents-enquêteurs particulièrement qualifiés et spécifiquement formés sur les techniques d’enquête concernant les drogues, l’usage de la force et, entre autres, sur la réalisation de perquisitions dynamiques.

[12]       Toutefois, à cette époque, c’est le groupe tactique d’intervention (GTI) du SPL ou de la Sûreté du Québec (SQ) qui demeure responsable des perquisitions dynamiques représentant un risque plus important.

[13]       En mars 2006, le sergent-détective Courtemanche reçoit un rapport de source (rapport de source initial)  du sergent-détective Robert Leblanc du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)[3] rédigé à la suite d’une rencontre avec un informateur de police. Ce rapport traite principalement de la vente de stupéfiants et d’armes à feu se déroulant essentiellement dans le secteur Chomedey, à Laval. Considérant l’importance des informations reçues et la gravité des actes criminels mentionnés, il décide d’assigner l’enquête à François Leblanc, agent-enquêteur au MD.

[14]       L’enquête, alors nommée « Greek Connection », commence en avril 2006 pour se terminer en mars 2007.

[15]       À la suite de cette enquête, un juge de paix-magistrat autorise l’exécution de mandats de perquisition, dont un vise la résidence de M. Parasiris.

[16]       Les faits généraux relatifs à la perquisition ne sont pas contestés. Ils ont  été résumés dans un exposé préparé par la poursuite et qui a fait l’objet d’une admission dans le cadre du procès criminel visant M. Parasiris. Le Juge qui présidait le procès criminel les reprend[4], entre autres, ainsi:

[…]

[4]          Le 1er mars 2007, suite à une dénonciation assermentée de l’agent Leblanc, le juge de paix-magistrat Gaby Dumas a autorisé l’exécution de six (6) mandats de perquisition en vertu de l’article 11 de la LDAS[5], autorisation portant le numéro 540-26-006955-074.

[5]          Ces mandats visaient la perquisition de six résidences dont 4 étaient situées à Laval et 2 à Brossard: la résidence de Basil Parasiris située au [...3] [rue A] et une cache de stupéfiants, au 3470 A rue B.

[6]          Au moment de l’exécution du mandat, M. Parasiris est co-propriétaire d’un commerce de golf virtuel dont le nom est « Golf-o-max », commerce situé au 212 rue Dorval à Dorval.

[7]          À la suite de vérifications, il a été décidé de procéder sans l’intervention de groupes tactiques dans 3 des 6 résidences visées, notamment dans celle de M. Parasiris à Brossard.

[8]          Le plan de l'opération policière prévoyait d’abord l'exécution de la perquisition chez M. Parasiris et ensuite au 3470 A rue B.

[9]          Les 5 premiers policiers entrent dans l’ordre suivant : Serge Lauzon, Daniel Tessier, Stéphane Forbes, Nathalie Allard et François Leblanc.

[10]         Après avoir sécurisé le 1er étage du domicile de M. Parasiris, les policiers devaient se diriger immédiatement au 3470 A [rue B] pour y exécuter la perquisition.

[11]         Le matin du 2 mars 2007, peu avant 5 h, 4 véhicules de la Sûreté municipale de ville de Laval, dont 2 avec identification et gyrophares, se sont approchés de la résidence de M. Parasiris, ayant à leur bord les policiers devant exécuter le mandat.

[12]       Aucun des policiers n’était habillé en civil; tous portaient des pièces de vêtements les identifiant comme étant des policiers du Service de police de ville de Laval.

[13]       Vers 5h10, 5 policiers munis du bélier ont enfoncé à 3 reprises la porte d’entrée de la résidence, puis celle du vestibule en criant « Police».

[14]         La première équipe de policiers a été immédiatement suivie par les policiers Martin Saillant, Yves Fournier, René Gariépy et François Guy Delisle, qui devaient « sécuriser » le rez-de-chaussée de la résidence et par la suite procéder à la perquisition.

[15]         Le mot « Police » a été entendu à l’extérieur de la résidence jusqu’à ce que les premiers coups de feu soient entendus.

[16]         Des coups de feu ont été tirés pendant la phase de pré-alarme du système d’alarme, c’est-à-dire avant que la sirène de celui-ci ne se déclenche.

[17]         Deux des cinq policiers montés à l’étage sont atteints par les projectiles tirés par M. Parasiris.  Daniel Tessier est atteint mortellement.

[18]         Les policiers n’ont tiré aucun coup de feu avant que M. Parasiris n’ouvre le feu.

[19]         Trois des quatre balles tirées par M. Parasiris ont atteint l’agent Tessier, entraînant rapidement son décès.

[20]         M. Parasiris fait feu avec un revolver de marque Ruger, de calibre .357 Magnum.

[21]         Lors de sa chute, le corps de l’agent Tessier empêche la fermeture de la porte de la chambre maintenant M. Parasiris coincé dans la salle d’eau.

[22]         Le quatrième projectile tiré par M. Parasiris atteint l’agent Stéphane Forbes au bras gauche alors que l’agent s’apprête à pénétrer dans la chambre de la fille de M. Parasiris située au même étage.

[…]

[25]         Lorsque M. Parasiris tire, les policiers Allard, Lauzon et Leblanc font feu: le S/D Allard en direction de la chambre de M. Parasiris; les agents Lauzon et Leblanc, en direction de la chambre du fils de M. Parasiris que l’agent Lauzon croit être celle des maîtres.

[26]            Les coups de feu ont été tirés par les agents Lauzon et Leblanc à travers une porte condamnée de la chambre du fils de M. Parasiris. Un meuble d’ordinateur empêche l’ouverture de la porte.

[27]            L’agent Leblanc fait feu dans cette direction, car il voit l’agent Lauzon y diriger ses tirs.

[28]            La S/D Allard tire quatre projectiles: un premier atteint le bras de la conjointe de M. Parasiris qui se trouvait à l’intérieur de la chambre avec ce dernier et un deuxième atteint le talon de l’agent Tessier.

[29]            14 coups de feu ont été tirés par les policiers : 4 par la S/D Allard, 5 par l’agent Lauzon et 5 par l’agent Leblanc.

[30]            Suite à ces évènements, l’agent Lauzon maîtrise M. Parasiris et le met en état d’arrestation pour le meurtre de l’agent Tessier.

[31]            M. Parasiris est transporté par la suite à l’hôpital ainsi que les autres blessés.

[32]            Le décès de l’agent Tessier est constaté à l’hôpital.

[…]

[35]            L’autopsie de l’agent Daniel Tessier révèle des indices de proximité de tir car un tatouage de poudre se retrouve au visage de l’agent Tessier.

[36]            À l’hôpital, M. Parasiris est formellement mis en arrestation pour le meurtre de l’agent Daniel Tessier et la tentative de meurtre à l’endroit de l’agent Stéphane Forbes.

[37]         Il réitère à maintes reprises, en présence des agentes Gaumont et Bouhid et en présence également des ambulanciers, avoir tué l’agent Tessier.

[38]         À l’hôpital, l'ambulancier Bruce Lewis entend M. Parasiris dire «Somebody tried to get me last week ».

[39]         L’agente Gaumont met M. Parasiris en état d’arrestation et l'entend dire
« I thought somebody was coming to kill me ».

[40]         M. Parasiris est amené au Grand quartier général de la Sûreté du Québec à Montréal où on l'interroge et il donne sa version des évènements.

[41]       La fouille du domicile permet de retrouver l’arme du crime, un revolver de marque Ruger, modèle GP 100, de calibre .357 Magnum, dans la cuvette de la salle de bain adjacente à la chambre des maîtres.

[…]

[43]         M. Parasiris a un permis expirant le 29 octobre 2008 pour la possession du « .357 Magnum » alors qu’il était domicilié au […5], rue C à Brossard;

[44]         M. Parasiris n’a aucune autorisation légale pour le transport de ladite arme. L'arme ne pouvait pas légalement être au [...3] [rue A] à Brossard.

[45]         Trois (3) autres armes à feu ont également été découvertes chez M. Parasiris:

1)     Dans le « walk-in » de la chambre des maîtres, une arme à feu semi-automatique de marque Sundance, modèle A-25, calibre .25, avec un chargeur contenant 7 balles;

2)     Dans le « walk-in » de la chambre des maîtres, une arme à feu de marque North American, modèle Companion, calibre .22;              

3)     Dans une armoire en haut de la hotte de la cuisinière, une arme à feu semi-automatique de marque Bryco, modèle 38, calibre .380, avec chargeur contenant 6 balles.

[46]    Ces armes sont chargées et en condition de tir.

[47]   La possession de ces trois armes à feu est prohibée en vertu du Code criminel.

[48]   M. Parasiris ne possédait aucun certificat d’enregistrement pour ces trois armes à feu.

[49]    Lorsque les policiers sont entrés chez M. Parasiris, ils ne savaient pas qu'il possédait des armes à feu.

[50]    Avant la perquisition, l’agent Daniel Tessier fait une vérification auprès du « Centre de renseignements des policiers du Québec » au sujet de l'adresse de M. Parasiris, soit le [...3] [rue D] à Brossard.  Il n'effectue pas la vérification avec le nom de M. Parasiris.

[51]   Le rapport complet du système d’alarme de la résidence de M. Parasiris révèle que la sirène du système, alors en fonction, se déclenche 30 secondes après l’entrée des policiers.

[17]       Les quatre perquisitions visant des domiciles de Laval ont permis de saisir d’importantes quantités de stupéfiants, de l’argent, des armes et de procéder à plusieurs arrestations[6]. La perquisition visant la rue Broadway à Brossard a permis de confirmer qu’il s’agissait d’une cache de drogue et plus de 40 grammes de cocaïne, une balance électronique et plusieurs sachets de plastiques y ont été retrouvés[7].

[18]       Suivant la fusillade à la résidence de la famille Parasiris située au [...3] [Rue A], à Brossard, la SQ prend en charge l’enquête et interroge M. Parasiris[8].

[19]       Après ces événements, M. Parasiris est accusé du meurtre de l’agent Tessier, de tentative de meurtre de l’agent Forbes et de diverses infractions relatives à la possession non autorisée d’armes à feu.

[20]       Le 5 juin 2008, dans le cadre du procès criminel, la perquisition à la résidence de M. Parasiris est déclarée abusive et contraire à l’article 8 de la Chartre par le juge Cournoyer. M. Parasiris est par la suite acquitté des accusations de meurtre et tentative de meurtre[9].

[21]       À la suite d’un plaidoyer de culpabilité, M. Parasiris est condamné le 3 février 2009 à vingt-cinq mois d’emprisonnement relativement à huit chefs d’accusations liés à la possession non autorisée d’armes à feu[10]. Le 13 juillet 2009, il est libéré[11].

[22]       Le 27 novembre 2008, la présente demande introductive d’instance est déposée. Suivant un désistement produit de sa part le 3 novembre 2017, M. Parasiris n’est plus demandeur. Reste donc à décider si, par leur faute, les policiers ont causé des dommages à Mme Gounis et aux deux enfants du couple Parasiris-Gounis, lesquels dormaient dans la résidence au moment de la perquisition.

2.            L’ANALYSE

[23]       L'analyse des éléments constitutifs de la responsabilité civile, en l’occurrence, la détermination de l’existence d’une faute, de dommages et du lien causal, se décline ici en plusieurs sous-questions dont le Tribunal discutera successivement.

2.1      LA FAUTE

2.1.1       Les principes applicables

[24]       En matière de responsabilité policière, les policiers sont responsables des fautes qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions, mais il ne suffit pas qu’ils commettent une erreur pour que leur responsabilité soit engagée[12].

[25]       Il est de jurisprudence constante qu’un acquittement à la suite d’accusations criminelles, un arrêt des procédures ou des plaintes retirées tôt dans le processus pénal n’emportent pas automatiquement la responsabilité civile du service de police[13].

[26]       Dans l’exercice de leurs fonctions, les policiers jouissent d’une certaine latitude et d’un pouvoir discrétionnaire. Ils ont une obligation de moyens.  Leurs actes ne s’apprécient pas en fonction du standard de la perfection, mais plutôt en fonction de la norme du policier raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances[14].

[27]       Les policiers ont non seulement le pouvoir, mais ils ont le devoir d’enquêter. Toutefois, leur enquête n’a pas à être parfaite. Les policiers doivent « procéder avec rigueur, objectivité et sérieux »[15].

[28]       S’ils concluent objectivement et subjectivement à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise, ils peuvent décider d’arrêter leur enquête. Ils n’ont pas à enquêter sur chacune des possibilités[16].

[29]       La conduite des policiers doit être évaluée à la lumière des faits connus au moment des évènements et de la formation reçue à cette époque et non pas en rétrospective et avec la vision parfaite que permet le recul[17].

[30]       L’analyse d’une intervention policière doit se faire globalement. Lors d’une perquisition, les policiers bénéficient d’une certaine latitude quant au choix relatif à la façon d’entrer dans les lieux à perquisitionner puisqu’il s’avère difficile de prévoir d’avance avec précisions ou exactitude la force qui sera requise en regard de la situation[18].

[31]       Lors d’une poursuite en responsabilité civile pour une perquisition abusive, le Tribunal doit déterminer si, considérant les faits connus des policiers au moment des événements, le déroulement de la perquisition en générale s’avère raisonnable compte tenu de l’ensemble des circonstances[19]. Il appartient aux demandeurs de prouver, par prépondérance des probabilités, la faute des policiers, l’existence de dommages et le lien de causalité entre les deux.

[32]       Comme le soulignent les demandeurs, le Tribunal a déjà décidé dans le cadre du procès criminel que la perquisition était abusive, mais l’abus découle d’une violation de  l’article 8 de la Charte, laquelle n’entraîne pas automatiquement la responsabilité civile des policiers.

[33]       Ici, les policiers ont exécuté un mandat dûment émis par un juge de paix-magistrat. Ce n’est pas parce qu’un Tribunal décide[20] « ex post facto » que ce mandat est nul que les policiers ont commis une faute en l’exécutant.

2.1.2       La preuve dont les policiers disposaient à la suite de leur enquête permettait-elle  de conclure qu’il y avait une probabilité raisonnable de trouver des stupéfiants au domicile de
M. Parasiris et les motifs invoqués à l’appui de la demande de perquisition étaient-ils suffisants?

[34]       Les demandeurs plaident que les policiers ont obtenu un mandat de perquisition pour la résidence de M. Parasiris sur la foi d’informations incomplètes et insuffisantes.

[35]       La Ville de Laval (la Ville) soutient, pour sa part, que le mandat de perquisition a été obtenu à la suite d’une enquête rigoureuse et que le SPL avait des motifs raisonnables et probables de croire que M. Parasiris était membre d’un réseau de trafiquants et que des stupéfiants seraient trouvés au [...3] [Rue A].

[36]       Dans le cadre du procès criminel, le Tribunal a déclaré que les motifs contenus dans la dénonciation étaient insuffisants pour justifier l’émission d’un mandat de perquisition, mais il n’en résulte pas nécessairement que les policiers n’avaient aucun motif raisonnable et probable pour déposer une dénonciation[21].

[37]       Pour décider si de tels motifs existaient, un retour sur l’enquête s’impose.

2.1.2.1         L’enquête « Greek Connection »

[38]       En mars 2006, le sergent-détective Courtemanche, à titre de superviseur de l’équipe ouest du MD, reçoit le rapport de source initial[22]. Ce rapport réfère à quatre sujets impliqués, soit :

             1 - nom inconnu +- 45-50 ans (oncle au sujet Mani, demeure à Longueuil)

             2- MANI, homme de race blanche, grecque, +- 21 ans, +-6 pieds, +-225 lbs, cheveux court brun, yeux brun

             3- GOOFFY, homme de race blanche, grecque, +-19 ans, 5,11 pieds, +-170 lbs, cheveux foncé court, porte beaucoup de bijoux ) (style vestimentaire YO!) (…)

             4- COSTA, homme de race blanche, grecque +-24 ans, 5,9 pieds, +-140 lbs, cheveux court brun et yeux brun, caractéristique physique : visage mince, cocaïnomane (…).[23]

[39]       Dans ce rapport, il y est mentionné, entre autres, que Mani contrôle un point de vente de cocaïne et de crack situé au 4140, Notre-Dame, appartement 205, à Laval, et que les trois sujets font la vente de stupéfiants, tant à cet endroit qu’au bar Le Skratch, situé sur le boulevard Curé-Labelle, à Laval.

[40]       Selon la source, l’oncle de Mani serait le fournisseur.

[41]       Enfin, il est précisé à ce rapport que les trois sujets ont déjà été vus en possession d’une arme de poing et qu’ils seraient impliqués dans la vente d’armes à feu.

[42]       Le bar Le Skratch est un lieu déjà connu par le SPL comme étant un milieu criminalisé où il se vend des stupéfiants. Ainsi, considérant le sérieux des informations contenues au rapport, le sergent-détective Courtemanche confie l’enquête à l’agent-enquêteur Leblanc, qu’il considère comme un  enquêteur de niveau supérieur puisqu’il détient une vaste expérience et une formation adéquate[24].

[43]       En fait, l’agent Leblanc travaille au SPL depuis 1999. Il a été agent d’infiltration de 2003 à 2005. À ce titre, il a été actif dans le monde des stupéfiants et il a interagi directement avec des trafiquants. Il est familier avec l’opération de « crackhouse » et le milieu du trafic d’armes à feu. Il est, depuis 2005, agent-enquêteur au MD.

[44]       En avril 2006, l’agent Leblanc communique avec le sergent-détective Robert Leblanc du SPVM. Il apprend alors que les informations contenues au rapport général précité ont été obtenues d’une source codée[25].

[45]       Dès lors, plusieurs ressources policières sont déployées et mises à la disposition de l’enquête. L’enquête se déroule sur une période de près d’un an puisque le SPL veut découvrir les caches de stupéfiants et se rendre au fournisseur en vue de démanteler l’organisation.

[46]       Les faits de l’enquête sont en grande partie détaillés dans la déclaration assermentée signée par l’agent Leblanc[26] et dans son rapport d’enquête[27].

[47]       Sans reprendre l’ensemble de la preuve administrée au procès, les éléments importants se rattachant principalement à M. Parasiris peuvent être résumés brièvement ainsi :

·      Un dénommé Kosta est identifié rapidement comme étant Kosta Katsiouleris (Kosta), lequel a un dossier judiciaire important. Mani, pour sa part, est identifié comme étant Emmanuel Mavroudis (Mani).

·      Au cours de l’enquête, on découvrira qu’il y a aussi un autre Costa d’impliqué dans le réseau de trafiquants, soit Constantine Xanthis (Costa), lequel correspond à la description mentionnée dans le rapport de source initial. Enfin, deux autres sujets y sont aussi liés, soit le jeune frère de Kosta, Hari Katsiouleris (Hari), et le frère aîné de Costa, Nikolaos Xanthis (Nick).

·      Dès le mois de mai 2006, une agente d’infiltration du SPL infiltre le réseau et achète à plusieurs reprises de la cocaïne de, et en présence de, Kosta, Mani, Costa et Hari. Ces transactions de stupéfiants sont effectuées majoritairement dans le stationnement du Skratch. Quant à Nick, il sera observé à plusieurs reprises lors de transactions de stupéfiants.

·      Le réseau de trafiquants semble détenir un certain niveau de sophistication. En fait, les membres du réseau utilisent différents véhicules, certains loués ou d’autres appartenant à des membres de l’organisation, pour faire des transactions de stupéfiants.

·      En novembre 2006, Nick est intercepté à bord d’un véhicule Pontiac Grand Prix appartenant à M. Basil Parasiris, né le [...] 1965, et demeurant au [...3] [Rue A], à Brossard.

·      M. Parasiris ne possède aucun antécédent judiciaire. Il est le premier individu identifié dans l’enquête qui semble correspondre aux informations contenues au rapport de source initial, concernant celui qui serait l’oncle de Mani[28].

·      Intercepté à nouveau en décembre 2006, Nick mentionne alors à la policière qu’il se rend au 3470, rue Broadway, à Brossard, soit près de la résidence de Basil Parasiris.

·      En décembre 2006, une balise de localisation est installée sous le véhicule utilisé par Mani, ce qui permet au SPL de constater qu’entre le 6 décembre 2006 et le 14 février 2007, Mani se rend régulièrement au [...3] [Rue A]. Parfois, il s’y rend pour passer la nuit, d’autres fois, il ne s’y rend que pour quelques minutes[29]. Enfin, Mani se rend aussi à deux reprises dans le secteur du commerce de golf virtuel, le Golf-O-Max, situé au 212, rue Dorval, à Dorval, lequel appartient à Basil Parasiris.

·      Le 13 février 2007, Nick quitte Laval et il fait un arrêt et un contact qui correspond, selon l’expérience policière, à une transaction de stupéfiants. Par la suite, il se rend au Golf-O-Max, où il rencontre divers individus dans le bureau du gérant et où il fait aussi un contact et échange avec un individu, comportement qui correspond à un trafic de stupéfiants. Le même jour, Nick se rend au 3470A, rue Broadway, à Brossard, où il ne restera qu’une minute. Il quitte ensuite pour se rendre à la résidence de Basil Parasiris où il restera environ 30 minutes, avant de retourner à nouveau au 3470A, rue Broadway, pour plus d’une heure.

·      À la suite d’une vérification, on découvre qu’un dénommé Nectarios Papanou habite le 3470, rue Broadway, soit au-dessus du 3470A, rue Broadway. M. Papanou était, en 2004, le gérant du bar Le Skratch et il possède un dossier judiciaire pour violence. Son dernier emploi connu est au bar Le Skratch.

·      Le 3470A, rue Broadway est alors identifié comme étant une cache de stupéfiants puisque Nick s’y présente fréquemment pour de courtes périodes et quitte pour aller faire des transactions de stupéfiants sur la route. D’autres acheteurs s’y présentent et ils y font de brefs arrêts qui correspondent, selon l’expérience des policiers, à des achats de stupéfiants.

·      Le 22 février 2007, Nick quitte sa résidence et il se rend à proximité du Golf-O-Max. Il est par la suite localisé au 3470A, rue Broadway, où il restera plus de trois heures. Pendant qu’il s’y trouve, un individu arrive en véhicule et entre à l’intérieur pour une minute et quitte. Nick quitte par la suite l’endroit pour faire de brèves rencontres avec des individus sur la route, qui correspondent, selon l’expérience des policiers, à des trafics de stupéfiants.

·      Le 27 février 2007, Nick fait plusieurs rencontres qui correspondent à du trafic de stupéfiants. Ce soir-là, alors que Nick se trouve au 3470A, rue Broadway, Basil Parasiris s’y présente et reste environ 7 minutes, puis quitte avec un Nissan Pathfinder, immatriculé au nom de Mme Gounis, à l’adresse du [...3] [Rue A].

·      Une vérification effectuée au registre des entreprises le 28 février 2007 révèle que l’un des propriétaires du Golf-O-Max est Basil Parasiris, dont la résidence est située au [...3] [Rue A].

·      De plus, une analyse des rapports de balise de localisation du véhicule utilisé par Mani, effectuée le même jour, démontre que ce dernier se rend dans le secteur du [...3] [Rue A], dix fois entre le 6 décembre 2006 et le 31 janvier 2007.

·      Le 28 février 2007, Nick rencontre une personne qui correspond à Basil Parasiris au Golf-O-Max, lequel quitte par la suite à bord du Pathfinder immatriculé au nom de Mme Gounis avec un individu inconnu. Au même moment, Nick quitte aussi le Golf-O-Max pour se rendre au 3470A, rue Broadway, d’où il sort pour faire un bref contact qui correspond à une transaction de stupéfiants. Il quitte ensuite et fait de brèves rencontres avec des individus, ce qui correspond, encore une fois, à des trafics de stupéfiants, selon l’expérience des policiers.

·      Le même jour, l’agent Leblanc rencontre le sergent-détective Nicodemo Milano, du SPVM, qui l’informe qu’une source fiable lui a transmis des informations les 8 décembre 2006 et 27 janvier 2007 concernant un individu correspondant au profil de Basil Parasiris. Selon cette source, l’individu correspondant à Basil Parasiris est impliqué dans un réseau d’importation de cocaïne, dont un des membres est bien connu des milieux policiers pour le trafic de cocaïne. Toujours selon cette source, cet individu est responsable de fournir un local et de transformer en cocaïne solide 250 kg de cocaïne liquide en provenance de la Colombie, dissimulés dans des bouteilles de vin[30].

·      Puisqu’une enquête du SPVM est en cours à ce sujet, le sergent-détective Milano mentionne alors à l’agent Leblanc que cette information est confidentielle et qu’il ne peut l’utiliser dans le cadre de son enquête.

·      Toutefois, plus tard le même jour, le sergent-détective Milano transmet à
l’agent Leblanc un rapport général (note d’information de source) au sujet d’une information reçue à la suite d’une discussion ce jour-là avec la même source. Dans cette note, il est mentionné qu’un dénommé « Bill »[31], un homme d’origine grecque, propriétaire du Golf-O-Max, sur l’avenue Dorval, à Dorval, effectue de la vente de cocaïne et de marijuana dans le restaurant/bar situé dans son commerce et ajoute qu’il vend surtout le soir, après l’heure du souper.

·      Selon la source, le dénommé « Bill » se déplace avec un véhicule Pontiac Grand Prix noir et utilise un téléphone cellulaire ([...]) pour communiquer avec les membres de son réseau de trafiquants. Ce dernier habite sur la Rive-Sud de Montréal, à une adresse inconnue.

·      Dans cette même note d’information de source, il est précisé que la source en question est enregistrée au SPVM depuis plusieurs mois et qu’elle « a transmis des renseignements dans le passé ayant permis au service de procéder à des arrestations et de saisir une arme à feu, des stupéfiants variés (héroïne et cocaïne) et de l’argent relié à la drogue ». Il y est aussi précisé que la source en question est motivée par la vengeance et par le fait qu’elle est rémunérée pour les renseignements qu’elle transmet[32].

·      À la suite d’une vérification effectuée le même jour, l’agent Leblanc constate que le numéro de téléphone mentionné dans la note d’information de source comme appartenant à M. Parasiris apparaît sur les appels entrants et sortants du téléphone cellulaire de Kosta.

[48]       Comme il existe des preuves directes de trafic de stupéfiants pour Kosta, Hari, Costa, Nick et Mani, l’agent Leblanc et le sergent-détective Courtemanche sont persuadés qu’ils pourront obtenir un mandat de perquisition pour leurs résidences respectives situées à Laval ainsi que pour le 3470A, rue Broadway.

[49]       En ce qui concerne la résidence de M. Parasiris, ils sont conscients que la preuve est plutôt circonstancielle. Toutefois, ils évaluent que les chances d’obtenir un mandat de perquisition sont bonnes puisque la majorité des informations contenues au rapport de source initial ont été corroborées par l’enquête. Les informations additionnelles obtenues dans le cadre de l’enquête concernant M. Parasiris établissent entre autres que :

·      Mani, qui fait du trafic de stupéfiants et de cocaïne, selon l’information de la source, se rend souvent à la résidence de M. Parasiris, parfois pour la nuit et d’autres fois pour de brefs instants, ce qui s’apparente, selon l’expérience des policiers, à du ravitaillement de stupéfiants;

·      Lorsqu’il quitte la résidence de M. Parasiris, il fait de brefs arrêts qui correspondent à du trafic de stupéfiants.

·      La résidence de M. Parasiris est d’ailleurs le seul endroit sur la Rive-Sud où Mani se rend régulièrement. Enfin, Mani se rend aussi au commerce de
M. Parasiris, le Golf-O-Max.

·      Nick fait des contacts qui correspondent à des trafics de stupéfiants, se rend aussi au commerce de M. Parasiris, le Golf-O-Max où il fait un contact qui correspond à une transaction de stupéfiants et il rencontre un individu qui correspond à la description de M. Parasiris dans le bureau du gérant. Tout comme Mani, Nick se rend aussi parfois à la résidence de M. Parasiris et ce, pour de brefs instants, puis il se rend au 3470A, rue Broadway, d’où il fait du trafic de stupéfiants. Il se déplace donc entre les deux lieux, ce qui correspond, selon l’expérience policière, à du ravitaillement de stupéfiants;

·      Un individu qui correspond à la description de M. Parasiris se présente au 3470A, rue Broadway, à bord d’un véhicule immatriculé à son adresse. Il descend pour de brefs instants à cet endroit, alors que Nick s’y trouve, ce qui correspond à du ravitaillement de stupéfiants, selon l’expérience policière;

·      Une deuxième source fiable enregistrée au SPVM identifie un individu qui correspond à M. Parasiris comme étant impliqué dans du trafic de stupéfiants et donne des informations le concernant[33], qui sont majoritairement corroborées par l’enquête[34]. La source identifie le propriétaire du Golf-O-Max, un dénommé « Bill »[35], comme étant impliqué dans la vente de cocaïne et marijuana ayant lieu à son commerce.

[50]       D’ailleurs, pour les enquêteurs, aucun des autres sujets identifiés comme étant liés au réseau de trafiquants n’est susceptible d’être le fournisseur de l’organisation ou ne correspond au profil de l’homme identifié dans le rapport de source initial.

[51]       Enfin, l’endroit identifié comme étant une cache de stupéfiants, soit le 3470A, rue Broadway, est situé à quelques rues de la résidence de M. Parasiris. Cet endroit est, selon l’expérience des policiers, trop connu des acheteurs pour prendre le risque d’y entreposer une quantité importante de stupéfiants.

[52]       En fait, selon leur expérience, les plus grandes quantités de drogues sont régulièrement cachées dans des endroits que seul un nombre restreint de membres du réseau connaît.

[53]       Ainsi, la résidence d’un trafiquant est souvent l’endroit le plus susceptible de cacher des stupéfiants ou d’autres éléments de preuve pertinents. Or, ici, les opérations de ravitaillement de certains vendeurs semblent, d’après l’expérience des policiers, avoir lieu à la résidence de M. Parasiris.

[54]       Pour l’agent Leblanc, il existe donc des motifs raisonnables et probables de croire que M. Basil Parasiris est impliqué dans le réseau de trafiquants sous enquête, qu’il se trouve des stupéfiants dans sa résidence et qu’il y a suffisamment de preuves pour justifier l’émission d’un mandat de perquisition. C’est donc dans ce contexte qu’il rédige une déclaration assermentée et remplit le formulaire de réquisition en vue d’obtenir un mandat de perquisition.

[55]        Le sergent-détective Courtemanche, qui révise la dénonciation, partage l’avis de l’agent Leblanc. Pour lui aussi, il existe suffisamment de motifs pour l’octroi d’un mandat de perquisition pour le [...3] [Rue A].

[56]       Toutefois, il demeure incertain quant à l’obtention d’un mandat de perquisition, qui inclut la possibilité de saisir des stupéfiants au [...3] [Rue A], puisque le juge de paix-magistrat bénéficie d’une grande latitude lorsqu’il n’y a pas de preuve directe, comme c’était le cas pour M. Parasiris.

[57]       Cela dit, le sergent-détective Courtemanche est, pour sa part, convaincu que le mandat devrait être autorisé, puisqu’en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRDAS[36]), il n’est pas rare que la preuve ne soit que circonstancielle, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’un fournisseur qui ne fait généralement pas lui-même la vente de stupéfiants.

[58]       Se fondant sur la décision du Tribunal dans le cadre du procès criminel[37] et les principes énoncés par la Cour Suprême dans Hunter c. Southam[38], les demandeurs plaident que les informations obtenues et divulguées par l’agent Leblanc dans son affidavit ne justifiaient pas l’émission d’un mandat de perquisition.

[59]       Qu’en est-il?

2.1.2.2      L’exactitude des informations

[60]       Les demandeurs plaident, premièrement, que les policiers ont commis une faute puisque, d’une part, la déclaration assermentée contient des inexactitudes et, d’autre part, l’information obtenue n’est pas divulguée de façon franche, de sorte que la déclaration assermentée est trompeuse.

[61]       À cet égard, ils précisent que, dans sa déclaration assermentée, l’agent Leblanc écrit :

a)     « l’oncle à Mani un individu résident à Longueuil est le fournisseur de c’est (sic) individus. Il aurait environ 45-50 ans. »[39], alors que, selon l’information contenue au rapport de source initial, il est plutôt indiqué que l’oncle de Mani serait le fournisseur et non qu’il est le fournisseur.

       À ce sujet, les demandeurs ajoutent que l’agent Leblanc omet de préciser qu’aucune vérification spécifique n’a été effectuée au registre de l’état civil pour s’assurer que M. Parasiris est bien l’oncle de Mani. Une telle vérification aurait, selon eux, permis de confirmer que M. Parasiris n’est pas l’oncle de Mani puisqu’en réalité, il n’est que son parrain. De plus, il n’est pas précisé que M. Parasiris est alors âgé de 42 ans et non 45 à 50 ans et qu’il ne réside pas à Longueuil, tel qu’indiqué par la source.

b)     « un individu correspondant à Nikolaos Xanthis  (…) se rend à l’intérieur du Golf O Max où il rencontre divers individus dans le bureau du gérant à l’intérieur du commerce. Il y a fait aussi un contact et échange avec un individu qui correspond à un trafic de stupéfiant[40], sans pour autant préciser que le contact et l’échange n’ont pas lieu dans le Golf-O-Max, mais plutôt dans l’automobile située dans le stationnement du commerce, ce qui laisse croire, selon les demandeurs, qu’il y a eu trafic dans les locaux du Golf-O-Max.

c)       « une source fiable ayant donné des informations dans le passé fiable l’informe qu’un dénommé Bill, d’origine grecque propriétaire du Golf o Max situé sur l’avenue Dorval à Dorval serait relié dans le trafic de cocaïne. Il y aurait vente de cocaïne et de marijuana au Golf O Max.[41] ».

       Or, les demandeurs précisent que, selon l’information de source, M. Parasiris effectue lui-même la vente de cocaïne et de marijuana à son bar, le Golf-O-Max, surtout le soir et non qu’il « serait relié dans le trafic de la cocaïne », comme l’écrit l’agent Leblanc dans son affidavit.

d)     selon le rapport de balise de localisation, le véhicule utilisé par Mani « se rend et s’immobilise dans le secteur de l’adresse […3] [Rue A] à Brossard 10 fois entre le 06 décembre 2006 et le 31 Janvier 2006 » [42], mais l’agent Leblanc ne précise pas que la majorité des arrêts ont lieu essentiellement  pendant le temps des fêtes.

       D’ailleurs, les demandeurs soulignent qu’il n’est pas précisé dans l’affidavit que Mani est vu dans l’automobile de M. Parasiris pour la première fois le 28 novembre 2006, soit près de huit mois après le début de l’enquête.

e)     « le 27 février 2007, un individu correspondant à la description de Basil Parasiris (1965-10-29) s’est présenté au 3470 A, Broadway, Brossard (…). Il y est resté environ 7 minutes [43]». Selon les demandeurs, il n’est pas expliqué dans la déclaration assermentée à quelle description il est fait référence, ou même qu’il est impossible de voir ce qui se passe à l’intérieur du 3470A, rue Broadway. Enfin, il n’est pas mentionné que M. Parasiris ne sort pas de cet endroit avec quoi que ce soit de suspect.

f)       le 28 février 2007, Nick rencontre au Golf-O-Max « un individu qui correspond, selon sa description, pour M. Basil Parassiris[44] (sic)». Là encore, les demandeurs soulignent que la description à laquelle il est fait référence n’est pas précisée ni ce qui se passe lors de cette rencontre.

g)     Le numéro de téléphone de Bill, selon la source, est le [...][45] et ce numéro de cellulaire apparaît dans les appels entrants et sortants sur le cellulaire de Kosta[46]. Toutefois, selon les demandeurs, il n’est pas précisé que selon l’information de source[47], Bill utilise ce numéro pour communiquer avec les membres de son réseau de stupéfiants et pourtant, les policiers n’ont pas retrouvé un lien entre ce numéro de téléphone et celui de Mani.

[62]       Le Tribunal constate que, s’il est vrai que la déclaration assermentée manque de précisions à certains égards, qu’elle contient de petites erreurs et que l’information obtenue de source n’est pas reproduite dans son intégralité, elle n’est pas pour autant trompeuse.

[63]       Les inexactitudes soulevées par les demandeurs sont subtiles et les modifications relevées ne changent pas réellement la nature des informations obtenues dans le cadre de l’enquête. Contrairement à ce que les demandeurs affirment, l’agent Leblanc n’a pas tenté d’altérer l’information obtenue et il n’a pas fait de fausses représentations visant à tromper le juge de paix-magistrat afin qu’il octroie le mandat de perquisition[48].

[64]       Dans l’ensemble, la déclaration assermentée contient un résumé qui s’avère, pour l’essentiel fidèle à l’information obtenue. Une lecture globale du rapport d’enquête et de la déclaration assermentée démontre que l’agent Leblanc a rédigé la déclaration assermentée de bonne foi, en divulguant l’ensemble des informations obtenues dans le cadre de son enquête avec suffisamment d’exactitude.

[65]       Le Tribunal estime que le juge de paix-magistrat était en mesure d’apprécier la preuve offerte d’une manière neutre et impartiale. Les policiers n’ont donc pas manqué à leurs obligations de divulgation complète et sincère des faits considérés[49].

2.1.2.3      L’insuffisance des motifs

[66]       En second lieu, les demandeurs soutiennent que les policiers ont commis une faute de témérité[50] puisqu’ils ont caché au juge de paix-magistrat la faiblesse de leurs croyances en la possibilité de trouver de la drogue au [...3] [Rue A].

[67]       À cet égard, ils rappellent qu’un policier, lorsqu’il remplit une déclaration assermentée, doit avoir des motifs raisonnables de croire que probablement des objets liés au crime se trouvent au lieu qu’il veut perquisitionner.

[68]       Or, les demandeurs précisent que le sergent-détective Courtemanche, qui a supervisé l’affidavit de l’agent Leblanc, a admis lors du procès criminel[51] qu’il n’y avait qu’une possibilité[52] de trouver de la drogue chez M. Parasiris. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il prépare une perquisition statique[53] à la résidence de M. Parasiris, car il sait qu’il sera difficile d’obtenir un mandat pour saisir des stupéfiants à cet endroit.

[69]       Quant à l’agent Leblanc, il n’a, selon les demandeurs, rien fait pour corroborer l’information importante obtenue le 28 février 2007 dans la note d’information de source et il n’a jamais fait suivre M. Parasiris. D’ailleurs, une partie de l’information communiquée le 28 février 2007 au matin n’est pas divulguée par l’agent Leblanc au sergent-détective Courtemanche, ni au juge de paix-magistrat.

[70]       D’après les demandeurs, les policiers réalisent alors que les informations qu’ils ont sont insuffisantes pour obtenir l’autorisation de perquisitionner chez M. Parasiris. Ils savent qu’un mandat ne peut être émis au simple motif que l’on peut associer M. Parasiris à des personnes qui se livrent au trafic de stupéfiants. Pourtant, ils demandent, malgré tout, l’émission d’un mandat de perquisition, ce qui, de l’avis des demandeurs, constitue une faute.

[71]       Le Tribunal ne partage pas cet avis.

[72]       La preuve révèle que l’agent Leblanc et le sergent-détective Courtemanche croyaient vraiment, de bonne foi, que les motifs étaient suffisants pour obtenir le mandat de perquisitionner la résidence de M. Parasiris et d’y saisir des stupéfiants. Le juge de paix-magistrat était d’ailleurs du même avis. Le mandat a été émis et la perquisition réalisée en vertu d’un mandat valide.

[73]       Ce n’est pas parce qu’un Tribunal a par la suite annulé le mandat de perquisition pour, entre autres, l’insuffisance de motifs en fonction des critères applicables en droit criminel que la responsabilité des policiers est engagée pour autant[54].

[74]       Dans le cadre du procès pour meurtre et tentative de meurtre, le Tribunal a évalué la suffisance de la déclaration assermentée pour émettre un mandat de perquisition pour décider s’il devait l’invalider.

[75]       Dans la présente instance, le Tribunal doit plutôt déterminer si les policiers ont commis une faute civile au sens de l’article 1457 du Code civil du Québec.

[76]       Ici, la preuve est différente de celle administrée lors du procès criminel. C’est avec raison que la Ville souligne qu’elle n’était pas partie au procès criminel et qu’elle ne pouvait pas faire de représentations devant le Tribunal chargé de celui-ci.

[77]       Dans le cadre de la présente instance, les demandeurs n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les policiers ne possédaient que des soupçons.

[78]       En fait, les demandeurs n’établissent pas que les policiers se sont écartés de la norme du policier raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Ils n’ont pas prouvé que les policiers ont été négligents et téméraires.

[79]       Les policiers ont reconnu que la preuve recueillie était circonstancielle en ce qui concerne M. Parasiris. L’agent Leblanc en a même parlé avec le juge de paix-magistrat. Mais, comme l’explique le sergent-détective Courtemanche, il n’est pas inhabituel qu’il en soit ainsi lorsqu’il s’agit d’un fournisseur de stupéfiants.

[80]       Certes, certaines informations divulguées n’ont pas été validées, mais les policiers n’ont pas à enquêter sur chacune des possibilités. Les tribunaux ont reconnu que les policiers peuvent décider de mettre fin à leur enquête lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve s’y rapportant peuvent se trouver sur les lieux à être perquisitionnés[55]. Tel était le cas ici.

[81]       La Ville a démontré que les policiers ont mené une enquête sérieuse sur une longue période. Même si elle s’est avérée imparfaite sur certains points, l’enquête était dans l’ensemble rigoureuse et conforme aux normes applicables en semblable matière. Les policiers ont procédé avec objectivité et sérieux.

[82]       La preuve révèle qu’à la suite de leur enquête, les policiers pouvaient raisonnablement croire que M. Parasiris était membre d’un réseau de trafiquants et qu’il existait une probabilité raisonnable de trouver des stupéfiants à sa résidence.

[83]       Les policiers étaient donc justifiés de penser qu’ils avaient suffisamment de motifs pour demander l’émission d’un mandat de perquisition.

2.1.3       Une perquisition nocturne était-elle  justifiée?

[84]       L’article 11(1) de la LRDAS prévoit que :

11 (1) Le juge de paix qui, sur demande ex parte, est convaincu sur la foi d’une dénonciation faite sous serment qu’il existe des motifs raisonnables de croire à la présence, en un lieu, d’un ou de plusieurs des articles énumérés ci-dessous peut délivrer à un agent de la paix un mandat l’autorisant, à tout moment, à perquisitionner en ce lieu et à les y saisir :

a) une substance désignée ou un précurseur ayant donné lieu à une infraction à la présente loi;

b) une chose qui contient ou recèle une substance désignée ou un précurseur visé à l’alinéa a);

c) un bien infractionnel;

d) une chose qui servira de preuve relativement à une infraction à la présente loi ou, dans les cas où elle découle en tout ou en partie d’une contravention à la présente loi, à une infraction prévue aux articles 354 ou 462.31 du Code criminel.

[Soulignement du Tribunal]

[85]       Un mandat obtenu en vertu de cette loi peut donc être exécuté à tout moment, alors qu’un mandat octroyé en vertu de l’article 488 du Code criminel (C.Cr.)  doit être exécuté de jour, à moins d’être spécifiquement autorisé par un juge de paix-magistrat à l’exécuter de nuit :

 Un mandat décerné en vertu des articles 487 ou 487.1 est exécuté de jour, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) le juge de paix est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de l’exécuter la nuit;

b) la dénonciation énonce ces motifs raisonnables;

c) le libellé du mandat en autorise l’exécution la nuit. [56]

[Soulignement du Tribunal]

[86]       Dans le cas présent, le mandat découle de l’article 11(1) LRDAS. Le formulaire de mandat de perquisition rempli par l’agent Leblanc[57] contient une case pour l’exécution du mandat de nuit et elle n’est pas cochée. Le mandat ne comporte donc aucune mention du moment de son exécution.

[87]       Les demandeurs plaident qu’en raison de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Genest[58], les mandats semblables à celui dont il s’agit doivent mentionner dans la case appropriée qu’ils peuvent être exécutés la nuit, faute de quoi ils ne sont exécutables que de jour[59].

[88]       Les policiers ont donc commis une faute, selon les demandeurs, puisque la perquisition a été exécutée à 5h10 a.m. alors qu’ils n’étaient pas autorisés à exécuter la perquisition de nuit. À cet égard, ils invoquent à leur appui le jugement rendu lors du procès criminel qui mentionne :

[116]     L’utilisation d’un formulaire type comporte des risques qui sont bien illustrés par le mandat émis par le juge autorisateur en l’espèce :

Before the widespread use of computers, pre-printed forms issued by a government agency or the police agency provided a helpful tool for officers preparing search warrant applications. With the arrival of computers and word processing, however, pre-printed forms have become far less common.

There are several dangers involved in using pre-printed forms. First, with the pace of development in the law, pre-printed forms can become out of date. Judicial decisions identifying defects in the language of a form do not always reach the desk of those responsible for stocking the stationery stores at a police agency. Second, the pre-printed forms can themselves be unintentionally deceiving.

[117] Un mandat émis en vertu de l’art. 11 de la LDAS doit préciser spécifiquement qu’il peut être exécuté à tout moment. Cette mention était nécessaire même si l’article 11 de la LDAS prévoit l’exécution d’une perquisition à tout moment. La loi ne peut suppléer à l’absence de mention dans le mandat et cette omission ne peut être qualifiée de simple vice de forme.

[118] Un mandat de perquisition est le jugement du juge qui autorise une perquisition. Selon Genest, un mandat qui ne comporte aucune inscription dans l’espace réservé au moment de son exécution est nul.

[références omises]

[89]       Ici, il n’est pas contesté qu’au moment des faits en litige, il n’y avait qu’un seul formulaire de réquisition de mandat émis par le ministère de la Justice du Québec, utilisé tant pour les mandats demandés en vertu de l’article 487 C.Cr. que ceux demandés en vertu de l’article 11 LRDAS.

[90]       Ainsi, le formulaire hybride ne prévoyait pas spécifiquement que la perquisition pouvait être exécutée à tout moment. Il y avait toutefois un espace réservé pour l’heure d’exécution qui, dans le cas présent, a été laissé en blanc.

[91]       La preuve révèle qu’à cette époque, il était de pratique courante au sein du SPL et au sein d'autres corps policiers, de ne pas cocher la case pour que la perquisition soit exécutée de façon nocturne si le mandat de perquisition était demandé en vertu de l’article 11 LRDAS.

[92]       À cet égard, la directive du SPL applicable avant le 2 mars 2007 pour les mandats de perquisition prévoyait :

6       Exécution du mandat

             […]

6.2    En vertu du Code criminel, le mandat est exécutable le jour (6 h à 21 h) à moins que le juge ait autorisé qu’il en soit autrement. Exception, une perquisition avec ou sans mandat en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances peut être effectuée en tout temps sans aucune mention à cet effet.[60]

[93]       Au procès, l’agent Leblanc témoigne du fait que le juge de paix-magistrat lui a confirmé que les policiers n’avaient pas à remplir cette case pour pouvoir exécuter un mandat de nuit lorsqu’il s’agit d’une perquisition effectuée en vertu de la LRDAS.

[94]       Les policiers expliquent que la réalisation d’une perquisition dynamique tôt le matin, soit autour de 5h00, est la norme en matière de perquisition en vertu de la LRDAS puisque les occupants de la résidence sont généralement endormis à cette heure, ce qui limite les chances de destruction des stupéfiants.

[95]       De surcroît, lorsque plusieurs perquisitions doivent être effectuées dans l’objectif de démanteler un réseau de trafiquants de stupéfiants, il est important de les effectuer de façon simultanée. En fait, le but est d’éviter que les membres qui sont visés par la première perquisition n’avisent les autres membres du réseau avant l’exécution des autres perquisitions afin qu’ils détruisent des éléments de preuve, telle la cocaïne.

[96]       Dans le cas présent, cinq des six perquisitions ont été exécutées de façon simultanée. Certaines perquisitions ont été effectuées par le GTI à Laval. Ce dernier exige généralement, par mesure de sécurité, de procéder tôt le matin.

[97]       En somme, la preuve révèle que l’agent Leblanc a, dans le cas présent, suivi la norme applicable au moment des faits en litige et il a agi comme tout autre policier l’aurait fait alors.

[98]       Or, il est acquis en jurisprudence que la responsabilité des policiers sera engagée s’il est démontré qu’ils n’ont pas agi comme le ferait un policier prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances[61]. La conduite policière doit être évaluée en fonction des normes et pratiques prévalant au moment des événements. En fait, le Tribunal doit éviter d’évaluer la conduite policière avec la vision parfaite que permet le recul.

[99]       Ici, il n’est pas réellement contesté qu’en ne cochant pas la case relative à l’heure d’exécution contenue sur le formulaire de l’époque en vue d’être autorisé à exécuter la perquisition de nuit[62], l’agent Leblanc a respecté la pratique policière et les instructions reçues à ce moment[63].

[100]    Les demandeurs soutiennent que ces pratiques policières sont erronées. Ils plaident que la Ville a le devoir d’instruire ses policiers sur les principes jurisprudentiels fondamentaux en droit criminel et qu’elle doit s’assurer que ses policiers les respectent[64]. Ainsi, selon eux, la Ville devait s’assurer que ses policiers savaient comment remplir correctement un mandat, ce qu’elle a omis de faire.

[101]    D’ailleurs, ils soulignent que cette pratique policière erronée a été modifiée à la suite du procès criminel.

[102]    Ici, pour déterminer si la responsabilité de la Ville est engagée, le Tribunal doit évaluer le caractère raisonnable de la pratique policière. À ce sujet, la Cour suprême, dans l’arrêt Roberge c. Bolduc[65], enseigne qu’il ne suffit pas de respecter une pratique professionnelle courante pour échapper à sa responsabilité. S’il s’avère que cette pratique est soit contraire à une règle de droit bien établie ou de nature à porter atteinte aux règles élémentaires de prudence, alors la responsabilité sera engagée[66].

[103]    Les demandeurs plaident que, tel était le cas ici puisque la pratique policière ne respectait pas l’enseignement de la Cour suprême dans l’arrêt Genest[67], de 1989.

[104]    À cet égard, le Tribunal note que dans Genest, la contestation du mandat reposait principalement sur le fait qu’il ne portait pas le nom de l’agent de la paix chargé de l’exécuter, comme l’exige la Loi sur les stupéfiants, ne comportait aucune mention de l’heure à laquelle la perquisition devait avoir lieu et ne mentionnait pas non plus ni les objets recherchés ni le district du juge de paix-magistrat qui avait délivré le mandat.

[105]    Appelée à examiner la nature des vices affectant le mandat, la Cour suprême, dans Genest écrit :

Je ne partage pas l’avis selon lequel les vices qui entachent le mandat peuvent être qualifiés de vices de pure forme. Le vice principal était que le mandat ne nommait pas l’agent qui devait l’exécuter, comme l’exigeait le par. 10(2) de la Loi sur les stupéfiants. Or, cette exigence est capitale. Il s’agit d’une condition spéciale à laquelle sont soumises les perquisitions dans des maisons d’habitation en vue de trouver des stupéfiants. Elle ne se trouve pas dans les dispositions générales du Code criminel régissant les perquisitions. Ne pas tenir compte de cette directive spéciale émanant du Parlement, concernant les perquisitions dans les logements n’est pas un simple vice de forme. Le législateur a dit que les perquisitions effectuées dans des logements à la recherche de stupéfiants représentent un cas particulier. L’absence de toute mention des heures d’exécution ou des objets recherchés constitue une autre indication de la nullité du mandat en cause. Je crois qu’on peut affirmer que le juge de paix a délivré un « permis de pêche » plutôt qu’un mandat de perquisition. Le pouvoir de perquisitionner dans un logement en vertu d’un mandat délivré conformément au par. 10(2) est nettement plus large que dans le cas du mandat délivré en vertu de l’art. 443 du Code criminel, comme l’ont souligné d’ailleurs plusieurs tribunaux. À la différence d’un mandat prévu au Code criminel (par. 443(1)), il n’est pas exigé de rapporter les biens saisis au juge de paix qui a lancé le mandat en vertu du par. 10(2). Les tribunaux ont invariablement statué que l’obligation de nommer l’agent constitue une partie importante des dispositions de la Loi sur les stupéfiants relatives aux mandats de perquisition, puisqu’elle fait ressortir la gravité d’une perquisition menée dans une maison d’habitation ainsi que l’étendue des pouvoirs accordés par le mandat.

[…]

Bien qu’il ne faille pas s’attendre que les policiers connaissent dans ses menus détails le droit en matière de mandats de perquisition, ils devraient néanmoins être au courant des exigences que les tribunaux ont jugées essentielles pour la validité d’un mandat. L’obligation de nommer l’agent, prévue au par. 10(2), est du nombre de ces exigences. De plus, un policier devrait se défier d’un mandat comportant autant de blancs que celui qui a été délivré en l’espèce. Le bons sens indique que, si l’on se sert d’une formule, elle doit être bien remplie, à plus forte raison quand la formule dit elle-même que certains renseignements doivent être inscrits dans les blancs.[68]

 [Soulignements du Tribunal]

[106]    C’est en 2008, dans le cadre du procès criminel, que le Tribunal, appliquant les principes de l’arrêt Genest, précise spécifiquement que le mandat qui ne contient aucune inscription dans l’espace réservé pour le moment de l’exécution est nul, et ce, même si, à la distinction de l’arrêt Genest, aucun autre vice n’affecte le mandat.

[107]    C’est dans ce contexte qu’à la suite du procès criminel, le ministère de la Justice a modifié le formulaire de réquisition de mandat. Il existe maintenant un formulaire distinct pour les perquisitions exécutées en vertu de la LRDAS, lequel ne contient pas de cases pour l’heure d’exécution du mandat et sur lequel il est indiqué spécifiquement qu’ils sont autorisés à entrer « à tout moment » [69].

[108]    Cette pratique améliorée n’est toutefois pas concluante pour apprécier les actes des policiers en 2007, soit durant la période de temps au cours de laquelle la perquisition au cœur du présent dossier a été pratiquée[70].

[109]    Le jugement rendu en 2008 dans le cadre du procès criminel permet d’avancer que la pratique policière de l’époque n’était pas conforme à l’enseignement de la Cour suprême. Cependant, et particulièrement à la lumière des circonstances propres à l’arrêt Genest, la preuve ne permet pas de conclure qu’en 2007, il était déraisonnable pour les policiers de croire que la pratique respectait les enseignements de la Cour suprême dans Genest.

[110]    On ne peut non plus conclure ici que la pratique policière de l’époque portait atteinte aux règles élémentaires de prudence[71]. En effet, la LRDAS permet qu’une perquisition soit exécutée en tout temps sans motif particulier.

[111]    La Cour suprême, dans l’arrêt Hill[72], explique que la norme de diligence à laquelle le policier doit satisfaire pour s’acquitter de son obligation n’est pas celle de l’avocat ou du juge raisonnable.

[112]    Les policiers doivent connaître l’état du droit, mais ils n’ont pas l’obligation d’entreprendre une réflexion juridique sur les distinctions établies par la jurisprudence[73].

[113]    Enfin, même si le Tribunal en venait à la conclusion que les policiers ont commis une faute en ne respectant pas les enseignements de Genest et en ne cochant pas la case contenue au formulaire hybride, cette faute ne serait causale d’aucun dommage pour des motifs qui seront expliqués ultérieurement dans le présent jugement.

2.1.4       La force utilisée lors de l’exécution du mandat de perquisition était-elle abusive?

[114]    Selon les règles traditionnelles, les policiers doivent procéder à une perquisition statique, c’est-à-dire qu’ils doivent faire une annonce avant d’entrer. Ils doivent frapper à la porte, s’identifier et exhiber le mandat à l’occupant[74].

[115]    Les policiers sont toutefois autorisés à entrer chez quelqu’un sans avis, avec ou sans force, si c’est nécessaire pour prévenir la destruction d’une preuve ou s’il est à craindre qu’il s’y trouve des armes à feu.

[116]    Il s’agit alors d’une perquisition dynamique qui consiste à perquisitionner un endroit sans s’annoncer en forçant ou en défonçant la porte d’entrée en utilisant, par exemple, un bélier.

[117]    L’article 12 LRDAS prévoit que l’agent peut recourir à la force selon les circonstances :

12   Dans l’exercice des pouvoirs que lui confère l’article 11, l’agent de la paix peut recourir à l’assistance qu’il estime nécessaire et à la force justifiée par les circonstances.

[118]    Dans R. c. Newell[75], la juge Wein décrit ainsi le droit applicable en cette matière:

In general, the police need not knock or announce their presence in drug cases, because of the generally expected presence of firearms or likely destruction of evidence, as long as a reasoned decision has been made concerning the likely risks.

[Soulignement du Tribunal]

[119]    Se fondant entre autres sur cette décision, le juge au procès criminel conclut que, dans le cas présent, l’utilisation de la force n’était pas justifiée par les circonstances puisque le dossier ne révèle pas de faits qui établissent qu’une annonce régulière aurait entraîné la destruction d’éléments de preuve[76]. À ce sujet, il écrit :

 [125]    L’agent Leblanc a omis de décrire au juge de paix-magistrat la faiblesse de sa croyance quant à la probabilité raisonnable de découvrir des stupéfiants au domicile de M. Parasiris. Sa croyance, de même que celle de M. Courtemanche, son supérieur hiérarchique, ne révèlent pas une croyance subjective que M. Parasiris est en possession de stupéfiants qui pourraient être détruits si une annonce régulière était faite. De plus, les motifs raisonnables justifiant l’entrée dynamique n’étaient pas établis objectivement.

[Références omises]

[120]    À cet égard, les demandeurs soulignent que le sergent-détective Courtemanche a admis, lors du procès criminel, que lorsqu’il obtient un mandat pour chercher de la cocaïne, il fait systématiquement une perquisition dynamique[77]. Les policiers n’ont donc pas fait ici d’analyse de risque qui soit propre aux circonstances, comme l’a d’ailleurs noté la CSST dans son analyse subséquente[78]. Ils estiment que même en matière de drogue, les policiers doivent, pour chaque cas, faire une réflexion spécifique et concrète pour décider si les circonstances particulières justifient ou non l’utilisation de la force[79].

[121]    Or, les demandeurs soutiennent qu’une approche raisonnée ou individuelle aurait amené les policiers à ne pas faire une entrée dynamique alors qu’il était peu probable de trouver une quantité significative de drogues à cet endroit et que rien n’indiquait qu’il s’y trouvait des armes à feu[80].

[122]    Enfin, ils précisent que les policiers devaient initialement procéder à une perquisition statique, mais que ce n’est que le matin même qu’il fut décidé d’exécuter une perquisition dynamique. De l’avis des demandeurs, la décision de modifier le type d’exécution était erronée et donc, fautive.

[123]    Le tribunal ne partage pas cet avis.

[124]    Dans le cas présent, l’agent Leblanc a suggéré au sergent-détective Courtemanche d’exécuter une perquisition dynamique tant pour le [...3] [Rue A] que pour les cinq autres lieux à perquisitionner puisqu’il s’attendait à y trouver des stupéfiants.

[125]    À la suite de la transmission des documents par l’agent Leblanc[81], le sergent-détective Courtemanche prépare le plan de l’opération[82]. En ce qui concerne le [...3] [Rue A], ce plan prévoit :

a)    Une perquisition déboulée assignée qui vise une résidence de plus d’un étage. Les policiers qui vont entrer au [...3] [Rue A], sont divisés en deux équipes, l’une étant assignée à l’étage et l’autre, au rez-de-chaussée;

b)    La première équipe[83] (l’équipe MD), doit réaliser la frappe dynamique, investir la résidence et sécuriser l’étage de celle-ci.

c)    Le bélier doit être manipulé par M. Forbes, qui fait partie de l’équipe MD.

d)    La seconde équipe[84] doit sécuriser le rez-de-chaussée et couvrir la porte du sous-sol.

e)    Des couvreurs, dont notamment l’agente Bouhid, et un maître-chien sont positionnés à l’extérieur du [...3] [Rue A], pour couvrir les sorties au cas où quelqu’un tenterait de prendre la fuite. Dans le cadre de la fouille dans la résidence, le maître-chien et son chien sont utilisés pour la recherche de stupéfiants.

 f)    Une fois le [...3] [Rue A], sécurisé, l’équipe MD doit quitter pour réaliser la perquisition dynamique[85] au 3470A[86]. Si nécessaire,  cette équipe peut revenir par la suite pour aider à terminer la fouille du [...3] [Rue A]. Pendant ce temps, la deuxième équipe sous la responsabilité du sergent-détective Gariépy, demeure au [...3] [Rue A], pour procéder à la fouille.

[126]    Pendant ce temps, il est décidé que le GTI du SPL procède aux autres perquisitions dynamiques simultanées à Laval. C’est d’ailleurs ce plan d’opération[87] qui a été présenté aux supérieurs du sergent-détective Courtemanche, MM. Parent et Marier, avant la réunion préparatoire (« briefing ») du 1er mars, à 15 h 30, c’est-à-dire avant l’émission du mandat de perquisition.

[127]    Ainsi, la preuve révèle que les policiers prévoyaient procéder de façon dynamique au [...3] [Rue A], avant l’émission du mandat de perquisition par le juge de paix-magistrat.

[128]    Toutefois, lors du  briefing  du 1er mars, à 15 h 30, l’agent Leblanc n’est toujours pas de retour de la Cour avec les mandats de perquisition signés par le juge de paix-magistrat.

[129]    Tel que mentionné, le sergent-détective Courtemanche dit qu’il est alors confiant d’obtenir des mandats de perquisition pour les quatre résidences situées à Laval et celle de la rue Broadway puisque la preuve recueillie relativement à ces endroits est directe et l’octroi de mandat de perquisition est pratiquement automatique dans de telles circonstances. Lors du briefing, il annonce donc, pour les cinq autres endroits, une perquisition dynamique.

[130]    Cependant, en ce qui concerne le [...3] [Rue A], le sergent-détective Courtemanche annonce une perquisition statique puisqu’il existe un risque que le juge de paix-magistrat n’interprète pas la preuve circonstancielle de la même façon que le SPL.  Pour lui, si le mandat de perquisition est octroyé sous la forme demandée, soit pour permettre d’y saisir des stupéfiants, la perquisition du [...3] [Rue A], sera toutefois dynamique, comme pour les autres endroits faisant l’objet de perquisitions simultanées.

[131]    Bien qu’il existe un doute relativement à l’octroi d’un mandat, tel que demandé pour la résidence de M. Parasiris, le sergent-détective Courtemanche explique à l’audience que, pour sa part, il croit sincèrement pouvoir saisir des stupéfiants au [...3] [Rue A], et son témoignage à ce sujet est convaincant.

[132]    Considérant la preuve recueillie dans le cadre de l’enquête, l’ampleur de l’opération policière et les autres perquisitions dynamiques devant se tenir simultanément, les policiers ne pouvaient pas prendre le risque que M. Parasiris détruise la preuve, soit les stupéfiants avant que ceux-ci ne puissent être saisis. Par ailleurs, les policiers ont, à ce moment, des indices que les individus visés par les autres perquisitions sont violents ou armés. Ils doivent donc considérer cette information lorsqu’ils analysent le risque lié à l’intervention[88]. Ils croient alors qu’il existe un risque pour leur sécurité ou celle des autres occupants.

[133]    Quant à la décision de procéder à une entrée dynamique, la Cour suprême écrit :

[24] (…) les policiers doivent pouvoir jouir d’une certaine latitude en ce qui concerne la manière dont ils décident de pénétrer dans un lieu. On ne peut s’attendre à ce qu’ils mesurent à l’avance avec une haute précision le degré de force que la situation commandera. (…) On dit souvent dans le cas de mesures de sécurité que, s’il arrive quelque chose, les mesures n’étaient pas suffisantes, mais que, si rien ne se produit, elles étaient excessives. Ce genre d’appréciation effectuée après-coup est injuste et inacceptable dans un cas comme celui-ci où les agents doivent exercer leur jugement et leur pouvoir d’appréciation dans des circonstances difficiles et changeantes.[89]        

[Soulignements du Tribunal ]

[Références omises]

[134]    Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, la preuve en l’instance révèle que les policiers ont réellement évalué la situation particulière de ce cas et, considérant ce qu’ils estimaient être la probabilité de trouver des quantités importantes de stupéfiants dans la résidence de M. Parasiris, la décision de procéder à une perquisition dynamique n’était pas fondée sur un automatisme.

[135]    Les demandeurs ne se sont donc pas déchargé de leur fardeau de démontrer de façon probante que les policiers n’ont pas agi comme le feraient des policiers raisonnablement prudents et diligents placés dans les mêmes circonstances. La preuve ne révèle pas que la force employée par le SPL était déraisonnable et non-conforme aux normes applicables et aux pratiques policières qui prévalaient à cette époque.

2.1.5       Le risque lié à l’intervention a-t-il été correctement évalué?

[136]    Les demandeurs plaident que les policiers ont commis une faute puisqu’ils ont fait défaut de bien vérifier le registre des armes à feu.

[137]    Ils précisent qu’une recherche par adresse et par nom aurait permis de déterminer qu’une arme à feu était enregistrée au nom de monsieur Basil Parasiris à une adresse différente de celle apparaissant au mandat de perquisition, soit le [...3] [Rue A] et que cette adresse correspond à une ancienne adresse de M. Parasiris.

[138]    Conséquemment, les demandeurs soutiennent que les policiers ont mal évalué le niveau de risque lié à l’exécution de la perquisition. Selon eux, une évaluation adéquate aurait amené les policiers à présenter une demande au GTI afin qu’ils réalisent l’entrée dynamique.

2.1.5.1      Le défaut de consulter correctement le registre des armes à feu

[139]    Afin de vérifier la présence d’armes à feu enregistrées à un lieu donné et au nom d’une personne, les policiers peuvent faire une recherche en direct au registre des armes à feu. Cette recherche peut être effectuée par adresse et par nom.

[140]    À l’époque des événements, aucune formation rigoureuse sur la recherche au registre des armes à feu n’est donnée aux policiers par la majorité des services de police de la province, incluant le SPL. Certains enquêteurs de la section MD du SPL font des vérifications avec l’adresse, certains avec le nom, alors que d’autres vérifient les deux.

[141]    Ici, il n’est pas contesté que dans le cadre de la préparation de la perquisition du [...3] [Rue A], l’agent Tessier a vérifié si des armes à feu étaient enregistrées à cette adresse, mais il n’a pas vérifié s’il y en avait d’enregistrées au nom de M. Parasiris. Il n’y avait alors aucune arme à feu enregistrée à cette adresse.

[142]    Par contre, une recherche par nom aurait permis de découvrir que l’arme avec laquelle M. Parasiris a tiré sur l’agent Tessier avait été enregistrée en 1990 à une autre adresse et au nom de M. Parasiris.

[143]    À ce sujet, la CSST conclut d’ailleurs qu’une telle vérification aurait permis d’évaluer plus adéquatement le niveau de risque lié à l’entrée dynamique[90].

[144]    Toutefois, tel que l’admettent les parties au litige, l’enquête de la CSST ne visait pas à conclure sur le comportement de quiconque du point de vue de la responsabilité civile.

[145]    Les recommandations faites par la CSST dans le cadre du rapport d’enquête sont dirigées vers l’École nationale de police du Québec, le ministère de la Sécurité publique du Québec et les différents corps policiers afin que des mesures soient prises pour permettre aux policiers d’exécuter leur travail de la façon la plus sécuritaire[91].

[146]    Ici, la preuve révèle qu’en 2004, lorsque M. Parasiris est déménagé à Brossard, il n’a pas fait le changement d’adresse, qu’il se devait de faire, pour que l’arme à feu en question soit enregistrée à sa nouvelle adresse. Ainsi, même si l’agent Tessier avait fait la vérification par le nom, il n’aurait pu obtenir de confirmation que l’arme enregistrée se trouvait effectivement au [...3] [Rue A].

[147]    En somme, au moment de la perquisition, il y avait quatre armes à feu non enregistrées au [...3] [Rue A], dont l’arme utilisée par M. Parasiris et trois autres achetées illégalement.

[148]    Là encore, la preuve révèle que les policiers ont respecté les enseignements et les pratiques policières prévalant à cette époque. Les demandeurs n’ont donc pas établi de façon probante que les policiers ont commis une faute.

[149]    Enfin, même si le Tribunal concluait qu’une faute avait été commise à cet égard, elle ne serait causale d’aucun dommage pour les motifs qui seront expliqués ultérieurement.

[150]    Mais il y a plus.

2.1.5.2      Le défaut d’exécuter la perquisition avec un groupe tactique d’intervention (GTI)

[151]    Étant d’avis que le risque associé à la perquisition n’a pas été correctement évalué par le SPL, les demandeurs ajoutent que la perquisition a été effectuée par la brigade Moralité et drogue (MD) « qui n’avait aucune compétence » en matière d’entrée dynamique, alors qu’elle aurait dû être confiée au Groupe tactique d’intervention (GTI), lequel est spécifiquement formé pour se préparer et se protéger dans de telles circonstances.

[152]    À cet égard, ils précisent que lors de l’enquête :

·      M. Parasiris est perçu par les policiers comme la tête dirigeante d’un groupe qui se livrait au trafic de stupéfiants et d’armes à feu et dont plusieurs membres ont été vus en possession d’armes. Il existe alors un risque élevé de trouver une arme à feu chez M. Parasiris;

·      l’agent Leblanc obtient le 28 février 2007 de l’information d’un agent du SPVM voulant que M. Parasiris soit impliqué dans un complot pour l’importation d’une grande quantité de cocaïne dans des bouteilles de vin et qu’il serait celui qui fournirait un local et un chimiste pour la transformer en cocaïne solide. Or, cette information n’a jamais été divulguée au sergent-détective Courtemanche avant la préparation du plan d’opération le 1er mars 2007[92]. Pourtant, considérant cette information, il existait un risque réel de trouver chez M. Parasiris une présence importante de drogue;

·      il est acquis que la présence d’une quantité appréciable de drogue augmente la probabilité que les habitants possèdent une ou des armes[93].

[153]    D’ailleurs, les demandeurs soulignent qu’à la suite de son enquête, la CSST a aussi conclu que la Section MD aurait dû considérer l’ensemble des informations obtenues sur ce groupe criminel organisé dans le cadre de l’évaluation du risque et transmettre une demande au GTI afin qu’il réalise l’entrée dynamique[94].

[154]    La preuve révèle qu’à l’époque des événements, lorsque le niveau de risque que représente l’intervention est faible, c’est la section MD qui procède aux entrées dynamiques. Tel est le cas lorsque le suspect ne possède pas d’armes à feu et que les lieux perquisitionnés ne présentent pas d’obstacles particuliers.

[155]    Dans le cas présent, la CSST a fait des recommandations afin que des mesures soient prises pour permettre aux policiers d’exécuter à l’avenir leur travail de façon plus sécuritaire. Tel que déjà mentionné, l’objectif de son enquête n’était pas d’évaluer la faute des policiers commise à l’égard du suspect ou des individus résidant à l’endroit à être perquisitionné.

[156]    D’abord, il convient de souligner que l’argument des demandeurs est paradoxal. D’une part, ils plaident que la force utilisée lors de la perquisition n’était pas justifiée[95], mais, d’autre part, ils soutiennent que c’est le GTI qui aurait dû mener l’opération, considérant le risque important lié à l’intervention.

[157]    Il n’est pas contesté que lorsque le GTI procède à une perquisition dynamique, ses policiers sont plus lourdement armés et ils ne sont pas, comme des agents enquêteurs, habillés en civil ou en uniforme. Leur aspect est plus terrifiant.

[158]    Aucune preuve précise n’a été faite en vue de démontrer les pratiques, le fonctionnement et la formation des membres du GTI en 2007 ou de comparer ses pratiques à celles du MD.

[159]    Ainsi, il n’a pas été démontré de façon probante que le GTI aurait réalisé la perquisition dynamique au [...3] [Rue A], de façon différente et qu’avec son intervention, les dommages auraient pu être évités.

[160]    Contrairement à ce que les demandeurs soutiennent, le SPL n’a pas à démontrer que les conséquences dommageables auraient inévitablement découlé de la perquisition, et ce, qu’elle soit exécutée par le MD ou le GTI[96].

[161]    Le Tribunal rappelle que les demandeurs ont le fardeau de démontrer de façon prépondérante que les policiers ont commis une faute en ne retenant pas le GTI pour exécuter la perquisition et que cette faute leur a causé un dommage. Ici, ils ne se sont pas déchargés de leur fardeau.

[162]    De surcroît, la preuve révèle, d’une part, que l’agent Lauzon et le sergent-détective Saillant, qui ont procédé à l’entrée dynamique, ont été membres du GTI[97] et, à ce titre, ils ont reçu une formation spécifique pour procéder à des perquisitions dynamiques.

[163]    D’autre part, la preuve démontre que les agents enquêteurs de la section MD du SPL reçoivent une formation sérieuse sur les entrées dynamiques, de sorte que les autres policiers qui ont procédé à la perquisition chez M. Parasiris ce jour-là avaient eux aussi reçu un entraînement adéquat pour exécuter ce type de perquisition.

[164]    À l’audience, le sergent-détective Saillant témoigne que les policiers qui ont participé à la perquisition au [...3] [Rue A], le 2 mars 2007 ont employé une approche conforme aux méthodes utilisées par les membres du GTI. Ils ont effectué une entrée et un déplacement[98] à l’intérieur de la résidence, similaire à celui des membres du GTI.

[165]    Les membres du GTI auraient peut-être été mieux protégés par leur équipement, mais il n’a pas été démontré que leur intervention était ici nécessaire ou que la fusillade aurait pu être évitée ou même que les conséquences pour M. Parasiris ou les membres de sa famille auraient été différentes.

[166]    Dans le cas présent, considérant le court délai entre l’entrée dynamique et le moment où la porte de M. Parasiris s’est ouverte et qu’il a fait feu sur l’agent Tessier, rien ne permet de conclure que les événements se seraient déroulés de façon bien différente avec le GTI.

[167]    À titre illustratif, il est possible d’imaginer, tel que le souligne la Ville, que considérant le type d’équipement que possèdent les membres du GTI, les conséquences pour la famille Parasiris auraient pu être bien plus graves. En fait, c’est une personne habillée de façon plus terrifiante qui se serait présentée à la porte de M. Parasiris. Son allure n’aurait probablement pas empêché M. Parasiris de faire feu.

[168]    Si aujourd’hui, plusieurs scénarios différents peuvent être envisagés dans le cas d’une intervention effectuée par le GTI, tel que le suggèrent les parties[99], ces scénarios ne sont basés que sur des suppositions. Puisqu’il n’y a pas de preuve concluante que le GTI était nécessaire et que les résultats de l’intervention auraient été différents, le Tribunal n’a pas à spéculer.

[169]    Les demandeurs n’ont donc pas démontré que le SPL a commis une faute en ne demandant pas que l’opération soit menée par le GTI.

2.1.6       Les policiers étaient-ils entraînés et préparés adéquatement?

[170]    Selon les demandeurs, les policiers ont commis plusieurs erreurs lors de l’exécution de la perquisition, ce qui démontre un manque d’entraînement et une absence de préparation pour une intervention qu’ils qualifient de « quasi-militaire ».

[171]    À cet égard, ils soulignent :

Quant à l’agent Forbes :

·      Il n’a pas fait de perquisition depuis 1994 et il est revenu au MD une semaine avant celle qui est au cœur du présent litige. Lors de l’intervention, il n’a pas les bonnes munitions dans son arme à feu et son arme est trop grande pour l’étui qu’il porte. Au cours de l’intervention, il a donc laissé son arme chargée par terre dans la chambre de Stéphanie;

Quant à la sergente-détective Allard :

·      Puisqu’elle est de la Gendarmerie Royale, elle n’a pas la bonne veste et elle ne peut pas mettre sa radio dans la poche de sa veste. Ainsi, elle jette sa radio dehors avant d’entrer dans la résidence de sorte que lors de l’intervention, elle doit appeler le 9-1-1 avec son cellulaire puisqu’elle n’a pas de radio;

·      La lampe de poche de la Gendarmerie est, comme elle l’admet, trop encombrante, de sorte qu’elle doit emprunter celle d’une autre policière le matin même, en route vers la résidence de M. Parasiris.

·      Lorsqu’elle entend les coups de feu, elle croit qu’elle est atteinte par balle[100] alors elle s’accroupit et se roule par terre et, en tombant, tire quatre coups de feu, soit : 1) un vers son collègue Tessier, 2) un vers Mme Gounis, 3) un dans le plafond, et 4) un dans le plancher vers le rez-de-chaussée.

 Quant à l’agent Leblanc :

·      Lorsqu’il entend les coups de feu, il tire vers la porte adjacente à la chambre de George, située à droite de l’escalier puisqu’il croit que les coups de feu proviennent de cette chambre, alors qu’ils proviennent en réalité de la chambre de M. Parasiris, située plutôt à gauche de l’escalier;

·      Au cours de l’opération, sa lampe de poche s’éteint, de sorte qu’il doit aller en chercher une autre.

Quant à l’agent Lauzon :

·      Tout comme l’agent Leblanc, lorsqu’il entend les coups de feu, il tire en direction de la chambre de George, laquelle se trouve à droite de l’escalier alors que les coups de feu proviennent de la chambre située à  gauche de l’escalier;

Quant à l’agent Tessier :

·      Il n’a pas fait de perquisitions depuis 1994 et il est revenu au MD une semaine avant la perquisition.

·      Lors de l’intervention, il est vêtu en noir et il ne porte pas d’identification. (l’absence d’identification est considérée par les demandeurs comme une faute particularisée, laquelle fera l’objet d’une analyse distincte).

·      Il est celui qui n’a pas vérifié si une arme est enregistrée sous le nom de Basil Parasiris.

[172]    De surcroît, l’ensemble des policiers qui ont exécuté l’entrée dynamique n’ont pas, selon les demandeurs, agi de façon professionnelle à leur égard puisqu’ils ont, entre autres, laissé Stéphanie se promener dans le corridor alors qu’il y a des coups de feu et que la sergente-détective Allard et l’agent Lauzon eux-mêmes se sont réfugiés dans la baignoire pour se protéger des tirs. Ils ont aussi omis de prendre les précautions nécessaires afin d’éviter que George ne voie son père se faire menotter par les policiers.

[173]    Enfin, ils ont laissé Mme Gounis, blessée au bras, menottée dans le dos pendant plus d’une demi-heure dans la salle de bain, dont la moitié du temps en présence de sa fille, Stéphanie. Cette négligence constitue aussi une faute en soi, selon les demandeurs, et elle sera donc traitée distinctement.

[174]    En somme, pour les demandeurs, l’ensemble de ces erreurs démontre l’absence de qualification et de préparation pour l’intervention et pour tout dire l’amateurisme du SPL.

[175]    De l’avis du Tribunal, ce n’est pas ce que la preuve révèle.

2.1.6.1      La qualification des policiers

[176]    La preuve, telle qu’administrée, démontre que les policiers étaient, dans les faits, entraînés et suffisamment qualifiés pour exécuter une telle perquisition. Voici pourquoi.

[177]    Premièrement, la perquisition exécutée chez M. Parasiris était une parmi six perquisitions, dont cinq exécutées simultanément. Elle faisait partie d’une opération de démantèlement d’un réseau de trafiquants. Or, dans l’affectation des ressources pour de telles interventions, les autorités policières doivent tenir compte d’impératifs administratifs ainsi que des limites des ressources disponibles.

[178]    Avant l’opération, il fut décidé que trois des six perquisitions devaient être exécutées par le GTI. Une évaluation sérieuse des besoins en fonction des ressources a donc été effectuée.

[179]    Deuxièmement, au moment des événements du 2 mars 2007, les agents-enquêteurs du MD sont déjà habilités à réaliser des perquisitions dynamiques et ils sont formés à cet égard. En fait, ils sont régulièrement soumis à des exercices d’entrée dynamique, qui les amènent à faire face à différents scénarios élaborés par le sergent-détective Courtemanche, alors à la tête de l’équipe MD.

[180]    Ainsi, tous les policiers ayant participé à la perquisition dynamique au [...3] [Rue A], ont reçu au préalable au moins une formation complète en entrée dynamique dispensée par le sergent-détective Courtemanche.

[181]    Troisièmement, le sergent-détective Courtemanche qui prépare le plan d’opération pour la perquisition du [...3] [Rue A][101], est dûment qualifié pour préparer ce plan puisque, entre autres[102]:

·      Il a complété son cours de technique policière en 1982 et il travaille au SPL depuis 1983.

·      En 1989, il devient agent de renseignements pour la section des renseignements criminels puis, six mois plus tard, il est promu agent enquêteur au MD.

·      En 1992, il est promu sergent-détective; d’abord à la section des crimes majeurs puis, en 1993, au MD en tant que superviseur de l’équipe ouest.

·      En 1998, il suit un cours d’instructeur en sécurité policière au Collège canadien de police. Ce cours porte notamment sur les perquisitions dynamiques.

·      À titre d’instructeur qualifié par la GRC, il donne à compter de 1998 de la formation spécifique aux agents enquêteurs du MD.  

[182]    Quatrièmement, l’agent Leblanc, qui est en charge de l’intervention au [...3] [Rue A], est aussi dûment qualifié puisqu’il a, entre autres, suivi de multiples formations en matière de perquisition dynamique et de manipulation d’armes à feu. Il a d’ailleurs réalisé de 15 à 30 perquisitions dynamiques avec le MD au cours de sa carrière[103].

[183]    Cinquièmement, l’équipe choisie par le SPL pour exécuter la perquisition chez M. Parasiris détient aussi une vaste expérience puisque, entre autres :

·      La sergente-détective Allard a complété son cours à l’ENPQ[104] en 1990 et elle travaille au SPL depuis 1992. Elle devient agente d’infiltration au MD en 2002 et, en 2004, elle est nommée agente-enquêtrice au MD. En 2005, elle est promue sergente-détective dans la section des crimes généraux[105]. À ce titre, elle a reçu de multiples formations en perquisitions dynamiques, dont la dernière en janvier 2007. Au moment des événements, elle a participé à une quinzaine de perquisitions dynamiques.

·      Le sergent-détective Saillant a complété son cours à l’ENPQ en 1988. Il travaille au SPL depuis 1989. Il est membre du GTI de 1999 à 2002, date à laquelle il devient sergent-détective dans la section des crimes généraux. En plus d’avoir reçu une formation générale sur les perquisitions dynamiques, il a fait 65 perquisitions[106] alors qu’il est au GTI, dont environ 75% sont dynamiques.

·      L’agent Serge Lauzon est à l’emploi du SPL depuis 1990. Avant d’être au MD, il a été policier au GTI pendant plusieurs années où il a suivi les différentes formations et participé aux exercices et simulations. À ce titre, il a réalisé 180 perquisitions[107].

·      L’agent Stéphane Forbes est à l’emploi du SPL depuis 1988. En 2003, il est affecté à la surveillance physique et il rejoint le MD en 2007. Il a réalisé au cours de sa carrière de 15 à 30 perquisitions dynamiques avec le MD[108].

·      L’agent Daniel Tessier est à l’emploi au SPL depuis 1989. Il sera patrouilleur avant de devenir agent enquêteur au MD, puis a été affecté à la surveillance physique. Même s’il ne revient au MD qu’en 2007, peu avant les événements, il a réalisé au cours de sa carrière entre 15 à 30 perquisitions dynamiques avec le MD. D’ailleurs, en février 2007, il a reçu une formation en perquisition dynamique dispensée par le sergent-détective Courtemanche[109].

2.1.6.2      La préparation des policiers

[184]    Quant à la préparation de l’intervention, la preuve révèle que le sergent-détective Courtemanche a préparé un plan de l’opération dès qu’il a reçu les documents de l’agent Leblanc[110].

[185]    Selon ce plan, l’équipe constituée des agents Lauzon et Tessier, la sergente-détective Allard et les agents Forbes et Leblanc doit réaliser la frappe dynamique et ceux-ci doivent se rendre rapidement à l’étage[111]. L’autre équipe, constituée de quatre autres agents, ont pour tâche de sécuriser le rez-de-chaussée.

[186]    Toutefois,  l’agent Leblanc n’est toujours pas de retour avec l’autorisation lorsque le sergent-détective Courtemanche fait le  briefing pour l’intervention à 15 h 30. Il n’annonce donc pas une entrée dynamique pour le [...3] [Rue A], car il n’est pas certain d’obtenir l’autorisation d’y saisir des stupéfiants.

[187]    Lorsqu’informé par l’agent Leblanc que les six mandats de perquisition ont été autorisés par le juge de paix-magistrat, le sergent-détective Courtemanche revoit alors son plan d’opération avec l’agent Leblanc.

[188]    À ce moment-là, il est décidé que l’agent Lauzon et le sergent-détective Saillant, qui ont une expérience au GTI, seront les premiers de leur groupe respectif (soit le groupe assigné à l’étage et celui assigné au rez-de-chaussée) à entrer dans la résidence. Il est aussi convenu que c’est l’agent Lauzon qui entrera le premier de son groupe et l’agent Leblanc sera le dernier puisque, ayant été en charge de l’enquête, il est celui qui en connaît les détails.

[189]    Quant à la sergente-détective Allard, elle entrera la troisième et non la dernière, tel que prévu lors du briefing, mais elle demeure responsable de l’équipe affectée à l’étage, considérant son grade d’officier. Il est à noter que cette dernière est informée de la décision relative au changement lié à l’intervention le 1er mars 2007, soit la veille de la perquisition.

[190]    C’est en fin de journée le 1er mars 2007 que le sergent-détective Courtemanche obtient l’autorisation de ses supérieurs pour procéder à une perquisition dynamique au [...3] [Rue A], et les autres policiers en seront informés le lendemain matin lors de la rencontre préalable à la perquisition.

[191]    Même si ce n’est que le matin du 2 mars 2007 que les autres policiers assignés à la perquisition du [...3] [Rue A], sont informés qu’ils effectueront une entrée dynamique plutôt que statique, cela ne veut pas dire pour autant qu’ils n’étaient pas qualifiés ou adéquatement préparés.

[192]    En fait, considérant ce qui précède, la preuve révèle plutôt le contraire. Les policiers étaient formés et préparés pour exécuter cette perquisition dynamique. Le plan de l’opération démontre une préparation sérieuse en vue de cette intervention.

[193]     De plus, le matin même du 2 mars 2007, tous les policiers du SPL[112] affectés à la perquisition du [...3] [Rue A], se rencontrent pour un autre briefing dans un stationnement commercial de la Rive-Sud.

[194]    Les policiers revoient alors les rôles de chacun et le déroulement de l’opération. Les conseils usuels sont répétés avant que les neuf policiers qui doivent entrer dans la résidence soient répartis en deux équipes, dans deux camionnettes banalisées.

[195]    Ce matin-là, dans leur camionnette respective stationnée à proximité de la résidence de M. Parasiris, les policiers discutent à nouveau de leur rôle respectif, en attendant que le feu vert soit donné du poste de commandement.

[196]    S’il est vrai que les policiers ont commis certaines erreurs lors de l’exécution du mandat de perquisition, la preuve révèle que ces erreurs ne sont pas liées à une absence de préparation et elles ne sont pas causales de dommages.

2.1.6.3      Les fautes commises par les policiers dans le cadre de la perquisition

[197]    Le 2 mars 2007, dès qu’ils reçoivent le  feu vert  à 5h10 a.m., les policiers s’approchent silencieusement de la résidence. Deux patrouilleurs stationnent leur véhicule dans l’entrée alors que d’autres patrouilleurs se placent à l’arrière de la résidence afin de prévenir toute tentative de fuite.

[198]    C’est l’agent Forbes qui utilise le bélier pour défoncer la porte. Alors qu’il frappe un deuxième coup, le sergent-détective Saillant crie le mot « police ». Lors du troisième coup, soit environ six secondes après le premier, la porte cède et les neuf policiers entrent dans la résidence en criant à nouveau « police ».

[199]    Les policiers assignés à l’étage entrent en premier dans l’ordre convenu[113] en tenant leur arme dans les mains, orientée vers le sol et près du corps.

[200]    Tel que prévu, l’agent Lauzon se dirige vers la porte située en haut de l’escalier, du côté droit, mais il ne peut l’ouvrir puisqu’il y a un meuble qui la bloque de l’intérieur.

[201]    L’agent Tessier, qui est le deuxième policier de son groupe, se dirige vers la porte située à la gauche de l’escalier. Alors que la sergente-détective Allard, la troisième à monter à l’étage, arrive sur le palier en haut des marches, M. Parasiris ouvre la porte de sa chambre. Dès que M. Parasiris aperçoit dans le cadre de porte un homme habillé en noir qui pointe son arme, il fait feu, instantanément, sur l’agent Tessier[114].

[202]    Selon les policiers, il ne s’est écoulé que quelques secondes[115] entre le coup de bélier initial et le coup de feu tiré par M. Parasiris.

[203]    La preuve démontre que ce sont ces coups de feu tirés par M. Parasiris qui sont à l’origine des événements qui se sont déroulés par la suite. L’opération n’était peut-être pas parfaite, mais ce n’est pas non plus le standard auquel les policiers sont tenus[116].

[204]    Il n’est pas nécessaire de reprendre la séquence des événements qui se sont déroulés à la suite des premiers coups de feu, comme le suggère les demandeurs, puisqu’ils admettent eux-mêmes que les erreurs auxquels ils font référence et qui sont précédemment décrites ne sont causales d’aucun dommage en ce que :

·      L’arme de l’agent Forbes, laissée dans la chambre de Stéphanie, n’a pas été utilisée, que ce soit par M. Forbes ou quelqu’un d’autre;

·      Même si elle n’avait pas de radio, la sergente-détective Allard a pu contacter sans délai la centrale 9-1-1 avec son téléphone portable;

·      Le fait que la sergente-détective Allard emprunte la lampe de poche à un autre policier n’a aucune incidence sur le déroulement des événements;

·      Les coups tirés par les agents Lauzon et Leblanc n’ont atteint personne.

[205]    En réalité, les demandeurs procèdent à une analyse minutieuse et détaillée de tous les gestes posés par les policiers et leurs réactions. Ce faisant, ils se prêtent à un exercice visant à établir, a posteriori, que les policiers ont commis des erreurs dans le cadre de leurs interventions. Pour eux, leur démarche démontre que les policiers n’avaient pas en réalité la préparation requise ou qu’ils n’étaient pas suffisamment qualifiés pour exécuter la perquisition.

[206]    Toutefois, ce n’est pas ce que la preuve révèle.

[207]    Les policiers étaient formés et entraînés pour exécuter la perquisition. Le plan de l’opération de même que les briefings préalables démontrent une préparation sérieuse. 

[208]    Les demandeurs n’ont donc pas établi, de façon probante, que les policiers ont commis une ou des fautes et ils ont encore moins démontré que la ou les fautes sont causales de dommages, comme il le sera plus amplement expliqué dans la section du présent jugement consacrée à la causalité.

2.1.7           L’identification de l’agent Tessier était-elle défaillante?

[209]    Mme Gounis et M. Parasiris affirment que c’est un homme en noir qui s’est présenté dans le cadre de leur porte de chambre. Selon M. Parasiris, l’agent Tessier portait une tuque alors que, selon Mme Gounis, c’était plutôt un casque.

[210]    En somme, les demandeurs soutiennent que l’agent Tessier ne portait pas une casquette de police qui aurait permis de l’identifier.

[211]    De surcroît, ils ajoutent que l’agent Tessier ne portait aucune autre identification de police puisque sa languette contenant une identification était, le matin du 2 mars 2007, cachée à l’intérieur de sa veste. Enfin, il était impossible, selon eux, de voir le petit écusson de police situé sur le ceinturon de l’agent Tessier, de sorte que M. Parasiris ne pouvait pas savoir qu’il était un policier.

[212]    Les demandeurs plaident que la preuve prépondérante démontre que l’agent Tessier portait une tuque noire lors de la perquisition. À ce sujet, ils réfèrent aux photos prises à la suite des événements et aux différentes contradictions notées lors du procès criminel[117] et suggèrent que le SPL a délibérément choisi de ne pas obtenir d’expertise de la tuque retrouvée sur les lieux après les événements[118].

[213]    Puisque l’agent Tessier n’affichait aucun signe distinctif visible du SPL, il a, selon les demandeurs, commis une faute grave.

[214]    Le Tribunal ne peut conclure en ce sens.

[215]    D’une part, les demandeurs n’ont pas démontré qu’un policier doit avoir un signe distinctif sur la tête lors de l’exécution d’une telle perquisition. D’autre part, contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, la preuve recueillie et l’enquête faite après les événements ne permettent pas de déterminer avec certitude que l’agent Tessier portait une tuque lors de la perquisition.

[216]    De la même façon, la preuve n’établit pas de façon prépondérante que l’agent Tessier ne portait pas de signe distinctif à l’effigie du SPL[119], pas plus qu’il existe une obligation pour lui de le faire[120].

[217]    En fait, de l’admission même de M. Parasiris, il n’a pas pu voir si l’agent Tessier portait une identification puisqu’il a tiré dès qu’il a vu le visage de l’agent Tessier[121]:

R. So, I hear: «Bang! Bang!» Then they started screaming. Stephanie is screaming. It happens so fast.

Q. Yeah.

R. «What the fuck? What the fuck?» (inaudible) is screaming, « there’s somebody, people in the hall, they’re going to… people. George, do… Bill… do something.» I grabbed the gun, I go to the door, there. Now, I don’t remember if I opened the door or the police officer pushed the door opened. Like, as soon as I opened the door, all I see is his face, a face and all those people behind. I’m freaking out. Like, I shoot, I think, once, twice.

[…]

Q. (…) As soon as you saw his face, probably you shot at him.

R. Yeah.[122]

[Soulignements du Tribunal]

[218]    M. Parasiris a donc tiré dès l’ouverture de la porte et lorsqu’il a aperçu un homme grand, habillé en noir :

Q. When the door was open, let’s put it that way, what is it you saw exactly?

R. I saw this big man. He was all dressed in black, dark. All I saw was just a big face and he had his hand like this pointing at me and then, he lunged at me as soon as I opened the door and I just… I instantly shot.[123]

[Soulignements du Tribunal]

[219]    La preuve révèle que M. Parasiris n’a pas porté attention à la présence de signes d’identification et il ne peut affirmer de façon convaincante que l’agent Tessier n’en portait pas. Il en va de même de Mme Gounis, dont le témoignage n’est pas plus probant à cet égard.

[220]    Ainsi, les demandeurs n’ont pas établi de façon prépondérante que l’agent Tessier a commis une faute en ne portant pas de signe distinctif visible et ils n’ont pas non plus démontré que cette faute, si faute il y a, serait causale de dommages vu le témoignage de M. Parasiris.

2.1.8       Les demandeurs ont-ils été traités de façon abusive au cours de la perquisition?

[221]    Les demandeurs plaident que, pendant l’exécution de la perquisition, les policiers ont traité Mme Gounis et, par ricochet, sa fille Stéphanie, de façon abusive et qu’ils ont omis d’agir humainement à leur égard.

[222]    Pour en juger, un bref retour sur les événements qui ont suivi les coups de feu tirés par M. Parasiris s’impose.

[223]    Au moment où elle entend le premier coup de feu, la sergente-détective Allard arrive sur le palier à l’étage. Elle tient son arme dans sa main droite, pointée vers le bas, et sa lampe de poche dans sa main gauche. Elle s’accroupit et regarde vers la droite en direction de l’agent Lauzon[124], puis elle se retourne pour regarder à gauche, en direction de l’agent Tessier. C’est à ce moment qu’elle réalise qu’il y a quelqu’un dans la chambre située à gauche des escaliers qui fait feu sur elle et ses collègues.

[224]    Comme il s’agit d’une « agression physique grave »[125], elle fait feu en direction de la chambre pour protéger sa vie et celle de ses collègues[126]. Elle atteint alors, sans le savoir, Mme Gounis, qui est debout au pied du lit, derrière M. Parasiris, qui fait feu sur les policiers.

[225]    Au moment où elle se relève pour se diriger vers la salle de bain située en face pour se protéger, elle entre en collision avec l’agent Lauzon, qui recule dans la même direction pour aller se protéger, tout en tirant devant lui. Elle tombe donc sur le côté droit et, puisqu’elle a toujours son arme dans la main et son doigt sur la détente, elle tire pendant sa chute trois coups de feu, comme on l’a vu précédemment[127].

[226]    Ainsi, suivant le premier coup de feu tiré par M. Parasiris, plusieurs coups de feu sont tirés simultanément, tant par M. Parasiris que par les policiers.

[227]    C’est donc dans ce contexte que la sergente-détective Allard et l’agent Lauzon se retrouvent tous deux dans la salle de bain pour se protéger des coups de feu tirés dans le corridor.

[228]    La sergente-détective Allard se croit blessée puisqu’elle a du sang sur les mains. L’agent Lauzon la rassure et lui demande dès lors d’appeler l’assistance puisqu’il sait qu’il y a un policier de blessé.

[229]    Au même moment, Stéphanie arrive dans le corridor, près de la salle de bain et elle touche à l’agent Forbes, qui a été atteint par une balle tirée par M. Parasiris. L’agent Lauzon fait signe à Stéphanie de s’approcher pour l’amener dans le bain, à l’abri des tirs, et il demande à la sergente-détective Allard de s’en occuper[128].

[230]     C’est l’agent Lauzon qui, de la porte de la salle de bain crie[129] en direction de la chambre des maîtres qu’ils sont de la police et ordonne à M. Parasiris de montrer ses mains. Pendant ce temps, la sergente-détective Allard informe Stéphanie qu’ils sont des policiers et elle lui demande de rester dans la salle de bain pour sa sécurité.

[231]    George, qui est  à ce moment-là dans sa chambre, communique aussi avec le 9-1-1 et constate en regardant à l’extérieur qu’il y a deux voitures de police devant sa maison. Selon George, il s’est alors écoulé environ une minute entre le moment où il entend du monde entrer dans sa maison et le moment où il voit les voitures de police à l’extérieur[130].

[232]    Pour sa part, Mme Gounis va se cacher dans la garde-robe de sa chambre et elle réalise alors qu’elle est blessée. Elle prend un chandail dans sa garde-robe pour protéger sa blessure, puis elle retourne se coucher par terre, à côté du lit, et elle se met à crier.

[233]    L’agent Forbes, qui est grièvement blessé au bras, descend les escaliers.
Le sergent-détective Saillant, qui se trouve juste en bas, l’amène à l’extérieur de la maison pour que l’agente Bouhid s’en occupe. Lorsqu’il revient dans la maison, le sergent-détective Saillant arrache l’alarme de sécurité, pour qu’elle arrête de sonner, puis, à la demande de l’agent Lauzon, il attend en bas de l’escalier que M. Parasiris lui montre ses mains avant de monter à l’étage.

[234]    Lorsqu’autorisé par l’agent Lauzon, le sergent-détective Saillant se dirige immédiatement vers la chambre de George, située à la droite des escaliers, croyant qu’une menace se cache toujours à cet endroit. C’est alors qu’il aperçoit George, un jeune homme grand et costaud[131].

[235]    Le sergent-détective Saillant rassure George et lui confirme qu’ils sont des policiers, puis il inspecte la chambre attenante à la chambre de l’adolescent afin de s’assurer qu’il n’y a personne d’autre dans la pièce. Considérant qu’il faut sécuriser la résidence et compte tenu du physique imposant de George, il le menotte et lui demande de rester sur son lit et de ne pas bouger.

[236]    De son côté, la sergente-détective Allard se place dans le cadre de porte de la salle de bain pour couvrir l’agent Lauzon pendant qu’il demande à M. Parasiris de montrer ses mains. Malgré la directive reçue, Stéphanie tente de sortir de la salle de bain, mais la sergente-détective Allard la repousse pour l’empêcher de se diriger vers le corridor, soit là où les coups de feu ont été tirés, et elle lui enjoint à nouveau de rester dans la salle de bain.

[237]    Ce n’est que lorsqu’elle quitte la salle de bain que la sergente-détective Allard voit l’agent Tessier, couché par terre, qui git « inerte, dans son sang » le haut de son corps, dans la chambre des maîtres et le bas de son corps, dans le corridor.

[238]    Ignorant les consignes du sergent-détective Saillant, George ouvre la porte de sa chambre et il aperçoit le corps de l’agent Tessier allongé sur le sol. La sergente-détective Allard lui ordonne à nouveau de retourner sans sa chambre pour éviter qu’il ne soit blessé.

[239]    Ensuite, l’agent Lauzon ordonne à M. Parasiris de sortir de la chambre des maîtres, ce qu’il ne peut faire puisque le corps de l’agent Tessier bloque la porte de la salle de bain attenante à la chambre des maîtres, où M. Parasiris s’est réfugié.

[240]    Les sergents-détectives Allard et Saillant couvrent donc l’agent Lauzon pendant qu’il déplace l’agent Tessier, en le prenant par les pieds et le tirant jusqu’à la chambre de Stéphanie.

[241]    Le sergent-détective Saillant se dirige immédiatement vers le corps de l’agent Tessier et il le retourne sur le dos pour commencer sans délai les manœuvres de réanimation. En fait, comme les policiers ne savent pas à ce moment que l’agent Tessier est décédé, l’objectif est de lui donner de l’oxygène rapidement.

[242]    À ce même moment, l’agent Lauzon s’approche de la chambre et ordonne à nouveau à M. Parasiris de sortir, en rampant de manière à ce que l’on puisse voir ses mains.

[243]    Aussitôt sorti de la chambre, l’agent Lauzon menotte M. Parasiris et l’amène au rez-de-chaussée pour qu’il soit surveillé[132]. Il remonte ensuite à l’étage pour aider le sergent-détective Saillant à porter secours à l’agent Tessier.

[244]    La sergente-détective Allard et l’agent Leblanc, qui couvrent toujours la chambre des maîtres, entendent alors une femme crier. Ce n’est qu’en s’approchant de la chambre qu’ils aperçoivent Mme Gounis au sol, à quatre pattes, près du lit.

[245]    La sergente-détective Allard s’assure d’abord que Mme Gounis est seule et qu’elle n’est pas armée. Puis, elle lui demande de sortir de la chambre en rampant vers elle, de manière à ce que l’on puisse voir ses mains.

[246]    Mme Gounis est en état de choc; elle hurle et hésite à sortir puisqu’elle ne veut pas ramper dans le sang de l’agent Tessier.

[247]    Les demandeurs soulignent qu’il est possible d’entendre à cet instant sur les ondes du 9-1-1 l’agent Lauzon crier à M. Parasiris « T’as tiré sur la police ». À ce moment, les coups de feu ont cessé. Pour les demandeurs, l’agent Lauzon réalise alors, ou aurait dû réaliser, que M. Parasiris a tiré par erreur sur le policier, parce qu’il a été surpris.

[248]    Ainsi, selon les demandeurs, dès que M. Parasiris sort de la chambre, la situation est maîtrisée. Mme Gounis, qui est alors à quatre pattes par terre avec une blessure au bras ne représente donc pas un danger. D’ailleurs, la bande sonore du
9-1-1 révèle qu’elle est terrorisée. Manifestement, elle voit qu’elle est blessée et elle a peur pour ses enfants.

[249]    Malgré tout, la sergente-détective Allard et l’agent Leblanc[133] pointent leur pistolet sur Mme Gounis. La sergente-détective Allard insiste pour qu’elle sorte de la chambre en rampant et elle la menotte dès qu’elle est rendue dans la salle de bain.

[250]    Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit là d’un traitement « barbare et inhumain ».

[251]    À l’audience, la sergente-détective Allard explique que la formation donnée aux policiers impose de telles précautions afin de minimiser les risques. Que ce soit à dix pieds ou à trois pieds de distance, Mme Gounis pouvait représenter un danger, puisqu’à ce moment, l’arme à feu de M. Parasiris se trouvait vraisemblablement toujours dans la chambre où était Mme Gounis.

[252]    La sergente-détective Allard précise d’ailleurs que, lorsqu’il y a une arme à feu sur un lieu de perquisition, les policiers doivent toujours considérer qu’il est possible d’en trouver une autre. De plus, considérant les événements qui venaient de se produire, il était impossible de prévoir la réaction de Mme Gounis.

[253]    Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, les circonstances justifiaient ici une telle intervention. S’il est possible aujourd’hui de soutenir, avec la vision que permet le recul, qu’il n’existait probablement à ce moment précis plus aucun danger, tel n’était pas le cas au moment des événements.

[254]    Pour les policiers, le danger était bien réel et le risque était toujours présent. La décision de la sergente-détective Allard de suivre les enseignements reçus en demandant à Mme Gounis de ramper pour sortir de la chambre était donc justifiée. La sergente-détective Allard voulait minimiser le risque que les policiers soient obligés de se servir de leur arme contre Mme Gounis, si celle-ci avait réagi soudainement, de façon déraisonnable.

[255]    La sergente-détective Allard a suivi, comme elle se devait de le faire, la formation. Aucun reproche ne peut lui être adressé dans le contexte présent.

[256]    Par la suite, lorsque la sergente-détective Allard menotte Mme Gounis, elle ne révèle pas de blessure et Mme Gounis ne lui dit pas qu’elle est blessée au bras.

[257]    Mme Gounis va donc rejoindre sa fille Stéphanie, qui est dans la salle de bain, et elle aperçoit alors son fils George, qui est dans le couloir. En fait, George admet qu’il n’a pas respecté les ordres des sergents-détectives Saillant et Allard et qu’il s’est rendu à quelques reprises à la porte de sa chambre pour voir ce qui se passait.

[258]    Les policiers expliquent qu’ils doivent dès lors contrôler tous les occupants de la résidence et tant que toutes les pièces de la maison ne sont pas sécurisées, la menace n’est pas totalement écartée.

[259]    Une fois Mme Gounis sortie, l’agent Leblanc sécurise donc la chambre des maîtres. Puis, avec la sergente-détective Allard, ils sécurisent la salle de bain attenante, dans laquelle ils localisent dans la « cuvette », l’arme à feu de M. Parasiris.

[260]    Ce n’est finalement que lorsqu’elle repasse près de la salle de bain que la sergent-détective Allard réalise que Mme Gounis est blessée au bras. Toutefois, Mme Gounis est consciente et la blessure semble superficielle[134].

[261]    Puis, sachant que les ambulanciers arriveront sous peu pour prendre Mme Gounis en charge, la sergente-détective Allard se dirige vers la chambre de Stéphanie, où se trouve le corps de l’agent Tessier, pour prêter main forte à ses collègues dans leurs manœuvres de réanimation.

[262]    Les demandeurs affirment que la sergente-détective Allard n’aurait pas dû menotter Mme Gounis ou, à tout le moins, qu’elle aurait dû lui retirer les menottes sans délai après avoir réalisé qu’elle était blessée[135].

[263]    Or, les demandeurs insistent sur le fait que Mme Gounis est restée menottée près de trente minutes[136] alors que Stéphanie se trouve à ses côtés. Elle pleure et elle crie « Maman, ne meurs pas ».

[264]    Selon eux, cette décision de ne pas démenotter Mme Gounis est injustifiable puisque, de l’admission même des policiers[137], des blessures par balle sont toujours dangereuses et requièrent une attention immédiate.

[265]    Certes, il aurait été préférable que Mme Gounis soit démenottée plus rapidement, mais dans le contexte, les gestes des policiers s’expliquent.

[266]    En fait, lorsque la première ambulance arrive sur les lieux, les ambulanciers sont immédiatement dirigés par les policiers vers l’agent Tessier, qui se trouve à l’intérieur, inconscient. Quant à la seconde ambulance, elle prend en charge l’agent Forbes, dont la blessure est très sérieuse[138].

[267]    Le sergent-détective Saillant, qui est descendu pour aller chercher la civière pour aider les ambulanciers, aperçoit en remontant à l’étage Stéphanie et Mme Gounis menottées dans la salle de bain. Mme Gounis est consciente et, malgré sa blessure au bras[139], elle n’est pas dans un état qui, selon le sergent-détective Saillant, nécessite des soins immédiats.

[268]    Puisque la priorité est d’évacuer l’agent Tessier, qui est dans un état critique, le sergent-détective Saillant va porter assistance aux ambulanciers.

[269]    Pendant ce temps, George et Stéphanie sont amenés au salon situé au rez-de-chaussée où les agentes Bouhid et Gaumont s’occupent d’eux et les rassurent quant à l’état de leurs parents[140].

[270]    Lorsque l’agent Leblanc descend au salon, il dit à Stéphanie et George que leurs parents ne sont pas blessés. À l’évidence, l’agent Leblanc ne sait pas à ce moment que Mme Gounis est blessée. Quoique manifestement inquiets, les enfants sont calmes, ils ne pleurent pas et ils ne crient pas. L’agent Leblanc démenotte donc George et il amène Stéphanie à la cuisine pour lui laver les mains[141].

[271]    Puis, l’agent Leblanc charge les agentes Bouhid et Gaumont d’amener M. Parasiris à l’hôpital.

[272]    Avant qu’elles ne quittent, l’agent Lauzon demande à l’agente Bouhid d’aller démenotter Mme Gounis. Toutefois, lorsqu’elle arrive à l’étage, l’agente Bouhid constate que Mme Gounis a du sang sur elle[142]. Or, elle n’a plus de gants de latex avec elle puisqu’elle les a utilisées lorsqu’elle a porté assistance à M. Forbes.

[273]    L’agente Bouhid témoigne du fait que, selon la formation qu’elle a reçue, elle ne peut démenotter quelqu’un s’il y a un risque de contact avec du sang. Il s’agit là d’une règle qui vise à assurer la sécurité tant du policier que de la personne blessée. Elle avise donc l’agent Lauzon[143] qu’elle ne peut la démenotter et elle quitte avec M. Parasiris pour l’hôpital.

[274]    C’est ce qui explique pourquoi Mme Gounis ne sera démenottée que lorsque la dernière ambulance arrive sur les lieux, soit à 5h42[144].

[275]    En somme, considérant l’ensemble des événements décrits avec détails et précisions, tant lors du procès criminel que lors de la présente instruction, le Tribunal ne peut conclure que les policiers ont traité les demandeurs de façon abusive. Au total, les policiers ont agi de façon diligente à l’égard des demandeurs. En fait, ils ont respecté les normes policières applicables, comme ils se devaient de le faire, en vue d’assurer tant leur sécurité que celle des demandeurs et de réduire les risques, jusqu’à ce que la résidence soit entièrement sécurisée.

[276]    D’ailleurs, la preuve révèle que les policiers étaient justifiés de ne prendre aucune chance  puisqu’ils ont découvert par la suite deux autres armes à feu dans la chambre des maîtres et encore une dans la cuisine, au rez-de-chaussée. Les précautions prises par les policiers étaient légitimes et leurs décisions à l’égard des occupants de la résidence s’expliquent dans les circonstances.

[277]    Pour conclure comme les demandeurs le suggèrent, le Tribunal devrait ignorer totalement le contexte global et l’ensemble des événements. Il devrait faire abstraction du fait qu’un des policiers a été tué et un autre gravement blessé et analyser de façon isolée le traitement ou l’attention portés à chacun des demandeurs, sans égard pour les diverses interventions des policiers qui se déroulent au même moment dans la résidence. Le Tribunal ne peut avalyser cette approche en silo, qui a pour effet de déformer la réalité à laquelle devaient faire face les policiers alors que deux des leurs venaient d’être blessés par balle.

[278]    L’intervention policière à l’égard des demandeurs ne fut évidemment pas parfaite, mais les policiers ne sont pas tenus à un standard de perfection.

[279]    Ici, la preuve révèle que les policiers se sont assurés, du mieux qu’ils pouvaient dans les circonstances, de la sécurité de chacun des occupants, comme l’aurait fait tout policier normalement prudent et diligent.

[280]    Même si les événements ont été, à l’évidence, traumatisants pour les demandeurs, le Tribunal ne peut conclure pour autant qu’ils ont été victimes d’un traitement abusif, barbare ou inhumain de la part des policiers.

2.1.9       Conclusion sur la faute

[281]    À la suite de la réception d’un rapport de source visant un réseau de trafiquants de stupéfiants opérant sur leur territoire, les policiers du SPL ont mené une enquête rigoureuse avec objectivité et sérieux.

[282]    Au terme de cette enquête, ils ont conclu à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire que M. Parasiris était membre de ce réseau et que des stupéfiants seraient trouvés à sa résidence. À la lumière de la preuve administrée au procès, cette conclusion n’était pas déraisonnable.

[283]    La déclaration sous serment de l’agent Leblanc, déposée au soutien de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition, comporte un résumé fidèle des informations colligées. Même si elle contient certaines erreurs, contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, cette déclaration n’est pas trompeuse.

[284]    Par la suite, les policiers ont exécuté un mandat de perquisition dûment autorisé par un juge de paix-magistrat.

[285]    Même si, ultérieurement, ce mandat fut déclaré nul, la responsabilité des policiers n’est pas pour autant engagée puisqu’ils ont agi comme le ferait tout policier raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

[286]    Quant à l’exécution du mandat de perquisition, même s’il est vrai que l’intervention policière n’était pas parfaite, il n’a pas été démontré que les policiers ont enfreint la norme de diligence.

[287]    Le Tribunal ne peut aujourd’hui, comme le suggèrent les demandeurs, procéder à une analyse en rétrospective de chacun des gestes posés par les policiers et revoir toutes leurs décisions, de façon isolée, sans tenir compte du contexte global dans lequel l’intervention s’est déroulée.

[288]    Dans le cas présent, prenant en considération l’ensemble des faits, les policiers ont exécuté la perquisition de façon raisonnablement prudente et diligente.

[289]    Ainsi, donc, les demandeurs n’ont pas établi par preuve prépondérante que les policiers ont commis une faute et, par conséquent, la responsabilité de la défenderesse n’est pas engagée.

[290]    Il n’est donc pas nécessaire d’analyser en détail les arguments des parties sur la faute contributoire de M. Parasiris.

[291]    Toutefois, puisque la question du lien de causalité entre les fautes alléguées et les dommages a fait l’objet d’une preuve abondante et d’une argumentation sérieuse, certains commentaires s’imposent.

2.2      LIEN CAUSAL

[292]    La Ville plaide que l’appartenance de M. Parasiris à un milieu criminogène, le fait de détenir illégalement des armes à feu chargées et cachées un peu partout dans la résidence, ainsi que l’intoxication de Mme Gounis et M. Parasiris le soir précédant la perquisition, ont causé des problèmes de perception et la réaction disproportionnée à la perquisition, ce qui est, selon elle, à l’origine des dommages subis par les demandeurs.

[293]    Les demandeurs répondent, d’une part, que les activités de trafic de M. Parasiris peuvent être une cause de l’exécution d’un mandat de perquisition, mais elles ne peuvent être la cause d’une perquisition illégale, exécutée avec une force excessive, ou de manière fautive.

[294]    D’autre part, ils affirment que l’implication de M. Parasiris, dans le trafic de stupéfiants, s’il en est, n’affecte pas leur droit d’obtenir une condamnation pour les dommages causés par les policiers considérant que ces activités sont antérieures à la perquisition.

[295]    À cet égard, ils précisent d’ailleurs que le geste de M. Parasiris ne constitue pas un novus actus inteveniens et ils soutiennent que même si M. Parasiris a commis une faute, ce qu’ils nient, cette faute ne serait que contributoire à celles commises par les policiers[145]. Les policiers demeurent donc, selon les demandeurs, responsables solidairement avec M. Parasiris des dommages qui leur ont été causés.

[296]    Enfin, ils précisent que la présumée connaissance de Mme Gounis des activités illicites de son mari, n’a aucune pertinence puisqu’elle n’a pas causé de dommages.

2.2.1       La version de M. Parasiris et de Mme Gounis

[297]    S’il est vrai que les activités illicites de M. Parasiris ne pourraient justifier l’exécution d’un mandat de perquisition fautif, elles permettent toutefois, dans le cas présent, de comprendre les circonstances dans lesquelles s’est déroulée la perquisition. Voici pourquoi.

[298]    Premièrement, la preuve administrée par la Ville démontre de façon probante que M. Parasiris est impliqué dans le trafic de stupéfiants, ce qu’il admet d’ailleurs lors de son arrestation[146].

[299]    Toutefois, M. Parasiris soutient par la suite que son implication était plutôt limitée. Lorsque contre-interrogé au préalable, il nie même être impliqué directement[147].

[300]    Au cours du procès, il concède difficilement qu’il ait lui-même fait quelques transactions pour le compte de Nick. Il reconnaît tout au plus avoir fait du trafic sur une petite échelle, uniquement pour s’aider financièrement.

[301]    La preuve documentaire saisie au [...3] [Rue A] révèle pourtant que son implication était importante. Lorsque confronté à la preuve documentaire recueillie[148], M. Parasiris finit par admettre qu’il s’agit de comptabilité liée à la vente de stupéfiants. Il se décrit néanmoins comme un intermédiaire et il minimise son rôle.

[302]    Lorsqu’il est questionné davantage sur l’importance des transactions énumérées  dans ces documents, il répond que ces montants sont plutôt liés à des travaux effectués au Golf-O-Max. De la même façon, lorsqu’interrogé sur les autres éléments matériels de preuve recueillie[149], tels ses multiples téléphones cellulaires, M. Parasiris répond entre autres qu’il les collectionne pour les pièces.

[303]    Les explications de M. Parasiris à ce propos sont, à l’évidence, invraisemblables et son témoignage n’est pas convaincant.

[304]    Enfin, les réponses de M. Parasiris au sujet de ses liens avec son filleul Mani et l’implication de ce dernier dans le réseau de trafiquants, ses liens avec Nick et Costa et les motifs de ses visites au 3470A, rue Broadway, ne tiennent tout simplement pas la route.

[305]    Les documents saisis dans le sac de M. Parasiris font état de transactions de stupéfiants pour des montants élevés avec plusieurs individus différents, ce qui apparaît clairement incompatible avec le type de transactions que M. Parasiris admet avoir faites.

[306]    La preuve administrée[150] démontre plutôt que l’implication de M. Parasiris dans le trafic de stupéfiants est sérieuse et importante. La version que donne M. Parasiris n’est pas conciliable avec la preuve faite.

[307]    Deuxièmement, les explications de Mme Gounis quant à sa connaissance des activités illicites de son mari ne sont pas plus convaincantes.

[308]    À titre d’exemple, Mme Gounis consommait régulièrement de la drogue avec son mari sans qu’elle ne l’ait jamais questionné sur la provenance des stupéfiants. Interrogée à ce sujet à l’instruction, ses réponses sont aussi évasives que peu crédibles.

[309]    Enfin, il appert que Mme Gounis a participé à la rédaction des documents comptables liés à la vente de stupéfiants[151] et le Tribunal ne peut retenir sa version lorsqu’elle dit qu’elle croyait qu’il s’agissait de prêts consentis à des clients du Golf-O-Max.

[310]    À l’évidence, Mme Gounis était bien au fait de l’implication de son mari dans le trafic de stupéfiants[152] même si aujourd’hui, elle aimerait convaincre le Tribunal du contraire.

[311]    Troisièmement, M. Parasiris avait quatre armes chargées dans sa résidence. La première, celle utilisée pour tirer sur l’agent Tessier, a été achetée en 1985 dans un magasin situé à Montréal. Les trois autres ont été achetés illégalement entre 2000 et 2006 d’un camionneur américain, client du Golf-O-Max.

[312]    Trois de ces quatre armes étaient rangées à l’étage, dans la garde-robe de la chambre des maîtres, alors que l’autre se trouvait au rez-de-chaussée, dans une armoire de la cuisine. Elles étaient donc toutes entreposées dans un endroit non verrouillé et prêtes à être utilisées. Mme Gounis le savait très bien.

[313]    M. Parasiris admet qu’il voulait se protéger en cas d’attaque ou de cambriolage puisqu’il a été, dit-il, victime d’un vol à main armée au Golf-O-Max. Curieusement, il ne garde aucune arme à feu à son commerce. Elles se trouvent toutes à sa résidence.

[314]    Manifestement, M. Parasiris sait que son implication dans le milieu criminalisé est sérieuse et qu’elle le met à risque d‘une attaque contre laquelle il veut se prémunir.

[315]    Quatrièmement, la preuve révèle que M. Parasiris et Mme Gounis consommaient régulièrement de l’alcool, des stupéfiants et de la cocaïne[153].

[316]    Le 1er mars 2007 au soir, quelques heures avant la perquisition, M. Parasiris consomme une quantité considérable d’alcool et de drogue[154]. Lorsque Mme Gounis revient à la maison vers 23h00 ce soir-là, elle se joint à lui pour consommer de l’alcool et de la cocaïne.

[317]    Lorsqu’ils montent à leur chambre vers 2h00-3h00 du matin, M. Parasiris prend de l’Ativan, un médicament prescrit à Mme Gounis avant les événements pour traiter ses attaques de panique. Une analyse sanguine révèle aussi une consommation d’Ecstacy[155]. M. Parasiris dit s’être couché vers 4h00 a.m. le 2 mars 2007, soit environ une heure avant la perquisition.

[318]    Ainsi, à l’arrivée des policiers, les capacités de M. Parasiris et de Mme Gounis sont plus qu’affaiblies et leur perception comme leur jugement sont altérés, ce qui explique la réaction excessive de M. Parasiris ce matin-là.

[319]    À l’instar de la Ville, le Tribunal relève que M. Parasiris a rendu plusieurs témoignages contradictoires[156].

[320]    À l’instruction, Mme Gounis et son mari minimisent l’implication de M. Parasiris dans le commerce des stupéfiants et banalisent l’état dans lequel ils étaient au moment de la perquisition dans le but évident de justifier leur réaction à l’arrivée des policiers.

[321]    L’habillement ou l’identification présumément défaillante de l’agent Tessier apparaît comme une excuse visant en fait à justifier le geste de M. Parasiris.

[322]    En somme, le Tribunal ne peut retenir la version des faits présentée par M. Parasiris et Mme Gounis.

2.2.2       Ce qui s’est produit lors de la perquisition est-il une conséquence normale et prévisible de la faute?

[323]    Il est acquis que le dommage doit être la conséquence logique, directe et immédiate de la faute[157]. Il revient aux demandeurs d’établir ce lien par prépondérance de preuve.

[324]    Dans le cas présent, si tant est que les policiers aient commis les fautes alléguées, la preuve ne révèle pas de lien causal avec les dommages. Voici pourquoi.

[325]    D’abord, l’omission des policiers de cocher la case appropriée pour l’exécution du mandat de nuit n’est causale d’aucun dommage puisqu’à défaut d’être autorisés, les policiers auraient exécuté le mandat de jour, soit à ou après 6h00 au lieu de 5h10. Or, la preuve ne permet pas de conclure que si le mandat avait été exécuté à 6h00, l’intervention se serait déroulée autrement[158].

[326]    Quant à l’absence de vérification adéquate du registre des armes à feu, s’il en est, la preuve ne révèle pas qu’une vérification complète aurait amené les policiers à changer le « modus operandi ».

[327]    En fait, une vérification par le nom aurait peut-être amené les policiers à se questionner davantage quant à la possible présence d’armes à feu sur les lieux à être perquisitionnés. Peut-être qu’ils se seraient protégés autrement; peut-être même auraient-ils ajouté des effectifs additionnels pour réaliser l’entrée dynamique chez M. Parasiris.

[328]    Aujourd’hui, avec la vision idéale que permet le recul, on peut présumer qu’une vérification différente aurait conduit les policiers à évaluer le risque autrement. Mais, une telle évaluation aurait convaincu à coup sûr les policiers d’exécuter une entrée dynamique, ce qu’ils ont fait de toute façon.

[329]    Pour ce qui est du défaut d’exécuter la perquisition avec le GTI, la preuve ne permet pas de conclure que l’entrée dynamique se serait faite autrement et que le résultat aurait été différent avec son intervention.

[330]    En fait, pour les motifs précédemment exprimés, la preuve révèle plutôt le contraire. M. Parasiris a tiré dès que la porte de sa chambre s’est ouverte et qu’il a aperçu un homme en noir, devant lui.

[331]    Pour la même raison, en ce qui concerne l’identification défaillante de l’agent Tessier, les demandeurs n’ont pas établi qu’une identification plus claire aurait évité la fusillade.

[332]    Quant à la préparation inadéquate des policiers, les demandeurs n’ont pas, non plus, démontré qu’avec une préparation différente, il aurait été possible d’éviter la fusillade. Qui plus est, ils n’ont pas démontré que la préparation des policiers ait été déficiente.

[333]    En ce qui concerne les multiples erreurs commises par les policiers dans le cadre de l’exécution de la perquisition, tel que mentionné précédemment[159], elles ne sont la cause d’aucun dommage.

[334]    Enfin, quant au traitement réservé aux demandeurs par les policiers dans le cadre de l’intervention, il n’a pas été démontré qu’il existe un lien de causalité entre les gestes posés par les policiers à leur égard à la suite de la fusillade et les dommages qu’ils prétendent avoir subis. Les policiers ont paré au plus urgent pour sécuriser les lieux comme c’était leur rôle. Les demandeurs n’en ont subi aucun dommage[160].

[335]    En somme, la preuve révèle que M. Parasiris a fait feu dès l’ouverture de la porte et aussitôt qu’il a aperçu le visage de l’agent Tessier. Mme Gounis et M. Parasiris n’ont pas entendu les policiers crier « police » en entrant dans leur résidence et, considérant leur état d’intoxication, cela n’a rien de surprenant.

[336]    La séquence qui suit le premier coup de feu tiré par M. Parasiris ne peut aujourd’hui faire l’objet d’un découpage plan par plan visant à établir un lien causal entre la faute des policiers et les dommages prétendument subis par les demandeurs, comme ceux-ci le suggèrent.

[337]    Considérant les présentes conclusions, le Tribunal ne traitera que brièvement des questions de la prescription et des dommages.

2.3      DOMMAGES

2.3.1       Quelle est la valeur des dommages subis par les demandeurs?

2.3.1.1      Mme Gounis

[338]    Mme Gounis réclame 150 000 $ pour les dommages corporels et psychologiques qu’elle prétend avoir subis à la suite de l’intervention fautive des policiers. La Ville plaide que sa réclamation est exagérée.

·           Le préjudice psychologique de Mme Gounis

[339]    Mme Gounis réclame 75 000 $[161] pour « l’angoisse et la terreur qui l’ont habitée pendant cette intrusion nocturne, ainsi que dans les heures qui sont (sic) suivi, et pour l’angoisse et la détresse psychologiques (et troubles physiologiques) qu’elle a dû vivre jusqu’au 13 juin 2008, date de l’acquittement de son mari et au-delà et pour son état post-traumatique avec symptômes de reviviscence résiduels et incapacité partielle permanente. »[162]

[340]    Au soutien de ce volet de sa réclamation, Mme Gounis dépose un rapport d’expertise du Dr Kunicki, médecin psychiatre, daté du 7 juillet 2011[163], lequel conclut à un trouble de résiduels de reviviscence et évalue l’incapacité partielle permanente (IPP) de Mme Gounis à 10%.

[341]    Mme Gounis est âgée de 40 ans au moment des événements[164]. Elle est séparée de M. Parasiris depuis le mois de février 2011, après 22 ans de mariage, et a deux enfants, George et Stéphanie.

[342]    Mme Gounis est agente administrative et elle a travaillé à la Faculté de médecine de l’Université McGill pendant près de 17 ans jusqu’à ce qu’elle quitte son emploi pour aller travailler, jusqu’au moment des événements, au commerce de son mari, le restaurant/bar Golf-O-Max.

[343]    Avant ces événements, Mme Gounis ne souffrait d’aucun problème de santé important. Toutefois, elle s’est déjà présentée à l’hôpital pour une attaque de panique qui a été diagnostiquée et traitée par son médecin comme un trouble anxieux avec symptôme dépressif.

[344]    Le matin des événements, à la demande des policiers, Mme Gounis sort de la chambre en rampant dans le sang du policier abattu, puis elle reste menottée environ 30 minutes jusqu’à ce que les ambulanciers arrivent[165].

[345]    À la suite des événements, elle est conduite à l’hôpital où elle est opérée pour sa blessure au bras. Lorsqu’elle est à l’hôpital, elle « a un vague souvenir d’avoir fait quelques cauchemars en lien avec les événements, sans pour autant avoir vécu autre chose que le souci de la nouvelle situation dans laquelle elle se trouvait »[166].

[346]    À sa sortie de l’hôpital, Mme Gounis demeure pour quelques semaines chez sa sœur à Brossard avec les enfants et elle trouve un psychologue pour sa famille.

[347]    Pendant cette période, Mme Gounis subvient aux besoins de la famille et visite régulièrement  M. Parasiris en prison jusqu’à ce qu’il soit libéré en avril 2007 sous condition de rester chez ses parents. Du mois d’avril 2007 à l’automne 2008, toute la famille demeurera chez les parents de M. Parasiris.

[348]    Pendant cette période, Mme Gounis se rend régulièrement avec les enfants le jour à leur résidence du [...3] [Rue A]. Mme Gounis précise à son expert qu’elle ne se rappelle pas si, pendant cette période, elle a eu les symptômes de type cauchemar ou reviviscence ou d’évitement à l’égard de la maison[167].

[349]    De l’été 2007 à l’automne 2008, Mme Gounis continue les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie recommandés jusqu’à ce qu’elle récupère suffisamment pour retourner au travail.

[350]     Au printemps 2008, elle vit une période d’angoisse et de crainte liée au procès criminel de son mari et cette appréhension ne se calmera que lorsqu’il sera acquitté des accusations de meurtre et libéré sous caution jusqu’à son procès pour possession illégale d’arme à feu. À l’été 2008, la famille déménage à St-Hubert.

[351]    En janvier 2009, M. Parasiris est incarcéré de nouveau à la suite de sa condamnation sur les accusations de possession illégale d’arme à feu, de sorte que Mme Gounis est seule pour assumer les besoins de la famille.

[352]    En mai 2009, Mme Gounis retourne travailler à l’Université McGill,  cette fois au département des services éducatifs, où elle occupe un poste de coordonnatrice pour les échanges d’étudiants avec d’autres pays.

[353]    En juin 2009, la mère de Mme Gounis décède d’une infection développée à la suite d’une opération à la colonne vertébrale et en juillet 2009, M. Parasiris est remis en liberté moyennant des conditions qu’il doit respecter. Peu de temps après, il se remet à consommer de l’alcool abusivement.

[354]    En mai 2010, le père de Mme Gounis décède à son tour[168] et peu de temps après, Mme Gounis apprend que M. Parasiris entretient une relation extraconjugale, alors qu’il vient tout juste d’obtenir sa libération totale.

[355]    À ce sujet, Mme Gounis dit à son expert qu’elle a, à ce moment, « complètement perdu la carte ». C’est d’ailleurs à cette époque qu’elle se met à avoir des cauchemars et vivre des phénomènes de reviviscence en lien avec les événements.

[356]    Elle explique qu’elle se sent alors triste, anxieuse et elle fait de l’insomnie, et c’est pourquoi elle consulte un psychothérapeute qui l’informe qu’elle présente des symptômes qui s’apparentent à un « état de stress post-traumatique ». Toutefois, elle ne consultera pas de médecin et ne prendra pas de médication à la suite de ce diagnostic. Elle ne se soumet pas non plus à une évaluation en psychiatrie ou à des consultations thérapeutiques.

[357]    En février 2011, à la suite d’un violent échange verbal et d’une altercation physique, le couple Parasiris-Gounis se sépare.

[358]    Dans son rapport, Dr Kunicki, écrit au niveau de l’impression diagnostique :

Axe 1 :     Trouble conjugal.

                Trouble d’adaptation avec symptômes anxio-dépressifs.

                État de stress post-traumatique chronique avec symptômes         résiduels de revivescence.

Axe II :      Trais de personnalité obsessionnelle.

                Axe III :          Nil.

Axe IV :    Deux stresseurs significatifs, la rupture conjugale récente et les procédures pour la cour.

Axe V :     Son niveau de fonctionnement dans la dernière année, selon l’échelle EGF se situe aux alentours de 51-60.[169]

                [Soulignements du Tribunal]

[359]    En utilisant la section des désordres mentaux et comportementaux pour calculer les pourcentages d’incapacité, le Dr Kunicki évalue à 10% l’incapacité permanente de Mme Gounis[170]. Il conclut que les séquelles sont d’intensité modérée à sévère.

[360]    Pour sa part, le Dr Chamberland, psychiatre expert retenu par la Ville, conclut au diagnostic suivant :

Axe I :       Trouble de stress post-traumatique avec symptômes de résiduels.

Axe II :      Aucun trouble ou trait de personnalité pathologique.

Axe III :     Au niveau des maladies physiques, Madame souffre d’une limitation des mouvements et de la sensibilité à la main droite.

Axe IV :    Au niveau des facteurs de stress, on note l’événement vécu le 2 mars 2007. Par la suite, Madame a vécu des difficultés dans sa relation de couple.

Axe V :     Le fonctionnement social global selon l’échelle EFG se situe présentement à 65.[171]

[Soulignement du Tribunal]

[361]    Le Dr Chamberland écrit que Mme Gounis présente certains symptômes résiduels du trouble de stress post-traumatique dont elle a souffert à la suite de la perquisition. Par contre, il précise que les symptômes de Mme Gounis ne l’empêchent pas d’être fonctionnelle au niveau psychiatrique, et ce, tant au plan professionnel qu’à celui de ses relations familiales et sociales. Au final, il évalue l’incapacité partielle permanente de Mme Gounis à 5%.

[362]    Ainsi, même si le Dr Chamberland et le Dr Kunicki en arrivent à un même diagnostic, ils évaluent différemment l’incapacité partielle permanente de Mme Gounis.

[363]    L’expert de la Ville note que les difficultés relationnelles du couple Gounis-Parasiris sont liées à un changement d’attitude de M. Parasiris et non aux symptômes résiduels du trouble de stress post-traumatique.

[364]    Le Dr Chamberland souligne de surcroît qu’il a rencontré Mme Gounis six mois après sa rencontre avec le Dr Kunicki. Or, le Dr Kunicki a rencontré celle-ci alors qu’elle venait tout juste de se séparer et il est donc possible qu’elle ait alors été plus troublée.

[365]    Enfin, le Dr Chamberland précise que, malgré  les symptômes résiduels du stress post-traumatique, Mme Gounis fonctionne bien. Elle travaille à temps plein, s’entraîne trois fois par semaine et elle entretient de belles relations avec ses collègues de travail, ses enfants et ses proches[172].

[366]    L’évaluation de l’incapacité dressée par le Dr Chamberland est fondée sur des critères objectifs et elle tient compte des épreuves importantes vécues par Mme Gounis à la suite de la perquisition et qui s’avèrent sans lien avec les événements du 2 mars 2007. Les explications de l’expert relatives à l’écart entre ses propres conclusions et celles du Dr Kunicki sont convaincantes. Le Tribunal retient donc les conclusions du
Dr Chamberland aux fins de la détermination de la valeur des dommages.

[367]    À l’audience, Mme Gounis dit que, suite à l’événement, elle est devenue plus irritable, moins patiente. Elle explique qu’elle est nerveuse en présence de gens qu’elle ne connaît pas, qu’elle fait des crises de panique et qu’elle souffre d’anxiété et d’insomnie. Enfin, elle affirme avoir vécu des cauchemars et des flash-backs[173].

[368]    Lors de son témoignage, le Tribunal constate que Mme Gounis est non seulement affectée par les événements qui se sont déroulés lors de la perquisition, mais aussi par ceux qui ont marqué sa vie après celle-ci, tel la mort de ses parents et sa séparation d’avec M. Parasiris.

[369]    Elle a d’ailleurs dû consulter un psychologue à la suite de ses difficultés conjugales et du décès de ses deux parents[174], alors qu’elle n’a pas jugé nécessaire de faire un suivi du même type à la suite de la perquisition.

[370]    La preuve révèle donc que Mme Gounis a vécu plusieurs épreuves importantes après les événements qui ont assurément eu un impact sur son état psychologique[175].

[371]    Enfin, le Tribunal note que, malgré ce qu’elle a vécu, Mme Gounis est toujours active et autonome. Elle travaille à temps plein et conserve une belle relation avec sa famille et ses proches.

[372]    Considérant les événements difficiles vécus par Mme Gounis après la perquisition, et qui n’y sont pas liés,  et considérant l’état actuel de Mme Gounis, le montant de sa réclamation, quoique réduit considérablement à la fin de l’instruction, n’apparaît ni fondée ni justifiée.

[373]    Dans les circonstances, en adoptant une approche personnelle et fonctionnelle[176] de calcul qui vise à évaluer d’un point de vue subjectif les dommages non pécuniaires découlant du traumatisme subi et des symptômes résiduels du trouble de stress post-traumatique, et tenant compte des indemnités accordées par les tribunaux[177], le Tribunal aurait évalué les dommages psychologiques de Mme Gounis à 30 000 $.

·           Le dommage corporel

[374]    Mme Gounis réclame 75 000 $[178] pour « la blessure très sérieuse qu’elle a subie au bras, blessure qui a nécessité des interventions chirurgicales, ainsi que pour l’incapacité physique qui en a résulté (déficit neurologique et préjudice cicatriciel )» [179].

[375]    Au soutien de ce volet de sa réclamation, elle dépose un rapport d’expertise du Dr L’Espérance, neurochirurgien, daté 26 juin 2011[180], lequel conclut à un déficit global au niveau neurologique de 4% de la personne entière[181].

[376]    Quoique gauchère, Mme Gounis témoigne que plusieurs inconvénients découlent de sa blessure au bras droit. À titre d’exemple, elle dit avoir de la difficulté à effectuer des tâches avec sa main droite, telles, entre autres, taper au clavier de l’ordinateur, utiliser sa souris ou conduire une voiture manuelle.

[377]    Elle explique qu’elle a perdu de la force, de la dextérité et de la sensibilité à la main droite. Elle affirme ressentir un engourdissement constant, des douleurs et une sensibilité accrue au bras.

[378]    Mme Gounis indique toutefois au Dr L’Espérance que sa douleur est tolérable et c’est la raison pour laquelle elle a décidé de ne pas suivre les traitements qui lui ont été recommandés à la clinique de la douleur[182]. De la même façon, Mme Gounis a consulté un ergothérapeute et un physiothérapeute à la suite des événements, mais elle n’a pas respecté l’ensemble du programme d’exercices établi par ces derniers puisqu’elle ne s’est pas présentée à tous ses rendez-vous.

[379]    Tenant compte des évaluations faites par d’autres juges[183] et considérant la preuve administrée quant à ce chef de réclamation, le Tribunal aurait évalué le préjudice corporel de Mme Gounis à 20 000 $.

2.3.1.2      George Parasiris

[380]    Georges réclame 25 000 $[184] pour « la terreur et l’angoisse qu’il a vécues au moment de l’intrusion nocturne, ainsi que dans les heures qui ont suivi, et pour les troubles psychologiques et physiologiques qui en ont résultés (sic) par la suite, au point où il a dû consulter des psychologues pour essayer de retrouver son équilibre et pour son état post-traumatique chronique, avec symptômes de reviviscence résiduels et l’évitement résiduels »[185].

[381]    George a 15 ans au moment des événements. Il est alors étudiant au secondaire et il joue au football pour l’équipe de son école.

[382]    Ce matin-là, lorsque les policiers arrivent, il est dans sa chambre. Dès qu’il entend des bruits dans la maison, il fait le 9-1-1. Lorsqu’il réalise que les policiers sont déjà chez lui, il sort de sa chambre et voit quelqu’un étendu au sol, gisant dans son sang. Un policier le ramène dans sa chambre, le menotte et lui ordonne d’y rester.

[383]    Toutefois, George admet qu’il n’écoute pas les consignes des policiers puisqu’il se rend à quelques reprises dans le corridor où il aperçoit sa mère blessée au bras.

[384]    Il est par la suite escorté par les policiers au rez-de-chaussée avec sa sœur, puis conduit dans un premier temps à l’hôpital, et, dans un deuxième temps, au poste de police où sa tante viendra le chercher.

[385]    À la suite de ces événements, George rencontre un psychiatre qui lui aurait diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique, mais aucun suivi à cet égard ne sera effectué autre qu’un suivi irrégulier avec un psychologue de l’école pendant environ un an.

[386]    Au soutien de sa réclamation, George dépose un rapport du Dr Kunicki, l’expert qui a reçu le mandat d’évaluer les conséquences psychologiques en lien avec les événements du 2 mars 2007[186].

[387]    Lorsque George le rencontre le Dr Kunicki le 26 avril 2011, il déclare qu’il ne garde pas de souvenirs précis des événements. Il dit qu’il ne croit pas avoir fait de cauchemars après coup. Il précise toutefois qu’il a parfois des « flash-backs » du policier ensanglanté, de sa mère blessée et qu’il lui arrive d’entendre à l’occasion des bruits ou des chiens qui aboient.

[388]    De plus, il mentionne avoir « été surtout perturbé par l’importante médiatisation autour de sa famille »[187], ainsi que par le décès de ses trois grands-parents sur une période d’un an et demi suivant la perquisition.

[389]    Le Dr Kunicki révèle que George a des difficultés d’apprentissage et, quoiqu’elles ne se soient pas détériorées après les événements, souligne qu’elles ont persisté, de sorte qu’il n’a pas réussi à compléter son secondaire. Ultérieurement, il obtiendra son diplôme d’équivalence et il travaillera, entre temps, comme livreur.

[390]    À ce sujet, l’expert Kunicki conclut que George a un déficit de l’attention, avec quelques aspects résiduels d’impulsivité.

[391]    Le Dr Kunicki diagnostique un état de stress post-traumatique chronique, avec symptômes de reviviscence et d’évitement résiduel[188]. Il souligne que George est déjà vulnérable par la présence d’un déficit de l’attention chez l’adulte et il est donc plus susceptible dans l’avenir de développer un trouble anxieux. Dans ses conclusions, l’expert écrit :

Bref, même si à l’examen aujourd’hui tout semble pour le mieux, il n’est pas exclu, que dans l’avenir, par la combinaison de ses propres vulnérabilités et l’exposition à l’événement de mars 2007, qu’il puisse développer une psychopathologie. Ainsi, le lien entre les événements du 2 mars 2007 et cet éventuel épisode sera à explorer.

Nous sommes d’opinion, que quoiqu’il ne semble pas manifester de séquelles psychologiques, ceux-ci risquent fortement de se manifester un jour[189].

[392]    Pour sa part, le Dr Chamberland, mandaté par la Ville pour évaluer les séquelles de George, diagnostique un trouble de stress aigu en rémission complète et stable[190]. Comme le Dr Kunciki, il conclut à une incapacité partielle permanente psychologique de 0%[191].

[393]    À l’audience, le Dr Chamberland explique qu’il ne peut conclure à un stress post-traumatique, considérant la durée des symptômes. En fait, il indique qu’après une période de plus d’un mois, les symptômes décrits par George n’étaient pas suffisamment présents pour qu’il puisse conclure comme le fait le Dr Kunicki.

[394]    George, pour sa part, témoigne qu’à la suite des événements, ses résultats scolaires ont subi une baisse puisqu’il avait alors de la difficulté à se concentrer.

[395]    La preuve révèle, toutefois, que les résultats scolaires de George ne se sont pas détériorés[192] et que le déficit de l’attention avec hyperactivité diagnostiqué par le Dr Kunicki n’a pas de lien avec les événements[193].

[396]    Par ailleurs, George dit souffrir de « flash-backs » et il explique que depuis les événements, il se sent inconfortable en présence de policiers et qu’il a peur des chiens.

[397]    À ce sujet, le Dr Chamberland indique que des « flash-backs » sont beaucoup plus qu’un souvenir ou une simple image qui revient à l’esprit, tel que les décrit George. L’expert explique qu’il s’agit plutôt une impression de revivre réellement un événement.

[398]    De surcroît, à l’instar du Dr Chamberland, le Tribunal note que le témoignage de George sur son malaise face à des policiers et sa peur des chiens est peu convaincant, considérant que la famille a acheté un chien Doberman huit mois après les événements et que George a occupé un emploi pendant près d’un an auprès d’une compagnie de système d’alarmes, ce qui l’amenait à communiquer régulièrement avec les services de police.

[399]    Enfin, la preuve nous apprend que George n’a pas perdu d’intérêt dans ses passe-temps et qu’il a continué à jouer au football à la suite des événements du 2 mars 2007. Sa vie sociale et scolaire n’ont pas été réellement affectées.

[400]    Ici, vu la preuve administrée et le fait que les deux experts n’attribuent aucune incapacité partielle permanente à George, le montant de sa réclamation, quoique réduit considérablement à la fin de l’instruction, s’avère non justifié[194].

[401]    Dans les circonstances, et tenant compte de la preuve et des critères d’évaluation, le Tribunal aurait évalué les dommages non pécuniaires de George à 5 000 $.

2.3.1.3       Stéphanie Parasiris

[402]    Stéphanie réclame 75 000 $[195], pour « la terreur et l’angoisse qu’elle a vécues au moment de l’intrusion nocturne, ainsi que dans les heures qui ont suivi, et pour les troubles psychologiques et physiologiques qui en ont résultés (sic) par la suite, au point où elle a dû consulter des psychologues pour essayer de retrouver son équilibre et pour son état post-traumatique avec symptômes de reviviscence. »[196].

[403]    Âgée de sept ans au moment des événements, Stéphanie dort dans sa chambre lorsque les policiers surgissent dans la maison. Pendant l’échange de coups de feu, elle est réveillée par un des policiers, qui la conduit dans la salle de bain. En marchant dans le corridor, elle aperçoit le corps de l’agent Tessier allongé par terre.

[404]    Stéphanie ne se souvient pas réellement de la séquence des événements, ni de ce qu’elle a vu ou entendu[197].

[405]    Par la suite, Stéphanie rencontre le Dr King, psychologue, à six reprises entre le 16 mai 2007 et le 16 janvier 2008[198].

[406]    Au cours des semaines suivant la perquisition, elle présente des symptômes d’anxiété associés à des troubles de sommeil et des symptômes somatiques, tels  que des douleurs gastriques et des vomissements, mais ces symptômes se sont atténués avec le temps.

[407]    Le Dr King souligne dans son rapport que Stéphanie ne voulait pas parler des événements, mais il ajoute qu’il s’agit d’un mécanisme d’adaptation face à une expérience traumatisante. Il note, de plus, la « présence de symptômes sporadiques de stress post-événement ». Toutefois, selon lui, avec sa résilience et le support de sa famille, Stéphanie arrive malgré tout à « s’en sortir » avec l’événement traumatisant qu’elle a vécu.

[408]    Le Dr Gignac, médecin psychiatre, expert retenu par les demandeurs[199], constate aussi, lorsqu’il rencontre Stéphanie en juin 2011,  qu’elle a tendance à se refermer lorsqu’elle est questionnée sur les événements dont elle garde un souvenir peu précis.

[409]    Il note que les symptômes d’anxiété et les peurs qui l’habitent sont générés par l’évitement. Il diagnostique donc un symptôme de stress post-traumatique et note la présence d’évitement du contenu psychique et reviviscence en lien avec les événements. Il parle d’un émoussement affectif notable[200].

[410]    Selon le Dr Gignac, le « stresseur principal relève de l’événement du 2 mars », mais il retient aussi des difficultés d’adaptation familiales, la séparation récente des parents. Il écrit que « les mécanismes d’adaptation mises (sic) de l’avant par Stéphanie, ont été efficaces afin qu’elle puisse reprendre son développement personnel et poursuivre sa vie sociale et scolaire »[201].

[411]    Toutefois, considérant que l’isolement affectif et l’évitement sont des mécanismes de défense qui sont toujours présents, il attribue à Stéphanie 5% d’incapacité partielle permanente en lien avec ses séquelles psychologiques.

[412]    Cette conclusion est confirmée par le Dr Gauthier[202], psychiatre, expert qui a rencontré Stéphanie en janvier 2012[203]. Ce dernier ajoute toutefois que ce pourcentage correspond à une atteinte d’intensité légère.

[413]    Aujourd’hui, Stéphanie dit avoir souffert de cauchemars et de flashbacks, mais elle concède qu’elle en a de moins en moins. Toutefois, elle n’aime pas parler des événements. Elle admet à l’audience que ce fut difficile pour elle d’être séparée de son père et de devoir le visiter en prison.

[414]    En somme, la preuve révèle que Stéphanie demeure aux prises avec des séquelles et une vulnérabilité psychologiques en lien avec les événements, mais aussi en lien avec l’emprisonnement de son père et la séparation de ses parents. Ces deniers facteurs ne sont pas liés à la faute alléguée des policiers.

[415]    Enfin, la condition de Stéphanie ne requiert pas, de l’avis du Dr Gauthier, de mise en place de mesures de traitement. Son pronostic est positif[204]. Stéphanie ne présente d’ailleurs pas de problèmes fonctionnels particuliers. Elle pratique toujours des sports, elle a une vie sociale normale et elle réussit bien au niveau scolaire.

[416]    Ainsi, considérant la preuve administrée et les expertises déposées et tenant compte des critères d’évaluation, le Tribunal aurait évalué le préjudice psychologique subi par Stéphanie à 30 000 $.

2.4      LA PRESCRIPTION

[417]    Le délai de prescription pour une action en dommages-intérêts contre une municipalité est de six mois[205]. Toutefois, un recours dont la cause est fondée sur un préjudice corporel se prescrit par trois ans[206]. La prescription commence à courir le jour où le droit d’action a pris naissance[207].

[418]    Il est acquis qu’il peut y avoir interruption de prescription dans le cadre d’un recours en dommages-intérêts pour une arrestation abusive, si on démontre la nécessité d’obtenir un jugement sur les accusations portées à la suite de l’arrestation abusive pour trancher la question de la responsabilité civile découlant de l’accusation[208]. Toutefois, si les éléments nécessaires à l’analyse de l’acte fautif du policier sont connus dès l’arrestation, alors il n’y a pas de suspension de la prescription[209].

[419]    Ici, la perquisition s’est déroulée le 2 mars 2007 et le jugement du Tribunal déclarant la perquisition illégale remonte au 5 juin 2008. La demande introductive d’instance des demandeurs est déposée à la Cour le 27 novembre 2008.

[420]    La Ville plaide, d’une part, que George et Stéphanie n’ont pas subi de préjudice corporel et, par conséquent, que c’est le délai de prescription de six mois qui s’applique à leur réclamation.

[421]    À ce sujet, la Ville précise que Stéphanie et George réclament pour des dommages moraux qui, selon l’arrêt de la Cour suprême, dans Schreiber c. Canada (PG)[210], ne sont pas considérés comme une atteinte à l’intégrité physique :

             64. (…) l’exigence de la preuve d’une atteinte réelle à l’intégrité physique signifie que l’atteinte à des droits dûment qualifiés de droits d’ordre moral n’est pas incluse dans cette catégorie d’actions.  Les atteintes à des droits fondamentaux comme le droit à la liberté, à la vie privée et à la réputation peuvent donner lieu à des actions qui sont considérées comme d’ordre moral ou matériel, selon les droits personnels touchés.  Ainsi le choc causé par une arrestation injustifiée peut donner lieu à une action pour dommages moraux, mais non à une action pour « préjudice corporel ».  En l’absence d’autres formes de préjudice comportant une atteinte à l’intégrité physique de la personne, la perte de la liberté personnelle résultant de l’acte illégal de la police ou de l’État, accompagnée du sentiment d’humiliation, de la perte de la capacité d’agir de façon indépendante ainsi que du stress psychologique qui découle de pareilles situations, demeure assimilée à une forme de dommage moral et doit être indemnisée comme telle.

                         [Soulignements et emphase du Tribunal]
[Citations omises]

[422]    La Ville soutient aussi que le recours des demandeurs repose sur deux causes d’actions distinctes, soit 1) les fautes commises par les policiers dans le cadre de l’obtention du mandat de perquisition, et 2) les fautes commises par les policiers dans le cadre de l’exécution de celui-ci.

[423]    Selon la Ville, en ce qui a trait à la cause d’action liée à l’exécution de la perquisition, tous les éléments nécessaires à l’analyse des actes prétendument fautifs des policiers étaient connus des demandeurs[211] au moment de son exécution et l’issue de la demande de cassation du mandat n’y changeait rien[212]. Il ne peut donc pas, selon elle, y avoir interruption de la prescription jusqu’au jugement du Tribunal sur l’illégalité de la perquisition.

[424]    Selon elle, le délai de prescription relatif à la cause d’action liée aux fautes commises par les policiers dans l’exécution du mandat de perquisition commençait donc à courir le 2 mars 2007.

[425]    Or, la Ville souligne que tous les dommages prétendument subis par George et Stéphanie découlent entièrement de l’exécution du mandat de perquisition. Il en va de même de la partie de la réclamation de Mme Gounis pour ses dommages moraux liés à l’intervention policière puisque, selon la Cour suprême dans Cinar c. Robinson[213], « c’est la violation initiale, plutôt que les conséquences de cette violation, qui sert de fondement pour décider du type de préjudice subi».

[426]    Ainsi, pour la Ville, lorsque vient le temps de décider si c’est la prescription de six mois qui s’applique ou celle de trois ans, il faut établir d’abord si l’acte qui a causé le préjudice est en soi une atteinte à l’intégrité physique. Selon elle, le délai de prescription a commencé à courir à compter des faits, soit le 2 mars 2007 et, mis à part la réclamation de Mme Gounis pour ses dommages corporels, le recours des demandeurs est prescrit.

[427]    Le Tribunal n’est pas de cet avis. Voici pourquoi.

[428]    Premièrement, en ce qui concerne la réclamation de Mme Gounis, comme le précise la Ville elle-même, ce qui importe dans l’identification de la source du dommage, c’est l’atteinte première[214].

[429]    Or, depuis l’arrêt Schreiber c. Canada[215], le dommage moral consécutif à une atteinte au corps humain doit entrer dans la catégorie de l’atteinte physique. La Cour d’appel écrit à ce sujet que :

[17] […] une atteinte psychologique aussi légère soit-elle consécutive à une atteinte physique au corps humain doit rentrer dans cette catégorie. La personne humaine doit, en effet, être considérée comme un tout, c’est-à-dire dans son aspect matériel (le corps, la santé physique) mais aussi dans son aspect psychologique ou immatériel (le bien-être ou la santé mentale). Dès qu’il y a donc atteinte à l’intégrité physique d’un individu, quelle qu’elle soit et quel que soit son degré, et que celle-ci entraîne des conséquences sur le plan psychologique, il y a préjudice corporel au sens de la loi.[216]

[Soulignement du Tribunal]

[430]    Ce principe est, par ailleurs, repris par la Cour suprême dans Montréal (Ville) c. Dorval[217] :

[26] Le débat porte plutôt sur l’interprétation de l’art. 2930 C.c.Q. dans son ensemble et, plus précisément, sur l’énoncé « lorsque l’action est fondée sur l’obligation de réparer le préjudice corporel causé à autrui ». Cet énoncé nous invite clairement à qualifier le fondement de l’action intentée pour décider de l’application de l’art. 2930 C.c.Q. à un cas d’espèce. Le fondement de l’action correspond alors à l’acte fautif générateur de l’atteinte à l’intégrité physique de la victime décédée, soit le préjudice corporel subi. C’est donc dire que, pour l’application de cet article, c’est la nature de l’atteinte initiale plutôt que le chef de dommages-intérêts réclamé qui qualifie de corporel le préjudice et qui constitue la source ou le fondement de l’action.

                         [Soulignement du Tribunal]

[431]    Ici, Mme Gounis a été blessée par balle lors de la perquisition. Elle réclame d’ailleurs, à la fois, pour les blessures corporelles et pour les blessures psychologiques subies à la suite de la perquisition exécutée de façon abusive, à son avis, par les policiers.

 

 

[432]    À cet égard, elle affirme que ses dommages psychologiques[218] sont liés à la façon dont elle a été traitée par les policiers, sans considération aucune pour son état du moment, soit sa blessure au bras.

[433]    Dans le cas présent, une analyse distincte des dommages subis par Mme Gounis en fonction des fautes prétendument commises par les policiers, telle que le propose la Ville, serait contraire à l’interprétation large et libérale de l’article 2930 du Code civil du Québec retenu par la doctrine et la jurisprudence depuis l’arrêt de la Cour suprême dans Montréal (Ville de) c. Tarquini[219].

[434]    Mme Gounis a subi un préjudice corporel et sa réclamation découle donc de cette atteinte première. Par conséquent, son recours se prescrit par trois ans et sa demande a été déposée dans les délais.

[435]    Deuxièmement, en ce qui concerne la réclamation de Stéphanie, tous les experts conviennent qu’elle a subi un choc post-traumatique des suites de la perquisition.

[436]    Même s’il est acquis qu’un préjudice corporel ne peut exister en l’absence d’une atteinte à l’intégrité physique à la personne, reste que cette notion doit être interprétée largement comme le précise la Cour suprême dans Schreiber c. Canada[220] :

La notion d’intégrité physique demeure à la fois souple et susceptible d’englober une vaste gamme d’atteintes à l’intégrité de la personne ainsi que les conséquences en découlant. Cette notion ne se limite pas aux cas précis où du sang a coulé ou des ecchymoses sont apparues sur le corps. Le choc nerveux causé par une intervention policière brutale a été jugé constituer un cas de « préjudice corporel » au même titre que la douleur et la souffrance physiques causées par une contrainte physique de la personne.

[Soulignements du Tribunal]
[Références omises]

[437]    Stéphanie a subi un choc post-traumatique causé par l’intervention policière et, par conséquent, elle a subi une atteinte à son intégrité physique et son recours se prescrit par trois ans.

[438]    Enfin, la preuve révèle que Stéphanie a été traumatisée par les blessures subies par sa mère. Elle dit d’ailleurs avoir eu peur de perdre sa mère des suites de ses blessures. Le fondement de son action correspond, en partie, à l’acte fautif générateur de l’atteinte à l’intégrité physique de sa mère[221]. Le recours de Stéphanie n’est donc pas prescrit.

[439]    Troisièmement, quant à la réclamation de George, la preuve prépondérante établit que, même s’il ne conserve pas d’incapacité partielle permanente, il a aussi subi un choc post-traumatique. À ce sujet, quoique les experts aient des opinions divergentes sur la possibilité de qualifier officiellement le choc qu’il a subi de « choc post-traumatique »[222], ils conviennent tous deux qu’il a subi un choc nerveux des suites de la perquisition et ils définissent sa condition de façon très similaire.

[440]    De l’avis du Tribunal, la preuve révèle que George a aussi subi une atteinte à son intégrité physique et son recours n’est pas prescrit.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[441]    Rejette la demande des demandeurs, Panagiota Gounis, George Parasiris et Stéphanie Parasiris;

[442]    Avec frais de justice.

 

 

__________________________________ France DULUDE, J.C.S.

 

Me Jacques Larochelle

Me Philippe Larochelle

Avocats des demandeurs

 

Me Alexandre Thériault-Marois

Me Maryann Carter

Me Hugues Doré-Bergeron

Avocats de la défenderesse

 

 

 

 

 

 


 

TABLE DES MATIÈRES

 

L’APERÇU................................................................................................................................. 1

1.      LE CONTEXTE................................................................................................................. 3

2.      L’ANALYSE....................................................................................................................... 7

2.1     LA FAUTE................................................................................................................ 7

2.2     LIEN CAUSAL....................................................................................................... 51

2.3     DOMMAGES......................................................................................................... 56

2.4     LA PRESCRIPTION.............................................................................................. 67

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :................................................................................. 71

TABLE DES MATIÈRES....................................................................................................... 72

 

 



[1]     C’est-à-dire qu’ils sont entrés sans avis en défonçant la porte avec un bélier (voir par. 117 du présent jugement).

[2]     Tel que modifié lors des plaidoiries à la suite de l’instruction. Les demandeurs réclamaient initialement 850 000 $.

[3]     Pièce DVL-45.

[4]     Aux paragraphes 1 à 51 du jugement du 5 juin 2008. Pièce P-1.

[5]      Loi réglementant les drogues et autres substances (L.C. 1996, ch. 19).

[6]     Pièces DVL-7 et DVL-9.

[7]     Pièces DVL-7 et DVL-9.

[8]          Pièce DVL-13.

[9]          Pièce DVL-15.

[10]        Pièce DVL-2.

[11]    Pièce DVL-6.

[12]     Richer c. Emery, [2003] R.R.A. 1201, par. 75; Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2017 QCCA 1919, par. 6.

[13]        Lacombe c. André, [2003] R.J.Q. 720, par. 29; Lafleur c. Fortin, 2015 QCCS 4461, par. 114-129.

[14]        Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 72-73; Lacombe c. André, [2003] R.J.Q. 720, par. 41; Jauvin c. Québec (Procureur général), [2004] R.R.A. 37, par. 44, 59; Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2017 QCCA 1919, par. 6; Godin c. Ville de Montréal, 2017 QCCA 1180, par. 18-22; Jean Pierre c. Benhachmi, 2018 QCCA 348, par. 31.

[15]     Jauvin c. Procureur général du Québec, [2004] R.R.A. 37, par 45-47.

[16]     M.P. c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 1137, par. 28, 30; Taylor c. Tassé 2016 QCCS 1129, par. 33-37.

[17]    Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2017 QCCA 1919, par. 6; Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, 2007 CSC 41, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 69; Jauvin c. Procureur général du Québec, [2004] R.R.A. 37, par. 77; Dubé c. Gélinas, 2013 QCCS 168, par. 68.

[18]    R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par. 24.

[19]     R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par. 14, 31.

[20]    Décision du juge Cournoyer du 5 juin 2008. Pièce P-1.

[21]    Richer c. Emery, 2003 CanLII 47981 (QC CA), par. 22.

[22]    Voir le paragraphe 13 du présent jugement.

[23]    Pièce DVL-45.

[24]        Pièce DVL-47E.

[25]    Une source codée est une source identifiée et vérifiée par une organisation policière qui bénéficie d’un statut confidentiel et dont la fiabilité a été testée. La source a été rencontrée et l’information qu’elle donne a été corroborée. Il s’agit donc d’une source plus fiable qu’une simple source anonyme.

[26]    Pièce DVL-1.

[27]    Pièce DVL-4.

[28]     Soit un homme de 45-50 ans demeurant à Longueuil.

[29]     Moins de dix minutes.

[30]     Pièce DVL-68.

[31]     Pièce DVL-1, annexe II, par. 61.

[32]    Pièce DVL-48.

[33]    Pièce DVL-48.

[34]        Selon la source, il utilise le numéro [...] pour communiquer avec les membres de son réseau de distribution de stupéfiants et ce numéro apparaît sur les appels du cellulaire de Kosta.

[35]    Pour lequel les policiers ont des motifs de croire qu’il est Basil Parasiris puisque Bill est un diminutif de Basil et il n’existe aucun Bill Parasiris au Centre des renseignements du Québec.

[36]    Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LC-1996, ch. 19).

[37]    Pièce P-1.

[38]    [1984] 2 R.C.S. 145.

[39]    Par. 3 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[40]    Par. 47 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[41]     Par. 63 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[42]        Par. 60 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[43]     Par. 58 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[44]     Par. 62 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[45]    Par. 63 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[46]     Par. 64 de l’affidavit. Pièce DVL-1.

[47]     Pièce DVL-48.

[48]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 46-47.

[49]    R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253, par. 9, 44.

[50]    R. c. Lavoie, 2009 QCCA 1713, par. 80.

[51]     Lors de son témoignage du 8 mai 2008, p. 22.

[52]    Et non une probabilité.

[53]    C’est-à-dire qu’ils vont frapper à la porte, s’identifier et exhiber le mandat à l’occupant. Voir paragraphe 115 du présent jugement.

[54]    Richer c. Emery, 2003 CanLII 47981 (QC CA), par. 22, 64, 68, 73-76.

[55]    Jauvin c. Le Procureur général du Québec et al, [2004] R.R.A. 37, par 54.

[56]    Article 488 C.Cr.

[57]    Pièce DVL-1, p. 6.

[58]    [1989] 1 RCS 59, p. 87.

[59]    Soit entre 6h00 et 21h00.

[60]    Pièce DVL-44, directive 891-P-1, 4.

[61]    Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 50-54, 72-73; Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2017 QCCA 1919, par. 6.

[62]        Pièce DVL-1.

[63]     Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2017 QCCA 1919, par. 9-10.

[64]     R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 133; R. c. Lessard, 2008 QCCQ 1392, par. 58.

[65]    [1991] 1 R.C.S. 374, p. 434-437.

[66]    Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, p. 434-437.

[67]    R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59.

[68]    R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59, p. 84, 85, 87.

[69]     Pièce DVL-1A.

[70]    Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 77.

[71]    Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, p. 434.

[72]    Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 50-54, 71, 73.

[73]    R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 133.

[74]     Eccles c. Bourque, [1975] 2 R.C.S. 739, p. 746-747.

[75]    R. c. Newell, 2007 O.J. no 2348 (C.S.J. Ont.).

[76]    Pièce P-1, par. 124.

[77]     Témoignage de M. Courtemanche du 8 mai 2008, p. 24,50, 51.

[78]     Pièce P-18, p. 20-21.

[79]     R. c. Lévesque, 2003 JQ no. 11196, par. 26; R. c. Ngo, [2004] 125 C.R.R.(2d) 103, p. 106; R. c. Mac (2005) 194 CCC(3d) 555, p. 556 et 566, par 37; R. c. Bui, [2006] 138 C.R.R.(2d) 238, par. 30, R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par. 19, 20, 27,106, 107.

[80]     Les demandeurs réfèrent au témoignage de l’expert en usage de la force par des agents de la paix, M. Pierre McCrae, policier à la Gendarmerie Royale du Canada, lors du procès criminel le
9 mai 2008. p. 201-232, 236 - Pièce DVL-15. Les transcriptions sténographiques du procès criminel ont été admises pour fin de production et pour valoir témoignage.

[81]     Pièces DVL-1 et DVL-4.

[82]    Pièce DVL-52, p.6-9.

[83]        Constituée des agents Leblanc, Lauzon, Tessier et Forbes et la sergente-détective Allard.

[84]     Constituée des sergents-détectives  Gariépy, Fournier, Saillant et Delisle.

[85]    Considérant que l’ancien gérant du Skratch, qui possède un casier judiciaire pour violence, habite au 3470, rue Broadway.

[86]    Soit l’endroit identifié comme une cache.

[87]    Pièce DVL-52.

[88]    R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par. 18-30.

[89]    R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par. 24.

[90]     Pièce P-18, p. 20.

[91]    Pièce P-18A. Admissions relatives au rapport d’enquête de la CSST signée par les procureurs, respectivement les 5 février et 22 mars 2018.

[92]    Puisque le sergent-détective du SPVM demande à l’agent Leblanc qu’elle soit gardée confidentielle.

[93]        Tel qu’il appert du rapport de la CSST - Pièce P-18; preuve administrée lors du présent procès et lors du procès criminel.

[94]     Pièce P-18, p. 21.

[95]    Puisqu’il était peu probable de trouver une quantité significative de drogue ou de penser qu’il s’y trouvait des armes à feu (par. 122 du présent jugement).

[96]    Plan de plaidoirie transmis par les demandeurs après le procès, p. 1-2.

[97]     Jusqu’en 2002 pour l’agent Saillant.

[98]    Lors d’une perquisition dynamique, les membres du GTI avancent dans la résidence d’un pas pressé, à la file indienne, tout en évitant de courir.

[99]     Plan d’argumentation de la défenderesse, p. 105-106; plan de plaidoirie des demandeurs, p. 1-2.

[100]   À la suite de la fusillade, la sergente-détective Allard se croit d’ailleurs toujours blessée.

[101]    DVL-52, p. 7.

[102]    DVL-47H.

[103]    Ce qui n’inclut pas les nombreuses simulations lors de formations reçues.

[104]   L’École nationale de police du Québec.

[105]      C’est d’ailleurs ce poste qu’elle occupe en 2007 au moment de la perquisition.

[106]    Pièces DVL-47D et DVL-47F.

[107]    Ce qui n’inclut pas la formation et les exercices. Pièces DVL-47C et DVL-47D.

[108]    Et ce, sans compter les différentes simulations et formations reçues. Pièce DVL-47B.

[109]    Pièce DVL-47G.

[110]   Pièces DVL-1 et DVL-4.

[111]    Pièce DVL-52, p.7. Il y a aussi deux agents affectés au transport, des couvreurs et un maître-chien qui sont impliqués dans la perquisition.

[112]    Soit les cinq policiers de l’équipe qui doivent monter à l’étage, les quatre policiers de l’équipe qui doivent sécuriser le rez-de-chaussée, plus les quatre patrouilleurs et le maître-chien.

[113]    L’agent Lauzon, l’agent Tessier, la sergente-détective Allard, l’agent Forbes et l’agent-enquêteur Leblanc.

[114]   Pièce DVL-13, p. 48-49.

[115]    Selon la preuve prépondérante, il se serait écoulé environ neuf secondes entre le moment où les policiers sont entrés dans la maison pour se rendre à l’étage et les premiers coups de feu. Seule la sergente-détective Allard évalue ce délai à environ 13-14 secondes.

[116]    Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 73

[117]    Ils réfèrent, entre autres, aux photos - pièce DVL-11, p. 43-46 # 41-42; témoignage de M. Vézina du 2 juin, p. 70-74, 79-83, 142, 165-169 - pièce DLV-10, annexe 40, 43, 46.

[118]   Dans le but d’éviter qu’il ne soit démontré que l’agent Tessier portait une tuque le matin de la perquisition.

[119]   D’ailleurs, le Tribunal note, entre autres, que dans le résumé des faits qui ont fait l’objet d’une admission pour les fins du voir-dire dans le cadre du procès criminel, il est indiqué « qu’aucun des policiers n’était habillé en civil, tous portaient des pièces de vêtements les identifiant comme des policiers du SPL. »  Pièce P-1, par. 12.

[120]   R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par. 31. Dans le cas d’une entrée dynamique, le Tribunal n’a pas à « s’immiscer dans le travail des policiers et dicter jusqu’au choix de l’équipement qu’ils utilisent. ».

[121]    Pièce DVL-15, 3 juin 2008, p. 46-47; DVL-13, p. 48-49.

[122]   Pièce DVL-13, p. 48, 49, 61, 62.

[123]   Pièce DVL-15, 3 juin 2008 p.m., p. 46-47.

[124]   Elle se fait pousser par l’agent Forbes qui est à l’arrière et se dirige, au même moment, vers la chambre de Stéphanie située aussi à droite de l’escalier.

[125]    Pièce DVL-44 - Document intitulé « Problématique de l’emploi de la force ».

[126]   Selon la formation reçue, dans de telles circonstances, elle doit riposter.

[127]   Un au plafond, un au plancher et un au talon de l’agent Tessier.

[128]   Pièce DVL-15, 26 mai 2008, p. 60-61.

[129]      Puisque le système d’alarme de sécurité de la maison s’est déclenché.

[130]    Pièce P-5.

[131]   Quoiqu’âgé de 15 ans au moment des événements, la stature de George est plus imposante que celle du policier. Il mesure environ 5’9’’ et pèse approximativement 200 lbs.

[132]   Pièce DVL-15, 26 mai 2008, p. 68.

[133]   Qui se trouve dans le haut de l’escalier à ce moment.

[134]    La sergente-détective Allard dit qu’il s’agit d’un « trou gros comme un dix sous », qui saigne peu. Elle ne sait pas à ce moment qu’il s’agit d’une blessure par balle puisque Mme Gounis a du sang sur elle, considérant qu’elle a rampé sur le sang de l’agent Tessier.

[135]   D’ailleurs, les demandeurs soulignent que l’agent Lauzon et le sergent-détective Saillant confirment aussi que Mme Gounis était blessée et qu’elle souffrait.

[136]   Soit entre 5h15 et 5h42 environ. Pièce DVL-15 - témoignage des agents Lauzon et Gariépy lors du procès criminel.

[137]    Témoignage du sergent-détective Saillant.

[138]   Le sergent-détective Saillant témoigne que le bras de l’agent Forbes est « comme une guenille ».

[139]   Que le sergent-détective Saillant décrit aussi comme un « trou gros comme un dix sous ».

[140]   En fait, en descendant, George dit qu’il aperçoit son père, qui est couché au sol à plat ventre, les mains menottées dans le dos.

[141]   Ses mains ont été tachées par le sang de l’agent Forbes lorsqu’elle l’a touchée avant d’être amenée dans la salle de bain.

[142]    Puisqu’elle a rampé dans le sang de l’agent Tessier.

[143]   L’agent Lauzon n’ayant pas témoigné au procès, la preuve ne permet pas de comprendre pourquoi ce n’est pas l’agent Lauzon qui a démenotté Mme Gounis, mais plutôt les ambulanciers lorsqu’ils l’ont prise en charge, peu de temps après.

[144]    5h42:19 secondes. Pièce DVL-10C, p. 4.

[145]   Lacombe c. André, 2003 CanLII 47946 (QC CA), par. 59-60.

[146]    Pièce DVL-13, p. 72, 74-76.

[147]    Pièce DVL-40, p. 84-89.

[148]   Pièces DVL-21, DVL-22.

[149]    Soit 1815 $ en argent comptant, 13 téléphones cellulaires et 4 téléavertisseurs dans plusieurs endroits de la résidence. Pièces DVL-7, DVL-9.

[150]    Pièces DVL-3, témoignage de Sylvain Geneau, DVL-7, DVL-9, DVL-19 à DVL-22, DVL-59B.

[151]    Pièces DVL-21 et DVL-22.

[152]   Tel que le confirme d’ailleurs M. Parasiris le jour même de la perquisition. Pièce DVL-13, p. 75.

[153]    Pièces DVL-65, DVL-66 et DVL-27, p. 3.

[154]   Pièces DVL-65, p. 2 et DVL-62, p. 8.

[155]   Pièce DVL-71.17.

[156]    Tant lors du présent procès que lors de son interrogatoire au préalable ou même dans les différentes déclarations données à la suite des événements du 2 mars 2007. Pièces DVL-13, DVL-15 et DVL-40.

[157]   Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1  « Principes, généraux », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 720, par. 1-683.

[158]   Surtout considérant l’heure à laquelle M. Parasiris et Mme Gounis se sont couchés et l’état dans lequel ils se trouvaient au moment de l’intervention.

[159]   À la section 2.1.7 du présent jugement et plus particulièrement, au paragraphe 205.

[160]   À titre d’exemple, les demandeurs n’ont pas démontré que les dommages de Mme Gounis auraient été différents si on lui avait retiré les menottes un peu plus rapidement.

[161]    Tel que modifié lors des plaidoiries au procès, Mme Gounis réclamait initialement 250 000 $ pour cette partie de la réclamation.

[162]    Demande introductive d’instance modifiée en date du 30 octobre 2017, p. 6.

[163]   Pièce P-11.

[164]    Elle est née le 1er novembre 1966.

[165]   À ce sujet, le Tribunal note que le récit des événements fait par Mme Gounis à son expert n’est pas tout à fait exact. À titre d’exemple, elle lui dira qu’elle a attendu 45 minutes l’arrivée des ambulanciers, gisant dans son sang et celui du policier abattu. Or, la preuve révèle qu’elle a attendu environ 30 minutes dans la salle de bain alors que le sang du policier se trouve sur le plancher du corridor. Elle dit aussi à son expert qu’elle veut voir à tout prix ses enfants et s’assurer de leur sécurité, mais qu’on le lui refuse, alors que Stéphanie est restée avec elle dans la salle de bain et qu’elle a aperçu George dans le corridor.

[166]   Pièce P-11, p.8.

[167]    Pièce P-11, p.9.

[168]    Soit 11 mois après le décès de sa mère.

[169]    Pièce P-11, p. 12.

[170]   Pièce P-11, p. 13.

[171]    Pièce DVL-28, p. 10.

[172]    Pièce DVL-28, p. 10.

[173]      À ce sujet, le Dr Chamberland note que Mme Gounis a déjà souffert avant les événements de crises de panique, ce pourquoi de l’Ativan lui avait été prescrit.

[174]    Pièce P-7, p. 328.

[175]    Pièce DVL-28, p.5 et témoignage des experts à procès.

[176]   Cinar c. Robinson, 2013 CSC 73, par. 105-106.

[177]   Entre autres, dans les jugements cités par les parties, soit G.G. c. Bélanger et al, 2014 QCCS 236, par. 120; Jean Pierre c. Benhachmi, 2015 QCCS 5053, par. 53 (jugement confirmé par la Cour d’appel dans Jean Pierre c. Benhachmi, 2018 QCCA 348, par. 50-57); Beaulieu c. Bourgouin, [1998] 2 R.C.S. 3, par. 125-162.

[178]    Tel que modifié lors des plaidoiries à l’instruction, Mme Gounis réclamait initialement 200 000 $ à ce titre.

[179]    Demande introductive d’instance modifiée en date du 30 octobre 2017, p. 6.

[180]    Pièce P-14.

[181]    Mais il précise qu’ « étant donné l’excellent résultat de la réparation vasculaire par greffe, le déficit est donc de 0% selon les grilles de l’AMA » et « au plan locomoteur, les déficits d’amplitude sont quasi inexistants et donc le déficit est de 0% ». Pièce P-14, p. 11.

[182]    Pièce P-14, p. 6.

[183]   Entre autres, dans les jugements cités par les parties, soit Altrows c. Ville de Montréal, 2006 QCCS 5775, par. 30; Desorcy c. La compagnie Wal-Mart du Canada, 2010 QCCS 3292, par. 67, Éthier c. Centres d’achat Beauward ltée, 2016 QCCS 3483, par. 51; Bernatchez c. Basora, 2014 QCCS 1744, par. 73-79; Longpré c. Personnelle, assurances générales inc., 2004 QCCS 21102, par. 67-68; Grenier c. Lac-Mégantic (Ville de), 2003 QCCS 47346, par. 35.

[184]    Tel que modifié lors des plaidoiries à la fin du procès.

[185]   Demande introductive d’instance modifiée en date du 30 octobre 2017, p. 6.

[186]   Rapport du Dr Kunicki daté du 7 juin 2011. Pièce P-12.

[187]   Pièce P-12, p. 11.

[188]    Pièce P-12, p. 13.

[189]    Pièce P-12, p. 17.

[190]    Pièce DVL-29, p. 7.

[191]   Pièces DVL-29, p. 18 et P-12, p. 8.

[192]   Pièce DVL-49, p. 119.

[193]      Puisque tous conviennent que, sans être officiellement diagnostiqué, ce déficit était probablement présent avant les événements.

[194]   George réclamait initialement 100 000 $ de dommages-intérêts.

[195]   Tel qu’amendé lors des plaidoiries au procès.

[196]    Demande introductive d’instance modifiée en date du 30 octobre 2017, p. 6.

[197]    Pièce DVL-26, p. 6.

[198]   Pièce P-9, p. 1.

[199]    Pièce P-13.

[200]    Pièce P-13,  p. 10.

[201]   Pièce P-13, p. 11.

[202]   L’expert Gauthier a été retenu initialement par la Procureure générale du Québec, qui était codéfenderesse dans les procédures jusqu’en novembre 2017.

[203]    Pièce DVL-26.

[204]   Pièce DVL-26, p. 10.

[205]   Article 586 de la Loi sur les cités et villes.

[206]    Articles 2925 et 2930 C.c.Q.

[207]   Article 2880 C.c.Q.

[208]    Popovic c. Montréal (Ville de), 2008 QCCA 2371, par. 80.

[209]   Popovic c. Montréal (Ville de), 2008 QCCA 2371, par. 82 et 83; Leblanc c. Laval (Ville de), 2012 QCCS 2746, par. 15-16.

[210]   [2002] 3 R.C.S. 269, par. 64.

[211]   À titre d’exemple, elle réfère à la crainte de Stéphanie relativement à l’état de sa mère et à la crainte de George relativement aux coups de feu ou du fait que George a été menotté ou même de la description de George et Stéphanie des événements qu’ils ont considérés comme traumatisants.

[212]    Popovic c. Montréal (Ville de), 2008 QCCA 2371, par. 78-84; Singh c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 3853, par. 12-24.

[213]    Cinar Corporation c. Robinson, [2013] R.C.S. 1168, par. 100-102.

[214]   White c. Green, 2016 QCCS 5118, par. 27-30.

[215]    [2002] 3 R.C.S. 269.

[216]   Andrusiak c. Montréal (Ville), [2004] RJQ 2655, par. 17.

[217]   [2017] 2 R.C.S. 250, par. 26.

[218]   Qu’elle qualifie ainsi à procès même si elle réclame des dommages moraux dans la demande introductive d’instance.

[219]   [2001] R.J.Q. 1405, par. 96-103.

[220]   [2002] 3 R.C.S. 269, par. 63; Montréal (Ville) c. Dorval, 2017 CSC 48, par. 23.

[221]   Montréal (Ville de) c. Dorval, [2017] 2 R.C.S. 250.

[222]   Puisque l’expert de la Ville précise que, pour le qualifier de choc post-traumatique, il aurait fallu que les symptômes décrits par George se prolongent sur une période de temps un peu plus longue qu’un mois. Or, il n’a pas rencontré George dans les mois qui ont suivi les événements et il est difficile de déterminer avec exactitude quand les symptômes décrits par George ont cessé. Son témoignage à cet égard démontre, dans le cas présent, que la distinction entre le choc nerveux et le choc post-traumatique est mince et que la position des deux experts n’est pas irréconciliable.

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