Décision

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Station Mont-Ste-Anne inc. c. Société des établissements de plein-air du Québec

2024 QCCA 1605

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

 :

200-09-010733-241

(200-17-032806-218)

 

DATE :

2 décembre 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JULIE DUTIL, J.C.A.

SIMON RUEL, J.C.A.

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

STATION MONT-STE-ANNE INC.

APPELANTE – défenderesse et demanderesse reconventionnelle

c.

 

LA SOCIÉTÉ DES ÉTABLISSEMENTS DE PLEIN-AIR DU QUÉBEC

INTIMÉE – demanderesse et défenderesse reconventionnelle

 

 

ARRÊT

 

 

 

[1]                La partie appelante, Station Mont-Ste-Anne inc. (« SMSA »), se pourvoit contre le jugement rendu le 2 janvier 2024 par la Cour supérieure, district de Québec, lequel accueille la demande de l’intimée, la Société des établissements de plein-air du Québec (« SÉPAQ »), visant à homologuer une sentence arbitrale rendue le 20 janvier 2023 par l’honorable Clément Gascon, Ad.E.[1].


[2]                Dans une décision fort bien motivée, l’arbitre déclare que la SMSA a fait défaut de réaliser des ventes de fonds de terrains pour développement immobilier afin de favoriser la valorisation du site récréotouristique de la SMSA, en contravention à ses obligations prévues à une convention additionnelle de 2008 intervenue entre les parties, modifiée par un addenda en 2015 (« Convention additionnelle »). L’arbitre constate la nonapplication de la fin de non-recevoir soulevée par la SMSA à l’égard de ce défaut et déclare que cette dernière ne s’est pas déchargée de son fardeau au regard des motifs d’exonération potentiels. En conséquence, il constate que la SÉPAQ pouvait transmettre à la SMSA un avis de résiliation de la Convention additionnelle, ainsi qu’un acte de cession de propriété superficiaire des terrains périphériques à la station de ski du mont Sainte-Anne Convention périphérique »), intervenue le 31 août 1994.

[3]                À la suite de la transmission par la SÉPAQ de l’avis de résiliation daté du 20 avril 2021, la SMSA demande l’arbitrage en application de la clause 9.5 de la Convention additionnelle, mais soulève d’emblée que cette dernière ne permet pas à l’arbitre de se prononcer sur la résiliation, en tant que telle, des conventions intervenues entre les parties. Sur cette question, l’arbitre conclut qu’il n’a pas compétence pour ordonner la résiliation de la Convention additionnelle et de la Convention périphérique. Les parties devront s’adresser aux tribunaux de droit commun, s’il y a lieu.

[4]                C’est dans ce contexte que la SÉPAQ demande l’homologation de la sentence arbitrale, laquelle est accordée par le juge de première instance dans le jugement entrepris. Par voie de procédure distincte, elle demande également à la Cour supérieure de prononcer la résiliation de la Convention additionnelle et de la Convention périphérique, litige qui est toujours en cours.

[5]                En première instance, la SMSA conteste l’homologation de la sentence arbitrale en Cour supérieure au motif qu’étant seulement déclaratoire, elle ne serait pas susceptible d’homologation. Le juge rejette cette prétention, indiquant que la SMSA ne soulève aucun des motifs pouvant faire obstacle à l’homologation d’une sentence arbitrale selon l’article 646 du Code de procédure civile. Par ailleurs, selon le juge, rien ne s’oppose à ce qu’une sentence arbitrale de nature déclaratoire puisse être homologuée. À cet égard, il conclut que l’arbitre a rendu une sentence arbitrale entièrement conforme à la mission arbitrale qui lui a été confiée par les parties.

[6]                En appel, les motifs de contestation de SMSA évoluent. En plus de soulever de nouveau que la sentence arbitrale ne serait pas exécutoire, elle plaide que la décision ne serait qu’une étape préliminaire à la détermination des droits des parties dans un différend plus large qui les oppose, ce qui ferait obstacle à l’homologation. Au soutien de ses arguments, elle invoque un arrêt de notre Cour de 1987, Régie de l’assurance-maladie du Québec c. Fédération des médecins spécialistes du Québec[2]. À l’audience devant la Cour, SMSA soulève un nouveau moyen d’appel, c’est-à-dire que, par la procédure d’homologation, la SÉPAQ chercherait de manière oblique à faire lever la confidentialité du processus d’arbitrage au détriment de SMSA.

[7]                Ces moyens doivent être rejetés. Les motifs de refus d’homologation énoncés à l’article 646 du Code de procédure civile sont exhaustifs et doivent être interprétés restrictivement[3]. Comme le souligne à juste titre le juge de première instance, SMSA ne soulève aucun des motifs énoncés à l’article 646 du Code de procédure civile pouvant faire obstacle à l’homologation. La sentence est susceptible d’exécution.

[8]                L’arrêt Régie de l’assurance-maladie du Québec n’appuie pas la position de SMSA. Dans cette affaire, la Cour conclut que la sentence arbitrale ne pouvait être homologuée compte tenu de nombreux éléments d’imprécision faisant en sorte qu’elle n’était pas véritablement exécutoire. En effet, le juge Vallerand note, de manière imagée, que l’affaire s’apparente au jeu du chat et de la souris[4]. Il remarque qu’il n’est pas possible de comprendre à quoi précisément la Régie avait été condamnée en faveur des médecins spécialistes néphrologues, notamment, parce que l’avis de différend ne cernait pas les réclamations dont la Fédération de médecins spécialistes réclamait le paiement et que plusieurs des réclamations étaient prescrites.

[9]                En l’espèce, les parties savent exactement sur quoi porte la sentence arbitrale, c’est-à-dire : le constat clair des défauts de la SMSA de satisfaire à ses obligations contractuelles en lien avec le développement immobilier du site récréotouristique; la nonapplication de la fin de non-recevoir qu’elle soulève à l’égard de ce défaut; l’inexistence des moyens d’exonération prévus à la clause 9.5 de la Convention additionnelle; et le bien-fondé du droit de la SÉPAQ de transmettre un avis de résiliation de la Convention additionnelle et de la Convention périphérique.


[10]           L’arbitre a épuisé sa compétence et tranché toutes les questions en litige que les parties ont librement choisi de lui confier, de sorte que la sentence rendue met fin au litige soumis au processus d’arbitrage. Le fait que des étapes judiciaires subséquentes soient nécessaires pour régler l’ensemble des enjeux contractuels entre les parties et des tiers intéressés ne fait pas obstacle à l’homologation de la sentence[5].

[11]           L’un des objectifs de la procédure d’homologation de la sentence arbitrale est de permettre de rendre ses constats et conclusions opposables aux parties et aux tiers[6]. Dans ce contexte, rien ne s’oppose à ce qu’une sentence arbitrale contenant des conclusions de nature déclaratoire puisse être homologuée[7]. C’est exactement ce que veut faire la SÉPAQ dans le cadre de sa demande en jugement déclaratoire. Elle souhaite ainsi éviter que la SMSA ou des tiers puissent remettre en question ce qui a été tranché de manière définitive par l’arbitre, à la demande expresse des parties.

[12]           Soulignons que la SMSA reconnaît judiciairement dans son exposé écrit au soutien de son appel que « le tribunal arbitral a rendu une sentence finale mettant un terme au litige mû entre les parties aux termes de l’avis d’arbitrage »[8].

[13]           Quant à l’argument de perte de confidentialité du processus d’arbitrage, soulevé pour la première fois lors de l’audience en appel, rien ne porte à croire que la SÉPAQ chercherait à nuire aux intérêts de la SMSA.

[14]           Les parties restent liées par leur engagement de confidentialité prévu dans la convention de nomination de l’arbitre, « sous réserve des situations où une divulgation peut être requise d’une Partie en vertu d’une obligation légale ou pour protéger ou exercer ses droits ». S’il y a lieu, par exemple pour protéger leurs intérêts commerciaux, les parties pourront demander que des ordonnances de confidentialité soient rendues, sous réserve des critères applicables à de telles demandes[9].

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[15]           REJETTE l’appel, avec frais de justice.

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 

 

 

 

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

Me Antoine Sarrazin-Bourgoin

Me Sébastien Proulx

Me Marc-André Gravel (absent)

Gravel, Bernier

Pour l’appelante

 

Me Éric Savard

Me Justin Dépatie (absent)

Me Félix Simoneau

Langlois avocats

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

25 octobre 2024

 


[1] Société des établissements de plein-air du Québec c. Station Mont-Ste-Anne inc., 2024 QCCS 2 (l’honorable Bernard Tremblay, j.c.s.) [« jugement entrepris »].

[2] Québec (Régie de lassurance maladie) c. Fédération des médecins spécialistes du Québec, [1987] RDJ 555, 1987 CanLII 901 (C.A.).

[3] Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., 2003 CSC 17, paragr. 67 et 68; Purkinje inc. c. Famic Technologie inc., 2009 QCCA 549, paragr. 21 ; Carpenter c. Soudure Plastique Québec inc., 2019 QCCS 321, paragr. 27; Coopérative des techniciens ambulanciers de l’Outaouais c. Régie régionale de la santé et des services sociaux de l’Outaouais, 2002 CanLII 63143 (C.S.), paragr. 38.

[4] Québec (Régie de lassurance maladie) c. Fédération des médecins spécialistes du Québec, [1987] RDJ 555, 1987 CanLII 901 (C.A.), paragr. 12 et 13; Luc Chamberland (dir.), Code de procédure civile : commentaires et annotations, vol. 2, 5e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, p.  3205 et 3206.

[5] Voir Metso Minerals Canada Inc. c. Arcelormittal exploitation minière Canada, 2020 QCCS 1103, paragr. 21-23; The Gazette c. Blondin, 2003 CanLII 33868 (C.A.), paragr. 48; Frédéric Bachand, « Arbitrage commercial : Assujettissement d’un tribunal arbitral conventionnel au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et contrôle judiciaire d’ordonnances de procédure rendues par les arbitres », (2001) 35 R.J.T. 465, p. 481 et 482.

[6] Metso Minerals Canada Inc. c. Arcelormittal exploitation minière Canada, 2020 QCCS 1103, paragr. 1923 ; Patrick Ferland, « Homologation et annulation des sentences arbitrales », dans Marie-Josée Hogue (dir.) et Patrick Ferland (dir.), LegisPratique « Guide de l’arbitrage », Montréal, LexisNexis, 2014, paragr. 10-10.

[7] Metso Minerals Canada Inc. c. Arcelormittal exploitation minière Canada, 2020 QCCS 1103; Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ-Construction) c. Association de la construction du Québec, 2021 QCCS 4356.

[8] Exposé de l’appelante, paragr. 8.

[9] Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41.

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