Décision

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Forcier & Frères ltée c. Ville de Malartic

2021 QCCS 544

 

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT D’ABITIBI

 

 

No :

615-17-000614-130

 

 

DATE :

1er février 2021

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARIE-HÉLÈNE MONTMINY, J.C.S.

 

 

 

FORCIER & FRÈRES LTÉE

Demanderesse

c.

VILLE DE MALARTIC

Défenderesse

 

 

 

JUGEMENT

(sur demande en responsabilité civile)

 

 

L’APERÇU

[1]          

JM2901

 
Depuis la fin des années 1970, Forcier & Frères ltée (« Forcier & Frères ») détient un bail non exclusif lui permettant d’exploiter une sablière dont la partie sud est située sur le territoire de la Ville de Malartic (« Malartic ») et la partie nord sur celui de la municipalité de Rivière-Héva.

[2]           Ce bail d’exploitation, consenti par la MRC de La Vallée-de-l’Or, lui donne le droit d’extraire du sable, du gravier, de l’argile et autres dépôts[1]. Huit autres détenteurs de baux bénéficient aussi de tels droits. La sablière est située dans l’esker[2] où se trouve également la principale source d’eau potable de Malartic.

[3]           Forcier & Frères estime que Malartic l’empêche d’exercer les droits conférés par son bail et qu’elle fait indirectement ce qu’elle ne peut faire directement, c’est-à-dire l’empêcher d’exploiter la sablière.

[4]           Comment? Par le biais d’une résolution adoptée en novembre 2007[3], selon laquelle Malartic prévoit qu’elle n’utilisera pas, pour ses besoins, tout gravier provenant de l’esker et en intégrant à ses appels d’offres une clause d’exclusion obligeant le soumissionnaire et ses sous-traitants à souscrire ce même engagement[4].

[5]           Privée des revenus générés par la vente de matériaux granulaires dans le cadre de contrats publics, Forcier & Frères évalue sa perte de profits à la somme de 350 000 $, qu’elle réclame à Malartic[5].

[6]           Ajoutant que Malartic a agi sciemment dans le but de lui causer préjudice, Forcier & Frères réclame un montant de 100 000 $ à titre de dommages punitifs.

[7]           Malartic rétorque avoir toujours agi de bonne foi, dans l’intérêt public et pour des considérations environnementales. Elle plaide avoir pris une décision politique et que l’adoption de cette résolution repose sur la nécessité de protéger sa source d’alimentation en eau potable des risques que représente l’exploitation d’une sablière à proximité de celle-ci.

[8]           Elle fait valoir que Forcier & Frères ne peut se plaindre d’un préjudice, ayant refusé de se prévaloir des mesures de mitigation instaurées par la Ville alors que d’autres entrepreneurs détenant des baux dans la sablière y ont eu recours.

[9]           Sans égards à ces moyens, Malartic soulève un argument de prescription et que Forcier & Frères n’a pas démontré avoir subi un préjudice.

[10]        L’instance ayant été scindée[6], ce jugement ne concerne que la responsabilité.

 

LE contexte

[11]        Forcier & Frères est détentrice de trois baux non exclusifs d’exploitation émis par la MRC de La Vallée-de-l’Or pour trois sites d’extraction. La sablière en litige est située à trois kilomètres de l’agglomération urbaine de Malartic et demeure le seul banc d’emprunt[7] en activité sur son territoire.

[12]        Forcier & Frères fait surtout affaire avec deux entreprises avec qui elle entretient des liens étroits : Les Agrégats Roc D’Or inc. (« Agrégats Roc D’Or ») et Réjean Forcier, Camionnage en vrac[8]. Selon la preuve, les ventes de matériaux granulaires issus de la sablière se font essentiellement par l’entremise de ces deux entreprises.

[13]        Réjean Forcier est président de Forcier & Frères et d’Agrégats Roc D’Or.

[14]        Malartic fait partie de la région de l’Abitibi-Témiscamingue et compte environ 3 500 habitants.

[15]        En 2008, elle accueille sur son territoire le projet Canadian Malartic de la Corporation minière Osisko.

  1. La problématique

[16]        Au cours de l’année 2005, Malartic connaît un problème d’approvisionnement en eau potable. Ce problème s’était déjà manifesté au cours des années précédentes.

[17]        Constatant une diminution persistante et critique du niveau de la nappe phréatique exploitée, Malartic mandate d’urgence la firme Génivar afin d’éviter la pénurie d’eau qu’elle anticipe pour 2006.

[18]        Génivar fait appel à GGE Consulteaux (« Consulteaux ») pour entreprendre des recherches en eau souterraine et implanter un ouvrage de captage d’eau[9].

[19]        De façon concomitante, Malartic sollicite ses citoyens afin de diminuer la consommation d’eau potable. Elle craint de manquer d’eau puisque les puits ne suffisent plus à la demande.

[20]        À cette époque, l’alimentation en eau est assurée par deux puits tubulaires : PP-4 et PP-5. À l’automne 2005, Michel Tessier, opérateur en eau potable à Malartic, constate qu’une des pompes de ces puits « pompait de l’air » tellement le niveau de la nappe phréatique était bas[10].

[21]        Dès 2006, une campagne intensive de forage s’amorce. De nombreux forages sont réalisés, d’abord à proximité de la ville, puis en périphérie. Au total, dix-huit forages exploratoires sont effectués[11].

[22]        Le puits PP-6 est construit dans un secteur vacant et boisé, à environ 250 mètres de la sablière où une source d’eau de qualité, en quantité suffisante, a été décelée. Les autres forages n’ont pu confirmer une capacité hydraulique comparable[12].

[23]        En mai 2006, Consulteaux remet à Génivar une étude hydrogéologique. Les résultats d’analyses montrent une eau d’excellente qualité pour le puits PP-6[13].

[24]        Consulteaux précise que la sablière est située à l’intérieur d’une superficie susceptible de contribuer à la réalimentation de l’aquifère[14].

[25]        L’indice de vulnérabilité DRASTIC[15] calculé par Consulteaux est de 168, ce qui démontre que l’aquifère a une vulnérabilité élevée à la contamination de surface[16].

[26]        S’appuyant sur les constats et recommandations de ses experts et invoquant la nécessité de protéger sa source d’alimentation en eau potable, Malartic entreprend des démarches auprès du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (« MRNF ») et auprès d’élus pour obtenir la fermeture de la sablière[17].

[27]        Étant donné que les détenteurs de baux bénéficient de droits acquis, il est conseillé à Malartic de tenter de s’entendre avec eux.

  1. Les discussions avec les exploitants

[28]        Le 7 juillet 2006, le maire Carpentier, accompagné de la directrice générale Lucie Roger[18] et du représentant des travaux publics, réunit tous les entrepreneurs détenteurs de baux. Cette rencontre est notamment l’occasion de les sensibiliser aux risques associés à l’exploitation de la sablière pour la source d’eau potable de Malartic et de les informer des constats et recommandations des experts qu’elle a mandatés.

[29]        Malartic avise les détenteurs de baux de ses démarches auprès du MRNF afin de transférer leurs permis d’exploitation vers un autre site de gravier, désigné comme celui de Goldfields. Malartic cherche l’assentiment des entrepreneurs et requiert qu’ils posent les gestes nécessaires au transfert de leurs droits. Selon les informations communiquées par Malartic, une fois cette étape franchie, le gouvernement pourrait procéder à la fermeture de la sablière et à la réhabilitation du terrain.

[30]        Le site de Goldfields étant situé à environ 15 à 18 kilomètres de la ville, Malartic indique aux détenteurs de baux qu’elle accepte, en contrepartie, de payer des frais de transport plus élevés dans le cadre des contrats publics nécessitant un approvisionnement en gravier.

[31]        Lucie Roger témoigne à l’audience que cette demande reçoit un accueil assez  favorable des entrepreneurs présents, d’autant plus qu’ils seront tous sur un pied d’égalité lors d’éventuels appels d’offres.

[32]        Une voix se fait toutefois discordante.

[33]        Réjean Forcier informe les représentants de Malartic qu’un changement de site ne  l’intéresse pas et qu’il poursuivra l’exploitation de la sablière. Il souligne que celle-ci est située tout près de sa résidence. Sa proximité du centre urbain lui permet d’offrir des prix compétitifs pour la livraison.

[34]        Réjean Forcier n’effectue donc aucune démarche pour vérifier la nature, la qualité ou la quantité des matériaux disponibles sur le site proposé.

[35]        La position de Réjean Forcier a une incidence sur celle des autres détenteurs de baux. Un entrepreneur fait d’ailleurs part à Malartic de sa préoccupation quant à l’iniquité qui pourrait découler du maintien de Forcier & Frères sur le site de la sablière alors que d’autres entrepreneurs se tourneraient vers celui de Goldfields.

[36]        De fait, et malgré d’autres démarches de Malartic[19], seul le ministère des Transports du Québec change de site[20].

  1. La résolution à l’origine du litige

[37]        C’est dans ce contexte que Malartic adopte une première résolution le 12 mars 2007[21]. Celle-ci sera rescindée[22] puis abrogée[23]. Suivant cette première résolution, Malartic prend la décision qu’elle et ses organismes ne retiendront aucun service des entrepreneurs qui exploitent toujours les bancs de gravier dans le secteur du nouveau puits. Ces entrepreneurs, dont Forcier & Frères, sont identifiés[24]. Malgré son abrogation, Forcier & Frères insiste en plaidoirie sur cette résolution pour démontrer que c’est son entreprise plutôt que la sablière qui est visée par la décision de Malartic.

[38]        Le 28 novembre 2007, Malartic adopte la résolution 2007-11-570[25] qu’il est opportun de reproduire en entier :

Protection de la source d’alimentation en eau potable

CONSIDÉRANT QU’il est primordial de protéger la source d’alimentation en eau potable de la Ville de Malartic, située sur l’esker dans la partie nord-ouest de la Ville à proximité du secteur urbain;

CONSIDÉRANT que la ressource d’eau est plus précieuse que toutes les autres ressources concurrentes;

CONSIDÉRANT QU’il y a dans le secteur de l’esker des bancs de gravier en exploitation;

CONSIDÉRANT QUE l’extraction de gravier rend vulnérable la nappe phréatique;

CONSIDÉRANT QUE la Ville veut éviter tout risque de contamination de l’esker, par le déversement de produits pétroliers lors de toutes activités reliées à l’extraction de gravier;

CONSIDÉRANT QUE par le passé, la Ville de Malartic a connu des problèmes en quantité et en qualité d’eau potable;

CONSIDÉRANT QUE la Ville de Malartic a dû investir des sommes considérables en recherche en eau potable pour pallier aux problèmes rencontrés;

CONSIDÉRANT QUE suite à ces recherches, le seul endroit ayant une qualité et une quantité en eau potable pour les besoins de la Ville de Malartic est situé sur l’esker;

CONSIDÉRANT QUE l’exploitation de l’eau de cet esker est faite à des coûts raisonnables pour les contribuables;

CONSIDÉRANT QUE l’exploitation du gravier de ce secteur peut se faire par d’autres méthodes alternatives, contrairement à l’exploitation de l’eau potable;

CONSIDÉRANT QUE dans l’éventualité d’une contamination de l’esker, les coûts reliés à la construction d’une usine d’eau potable sont tels, que les contribuables de la Ville ne pourraient pas payer, sans une augmentation considérable des charges fiscales;

CONSIDÉRANT QUE la Ville veut protéger son esker, comme le fait la Ville d’Amos et la municipalité de Saint-Mathieu d’Harricana;

CONSIDÉRANT QUE la Ville veut veiller à ne plus subir une problématique en eau potable, et ce, pour ces contribuables;

CONSIDÉRANT QUE la Ville de Malartic ne veut pas par ces gestes contaminer l’esker, étant le seul esker à Malartic;

CONSIDÉRANT QUE le conseil municipal veut protéger son esker;

IL EST PROPOSÉ par M. le conseiller Jude Boucher

RÉSOLU UNANIMEMENT

QUE le préambule fait partie intégrante de la présente résolution.

QUE la Ville de Malartic n’utilisera pas pour ses besoins tout gravier provenant de l’esker situé dans la partie nord-ouest de la Ville à proximité du secteur urbain;

QUE la Ville de Malartic continue à faire ses démarches auprès des ministères concernés, des entreprises et des contribuables afin de les conscientiser au problème de protection de la source en eau potable;

Adoptée.

[reproduit tel quel]

[39]        Ainsi, à compter de cette date, une clause similaire à celle ci-après est incluse dans les appels d’offres publics lancés par Malartic :

L’entrepreneur, ses mandataires et sous-traitants s’engagent à ne pas utiliser les gravières provenant de la source d’alimentation en eau potable de la Ville de Malartic ou le gravier provenant de ces gravières […][26].

  1. Le puits PP-7 et le recours en injonction

[40]        En 2009, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (« BAPE ») informe Malartic que le projet minier Canadian Malartic pourrait rendre inutilisables les puits PP-4 et PP-5 et abaisser le niveau de production du puits PP-6.

[41]        Au cours des années 2009-2010, Malartic procède donc à la recherche et à l’implantation d’un autre puits, le PP-7[27].

[42]        Le puits PP-7 est construit en 2010 à moins de 100 mètres de la sablière.

[43]        À son retour de vacances à l’été 2010, Lucie Roger est informée par son équipe des travaux publics qu’au-delà de 30 000 tonnes de matériaux avaient été retirées de la sablière au cours des dernières semaines[28].

[44]        Malartic considère qu’il s’agit d’une augmentation considérable de la cadence de concassage. Craignant une diminution significative de l’épaisseur de la couche protectrice de sa source d’eau et un risque accru de contamination, Malartic dépose une demande en injonction contre Forcier & Frères et les autres détenteurs de baux encore actifs dans le banc d’emprunt afin d’interrompre l’exploitation.

[45]        Le 9 août 2010, Malartic obtient une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire. L’ordonnance d’injonction est ensuite renouvelée. Néanmoins, le 2 mai 2011, la Cour supérieure rejette la requête en injonction permanente[29].

[46]        Malartic se pourvoit en appel. Le 10 septembre 2012, l’appel est rejeté[30]. La Cour d’appel conclut que Malartic n’a pas fait la preuve d’émission, de dépôt, de dégagement ou de rejet d’un contaminant au sens de l’article 20 de la Loi sur la qualité de l’environnement ou que la contravention était sur le point de se produire. Malartic ne pouvait donc obtenir la délivrance d’une injonction en vertu de cette loi.

[47]        Malartic se tourne vers la Cour suprême.

[48]        Le 14 février 2013, la demande d’autorisation d’appel sollicitée par Malartic est rejetée[31].

*  *  *

[49]        C’est sur cette toile de fond que Forcier & Frères introduit le présent recours le 2 août 2013.

[50]        Elle réclame, à titre de pertes de profits escomptées, la perte de profits sur chaque tonne de matériaux, multipliée par le nombre de tonnes qu’elle aurait pu produire ou transiger depuis les trois années précédant la procédure d’injonction entreprise par Malartic.

 

[51]        Afin de bien circonscrire la position des parties, un survol des rapports obtenus par Malartic au fil du temps ainsi que des informations reçues des ingénieurs qu’elle a mandatés est ici nécessaire.

  1. Les ingénieurs mandatés par Malartic

[52]        Réjean Fournier est ingénieur depuis 1980. Il est spécialisé en génie civil. Monsieur Fournier a travaillé pour l’entreprise Génivar, devenue WSP. Il est consulté par Malartic en 2005 pour un problème concernant la quantité d’eau disponible dans les puits alors en exploitation (PP-4 et PP-5). Il rencontre divers intervenants à Malartic, dont Lucie Roger et le maire Carpentier.

[53]        Il mentionne que les représentants municipaux étaient en panique, car Malartic craignait de manquer d’eau[32]. Un mandat spécial lui est octroyé d’urgence, sans appel d’offres, afin de trouver une solution rapide pour éviter le manque d’eau appréhendé.

[54]        Lorsqu’en février 2006 le forage à l’endroit du puits PP-6 permet de découvrir une source d’eau, tous les élus sont soulagés[33].

[55]        Monsieur Fournier déclare avoir fait part de ses préoccupations à Malartic quant à la proximité de la source d’eau par rapport au banc d’emprunt. Il craint que les travaux d’extraction modifient l’écoulement de l’eau. Il évoque la possibilité d’une contamination de la nappe phréatique par un incident, tel qu’un déversement de diesel ou d’hydrocarbures provoqué par l’utilisation de la machinerie.

[56]        Gilles Bouclin, ingénieur auprès de la firme Consulteaux, est l’un des rédacteurs des études hydrogéologiques reçues par Malartic en 2006, 2008 et 2010[34]. Sous la sablière, l’eau s’écoule vers le puits PP-7, de sorte que les activités qui s’y déroulent peuvent, selon lui, affecter la qualité de l’eau. Sa recommandation à Malartic est de faire cesser l’exploitation de la sablière. À son avis, il s’agit d’usages conflictuels : plus la sablière est exploitée, plus la couche protectrice de la source d’eau diminue d’épaisseur. À certains endroits, cette couche a atteint la limite acceptable. Le fond de gravier a pratiquement atteint la nappe phréatique.

  1. Les rapports reçus par Malartic

[57]        Le rapport de Consulteaux daté de mai 2006 recommande de limiter les activités permises dans le secteur du puits PP-6[35].

[58]        Ce rapport souligne que la présence de bancs d’emprunt doit faire l’objet d’une préoccupation constante. Concernant la sablière, Consulteaux émet la recommandation suivante :

[…] que l’exploitation des sablières s’effectue sans qu’elles ne portent préjudice à la qualité de l’eau souterraine[36].

[59]        Bien qu’il ne l’ait pas écrit dans son rapport, pour monsieur Bouclin, la seule façon d’y parvenir, c’est de cesser cette exploitation[37].

[60]        En 2008, Malartic mandate à nouveau Consulteaux pour « réaliser une étude hydrogéologique visant à statuer sur la vulnérabilité de l’aquifère qui alimente le PP-6[38] ».

[61]        Cette étude fait suite à la préoccupation de Malartic quant aux activités ayant cours dans le banc d’emprunt, à proximité de sa source d’eau potable, et à son souhait d’aménager un puits de production à proximité du FE-7[39], forage réalisé en 2006. Selon Consulteaux, la campagne de forage réalisée en 2006 a démontré que les eaux souterraines à l’intérieur des limites du banc d’emprunt font partie de la même nappe phréatique. Celle-ci possède un grand potentiel aquifère[40].

[62]        Au terme de son étude, Consulteaux formule notamment les recommandations suivantes[41] :

-        Les puits PP-6 et FE-7 exploitent le même aquifère à nappe libre dans les dépôts granulaires. Le site est compris dans les limites d’un banc d’emprunt géré par le MRNF […];

-        Plusieurs activités humaines pourraient mettre en péril la pérennité de la ressource en eau souterraine, notamment l’exploitation non contrôlée de deux sablières / gravières et l’utilisation du terrain comme dépôt de matières résiduelles;

-        Une augmentation du rabattement pourrait provoquer une inversion du gradient hydraulique […]. Les deux sablières / gravières en activité se situeraient donc en amont des sites de captage;

-        Dans le secteur du puits PP-6 l’indice DRASTIC est de 166, ce qui indique que la formation aquifère à nappe libre est vulnérable à la contamination de surface. L’indice DRASTIC est de 201 au FE-7 […]. Ces valeurs indiquent une vulnérabilité très élevée à la contamination provenant de la surface.

[reproduit tel quel]

 

[63]        À la lumière des informations consignées à son rapport, Consulteaux recommande d’interdire les activités à risque à l’intérieur du banc d’emprunt et d’effectuer le contrôle nécessaire[42].

[64]        Parmi les activités à risque identifiées figurent celles reliées à l’exploitation de la sablière[43].

[65]        En 2010, Malartic mandate une fois de plus Consulteaux pour connaître les impacts potentiels de l’exploitation d’une gravière dans l’aire d’alimentation des puits PP- 6 et PP-7. Cette demande fait suite à l’intensification de l’exploitation de la sablière constatée à l’été 2010[44].

[66]        Consulteaux énumère les constats suivants[45] :

·           Le banc d’emprunt est situé dans l’esker même où les 2 puits captent leur eau;

·           L’aire d’alimentation des puits P-6 et P-7 délimitée par l’esker englobe le banc d’emprunt;

·           Le front d’exploitation du banc d’emprunt s’approche à moins de 100 m du P-7;

·           La réserve de granulat concassé est à près de 500 m du P-6;

·           Localement, à moins de 400 m en amont du P-7, sur une superficie d’environ 2 000 m2, le fond d’exploitation atteint pratiquement le niveau de la nappe libre captée par le P-7 […];

·           L’indice de vulnérabilité DRASTIC est évalué à 220 dans le secteur d’exploitation le plus profond.

[67]        Consulteaux mentionne que l’indice DRASTIC de 220 dans le secteur exploité confirme la grande vulnérabilité de la nappe aux activités de surface[46].

[68]        Afin de protéger l’eau souterraine des risques de contamination, Consulteaux recommande de prohiber l’exploitation des matériaux granulaires dans l’aire d’alimentation des puits, c’est-à-dire dans l’esker[47].

[69]        Consulteaux ajoute qu’« [o]utre l’enlèvement de sol protecteur, l’utilisation de véhicules lourds implique un potentiel non négligeable de contamination par des produits pétroliers particulièrement. La présence d’un banc d’emprunt rend le secteur accessible à la circulation de véhicules tout terrain, au déversement de déchets ou autres sources de contamination[48] ».

[70]        Consulteaux recommande aussi que les excavations atteignant pratiquement la nappe phréatique soient comblées à l’aide de sol granulaire propre afin de rétablir un minimum de protection naturelle. Enfin, Consulteaux conclut sur cette phrase : « [p]uisqu’il est question d’alimentation en eau potable, un potentiel de contamination de la ressource en eau souterraine implique un risque pour la santé de la population[49] ».

*  *  *

[71]        Au début de l’année 2019, Richelieu Hydrologie inc. (« Richelieu Hydrologie ») est mandatée par Malartic afin de réaliser l’analyse de vulnérabilité de ses quatre sites de prélèvement d’eau souterraine afin de répondre à l’article 68 du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection[50].

[72]        Ce règlement impose notamment au responsable d’un prélèvement d’eau souterraine de transmettre au ministre, à tous les cinq ans, un rapport signé par un professionnel contenant divers renseignements qui y sont identifiés, dont la confirmation du niveau de vulnérabilité des aires de protection évalué selon la méthode DRASTIC et l’identification des activités anthropiques, des évènements potentiels et des affectations du territoire susceptibles d’affecter la qualité et la quantité des eaux prélevées.

[73]        Le rapport est rédigé par Yves Leblanc, ingénieur spécialisé en hydrogéologie.

[74]        L’exploitation de la sablière n’apparaît pas au rapport comme une activité représentant un risque pour les aires de protection du puits PP-6.

[75]        Il en est autrement pour le puits PP-7.

[76]        Selon l’ingénieur Leblanc, l’exploitation de la sablière en amont du puits PP-7 constitue un risque pour le déversement d’hydrocarbures provenant de la machinerie utilisée pour ses opérations.

[77]        Quant aux conclusions et recommandations, l’ingénieur Leblanc est d’avis que pour le puits PP-7, la sablière constitue une menace importante à la qualité de l’eau exploitée et que sa phase de réaménagement et de restauration est essentielle à la protection de l’environnement[51].

la POSITION DES PARTIES

[78]        Forcier & Frères fait valoir que Malartic a outrepassé le contenu de la résolution du 28 novembre 2007 en ciblant l’entreprise plutôt que la sablière. Ce faisant, elle n’agissait plus dans sa sphère politique.

[79]        De toute façon, la qualification de la décision de Malartic a peu d’incidence selon Forcier & Frères puisqu’elle soutient avoir démontré la commission d’une faute lourde. Toute sa plaidoirie s’articule autour de cette thèse.

[80]        En somme, sans s’attaquer à la validité de la résolution elle-même, Forcier & Frères invite le Tribunal à analyser a posteriori la légitimité de la décision prise et maintenue par Malartic à la lumière des enjeux et des risques réels évoqués dans les expertises reçues par cette dernière.

[81]        Forcier & Frères s’appuie sur l’arrêt prononcé par la Cour d’appel le 10 septembre 2012 dans le cadre du recours en injonction[52] pour plaider deux arguments : (1) la décision de Malartic et son maintien dans le temps reposent sur des risques hypothétiques et non fondés, ce qui témoigne de la mauvaise foi de Malartic et de ses intentions cachées; et (2) l’entêtement de Malartic à maintenir la clause d’exclusion malgré le rejet de l’injonction démontre qu’il s’agit d’une guerre de pouvoir sans lien avec l’alimentation en eau potable.

[82]        De son côté, Malartic invoque la règle de droit public accordant à l’État une immunité relative pour les actes ou décisions de politique générale. Elle plaide que la décision de ne plus s’approvisionner en gravier dans la sablière adjacente à sa source d’eau potable répond à des impératifs d’ordre social, économique et environnemental. La résolution du 28 novembre 2007[53] reflète bien, selon elle, ses préoccupations et les intérêts sociaux, économiques et environnementaux qu’elle a soupesés.

[83]        À cet égard, Malartic rappelle les enseignements de la Cour suprême dans les arrêts Sibeca[54] et Imperial Tobacco[55].

[84]        Malartic soumet avoir toujours agi de bonne foi et dans l’intérêt public.

[85]        Enfin, elle soutient que le recours de Forcier & Frères est prescrit et que cette dernière n’a pas démontré avoir subi un préjudice.


les questions en litige

[86]        Le litige soulève deux questions :

1.    La responsabilité civile de Malartic est-elle engagée?

2.    Le recours de Forcier & Frères est-il prescrit?

[87]        Il faut répondre par la négative à ces deux questions. Voici pourquoi.

L’analyse

  1. La responsabilité civile de Malartic est-elle engagée?

[88]        D’entrée de jeu, les parties ont reconnu lors de l’audience que le volet responsabilité nécessite la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité[56]. Vu la scission de l’instance, Forcier & Frères n’a pas à établir la valeur de son préjudice, seulement son existence.

1.1      Le droit applicable

[89]        Il est utile de rappeler que la résolution et le règlement sont les véhicules juridiques par lesquels une municipalité, par l’entremise de son organe décisionnel qu’est le conseil, exprime sa volonté de même que ses décisions[57].

[90]        Une résolution est un acte authentique[58] et jouit d’une présomption de validité, tout comme un règlement d’ailleurs[59].

[91]        Par ailleurs, l’article 1376 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») reconnaît que le régime de responsabilité civile établi par le C.c.Q. s’applique à l’État, ainsi qu’à ses organismes et à toute autre personne morale de droit public, sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables.

[92]         La règle de droit public qui accorde aux personnes morales de droit public une immunité relative pour leurs décisions dites de politique générale constitue un régime d’exception. Elle concerne les décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses fonctions propres et exclusives. Ces décisions se justifient par des facteurs d’ordre financier, économique, social ou politique[60].

[93]        Dans l’arrêt Just c. Colombie-Britannique[61], la Cour suprême rappelle la difficulté de tracer la frontière entre le « politique » et l’« opérationnel » et donne quelques exemples pour illustrer ses propos :

Il est difficile d'établir la ligne de démarcation entre le «politique» et l'«opérationnel», mais il est essentiel de le faire. Le juge Becker de la Cour de District des États-Unis s'est exprimé avec beaucoup de clarté à cet égard dans l'arrêt Blessing v. United States 447 F.S. 1160. Il devait, dans cette affaire, statuer sur une poursuite intentée en vertu de la Federal Tort Claims Act, 28 U.S.C. § 2680, qui dispose :

[TRADUCTION] Les dispositions du présent chapitre et l'alinéa 1346b) du présent titre ne s'appliquent pas à—

a) une poursuite fondée sur l'acte ou l'omission d'un fonctionnaire dans l'exécution diligente d'une loi ou d'un règlement, que ces derniers soient ou non valides, ou fondée sur l'exercice ou le défaut d'exercice d'une fonction ou d'un pouvoir discrétionnaires de la part d'un organisme fédéral ou d'un fonctionnaire, qu'il y ait eu ou non abus de cette discrétion.

Voici ce qu'écrit le juge Becker à la p. 1170 :

[TRADUCTION] En la lisant comme un tout et en essayant d'en discerner le principe sous-jacent, il nous apparaît que cette disposition vise uniquement à empêcher que les actions en responsabilité civile délictuelle ne deviennent l'instrument de l'ingérence judiciaire dans l'exercice approprié du pouvoir décisionnel par d'autres organes du gouvernement, et à protéger «le gouvernement contre l'assujettissement à une responsabilité civile susceptible de réduire gravement l'efficacité des activités gouvernementales», [...]. Dans les actions en responsabilité délictuelle comme celle dont nous sommes saisis en l'espèce, il y a absence notable de telles normes objectives lorsqu'il s'agit non de négligence, mais de sagesse sociale, non de diligence, mais de faisabilité politique, et non de ce qui est raisonnable, mais de ce qui est efficace économiquement. Le droit de la responsabilité délictuelle n'est pas le laboratoire approprié pour tester le bien-fondé de décisions sociales, politiques ou économiques.

La nécessité d'établir une distinction entre une décision de politique gouvernementale et sa mise en œuvre opérationnelle est donc évidente. Les véritables décisions de politique devraient être à l'abri des poursuites en responsabilité délictuelle, de sorte que les gouvernements soient libres de prendre leurs décisions en fonction de facteurs sociaux, politiques ou économiques. Cependant l'application de ces décisions peut fort bien engager la responsabilité. Sur quels principes directeurs les tribunaux peuvent-ils donc s'appuyer pour faire cette distinction entre le politique et l'opérationnel?

S'exprimant en son nom et en celui d'un autre membre de la Haute Cour de l'Australie, dans l'arrêt Sutherland Shire Council v. Heyman (1985), 60  A.L.R. 1, le juge Mason a énoncé des principes très utiles à mon avis. Les voici :

[TRADUCTION] L'arrêt Anns a établi que les actes et omissions qui correspondent à des éléments de définition de politique et discrétionnaires que comporte l'exercice de pouvoirs discrétionnaires conférés par la loi ne peuvent donner naissance à une obligation de diligence. On a dit qu'il appartient à l'autorité publique d'établir cet équilibre entre les exigences d'efficacité et d'économie […] et que le tribunal ne doit pas substituer sa décision à celle de l'autorité publique dans les domaines que le législateur a confiés à cette dernière []. Bien que ces directives emportent l'adhésion en ce qui touche les prises de décision politiques, leur force persuasive est moins évidente lorsqu'on les applique à d'autres domaines comportant des éléments discrétionnaires. La norme de négligence que les tribunaux utilisent pour déterminer s'il y a eu manquement à une obligation de diligence ne peut s'appliquer à une décision de politique, mais elle peut s'appliquer aux décisions opérationnelles. […] Il n'est pas facile de faire la distinction entre les facteurs politiques et opérationnels, mais on pourra tracer la ligne de démarcation si l'on admet qu'une autorité publique n'assume aucune obligation de diligence à l'égard de décisions comportant des facteurs et des contraintes d'ordre financier, économique, social ou politique, ou qui sont dictées par ces derniers. [....]

[soulignements ajoutés]

[94]        Dans l’arrêt Impérial Tobacco[62], la juge en chef souligne aussi la finesse de cette démarcation et conclut :

[90]  Je conclus que les décisions de «politique générale fondamentale» du gouvernement à l'égard desquelles ce dernier est soustrait aux poursuites se rapportent à une ligne de conduite et reposent sur des considérations d'intérêt public, tels des facteurs économiques, sociaux ou politiques, pourvu qu'elles ne soient ni irrationnelles ni prises de mauvaise foi. Cette approche concorde avec le message essentiel de la jurisprudence canadienne à cet égard, bien qu'elle fasse ressortir des caractéristiques positives des décisions de politique générale, au lieu de se fonder exclusivement sur le fait qu'elles ne sont pas de «nature opérationnelle». […] On peut s’attendre à ce que surviennent de temps à autre des situations délicates où il n’est pas facile de décider si le degré de «politique générale» en cause suffit à mettre une décision à l’abri de toute responsabilité pour négligence. Il serait illusoire de vouloir établir un critère absolu qui donnerait rapidement et infailliblement une réponse à l'égard de toute décision parmi la gamme infinie de celles que peuvent prendre les acteurs gouvernementaux. On pourra néanmoins facilement cerner la plupart des décisions gouvernementales qui représentent une ligne de conduite fondée sur une mise en balance de considérations économiques, sociales et politiques.

[soulignements ajoutés]

[95]        Dans l’affaire Gastem[63], la Cour supérieure a déterminé que l’adoption d’un règlement pour protéger des sources d’eau et interdire d’introduire dans le sol toute substance susceptible d’altérer la qualité de l’eau, dans un rayon de deux kilomètres autour de tout puits artésien ou de surface, est une décision de nature politique qui relève du devoir d’une municipalité de protéger la qualité de l’environnement. Une telle décision ne peut entraîner la responsabilité extracontractuelle de la municipalité même si le règlement a pour effet d’empêcher une compagnie de réaliser un projet d’exploitation pétrolière.

[96]        Le Tribunal y rappelle certains principes[64] :

[50]    Les municipalités sont reconnues comme palier gouvernemental et doivent assumer leurs responsabilités dans la protection de l'environnement sur leur territoire en respect du principe de la subsidiarité.

[51]    Dès 2004, la Cour suprême du Canada déterminait la compétence gouvernementale afin de protéger les questions d'intérêt de droit public. La Cour supérieure, maintenue en appel, précisait en 2011 que les municipalités du Québec n'échappent aucunement au rôle qu'elles doivent jouer dans la protection de la qualité de l'environnement.

[52]    Le Tribunal rappelle qu'une municipalité a le devoir de faire respecter sur son territoire le principe de précaution, lequel est maintenant enchâssé dans la Loi sur le développement durable.

[références omises]

[97]        Le Tribunal décide ensuite :

[53]    La balance des inconvénients pour les 158 résidents de Ristigouche s'avère certes plus probante pour justifier l'adoption du règlement que les dommages en découlant pour Gastem.

 

[54]    L'adoption du règlement visait à protéger les sources d'eau sur le territoire de Ristigouche.

[55]    Le Tribunal, après avoir entendu l'ensemble de la preuve, est incapable de conclure en la mauvaise foi des acteurs ayant mis en place l'adoption du règlement, et voici pourquoi.

[…]

[59]    La population était conscientisée des risques et souhaitait protéger ses cours d'eau, mais l'aspect politique de la question résulte en une concertation citoyenne.

[60]    Les conseillers municipaux n'ont pas agi sur un coup de tête sans réfléchir.

[…]

[63]    En tant que municipalité, Ristigouche dispose des moyens légaux afin d'adopter un règlement protégeant les sources d'eau.

1.2      Discussion

[98]        C’est à la lumière des rapports et informations scientifiques obtenus des ingénieurs qu’elle a mandatés que Malartic décide d’abord en 2007 de ne pas utiliser, pour ses besoins, tout gravier provenant de l’esker et que cette décision demeure en vigueur à ce jour.

[99]        En cas de contamination, la construction d’une usine de filtration de l’eau devient inéluctable. Les coûts associés à un tel projet s’élèvent, selon Lucie Roger, à plusieurs millions de dollars.

[100]     Cette décision vise, toujours selon madame Roger, à réduire les risques associés à l’exploitation de la sablière devant l’impossibilité d’obtenir la cessation des activités s’y déroulant afin de protéger la source d’eau potable de Malartic.

[101]     Le maire Vezeau[65] témoigne que les consultants mandatés par Malartic lui auraient même représenté qu’une contamination de l’eau serait une situation bien pire que la crise d’eau potable qu’ils ont connue en 2004-2005.

[102]     Aux yeux de Malartic, un choix s’impose : requérir le transfert des baux de la sablière vers un autre site et payer plus cher pour les frais de transport de gravier plutôt que de risquer d’avoir à engager des frais considérables - qui devront ultimement être imposés aux citoyens - en cas de contamination de sa source d’eau potable.

 

[103]     En somme, Malartic fait le choix d’intervenir pour ultimement éviter que par l’octroi de contrats publics, elle contribue elle-même à l’appauvrissement de la couche protectrice de l’aquifère et à l’augmentation des risques de contamination de la source d’eau potable qui alimente ses 3 500 citoyens et la mine, voire même à sa contamination.

[104]     Ce sont ces facteurs économiques, environnementaux et sociaux que les élus de Malartic ont évalués, en s’appuyant sur les opinions et données scientifiques disponibles, afin d’adopter la résolution du 28 novembre 2007. Agissant ainsi, elle prend une décision politique. Ce sont ces mêmes enjeux qui justifient la décision de Malartic de la maintenir en vigueur.

[105]     Tout comme dans l’affaire Gastem[66], rien dans la preuve ne permet de conclure que Malartic a agi de mauvaise foi, de manière irrationnelle ou à des fins détournées, de manière à cibler Forcier & Frères.

[106]     Au contraire, la preuve révèle que l’aquifère est vulnérable à la contamination dans le secteur où sont situés les puits PP-6 et PP-7. La preuve établit également que les experts consultés étaient plus alarmistes dans leur propos que dans leurs rapports et qu’ils préconisaient, dès 2006, la fermeture de la sablière[67]. À leur avis, la cohabitation n’était simplement pas sécuritaire. En 2010, Consulteaux recommande de prohiber l’exploitation de matériaux granulaires dans l’aire d’alimentation des puits, c’est-à-dire dans l’esker[68]. En 2019, Richelieu Hydrologie conclut que la sablière constitue une menace importante à la qualité de l’eau puisée par le puits PP-7[69].

[107]     Il est vrai que la vulnérabilité de l’aquifère exposée dans les rapports de Consulteaux n’a pas permis à Malartic d’obtenir l’injonction permanente recherchée en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement pour interdire l’exploitation de la sablière. Le critère de l’imminence de la contamination n’était pas satisfait. Toutefois, le simple rejet des prétentions de Malartic ne permet pas d’inférer qu’elle a agi de mauvaise foi.

[108]     Plus spécifiquement, quant au maintien de l’application de la clause d’exclusion malgré l’arrêt de la Cour d’appel, Forcier & Frères plaide que Malartic poursuit le même objectif, soit interdire « totalement l’activité de la sablière ». Ce n’est pas ce que révèle la preuve.

[109]     Malartic n’interdit pas, par sa résolution, toute activité de la sablière. De fait, l’exploitation se poursuit malgré la clause d’exclusion figurant dans les appels d’offres publics. Avant le recours en injonction, en 2010, Réjean Forcier n’est pas témoin d’un ralentissement des activités d’exploitation. S’il y en a eu un, c’est à son insu[70]. L’exploitation de la sablière cesse durant les procédures judiciaires initiées en 2010, mais elle reprend après le jugement de la Cour suprême y mettant un terme. Forcier & Frères fait même valoir qu’en 2014, « les chiffres explosent » selon les états financiers de cette année-là[71].

[110]     Ainsi, Forcier & Frères n’est pas privée de tout contrat pour la sablière en litige ni pour ses deux autres sites qui ne font l’objet d’aucune restriction.

[111]     Mais il y a plus.

[112]     Me Gérald Laprise, avocat, est à l’emploi de Malartic depuis le 12 novembre 2012. Il occupe d’abord le poste de greffier puis devient directeur général adjoint en décembre 2013, après le départ de Lucie Roger. À compter de juillet 2016, il est directeur général.

[113]     Il a eu connaissance de quatre déversements[72] entre 2013 et 2016. Il sait que le « ministère de l’Environnement » est intervenu à au moins deux reprises et a fait enquête, mais ignore les conclusions.

[114]     Me Laprise prend part à une rencontre le 8 octobre 2015 entre Réjean Forcier, son frère Michel, le maire de l’époque, Martin Ferron, et le directeur général. Cette rencontre est sollicitée par Réjean Forcier et a pour but, d’une part, de rassurer Malartic quant aux méthodes qu’il utilise pour réduire les risques d’atteinte à l’environnement[73] et, d’autre part, d’évaluer la possibilité de mettre fin à la clause d’exclusion. La rencontre est très cordiale. Le maire n’est pas fermé à ce changement, mais il requiert de Réjean Forcier une démonstration que son exploitation ne comporte pas de risques pour les deux puits d’eau potable situés à proximité[74]. Il réclame l’opinion d’un expert en ce domaine vu celles émises par les ingénieurs mandatés par Malartic. Cette demande du maire demeurera sans réponse.

[115]     Ainsi, rien dans la preuve administrée ne permet de conclure que Malartic a agi de mauvaise foi ou de manière irrationnelle. Ni qu’elle a commis une faute lourde dénotant une insouciance, une imprudence ou une négligence grossière[75].

[116]     Malartic bénéficie en conséquence de l’immunité relative, laquelle constitue une fin de non-recevoir au recours de Forcier & Frères.

[117]     Bien que la question du préjudice soit devenue théorique, il demeure à propos d’en discuter pour une analyse complète.

La demanderesse a-t-elle démontré avoir subi un préjudice?

[118]     L’impossibilité d’agir comme fournisseur de matériaux granulaires dans le cadre de contrats publics, alors que le banc de gravier est le seul à Malartic, est certes de nature à causer préjudice à un entrepreneur qui détient un permis d’exploitation sur ce site. Encore faut-il le démontrer.

[119]     Or, pour les motifs ci-après, le Tribunal conclut que Forcier & Frères n’a pas fait cette démonstration selon la prépondérance des probabilités.

[120]     Pour l’exploitation de son entreprise, Forcier & Frères a acquis l’équipement suivant : un tamis, une excavatrice, une pépine et un bulldozer.

[121]     Le tamis cesse d’être utilisé en 2006-2007[76].

[122]     L’excavatrice est louée par Forcier & Frères, mais pour les besoins de Réjean Forcier[77]. Comme Forcier & Frères détenait un compte auprès de John Deere, le bail est intervenu avec la demanderesse plutôt qu’avec Réjean Forcier[78].

[123]     La pépine n’est plus utilisée dans le banc depuis 2008[79]

[124]     Le bulldozer est au rancart depuis 2008[80].

[125]     Ainsi, à compter de 2008, Forcier & Frères n’utilise plus ses équipements pour l’exploitation de la sablière. Pourquoi?

[126]     La réponse se trouve dans la preuve.

[127]     En 2008, Réjean Forcier envisage de prendre sa retraite. Il entreprend donc de déplacer toutes les activités commerciales de Forcier & Frères vers Agrégats Roc D’Or. Son objectif est d’éventuellement y transférer ses baux d’exploitation. Il ne souhaite pas vendre une compagnie qui porte son nom.

[128]     Dès ce moment, c’est avec la compagnie Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier, Camionnage en vrac, et non avec Forcier & Frères, que les diverses entreprises s’approvisionnant en sable, gravier ou terre concluent des ententes. Forcier & Frères facture Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier, Camionnage en vrac, pour le coût des redevances qu’elle doit verser au gouvernement pour l’exploitation de la sablière.

[129]     Réjean Forcier témoigne à l’audience que des raisons fiscales l’ont amené à cesser l’exploitation d’Agrégats Roc D’Or vers les années 2013-2014. Toutefois, au moment de son interrogatoire hors Cour, cette compagnie est encore en exploitation[81].

[130]     Voici ce que révèle cet interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier tenu le 10 février 2015 :

-        Forcier & Frères exploite le banc de gravier de 1976 à 2008. À compter de 2008, les seuls clients de Forcier & Frères sont Agrégats Roc D’Or et Réjean Forcier, Camionnage en vrac. Forcier & Frères ne leur facture que les redevances qu’elle doit verser au gouvernement pour l’extraction de matériel[82];

-        À compter de 2008, Agrégats Roc D’Or exploite le banc de gravier[83];

-        S’il y a un projet ou un appel d’offres pour la fourniture de gravier, c’est Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier qui soumissionne[84]. Avant 2008, c’était Forcier & Frères. Depuis 2008, Forcier & Frères n’a fait aucune soumission[85];

-        Forcier & Frères n’a émis aucune facture à des clients depuis 2008, la facturation étant effectuée par Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier[86];

-        Les clients « perdus » faisaient affaire avec Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier[87];

-        Ainsi, depuis 2008, s’il y a un impact, c’est Agrégat Roc D’Or ou Réjean Forcier qui le subit[88];

-        Les profits réclamés sont ceux qui auraient été générés par Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier[89].

[131]     Réjean Forcier résume bien l’interrelation entre ses entreprises[90] :

Q       O.K. Mais si on regarde les états financiers, parce qu’on le faisait, mais je pense que je vais résumer, il n’y a pas une année où Forcier & Frères a fait du bénéfice net ?

R       Autant que possible, non, parce que je le transfère à Réjean quand je fais du service parce que Réjean est propriétaire du chargeur.

Q       O.K.

R       Propriétaire du camion puis tout.

Q       O.K. Ou Agrégats Roc-d’Or ?

R       Ou Agrégats Roc-d’Or, après, quand ils sont arrivés.

[132]     Mais il y a plus, comme le révèle cet échange[91] :

Q       O.K. Comment vous pouvez prétendre aujourd'hui, dans votre réclamation, que le trois cent cinquante mille (350 000), c’est Forcier & Frères qui y a droit ?

R       Bien, par rapport à l’exploitation de la gravelle, c’est Forcier & Frères qui a le permis d’exploitation.

Q       Oui, mais il ne fait pas un... dans... même quand ça allait bien puis qu’il n’avait pas ce problème-là, il ne faisait pas une cenne de profit.

R       C’est Forcier & Frères qui est le déclencheur avec le permis pour obtenir ces travaux-là.

Q       Mais les pertes, êtes-vous d'accord avec moi que c’est Agrégats Roc-d’Or puis Réjean Forcier qui les subissent?

R       Je suis d'accord.

Q       O.K.

[133]     Ces extraits trouvent écho dans les états financiers produits par Forcier & Frères[92] et Réjean Forcier[93]. Pour les années 2009, 2011, 2012 et 2013, la totalité des redevances payées par Forcier & Frères pour l’extraction de gravier se retrouve dans les états financiers de Réjean Forcier, Camionnage en vrac. Les états financiers d’Agrégats Roc D’Or n’ont toutefois pas été produits[94].

[134]     En contre-interrogatoire, Réjean Forcier est confronté à son témoignage antérieur. Il tente de nuancer ses réponses et déclare qu’il n’est pas en mesure d’affirmer, contrairement à son témoignage hors Cour, que dès 2008, Forcier & Frères n’émettait plus de factures à des tiers. Quant à l’identité de l’entreprise qui subit la perte réclamée, il soumet différentes explications non convaincantes pour moduler ses affirmations antérieures. Il réitère qu’au départ, c’est parce que Forcier & Frères est pénalisée que ses deux autres entreprises subissent des pertes[95]. Il ajoute qu’« indirectement, c’est Forcier & Frères qui est affectée[96] ». Enfin, monsieur Forcier témoigne qu’il ne peut affirmer que Forcier & Frères n’a effectué aucune soumission entre 2008 et 2015, mais ajoute ensuite que c’est possible.

[135]     Malgré la lecture de plusieurs extraits, Réjean Forcier insiste sur le fait que, contrairement à ce qu’il a mentionné antérieurement, il est possible que Forcier & Frères ait effectué une certaine facturation à Agrégats Roc D’Or pour la location d’équipement d’extraction et ainsi généré un profit. Il réfère alors aux états financiers de 2010[97]. Les revenus sont composés de ventes et services pour 62 721 $. Le coût des marchandises est réparti ainsi : redevances de gravier : 19 366 $ et location de machinerie : 32 893 $[98], laissant un bénéfice brut de 10 462 $. Cependant, monsieur Forcier n’a pu donner plus d’informations quant à la nature des services rendus, l’identité des clients, etc. La notion de services n’est pas non plus définie aux états financiers. S’agit-il des revenus générés par la location de l’excavatrice à Réjean Forcier? La preuve ne le dit pas.

[136]     Réjean Forcier revient ainsi sur son témoignage antérieur voulant que les seuls revenus de Forcier & Frères découlent de la facturation des redevances gouvernementales à ses deux autres entreprises. Il affirme qu’il avait sans doute mal interprété les questions en 2015 ou que c’est un oubli de sa part. La lecture de l’interrogatoire ne permet pas de soutenir cette prétention. Les questions sont claires, généralement posées de manière ouverte, et répétées, donnant ainsi l’occasion à Réjean Forcier de préciser ses réponses. Ces dernières ne témoignent d’aucune ambiguïté.

[137]     Par ailleurs, Réjean Forcier a reconnu d’emblée que ses souvenirs étaient plus frais en 2015 vu la contemporanéité des événements en litige. Pour le reste, son témoignage à l’audience est le reflet de celui du 10 février 2015.

[138]     En ce qui concerne les rapports d’extraction de gravier combinés de Forcier & Frères pour les années 2006 à 2013[99], ils démontrent que les quantités de matériaux retirés de la sablière ont pratiquement doublé entre 2006 et 2007 et ont continué d’augmenter en 2008, 2009 et 2010. En 2010, 42 309 tonnes sont extraites entre les mois d’avril et août. En 2011 et 2012, soit durant les procédures d’injonction, les activités à la sablière sont quasi inexistantes. Puis, en 2013, l’extraction reprend de manière significative[100]. Les rapports postérieurs ne sont pas produits[101].

[139]     En 2014, Agrégats Roc D’Or obtient divers contrats de fourniture de matériel de la part d’un entrepreneur qui transige avec Malartic[102]. L’approvisionnement s’effectue sur un autre site pour lequel Forcier & Frères bénéficie d’un bail d’exploitation.

[140]     Enfin, la preuve révèle que de 2007 jusqu’à possiblement l’année 2010[103], Forcier & Frères n’était pas la seule entreprise à détenir un bail d’exploitation dans la sablière.

[141]     Or, Réjean Forcier explique à l’audience que l’entrepreneur qui souhaite s’approvisionner en gravier appelle les détenteurs de baux et requiert des prix ou soumissions. Il décide ensuite avec qui il fera affaire. L’entrepreneur pouvait appeler n’importe quel détenteur de permis dans la sablière « selon celui qui est le plus propice pour effectuer les travaux[104] ».

[142]     Ainsi, rien dans la preuve ne permet de conclure que Forcier & Frères aurait obtenu le contrat de fourniture de gravier en lien avec l’entente de rétrocession intervenue entre Malartic et Osisko Exploration ltée le 26 septembre 2007[105] ni quelque autre contrat au cours de cette période.

[143]     De plus, quant aux appels d’offres postérieurs à 2008, rappelons qu’il est en preuve que ce n’est pas Forcier & Frères qui contractait avec les sous-entrepreneurs pour la fourniture de matériaux granulaires, mais bien Agrégats Roc D’Or ou Réjean Forcier, Camionnage en vrac. Du moins, jusqu’en 2015. Pour la période subséquente, Forcier & Frères n’a pas démontré que c’est elle qui vendait le gravier aux sous-entrepreneurs plutôt que Réjean Forcier. La preuve administrée révèle le contraire : les matériaux sont vendus « livrés » par Réjean Forcier.

[144]     La demanderesse n’a donc pas rencontré son fardeau de preuve et démontré avoir elle-même subi un préjudice pour la période visée par sa réclamation.

*  *  *

[145]     La question du lien de causalité devient sans objet tout comme celle des dommages punitifs.

[146]     Malgré la conclusion quant à la responsabilité, le Tribunal tranchera la question de la prescription.

  1.              Le recours de la demanderesse est-il prescrit?

[147]     Les deux parties font valoir, avec raison, que le recours de la demanderesse est assujetti à la prescription de six mois édictée à l’article 586 de la Loi sur les cités et villes[106] qui se lit comme suit :

586.   Toute action, poursuite ou réclamation contre la municipalité ou l’un de ses fonctionnaires ou employés, pour dommages-intérêts résultant de fautes ou d’illégalités, est prescrite par six mois à partir du jour où le droit d’action a pris naissance, nonobstant toute disposition de la loi à ce contraire.

[148]     Le recours n’est pas prescrit pour les motifs ci-après.

2.1   Le point de départ de la prescription

[149]     Tel que le mentionne la Cour d’appel dans l’arrêt Monopro Limited c. Montreal Trust[107], le point de départ de la prescription correspond au moment où tous les éléments de la responsabilité sont présents, à savoir la faute, le dommage et le lien causal.

[150]     Dans Dufour c. Havrankova[108], la Cour d'appel confirme que la prescription commence à courir lorsque les principaux intéressés connaissent avec suffisamment de précision les reproches qu’ils adressent à certaines personnes et la nature des dommages que leurs faits et gestes leur auraient causés.

[151]     En l’espèce, Forcier & Frères connaît tous les éléments essentiels pour intenter son recours (faute, préjudice et lien de causalité) au plus tard le 27 avril 2010, date à laquelle elle transmet une mise en demeure à Malartic.

[152]     En effet, il ressort de cette mise en demeure[109] :

-        que Malartic a, par résolution[110], décidé de cesser de faire affaire avec des entrepreneurs qui exploitent le banc de gravier;

-        que les entrepreneurs soumissionnant pour des contrats publics doivent faire affaire avec des fournisseurs de matériel situés à plusieurs kilomètres de distance des travaux effectués alors que Forcier & Frères et Réjean Forcier sont à quelques kilomètres seulement;

-        que Forcier & Frères et Réjean Forcier n’ont pu soumissionner sur les contrats en lien avec l’implantation de la mine Osisko, perdant ainsi l’opportunité de les obtenir vu la proximité du matériel;

-        que le caractère déraisonnable, abusif et de mauvaise foi de la décision de Malartic cause « des préjudices importants » à Forcier & Frères et Réjean Forcier;

-        que Forcier & Frères et Réjean Forcier ont subi des pertes de contrats se chiffrant à des centaines de milliers de dollars;

-        qu’à défaut de cesser l’application de la résolution, Forcier & Frères et Réjean Forcier ont donné mandat à leur avocat d’entreprendre les procédures judiciaires appropriées, sans autre délai ni avis;

-        que Forcier & Frères et Réjean Forcier se réservent le droit de réclamer des dommages et intérêts, lesquels sont toujours à l’étude afin d’en établir le quantum.

[153]     Ainsi, même s'ils ne sont pas alors quantifiés, Forcier & Frères évoque dans la mise en demeure les dommages aujourd'hui réclamés.

[154]     Placé devant des extraits de la mise en demeure lors de l’instruction, Réjean Forcier reconnaît avoir mandaté l’avocat pour transmettre cette lettre.

[155]      Malgré la teneur de la mise en demeure, Réjean Forcier mentionne que l’entreprise qui allègue subir à ce moment une perte de contrats est son entreprise de transport en vrac plutôt que Forcier & Frères. Il n’y a pas de lien avec le banc de gravier selon lui.

[156]     Cette affirmation est difficilement conciliable, voire incompatible, avec le contenu de cette mise en demeure.

[157]     La date du 27 avril 2010 doit donc être retenue comme point de départ de la prescription.

[158]     L’action ayant été entreprise le 2 août 2013, le Tribunal doit déterminer si le recours en injonction a interrompu le délai de prescription. Une réponse négative à cette question entraîne inévitablement la conclusion que le recours en l’instance est prescrit.

2.2   Le recours en injonction a-t-il interrompu la prescription?

[159]     Sans surprise, Forcier & Frères soutient que la procédure d’injonction a interrompu la prescription à son égard et que le recours actuel émane de la même source. Malartic prétend le contraire.

[160]     Qu’en est-il?

[161]     Le dépôt de la première action, soit le recours en injonction, a interrompu la prescription comme le prévoit l’article 2892 C.c.Q.[111] :

Le dépôt d’une demande en justice, avant l’expiration du délai de prescription, forme une interruption civile, pourvu que cette demande soit signifiée à celui qu’on veut empêcher de prescrire, au plus tard dans les 60 jours qui suivent l’expiration du délai de prescription.

La demande reconventionnelle, l’intervention, la saisie et l’opposition sont considérées comme des demandes en justice. Il en est de même de l’avis exprimant l’intention d’une partie de soumettre un différend à l’arbitrage, pourvu que cet avis expose l’objet du différend qui y sera soumis et qu’il soit notifié suivant les règles et dans les délais applicables à la demande en justice.

[162]     L’article 2896 C.c.Q. ajoute :

L’interruption résultant d’une demande en justice se continue jusqu’au jugement passé en force de chose jugée ou, le cas échéant, jusqu’à la transaction intervenue entre les parties.

Elle a son effet, à l’égard de toutes les parties, pour tout droit découlant de la même source.

[163]     Enfin, l’article 2903 C.c.Q. précise quant au recommencement du délai :

Après l’interruption, la prescription recommence à courir par le même laps de temps.

[164]     La jurisprudence nous enseigne que la notion de « source » doit recevoir une  interprétation libérale.

[165]     La « source » se distingue de la « cause d’action », la source étant plus large que cette dernière[112].

[166]     La Cour d’appel[113] a déjà défini la source d’une réclamation comme étant :

Ce en vertu de quoi on réclame la reconnaissance d’une obligation.

 

 

[167]     La Cour d’appel, sous la plume du juge Pelletier, précise ce qui suit dans la cause D’Anjou c. Thériault[114] :

[30]    Ainsi donc, depuis 1972, tout droit qui tire son origine d'un contrat ou d'un fait juridique dont est issu un droit déjà réclamé par l'un quelconque des protagonistes à un litige est protégé des effets de la prescription à l'encontre de toute autre partie à ce même litige. L'interruption dépend d'une double identité, celle des parties et celle des sources des droits exercés.

[…]

[33]    L'identification de la source des droits réclamés dans l'un et l'autre procès exige un examen plus en profondeur.

[34]    Quelle est la source, ou plutôt quelles sont les sources du recours exercé dans l'action toujours pendante instituée en 1987 et au moyen de laquelle les appelants entendaient percevoir une créance prétendument assortie d'une garantie réelle immobilière? Un contrat, tout d'abord, soit celui en vertu duquel Construction canadienne T.J. inc. a retenu les services des appelants en leur qualité d'architectes. Il s'agit de la source de la créance réclamée. Cette source est en soit distincte de celle de la revendication du droit à une réparation du préjudice. Il y a aussi les faits à l'origine des conclusions réelles recherchées dans l'action sur privilège et à l'égard desquelles le registrateur est mis en cause. Je réfère ici à l'exécution par les appelants de travaux susceptibles de donner une plus-value à l'immeuble visé par les procédures. Ces faits constituent l'origine des conclusions réelles recherchées en raison des effets particuliers que la loi applicable reconnaît à l'exécution de ce type de travaux.

[…]

[43]    Ce qu'on reproche au registrateur dans l'action attaquée au moyen de la requête en rejet, c'est d'avoir manqué à cette même obligation en faisant une inscription de radiation, à tort le prétend-on, ce qui aurait provoqué l'extinction de la garantie. En vertu de l'article 1607 C.c.Q., les appelants recherchent donc l'exécution par équivalent monétaire, plutôt qu'en nature, de l'obligation à l'origine de la demande qu'ils avaient introduite en 1987 et qui visait le même registrateur. Une même obligation étant à l'origine de chacun des recours; il faut conclure à l'identité de sources.

[44]    Cette conclusion s'impose d'autant plus qu'il ne faut pas perdre de vue le but poursuivi par le législateur lors des modifications successives dont l'article 2224 C.c.B.-C. a été l'objet. Il s'agissait à mon avis d'un but libéral, celui de favoriser le maintien plutôt que l'extinction des droits intimement liés à un débat judiciaire déjà entrepris. Cet objectif appelait naturellement une interprétation souple du critère d'identité de sources, ce qu'a notamment retenu notre Cour dans Banque de Nouvelle-Écosse c. Exarhos :

Dans le présent cas, tant la demande principale que la demande reconventionnelle tirent leur source de la relation prêteur-emprunteur qui existe entre les parties. L'action principale fait valoir les droits résultant de trois prêts effectués par l'appelante à l'intimé et concernant lesquels l'intimé est en défaut. La demande reconventionnelle fait valoir le refus de l'appelante de consentir, nonobstant ses engagements, un quatrième prêt (marge de crédit) dont le produit aurait permis à l'intimé de ne pas être en défaut sur les trois prêts en question. Il me paraît que les fondements des deux recours, même s'ils ne sont pas techniquement les mêmes, sont suffisamment connexes pour conclure que les deux recours résultent d'une même source et disposer de l'argument fondé sur la prescription.

[soulignements ajoutés, références omises]

[168]     Quelle est la source de la requête en injonction permanente déposée par Malartic en août 2010?

[169]     En 2012, la Cour d’appel résume ainsi les faits à l’origine du litige[115] :

Alléguant que son approvisionnement en eau potable est menacé par l’exploitation d’une sablière, l’appelante, Ville de Malartic (Malartic), obtient une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire pour que les intimées, Forcier et Frères ltée (Forcier), Béton et concassage D.M. (Béton), Lamothe, division de Sintra inc. (Lamothe) et Galarneau entrepreneur général inc. (Galarneau), en cessent l'exploitation. Cette ordonnance d’injonction est par la suite renouvelée.

[170]     Quant au présent recours, il prend racine dans la résolution du 28 novembre 2007[116] suivant laquelle Malartic décide de ne pas utiliser, pour ses besoins, tout gravier provenant de la sablière exploitée par Forcier & Frères et d’autres détenteurs de permis. Cette décision s’appuie sur la nécessité évoquée par Malartic de protéger sa source d’eau potable contre les risques que comportent les activités de concassage à proximité de celle-ci.

[171]     La connexité est évidente. Ainsi, tant le premier recours que celui-ci tirent leur source de l’exploitation de la sablière à proximité des puits d’eau potable de Malartic. Selon Malartic, cette exploitation compromet la pérennité de son approvisionnement en eau potable, d’où le recours en injonction. C’est aussi cette prise de position et la résolution qui en découle qui sont à l’origine du présent recours.

[172]     Comme le souligne la Cour suprême dans l’arrêt phare Jumbo Motors[117], une interruption peut valoir pour des droits et recours résultant de la même source même si la demande qui est visée se présente par voie d’une action distincte.

[173]     La prescription ayant été interrompue par le recours en injonction introduit le 6 août 2010, alors que la prescription n’était pas encore acquise, cette interruption s’est poursuivie jusqu’au 14 février 2013, date à laquelle l’arrêt de la Cour d’appel est passé en force de chose jugée.

[174]     Ainsi, lorsque Forcier & Frères initie le présent recours le 2 août 2013, le délai de six mois prévu à l’article 586 de la Loi sur les cités et villes n’est pas encore écoulé.

[175]     Ce moyen de défense doit donc échouer.

  1. Les frais d’expert

[176]     Les frais de l’expert Yves Leblanc ne sont pas accordés. Son rapport n’a pas été rédigé pour les fins de ce litige[118]. Bien que son témoignage fût fort intéressant, le dépôt de son rapport aurait été suffisant pour la preuve que souhaitait administrer Malartic à cet égard.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[177]     REJETTE la demande introductive d’instance modifiée (20-10-2020) de Forcier & Frères ltée quant à la responsabilité;

[178]     LE TOUT, avec frais de justice, excluant les frais de l’ingénieur Yves Leblanc.

 

 

 

 

MARIE-HÉLÈNE MONTMINY, j.c.s.

Me Marc-Olivier Langlois

Auger Bourgeois Desfossés Langlois Avocats inc.

Avocats de la demanderesse

 

Me Simon Corriveau

Cain Lamarre, s.e.n.c.r.l.

i)              Avocats de la défenderesse

ii)              

Dates d’audience :

du 9 au 13 novembre 2020

 



[1]     Pièce P-23 : Certificat d’inscription de bail non exclusif d’exploitation de substances minérales de surface - Renouvellement, Registre public des droits miniers, réels et immobiliers (BNE 5226).

[2]     Définition de « esker » selon le témoin expert Yves Leblanc, hydrogéologue : dépôt, formé de sable et de gravier, laissé par un glacier en fondant.

[3]     Pièce P-39 : Résolution 2007-11-570 du 28 novembre 2007.

[4]     Au début de l’instruction, les parties ont convenu de l’admission suivante : Depuis 2007, soit depuis la résolution 2007-11-570 (P-39), la Ville de Malartic inclut dans ses appels d’offres une clause d’exclusion conforme à cette résolution et cela se fait de façon constante, à l’exception d’un appel d’offres sur invitation en 2017. La défenderesse précise que c’est un simple oubli qui est à l’origine de cette exception. Voir également les pièces P-26 et P-45 à P-55.

[5]     Cette somme est à parfaire selon le paragraphe 38a) de la demande introductive d’instance modifiée (20-10-2020). À l’instruction, la demanderesse a modifié verbalement sa procédure et retiré sa réclamation de 100 000 $ pour troubles et inconvénients divers, pertes de temps, tracasserie administrative et juridique de même que pour les frais pour les services juridiques déjà encourus et à venir, détaillée au paragraphe 38b) de sa demande introductive d’instance modifiée (20-10-2020).

[6]     Jugement du 9 mai 2016.

[7]     Les ingénieurs, dans leurs rapports D-1, D-2 et D-4, réfèrent au « banc d’emprunt » pour désigner la sablière.

[8]     Réjean Forcier exerce à son compte, à titre de camionneur artisan. Cette entreprise individuelle est désignée ainsi dans ses états financiers (P-19). Voir également l’interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier, 10 février 2015, p.12, ligne 5 à p.13, ligne 12.

[9]     Pièce D-1, p. 1.

[10]    Témoignage de Michel Tessier le 11 novembre 2020.

[11]    Pièce D-1, p. 7; Témoignage de Réjean Fournier le 11 novembre 2020.

[12]    Pièce D-1, p. 7.

[13]    Id., p. 17.

[14]    Id., p. 26.

[15]    L’indice DRASTIC est défini dans le rapport D-1 comme « une méthode ou système normalisé qui permet une évaluation quantitative du potentiel de contamination des nappes d’eau souterraine à l’aide des conditions hydrogéologiques prévalant dans la région concernée. Chacun de ces paramètres est quantifié en lui attribuant une valeur pondérée. L’indice DRASTIC est la somme des produits obtenus pour chacun des paramètres considérés. Plus l’indice est élevé, plus la vulnérabilité à la contamination de surface est élevée. L’indice d’un aquifère varie dans une plage allant de 23 à 226 ».

[16]    Pièce D-1, p.17 et 18.

[17]    Voir notamment les pièces P-35, P-37, P-38, P-40, P-43, P-44.

[18]    À cette époque, Lucie Roger est également trésorière.

[19]    Voir notamment la lettre P-7 du 14 août 2006 transmise à Forcier & Frères.

[20]    Pièce P-37 : Résolution 2007-03-111 du 12 mars 2007.

[21]    Pièce P-9 : Résolution 2007-03-110.

[22]    Pièce D-7 : Résolution 2007-05-256 du 29 mai 2007.

[23]    Pièce P-10 : Résolution 2007-11-553 du 26 novembre 2007.

[24]    Pièce P-9 : Résolution 2007-03-110.

[25]    Pièce P-39.

[26]    Pièce P-55 : Appel d’offres 2009-068 du 17 juin 2009 et devis. Cette clause subit quelques variantes au cours des années, mais l’essence demeure la même, tel qu’en fait foi l’admission consignée par les parties (préc., note 4). Cette clause se retrouve notamment dans les contrats et ententes P-45 à P-54.

[27]    Ce puits est identifié comme le P-7 ou P7 dans les rapports D-4 et D-5, mais il s’agit du même puits.

[28]    Les rapports d’extraction de gravier combinés pour l’année 2010 sont produits comme pièce P-20. Ils révèlent qu’au mois de juillet 2010, 223,58 tonnes de matériaux ont été prélevées dans la sablière et qu’en août, 36 785 tonnes de matériaux en ont été extraites. Les données sont compilées le 15 de chaque mois.

[29]    Pièce P-3 : Jugement de la Cour supérieure (615-17-000464-106).

[30]    Pièce P-3 : Arrêt de la Cour d’appel (200-09-007410-118).

[31]    Pièce P-3 : Jugement de la Cour suprême (no 35066).

[32]    Témoignage de Réjean Fournier le 11 novembre 2020.

[33]    Id.

[34]    Pièces D-1, D-2 et D-4. L’avis technique D-4 est signé par M. Bouclin uniquement.

[35]    Pièce D-1.

[36]    Id., p. 26.

[37]    Témoignage du 11 novembre 2020; voir également l’arrêt de la Cour d’appel, par. 61, pièce P-3.

[38]    Pièce D-2, p. 1.

[39]    Puits d’essai en 2008.

[40]    Pièce D-2, p.1.

[41]    Id., p. 15 et 16.

[42]    Id., p. 16.

[43]    Pièce D-2, p. 15.

[44]    Pièce D-4, p. 1.

[45]    Id. Les puits sont désignés par l’appellation P-6 et P-7, mais il s’agit des mêmes puits.

[46]    Pièce D-4, p. 2.

[47]    Id.

[48]    Id.

[49]    Id.

[50]    Q-2, r. 35.2; Pièce D-5, p. 1.

[51]    Pièce D-5, p. 29.

[52]    Pièce P-3.

[53]    Pièce P-39.

[54]    Entreprises Sibeca inc. c. Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61.

[55]    R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42.

[56]    Art. 1457 C.c.Q.; Ravary c. Fonds mutuels CI inc., 2018 QCCA 606; Remer c. Remer, 2013 QCCA 1803; Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, vol. 1, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, par. 1-102 à 1-104.

[57]    Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, par. 53.

[58]    Article 2814 (4) C.c.Q.

[59]    Jean HÉTU et Yvon DUPLESSIS avec la collab. de Lise VÉZINA, Droit municipal : principes généraux et contentieux, vol. 1, Brossard, Wolters Kluwer Canada ltée, 2003, feuilles mobiles, à jour au 1er avril 2020, par. 8.3, 8.4 et 8.10.

[60]    Just c. Colombie-Britannique, [1989] 2 R.C.S. 1228; R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, préc., note 55.

[61]    Préc., note 60.

[62]    R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, préc., note 55. Voir également, quant à l’application de l’immunité relative, Canada (procureur général) c. Imperial Tobacco Ltd., 2012 QCCA 2034.

[63]    Gastem c. Municipalité de Ristigouche-Partie-Sud-Est, 2018 QCCS 779.

[64]    Id.; Voir également Loi sur les compétences municipales, RLRQ, c. C-47.1, art. 4; Wallot c. Québec (Ville de), 2011 QCCA 1165.

[65]    André Vezeau a exercé les fonctions de maire de 2009 à 2013.

[66]    Préc., note 63.

[67]    Voir notamment le témoignage de Gilles Bouclin le 11 novembre 2020 et l’arrêt de la Cour d’appel, par. 61, pièce P-3.

[68]    Pièce D-4, p. 2.

[69]    Pièce D-5, p.29.

[70]    Interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier, 10 février 2015, p. 46, ligne 1 à p. 47, ligne 10.

[71]    Pièce P-33.

[72]    Contre-interrogatoire de Gérald Laprise le 12 novembre 2020. Il ne précise pas s’il s’agit d’huile, de sel ou autre contaminant.

[73]    Réjean Forcier informe les représentants de Malartic qu’il utilise de l’huile végétale dans la section hydraulique de ses équipements.

[74]    Témoignage de Gérald Laprise le 12 novembre 2020.

[75]    Art. 1474, al. 1 C.c.Q.; Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35.

[76]    Témoignage de Réjean Forcier le 11 novembre 2020.

[77]    Interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier, 10 février 2015, p.14, lignes 10 à 18; voir également pièce P-21 et témoignage de Réjean Forcier le 9 novembre 2020.

[78]    Id.

[79]    Interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier, 10 février 2015, p. 16, ligne 10 à p. 17, ligne 20 et témoignage de Réjean Forcier le 9 novembre 2020.

[80]    Interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier, 10 février 2015, p. 16, lignes 1 à 9 et témoignage de Réjean Forcier le 9 novembre 2020.

[81]    Interrogatoire hors Cour de Réjean Forcier, 10 février 2015, p. 28, lignes 10 à 18.

[82]    Id., p. 29, ligne 1 à p. 32, ligne 14; voir également p. 58, ligne 10 à p. 59, ligne 20 et p. 99, ligne 1 à p. 100, ligne 17.

[83]    Id., p. 29, ligne 24 à p. 30, ligne 1; voir également p. 69, ligne 5 à p. 70, ligne 2.

[84]        Id., p. 35, lignes 11 à 36, ligne 22 et p. 37, lignes 21 à 25.

[85]    Id., p. 37, ligne 21 à p. 38, ligne 10.

[86]        Id., p. 57, lignes 3 à 16.

[87]    Id., p. 102, ligne 10 à p. 103, ligne 6.

[88]    Id., p. 57, ligne 3 à p. 58, ligne 9.

[89]    Id., p. 212, lignes 1 à 11.

[90]    Id., p. 223, lignes 19 à 25 et p. 224, lignes 1 à 5.

[91]    Id., p. 224, lignes 7 à 22.

[92]    Pièce P-15. Il s’agit d’états financiers non vérifiés pour les années 2006 à 2013.

[93]    Pièce P-19. Il s’agit d’états financiers non vérifiés pour les années 2008 à 2014.

[94]    À l’instruction, la demanderesse a renoncé à produire cette pièce (P-18).

[95]    Contre-interrogatoire de Réjean Forcier le 9 novembre 2020.

[96]    Id.

[97]    Pièce P-15.

[98]    Il s’agirait, selon Réjean Forcier, de l’excavatrice acquise pour l’exploitation de Réjean Forcier, Camionnage en vrac.

[99]    Les rapports visent les trois bancs d’emprunt (BNE 5225, 5226 et 22963).

[100]   Pièce P-20. Entre mai et novembre 2013, 16 595 tonnes sont prélevées, soit près du double de la quantité extraite en 2009.

[101]   À l’instruction, l’avocat de la demanderesse déclare que ces rapports ne sont pas nécessaires pour permettre à Forcier & Frères de rencontrer son fardeau de preuve.

[102]   Pièce D-6 : Factures pour la vente d’agrégats (sable, gravier et pierres nettes) et de terre.

[103]   La preuve révèle qu’en 2010, plusieurs détenteurs de baux étaient encore actifs dans la sablière. Après le 14 février 2013, le Tribunal retient de la preuve que seules les entreprises exploitées par Réjean Forcier y sont présentes.

[104]   Contre-interrogatoire de Réjean Forcier le 9 novembre 2020.

[105]   Pièce P-53.

[106]   RLRQ, c. C-19.

[107]   REJB 2000-17480 (C.A.).

[108]   2013 QCCA 2218.

[109]   Pièce P-25.

[110]   La mise en demeure réfère à la résolution 2007-03-110 (pièce P-9) qui a été rescindée (pièce D-7) puis abrogée (pièce P-10).

[111]   Voir également Constructions Gagné & Fils inc. c. Berthierville (Ville de), 2013 QCCA 2024.

[112]   Céline GERVAIS, La prescription, Cowansville, Yvon Blais, 2009, p. 140-141; ABB inc. c. Domtar inc., 2005 QCCA 733, par. 95, note de bas de page 40 (appel rejeté, [2007] 3 R.C.S. 461).

[113]   Les portes Métropolitaines c. Tre Corporation, EYB 1986-58610 (C.A.).

[114]   [2001] J.Q. no 1902 (C.A.).

[115]   Pièce P-3, par. 4.

[116]   Pièce P-39.

[117]   Jumbo Motors Express Ltd c. François Nolin Ltée, [1985] 1 R.C.S. 423; voir également Constructions Gagné & Fils inc. c. Berthierville (Ville de), préc., note 111 et Location de main-d’œuvre Excellence inc. c. Commission de la construction du Québec, 2012 QCCS 720.

[118]   Voir par. 71 et 72 du présent jugement.

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