Décision

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Blanchard c. R.

2025 QCCA 3

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-10-007473-208

(460-01-034784-185)

 

DATE :

 6 janvier 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

GUY COURNOYER, J.C.A.

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

 

STÉPHANE BLANCHARD

APPELANT – accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LE ROI

INTIMÉ – poursuivant

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 L’appelant se pourvoit contre un verdict de culpabilité rendu le 24 novembre 2020 par un jury au terme d’un procès présidé par l’honorable André Vincent de la Cour supérieure, chambre criminelle, district de Bedford, lequel l’a reconnu coupable d’avoir commis un meurtre au premier degré et de complot en vue de commettre ce meurtre.
  2.                 Pour les motifs du juge Cournoyer, auxquels souscrivent les juges Marcotte et Kalichman, LA COUR :
  3.                 ACCUEILLE l’appel;


  1.                 INFIRME les verdicts de culpabilité de meurtre au premier degré et de complot pour meurtre;
  2.                 ORDONNE la tenue d’un nouveau procès.

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY COURNOYER, J.C.A.

 

 

 

 

 

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

Me Maude Pagé-Arpin

LATOUR DORVAL AVOCATS

Pour l’appelant

 

Me Francis Villeneuve-Ménard

Me Emilie Baril-Côté

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

19 septembre 2023


 

 

MOTIFS DU JUGE COURNOYER

 

 

  1.                 L’appelant a été déclaré coupable d’avoir commis le meurtre au premier degré de M. Jacques Choquette et de complot en vue de commettre ce meurtre.
  2.                 Le principal enjeu lors du procès mettait en cause les différentes versions des événements données par l’appelant.
  3.                 L’appelant avait d’abord admis sa culpabilité dans des déclarations qu’il avait données aux policiers, dont l’une était même assermentée.
  4.                 Toutefois, durant son témoignage lors du procès, il répudie la substance de ses déclarations antérieures et il explique pourquoi. Devant le jury, il affirme plutôt avoir accepté de participer à un complot pour effrayer la victime dans le but de permettre la récupération d’une somme d’argent et de n’avoir jamais eu l’intention de tuer la victime.
  5.            Dès lors, une directive W.(D.)[1] capturait l’essence du procès. Si le jury croyait le témoignage rendu par l’appelant au procès selon lequel il n’avait jamais eu l’intention de tuer M. Choquette ou même s’il ne croyait pas l’appelant, mais que son témoignage soulevait un doute raisonnable dans l’esprit du jury à l’égard de l’intention de tuer la victime, l’appelant devait être acquitté. Même si le jury n’avait pas de doute raisonnable à la suite de ce témoignage, il devait continuer l’analyse de l’ensemble de la preuve afin de déterminer si celle-ci le convainquait hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’appelant.
  6.            L’appelant allègue que les directives du juge comportent plusieurs erreurs de droit.
  7.            Je suis d’avis que les directives concernant le doute raisonnable et l’évaluation du témoignage de l’appelant étaient erronées.
  8.            De plus, les questions rhétoriques suggérées par le juge au jury allaient au-delà des limites reconnues par la jurisprudence. Ce type de questions s’insère plus naturellement dans l’exposé final du poursuivant, et elles ne devraient être que rarement utilisées dans les directives du juge au jury. À mon avis, elles doivent être évitées, car il n’existe aucune raison les justifiant. Toutefois, selon le droit actuel, si elles sont utilisées, l’équilibre et l’équité doivent être au rendez-vous.


  1.            L’utilisation de questions rhétoriques pour évaluer le témoignage d’un accusé comporte le risque que ces questions ne deviennent simplement qu’une manière subtile de dénigrer la défense présentée. Ces questions qui appellent des réponses évidentes peuvent suggérer que le juge ne croit pas la défense de l’accusé avec le danger que s’en dégage la nette impression que le juge prend fait et cause pour le poursuivant[2].
  2.            À mon avis, l’équilibre a été rompu lors du procès de l’appelant. Même si celui-ci n’avait pas droit à un procès parfait, au minimum celui-ci devait être équitable. Notre système de justice n’exige pas plus, mais il ne peut se satisfaire de moins. Et cela, que le témoignage de l’appelant au procès nous paraisse convaincant ou non. Il appartenait au jury de tirer seul ses propres conclusions.
  3.            Je constate aussi des erreurs au sujet de la défense de contrainte et d’accident.
  4.            Pour les motifs qui suivent, je propose à la Cour d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

I – Les faits

A-    La preuve de la poursuite

  1.            Je résume brièvement la preuve de la poursuite.
  2.            En août 2016, l’appelant rencontre Daniel Giroux, avec qui il a déjà exploité une plantation de cannabis. Giroux lui offre un emploi et propose de l’aider à trouver un logement. Le logement proposé appartient à Mathieu Valade-Williams. Un mois plus tard, Giroux propose à l’appelant de cultiver une plantation de cannabis au sous-sol du logement loué, offre que l’appelant accepte. Durant le mois d’octobre, alors que les trois se trouvent au sous-sol du logement de l’appelant, Giroux et Valade-Williams proposent à l’appelant de tuer un dénommé Jacques Choquette pour une somme de 5 000 $.
  3.            Le 3 novembre, Giroux demande à l’appelant de venir chez lui avec son arme à feu. Giroux et l’appelant montent ensuite à bord du véhicule de l’appelant pour aller rejoindre la victime. Giroux indique à la victime de les suivre en voiture. Ils se rendent à la campagne et s’éloignent des routes principales. À ce moment-là, ils mettent leur plan à exécution. L’appelant tue la victime d’un coup de fusil. Immédiatement après le tir, Valade-Williams arrive sur les lieux au volant de son camion vert. Les trois placent le corps dans le coffre de la voiture de la victime et conduisent jusqu’à une carrière où ils prévoient l’incinérer. Toutefois, la tentative d’incinération est infructueuse et le corps de la victime est placé dans la boîte du camion conduit par Valade-Williams. L’appelant rentre chez lui.
  4.            Peu de temps après, les coaccusés se présentent au domicile de l’appelant afin de le convaincre de démembrer le corps, mais ils repartent à la suite des exhortations de la conjointe de l’appelant. Ce soir-là, l’appelant avoue à cette dernière être l’auteur du meurtre.
  5.            Une semaine plus tard, Giroux et Valade-Williams remettent à la conjointe de l’appelant un sac contenant de la marijuana ayant une valeur approximative de 5 000 $ en guise de paiement pour sa participation.
  6.            En décembre 2016, l’appelant admet à son amie Nathalie Blanchard avoir tué la victime.
  7.            Le 6 novembre 2018, la police interroge l’appelant. Lors de l’interrogatoire, il est informé que Nathalie Blanchard a rapporté son aveu à la police. Après l’écoute de l’enregistrement, l’appelant admet avoir tué la victime. Le 20 décembre, il révèle l’emplacement du corps de celle-ci à la police.

B-    Le témoignage de l’appelant

  1.            Comme je l’ai expliqué, l’appelant a essentiellement présenté deux versions contradictoires des faits : l’une dans ses déclarations faites au stade de l’enquête et l’autre au procès.
  2.            Lors de l’interrogatoire par le policier, il avoue avoir tué la victime pour une somme de 5 000 $.
  3.            Toutefois, la version qu’il présente lors du procès change considérablement. Il affirme alors que l’entente conclue ne visait que des voies de fait armées, l’objet étant la récupération d’une importante somme d’argent. Il ne prévoyait que tirer un coup de semonce à côté de la victime et il n’avait pas l’intention de la tuer.
  4.            Cependant, le jour de l’événement, l’appelant fait l’objet de menaces de la part de Giroux, qui devient agressif et lui indique qu’il ne peut reculer.
  5.            Lorsqu’ils se rendent au point de rendez-vous, Giroux et l’appelant descendent de la voiture et Giroux lui demande de tirer sur la victime. L’appelant témoigne que tout va trop vite, qu’il ne comprend pas ce qui se passe, qu’il a peur en raison des propos menaçants de Giroux envers sa famille et que la possession de son arme le sécurise.
  6.            Giroux lui crie à plusieurs reprises de tirer sur la victime. Lorsqu’il se retourne en direction de la victime, paniqué, il voit un « flash » dans une main de la victime et il tire instinctivement sans réaliser qu’il s’agit d’un cellulaire. Tout se déroule rapidement avant que l’appelant ne puisse reprendre ses esprits et comprendre ce qui vient de se passer. Giroux lui annonce qu’il a atteint la victime à la tête. Valade-Williams arrive sur les lieux quelques minutes plus tard et, à la surprise de l’appelant, les félicite de « l’avoir fait ».
  7.            Sous le choc, l’appelant souhaite retourner chez lui et tente de fuir à de nombreuses reprises. Giroux et Valade-Williams le menacent afin qu’il participe à la suite des événements. Ils menacent de laisser le corps de la victime au milieu de la rue, ce qui incriminerait l’appelant.
  8.            Au procès, le témoignage de l’appelant s’articule autour de deux éléments principaux : il ne connaissait pas l’objet réel du complot et il n’avait pas l’intention de tuer la victime, car le tir était accidentel.
  9.            Selon l’appelant, la teneur de son témoignage diffère de sa déclaration pour plusieurs raisons. Premièrement, lorsque la police l’interroge, il se trouve dans un état de confusion. Deuxièmement, il décrit les événements à la lumière des informations obtenues à la suite de l’homicide (par exemple, sa connaissance postérieure de l’objet réel de l’entente). Troisièmement, il ne dévoile pas certains faits lors de l’interrogatoire, parce qu’il est d’avis qu’il sera « inévitablement perçu comme délateur » et craint des représailles.

II - Questions en litige

  1.            L’appelant soutient que l’exposé au jury comporte des erreurs sur les sujets qui suivent : 1) le doute raisonnable et l’évaluation de son témoignage; 2) le complot pour meurtre; 3) la défense de contrainte; 4) la défense d’accident; 5) les questions rhétoriques proposées par le juge pour évaluer son témoignage.

III - L’approche fonctionnelle au contrôle en appel de directives au jury

  1.            Il convient tout d’abord de souligner que l’exposé au jury doit être évalué selon une approche fonctionnelle. Cette analyse vise à déterminer si, prises globalement, les directives du juge outillent adéquatement le jury pour que ce dernier puisse trancher l’affaire conformément au droit et à la preuve[3].
  2.            De manière plus précise, l’exactitude de l’exposé au jury et l’identification des directives erronées s’évaluent selon le cadre d’analyse résumé récemment dans l’arrêt Abdullahi que j’estime utile de citer au long afin d’en saisir toutes les nuances :

[38] Dans certaines affaires, on allègue que ce qu’a dit le juge dans son exposé a transmis au jury une compréhension inexacte du droit. Ce serait le cas, par exemple, si une directive du juge tendait à indiquer que la prépondérance des probabilités est la norme de preuve requise pour prononcer un verdict de culpabilité (R. c. Starr, 2000 CSC 40, [2000] 2 R.C.S. 144, par. 243). Un autre exemple serait le cas où le juge donnerait aux jurés une directive leur indiquant que, pour pouvoir prononcer un acquittement, ils doivent être unanimes relativement à leur doute, plutôt qu’unanimes à l’égard de leur verdict (R. c. Brydon, [1995] 4 R.C.S. 253, par. 24). Il est également possible qu’un exposé au jury prête à ce point confusion qu’il constitue une erreur de droit (R. c. Hebert, [1996] 2 R.C.S. 272, par. 8; voir aussi Rodgerson, par. 42).

[39] De telles erreurs ont généralement été qualifiées de « directives erronées » (voir, p. ex., Rodgerson, par. 37; Ménard, par. 2930; R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, par. 9; R. c. Morin, [1988] 2 R.C.S. 345, p. 354355; Boucher c. The Queen, [1955] R.C.S. 16). Comme je l’ai expliqué précédemment, il est plus facile de saisir en quoi consistent ces erreurs en considérant la question de savoir si le jury a été outillé avec une compréhension exacte du droit lui permettant de trancher l’affaire. Cette façon de faire permet d’axer l’examen sur la compréhension globale par le jury d’une question donnée.

[40] Une directive n’est pas inexacte simplement parce que certains mots n’y sont pas employés ou parce qu’elle ne reprend pas une formule de façon stricte; « ce qui importe [c’est] le message général que les termes utilisés ont transmis au jury, selon toutes probabilités » (Daley, par. 30; voir aussi Khela, par. 53; R. c. Avetysan, 2000 CSC 56, [2000] 2 R.C.S. 745, par. 11; Starr, par. 233). La question consiste à déterminer si le jury a reçu des directives exactes lui permettant de trancher l’affaire conformément au droit et à la preuve (Jacquard, par. 32).

[41] L’exposé au jury doit être considéré dans son ensemble. Comme l’a indiqué la Cour, « le droit d’un accusé à un jury ayant reçu des directives appropriées n’équivaut pas au droit à un jury ayant reçu des directives parfaites » (Jacquard, par. 32). Une seule ambiguïté ou déclaration problématique dans une partie de l’exposé ne constitue pas nécessairement une erreur de droit lorsque l’exposé dans son ensemble a permis de transmettre au jury une compréhension exacte de la question de droit pertinente (R. c. Goforth, 2022 CSC 25, par. 35 et 40; Jaw, par. 32; Cooper, p. 163-164). Une déclaration inexacte peut être compensée par une déclaration exacte ailleurs dans l’exposé, pourvu que le jury ait compris avec exactitude le droit qu’il doit appliquer (White 2011, par. 82 et 84; Ménard, par. 30; Jacquard, par. 20).

[42] L’organisation de l’exposé et l’endroit où se trouvent les inexactitudes alléguées dans celui-ci permettent d’apprécier l’exactitude globale de cet exposé (Jaw, par. 33). Par exemple, un énoncé problématique dans une partie de l’exposé risque moins de miner un énoncé approprié formulé dans une partie plus importante de l’exposé (voir, p. ex., Khela, par. 55; R. c. Athwal, 2017 ONCA 222, par. 2-3 (CanLII)). À l’inverse, il y a potentiellement davantage de risques que le jury soit induit en erreur lorsque le juge énonce le droit correctement dans une partie plus générale de son exposé, mais le reformule ensuite de manière inexacte dans une partie plus importante ou substantielle de son exposé (voir, p. ex., R. c. Subramaniam, 2022 BCCA 141, 413 C.C.C. (3d) 56, par. 73-77; R. c. Bryce (2001), 140 O.A.C. 126, par. 13-15 et 20). Il existe un risque plus grand que le jury ait une compréhension inexacte du droit lorsque l’énoncé inexact est formulé dans un exposé supplémentaire en réponse à une question du jury (Brydon, par. 19; R. c. Naglik, [1993] 3 R.C.S. 122, p. 139); cela peut fort bien exacerber l’effet d’une telle erreur et, de ce fait, sa gravité.

  1.            Ainsi, afin de décider si « le juge dans son exposé a transmis au jury une compréhension inexacte du droit »[4], toute inexactitude sera évaluée en considérant l’ensemble de l’exposé, le nombre d’inexactitudes, leur position dans l’exposé et la mesure dans laquelle elles peuvent être compensées par une ou plusieurs déclarations exactes dans le reste de l’exposé.

IV – Les différentes erreurs dans l’exposé au jury

A – Le doute raisonnable et l’évaluation du témoignage de l’appelant

  1.            L’appelant formule plusieurs reproches à l’égard des directives qui concernent la démarche suggérée dans l’arrêt W.(D.), même si, comme on le sait, il ne s’agit pas d’une formule sacramentelle.
  2.            L’appelant admet que le juge a correctement expliqué la règle de W.(D.) à une occasion. Cela dit, il suggère que les inexactitudes dans les directives données au jury pour appliquer le critère exposé dans l’arrêt W.(D.) justifient la tenue d’un nouveau procès. Il soutient que même si certains passages ont instruit le jury correctement, cela ne permet pas de corriger ou de compenser les erreurs contenues dans d’autres parties de l’exposé.
  3.            Il affirme aussi que l’exposé au jury n’énonçait pas clairement le principe selon lequel le doute raisonnable peut émaner du témoignage de l’appelant même si celui-ci est rejeté.
  4.            Ainsi, le juge aurait exposé la règle de W.(D.) six fois sans expliquer que le témoignage de l’appelant pouvait susciter un doute raisonnable même s’il était rejeté.


  1.            Il ajoute que la confusion a été accentuée parce que le juge a mentionné la possibilité d’un acquittement, alors qu’il était acquis au débat que l’appelant ne pouvait être complètement acquitté, mais devait minimalement être déclaré coupable d’homicide involontaire coupable.
  2.            Il affirme également que le juge a suggéré au jury de mettre de côté son témoignage s’il ne le croyait pas, oubliant d’expliquer que, même rejeté, le témoignage de l’appelant pouvait soulever un doute raisonnable. Finalement, il conteste la réponse du juge à la question du jury au sujet du doute raisonnable.
  3.            Je discute maintenant des différents aspects des erreurs soulevées par l’appelant au sujet du doute raisonnable et de l’évaluation de son témoignage.
  1.      La directive principale concernant l’évaluation du témoignage de l’appelant
  1.            Je rappelle que les directives s’évaluent dans leur ensemble.
  2.            Pour cette raison, avant d’évaluer les arguments de l’appelant au sujet de la directive concernant l’évaluation de son témoignage, je signale dès le départ que si on la compare avec le modèle de directive proposée par le Conseil canadien de la magistrature concernant le fardeau de la preuve et le doute raisonnable[5], on constate que le juge a donné une version édulcorée de celle-ci.
  3.            Sont absents de la directive contenue dans l’exposé du juge au jury les éléments suivants : 1) la nécessité d’accorder le bénéfice du doute à l’accusé; 2) l’application du doute raisonnable à chacun des éléments essentiels de l’infraction; 3) un rappel que la preuve, l’absence de preuve, la fiabilité ou la crédibilité d’un ou plusieurs témoins peuvent soulever un doute raisonnable; 4) un résumé récapitulatif de la directive.
  4.            Certes, le caractère adéquat d’une directive ne s’évalue pas en fonction du respect d’un modèle de directive, mais le fait de s’en écarter peut parfois en révéler l’insuffisance[6].
  5.            Tout d’abord, voici la directive principale concernant le témoignage de l’appelant dont je numérote les paragraphes pour faciliter la compréhension de mon analyse des reproches formulés :

[1] J’aborde maintenant le témoignage de l’accusé. Si vous croyez que le témoignage de l’accusé, voulant qu’il n’ait pas commis l’infraction dont il est accusé, vous devez le déclarer non coupable. En fait, même s’il ne vaut… vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais que ce témoignage soulève un doute raisonnable quant à sa culpabilité, vous devez le déclarer non coupable de l’infraction dont il est accusé.

[2] De plus, si vous jugez que le témoignage de l’accusé ne soulève pas de doute raisonnable quant à sa culpabilité, vous ne pouvez le déclarer coupable que si le reste de la preuve, c’est-à-dire les éléments de preuve que vous considérez comme étant dignes de foi, prouvent sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

[3] Cette directive veut…vise deux (2) éléments essentiels du droit. D’une part, elle fait référence au fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable qui appartient toujours à la Poursuite de prouver et d’autre part, à la crédibilité et la fiabilité que vous accordez au témoignage de l’accusé. Tout simplement, si vous ne croyez pas…si vous croyez son témoignage ou encore son témoignage suscite, dans votre esprit, un doute raisonnable, c’est que la Couronne n’a pas prouvé l’accusation hors de tout doute raisonnable.

[4] Si vous croyez que la version qu’il vous donne ou encore que cette version ne suscite pas dans votre esprit de doute raisonnable, vous ne pouvez, pour cette raison, le déclarer coupable, mais vous devez considérer l’ensemble de la preuve et déterminer si cette preuve prouve hors de tout doute raisonnable sa culpabilité. Autrement dit, vous ne pouvez pas arriver à la conclusion : « Bon, on ne le croit pas son témoignage, on pense qu’il a menti devant la…le Tribunal et son témoignage soulève pas de doute raisonnable donc, on le trouve coupable. » C’est une inférence que vous ne pouvez pas tirer.

[5] Vous devez, à ce moment-là, même si ça arrive, que vous ne croyez pas l’accusé, regarder l’ensemble de la preuve et déterminer si cet ensemble de preuve, là, détermine…prouve la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Autrement dit, vous mettez son témoignage de côté, vous regardez le reste de la preuve, est-ce que ce reste de la preuve vous satisfait hors de tout doute raisonnable que la Couronne s’est déchargée de son fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable de la culpabilité.

[Les soulignements sont ajoutés]

  1.            J’examine maintenant chacun des griefs formulés par l’appelant.
  1.      Le verdict d’acquittement impossible
  1.            L’appelant concède que le premier paragraphe respecte la règle formulée dans W.(D.), sauf lorsque le juge explique que l’appelant peut être déclaré non coupable, un verdict que ne pouvait prononcer le jury, car le verdict d’acquittement n’était pas légalement possible. Cela est vrai, mais toute méprise qui peut avoir été engendrée au sujet du verdict d’acquittement a été écartée par l’ensemble des directives qui expliquait clairement que l’appelant ne pouvait être complètement acquitté.
  1.      Certaines contradictions
  1.            Je relève tout d’abord les contradictions dans les paragraphes [3] (« si vous ne croyez pas… si vous croyez son témoignage ») et [4] (« Si vous croyez que la version qu’il vous donne ou encore que cette version ne suscite pas dans votre esprit de doute raisonnable »). Dès que le jury croyait l’accusé, il devait l’acquitter. Ces deux paragraphes embrouillent la séquence de la directive W.(D.), même si cette démarche n’est pas sacramentelle.

4 - La mise de côté du témoignage de l’appelant

  1.            Dans les paragraphes [4] et [5], je décèle la volonté du juge d’expliquer au jury, en conformité avec l’arrêt J.H.S., que « le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à la preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable »[7].
  2.            Je les reproduis à nouveau :

[4] Si vous croyez que la version qu’il vous donne ou encore que cette version ne suscite pas dans votre esprit de doute raisonnable, vous ne pouvez, pour cette raison, le déclarer coupable, mais vous devez considérer l’ensemble de la preuve et déterminer si cette preuve prouve hors de tout doute raisonnable sa culpabilité. Autrement dit, vous ne pouvez pas arriver à la conclusion : « Bon, on ne le croit pas son témoignage, on pense qu’il a menti devant la…le Tribunal et son témoignage soulève pas de doute raisonnable donc, on le trouve coupable. » C’est une inférence que vous ne pouvez pas tirer.

[5] Vous devez, à ce moment-là, même si ça arrive, que vous ne croyez pas l’accusé, regarder l’ensemble de la preuve et déterminer si cet ensemble de preuve, là, détermine…prouve la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Autrement dit, vous mettez son témoignage de côté, vous regardez le reste de la preuve, est-ce que ce reste de la preuve vous satisfait hors de tout doute raisonnable que la Couronne s’est déchargée de son fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable de la culpabilité.

[Le soulignement est ajouté]

  1.            À l’égard du paragraphe 4, j’estime que le juge voulait dire ce qui suit : « Si vous ne croyez pas la version qu’il vous donne ou encore que cette version ne suscite pas dans votre esprit de doute raisonnable vous ne pouvez, pour cette raison, le déclarer coupable ». Les mots « ne » et « pas » sont omis.
  2.            Le paragraphe [4] comporte un élément confondant en raison de sa formulation. Si le jury croit la version que donne l’appelant, il doit l’acquitter. Dans cette hypothèse, il est contradictoire d’enchaîner et de dire au jury « ou encore que cette version ne suscite pas dans votre esprit de doute raisonnable ». La version de l’appelant ne peut à la fois être crue et ne pas susciter de doute raisonnable. Cette affirmation engendre la confusion.
  3.            Par ailleurs, est-ce que l’appelant a raison de prétendre que le juge a suggéré au jury de mettre de côté son témoignage s’il ne le croyait pas? Il s’avère manifeste à la lecture du passage souligné dans le paragraphe [5] que le juge a dit au jury que s’il ne croyait pas le témoignage de l’appelant, il devait le mettre de côté.
  4.            De toute évidence, le juge, qui voulait à ce point formuler une directive au sujet de la troisième étape de l’arrêt W.(D.), a oublié de répéter que le témoignage de l’appelant, même rejeté, pouvait susciter un doute raisonnable.
  5.            Il est important de ne pas perdre de vue que le jury n’a aucune formation en droit[8] et que, malgré la sagesse qu’on lui reconnaît, les erreurs relevées doivent être évaluées selon « le message général que les termes utilisés ont transmis au jury, selon toutes probabilités »[9].

5 – Le doute raisonnable et l’intention de tuer

  1.            Je continue et examine le bien-fondé d’un autre argument de l’appelant selon lequel le juge aurait commis une erreur au sujet du doute raisonnable en formulant les directives concernant l’élément intentionnel du meurtre.
  2.            Après avoir souligné que les parties admettaient que l’appelant avait commis un acte illégal, le juge explique correctement la distinction qui existe entre l’homicide involontaire coupable et le meurtre au deuxième degré.
  3.            Cependant, il aurait, par la suite, obscurcit cette distinction et commis une erreur au sujet du doute raisonnable dans le passage qui suit :

Je vous rappelle ce que je vous disais relativement au témoignage de l’accusé que si vous le croyez ou que si son témoignage soulève dans votre esprit un doute raisonnable à l’effet qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer Jacques Choquette et que le coup de feu est le résultat d’un accident, vous devrez alors vérifier le reste de la preuve afin de décider s’il est coupable ou non, pas de meurtre, mais d’un homicide involontaire et ce, parce que la Poursuite n’aura pas fait la preuve, hors de tout doute raisonnable, de son intention de tuer ou de causer des lésions corporelles de nature à causer la mort en étant indifférent que la mort s’ensuive ou non. Vous vous devrez… vous vous devez pour cela de considérer l’ensemble de la preuve et vérifier si vous acceptez le témoignage rendu ou encore les autres éléments de preuve produits à ce procès. Il vous appartient d’analyser et de discuter des versions qu’il vous… qu’il donne en vous indiquant qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer Jacques Choquette, une personne qu’il ne connaissait pas.

  1.            De l’avis de l’appelant, le juge « a commis une grave erreur en expliquant la démarche prescrite, en invitant le jury à ne pas faire bénéficier immédiatement l’accusé du doute raisonnable, mais plutôt à déterminer si ce doute demeurait fondé à la lumière de l’ensemble de la preuve au dossier ».
  2.            L’appelant a raison. Ce passage qui énonce la directive W.(D.) au sujet de l’intention de tuer, ajoute une ambiguïté qui ne peut être contrebalancée par les directives qui le précèdent ou même en le considérant dans son ensemble.
  3.            En effet, si comme l’explique le juge dans la première partie du passage contesté, le jury croyait le témoignage de l’appelant selon lequel il n’avait pas l’intention de tuer la victime ou que ce témoignage soulevait un doute raisonnable, il n’avait pas à déterminer si « le reste de la preuve » établissait sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, car il devait acquitter l’appelant de l’infraction de meurtre au deuxième degré à l’une ou l’autre des deux premières étapes de la démarche décrite dans W.(D.). J’y vois une directive erronée qui s’ajoute à la première erreur pointée par l’appelant au sujet de l’évaluation de son témoignage.
  4.            Vraisemblablement, l’intention du juge était de dire ce qui suit : « Si vous ne le croyez pas ou si son témoignage ne soulève pas de doute raisonnable dans votre esprit, vous devez néanmoins examiner l’ensemble de la preuve ». En effet, la directive n’a de sens que si le jury ne croyait pas l’appelant ou que son témoignage ne soulevait pas de doute raisonnable quant à l’intention de tuer, car il devait alors examiner l’ensemble de la preuve pour déterminer s’il était convaincu de la culpabilité de l’appelant hors de tout doute raisonnable de meurtre au deuxième degré. Une telle directive n’aurait posé aucun problème.
  5.            Mais ce n’est pas ce qu’il a dit. Les mots utilisés par le juge intiment au jury de poursuivre ses délibérations même s’il croit l’appelant ou même si son témoignage soulève un doute raisonnable.
  6.            Tout comme les motifs des juges doivent être révisés « en fonction de ce qu’ils ont écrit et non en fonction de l’imagination conjecturale des cours de révision »[10], une cour d’appel doit évaluer le message tel qu’il a été communiqué dans l’exposé au jury, et ce, même si on sait pertinemment ce que le juge voulait vraisemblablement exprimer.
  7.            L’utilisation dans une directive d’une formulation positive lorsque la négative est requise, ou vice versa, de même que la présence ou l’absence des adverbes « ne » et « pas » à une occasion dans une directive ne pose pas nécessairement de problème. Toutefois, ce problème (énoncé inapproprié, positif/négatif) se révèle plus épineux et susceptible d’accroître la confusion dans l’esprit du jury lorsque cette mention se répète à plusieurs reprises d’une manière incompatible avec la présomption d’innocence, le fardeau de la preuve, le doute raisonnable et la teneur de la directive W.(D.). Je suis d’avis que c’est le cas en l’espèce.
  8.            Par ailleurs, après ces passages critiqués par l’appelant, l’exposé se poursuit avec une série de questions rhétoriques suggérées par le juge que j’examine plus loin (celles-ci font l’objet d’un moyen distinct d’appel) et le juge conclut alors cette portion de ses directives en affirmant ce qui suit :

Il vous appartient de décider, d’évaluer plutôt le témoignage de l’accusé et de décider si vous le croyez ou encore son témoignage à l’effet qu’il ne voulait pas tuer Jacques Choquette mais plutôt que le coup de feu est parti par réflexe ou accident à la vue du flash du téléphone de Jacques Choquette, si cette version soulève un doute dans votre esprit auquel cas vous devez l’accuser de meurtre et le déclarer coupable d’homicide involontaire.

Mais même si vous ne croyez pas la version de l’accusé ou encore que cette version ne soulève pas de doute dans votre esprit, vous devez continuer vos délibérations afin de déterminer si la Poursuite a démontré, hors de tout doute raisonnable, que le fait de causer la mort de Jacques Choquette était intentionnel, autrement dit, la Poursuite a-t-elle démontré, hors de tout doute raisonnable, d’éléments intentionnels du fait de causer la mort d’un être humain.

  1.            Ce passage compense-t-il les directives erronées que j’ai examinées antérieurement et l’incertitude qui en découle?
  2.            Je ne le crois pas, car je suis incapable de déterminer quelles directives le jury a suivies. Toute conclusion de ma part dans un sens ou dans l’autre ne pourrait être que conjecturale[11]. Considérer l’exposé au jury dans son ensemble ne consiste pas à soigneusement rassembler les passages qui exposent correctement le droit et à faire abstraction de ceux qui sont de toute évidence erronés dans le but de conclure que le jury a été convenablement outillé[12] et qu’il « a reçu des directives à la fois exactes et suffisantes »[13]. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.
  3.            L’exposé oral qui ne s’accompagne pas de directives écrites comporte des écueils qui se sont manifestés ici à plus d’une reprise et qui doivent être constatés. Les directives écrites permettent aux parties de les commenter et de déceler à l’avance toute erreur dans leur formulation, tel que je l’expliquais dans l’arrêt Tshilumba[14] :

[155] Par ailleurs, un avantage manifeste découle de la tenue de conférences prédirectives et de la préparation d’un projet écrit de directives : celui-ci pourra être révisé par le juge à la lumière des observations des parties avant que l’exposé au jury n’ait lieu. La préparation d’un projet écrit de directives assure le respect du droit des parties d’être entendues sur la teneur de l’exposé qui sera communiqué au jury. Ce processus minimise le risque d’erreurs.

  1.            Bien entendu, les directives ne doivent pas être « disséquées ligne par ligne »[15] et « il se peut bien que des directives demeurent globalement correctes malgré quelques maladresses qui n’empêcheront pas le jury de statuer conformément au droit et à la preuve »[16].
  2.            Cependant, dans la présente affaire, les inexactitudes, même si on considère qu’elles résultent d’un lapsus ou d’une erreur dans l’expression orale, se révèlent trop nombreuses et elles ne peuvent être compensées par les passages où le droit est correctement expliqué. Il est également crucial de souligner que les erreurs sont contenues dans la directive générale portant sur l’évaluation du témoignage de l’appelant de même que dans celle qui concerne l’élément intentionnel du meurtre, soit l’intention de tuer, la question névralgique au cœur du témoignage de l’appelant et du procès.
  3.            Pour ces raisons, l’absence d’objection formelle à l’exposé oral du juge n’est pas déterminante, car je n’y vois rien de stratégique[17]. De plus, il existe un facteur non négligeable dont il faut aussi tenir compte : il est nettement plus difficile de déceler une erreur dans un exposé oral, car les parties n’ont généralement pas l’ébauche écrite de l’exposé en main[18]. Dans ce contexte, il s’avère plus difficile de reprocher à l’avocat de l'appelant de n’avoir pas soulevé d’objection formelle.
  4.            À la lumière de l’analyse qui précède, je ne suis guère surpris que le jury ait demandé des précisions sur le doute raisonnable, question que j’aborde maintenant.

6- La demande de précisions du jury au sujet du doute raisonnable

  1.            Le jury a posé trois questions dont une au sujet du doute raisonnable :

Nous voudrions des précisions sur :

-          Le doute raisonnable

-          À quel moment un complot devient un complot (Laps de temps)

-          Complot sous pression est-ce que c’est valide (en anglais under deresse[19])

  1.            Au sujet de la question concernant le doute raisonnable, le juge a suggéré de reprendre essentiellement la directive issue de l’arrêt Lifchus qu’il avait déjà donnée, ce qu’il fit en la répétant[20].
  2.            Après l’avoir répétée, le juge demande aux avocats s’ils ont des commentaires, ce à quoi l’avocat de l’appelant répond qu’une précision aurait pu être faite pour expliquer que le doute raisonnable s’applique à chaque élément essentiel de l’infraction. Le juge répond alors qu’il l’avait déjà dit et que la Cour suprême suggère de répondre uniquement aux questions posées et de ne pas déborder la teneur de celles-ci.
  3.            À mon avis, il incombait au juge de s’enquérir auprès du jury de la nature des précisions recherchées[21], car il existait un risque de répondre à la question d’une manière réductrice. En effet, dans le présent dossier, la notion de doute raisonnable ne pouvait pas être limitée à la seule définition théorique issue de l’arrêt Lifchus[22], car elle avait des ramifications multiples en raison de la version présentée par l’appelant durant son témoignage.
  4.            Outre le concept théorique de doute raisonnable tel que défini par l’arrêt Lifchus, les clarifications sollicitées par le jury au sujet du doute raisonnable pouvaient aussi exiger d’expliquer le lien entre le doute raisonnable et les éléments essentiels de l’infraction (comme l’a suggéré l’avocat de l’appelant), le lien entre le doute raisonnable et la crédibilité des témoins (dont l’appelant), l’évaluation du témoignage de l’appelant (directive fondée sur l’arrêt W.(D.)) y compris la conséquence découlant du rejet de son témoignage sur l’existence d’un doute raisonnable (arrêt J.H.S.[23]) et la nécessité d’une directive de type MacKenzie[24] (en raison de la répudiation de sa déclaration aux policiers).
  5.            Compte tenu de la dynamique du dossier mettant en opposition les déclarations antérieures de l’appelant aux policiers et son témoignage lors du procès au sujet de son intention envers la victime : lui faire peur ou le tuer, la réponse du juge devait être plus complète.

***

  1.            Pour les motifs qui précèdent, je suis donc d’avis que l’exposé au jury comportait des directives erronées à l’égard de l’évaluation du témoignage de l’appelant[25]. De plus, la réponse du juge à la question du jury au sujet du doute raisonnable était insuffisante. Je souligne que l’absence de questions supplémentaires par le jury ne suffit pas à inférer que la réponse du juge a permis d’instruire clairement le juge. En effet, l’absence de telles questions « nous éclaire peu, car le jury ne peut identifier lui-même les carences dans la réponse qui leur a été donnée et son impact sur ses propres délibérations »[26].
  2.            Cela suffit pour ordonner la tenue d’un nouveau procès. Il est néanmoins nécessaire d’analyser les autres moyens soulevés par l’appelant, car certains d’entre eux fortifient à mon avis la nécessité de tenir un nouveau procès.
  3.            Je porte mon attention brièvement sur les reproches concernant les directives relatives au complot pour meurtre, à la défense de contrainte et à la défense d’accident. Je m’en tiens à l’essentiel.
  4.            J’analyserai ensuite les questions rhétoriques suggérées par le juge.

B - Le complot pour meurtre

  1.            L’appelant soutient que les directives n’ont pas suffisamment précisé que l’appelant admettait sa participation à un complot pour intimider la victime et non un complot pour la tuer. Selon le juge, la version la plus favorable à l’appelant était celle du complot visant à intimider la victime et non à la tuer.
  2.            Le juge n’a pas commis d’erreur en expliquant que le complot était établi dès qu’il y avait une entente. Les directives et l’arbre décisionnel expliquaient clairement au jury qu’il devait être convaincu hors de tout doute que le complot visait la mort de la victime. Je ne vois pas vraiment comment le jury aurait pu être confondu au sujet de la nature du complot.

C- La question du jury au sujet de la contrainte

  1.            L’examen de la question de la contrainte résulte de la question formulée par le jury qui suit : « Et complot sous pression, est-ce que c’est valide? (En anglais under deresse) ».
  2.            Le juge ne comprenait pas le sens de la question « compte tenu de la preuve présentée » et il a choisi de ne pas demander au jury de la clarifier même si l’avocat de l’appelant le lui avait suggéré.
  3.            Lorsqu’il répond aux questions du jury, le juge lit les trois questions et précise ce qui suit :

[…] c’est indiqué deresse, mais je crois comprendre qu’on voulait dire duress, je ne le sais pas, là, c’est parce que deresse, ce n’est pas un mot que je connais, c’est duress la contrainte comme telle alors, je présume que c’est ça que vous avez voulu dire.

  1.            Après avoir répondu aux deux premières questions, il énonce l’explication qui suit au sujet du complot sous pression :

La troisième question, le complot sous pression, est-ce que c’est valide? Si cette question-là… parce que, le terme under deresse, oui, je conclus quant à moi qu’il s’agit de duress, la contrainte. Si c’est… de la contrainte, ce n’est pas un moyen de défense dans cette affaire-ci donc, vous ne pouvez pas considérer une contrainte pour commettre un meurtre comme étant un élément de défense que vous pouvez considérer. Si ça avait été le cas, je vous l’aurais proposé le moyen de défense fondé sur la contrainte. Ça va. S’il y a d’autres questions, on va demeurer à votre disposition.

  1.            De toute évidence, et cela me semble extrêmement significatif, le jury avait à l’esprit le témoignage de l’appelant selon lequel il avait été l’objet de menaces et de pressions de la part de Daniel Giroux.
  2.            L’appelant conteste la réponse donnée au jury parce que même si la défense de contrainte ne s’appliquait pas selon l’article 17 C.cr., il soutient que la preuve concernant les menaces reçues ou les pressions subies pouvait être pertinente quant à l’évaluation de son intention de tuer.
  3.            L’application de la défense de contrainte en matière de meurtre fait l’objet d’importants débats qui n’ont pas encore été complètement résolus par la Cour suprême[27]. Ces questions n’ont pas été débattues dans la présente affaire.
  4.            Il n’est pas souhaitable dans le présent dossier de fournir une réponse définitive sur ces questions, y compris sur la question de savoir si les éléments de preuve pouvant suggérer que l’appelant a été l’objet de menaces ou de pressions étaient de nature à soulever un doute à l’égard de certains éléments essentiels des deux infractions portées contre l’appelant, soit le complot pour meurtre et le meurtre au premier degré.
  5.            À mon avis, il suffit de conclure à l’égard de la question de la contrainte que l’omission du juge de clarifier auprès du jury le sens de sa question s’avère fatale, comme l’explique la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt Breaker[28] :

[23] We agree with the submissions of the appellant that the question was of fundamental importance to the jury and needed to be answered correctly. A trial judge has a duty to provide clear, correct and comprehensive answers to a jury’s questions. Failure to clarify questions that are unclear or ambiguous may amount to reversible error: see R v Kahnapace, 2010 BCCA 227 at paras 48-50; R v H(LI), 2003 MBCA 97 at para 72. Rather than speculating as to what was being asked, the trial judge ought to have asked for some clarification of the question before embarking on a potentially non-responsive or incorrect answer. Failure to do so was an error.

  1.            L’omission de clarifier la question soulevée par le jury lui-même concernant la contrainte est une raison supplémentaire d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

D - La défense d’accident

  1.       L’arrêt de principe de notre Cour sur la défense d’accident est l’arrêt Primeau rendu en avril 2021[29] alors que le procès de l’appelant s’est tenu à l’automne 2020. Le juge n’avait donc pas l’avantage de connaître l’arrêt Primeau auquel cas ses directives auraient naturellement été plus explicites.
  2.       Le juge renvoie au témoignage de l’appelant qui, en réponse à une question du poursuivant, explique que le coup de feu était un accident. Il mentionne toutefois à quelques reprises la portée accidentelle du coup de feu en lien avec l’existence ou non de l’intention de tuer de l’appelant.
  3.       Même s’il ne formule aucune directive inspirée de modèles de directives sur la défense d’accident[30] et que les directives ne respectent pas les paramètres exprimés dans l’arrêt Primeau, je suis d’avis que cette erreur ne justifierait pas à elle seule une ordonnance de nouveau procès. Par contre, je reconnais que les directives n’ont pas eu la précision requise et que ce constat s’ajoute aux autres erreurs qui s’avèrent tout de même comme plus déterminantes.

E - Les questions rhétoriques proposées par le juge

  1.       L’appelant critique vivement les questions rhétoriques proposées par le juge au jury. Je reproduis les passages pertinents de l’exposé au jury où le juge discute de l’analyse de la vraisemblance du témoignage de l’appelant :

Il vous appartient d’analyser et de discuter des versions qu’il vous… qu’il donne en vous indiquant qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer Jacques Choquette, une personne qu’il ne connaissait pas.

Une question que vous pouvez vous poser, est-ce que le témoignage de l’accusé devant vous est crédible et vraisemblable? Plusieurs questions peuvent se poser. On n’a pas beaucoup parlé de l’accusé Daniel Giroux… de l’accusé de Daniel Giroux, Mathieu Valade-Williams et très peu de Jacques Choquette. Posez-vous la question à savoir pourquoi Jacques Choquette se rend à un rendez-vous, à une rencontre avec Daniel Giroux? Il dit à sa conjointe qu’il part pour peu de temps, qu’il s’en va rencontrer quelqu’un.

Est-ce raisonnable de croire que c’est pour se faire collecter de l’argent qu’il devait à Giroux qu’il se rendait à un endroit isolé ou si une autre raison lui avait été donnée pour l’attirer à cet endroit précis et où, par hasard, Mathieu Valade-Williams se trouverait à proximité? Vous pouvez également vous poser comme question, pourquoi Daniel Giroux monte-t-il à bord du véhicule de l’accusé? Est-ce que parce que son véhicule n’était pas disponible ou parce que Mathieu Valade-Williams l’avait en sa possession pour être à proximité d’où la rencontre avait lieu? Quelle était l’utilité de… que Daniel Williams… que Valade-Williams soit à proximité? Pouvez-vous conclure que la… de la preuve de la disposition du cadavre et celle de l’auto était déjà planifiée par la possession d’accélérant comme de l’essence, qui était prévue auquel cas, il fallait quelqu’un pour conduire la Mercedes de Choquette, l’incendier dans un lieu éloigné d’où il était décédé, mais près de l’usine qu’il opérait dans les environs de Saint-Valérien.

Vous pouvez également vous poser la question lorsque l’accusé témoigne pourquoi dit-il que monsieur Valade-Williams n’est pas surpris qu’après le coup de feu entendu que Jacques Choquette soit mort, il ne dit pas : « Qu’est-ce que vous avez fait, mais vous l’avez fait. » Comment pouvait-il savoir que l’accusé n’avait pas tiré par accident? Le comportement des personnes présentes lors des événements est-il cohérent d’un acte accidentel? Daniel Giroux se précipite vers la victime non pas pour s’enquérir s’il va bien, mais pour le fouiller, il dira à Valade-Williams qu’il avait… qu’il lui avait dit qu’il avait trouvé le bon gars pour faire cela.

Le témoignage de l’accusé lorsqu’il vous dit qu’il a vu une lueur qui, par la suite, s’est révélée être le téléphone cellulaire de la victime mérite également des questionnements sur ce qui l’aurait incité à faire feu. Il mérite également des questionnements de votre part, Jacques Choquette avait, effectivement, un téléphone cellulaire qu’il utilise le 3 novembre 2016. D’ailleurs, sa conjointe madame Arteau vous a dit qu’elle avait tenté sans succès de rejoindre et de s’inquiéter de son absence jusqu’au point de le déclarer disparu le soir même après avoir constaté que son téléphone ne répondait plus. Or, le relevé téléphonique de son téléphone indique un dernier appel ou texte à dix-huit heures quarante-trois (18 h 43) de Jacques Choquette indique : « Je suis là. » Je vous rappelle qu’à ce moment selon la preuve non contredite que l’accusé est accompagné de Daniel Giroux, la même personne à qui est destiné le message. Ce dernier appel de Jacques Choquette intitulé « data » sur la pièce P-5 donne l’heure, de vingt et une heure quarante trois (21 h 43) et est capté à la tour située à Saint-Valérien endroit même où sera trouvé le lendemain la carcasse de son véhicule incendié. Le téléphone est complètement calciné à l’intérieur du véhicule. Selon sa version, Giroux lui aurait crié… selon la version de monsieur Blanchard, Giroux lui aurait crié à une dizaine de reprises : « Tire, tire, tire! », alors qu’il s’éloignait de la victime. Qu’aurait fait Jacques Choquette et au lieu de fuir ou tenter de fuir se serait retourné vers l’accusé, aurait décidé d’appeler quelqu’un, vous pouvez vous interroger si cette version est raisonnable ou non.

Autre élément qui ne… ce n’est pas le téléphone que le… de la victime que Giroux fouille, mais bien le cadavre et le véhicule de la victime. Ce n’est que quelques questions que vous pouvez vous poser et ce, (inaudible) une indication comment vous servir des éléments de preuve que vous considérez fiables et crédibles pour évaluer le témoignage eu égard à l’ensemble de la preuve et bien entendu, vous n’êtes pas obligés de vous poser ces questions et êtes complètement libres de vous poser les questions que vous, vous jugez utiles si c’est le cas. Il vous appartient de décider, d’évaluer plutôt le témoignage de l’accusé et de décider si vous le croyez ou encore son témoignage à l’effet qu’il ne voulait pas tuer Jacques Choquette, mais plutôt que le coup de feu est parti par réflexe ou accident à la vue du flash du téléphone de Jacques Choquette, si cette version soulève un doute dans votre esprit auquel cas vous devez l’accuser de meurtre et le déclarer coupable d’homicide involontaire.

  1.       J’entreprends l’analyse de ce moyen d’appel en reproduisant les critiques exprimées par le juge O’Halloran de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Pavlukoff[31] au sujet de la faculté du juge qui préside un procès avec jury d’exprimer son opinion sur les faits de l’affaire. Le passage du temps n’a fait prendre aucune ride à la pertinence de ces observations :

It seems an absurdity for a Judge, after telling the jury the facts are for them and not for him, then to volunteer his opinions of facts followed then or later by another caution to the jury that his own opinion cannot govern them and ought not to influence them. If his opinion ought not to govern or influence the jury then why give his opinion to the jury. To a person who is not a lawyer, but has some training in the science of correct thinking and some knowledge of the workings of the human mind, a Judge who expresses his own opinions to the jury is in effect unconsciously perhaps but nevertheless subtly and positively undermining the plain instruction he has given the jury that “the facts are for them and not for him”; in reality he is in true effect attempting to persuade the jury not to exercise their own minds freely (as in law he has told them they must do) but instead to be guided by the factual conclusions he volunteers to them.

The Judge in Court officially and physically occupies a position of great power and prestige. His power and his control of the trial plain to see in Court, are matched by his knowledge of the law and his experience in weighing and analysing evidence. His lightest word or mannerism touching the reliability of a witness and the guilt of the accused, cannot fail to bear heavily upon the members of the jury who naturally look up to him (and in more ways than one) as the embodiment of the great traditions of the law. To the jury the presiding Judge appears as the great neutral. Anything that emanates from him, carries for them at least all the ear-marks of balanced justice. In a widely publicized murder trial his every act and word are subjected to a merciless public scrutiny, which often wonders if he possesses natural penetrating shrewdness accompanied by a disciplined compassion.

There is every reason why the Judge should confine himself strictly to his own responsibilities and leave the members of the jury alone to carry out their responsibility. There may be a tendency among some Judges perhaps to feel constantly nervous whether a jury will bring in the verdict they may think the jury should bring in. But the law does not give the Judge such a superior position. On the contrary the matter is beyond his jurisdiction and solely within the jurisdiction of the jury. The presiding Judge is not an appellate Court “writ small”. It might easily be inferred that a Judge who persists in giving his opinions to the jury, is thoroughly convinced that a jury is not as competent as the Judge himself to come to a conclusion on the facts.[32]

[Les soulignements sont ajoutés]

  1.       Ces observations, ou une partie d’entre elles, ont été citées dans le passé dans des arrêts de la Cour[33].
  2.       Par ailleurs, à l’instar d’autres cours d’appel[34], la Cour considère que l’exposé au jury doit respecter une saine neutralité. Ainsi, il est généralement souhaitable que le juge du procès n’exprime aucune opinion au sujet des faits. Le juge Hilton décrit l’approche qui s’avère préférable dans l’arrêt Caron[35] :

[104] Un accusé qui subit un procès devant jury doit pouvoir avoir un procès équitable qui lui permette de répondre aux arguments du ministère public et de se défendre. Il ne peut par ailleurs répondre aux opinions du juge puisqu’une fois les directives données, il n’a pas le droit de s’adresser à nouveau au jury. Dans ces circonstances, il est généralement souhaitable pour l’administration de la justice que les juges s’abstiennent de donner leur opinion personnelle à l’égard de la preuve. Leur rôle se limite à signaler au jury les aspects de la preuve qu’il devrait prendre en compte pour en arriver à un verdict et les principes juridiques applicables à cette preuve. Pourquoi le juge donneraitil aux jurés son interprétation de la preuve pour ensuite leur dire qu’ils ne sont pas obligés d’en tenir compte? Malgré qu’un juge puisse en avoir le droit en certaines circonstances, il demeure néanmoins préférable qu’il se limite à faire une narration indépendante et neutre de la preuve sans se prononcer sur sa valeur ou d’exprimer directement son opinion, ce qui d’ailleurs les aide peu dans leur évaluation personnelle. À cet égard, rappelons ces propos de la juge Charron dans Gunning :

31 Ainsi, dans un procès avec jury, il n’appartient jamais au juge d’apprécier la preuve et de décider si le ministère public a prouvé l’un ou plusieurs éléments essentiels de l’infraction, pour ensuite donner des directives en conséquence au jury. Il n’importe pas de savoir jusqu’à quel point la réponse peut paraître évidente au juge. Il est également sans importance que le juge puisse être d’avis que toute autre conclusion serait contraire à la preuve. Le juge du procès peut exprimer une opinion sur la question lorsque cela est justifié, mais il ne peut jamais donner des directives à cet égard.

[Les soulignements sont ajoutés et le renvoi est omis]

  1.       Même si la tolérance[36] du droit canadien au sujet du droit du juge d’exprimer son opinion sur les faits de l’affaire ne résiste pas à une analyse du coût et des bénéfices de cette règle, j’évalue le moyen d’appel de l’appelant selon le droit actuel et non en fonction de ce qu’il devrait être à mon avis. J’y reviendrai plus loin.
  2.       L’état actuel du droit canadien a été résumé par le juge Doyon dans l’arrêt Mailhot[37], dont l’opinion a été confirmée par la Cour suprême[38], et dont je reproduis certains extraits :

[186] Le juge du procès peut certes exprimer son opinion sur une question de fait, à la condition toutefois de rappeler clairement au jury qu’il ne s’agit pas d’une directive, mais uniquement d’un conseil : R. c. Gunning, [2005] 1 R.C.S. 627, paragr. 27.

[187] Certains ont cru percevoir dans cet arrêt une licence autorisant dans tous les cas le juge du procès a donné son opinion, à la condition d’y ajouter la mise en garde. À mon avis, ce n’est pas le cas.

[188] Cette faculté n’est pas absolue et j’estime qu’elle est soumise à deux exigences : 1) le juge peut donner son opinion lorsque cela est justifié, et 2) s’il décide de le faire, il doit agir de manière équitable. […].


  1.       Après avoir cité les paragraphes 27 et 31 de l’arrêt Gunning, le juge Doyon apporte les nuances qui suivent :

[190] Ces précisions ne sont pas anodines. Le juge peut donner son opinion lorsque cela est justifié, en exprimant son point de vue à hauteur de ce que les circonstances permettent. En d’autres mots, il peut s’exprimer aussi fermement que les circonstances le permettent, mais pas plus.

[…]

[192] Quand le juge est-il justifié d’exprimer son avis sur les faits ? La pratique canadienne veut que le juge puisse généralement le faire, mais cela ne peut aller jusqu’à exprimer une opinion, de manière directe ou indirecte, pour influencer le jury sur le verdict à rendre. Une opinion sur les faits ne peut se transformer en une opinion sur le verdict.

[…]

[194] En d’autres termes, le pouvoir discrétionnaire n’est pas sans limites et il peut arriver que le juge insiste indûment au point où, malgré la mise en garde, il est vraisemblable que le jury ne pourra se dissocier de l’opinion exprimée trop fermement. Cela équivaudrait à une opinion sur le verdict à rendre, sinon à une directive sur la question.

[Les soulignements sont dans l’original]

  1.       Dans l’affaire Mailhot, le juge du procès avait suggéré au jury de s’interroger sur la vraisemblance de la défense de désordre mental présentée par l’accusé[39]. Le juge Doyon admettait la pertinence des questions soulevées[40] et ce « même si le juge y laisse clairement transparaître son opinion »[41]. Cela n’aurait pas suffi à justifier la tenue d’un nouveau procès, mais le juge a démoli la position de la défense en la résumant.
  2.       Il est nécessaire de reproduire la description complète des observations du juge Doyon au sujet du résumé de la position de la défense présenté par le juge du procès au jury :

[206] Un peu plus tard, le juge annonce :

Alors, je dois vous exposer maintenant la position des parties et je dirais, bizarrement, parce que ça n’arrive pas souvent ça, bizarrement, pour vous exposer correctement la position des parties, il me faut commencer par vous expliquer la thèse de la défense. […] Et, dans l’évaluation de la position de l’accusé, vous avez, il me semble, une question à vous poser. Est-ce vraisemblable?

[207] C’est à compter de ce moment que le bât blesse. Le juge ne se limite pas à exposer la thèse de la défense. Il la démolit, en mettant systématiquement en doute ses principaux éléments. C’est d’ailleurs le grief que soulève l’appelant en ce que, sous le prétexte de résumer au jury la thèse de la défense, le juge n’aurait pas fait autre chose que de tenter d’en démontrer l’invraisemblance.

[208] C’est ce qui se dégage de la lecture des directives, alors que le juge entame pourtant un chapitre qui devrait normalement résumer la défense et les points faibles de la thèse de la poursuite et indiquer ce qui, selon la défense, est de nature à susciter un doute raisonnable. Il n’en sera rien.

[209] Sans le déclarer explicitement, le juge laissera clairement entendre, par ses questions, que ces éléments de défense n’ont pas de valeur. Or, non seulement le moment d’exposer la thèse d’une partie n’est pas le moment approprié pour en démontrer les faiblesses, mais en plus, le juge ne répète pas la mise en garde au regard de sa propre opinion, qu’il avait faite au préalable lors de ses directives générales. Or, vu la facture de ses directives au moment de résumer la thèse de la défense, il se devait, pour être équitable, de la répéter. Je m’explique.

[210] Les directives, qui se veulent un résumé de la thèse de la défense, prennent ici la forme suivante. Le juge résume d’abord un argument de la défense, pour immédiatement enchaîner en faisant état d’éléments de preuve qui le contredisent. Et cela se répète pour d’autres éléments de la défense. Quitte à le redire, cela ne devrait pas faire partie du résumé de la thèse de la défense.

[Les soulignements sont ajoutés]

  1.       Les propos qui précèdent s’avèrent extrêmement utiles pour évaluer les critiques formulées par l’appelant en l’espèce.
  2.       Je poursuis néanmoins mon analyse en puisant dans la jurisprudence de la Cour d’appel de l’Ontario qui concerne l’utilisation de questions rhétoriques dans un exposé au jury.
  3.       Dans l’arrêt Baltovich[42], la Cour d’appel de l’Ontario réprouve l’utilisation des questions rhétoriques, car celles-ci peuvent donner l’impression que le juge prend parti pour le poursuivant :

[146] Rhetorical questions […] may have a place in the Crown’s closing address. They should be avoided in the jury charge, lest the trial judge be seen as taking up the Crown’s cause and casting off the mantle of objectivity.

  1.       Dans l’arrêt Lawes[43] (auquel renvoie le juge Doyon dans Mailhot), le juge Rouleau analyse une situation où le juge du procès avait utilisé des questions rhétoriques. Il insiste sur la nécessité de considérer les directives dans leur ensemble afin de déterminer si l’utilisation des questions rhétoriques a eu pour effet de dénigrer inéquitablement la position de la défense :

[59] The trial judge in this case ought not to have used rhetorical questions such as the one I have quoted and ought not to have made comments that could be taken as unfairly denigrating the defence position. This said, however, I need to assess whether the trial judge’s unfortunate comments, considered in the context of the charge as a whole, were made in such a forceful way so as to overwhelm the jury or usurp its fact finding function, and whether they deprived the appellant of a fair presentation of his case to the jury […] such that the charge was unfair and unbalanced. Several factors militate against such findings.

[60] First, in the charge as a whole and in this section in particular, the trial judge did not take the defence off the table. Indeed, at the end of this 13-page section, the trial judge devoted more than a page to remind the jury of the defence position and of the evidence in support. This was the last thing the trial judge said before dealing with the standard closing instructions. It is also worth noting that earlier in the charge the trial judge had spent 12 pages outlining the defence position in considerable detail.

[61] Second, as part of the standard closing instruction as well as in several earlier parts of the charge, the trial judge made it clear to the jury that if he had consciously or unconsciously expressed any view or opinion and they disagreed with it, it was their duty to disregard it and follow their own view.

[62] Third, in fairness to the trial judge, the evidence showing that the appellant was a party far exceeded the evidence that he was not. A balanced charge does not require the trial judge to ignore evidence that is damaging to the accused and, in this case, the evidence against the appellant position was quite strong, if not overwhelming.

[63] Fourth, where the trial judge expressed an opinion, it was one that the jurors would almost certainly have reached themselves. The trial judge, however, never directed the jury to make any particular finding, nor did he express any opinion as to the guilt of the appellant.

[64] Clearly rhetorical questions and comments that might be taken to unfairly denigrate the defence position ought to be avoided. They make a trial judge’s charge vulnerable and may result in the charge not being fair and balanced. Taking the factors I have outlined into account and bearing in mind that the charge must be read as a whole, I conclude, however, that in all of the circumstances the trial judge did not run afoul of the common law rule so as to usurp the fact finding function of the jury, nor did he unfairly denigrate the position of the defence. Further, the jurors “would adequately understand the issues involved, the law relating to the charge the accused is facing, and the evidence they should consider in resolving the issues”. […] The appellant was not deprived of a fair trial.

[Les soulignements sont ajoutés]

  1.       Quelques années plus tard, le juge Rosenberg apporte certaines nuances dans l’arrêt Ferrari[44]. Il distingue entre les questions rhétoriques et les questions qui émergent naturellement de la preuve :

[46] Thus, the danger of a trial judge using rhetorical questions in relation to an accused’s evidence is that they become simply a device to denigrate the defence; questions with obvious answers suggest that the trial judge does not believe the accused’s evidence: see R. v. Dunham (1986), 11 O.A.C. 374 (C.A.); R. v. Baltovich (2004), 73 O.R. (3d) 481 (C.A.), at paras. 146-47. However, rhetorical questions are to be distinguished from simply posing questions that naturally arise on the evidence and are a way to analyze and understand the evidence: see R. v. Wristen (1999), 47 O.R. (3d) 66 (C.A.), at para. 29. In my view, for the most part, the trial judge’s comments on the evidence fell in the latter category. He asked several questions that inevitably arose from the evidence; if they sounded like rhetorical questions, this was only because the appellant Zingariello’s testimony, when considered with the other objective evidence, was extremely fragile. Zingariello was entitled to have his position put fairly but he was not entitled to have it considered divorced from all the other evidence in the case: see Lawes, at paras. 62-63.

[Les soulignements sont ajoutés]

  1.       Dans cette affaire mettant en cause les défenses traîtresses (« cut-throat defence ») de deux coaccusés, le juge avait dressé la nomenclature des contradictions entre les témoignages des deux coaccusés, ce qui lui était autorisé de faire.
  2.       Il incombe donc au juge d’agir de manière judicieuse afin de ne pas porter atteinte à l’équité du procès[45] et de ne pas déprécier la défense présentée. Il doit se garder de « remettre systématiquement en doute la vraisemblance de ses éléments constitutifs, soit en laissant entendre qu’ils sont invraisemblables, soit en insistant sur d’autres éléments de preuve qui les contredisent »[46]. Comme l’exprime le juge Proulx dans l’arrêt Aflalo :

Je ne connais pas de précédent jurisprudentiel où l’on ait approuvé cette méthode qui consiste, pour un juge, après la plaidoirie de la défense, à critiquer en quelque sorte chacun des arguments de la défense. Cela me paraît incompatible avec le caractère équitable que doit revêtir l’exposé du juge[47].

[Le soulignement est dans l’original]

  1.       À la lumière de ce qui précède, qu’en est-il des directives du juge en l’espèce?
  2.       Dans la présente affaire, toutes les questions rhétoriques formulées par le juge mettent en doute la vraisemblance du témoignage de l’appelant.
  3.       Le juge emploie à répétition des formulations rhétoriques qui incitent le jury à « se poser des questions », lesquelles ont invariablement trait à la crédibilité de l’appelant. De plus, alors qu’il traite de la position de la défense, le juge emploie des qualificatifs qui s’avèrent péjoratifs lorsqu’ils sont analysés dans leur contexte. Il fait constamment référence à la « raisonnabilité », à la « cohérence » et au « mérite », et ce, tout en traitant des questions de fait au cœur du procès – comme le tir mortel, par exemple. En outre, même lorsque le juge formule ses questions de façon plus neutre, il est toujours possible de déceler une opinion défavorable par rapport à la culpabilité de l’appelant.
  4.       Les questions que le juge propose au jury ne concernent que la crédibilité et la vraisemblance du témoignage de l’appelant.
  5.       Les questions remettent implicitement en question la position de la défense telle que résumée par le juge, à savoir : 1) la raison pour laquelle la victime suit les coaccusés; 2) l’utilisation du véhicule de l’appelant; 3) la présence de Valade-Williams; 4) les preuves de préméditation (notamment l’essence); 5) la réaction de Valade-Williams; 6) le comportement des coaccusés immédiatement après le tir; 7) la raison pour laquelle l’accusé aurait tiré; 8) le comportement de la victime au moment du tir; 9) le comportement des coaccusés postérieur à l’infraction.
  6.       Or, ces questions suivent une erreur dans les directives concernant l’évaluation du témoignage de l’appelant.
  7.       Il s’agit là d’une série de questions qui s’ajoute à la plaidoirie du poursuivant et qui ne masque pas l’évaluation défavorable du juge de la vraisemblance du témoignage de l’appelant.
  8.       Certes, les propos du juge ne doivent pas être analysés en faisant abstraction des mises en garde qu’il a formulées dans son exposé, mais les mises en garde du juge ne parviennent pas à rétablir l’équilibre.
  9.       Le jury pouvait donc conclure que le juge était d’avis que l’appelant ne devait pas être cru ou que son témoignage ne pouvait pas soulever de doute raisonnable. Même si la formulation de questions rhétoriques sapait la défense de l’appelant d’une manière légèrement différente de celle critiquée dans l’arrêt Mailhot, je pense que le résultat est le même. Les questions rhétoriques ont fait pencher la balance en faveur du poursuivant et ont déprécié la position de la défense[48].
  10.       Si on croit véritablement que le jury est le maître des faits et qu’il doit seul décider de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé[49], comme l’enseigne l’arrêt Caron de notre Cour[50], la formulation d’une série de questions rhétoriques univoques comme celles utilisées dans la présente affaire doit être évitée.

***

  1.       Je me dois de formuler un dernier commentaire. Le juge Proulx de notre Cour a remis en question dans l’arrêt Aflalo la règle de notre droit qui tolère que le juge du procès exprime son opinion sur les faits de la cause[51]. À mon avis, il en va de même des questions rhétoriques comme celles utilisées dans la présente affaire.
  2.       Néanmoins, je suis parfaitement conscient que dans l’arrêt Gunning, la Cour suprême écrit que le juge a « le droit d’exprimer une opinion sur une question de fait et de le faire aussi fermement que le permettent les circonstances, à la condition de dire clairement au jury qu’il s’agit seulement d’un conseil et non d’une directive »[52].
  3.       Cette règle est désuète et n’a plus sa raison d’être. Elle est source de moyens d’appel inutiles qui peuvent être tout simplement évités en l’abolissant. Elle exige que les cours d’appel se livrent à des contorsions intellectuelles pour déterminer si le juge du procès a exprimé son opinion d’une manière plus ferme que ne le permettent les circonstances.
  4.       On ne peut à la fois célébrer l’intelligence du jury et exprimer sa confiance envers cette institution tout en permettant au juge du procès d’exprimer son opinion sur les faits.
  5.       Comme le rappelait récemment la Cour suprême : « Le jury est le seul juge des faits »[53]. Avec égards, la voie à suivre est celle tracée par le juge Hilton dans l’arrêt Caron : « il est souhaitable […] que les juges s’abstiennent de donner leur opinion personnelle à l’égard de la preuve »[54]. Le juge doit se limiter « à faire une narration indépendante et neutre de la preuve sans se prononcer sur sa valeur ou [exprimer] directement son opinion »[55].

***

  1.       Pour l’ensemble de ces motifs, je propose à la Cour d’accueillir l’appel, d’infirmer les verdicts de culpabilité et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

 

 

 

GUY COURNOYER, J.C.A.

 


[1]  R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742.

[2]  Mailhot c. R., 2012 QCCA 964, par. 204 et 209, motifs dissidents du juge Doyon confirmés en appel à la Cour suprême, 2013 CSC 17, [2013] 2 R.C.S. 96; R. v. Ferrari, 2012 ONCA 399, par. 46.

[3]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 34-37.

[4]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 38.

[5]  Conseil canadien de la magistrature, Comité national sur les directives au jury, Modèles de directives au jury, Directive finale 9.2 Présomption d’innocence, fardeau de la preuve et doute raisonnable, dernière mise à jour 2012.

[6]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 51-55; R. c. R.V., 2021 CSC 10, [2021] 1 R.C.S. 131, par. 64; R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, par. 51-54.

[7]  R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, [2008] 2 R.C.S. 152, par. 1 et 13.

[8]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 31; Primeau c. R., 2021 QCCA 544, par. 50; Lehoux c. R., 2023 QCCA 789, par. 70.

[9]  R. c. Daley, 2007 CSC 53, [2007] 3 R.C.S. 523, par. 30; R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 40.

[10]  R. c. O’Brien, 2011 CSC 29, [2011] 2 R.C.S. 485, par. 17.

[11]  Primeau c. R., 2021 QCCA 544, par. 78.

[12]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 72.

[13]  Id.

[14]  Tshilumba c. R., 2022 QCCA 1591; D. Watt, Helping Jurors Understand, 2ème éd., Thomson Reuters, 2023, p. 225-226.

[15]  Primeau c. R., 2021 QCCA 544, par. 53.

[16]  Id.

[17]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 66-70.

[18]  Id., par. 66.

[19]  Le mot deresse était écrit de cette façon dans la note du jury.

[20]  J’ai déjà indiqué que la directive initiale du juge au sujet du fardeau de la preuve et du doute raisonnable est infiniment plus brève que le modèle suggéré par le Conseil canadien de la magistrature et en omet plusieurs éléments importants. Or, même si la suffisance d’une directive ne s’évalue pas en fonction du respect d’un modèle de directive (R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 51-55), je considère néanmoins que l’utilisation de cette directive aurait été préférable pour répondre à la question posée par le jury.

[21]  R. v. Mohamed (1991), 64 C.C.C. (3d) 1 (C.A. C.-B.); R. v. Fleiner (1985), 23 C.C.C. (3d) 415 (C.A. Ont.); R. v. Breaker, 2018 ABCA 424, par. 23; R. v. Bradshaw, 2020 BCCA 97, par. 24-25; R. v. Chacon-Perez, 2022 ONCA 3, par. 198 et 200; D. Watt, Helping Jurors Understand, 1re éd., Thomson Carswell, 2007, p. 258-259; D. Watt, Helping Jurors Understand, 2e éd., Thomson Reuters, 2023, p. 245.

[22]  R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320.

[23]  R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, [2008] 2 R.C.S. 152, par. 1 et 13.

[24]  R. c. MacKenzie, [1993] 1 R.C.S. 212; R. c. Mayuran, 2012 CSC 31, [2012] 2 R.C.S. 162, par. 41-43.

[25]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 30.

[26]  Lehoux c. R., 2023 QCCA 789, par. 71.

[27]  R. v. Aravena, 2015 ONCA 250; R. v. Willis (T.A.W.), 2016 MBCA 113; C. Fehr, « The Constitutionality of Excluding Duress as a Defence to Murder » (2021), 44 Manitoba Law Journal 111; R. H. Tanha, « The Availability of the Common Law Defence of Duress to Principals Charged with Murder: An Analysis of the Conflicting Appellate Decisions in R v Willis (TAW) and R v Aravena » (2021), 44 Manitoba Law Journal 136.

[28]  R. v. Breaker, 2018 ABCA 424. Voir aussi R. v. Chacon-Perez, 2022 ONCA 3, par. 200.

[29]  Primeau c. R., 2021 QCCA 544.

[30]  Voir D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, Thomson Reuters, 2023, p. 1163-1166.

[31]  R. v. Pavlukoff (1953), 106 C.C.C. 249 (C.A. C.-B.).

[32]  R. v. Pavlukoff (1953), 106 C.C.C. 249 (C.A. C.-B.), p. 266-267.

[33]  Aflalo c. R., [1991] R.J.Q. 2131 (C.A.), p. 2155. Dans cet arrêt, le juge Proulx renvoie à des arrêts rendus par la Cour durant les années 60, 70 et 80. Voir notamment R. v. Denis (1967), 1 C.C.C. 196 (C.A. Qué.).

[34]  R. v. Harris, 2022 ONCA 739, par. 23; R. v. Walker, 2019 ONCA 806, par. 20; R. v. Moore, 2020 ONCA 827, par. 59; R. v. D.J.R. (1991), 7 C.R. (4th) 300 (C.A. C.-B.). Comme l’explique la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. v. Moore, 2020 ONCA 827, par. 69 in fine : « [s]ometimes the best comment is no comment ».

[35]  Caron c. R., 2007 QCCA 1569.

[36]  Expression utilisée par le professeur J. Fortin dans son ouvrage Preuve pénale, Éditions Thémis, 1984, p. 230, par. 312. Le juge Proulx renvoie à cette expression dans l’arrêt Aflalo c. R., [1991] R.J.Q. 2131 (C.A.).

[37]  Mailhot c. R., 2012 QCCA 964.

[38]  R. c. Mailhot, 2013 CSC 17, [2013] 2 R.C.S. 96.

[39]  Mailhot c. R., 2012 QCCA 964, par. 203.

[40]  Id., par. 204.

[41]  Ibid.

[42]  R. v. Baltovich (2004), 191 C.C.C. (3d) 289 (C.A. Ont.). Voir aussi R. v. Williams, 2013 ONCA 477, par. 8; R. v. McManus, 2017 ONCA 188, par. 104-107; R. v. Hafizi, 2019 ONCA 2, par. 20; R. v. Laforme, 2022 ONCA 395, par. 40-41.

[43]  R. v. Lawes (2006), 206 C.C.C. (3d) 15 (C.A. Ont.).

[44]  R. v. Ferrari, 2012 ONCA 399.

[45]  R. v. Walker, 2019 ONCA 806, par. 20.

[46]  Mailhot c. R., 2012 QCCA 964, par. 219.

[47]  R. c. Aflalo, [1991] R.J.Q. 2131 (C.A.), p. 2150.

[48]  Aflalo c. R., [1991] R.J.Q. 2131 (C.A.), p. 2149-2151.

[49]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 31-32.

[50]  Caron c. R., 2007 QCCA 1569, par. 104.

[51]  Aflalo c. R., [1991] R.J.Q. 2131 (C.A.), p. 2155-2157. Dans l’arrêt R. v. Valentini (1999), 132 C.C.C. (3d) 262 (C.A. Ont.), par. 34, le juge Rosenberg de la Cour d’appel de l’Ontario exprime son accord avec la critique du juge Proulx.

[52]  R. c. Gunning, 2005 CSC 27, [2005] 1 R.C.S. 627, par. 27.

[53]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 31.

[54]  Caron c. R., 2007 QCCA 1569, par. 104.

[55]  Id.

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