Cozak c. Procureur général du Québec | 2024 QCCS 676 | ||||
COUR SUPÉRIEURE | |||||
| |||||
CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
DISTRICT DE | QUÉBEC | ||||
|
| ||||
N° : | 200-17-029058-195 | ||||
|
| ||||
DATE : | 29 février 2024 | ||||
______________________________________________________________________ | |||||
|
|
| |||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | MARIE-PAULE GAGNON, J.C.S. | |||
______________________________________________________________________ | |||||
DANIEL COZAK et SAMUEL COZAK et CHARLES COZAK et ANN GUILMETTE | |||||
| |||||
Demandeurs | |||||
c. | |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
| |||||
Défendeur | |||||
| |||||
______________________________________________________________________ | |||||
| |||||
JUGEMENT sur recours en dommages-intérêts invoquant la responsabilité civile de la Sûreté du Québec et du Directeur des poursuites criminelles et pénales et recherchant une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés | |||||
______________________________________________________________________ | |||||
| |||||
L’APERÇU
[1] Les demandeurs, mère, père et fils d’une même famille, poursuivent en dommages-intérêts le Procureur général du Québec (PGQ), agissant pour la Sûreté du Québec (SQ) et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).
[2] Ils réclament la somme totale de 22 342 250 $[1] en lien avec leur arrestation le 9 septembre 2015, les accusations portées à l’endroit de Daniel, Charles et Samuel Cozak et la détention de ces derniers pour une durée d’un peu plus de deux ans, jusqu’à l’obtention d’un arrêt des procédures le 1er novembre 2017[2], pour atteinte à leur droit constitutionnel d’être jugés dans un délai raisonnable.
[3] Les accusations dont on reproche le dépôt, qui ne visent pas Ann Guilmette, se libellent comme suit :
CHEF 1 : Entre le 1 septembre 2014 et le 9 septembre 2015 à Québec, district de Québec, à Saint-Camille-de-Lellis, district de Montmagny, à Lac Baker au Nouveau‑Brunswick, et/ou ailleurs au Québec, et/ou ailleurs au Nouveau-Brunswick, ont comploté ensemble afin de commettre un acte criminel, soit : production d’une substance inscrite à l’annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances[3], commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 465(1)c) du Code criminel.
CHEF 2 : Entre le 1 septembre 2014 et le 9 septembre 2015 à Québec, district de Québec, à Saint-Camille-de-Lellis, district de Montmagny, à Lac Baker au Nouveau‑Brunswick, et/ou ailleurs au Québec, et/ou ailleurs au Nouveau-Brunswick, ont produit une substance inscrite à l’annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 7(1)(2)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
[4] À la lumière de la demande introductive d’instance, des faits mis en preuve et des plaidoiries, le Tribunal retient que les demandeurs invoquent, sans précision d’application pour l’un ou l’autre d’entre eux, essentiellement que :
i) l’enquête de la SQ a été généralement bâclée, les policiers agissant sans discernement et de manière insouciante;
ii) les différents mandats obtenus au cours de l’enquête policière l’ont été illégalement, notamment sous de fausses allégations mises de l’avant intentionnellement, alors que les policiers n’avaient pas les motifs raisonnables requis et, pour certains de ces mandats, alors que l’avis d’exécution n’a pas été transmis;
iii) certains gestes des policiers au cours de l’enquête auraient nécessité l’obtention préalable de mandats;
iv) la prise de notes déficientes des policiers a compromis leur droit à une défense pleine et entière;
v) l’erreur intentionnelle de classification d’une arme à feu retrouvée sur les lieux de perquisition les a empêchés de recouvrer leur liberté dans l’attente du procès;
vi) le non-respect du droit à l’avocat quant à Samuel Cozak;
vii) l’absence d’exécution du mandat d’extraction de données et le « nettoyage » du contenu des appareils électroniques saisis;
viii) la compromission de leur droit à la contre‑expertise en raison d’un incident survenu chez Terrapure ayant entraîné la contamination des échantillons B des substances invoquées comme étant du MDA;
ix) le défaut de la SQ d’avoir transmis certains documents et le retard dans la communication de la preuve au DPCP pour divulgation;
x) la remise des biens saisis endommagés;
xi) les bris survenus lors des perquisitions et ultimement la perte de leurs biens;
xii) la remise après l’arrêt des procédures de pièces à conviction qui faisaient l’objet d’une ordonnance de destruction ou de confiscation témoigne de l’insouciance persistante des policiers et de leur objectif de les voir à tout prix condamnés;
xiii) le communiqué de presse de la SQ du 9 septembre 2015[4] était diffamatoire et inexact;
xiv) le DPCP n’aurait pas dû porter des accusations puisque la preuve ne soutenait pas les accusations contre Daniel, Charles et Samuel Cozak, il n’avait pas de motifs probables et raisonnables de croire qu’une condamnation pouvait être obtenue et il n’avait pas les résultats d’analyse des substances prélevées lors de l’entrée subreptice ou de la perquisition faite le jour de leur arrestation, contrairement à la directive ACC-3[5] du DPCP;
xv) le DPCP aurait dû minimalement retirer les accusations sur réception, le 1er novembre 2016, de la contre‑expertise produite par les défendeurs, datée du 28 octobre 2016 jumelée aux différents rôles de Geneviève St-Pierre qu’ils estiment en conflit d’intérêts[6];
xvi) le DPCP a témoigné d’une intention malveillante à l’égard des demandeurs; et
xvii) la communication et divulgation de la preuve était déficiente et tardive, le DPCP a manqué à son obligation constitutionnelle.
[5] Le PGQ, tant pour la SQ que le DPCP, conteste vigoureusement les allégations de la demande. Il fait valoir que :
i) l’enquête policière était raisonnable;
ii) malgré certaines erreurs contenues aux dénonciations pour l’obtention des mandats, ceux-ci auraient été autorisés, abstraction faite des informations inexactes. Les policiers avaient effectivement les motifs raisonnables requis. Une révision des mandats n’aurait pas conduit à leur invalidité et n’aurait de toute façon pas mené à l’exclusion de la preuve en cas de violation;
iii) les actions des policiers au cours de l’enquête ne nécessitaient pas toutes des mandats préalables;
iv) les démarches administratives et opérationnelles des policiers n’ont pas à être consignées dans des notes et les interventions policières sont bien documentées;
v) l’erreur de classification de l’arme à feu a été faite de bonne foi et n’a entraîné aucune conséquence sur les demandes de remise en liberté des demandeurs Daniel, Charles et Samuel Cozak;
vi) le droit à l’avocat des demandeurs a été respecté, les questions posées à Samuel Cozak étant requises pour des raisons de sécurité;
vii) la non-exécution du mandat d’extraction des appareils électroniques ne constitue pas une faute et aucune preuve ne soutient les allégations de suppression du contenu des appareils électroniques par les policiers;
viii) le droit à la contre-expertise n’a pas été compromis, les échantillons B n’ont pas été contaminés;
ix) la remise après l’arrêt des procédures de pièces à conviction, incluant celles qui faisaient l’objet d’une ordonnance de destruction ou de confiscation, résulte d’une erreur commise de bonne foi, sans conséquence;
x) le DPCP, qui avait une perspective raisonnable de condamnation des demandeurs, bénéficie d’une immunité relative à l’égard de son pouvoir de déposer et de maintenir des accusations et l’obtention des résultats d’analyse des substances prélevées lors de la perquisition faite lors de l’entrée subreptice et le jour de leur arrestation n’était pas requise avant le dépôt des accusations;
xi) la contre-expertise des demandeurs n’ébranlait pas les croyances du DPCP considérant les certificats d’analyste des substances prélevées effectués par Santé Canada, la validation par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML), les affidavits d’Alain Hardy, Geneviève St-Pierre et Charles Grandmaison contredisant cette contre‑expertise et l’absence d’analyse par les experts des demandeurs de la substance elle-même; et
xii) les demandeurs ne sont pas parvenus à démontrer quelque malveillance que ce soit de Me Marc Gosselin ou autres procureurs du DPCP à l’époque des faits reprochés;
xiii) la divulgation de la preuve a fait l’objet d’un débat et le DPCP a respecté l’ordonnance de divulgation;
xiv) le retard de divulgation de la preuve n’est pas de la nature justifiant l’attribution de dommages-intérêts. L’arrêt des procédures est de toute façon la réparation convenable et juste aux termes du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés[7].
[6] Le Tribunal doit donc répondre aux questions en litige suivantes :
[7] Le Tribunal est d’avis que la SQ avait les motifs raisonnables et probables requis pour l’obtention des divers mandats et l’arrestation des demandeurs et qu’elle n’a généralement pas commis de faute, sous réserve de l’allégation selon laquelle l’hélional est un précurseur en annexe à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS), de la classification de l’arme et de la remise de certains biens endommagés. Les fautes commises ne sont toutefois pas causales, sauf quant à celle relative aux biens endommagés.
[8] Le Tribunal est aussi d’opinion que le DPCP avait les motifs raisonnables et probables requis pour accuser et maintenir les accusations contre Daniel, Charles et Samuel Cozak. Le retard dans la divulgation de la preuve ne relève pas d’une conduite qui revêt le degré requis pour qu’une compensation monétaire soit attribuée en vertu de la Charte canadiennes des droits et libertés.
[9] Voici pourquoi le Tribunal en vient à ces conclusions.
Les reproches
[10] La déclaration commune des parties fait état de questions en litige générales et imprécises :
- La défenderesse a-t-elle commis une faute?
- Les fautes de la défenderesse ont-elles causé des dommages aux demandeurs?
- À combien s’évaluent les dommages?
- Y a-t-il un lien de causalité entre les fautes de la défenderesse et les dommages?
- La défenderesse a-t-elle commis les fautes de manière intentionnelle?
- Quel est le montant qui assurerait les objectifs de l’octroi de dommages-intérêts punitifs?
[11] Les parties ne sont pas parvenues à convenir d’un exposé d’audience conforme au projet pilote d’alors, Audience efficace en matière civile, de sorte que les questions en litige n’y ont pas été précisées[8].
[12] Le Tribunal a cependant requis des demandeurs le 16 décembre 2022 qu’ils précisent les questions en litige et ainsi les reproches formulés à l’endroit de la SQ et du DPCP, en indiquant que cet exercice était nécessaire pour l’efficacité de tous et la bonne compréhension des enjeux par le Tribunal[9].
[13] Malheureusement, le 21 décembre 2022, les demandeurs ont maintenu référer à leur demande introductive d’instance, en ajoutant que les demandeurs feront leur preuve au procès et que les faits connus comme étant faux par la SQ étaient trop nombreux pour en dresser une liste exhaustive à ce stade[10]. Cette liste exhaustive ne sera jamais communiquée au Tribunal et au PGQ, ni même lors des plaidoiries.
[14] Ainsi, le Tribunal procède à l’analyse des reproches formulés par les demandeurs aux termes de leur demande introductive d’instance modifiée séance tenante, aux termes de leurs plaidoiries et à la lumière de la preuve et de ce que le Tribunal a pu comprendre être des reproches adressés aux défendeurs.
Les pièces
[15] Le Tribunal précise que la pièce D-1, qui constitue la divulgation de la preuve dans l’instance criminelle, est très volumineuse (4.92 tétra-octets), si bien qu’elle ne pouvait être contenue que sur un disque dur.
[16] Les parties ont été avisées que le Tribunal prendrait connaissance de tous les documents, photos ou enregistrements vidéos de cette pièce D-1 que les parties identifieraient comme utiles au présent jugement.
[17] Le Tribunal a aussi souligné qu’il ne visualiserait pas toutes les séquences vidéos contenues à la pièce D-1, ne pouvant deviner leur utilité pour les fins du jugement à être rendu. Les parties devaient donc référer le Tribunal à celles qui étaient pertinentes et utiles en l’instance, comme elles devaient aussi le faire pour les éléments pertinents de cette pièce.
[18] Le Tribunal précise que la caméra installée le 3 février 2015 pour visualiser la cour arrière du 2224, du Viaduc a procédé à des enregistrements en continu du 3 février au 31 août 2015, celles installées à Lac Baker ont été en fonction en continu du 27 juin au 8 septembre 2015[11]. Juste la révision des caméras intérieures à Lac Baker a occupé le sergent détective Stéphane Levasseur durant un mois, alors qu’il y consacrait tout son temps, le jour et le soir[12].
[19] Toutes les autres pièces ont été révisées exhaustivement par le Tribunal, même si les parties n’y ont pas fait référence. Dans certains cas toutefois, cette prise de connaissance ne permettait malheureusement pas de deviner leur pertinence ou utilité. À titre d’illustration, le Tribunal réfère aux articles publiés par Daniel Cozak en chimie, produits aux termes de la pièce P-7.
Le lien de causalité
[20] Afin de faciliter la lecture du présent jugement, le Tribunal choisit de traiter du lien de causalité au fur et à mesure de l’analyse des fautes reprochées.
[21] L’Escouade régionale mixte (ERM) de Québec est composée d’agents de la paix de différents corps de police[13] voués à la lutte contre le crime organisé. Elle est chapeautée par la SQ. À compter de septembre 2014, elle enquête sur Charles et Daniel Cozak, après avoir reçu une information de la source A, selon laquelle ils œuvraient dans la production et la distribution de drogue de synthèse (méthamphétamine) dans un petit chalet appartenant à Daniel Cozak.
[22] Ainsi, à l’automne 2014, jusqu’en décembre 2014, la SQ émet un avis de surveillance policière, effectue des vérifications au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ)[14], à la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ)[15], sur un site internet de recherche immobilière[16], auprès d’Hydro-Québec[17] et au 545, rue Saint‑Amable, à Québec[18]. Elle procède également à des surveillances physiques de Daniel et Charles Cozak[19] et à des observations[20].
[23] La SQ identifie ainsi avec photos Daniel et Charles Cozak. Elle apprend notamment que[21] :
- Ann Guilmette, l’épouse séparée de corps de Daniel Cozak, est propriétaire d’un chalet sis au 218, Edmond‑Blais, à Saint-Camille-de-Lellis;
- ce chalet à Saint-Camille-de-Lellis est situé dans un secteur boisé et qu’à l’entrée du chemin on peut y lire sur une affiche « Chasseur à l’affût »;
- Daniel Cozak habite au 54, rue Louis‑Jolliet à Sainte‑Catherine-de‑la‑Jacques‑Cartier, immeuble propriété de Ann Guilmette, et celui‑ci se rend à un entrepôt sis au 2224, avenue du Viaduc, à Charny;
- Daniel Cozak se déplace à bord d’un Ford F‑150 noir, immatriculé [...L] et il est aussi propriétaire d’une Volvo V-70 rouge, immatriculée [...H];
- le nom de Charles Cozak apparaît au tableau des résidents du 545, rue Saint‑Amable, à Québec, et il y entre le 8 décembre 2014;
- Charles Cozak a des antécédents en matière de trafic de stupéfiants et il fait l’objet de conditions, notamment quant aux heures où il doit être à son domicile et à l’interdiction de posséder un cellulaire ou des armes;
- Charles Cozak se rend au Palais de justice de Québec le 8 décembre 2014;
- le 2224, du Viaduc, à Charny est un bâtiment commercial.
[24] En date du 20 janvier 2015, Jean-François Fournel de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) effectue un examen de messagerie à l’entrepôt DHL. L’envoi alors examiné destiné au 2224, du Viaduc, à Charny, en provenance de la Chine, contient 16 boîtes de carton dans lesquelles se trouvent des bidons bleus identiques contenant 25 kg de liquide chacun, déclaré comme étant du D‑Panthenol. Le nom de l’importateur est identifié comme étant Réparation P. Dumont/Pierre Dumont. Monsieur Fournel transmet un bidon bleu pour analyse par le laboratoire de la Direction des sciences et de l’ingénierie-contrebande. La quantité importante du produit importé et l’absence apparente de lien avec l’importateur motivent sa demande d’analyse[22].
[25] Le 21 janvier 2015, Pierre Dumont confirme à Dolbec International l’importation de D-Panthenol (vitamine B) pour un projet de fabrication de crème émolliente[23]. Le 22 janvier 2015, Daniel Cozak indique plutôt à l’agente de dédouanement de Dolbec International qu’il importe le produit pour la recherche et le développement de produits pour des animaux de ferme[24]. Une copie du permis de conduire de Daniel Cozak sera transmise pour les fins du dédouanement[25], alors que Daniel Cozak explique qu’il utilise le nom de Pierre Dumont, craignant l’usage de son identité véritable par les Chinois[26].
[26] Le 29 janvier 2015, le rapport de laboratoire de Cathy Copeland, chimiste judiciaire de la Section de l’analyse des drogues de contrebande de la Direction des sciences et de l’ingénierie, révèle que le bidon bleu[27] transmis par Jean-François Fournel contient non pas du D-Panthenol, mais de l’hélional, composé chimique qui n'est pas une substance contrôlée, mais pouvant servir dans la fabrication de l’ecstasy et à des usages légitimes en parfumerie[28].
[27] Le 30 janvier 2015, l’ASFC informe Alain Joncas de la SQ de l’importation de 400 kg d’hélional par Daniel Cozak, bien que l’étiquette spécifie qu’il s’agit de D‑Panthenol[29]. On lui indique aussi que ce produit est importé de la Chine au nom de Réparation P. Dumont/Pierre Dumont et destiné au 2224, avenue du Viaduc, à Charny, garage 3. Ce produit peut entrer dans la fabrication de MDMA, qui est une substance interdite et désignée à l’annexe I de la LRCDAS. Alain Joncas demande donc les documents et photos liés à cette importation en vertu de l’article 107 de la Loi sur les douanes[30].
[28] À compter de ce moment, l’enquête de la SQ, dirigée par l’ERM, s’intensifie. On installe une caméra de surveillance à l’extérieur du 2224, avenue du Viaduc[31], on procède à de nouvelles observations[32] et surveillances[33] et à des vérifications additionnelles à la
SAAQ et auprès de Bell Canada[34].
[29] L’ERM obtient 52 mandats entre le 30 janvier 2015 et le 9 septembre 2015 inclusivement, autorisant diverses techniques d’enquête (livraison contrôlée, balises de localisation sur les véhicules de Daniel et Charles Cozak, sur une remorque appartenant à Daniel Cozak, caméras de surveillance à Lac Baker, mandats généraux autorisant notamment des entrées subreptices et le prélèvement d’échantillons, mandats de perquisition…) visant notamment les demandeurs, leurs domiciles, leurs immeubles et certains de leurs biens[35]. Ces mandats, autorisés par 14 différents juges de paix magistrats et juges de la Cour du Québec et pour certains, visés au Nouveau‑Brunswick par un juge, sont pour la plupart exécutés[36].
[30] Les policiers enquêteurs de l’ERM rencontrent divers témoins[37], demandent l’assistance de l’ASFC, de Santé Canada, de la GRC et de policiers de l’Ontario et du Nouveau‑Brunswick.
[31] À la lumière des preuves colligées au cours de l’enquête qui a duré près d’un an, sur lesquelles le Tribunal reviendra en détail dans la section Analyse du présent jugement, Daniel, Charles et Samuel Cozak sont arrêtés et accusés le 9 septembre 2015 de complot dans le but de produire une substance inscrite à l’annexe I de la LRCDAS et de production d’une telle substance. Daniel et Charles Cozak sont arrêtés au Nouveau‑Brunswick dans la municipalité de Lac Baker au 380, rue Soucy, immeuble appartenant à Samuel Cozak[38]. C’est à cet endroit que la SQ estime qu’il y a un laboratoire clandestin où les trois demandeurs produiraient une drogue de synthèse. Samuel Cozak est arrêté à Québec à son domicile sis au 2355, rue de Bilbao, appartement 205. Daniel, Charles et Samuel Cozak sont détenus à compter de cette date.
[32] Ann Guilmette, quant à elle, est arrêtée au poste de police où elle s’était rendue avec les policiers afin de partager sa version des faits en lien avec le mandat de perquisition exécuté à sa résidence[39]. Son arrestation survient en cours de rencontre. Elle est toutefois libérée quelques heures plus tard le jour même, et aucune accusation n’est portée contre elle[40].
[33] Diverses perquisitions sont réalisées le 9 septembre 2015, notamment : au domicile de chacun des trois demandeurs, à l’entrepôt du 2224, avenue du Viaduc, à Charny, où l’hélional a été initialement entreposé, au chalet à Saint-Camille-de-Lellis, au chalet à Lac Baker et dans le véhicule F-150 de Daniel Cozak, la Ford Fusion de Charles Cozak et le Nissan Sentra de Samuel Cozak[41].
[34] Ces perquisitions permettent de saisir différents objets et équipements, notamment : de nombreux produits chimiques sous forme liquide, solide ou en poudre (certains contenants identifiant la substance), 17 kilogrammes d’une substance solide que l’on croit être du MDA, des équipements tels appareil de chauffage d’huile, recycleur de solvant, réacteur, mélangeurs, scelleur sous vide et génératrices, de la vaisselle de chimie et de l’équipement de laboratoire spécialisé (cuve, entonnoirs, ballons, mantes chauffantes…), des balances, des vestes pare-balles, des armes à feu dont certaines chargées, des chargeurs, des boîtes de balles, des caisses de projectiles, des écrans de caméras de surveillance, des caméras, des caméras à infrarouge, des détecteurs de mouvement, de nombreux téléphones cellulaires et ordinateurs et une machine à compter de l’argent[42].
[35] La divulgation de la preuve par le DPCP débute le 9 septembre 2015 par la remise d’un cahier intitulé Résumé de preuve[43]. Elle se poursuivra à différents moments à l’initiative du DPCP, à la suite de demandes de compléments de divulgation ou de requêtes en complément de divulgation de la preuve[44]. Ce volet factuel du dossier sera abordé exhaustivement dans le cadre de la section Analyse du présent jugement.
[36] Le 10 septembre 2015, Francis Blais, sergent spécialiste de l’Équipe nationale de soutien à l’application de la Loi sur les armes à feu[45] (E.N.S.A.L.A.), chapeautée par la GRC, se rend au quartier général de la SQ afin d’identifier les armes à feu saisies lors des perquisitions du 9 septembre[46]. Aux termes de son rapport du 16 septembre 2015, il conclut notamment que l’une des armes saisies à Lac Baker, au Nouveau-Brunswick, de marque Tactical Innovation, modèle Elite 22, de calibre .22 LR portant le numéro de série BCZ01197 est une arme à feu prohibée, que celle-ci est tronçonnée et que son entreposage est non conforme[47].
[37] Le 17 septembre 2015, le certificat d’analyste signé par Geneviève St-Pierre de l’un des échantillons prélevés lors de l’entrée subreptice du 27 juin 2015 est transmis à la SQ et révèle qu’il s’agit de MDA[48].
[38] Le 8 octobre 2015, Geneviève St-Pierre, analyste du Service d’analyse des drogues de Santé Canada, signe 17 certificats d’analyste relativement aux échantillons prélevés à Lac Baker lors de la perquisition du chalet appartenant à Samuel Cozak. Ils révèlent la présence de 16,24 kg de MDA, une substance inscrite à l’annexe I de la LRCDAS dont la production est interdite en vertu de l’article 7(1) de cette même loi[49].
[39] Le 23 novembre 2015, débute l’enquête sur mise en liberté de Daniel, Charles et Samuel Cozak. Charles Cozak admet lors de cette première journée qu’il n’est pas en mesure de se décharger du fardeau de preuve qui lui incombe pour obtenir sa mise en liberté provisoire[50]. L’enquête se poursuit le 24 novembre et le 11 décembre 2015, de même que le 11 janvier 2016[51] quant à Daniel et Samuel Cozak[52].
[40] Le 22 décembre 2015, Samuel Cozak commet des voies de fait sur un agent de la paix à l’Établissement de détention de Québec[53].
[41] À l’issue de l’enquête sur mise en liberté, le juge Sébastien Proulx ordonne le 8 février 2016 la détention de Daniel et Samuel Cozak[54]. Le juge Proulx conclut alors que « La probabilité de condamnations pour chacun des prévenus est excessivement sérieuse »[55] et que la preuve est volumineuse[56].
[42] Le 16 août 2016, une première Requête en divulgation de la preuve est signifiée au DPCP, présentable le 30 août 2016 en Cour du Québec[57]. La liste des documents et informations alors requis est identifiée comme étant l’« annexe A »[58]. Cette demande est déférée au juge du procès[59].
[43] Le 30 août 2016, l’ouverture des mandats scellés est ordonnée.
[44] Le 28 octobre 2016, le DPCP affirme avoir procédé à une divulgation de la preuve conforme à ses obligations[60].
[45] Le 1er novembre 2016, il y a signification d’une Requête pour divulgation de la preuve, présentable à la Cour supérieure. Elle vise certains documents dont la divulgation est requise aux termes de la requête en divulgation d’août 2016 (paragraphes 8, 9 et 34 de l’annexe A à la première requête). Les documents ainsi requis relèvent de Santé Canada et sont en lien avec les certificats d’analyste qui concluent à la présence de MDA et avec les méthodes d’analyse. Les demandeurs invoquent l’obtention d’une contre‑expertise. Selon les auteurs de celle-ci, il est impossible d’établir la présence de MDA à la lumière des analyses de Santé Canada[61]. Cette requête est entendue par la juge Alicia Soldevila le 25 novembre 2016.
[46] Le 28 novembre 2016, la juge Soldevila ordonne la communication des documents requis[62]. Elle indique que la Couronne ne s’est pas déchargée de son obligation de divulgation et que l’affirmation de Me Marc Gosselin pour le DPCP selon laquelle il ignorait la pertinence du protocole d’analyse est « étonnante » et qu’« il est renversant que le ministère public ait accepté la position de Santé Canada que leur identité [celle des chimistes ayant participé aux analyses des échantillons] n’avait aucune pertinence, alors que la défense entend soulever l’absence de MDA dans les échantillons analysés »[63].
[47] Le 18 janvier 2017, la chimiste et toxicologue judiciaire du LSJML, Catherine Lavallée, confirme que les échantillons soumis émanant des items 5 et 12 du lot 2015‑2075 saisis à Lac Baker mettent en évidence la présence de MDA[64].
[48] Le 23 février 2017, le juge Richard Grenier rejette la requête de Daniel Cozak en révision de la décision du juge Proulx sur la mise en liberté[65].
[49] Le 1er mars 2017, les résultats des tests balistiques par le LSJML démontrent que l’arme à feu de marque Tactical Innovation, modèle Elite 22, de calibre .22 LR, portant le numéro de série BCZ01197, est une arme à feu sans restriction, contrairement à ce que Francis Blais avait conclu en septembre 2015[66].
[50] Le 9 mars 2017, le juge Raymond W. Pronovost rejette la demande de Charles et Samuel Cozak en révision de la décision du juge Proulx[67]. Il sait alors qu’il n’y avait pas d’arme prohibée sur place lors des perquisitions. Il sait aussi que les certificats d’analyste ne bénéficient peut-être plus de la présomption de validité[68]. Il indique :
[100] Tant pour Samuel Cozak que pour les autres, la preuve est accablante. La preuve est basée non pas sur des témoignages, mais bien sur des faits. La preuve est volumineuse, matérielle, le degré de participation est important, le tout a été soigneusement planifié[69].
[51] Le ou vers le 31 mars 2017, une rencontre sollicitée par Me Jean-Roch Parent se tient avec Me Marc Gosselin[70]. Me Parent comprend mal le maintien des accusations contre Daniel, Charles et Samuel Cozak. Il invoque alors l’invalidité des mandat obtenus en raison des dénonciations qu’il estime mensongères et la contre-expertise obtenue relevant l’impossibilité de conclure à l’existence de MDA dans les échantillons prélevés à Lac Baker. Me Marc Gosselin indique alors qu’il ne retirera pas les accusations[71], considérant notamment les certificats d’analyste de Santé Canada et l’expertise du LSJML concluant à la présence de MDA à Lac Baker. Il est alors question de poursuite éventuelle et de bénéfice d’assurance[72].
[52] Le 27 avril 2017, les accusations portées au Nouveau-Brunswick contre Daniel, Charles et Samuel Cozak en lien avec les armes à feu sont retirées par le procureur de la Couronne de cette province.
[53] Le 21 juin 2017, le juge Denis Jacques rejette la nouvelle demande en révision de la décision du juge Proulx. Samuel Cozak y faisait notamment valoir la contre-expertise contredisant selon lui la présence de MDA lors de la perquisition à Lac Baker, ainsi que le rapport d’expertise du LSJML infirmant les résultats de l’expert de l’E.N.S.A.L.A. quant à la présence d’une arme prohibée sur les lieux[73].
[54] Le 22 juin 2017, le procès est fixé pour cinq semaines, au cours des semaines des 2, 16 et 23 octobre et des 6 et 13 novembre 2017.
[55] Diverses requêtes sont rédigées en juin 2017 par les avocats des demandeurs, déposées au dossier de la Cour de manière contemporaine ou par la suite : Requête en arrêt des procédures pour violation au droit d’être jugé dans un délai raisonnable[74], Requête en arrêt des procédures pour atteinte au droit de communication de la preuve (retard), à une défense pleine et entière et un procès juste et équitable[75], Requête en arrêt des procédures pour atteinte au droit à la contre-expertise, à une défense pleine et entière et à un procès juste et équitable[76], Requête pour obtention d’un inventaire de la divulgation de la preuve[77], Requête pour autorisation de contre-interroger les affiants[78] et Requête pour accès aux échantillons du lot 2015-2075[79].
[56] Le 1er novembre 2017, la juge Réna Émond ordonne l’arrêt des procédures pour violation du droit des demandeurs d’être jugés dans un délai raisonnable[80]. Elle établit en ces termes un lien direct entre le retard à compléter le processus de divulgation de la preuve et le délai :
[107] C’est donc à tort que la poursuite refuse de divulguer des éléments de preuve potentiellement pertinents, se rapportant manifestement à la poursuite engagée contre les coaccusés. Il est certainement étonnant de voir à quel point la conduite de la poursuite est ici dictée par la position de Santé Canada, qui participe à l’enquête, au sujet de la pertinence de documents. […] Elle oblige aussi de conclure que la position de la poursuite a retardé le moment du choix du mode de procès par la défense.
[108] Le débat devant la Cour supérieure n’a pas été utile et n’aurait jamais dû avoir lieu. La requête des coaccusés était vouée à un succès flagrant, alors que les règles relatives à la divulgation de la preuve par les agents de l’État ayant participé à l’enquête sont claires et réitérées depuis l’arrêt McNeil. […]
[109] […] Ainsi, le refus de la poursuite de fournir les éléments ciblés demandés par la défense, dénué de fondement, a forcément ralenti le déroulement de l’instance.
[110] Il faut distinguer le refus de divulguer ici sanctionné par la Cour supérieure de celui relevant d’une controverse jurisprudentielle, d’une erreur par inadvertance ou d’une mésentente quant au support nécessaire pour procéder à une divulgation.
[…]
[135] Manifestement, il règne dans cette affaire une problématique relative à la divulgation de la preuve. Aux fins de l’analyse à faire, d’un commun accord entre les parties, il est utile d’indiquer qu’aucune conclusion n’est formulée sur le bien-fondé des demandes de divulgation supplémentaires pendantes. […]
[…]
[150] […] À cet égard, encore une fois, il est certainement étonnant de voir à quel point la conduite de la poursuite est dictée par la position de Santé Canada, qui participe à l’enquête, à propos de privilèges tout à fait injustifiés.
[…]
[156] (…) Par son inaction envers Santé Canada, à tout le moins depuis l’ordonnance de la Cour supérieure, la poursuite adopte une attitude de complaisance que la Cour suprême dénonce et vise à enrayer. […]
[…]
[158] En conclusion, le déroulement des procédures souffre du délai provoqué par la divulgation de la preuve tardive. […]
[…]
[160] Par conséquent, le délai de 22 mois demeure entier et révèle une preuve prépondérante qu’une omission de divulguer porte atteinte au droit des coaccusés à un procès tenu dans un délai raisonnable.
[…]
[172] […] l’arrêt Jordan apparaît dix mois après l’inculpation, laissant facilement à la poursuite le temps d’atténuer et justifier plusieurs délais en accordant une attention particulière à la prestation de travail de Santé Canada, la source de la divulgation tardive. Malgré les nouveaux enseignements de la Cour suprême et surtout après que la Cour supérieure lui rappelle ses devoirs concernant les informations détenues par le SAD, la preuve démontre que la poursuite affiche une complaisance à l’égard de Santé Canada. À ce sujet, mais sans mauvaise foi, elle n’a pas pris les mesures additionnelles, laissant les analyses se poursuivre trop longuement pour prendre fin en août 2017. […]
[…]
[175] […] le Tribunal constate que la divulgation tardive n’a pas permis aux accusés un procès dans un délai raisonnable.
[Références omises]
[57] L’arrêt des procédures étant prononcé par la juge Émond, les demandeurs sont ainsi libérés le 1er novembre 2017.
[58] C’est dans ce contexte que le recours des demandeurs contre le PGQ est donc introduit en novembre 2018.
[59] Parallèlement, Samuel Cozak met Me Vincent Montminy en demeure[81], lui imputant la responsabilité du rejet par le juge Proulx de sa demande de remise en liberté. Une demande introductive d’instance suivra en juin 2018, notamment modifiée le 2 juillet 2018[82].
[60] En juin 2018, Daniel, Charles et Samuel Cozak poursuivent aussi Le Groupe Capitales Médias, la Coopérative nationale de l’information indépendante, un éditeur et des journalistes en lien avec des articles publiés qui rapporteraient des accusations inexactes et les compareraient aux protagonistes de la série télévisée Breaking Bad, demande introductive d’instance notamment modifiée le 23 avril 2020[83].
[61] En août 2019, Charles et Samuel Cozak poursuivent le Procureur général du Canada pour la pose sans mandat par la GRC, vraisemblablement en 2019, de balises de localisation sur leurs véhicules[84].
[62] Le 7 février 2020, le Conseil de discipline de l’Ordre des chimistes du Québec déclare Daniel Cozak coupable d’entrave à l’enquête du syndic[85]. Il se voit imposer une radiation de huit mois le 30 décembre 2020[86].
[63] Le 25 mai 2020, le Conseil de discipline de l’Ordre des chimistes du Québec déclare Daniel Cozak à nouveau coupable d’entrave à l’enquête du syndic en plus d’avoir manqué d’intégrité lors de deux rencontres[87]. Il est toutefois acquitté d’avoir utilisé une fausse identité pour l’importation d’une substance chimique et l’entreposage de produits chimiques (location d’un garage). Il se voit imposer des périodes de radiation de quatre et trois mois à purger de manière concurrente, en sus d’amendes totalisant 5 000 $ le 10 novembre 2020[88].
[64] Ces dernières décisions du Conseil de discipline sont portées en appel devant le Tribunal des professions qui confirme la culpabilité et les sanctions, mais déclare Daniel Cozak coupable d’avoir utilisé une fausse identité contrairement à l’article 3 du Code de déontologie des chimistes et l’article 59.2 du Code des professions pour l’importation d’une substance chimique et l’entreposage de produits chimiques[89].
LES DEMANDEURS ET LES PRINCIPAUX ACTEURS EN LIEN AVEC LES REPROCHES FORMULÉS
[65] Daniel Cozak détient un doctorat en chimie et a enseigné la chimie à l’université. Il est à la retraite à l’époque pertinente des faits en litige. Ann Guilmette travaille au Réseau de Transport de la Capitale à titre de chauffeure d’autobus. Ils sont tous deux séparés de corps, mais vivent ensemble et entretiennent toujours une relation qui paraît un peu ambigüe.
[66] Leurs fils Charles et Samuel Cozak ne travaillent pas au moment des principaux faits en litige. Samuel Cozak étudie en droit à l’Université Laval durant l’automne 2014 et l’hiver 2015. Il débute son Barreau à la fin août 2015. Seul Charles Cozak a des antécédents judiciaires en matière de possession de stupéfiants dans le but d’en faire le trafic et possession non autorisée d’arme prohibée.
[67] Suzie Gagné est policière depuis 1994, sergente détective depuis 2006. Elle est l’enquêteure principale dans le dossier des Cozak, qu’elle suit d’octobre 2014 à la fin décembre 2016. Elle soumet le dossier au DPCP et accompagne celui-ci dans le processus judiciaire. Ses implications « terrain » sont ponctuelles. Elle participe à quelques surveillances physiques ou observations, à la rencontre d’un témoin, à une entrée subreptice à Lac Baker et procède à une reprise à l’analyse des caméras à Lac Baker. Elle discute avec les enquêteurs des différents besoins pour faire progresser l’enquête et fait certaines vérifications auprès d’Hydro-Québec, Bell et sur Info Directe.
[68] Son équipe de travail est constituée de son supérieur, chef d’équipe, Alain Joncas, qui relève lui‑même du lieutenant Yvan Lessard qui lui relève du capitaine Éric Lemelin, et des policiers Nicolas Whittom, Mario Pelletier, Steve Ruel et Robin Bouchard, auxquels se joindront d’autres enquêteurs en cours d’enquête.
[69] Robin Bouchard est policier depuis 28 ans lorsqu’il débute l’enquête en litige à l’automne 2014 dans l’équipe de l’ERM, dont 17 ans comme enquêteur et 11 ans en matière de stupéfiants. Il est le principal dénonciateur pour les fins des différents mandats obtenus au cours de l’enquête[90]. D’autres tâches d’enquête lui ont été confiées telles la livraison contrôlée, des entrées subreptices, des surveillances et des observations.
[70] Martin Savoie est policier et se joint à l’ERM à compter de la fin mai 2015. Il participe à cette enquête principalement à titre d’enquêteur de faits et comme responsable de la corroboration des balises. En l’absence de Robin Bouchard, il agit comme dénonciateur pour le mandat de vidéo surveillance à Lac Baker et pour un mandat de perquisition subséquent. Il participe aussi à une surveillance, à la perquisition au Laboratoire MAG, à deux reprises à l’analyse des caméras à Lac Baker en lien avec des rapports de la GRC et à la perquisition du 274, du Parvis et du véhicule de Charles Cozak.
[71] Stéphane Levasseur est sergent détective de l’ERM et effectue différentes tâches au cours de l’enquête : surveillances physiques, rencontre de deux témoins, perquisition des boîtes au 2224, du Viaduc, arrestation et interrogatoire de Samuel Cozak le 9 septembre 2015. Il prépare aussi en août 2017, à la demande du DPCP, un tableau de vidéos de surveillance à Lac Baker pour faciliter le travail de préparation du procès[91].
[72] Nicolas Whittom procède à l’interrogatoire de Charles Cozak à la suite de son arrestation, il procède à différentes surveillances et à l’analyse de balises. Il agit aussi à titre de soutien à des équipes de surveillance et valide certaines informations, comme l’inscription de Samuel Cozak à l’université.
[73] Francis Blais, policier œuvrant à l’E.N.S.A.L.A. de mars 2013 à juillet 2017, est consulté par la SQ en lien avec les armes perquisitionnées à Lac Baker et conclut que l’arme Tactical Innovation Elite 22 est tronçonnée et prohibée, ce qui s’avèrera inexact.
[74] François Bornais, policier de l’ERM, procède à une filature au cours de l’enquête, obtient la déclaration d’un témoin, procède à l’interrogatoire de Daniel Cozak après son arrestation et remet avec René Pelletier à Samuel et Charles Cozak, après l’arrêt des procédures, certains des biens saisis à Lac Baker.
[75] Martin Soucy, policier depuis 20 ans au moment de son implication dans le dossier des demandeurs, alors sergent détective enquêteur de l’Escouade nationale de répression du crime organisé à ce moment, se voit confier en août 2017 la tâche d’assister le DPCP pour la préparation du procès et notamment de valider que tous les fruits de l’enquête aient été communiqués au DPCP. Il assiste le DPCP en lien avec les diverses demandes de divulgation de la preuve.
[76] Geneviève St-Pierre est analyste et spécialiste en démantèlement de laboratoires au service d’analyse des drogues de Santé Canada. À ce titre, sa principale tâche est d’analyser les pièces à conviction, mais elle apporte aussi support et assistance scientifiques et techniques en démantèlement de laboratoire ou aux termes des enquêtes en matière de stupéfiants aux différents corps policiers. Dans le dossier des demandeurs, elle assiste les policiers dans leur enquête, notamment en lien avec les produits chimiques, le démantèlement, l’analyse des échantillons[92] et l’expertise sur la capacité de production[93]. Elle accompagne les policiers à Lac Baker lors de l’entrée subreptice du 27 juin 2015 et procède au prélèvement d’échantillons les 11 et 12 septembre 2015.
[77] Me Marc Gosselin, procureur aux poursuites criminelles et pénales, œuvrant alors dans l’équipe des causes longues et complexes du DPCP, avec le support de Me Sarah Tridi[94], est celui qui décide de porter les accusations contre Daniel, Charles et Samuel Cozak en septembre 2015. Il est désigné responsable de la poursuite criminelle par Me Jacques Casgrain. Me Gosselin est alors avocat depuis 18 ans, ayant œuvré au DPCP à compter de 2003.
[78] Sandra Rioux, avocate du DPCP à l’époque, depuis 2004, assiste Me Gosselin à compter de l’été 2017. À son arrivée au dossier, elle a principalement la charge de la révision des mandats, de prendre connaissance du dossier en vue de la préparation du procès, de rencontrer les témoins, de les assigner, de revoir le volet « policiers », de monter le cahier de photos. Elle s’implique aussi plus tard au niveau de la divulgation de la preuve policière.
[79] Me Marc Gosselin et Sandra Rioux sont conjoints depuis 2018., mais ne l’étaient pas à l’époque du dossier de la poursuite contre Daniel, Charles et Samuel Cozak. Ils se connaissaient peu ou pas avant de travailler le dossier conjointement, œuvrant sur des dossiers et dans des bureaux différents[95].
[80] Me Jacques Casgrain, alors avocat depuis 1976 et procureur chef adjoint du Bureau de lutte au crime organisé (BLACO) du DPCP depuis 2001, ayant désigné Me Gosselin à titre de responsable de la poursuite criminelle de Daniel, Charles et Samuel Cozak, est aussi le substitut légitime et mandataire spécialement désigné par la procureure générale du Québec à l’époque du mandat de vidéo surveillance à Lac Baker.
LES OBJECTIONS PRISES SOUS RÉSERVE
[81] Avant de débuter le procès, le Tribunal avise les parties que les objections prises sous réserve en cours d’instruction ne seront tranchées que dans la mesure où ces objections sont réitérées au moment des plaidoiries. Dans le cas contraire, les parties seront réputées avoir renoncé aux autres objections prises sous réserve.
[82] Au cours des plaidoiries, les demandeurs ont avisé le Tribunal renoncer aux objections formulées par eux et prises sous réserve. Le défendeur adopte la même position, sauf quant à la mise en preuve des notes sténographiques du témoignage de Claude Chartrand de l’Ordre des chimistes, pièce P-55, qui demeure sous objection.
[83] Le Tribunal rend donc la décision suivante sur la seule objection qui subsiste.
[84] Samuel Cozak souhaite mettre en preuve les propos de Claude Chartrand, syndic de l’Ordre des chimistes, tenus lors d’une audience du Conseil de discipline de l’Ordre des chimistes du Québec du 24 janvier 2018, portant sur une requête en radiation provisoire de Daniel Cozak. Claude Chartrand rapporte ce qu’il dit être les propos de Me Marc Gosselin. Samuel Cozak veut ainsi produire la transcription des notes sténographiques de l’audience afin d’expliquer son comportement en mars 2018 en lien avec la remise des biens saisis dans le cadre de l’enquête de la SQ, après l’arrêt des procédures.
[85] L’objection est formulée au motif qu’il s’agirait de ouï-dire. Les propos de Me Marc Gosselin sont rapportés par Claude Chartrand qui ne témoigne pas en l’instance. Au surplus, ces propos sont rapportés par Samuel Cozak qui souhaite produire la transcription des notes sténographiques du témoignage de Claude Chartrand.
[86] Claude Chartrand n’a pas témoigné en l’instance. Le PGQ ne peut contre‑interroger Claude Chartrand qui n’est pas présent à l’audience. Le PGQ n’était d’ailleurs pas une partie devant le Conseil de discipline de l’Ordre des chimistes et n’a pu alors contre-interroger Claude Chartrand. La fiabilité du témoignage n’est donc pas démontrée, d’autant plus qu’à juste titre, le PGQ souligne que Claude Chartrand exprime une chose et son contraire à la page 24 de la transcription des notes sténographiques. La véracité des propos de Claude Chartrand ne peut être mise en preuve par le dépôt des notes sténographiques[96].
[87] Toutefois, puisque le dépôt des notes sténographiques vise plutôt à expliquer le comportement de Samuel Cozak en mars 2018, le Tribunal permet le dépôt de ces notes sténographiques, non pas pour établir la véracité de la déclaration, mais pour établir qu’elle a été faite et aurait influencé le comportement de Charles Cozak par la suite[97], ce dont le Tribunal traite à la section 1.13 La remise intentionnelle de la drogue du présent jugement.
[88] L’article 48 de la Loi sur la police[98] définit la mission des corps de police et de leurs membres comme suit :
Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50, 69 et 89.1, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d’en rechercher les auteurs.
Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés, respectent les personnes victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu’ils desservent.
[Soulignements ajoutés]
[89] Il ne fait plus de doute que le policier peut engager sa responsabilité civile dans le cadre de cette mission[99], au Québec en vertu de l’article 1457 du Code civil du Québec. Le policier ne bénéficie d’aucune immunité et est ainsi responsable des dommages causés par sa faute dans l’exécution de ses fonctions[100].
[90] Le policier a notamment une obligation de diligence envers le suspect sous enquête et sa responsabilité peut être encourue si ses actes en cours d’enquête ne sont pas conformes à ceux qu’aurait posés un autre policier raisonnable, normalement compétent, placé dans les mêmes circonstances, en évitant la vision parfaite que permet le recul[101]. Le pouvoir discrétionnaire du policier et son jugement professionnel ne peuvent être exercés de manière déraisonnable[102], ils doivent l’être « selon les normes et les pratiques établies à l’égard de sa profession et il le fait dans le respect des normes élevées de professionnalisme exigé à bon droit par la société »[103].
[91] L’enquête policière n’a toutefois pas à être parfaite, optimale ou exempte d’erreurs, mais raisonnable[104]. Les policiers doivent procéder de bonne foi, avec rigueur, objectivité et sérieux[105], sans nécessité d’enquêter toute possibilité[106]. Le policier a une obligation de moyen et non de résultat[107].
[92] Le type de conduite attendu des enquêteurs est ainsi décrit dans l’arrêt Hill :
[68] […] La conduite qui s’impose dépend du stade de l’enquête et des considérations juridiques applicables. Il se peut qu’au début de l’enquête, les policiers n’aient qu’une preuve par ouï-dire, un soupçon et une intuition. Il leur faut agir comme le feraient des enquêteurs raisonnables placés dans la même situation. À l’étape ultérieure de l’inculpation, la norme est éclairée par l’exigence légale de motifs raisonnables et probables de croire à la culpabilité du suspect; puisque la loi lui fait obligation d’avoir de tels motifs, le policier raisonnable dans les circonstances s’assurera d’en avoir. […][108]
[93] La Cour d’appel dans l’arrêt Manoukian résume en ces termes le rôle du policier dans le cadre d’une enquête :
[67] Le rôle du policier enquêteur consiste donc à recueillir la preuve et à la soupeser en fonction des normes et pratiques établies à l'égard de sa profession. Conséquemment, « [l]es policiers doivent évaluer tant les éléments inculpatoires que disculpatoires, les pondérer et rester objectifs quant aux conclusions de leur enquête pour identifier l'existence de motifs raisonnables et probables » de croire qu’une infraction a été commise. En effet, « [q]uand un policier décide de donner suite à une plainte et de signer une dénonciation, il doit s'appuyer sur des motifs raisonnables » de le faire. Le policier n’est cependant pas tenu de se prononcer sur la culpabilité ou sur l’innocence du suspect ni d’être convaincu que la culpabilité de ce dernier puisse être démontrée hors de tout doute raisonnable.
[68] La faute du policier peut découler du défaut de se renseigner suffisamment, du fait de s'appuyer sur de simples soupçons pour faire arrêter une personne ou encore, de sa décision d'écarter sans raison valable des éléments de preuve favorables au suspect avant de se porter dénonciateur. Cela étant, le policier n’est pas tenu d’épuiser toutes les avenues possibles. Tout dépend des circonstances propres à chaque cas. Ainsi, selon les circonstances, le policier n’a pas nécessairement l’obligation de prendre la version de tous les témoins potentiels, d’obtenir la version du suspect ou, autrement, d’écarter tous les moyens de défense possibles avant de procéder à l’arrestation. La conduite du policier s’évalue au moment des évènements, au cas par cas, selon les données connues lorsqu’il a pris sa décision.[109]
[Références omises]
[94] Évidemment, l’existence d’une cause d’action contre un policier nécessite aussi l’existence d’un préjudice indemnisable et d’un lien de causalité entre celui-ci et l’inobservance de la norme de diligence[110].
[95] Finalement, il appartient aux demandeurs d’établir la responsabilité de la SQ[111]. En l’espèce, les demandeurs doivent établir suivant la prépondérance des probabilités que les policiers n’avaient pas de motifs raisonnables et probables de soupçonner ou de croire, selon le cas, qu’une infraction avait été ou allait être commise lors de l’obtention des différents mandats, que l’enquête a été menée de manière négligente et que cette conduite leur a causé préjudice.
[96] C’est à la lumière de ces principes et de certains spécifiquement applicables aux divers reproches adressés aux policiers que le Tribunal procède à l’analyse de la responsabilité de la SQ.
1.1 Les mandats
[97] Le Tribunal précise que les parties ont concentré leurs représentations principalement sur le mandat général du 2 février 2015 pour la livraison contrôlée, celui permettant la surveillance vidéo en date du 23 juin 2015 et les mandats de perquisition des 27 et 28 août 2015.
[98] Au moment de la preuve ou des plaidoiries, personne n’a procédé à l’analyse détaillée des 52 mandats obtenus dans le cadre de cette enquête. Les parties estiment que si le mandat du 2 février 2015 était invalide, les mandats subséquents le seraient probablement aussi et que si le mandat de surveillance vidéo s’avérait invalide, les mandats de perquisition et d’entrée dans une maison d’habitation pour procéder à des arrestations sans mandat n’auraient pas été autorisés.
[99] Le Tribunal procède toutefois à l’exercice exhaustif de révision des mandats qui permettra aussi de comprendre la genèse et l’évolution de l’enquête.
1.1.1 Le droit applicable
[100] Rappelons d’abord que « [l]e mandat est avant tout un moyen d’enquête qui permet de saisir toute information de nature à faire progresser l’enquête » (références omises)[112]. Il s’agit d’une autorisation judiciaire, sujette à révision à titre de corollaire de l’objectif de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[101] Il est ensuite important de souligner que toute personne qui demande une autorisation judiciaire ex parte « a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés »[113]. Le juge LeBel dans l’arrêt Araujo[114] décrit de manière bien imagée les exigences quant à l’affidavit au soutien de la demande :
[46] […] Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.
[47] En plus d’être complet et sincère, l’affidavit ne devrait jamais viser à tromper le lecteur. […] Les avocats et les policiers qui présentent des documents à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique devraient résister à la tentation d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules ou en omettant stratégiquement certains éléments.
[Soulignement dans l’original]
[102] Le défaut de respecter cette obligation juridique peut constituer une faute, mais elle ne sera pas causale si elle n’affecte pas la validité des mandats, ni si malgré l’invalidité de ceux-ci, la preuve ainsi obtenue n’est pas écartée.
[103] Considérant l’arrêt des procédures criminelles contre les demandeurs, la contestation des différentes autorisations judiciaires, annoncée par Daniel, Charles et Samuel Cozak, n’a jamais eu lieu. Aux termes du recours en responsabilité introduit en l’instance, ils reprochent toujours à la SQ l’obtention de ces mandats, estimant que Robin Bouchard et Martin Savoie n’avaient pas les motifs raisonnables et probables requis. C’est pourquoi le Tribunal estime devoir procéder à l’exercice de révision des différents mandats, comme l’aurait fait le juge du procès criminel, eut-il procédé.
[104] Or, la jurisprudence établit que les autorisations judiciaires bénéficient d’une apparence de validité et que leur production établit à première vue cette validité[115]. Il appartient donc à un accusé qui conteste la validité des autorisations judiciaires de démontrer ensuite, suivant la balance des probabilités, que la dénonciation ne justifiait pas l’autorisation[116].
[105] La contestation peut porter sur la validité apparente ou sur la validité sous‑apparente. Dans le premier cas on s’attaque à la suffisance de l’affidavit au soutien de la demande, dans le second cas, on s’attaque à la fiabilité du contenu de l’affidavit.
[106] Récemment, la Cour d’appel rappelait la norme « des motifs raisonnables de croire » en ces termes[117] :
[4] La norme « des motifs raisonnables de croire » est satisfaite par une probabilité raisonnable soutenue par une preuve crédible et fiable. Pour ce faire, le juge autorisateur recherche plus qu’une possibilité, une intuition ou un soupçon, mais moins qu’une preuve par prépondérance des probabilités ou une preuve prima facie, et, bien entendu, encore moins qu’une preuve hors de tout doute raisonnable.
[5] De plus, la présence d’autres explications possibles, plausibles et compatibles avec l’innocence du suspect ne constitue pas un obstacle dirimant à l’existence de « motifs raisonnables de croire », car « reasonable grounds can co-exist with exculpatory possibilities ».
[Italiques dans l’original; références omises]
[107] La définition des motifs raisonnables par la négative permet aussi d’en saisir les limitations. Le juge Éric Downs y réfère en ces termes dans l’affaire Marcotte[118], alors qu’il écrit :
[36] […] Ainsi, un simple soupçon, une intuition ou la curiosité ne sauraient constituer des motifs raisonnables, non plus que des appels anonymes, des rumeurs ou des racontars.
[37] À l’autre extrême, le policier n’a pas à faire la preuve hors de tout doute raisonnable au moment de l’obtention d’un mandat […].
[Références omises]
[108] Quant au rôle du juge réviseur, la Cour d’appel[119], citant notamment les principaux arrêts en la matière de la Cour suprême du Canada[120], le résume comme suit :
[6] Au stade de la révision, le rôle du juge est de déterminer si le mandat satisfait à la norme des « motifs raisonnables de croire » qu’une infraction a été commise et que la preuve se trouve dans le lieu ciblé par le mandat. Pour s’acquitter de cette tâche, il ne doit ni disséquer ni fragmenter les éléments de preuve, ni les prendre individuellement hors de leur contexte, ni même s’arrêter à analyser chacun des éléments qui ont suscité chez le juge autorisateur la conviction de l’existence de « motifs raisonnables de croire ». Est donc à proscrire la vaine recherche pour des inférences alternatives compatibles avec l’innocence du suspect qui seraient dépouillées de leur contexte. De plus, négliger d’analyser les éléments « as a whole » et « in combination » constitue une erreur de droit. Plutôt, le juge réviseur doit évaluer le portrait d’ensemble et se livrer à une analyse contextuelle et holistique du dossier.
[7] En l’espèce, la juge devait vérifier s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de délivrer le télémandat. Avant d’intervenir, la juge devait se déclarer convaincue, au regard de l’ensemble des renseignements présentés au juge de paix, « qu’il n’y avait aucun fondement justifiant l’autorisation ».
[…]
[11] Le poursuivant n’avait pas à convaincre la juge réviseure de l’existence de motifs raisonnables de croire en la commission d’une infraction dans un endroit déterminé tout comme il n’était pas du rôle de cette dernière de se livrer à une analyse de novo de la preuve pour décider si elle partageait ou non les conclusions du juge de paix.
[12] La seule question qui se posait pour la juge réviseure était de décider s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de délivrer le télémandat de perquisition. Or, cette question doit être répondue par l’affirmative, en l’occurrence, lorsqu’on apprécie la preuve dans son ensemble.
[Soulignement dans l’original; références omises]
[109] « La révision de la décision du juge qui a délivré l’autorisation judiciaire doit se faire avec prudence et déférence, en tenant compte aussi qu’on ne peut imposer à l’affiant un standard de perfection » (références omises)[121].
[110] D’ailleurs, l’existence d’inexactitudes ou d’omissions dans la dénonciation au soutien du mandat ne conduit pas nécessairement à son invalidité. « En principe, les erreurs, même frauduleuses, n’invalident pas le mandat dans la mesure où le reliquat est suffisant pour justifier qu’il soit décerné »[122], à moins d’une fraude viciant l’intégrité du processus et du rôle préventif du juge à l’égard de la protection de la vie privée.
[111] Le juge Éric Downs, dans l’affaire R. c. Dion[123], résume bien les enseignements de la Cour suprême du Canada[124] quant au traitement par le juge réviseur de ces inexactitudes ou omissions, alors qu’il indique :
[79] Autrement dit, tel que l’a précisé la Cour suprême dans l’arrêt Groupe de la Banque Mondiale c. Wallace, les erreurs ou omissions doivent être examinées à partir de ce que l’affiant savait ou aurait dû savoir au moment où il a rédigé sa dénonciation.
[80] […] Des inexactitudes et des omissions dans la dénonciation n'empêchent pas, en soi, que la dénonciation puisse établir les conditions préalables à son émission.
[81] Le juge réviseur doit évaluer si l’affidavit au soutien de la demande d’écoute ou de surveillance électronique contenait quelques éléments de preuve fiables auxquels le juge autorisateur aurait pu ajouter foi pour accorder l’autorisation. Le juge réviseur ne doit pas préférer une inférence à une autre. Il ne doit pas examiner les éléments de preuve individuels hors contexte en cherchant d’autres inférences disculpatoires. Il ne doit pas adopter une approche fragmentée vis-à-vis des éléments de preuve individuels dépouillés de leur contexte. Le juge réviseur doit plutôt effectuer une analyse contextuelle du contenu de l’affidavit dans son ensemble.
[82] Les erreurs dans l’information présentée au juge autorisateur, même si elles sont délibérées, voire frauduleuses, ne sont que des facteurs qui doivent être considérés pour décider si le juge réviseur doit annuler l’autorisation. Ces erreurs ne mènent pas automatiquement au rejet de l’autorisation. Au terme de l’exercice, le juge réviseur doit examiner l’information contenue dans l’affidavit indépendamment de celle liée à l’erreur ou à la non-divulgation et déterminer si le reliquat de l’information est suffisant et fiable pour appuyer l’autorisation.
[83] Le juge réviseur doit finalement déterminer si le juge autorisateur pouvait accorder l’autorisation basée sur l’information contenue dans l’affidavit et complétée par la procédure de révision incluant l’excision et l’amplification. Lorsque le juge réviseur conclut que le juge autorisateur pouvait décerner l’autorisation, il doit s’abstenir d’intervenir.
[84] Le juge réviseur doit retrancher de l’affidavit toute information viciée ou trompeuse. Il en est de même pour toute information obtenue en violation de la Charte. Ce procédé est celui de l’excision.
[85] Autrement dit, le juge réviseur doit faire abstraction des renseignements inexacts qui se trouvent dans la dénonciation.
[86] Le juge réviseur peut aussi avoir recours à l’amplification pour corriger des erreurs techniques ou mineures commises de bonne foi par les policiers. Cependant, l’amplification ne doit pas être un moyen pour les policiers de se soustraire aux conditions d’une autorisation préalable.
[87] Aussi, lorsque le reliquat de l’information est suffisant pour justifier l’émission de l’autorisation, il n’est pas nécessaire pour le juge réviseur de recourir au processus de l’amplification.
[88] Des omissions, des erreurs techniques ou des erreurs mineures faites de bonne foi ou par inadvertance peuvent être amplifiées. L’amplification consiste à toute information supplémentaire révélée par l’exercice de révision et peut découler du contre-interrogatoire de l’affiant et de la preuve présentée au juge réviseur.
[89] Enfin, le juge réviseur doit se demander si la dénonciation, une fois épurée et complétée, contenait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables permettant au juge d’émettre le mandat.
[90] En cas de violation des principes des articles 7 et 8 de la Charte, le remède approprié demeure habituellement celui de l’article 24(2) de la Charte, puisque c’est de la suffisance des motifs, après excision et amplification selon les principes reconnus, qui détermine la validité d’une autorisation.
[91] Il faut signaler que le juge réviseur conserve également un pouvoir discrétionnaire résiduel d’écarter une autorisation d’écoute et de surveillance électronique lorsqu’il est convaincu que la conduite policière a perverti le processus d’autorisation judiciaire en raison de la non-communication intentionnelle, de la mauvaise foi, de tromperies délibérées ou de représentations frauduleuses de nature à déconsidérer l’administration de la justice.
[92] Cette discrétion prend ancrage dans l’autorité dont les Tribunaux présidant des affaires criminelles sont investis afin d’assurer de l’équité des procédures. Depuis les dernières années, de nombreuses instances dans différentes juridictions en ont reconnu l’application, dont la Cour d’appel et cette Cour.
[93] Pour qu’un comportement étatique donne ouverture à la considération d’une exclusion en vertu de l’article 24(1) de la Charte, il doit être à ce point choquant qu’il montre que l’affiant a délibérément tenté de pervertir le cours de la justice. Le standard requis est très sévère et la conduite des policiers doit être examinée dans son ensemble pour convaincre le juge siégeant en révision que ce standard exigeant, que certains assimilent à celui d’un abus de procédures, est satisfait.
[Références omises]
[112] Lorsque les motifs raisonnables du dénonciateur découlent d’informations provenant d’un informateur, l’arrêt Garofoli[125] établit les critères d’évaluation de la fiabilité et de la suffisance des informations provenant de cette source, en ces termes :
(i) Les déclarations d'un informateur qui constituent du ouï‑dire peuvent établir l'existence de motifs raisonnables et probables justifiant une fouille ou une perquisition. Cependant, en soi, la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante pour établir l'existence de motifs raisonnables et probables.
(ii) La fiabilité du renseignement doit être évaluée en fonction de "l'ensemble des circonstances". Il n'existe pas de formule structurée pour le faire. Au lieu de cela, la cour doit examiner divers facteurs dont:
a) le niveau de détail du renseignement;
b) les sources de l'informateur;
c) les indices de la fiabilité de l'informateur, comme son expérience antérieure ou la confirmation des renseignements par d'autres sources.
(iii) Les résultats d'une fouille ou d'une perquisition ne peuvent, ex post facto, apporter la preuve de la fiabilité des renseignements.
[Soulignement ajouté]
[113] Chaque information d’une source n’a pas à être corroborée, « il n’est pas nécessaire que la police confirme tous les détails des renseignements fournis par l’informateur quand le déroulement des évènements observés correspond assez bien à la séquence prévue pour écarter la possibilité d’une coïncidence fortuite »[126].
[114] Finalement, ajoutons :
i) que la révision de mandats « ne consiste pas ‘’à évaluer l’affidavit à la lumière de la vérité ultime’’, ou ‘’à faire le procès de chaque affirmation dans l’affidavit’’, mais plutôt à examiner ‘’la croyance raisonnable du déposant‘’ et les inférences qui pouvaient en être tirées par le juge autorisateur »[127] (références omises);
ii) que « la possibilité d’autres explications possibles, plausibles et innocentes du comportement d’un individu tel qu’observé par la police, n’empêche pas une probabilité, fondée sur des motifs raisonnables, que cet individu soit engagé dans un comportement criminel »[128]; et
iii) que « [d]es inférences compatibles avec l’innocence n’empêchent pas la délivrance d’un mandat visant à recueillir une preuve au soutien de l’infraction alléguée »[129].
[115] Lorsque les tribunaux concluent à la violation des droits constitutionnels de l’accusé lors de l’obtention des éléments de preuve, l’exclusion de la preuve n’est pas nécessairement ordonnée. Elle le sera « s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice »[130]. À l’étape de l’exclusion, il revient à l’accusé de faire cette démonstration[131]. L’arrêt Grant[132] précise l’analyse en trois critères qui doit alors être effectuée afin de mettre en balance l’effet de l’utilisation des éléments de preuve sur la confiance de la société envers le système de justice :
[116] Qu’en est-il de la validité des divers mandats obtenus au cours de l’enquête?
1.1.2 Mandat de localisation du Ford F-150 [...L] du 30 janvier 2015
Mandat no 1 suivant la pièce P-42[133]
[117] Le mandat de localisation est requis en vertu de l’article 492.1 du Code criminel[134]. Il est autorisé si le juge de paix est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction au Code criminel ou à toute autre loi fédérale, en l’occurrence, la production de stupéfiant, a été ou sera commise et que des renseignements utiles à cet égard peuvent être obtenus au moyen d’un dispositif de localisation.
[118] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat et pour cause.
[119] Le Tribunal estime qu’il ne fait pas de doute qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour que la juge de paix magistrate Nicole Martin délivre le mandat de localisation visant un véhicule appartenant à Daniel Cozak, ne serait-ce qu’en considérant les éléments suivants, qui se trouvent à la déclaration sous serment de Robin Bouchard, sergent-enquêteur :
- en 2014, une source A informe la SQ que Daniel Cozak, détenteur d’un doctorat en chimie, et son fils Charles, œuvrent dans la production et la distribution de méthamphétamine[135];
- cette même source indique que Daniel Cozak fait la production de P2P (par la suite transformé pour la vente sous forme de comprimés) dans un laboratoire situé dans un petit chalet appartenant à Daniel Cozak qui s’y rend à bord d’une Volvo vieux modèle;
- des vérifications permettent de savoir que Daniel Cozak réside au 54, rue Louis‑Jolliet, à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier (permis de conduire et surveillance), se rend dans un chalet à Saint-Camille-de-Lellis appartenant à son épouse et est propriétaire d’une Volvo modèle V70;
- à l’entrée du chemin du chalet une pancarte indique « chasseur à l’affût »;
- Charles Cozak, dont le permis de conduire indique comme lieu de résidence le 54, rue Louis-Jolliet, a des antécédents en matière de trafic de stupéfiants, possession en vue d’en faire le trafic et possession non autorisée d’arme prohibée;
- Charles Cozak est accusé d’omission de se conformer à un engagement et de possession de stupéfiants en vue de trafic et il a été arrêté le 14 novembre 2014 pour bris d’engagement contrevenant aux conditions de sa remise en liberté (possession d’un cellulaire et heure à résidence non respectée);
- Daniel Cozak est observé le 27 novembre 2014 au 2224, du Viaduc, à Charny, et s’y rend à bord du F-150 immatriculé [...L];
- une livraison de 400 kg d’un produit servant à la fabrication de MDMA est attendue par Daniel Cozak au 2224, du Viaduc, à Charny[136];
- l’installation d’un dispositif de localisation sur le véhicule de Daniel Cozak permettrait de corroborer les sources, de connaître les déplacements de Daniel Cozak ainsi que les personnes et lieux fréquentés.
[120] Le Tribunal est d’avis que Robin Bouchard n’a pas commis de faute en sollicitant cette autorisation judiciaire, qui n’aurait pas été annulée eut-elle été révisée.
1.1.3 Mandat général du 2 février 2015 pour effectuer une livraison contrôlée
Mandat no 2 suivant la pièce P-42[137]
[121] Le mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel. Le juge appelé à autoriser un tel mandat doit s’assurer que les conditions de délivrance sont satisfaites et voir à maintenir le fragile équilibre entre l’intérêt public et le droit à la vie privée[138].
[122] Les demandeurs allèguent que Robin Bouchard n’avait pas de motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à une livraison contrôlée.
[123] Ils invoquent que la dénonciation contient des informations fausses ou sans pertinence, dans le but de tromper la juge autorisatrice. Ils ajoutent que les informations rapportées d’une source non vérifiée, non corroborées, ne devaient pas non plus y être présentées. Ils estiment que les autres allégations de la dénonciation sont insuffisantes à l’émission du mandat.
[124] Soulignons d’emblée que les demandeurs invitent le Tribunal à une approche fragmentée des paragraphes de la dénonciation, faisant abstraction de l’ensemble du contexte de celle-ci, contrairement aux enseignements de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence en général.
[125] Les demandeurs font aussi valoir la nullité du mandat autorisé par la juge de paix magistrate Nicole Martin puisqu’il y a absence de mention du district des agents de la paix à qui s’adresse le mandat, l’espace prévu à cette fin n’ayant pas été rempli.
[126] Qu’en est-il des éléments soulevés par les demandeurs?
L’hélional n’est pas un précurseur inscrit à la LRCDAS
[127] Il est vrai qu’à l’annexe A de la dénonciation, Robin Bouchard allègue que le 2‑méthyl‑3 (3,4‑méthylènedioxyphenyl) propanal (hélional) importé de Chine par Daniel Cozak au nom de Pierre Dumont est un précurseur identifié à la LRCDAS, alors que ce n’est pas le cas. L’hélional n’est pas inscrit à la LRCDAS et n’est pas défini comme un précurseur aux termes de cette loi.
[128] Suivant les enseignements de la Cour suprême et de la Cour d’appel, la dénonciation doit être lue sans tenir compte de cette qualification erronée de précurseur inscrit à la LRCDAS, à moins qu’elle n’ait pour effet de pervertir le cours de la justice.
[129] Or, le Tribunal précise que cette allégation résulte d’une erreur commise sans mauvaise foi et qu’elle n’a pas été formulée dans l’objectif de tromper le Tribunal ou de nuire aux demandeurs.
[130] Soulignons qu’il est faux de prétendre que cette allégation de précurseur est le point tournant de l’enquête pour obtenir des mandats que les policiers n’avaient pas réussi à obtenir depuis septembre 2014. D’abord, la preuve est à l’effet qu’aucun mandat requis au cours de cette enquête n’a été refusé avant et après février 2015[139]. Précisons de plus que le point tournant de l’enquête à ce moment n’est pas l’importation d’un précurseur, mais la juxtaposition entre l’information de la source A, les vérifications de l’ERM, certaines observations et l’importation de la Chine de 400 kg d’une substance entrant dans la composition du MDMA, étiquetée comme étant du D‑Panthenol, sous le nom de Réparation P. Dumont et Pierre Dumont qui s’avèrera être Daniel Cozak.
[131] Il est vrai qu’au moment de rédiger sa déclaration sous serment, Robin Bouchard avait en main le courriel de Jean‑François Fournel de l’ASFC, qui précise que l’hélional n’est pas une substance « contrôlée »[140] et le rapport d’analyse de Cathy Copeland qui indique que le 2‑méthyl‑3 (3,4‑méthylènedioxyphenyl) propanal n’est pas une substance « contrôlée »[141], mais Robin Bouchard explique la démarche alors effectuée au moment de rédiger sa déclaration sous serment :
- pour Robin Bouchard, une substance « désignée » ou « contrôlée »[142] n’est pas la même chose qu’un précurseur en vertu de la LRCDAS, ce qui est exact : une substance désignée est celle inscrite aux annexes I à V de la LRCDAS et le précurseur est l’une ou l’autre des substances inscrites à l’annexe VI de la LRCDAS[143];
- afin de valider si l’hélional est un précurseur au sens de la LRCDAS, Robin Bouchard vérifie son Code criminel, à la LRCDAS, avec le nom de la substance indiquée entre parenthèses au rapport de Jean-François Fournel, abstraction faite de l’inscription précédant et suivant les parenthèses, croyant que cette description est le nom générique de la substance, comme le MDMA est indiqué entre parenthèses pour l’ecstasy;
- il retrouve alors à l’article 9 de l’annexe VI de la LRCDAS que le méthylènedioxyphényle-3,4 propanone-2 y est inscrit[144];
- il croit alors, au meilleur de sa connaissance, que l’hélional est un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS.
[132] Cette démarche est expliquée par Robin Bouchard devant le juge Richard Grenier le 23 février 2017[145] et avec plus de détails à l’audience en l’instance, document à l’appui (extrait de la LRCDAS consulté à l’époque)[146]. Cette explication est aussi celle qu’a retenue Sandra Rioux, alors procureure de la Couronne, lorsqu’elle rencontre Robin Bouchard dans le cadre de sa préparation de la contestation des différents mandats[147].
[133] Le Tribunal prête foi aux explications de Robin Bouchard quant aux démarches effectuées en 2015 au moment de rédiger sa déclaration sous serment et ainsi à son absence d’intention de tromper ou de nuire. Le Tribunal est d’avis, contrairement aux demandeurs, qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux témoignages de Robin Bouchard quant à l’exercice qu’il fait en 2015 au moment de rédiger sa déclaration sous serment[148]. Que Robin Bouchard ne précise pas en 2017 qu’il croyait que l’identification de la substance entre parenthèses était le nom générique ne permet pas d’inférer que cette croyance est forgée. Il ne s’agit que d’une précision ne permettant pas de remettre en doute la véracité de ses explications ayant conduit en 2015 à l’affirmation que l’hélional était un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS. Qu’en 2017 devant le juge Grenier, cette explication vienne après la pause du dîner ne rend pas moins l’explication crédible, sachant qu’avant la pause il n’est pas question de savoir pourquoi il a inscrit que l’hélional était un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS, mais plutôt de sa compréhension en 2017 que cette inscription allait à l’encontre du rapport de Jean‑François Fournel. C’est Jean-Roch Parent, avocat de Charles Cozak à l’époque, qui aborde en après-midi l’erreur commise. Le Tribunal ne peut inférer que la pause aurait été l’occasion d’inventer une explication pour cacher une allégation fausse et intentionnelle comme nous invitent à le faire les demandeurs.
[134] Qu’un rapport de laboratoire de Santé Canada reçu par Robin Bouchard postérieurement à sa déclaration sous serment du 2 février 2015 dans un autre dossier précise que la substance est un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS[149] ne jette pas de discrédit sur l’explication qu’il donne quant à ses vérifications faites en 2015.
[135] Quant au fait qu’en 2017 Robin Bouchard affirme qu’indiquer que l’hélional est un précurseur est en contradiction avec la précision de Jean-François Fournel selon laquelle il ne s’agit pas d’une substance « contrôlée »[150] et qu’en 2023 lors de l’instruction, Robin Bouchard maintient plutôt que la substance, bien que non contrôlée pouvait être un précurseur, n’atténue pas son témoignage sur les éléments ayant conduit à l’erreur dans la déclaration sous serment. Dans les deux cas, il s’agit d’un regard après le fait, alors qu’on lui reproche d’avoir erronément indiqué en 2015 que l’hélional était un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS. D’ailleurs, Robin Bouchard reconnaît cette contradiction. Cette distinction ne révèle aucune intention de tromper en 2015.
[136] Il est finalement vrai que la reconnaissance en 2023 par Robin Bouchard que l’hélional n’est pas un précurseur inscrit à la LRCDAS n’est pas claire et surprend. Cela ne permet toutefois pas au Tribunal de rejeter son témoignage en 2017 et en 2023 quant à l’exercice de vérification fait en 2015, expliquant l’erreur commise, encore moins d’inférer qu’en 2015, Robin Bouchard a volontairement écrit qu’il s’agissait d’un précurseur inscrit à la LRCDAS sachant que cette allégation était fausse.
[137] L’absence d’intention de tromper n’empêche toutefois pas le Tribunal de conclure à l’existence d’une faute de Robin Bouchard qui aurait dû valider que son interprétation voulant qu’il s’agisse d’un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS était bonne, sachant i) que Jean-François Fournel et Cathy Copeland n’avaient pas fait cette précision[151] aux termes de leurs rapports et ii) que le nom de la substance à l’article 9 de l’annexe VI n’est pas identique à la substance inscrite entre parenthèses. Robin Bouchard n’est ni chimiste ni juriste. Sa grande expérience, dont plus de 15 ans à titre d’enquêteur en matière de stupéfiants, ne le dispensait pas d’une vérification plus adéquate. De son aveu même, la vérification à la LRCDAS a au surplus été rapide[152].
[138] Les demandeurs font valoir que puisque la possession d’un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS est en soit illégale, cette référence à un précurseur inscrit vicie entièrement la dénonciation. Le Tribunal n’est pas de cet avis. D’ailleurs, le Tribunal ajoute que l’enquête vise à ce stade non pas la possession d’un précurseur inscrit à l’annexe VI de la LRCDAS qui est en soit illégale (article 6 de la LRCDAS), mais la production d’une drogue en vertu de l’article 7 de la LRCDAS[153].
[139] Ainsi, si le reliquat des allégations de la dénonciation de Robin Bouchard mène à la conclusion qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate de délivrer le mandat général du 2 février 2015, cette conclusion scellera celle de l’absence de lien de causalité entre la faute de Robin Bouchard et les dommages allégués des demandeurs.
L’hélional a des usages légitimes en parfumerie
[140] Quant à l’allégation de Robin Bouchard selon laquelle le 2‑méthyl‑3 (3,4‑méthylènedioxyphenyl) propanal entre dans la fabrication d’ecstasy (MDMA), ou fait partie des ingrédients servant à la fabrication du MDMA, elle est de l’avis du Tribunal exacte. Bien que cette substance puisse aussi entrer dans la composition de certains produits en parfumerie et que Robin Bouchard connaissait cette information[154], alléguer qu’elle entre dans la fabrication d’une drogue n’est pas faux. D’ailleurs, la première page de la dénonciation en vue d’obtenir le mandat général réfère à l’importation de ce produit contenu dans 16 bidons « pouvant » être destiné à la production de stupéfiants, soit du MDMA, ecstasy.
[141] La juge autorisatrice n’est pas trompée par la dénonciation, alors qu’elle est bien au fait que l’usage d’un produit n’est généralement pas exclusif. Plus encore, le terme « pouvant » se retrouvant à la première page de la dénonciation indique que cette substance peut avoir d’autres usages. Le juge Raymond W. Pronovost l’a bien saisi lors de la demande en révision de la décision refusant la mise en liberté provisoire de Charles et Samuel Cozak[155], la juge autorisatrice était assurément elle aussi en mesure de parvenir à cette même compréhension, que le Tribunal partage. Les demandeurs ne nient d’ailleurs pas que l’hélional puisse entrer dans la composition du MDMA.
[142] Il est utile de rappeler que des inférences compatibles avec l’innocence n’empêchent pas la délivrance d’un mandat dans la mesure ou d’autres éléments de faits ou inférences peuvent supporter les motifs raisonnables de croire invoqués par le dénonciateur.
[143] Le Tribunal est d’avis que Robin Bouchard n’avait aucune obligation de préciser que l’hélional pouvait aussi avoir des usages légitimes en parfumerie. D’ailleurs, les autres informations relatées à sa déclaration sous serment lui permettaient raisonnablement de croire que l’usage envisagé n’était pas celui de la parfumerie, notamment : i) l’importateur Réparation P. Dumont ne paraît pas en lien avec l’industrie cosmétique ou du parfum, c’est d’ailleurs un des éléments qui a incité Jean‑François Fournel de l’ASFC à faire analyser la substance étiquetée erronément comme étant du D-Panthenol (vitamine B utilisée en cosmétique), ii) l’importation vise 400 kg d’hélional, soit une très grande quantité, iii) l’importation est faite sous un faux nom, Pierre Dumont/Réparation P. Dumont et iv) la source A mentionne que Daniel et Charles Cozak œuvrent dans la production de méthamphétamine (le Tribunal reviendra ci-après sur cet élément en particulier). La sergente-détective Suzie Gagné témoigne aussi qu’elle n’avait à ce moment et par la suite, aucune piste pouvant la mener à croire que l’hélional servirait à fabriquer du parfum.
[144] La révision du mandat doit s’effectuer en tenant compte de cette affirmation selon laquelle l’hélional entre dans la composition du MDMA, allégation exacte et non fautive.
Absence d’analyse de chacun des 16 bidons ayant transité par l’ASFC
[145] Les demandeurs estiment inexacte l’allégation de Robin Bouchard selon laquelle l’ASFC avise la SQ de l’arrivage de 400 kg de 2‑méthyl‑3 (3,4‑méthylènedioxyphenyl) propanal (hélional) et que le liquide a été analysé. Il aurait dû, selon eux, préciser que le contenu d’un seul de ces bidons a fait l’objet de l’analyse.
[146] Or, pour conclure ainsi, il faudrait faire abstraction de l’allégation additionnelle de Robin Bouchard aux termes de laquelle il réfère au prélèvement d’un échantillon de la substance, et non de 16 échantillons, et également de la preuve dont il bénéficiait qui révélait que l’importation de la Chine était celle d’un seul produit, que les boîtes, leur poids et les bidons étaient identiques et étiquetés de la même manière.
[147] Le Tribunal estime que Robin Bouchard n’a pas trompé la juge autorisatrice et que la lecture de l’ensemble de la dénonciation permettait à cette dernière de comprendre que la totalité des 400 kg de liquide n’avait pas fait l’objet d’une analyse, mais aussi que les bidons contenaient le même produit.
Les références aux informations de la source B et à la perquisition de 2011
[148] Dans sa dénonciation, Robin Bouchard relate les informations communiquées à différents sergents‑détectives du SPVQ en mars et juin 2014 par la source B, source fiable et connue du SPVQ[156]. Elles indiquent que : i) des pilules de méthamphétamine Pringle sont fabriquées par un individu de Lévis qui a la presse et dont le distributeur est un dénommé Boris, ii) le Hongrois et Boris fournissent pour la région de Québec la méthamphétamine et finalement iii) les pilules de méthamphétamine saisies en juin 2014 par le Service de police de la Ville de Lévis (SPVL) appartenaient à Boris.
[149] Robin Bouchard réfère subséquemment à la perquisition de juillet 2011 au domicile de Pierre-Luc Déziel et Charles Cozak sur la rue Bilbao, qui conduit à l’arrestation de Charles Cozak pour trafic de stupéfiants. Lors de cette perquisition, une liste de comptabilité est saisie, sur laquelle de nom de Boris apparaît[157]. On précise que 892 comprimés de drogue de synthèse ont alors été saisis. Il relate aussi la perquisition effectuée par le SPVL le 20 juin 2014 lors de laquelle 500 000 pilules de méthamphétamine ont été saisies.
[150] Les demandeurs soulignent l’absence de pertinence de ces allégations et surtout que l’inférence d’une implication de Charles Cozak que Robin Bouchard invite la juge autorisatrice à tirer est dénuée de tout fondement rationnel[158]. Ils estiment que le Tribunal devrait faire abstraction de ces allégations.
[151] Ces allégations méritent-elles le sort proposé par les demandeurs?
[152] D’abord, comme le souligne à juste titre Sandra Rioux lors de son témoignage, les allégations quant à la source B et les constats lors des perquisitions en 2011 et en juin 2014 sont indiqués par Robin Bouchard comme étant des renseignements dont bénéficie la SQ. Robin Bouchard ne fonde pas ses motifs sur ces seuls renseignements, mais ils s’inscrivent dans la chronologie des évènements et font partie du contexte de l’enquête, qu’il partage avec la juge autorisatrice.
[153] Dans un second temps, réitérons que l’exercice de dissection de chacune des allégations de la dénonciation en vase clos auquel les demandeurs convient le Tribunal est non seulement dangereux, mais proscrit.
[154] Le Tribunal ne peut conclure, comme le proposent les demandeurs, que ces renseignements ne sont pas pertinents, même si le Tribunal reconnaît que cette pertinence est relative. Ces renseignements permettent d’établir que Charles Cozak a des antécédents judiciaires en matière de stupéfiants, que lors de la perquisition ayant conduit à l’arrestation et l’éventuelle condamnation de Charles Cozak et Pierre-Luc Déziel pour trafic de stupéfiants, de la drogue sous forme de comprimés est saisie et que le nom de Boris, déclaré par la source comme étant un distributeur de méthamphétamine, apparaît dans un livre de comptabilité trouvé sur les lieux. Or, la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Debot[159] établit que de tels éléments peuvent être pertinents.
[155] Ces renseignements prennent véritablement leur sens lorsque la dénonciation de Robin Bouchard est lue dans son ensemble, notamment lorsque la source A implique Daniel et Charles Cozak dans la production de drogue dans un petit chalet, que des vérifications attestent que Daniel Cozak se rend à un petit chalet (Saint-Camille-de-Lellis en Chaudière-Appalaches) appartenant à son épouse et à un entrepôt de Charny (Lévis), mais surtout lorsque la SQ est avisée que Daniel Cozak importe sous le nom de Pierre Dumont/Réparation P. Dumont 400 kg d’hélional, étiqueté comme étant de la vitamine B, substance entrant dans la fabrication de MDMA, dont la livraison est prévue à Charny (Lévis).
[156] Les demandeurs font aussi valoir que certaines des affirmations tendent à créer une toile de fond qui leur est préjudiciable, alors que certaines informations sont fausses ou que des précisions auraient minimalement dû être apportées, à savoir :
- les 892 comprimés saisis en 2011 n’étaient pas une substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes de la LRCDAS, tel qu’en font foi le rapport d’analyste du 24 août 2011 et le complément d’enquête de la sergente détective Suzie Gagné du 7 novembre 2011[160];
- Charles Cozak n’avait pas son domicile sur la rue Bilbao où la perquisition en 2011 a été conduite, tel qu’en fait foi le bail signé par Pierre‑Luc Déziel[161];
- les 500 000 pilules saisies le 20 juin 2014 par le SPVL sont sans lien avec l’enquête en cours.
[157] Il est vrai que les comprimés saisis lors de la perquisition en 2011 n’étaient pas alors une substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes de la LRCDAS, mais cette substance constituait une drogue de synthèse, qui fut d’ailleurs réglementée à compter du 30 mars 2012, alors qu’elle est désormais inscrite à l’annexe III de la LRCDAS[162]. La déclaration de Robin Bouchard à cet égard est donc exacte et ne devait pas, selon le Tribunal, être davantage précisée.
[158] Quant au fait que Charles Cozak n’est pas signataire du bail de la rue Bilbao, cela n’exclut pas qu’il y habitait. D’ailleurs, Pierre-Luc Déziel a déclaré le 14 juillet 2011 que Charles Cozak habitait avec lui depuis mai 2011[163]. Suzie Gagné témoigne aussi que Charles Cozak habitait à cette adresse et qu’à l’époque en 2011, des effets personnels de Charles Cozak s’y trouvaient.
[159] Finalement, la pertinence de l’allégation des 500 000 pilules de méthamphétamine saisies en juin 2014 découle du fait que la source B indique qu’elles appartenaient à Boris dont le nom a été trouvé dans un carnet de comptabilité saisi lors de l’arrestation de Charles Cozak et Pierre-Luc Déziel sur la rue Bilbao.
[160] Le Tribunal estime donc que ces allégations de Robin Bouchard relatives à la source B et la perquisition de 2011 ne sont pas fautives et qu’elles doivent être prises en compte dans la révision du mandat.
Informations de la source A
[161] Quant aux informations de la source A, les demandeurs les estiment extrêmement graves, générales et non corroborées[164]. Elles ne peuvent selon eux justifier les motifs raisonnables et probables requis, d’autant plus que la source n’est pas codée et que sa fiabilité est inconnue.
[162] D’entrée de jeu, rappelons que i) les facteurs à examiner pour l’évaluation de la fiabilité d’un renseignement provenant d’un informateur dans les arrêts Garofoli, Greffe et Debot visent à déterminer si ce renseignement peut établir l’existence de motifs raisonnables et probables justifiant un mandat ou une arrestation sans mandat, et ii) que cette fiabilité doit être évaluée en fonction de l’ensemble des circonstances et sans qu’il n’existe de formule structurée pour le faire.
[163] Soulignons aussi que les informations de la source A ne sont pas les seules qui conduisent à la croyance raisonnable de Robin Bouchard, cet élément est important.
[164] La déclaration sous serment de Robin Bouchard quant à la source A ne fait pas état d’une source codée, ni ne précise, contrairement à ce qu’il fait pour la source B, qu’elle est fiable, crédible et digne de confiance ou qu’elle a permis des arrestations dans le passé. La juge autorisatrice est donc en mesure de déterminer que la fiabilité de cette source n’est pas celle de la source B.
[165] Quelles sont donc les informations que la source A communique? Sont-elles relativement détaillées, sont-elles corroborées et dans quelles circonstances sont-elles prises en compte?
[166] La source A indique que i) Daniel et Charles Cozak œuvrent dans la production et distribution de méthamphétamine, ii) Charles est le fils de Daniel Cozak, iii) Daniel Cozak est détenteur d’un doctorat en chimie et est un ancien enseignant à l’Université du Québec, iv) Charles Cozak aurait des liens étroits avec le fils d’un contracteur fortuné de Québec, v) Daniel Cozak fait la production de P2P pour une vente en comprimés, vi) le laboratoire est situé dans un petit chalet qui appartient à Daniel Cozak et vii) Daniel Cozak se rend au chalet dans une Volvo vieux modèle.
[167] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il y a un certain niveau de détails dans les renseignements transmis par la source A. Ils ont également été partiellement corroborés par des vérifications des policiers de l’ERM.
[168] En effet : i) Charles Cozak est effectivement le fils de Daniel Cozak, qui est chimiste, ii) Daniel Cozak est identifié et il se rend effectivement à un chalet à Saint‑Camille-de-Lellis, mais qui appartient plutôt à son épouse et iii) Daniel Cozak est propriétaire d’une Volvo vieux modèle. Même si les vérifications quant à la propriété du chalet ne confirment pas exactement les dires de la source, le Tribunal estime qu’elles tendent à établir que la source est relativement bien informée et fiable.
[169] L’information de l’ASFC selon laquelle Daniel Cozak importe sous le nom de Pierre Dumont/Réparation P. Dumont 400 kg d’hélional, substance entrant dans la fabrication de MDMA, dont la livraison est prévue à Charny (Lévis), où la SQ a observé Daniel Cozak, et les antécédents de Charles Cozak en matière de trafic de stupéfiants jumelés aux accusations pendantes tendent aussi à donner de la crédibilité à l’information de la source A.
[170] Considérant l’ensemble du contexte, le Tribunal est d’avis que les informations de la source A pouvaient être alléguées et prises en compte par Robin Bouchard afin d’établir ses motifs raisonnables et probables de croire. Elles ne sont pas fautives.
L’absence d’inscription sur le formulaire de mandat général du ministère de la Justice quant au district des agents de la paix chargés de l’exécution du mandat
[171] L’arrêt R. c. Genest[165] rappelle que l’utilisation d’un formulaire pour un mandat suggère qu’il doit être correctement rempli, particulièrement lorsque celui-ci prévoit que certains détails doivent être précisés dans des espaces prévus à cette fin. Un policier devrait se méfier d’un formulaire comportant de nombreux espaces non complétés. Encore faut-il que les espaces laissés en blanc aient pour effet de vicier la validité de l’autorisation[166]. Lorsque c’est le cas, l’exclusion de la preuve obtenue n’est toutefois pas nécessairement justifiée. Dans l’arrêt Genest, la Cour suprême conclut à la nullité d’un mandat en vertu de l’article 10(2) de la Loi sur les stupéfiants en vigueur à l’époque, faute de préciser l’agent de la paix en charge de l’exécution du mandat de perquisition. Cet article de loi prévoyait spécifiquement que l’autorisation devait s’adresser à un agent de la paix « y nommé », exigence capitale à laquelle les perquisitions dans les maisons d’habitation en vue de trouver des stupéfiants étaient soumises, ce que ne pouvaient ignorer les policiers.
[172] Or, la situation en l’espèce est bien différente de celle qui prévalait dans Genest. Le mandat général est autorisé par un juge de paix suivant l’article 487.01(1) du Code criminel en vigueur en février 2015. Cet article ne prévoit que l’autorisation donnée à un agent de la paix, sans exiger qu’il soit nommé, sans spécifier que le district de l’agent de la paix autorisé doit être indiqué[167].
[173] Le juge Nordheimer, alors à la Cour supérieure de l’Ontario, décide d’ailleurs dans R. v. Lucas[168] que l’agent de la paix n’a pas à être spécifiquement nommé dans un mandat fondé sur l’article 487(1) du Code criminel, dont le texte est similaire à 487.01(1). Le raisonnement devrait être le même pour l’absence de nécessité de préciser le district des agents de la paix autorisés.
[174] Les demandeurs invoquent la décision dans R. c. Parasiris[169] afin d’appuyer leur argument selon lequel le mandat de livraison contrôlée est nul, faute de précision quant au district des agents de la paix chargés de l’exécution du mandat. Dans cette affaire le mandat en était un de perquisition et avait été exécuté la nuit alors i) que le mandat ne précisait pas qu’il puisse être exécuté en tout temps et ii) que l’espace du formulaire quant à l’heure de la perquisition n’avait pas été rempli. Même si l’article 11 de la LRCDAS prévoyait l’exécution d’une perquisition à tout moment, le juge Guy Cournoyer conclut que le mandat aurait dû prévoir spécifiquement la possibilité d’exécution la nuit.
[175] Le Tribunal note que la Cour d’appel de l’Ontario en est venue à une conclusion différente dans l’arrêt R. v. Shivrattan[170], mais que de toute façon, en l’espèce il n’est pas question de l’heure d’exécution d’un mandat de perquisition, mais de l’exécution du mandat, sans précision quant au district de ces agents de la paix. Contrairement à l’heure de perquisition, le district des agents de la paix qui exécutent le mandat général n’affecte en rien les droits des demandeurs, dans la mesure où les agents de la paix sont autorisés à agir à l’endroit d’exécution du mandat. Or, les articles 49 et 50 de la Loi sur la police en vigueur en février 2015 prévoient que les policiers sont des agents de la paix sur tout le territoire du Québec et que la SQ a compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux lois sur l’ensemble du territoire du Québec. Ces dispositions, jumelées au texte de l’article 487.01(1) du Code criminel, ne permettent pas au Tribunal de conclure à la nullité du mandat au motif d’absence d’indication quant au district des agents de la paix chargés de l’exécution du mandat général sur le formulaire du ministère de la Justice.
[176] Plus encore, les seuls espaces non complétés du formulaire du mandat général sont le corps policier et le district des agents de la paix autorisés à exécuter le mandat, mais surtout, le mandat de livraison contrôlée autorisé par la juge Martin réfère spécifiquement à l’annexe B qui identifie à qui est adressé le mandat, qui l’exécutera et où. Cette annexe identifie spécifiquement le district de Québec, le corps policier visé par l’autorisation, l’ERM CNCA, et l’exécution par deux policiers de l’ERM de la SQ au 2224, avenue du Viaduc, à Charny.
[177] Le Tribunal ne voit pas comment il pourrait conclure à la nullité du mandat en raison de l’absence de précision dans un seul champ du formulaire quant au district des agents de la paix chargés de l’exécution du mandat.
[178] Le Tribunal note toutefois que l’argument du PGQ, selon lequel les articles 487.01(6) du Code criminel et 11(3) de la LRCDAS prévoyant que les mandats généraux puissent être exécutés en tout lieu au Canada, font obstacle à la nullité alléguée du mandat, ne peut être retenu puisque ces articles sont entrés en vigueur en septembre 2019[171].
Conclusions quant au mandat général du 2 février 2015
[179] Le Tribunal, qui a fait l’exercice de révision du mandat général comme l’aurait fait le juge du procès criminel, eût-il procédé, conclut : i) qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate Martin de délivrer le mandat général du 2 février 2015 et ii) que celui-ci n’est pas nul au motif d’absence de précision au formulaire du mandat du district des agents de la paix autorisés à procéder à son exécution.
[180] L’ensemble des circonstances et des allégations de la dénonciation permettent cette conclusion, même en faisant abstraction de l’allégation fausse selon laquelle l’hélional est un précurseur inscrit à la LRCDAS et même en procédant à l’ajout, bien que non requis suivant le Tribunal, de la possibilité d’usage légitime en parfumerie de cette substance. Ainsi, la faute de Robin Bouchard quant à cette allégation de précurseur n’est pas causale.
[181] Les demandeurs échouent donc à convaincre le Tribunal, suivant la prépondérance des probabilités, de l’invalidité du mandat. Ils ne parviennent pas non plus à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard.
[182] Le Tribunal est en outre d’avis que nous ne sommes pas dans une situation où il y aurait lieu de recourir au pouvoir résiduaire d’écarter le mandat au motif que la conduite de Robin Bouchard a perverti le processus d’autorisation judiciaire. L’allégation de précurseur, bien que fautive, ne déconsidère pas l’administration de la justice et ne commande pas qu’un mandat jugé valide avec le reliquat des allégations soit écarté.
[183] Le Tribunal note finalement que les allégations extrêmement graves des demandeurs à l’endroit de Robin Bouchard[172], selon lesquelles il aurait, à compter de sa dénonciation pour ce mandat général et par la suite, fait une déclaration sous serment sciemment contraire à la vérité, dans le but de mystifier le tribunal et de détourner le cours de la justice, qu’il aurait sciemment produit un document faux utilisé comme légitime et authentique et qu’il aurait usé de son statut de policier avec une intention malhonnête de tromper les juges de paix pour enquêter sur des actes qu’il savait ne pas être des crimes ne sont aucunement supportées par la preuve.
1.1.4 Mandat de perquisition du 2 février 2015 pour le cellulaire de Charles Cozak
Mandat no 3 suivant la pièce P-42[173]
[184] Le mandat de perquisition est obtenu le même jour que le mandat précédent, suivant sensiblement les mêmes allégations, mais cette fois en vertu de l’article 11(1)d) de la LRCDAS. Il vise les données du cellulaire de Charles Cozak saisi le 14 novembre 2014, alors intercepté en possession d’un cellulaire contrairement aux conditions imposées dans l’attente de son procès.
[185] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, mais certains des motifs qu’ils font valoir pour le mandat général mentionnés au point 1.1.3 du présent jugement lui seraient applicables (allégations relatant les informations des sources et l’usage légitime de l’hélional)[174]. Le Tribunal réfère donc à son analyse ci‑avant par laquelle il conclut que ces allégations étaient pertinentes et exactes et qu’elles devaient être prises en compte aux termes de l’évaluation de la suffisance des éléments de preuve.
[186] Les demandeurs échouent à nouveau à convaincre le Tribunal, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate Nicole Martin de délivrer le mandat de perquisition pour les données cellulaires de Charles Cozak le 2 février 2015.
1.1.5 Mandat de localisation de la remorque fermée noire située au 2224, du Viaduc (2126S) du 6 février 2015
Mandat no 4 suivant la pièce P-42[175]
[187] Le mandat est obtenu en vertu de l’article 492.1 du Code criminel[176] et vise l’installation d’une balise de localisation et la surveillance du dispositif de localisation sur une remorque noire portant le numéro de série 2126S identifiée au 2224, du Viaduc, lors de la livraison contrôlée[177].
[188] Il est conditionnel à l’existence de motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction au Code criminel ou à toute autre loi fédérale, en l’occurrence, la production de stupéfiant, a été ou sera commise et que des renseignements utiles à cet égard peuvent être obtenus au moyen d’un dispositif de localisation.
[189] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises, en sus de celles découlant de l’exécution du mandat de livraison contrôlée le 3 février 2015, selon lesquelles, essentiellement : i) la livraison des 400 kg d’hélional est reçue par Charles Cozak, ii) Charles Cozak sort alors d’un véhicule loué, technique fréquemment utilisée par les personnes criminalisées pour ne pas être identifiées, iii) Charles Cozak signe le bon de livraison sous le faux nom de Pierre Dumont, iv) dans le garage du 2224, du Viaduc se trouve une remorque noire qui semble correspondre à celle dont Daniel Cozak est propriétaire suivant les vérifications faites à la SAAQ, v) 50 chaudières blanches neuves se retrouvent aussi dans le garage où l’hélional a été placé à la demande de Charles Cozak et vi) l’entrepôt paraît être un endroit transitoire.
[190] Certains des motifs que les demandeurs font valoir pour le mandat général mentionnés au point 1.1.3 du présent jugement seraient applicables à ce mandat (les allégations relatives à la notion de précurseur inscrit à la LRCDAS, aux informations des sources et à l’usage légitime de l’hélional).
[191] Trois autres motifs sont allégués par les demandeurs pour contester le mandat : i) les informations recueillies par les policiers lors de la livraison contrôlée ne devraient pas être prises en compte puisque les policiers n’ont pas respecté les modalités d’exécution énoncées au mandat général du 2 février 2015 en ce qu’ils n’ont pas appelé avant la livraison contrôlée et n’ont pas demandé une pièce d’identité à celui qui recevait la marchandise, ii) il serait de toute façon faux de prétendre que Charles Cozak a signé un faux nom lors de la livraison contrôlée (Pierre Dumont) et iii) il serait tendancieux et non pertinent de préciser que lors de la réception de la livraison contrôlée, Charles Cozak est sorti d’un véhicule loué.
[192] Qu’en est-il de ces motifs de contestation?
Motifs identiques à ceux invoqués pour le mandat général du 2 février 2015
[193] Le Tribunal réfère à son analyse à la section 1.1.3 ci-avant quant aux motifs déjà traités pour le mandat général de livraison contrôlée. Il conclut de la même façon : les informations obtenues des sources peuvent être prises en compte, l’usage légitime de l’hélional n’avait pas à être précisé et l’on doit faire abstraction de la qualification de précurseur qui est inexacte, afin d’évaluer s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate Nicole Martin de délivrer ce mandat.
Informations recueillies lors de la livraison contrôlée
[194] Le mandat général du 2 février 2015, autorisant la livraison contrôlée, prévoit que les policiers appelleront au numéro indiqué sur le bon de livraison, cogneront au 2224, du Viaduc et requerront une pièce d’identité de la personne qui prendra la livraison[178].
[195] Or, à leur arrivée lors de la livraison contrôlée, Charles Cozak est déjà présent et est identifié par les policiers Robin Bouchard et Mario Pelletier. C’est Charles Cozak qui les interpelle et demande de reculer vers la porte de garage 3, qu’il ouvre. Les policiers n’ont donc pas besoin d’appeler ou de cogner à la porte pour effectuer la livraison. Quant à la pièce d’identité, elle n’est pas requise puisque les policiers identifient Charles Cozak[179].
[196] Les policiers pouvaient appeler et cogner pour procéder à la livraison contrôlée, de même que requérir une pièce d’identité pour identifier celui qui prenait livraison. Les policiers n’étaient toutefois pas tenus de procéder à ces étapes compte tenu des circonstances : celui qui reçoit la livraison est identifié par les policiers, Charles Cozak est déjà sur place à leur arrivé et ouvre la porte de garage.
[197] Le Tribunal est d’avis que le raisonnement appliqué par la Cour supérieure et confirmé par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. v. Lucas[180] est valable en l’instance : le mandat ne doit pas être une camisole de force interdisant aux policiers quelque changement dans l’exécution de celui-ci. La Cour supérieure avait d’ailleurs indiqué dans cette affaire que si le mandat prévoit l’ouverture d’un coffret de sécurité avec le double d’une clé, cette clé n’est pas requise si la porte du coffret est ouverte.
[198] Ainsi, le Tribunal estime que les informations recueillies lors de la livraison contrôlée pouvaient valablement être alléguées à la dénonciation de Robin Bouchard pour le mandat de localisation de la remorque noire, mais aussi pour les mandats subséquents. Ces informations doivent être prises en compte afin d’évaluer s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate Martin de délivrer ce mandat.
Inexactitude de l’allégation relative à la signature d’un faux nom
[199] Pour ce qui est de l’inexactitude maintenant invoquée quant à la signature par Charles Cozak d’un faux nom lors de la livraison contrôlée, le Tribunal estime que c’est à bon droit que Robin Bouchard fait une telle allégation.
[200] Robin Bouchard et Alain Joncas identifient personnellement Charles Cozak lors de la livraison contrôlée. C’est lui qui signe le bon de livraison. Il ne signe pas « Charles Cozak », mais un nom qui n’est pas le sien, tel qu’il appert du bon de livraison[181]. Il n’indique pas non plus devant la signature moulée ou la signature « pour » Pierre Dumont ou « pour » Réparation P. Dumont. Il est vrai que la signature moulée indique clairement « P Dumont » et que le texte après le « P » n’est pas parfaitement clair, mais il y a des lettres après le « P » qui vraisemblablement ne peuvent pas être autre chose que « ierre ». Quant à la signature elle-même, on y voit clairement le « Dumont ». Pour le prénom, il est moins lisible, mais s’apparente à Pierre.
[201] Cette allégation de signature d’un faux nom doit être prise en compte pour l’exercice de révision du mandat.
Véhicule loué et moyen pour éviter d’être identifié
[202] Quant au véhicule loué par Charles Cozak et utilisé pour son déplacement au 2224, du Viaduc pour la réception de la livraison contrôlée, les policiers Robin Bouchard et Martin Savoie, notamment, témoignent qu’effectivement l’utilisation d’un véhicule loué est fréquente par des personnes criminalisées pour éviter d’être identifiées. Or, Charles Cozak a des antécédents judiciaires de trafic de stupéfiants et il récupère une marchandise entrant dans la fabrication de MDMA en s’y rendant avec un véhicule loué.
[203] Les allégations de Robin Bouchard à cet effet sont pertinentes et exactes. Aucune faute ne peut lui être reprochée à cet égard. Elles seront prises en compte afin d’évaluer s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate Martin de délivrer ce mandat.
Conclusion quant au mandat de localisation pour la remorque noire
[204] En ne tenant pas compte de l’allégation selon laquelle l’hélional est un précurseur inscrit à la LRCDAS, il ne fait aucun doute pour le Tribunal qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre à la juge de paix magistrate Martin de délivrer le mandat de localisation du 6 février 2015.
[205] Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction au Code criminel ou à toute autre loi fédérale, en l’occurrence, la production de stupéfiant, a été ou sera commise et que des renseignements utiles à cet égard peuvent être obtenus au moyen d’un dispositif de localisation sur la remorque noire appartenant à Daniel Cozak se trouvant au 2224, du Viaduc, à Charny, celle-ci pouvant servir au transport de produits ou de marchandises pour la production de stupéfiants.
[206] Le Tribunal estime que le 30 janvier 2015, Robin Bouchard a déjà des motifs raisonnables de soupçonner et le 2 février des motifs raisonnables de croire à la commission éventuelle d’une infraction de production de stupéfiants, a fortiori le 6 février 2015, après les constats réalisés lors de la livraison contrôlée.
[207] Les demandeurs n’établissent toujours pas une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. La question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et le Tribunal n’a aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 6 février 2015.
1.1.6 Mandat général du 6 février 2015 pour une entrée subreptice au 2224, du Viaduc
Mandat no 5 suivant la pièce P-42[182]
[208] Le mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[183] pour entrer subrepticement au 2224, du Viaduc, afin de poser la balise de localisation sur la remorque noire, de prélever des échantillons de substances, de procéder à l’inventaire du contenu de l’entrepôt et de photographier, filmer ou photocopier tout document pertinent à l’enquête.
[209] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette entrée subreptice et autres techniques d’enquête pour lesquelles le mandat est requis.
[210] Les allégations de Robin Bouchard au soutien de la dénonciation pour ce mandat général sont essentiellement les mêmes que celles au soutien de la dénonciation pour le mandat de localisation de la remorque fermée noire se trouvant au 2224, du Viaduc.
[211] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, mais certains des motifs soulevés pour contester le mandat général pour la livraison contrôlée du 2 février 2015 mentionnés au point 1.1.3 du présent jugement seraient applicables à ce mandat (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[184].
[212] Les trois motifs allégués par les demandeurs pour contester le mandat de localisation de la remorque fermée noire du 2224, du Viaduc traités au point 1.1.5 du présent jugement pourraient aussi s’appliquer à ce mandat.
[213] Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3 et 1.1.5 du présent jugement.
[214] Ainsi, il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables permettant à la juge de paix magistrate Nicole Martin d’autoriser ce mandat général et établissant les motifs raisonnables et probables de croire de Robin Bouchard qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’utilisation d’une technique d’enquête, en l’espèce une entrée subreptice au 2224, du Viaduc.
[215] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 6 février 2015.
1.1.7 Mandats pour registres de téléphone du 18 février 2015
Mandats nos 6, 7 et 9 suivant la pièce P-42[185]
[216] Les mandats requis en vertu de l’article 492.2(1) et (2) du Code criminel[186] pour obtenir les registres d’appel des téléphones : i) utilisé par Charles Cozak, ii) utilisé par Daniel Cozak et iii) de la résidence de Daniel Cozak requièrent des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction au Code criminel ou à toute autre loi fédérale a été ou sera commise et que des renseignements utiles à l’enquête relative à l’infraction peuvent être obtenus.
[217] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ces mandats, mais certains des motifs qu’ils font valoir pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015 mentionnés au point 1.1.3 du présent jugement lui seraient applicables (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[187].
[218] Les motifs allégués par les demandeurs pour contester le mandat de localisation de la remorque fermée noire du 2224, du Viaduc traités au point 1.1.5 du présent jugement pourraient aussi s’appliquer à ce mandat.
[219] Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3 et 1.1.5 du présent jugement et estime que la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces mandats et que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’obtention des registres de téléphone.
[220] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 18 février 2015.
1.1.8 Mandat général du 18 février 2015 pour une géolocalisation du cellulaire de Daniel Cozak
Mandat no 8 suivant la pièce P-42[188]
[221] Le mandat général de géolocalisation du cellulaire de Daniel Cozak est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[189].
[222] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette géolocalisation.
[223] Les allégations de Robin Bouchard au soutien de la dénonciation pour ce mandat général sont essentiellement les mêmes que celles au soutien de la dénonciation pour le mandat de localisation de la remorque fermée noire se trouvant au 2224, du Viaduc.
[224] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ces mandats, mais certains des motifs qu’ils font valoir pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015 mentionnés au point 1.1.3 du présent jugement lui seraient applicables (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[190].
[225] Les motifs allégués par les demandeurs pour contester le mandat de localisation de la remorque fermée noire du 2224, du Viaduc traités au point 1.1.5 du présent jugement pourraient aussi s’appliquer à ce mandat.
[226] Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3 et 1.1.5 du présent jugement et estime que la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat et que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à la géolocalisation du cellulaire de Daniel Cozak.
[227] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 18 février 2015.
1.1.9 Renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque fermée noire située au 2224, du Viaduc (2126S) des 26 et 31 mars 2015
Mandats nos 10 et 11 suivant la pièce P-42[191]
[228] Ces renouvellements de mandats sont obtenus en vertu de l’article 492.1 du Code criminel et visent l’autorisation de continuer à employer les balises installées avec mandats sur le Ford F‑150 de Daniel Cozak et la remorque noire située au 2224, du Viaduc à Charny.
[229] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises, en y ajoutant les développements survenus depuis, notamment : i) les constats faits lors de l’entrée subreptice du 12 février 2015 au 2224, du Viaduc, à Charny[192] (présence dans la remorque noire de 16 boîtes de carton contenant un produit, d’un détecteur de métal, de sacs scellés avec de la poudre cristalline, de tubes de silicone, de gants, de masques, de tamis, de sceaux de cinq gallons blancs remplis de poudre cristalline blanche), ii) les visites de Charles et Daniel Cozak au 2224, du Viaduc les 12 et 13 février 2015 et le 10 mars 2015 à bord du F-150[193], iii) la rencontre de Daniel et Charles Cozak du 10 mars 2015 sur la rue du Parvis observée par Robin Bouchard[194], iv) l’observation selon laquelle le 12 mars 2015, Daniel et Charles Cozak se rendent avec le Ford F-150 au marché Jean‑Talon pour y rencontrer brièvement un individu qui les attend sur le bord de la porte[195], v) la visite du 13 mars 2015 de Daniel et Samuel Cozak avec le Ford F-150 au chalet sis au 218, Edmond-Blais à Saint-Camille-de-Lellis[196] et vi) les visites de chalets à vendre par Daniel Cozak au Nouveau‑Brunswick près de Lac Baker[197].
[230] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ces mandats, mais certains des motifs qu’ils font valoir pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015 mentionnés au point 1.1.3 du présent jugement lui seraient applicables (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[198].
[231] Les motifs allégués par les demandeurs pour contester le mandat de localisation de la remorque fermée noire du 2224, du Viaduc traités au point 1.1.5 du présent jugement pourraient aussi s’appliquer à ce mandat.
[232] Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3 et 1.1.5 du présent jugement.
[233] Au surplus, les demandeurs mettent en doute la pertinence de l’allégation relative aux observations de Robin Bouchard le 10 mars 2015 sur la rue du Parvis. Le Tribunal convient que cette observation n’apporte rien ou peu aux motifs raisonnables de soupçonner, si ce n’est que de constater que Daniel et Charles Cozak ont une rencontre juste après que Daniel Cozak se soit rendu au 2224, du Viaduc, à Charny. Cette allégation est par ailleurs exacte, non tendancieuse ni fautive.
[234] Les demandeurs mettent aussi en doute la pertinence de l’allégation quant aux observations de la rencontre de courte durée du 13 mars au marché Jean‑Talon. Or, Robin Bouchard explique que quant à lui, de courtes rencontres de cette nature sont fréquentes dans le monde du trafic de stupéfiants, ce qui alimente ses motifs raisonnables de soupçonner. Le Tribunal estime que cette observation n’est pas fautive. Elle s’inscrit dans le contexte global de l’enquête. À nouveau, les demandeurs invitent le Tribunal à analyser les allégations isolément, contrairement aux enseignements de la Cour suprême et de la Cour d’appel.
[235] Les demandeurs reprochent particulièrement à Robin Bouchard l’allégation selon laquelle le 13 mars 2015 Daniel Cozak et son fils Samuel se rendent au 218, Edmond‑Blais à Saint-Camille-de-Lellis, où ils demeurent 40 minutes, ce qui « confirme les dires de la source à l’effet que Daniel Cozak possède un chalet et que ce dernier sert comme laboratoire ».
[236] Robin Bouchard explique que la courte visite au chalet permet de penser qu’il ne sert pas à de la villégiature. La visite de Daniel et Samuel au chalet de Saint-Camille-de-Lellis et sa durée sont pertinentes. Il est vrai toutefois que la conclusion quant à l’usage du chalet comme laboratoire tirée des faits allégués n’est pas rationnelle et logique, mais les juges autorisateurs pouvaient le constater. Les dénonciations pour les mandats doivent donc être lues sans cette conclusion tirée des faits, qui ne vicie toutefois pas les mandats obtenus.
[237] Les juges de paix magistrats Louis Duguay et Yannick Couture avaient suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces mandats et Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce aux balises de localisation de la remorque noire observée au 2224, du Viaduc et du véhicule Ford F-150 de Daniel Cozak.
[238] Les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date des 26 et 31 mars 2015.
[239] Finalement, aux termes du contre-interrogatoire de Sandra Rioux, les demandeurs indiquent aussi que le renouvellement du mandat pour la remorque (mandat no 11) serait illégal puisque la période de validité ne peut aller au-delà de 60 jours de la date de délivrance du mandat suivant l’article 492.1(5) du Code criminel[199]. Or, l’effet de cette erreur, de l’avis du Tribunal, ne fait que rendre invalide le mandat au-delà de la période du 30 mai 2015 et puisque le deuxième renouvellement de ce mandat a été fait dès le 4 juin 2015[200], l’invalidité du mandat ne couvre que quatre jours. Les demandeurs n’ont pas indiqué au Tribunal les éléments de preuve recueillis durant ces quatre jours qu’ils voudraient voir exclus, pas plus que la conséquence sur les mandats subséquents ou les accusations. Ce n’est pas le rôle du Tribunal de deviner les conséquences d’un reproche formulé, d’autant plus que ce silence empêche le PGQ de plaider qu’il n’y aurait pas eu exclusion de cette preuve non identifiée par les demandeurs au sens de l’arrêt Grant[201].
1.1.10 Mandat général du 11 mai 2015 pour une entrée subreptice au 218, Edmond-Blais à Saint-Camille-de-Lellis
Mandat no 12 suivant la pièce P-42[202]
[240] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[203] pour entrer subrepticement au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis, sur le terrain et dans le chalet, désactiver tout système d’alarme, prélever des échantillons de substances pouvant entrer dans la fabrication de drogues de synthèse, faire l’inventaire du contenu du chalet ou de la remorque sur le terrain, photographier, filmer ou photocopier tout document, faire des copies miroirs de système informatique ou de surveillance pertinents à l’enquête.
[241] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette entrée subreptice et autres techniques d’enquête pour lesquelles le mandat est requis.
[242] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises, en y ajoutant les développements survenus depuis, notamment : i) le retour par Charles Cozak d’un véhicule de location et la reprise de son Ford Fusion le 24 mars 2015[204], ii) les présences de Daniel Cozak au 218, Edmond-Blais les 21 mars, 7 avril pour quatre jours, et 2 mai 2015[205], iii) l’observation de Robin Bouchard du 22 avril 2015 selon laquelle Daniel Cozak vérifie le bon état de la remorque noire du 2224 du Viaduc et de ses pneus[206], iv) l’observation du 7 mai 2015 révélant qu’une Volvo rouge est au 218, Edmond‑Blais, de même qu’une remorque noire similaire à celle restée au 2224, du Viaduc à Charny[207] et v) la réception le 8 mai 2015 de certificats d’analyste attestant de la présence de chlorhydrate d’hydroxylamine prélevée dans la remorque du 2224, du Viaduc le 12 février 2015, substance entrant dans la production de drogue de synthèse[208].
[243] Les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources et l’usage légitime de l’hélional)[209] traités au point 1.1.3 pourraient aussi s’appliquer à ce mandat.
[244] Les motifs allégués par les demandeurs pour contester le mandat de localisation de la remorque fermée noire du 2224, du Viaduc traités au point 1.1.5 du présent jugement et ceux invoqués à l’encontre des renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque fermée noire située au 2224, du Viaduc (2126S) des 26 et 31 mars 2015 traités au point 1.1.9 pourraient également s’appliquer.
[245] Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement.
[246] L’interrogatoire de Robin Bouchard par Samuel Cozak lors de l’instruction laisse croire qu’on lui reproche d’avoir allégué que le chlorhydrate d’hydroxylamine prélevé dans la remorque est une substance entrant dans la production de drogue de synthèse, alors que la note écrite de Santé Canada quant aux ingrédients (incluant l’hydroxylamine) et aux étapes de production de MDA date du 22 juillet 2015[210], soit postérieurement à ce mandat général. Or, Robin Bouchard indique que cette information, bien qu’elle ne se retrouve pas sur les certificats d’analyste[211], est connue de lui avant le 22 juillet 2015 en raison d’un échange avec le sergent Alain Joncas. Martin Savoie, Suzie Gagné et le lieutenant Yvan Lessard confirment aussi que les ingrédients et étapes de production de MDA sont connus avant cette date, très tôt dans l’enquête. Michel St-Amant de la GRC précise d’ailleurs le 12 juin 2015 que la fabrication de MDA nécessitait trois synthèses distinctes[212]. Le Tribunal prête foi à ces affirmations et n’a pas la preuve que cette affirmation de Robin Bouchard est inexacte.
[247] De toute façon, même si l’on retire cette affirmation, selon laquelle le chlorhydrate d’hydroxylamine entre dans la composition du MDA , le Tribunal est d’avis que le reliquat de la dénonciation laissait à la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat et que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’utilisation d’une technique d’enquête, en l’espèce l’entrée subreptice au 218, Edmond-Blais à Saint-Camille-de-Lellis.
[248] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard.
1.1.11 Mandat de localisation de la Ford Fusion du 11 mai 2015
Mandat no 13 suivant la pièce P-42[213]
[249] Ce mandat est obtenu en vertu de l’article 492.1 du Code criminel[214] et vise l’installation d’une balise de localisation et la surveillance du dispositif de localisation sur une voiture de marque Ford, modèle Fusion noir, immatriculée [...R] utilisée par Charles Cozak.
[250] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont pour la plupart reprises[215]. Robin Bouchard ajoute que selon sa vérification à la SAAQ, Charles Cozak est propriétaire de la Ford Fusion.
[251] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, mais les motifs invoqués pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[216], le mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc et les renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc, mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement, pourraient être applicables. Le Tribunal réfère aux conclusions alors tirées.
[252] Ainsi, le Tribunal est d’avis que la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat. Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de soupçonner la production de stupéfiants et que l’installation d’une balise de localisation et sa surveillance de la Ford Fusion appartenant à Charles Cozak étaient susceptibles de faire progresser l’enquête.
[253] Les demandeurs ne parviennent pas davantage à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 11 mai 2015.
1.1.12 Renouvellement du mandat de localisation du Ford F-150 du 22 mai 2015
Mandat no 14 suivant la pièce P-42[217]
[254] Ce renouvellement de mandat est obtenu en vertu de l’article 492.1 du Code criminel[218] et vise l’autorisation de continuer à employer, entretenir et surveiller les balises installées avec mandats sur le Ford F‑150 de Daniel Cozak.
[255] La plupart des allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises[219]. Robin Bouchard y ajoute qu’en date du 12 mai 2015, Daniel Cozak quitte le chalet de Saint-Camille-de-Lellis et se rend à bord du F-150 immatriculé [...L] chez Samuel Cozak, où Charles Cozak les rejoint. Daniel et Charles Cozak quittent ensuite ensemble pour le Tomas Tam. Alain Joncas observe à l’intérieur du Ford F-150 une enveloppe dont le destinataire est Réparation P. Dumont[220].
[256] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, mais les motifs invoqués pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[221], le mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc et les renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc, mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement, pourraient être applicables. Le Tribunal réfère aux conclusions alors tirées.
[257] Le juge de paix magistrat François Kouri avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat. Robin Bouchard avec des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à la balise de localisation du véhicule de Daniel Cozak.
[258] Les demandeurs ne parviennent pas davantage à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée à la section 1.1.3 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 22 mai 2015.
[259] Il est vrai que le 15 mai 2015, Sophie Gagnon, du Service d’analyse des drogues de Santé Canada, précise dans un rapport d’analyste et un autre document que l’hélional prélevé sur les boîtes jetées en avril 2015 dans le conteneur à déchets du 2224, du Viaduc est une substance non inscrite à la LRCDAS[222]. Robin Bouchard témoigne n’avoir toutefois pas le souvenir d’avoir vu ce document à l’époque, bien que selon toute vraisemblance il lui a été rendu disponible.
[260] La seule existence de ces documents et leur disponibilité ne permet pas au Tribunal de conclure qu’à compter du 15 mai 2015 ou peu après, toute référence par Robin Bouchard selon laquelle l’hélional est un précurseur établit qu’il a intentionnellement formulé cette allégation par la suite dans le but de tromper délibérément les juges autorisateurs. Certes, le défaut d’avoir noté cet élément et la répétition de l’allégation inexacte constitue une faute, mais tel que mentionné précédemment, la preuve d’une faute intentionnelle n'a pas été faite et les mandats auraient tout de même été autorisés si cette allégation n'avait pas été formulée.
[261] Le Tribunal est d’avis que nous ne sommes pas dans une situation nous permettant de conclure que la conduite de Robin Bouchard a perverti le processus d’autorisation judiciaire. L’allégation de précurseur à compter du 15 mai 2015, bien que fautive, ne déconsidère pas l’administration de la justice et ne commande pas qu’un mandat jugé valide avec le reliquat des allégations soit écarté.
1.1.13 Mandat général du 22 mai 2015 pour permettre l’installation secrète d’un dispositif de localisation sur la Ford Fusion et permettre de prélever des échantillons de stupéfiants, de prendre des photographies et des informations dans ce véhicule appartenant à Charles Cozak
Mandat no 15 suivant la pièce P-42[223]
[262] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[224] pour permettre l’installation secrète et la surveillance d’un dispositif de localisation sur la Ford Fusion de Charles Cozak et permettre de prélever des échantillons de stupéfiants, de prendre des photographies et des informations dans ce véhicule, pertinents à l’enquête.
[263] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à ce dispositif de localisation et autres techniques d’enquête pour lesquelles le mandat est requis.
[264] La plupart des allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises[225]. Robin Bouchard précise que le 12 mai 2015, Charles Cozak se rend chez Samuel Cozak avec sa Ford Fusion.
[265] À nouveau, les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, mais les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur)[226], du mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc et des renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc, mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement, pourraient être applicables. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement.
[266] Le Tribunal est donc d’avis que le juge de paix magistrat François Kouri avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat, que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’utilisation d’une technique d’enquête, en l’espèce la localisation de la Ford Fusion de Charles Cozak et autres techniques d’enquête requises.
[267] Les demandeurs ne parviennent pas davantage à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée aux sections 1.1.3 et 1.1.12 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 22 mai 2015.
1.1.14 Mandat du 26 mai 2015 pour l’installation de caméras sur le terrain du 218, Edmond-Blais
Mandat no 16 suivant la pièce P-42[227]
[268] Ce mandat n’ayant pas été exécuté, la révision de celui-ci n’est pas requise.
1.1.15 Mandat du 27 mai 2015 pour obtenir des compagnies de communication desservant le 218, Edmond-Blais des informations sur les services tels téléphonie, câblodistribution et internet (Xplornet)
Mandat no 17 suivant la pièce P-42[228]
[269] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[229] pour obtenir des compagnies de communication desservant le 218, Edmond-Blais des informations sur les services de téléphonie, câblodistribution et internet.
[270] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à ces informations.
[271] La plupart des allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises.
[272] À nouveau, les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, mais les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources et l’usage légitime de l’hélional)[230], du mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc, des renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc et du mandat pour une entrée subreptice au 218, Edmond-Blais à Saint-Camille-de-Lellis du 11 mai 2015 mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement, pourraient être applicables. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement.
[273] Le Tribunal est donc d’avis que Johanne Roy, j.c.q., avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat, que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce aux informations requises.
[274] Les demandeurs ne parviennent pas davantage à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard.
1.1.16 Mandat du 3 juin 2015 pour obtenir des compagnies de communication desservant le 218, Edmond-Blais des informations sur les services tels téléphonie, câblodistribution et internet
Mandat no 18 suivant la pièce P-42[231]
[275] Ce mandat n’ayant pas été exécuté, la révision de celui-ci n’est pas requise.
1.1.17 Second renouvellement du mandat de localisation de la remorque fermée noire située au 2224, du Viaduc (2126S) du 4 juin 2015
Mandat no 19 suivant la pièce P-42[232]
[276] Ce renouvellement de mandat autorisé par la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte n’a pas été descellé, il n’a pas été déposé au dossier de la Cour et le Tribunal ne peut donc porter de jugement sur celui-ci.
1.1.18 Renouvellement en date du 4 juin 2015 du mandat général pour permettre l’entrée subreptice au 2224, du Viaduc
Mandat no 20 suivant la pièce P-42[233]
[277] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[234] pour entrer subrepticement au 2224, du Viaduc, afin de poser la balise de localisation sur la remorque noire, de procéder à son entretien et de prélever des échantillons de substances, de procéder à l’inventaire du contenu de l’entrepôt et de photographier, filmer ou photocopier tout document pertinent à l’enquête.
[278] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette entrée subreptice et autres techniques d’enquête pour lesquelles le mandat est requis.
[279] La plupart des allégations des mandats précédents sont reprises[235].
[280] Bien que les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité alléguée de ce mandat, les reproches invoqués à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur), du mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc et des renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement valent pour les allégations reprises. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement.
[281] Il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables permettant à la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte d’autoriser ce mandat et établissant des motifs raisonnables et probables de croire de Robin Bouchard qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’utilisation d’une technique d’enquête, en l’espèce une entrée subreptice au 2224, du Viaduc.
[282] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée aux sections 1.1.3 et 1.1.12 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 4 juin 2015.
1.1.19 Mandats généraux en date du 12 juin 2015 pour permettre l’entrée subreptice dans la Ford Fusion de Charles Cozak et le Ford F-150 de Daniel Cozak
Mandats nos 21 et 22 suivant la pièce P-42[236]
[283] Ces mandats généraux sont requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[237] pour permettre l’installation secrète et la surveillance d’un dispositif de localisation sur la Ford Fusion de Charles Cozak et le Ford F-150 de Daniel Cozak et permettre de prélever des échantillons de stupéfiants et de prendre dans ces véhicules des photographies et des informations pertinentes à l’enquête.
[284] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à ce dispositif de localisation et autres techniques d’enquête pour lesquelles les mandats sont requis.
[285] La plupart des allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises[238]. On ajoute l’observation du 5 juin 2015 en après-midi découlant d’une surveillance physique de Charles Cozak, selon laquelle celui-ci utilise toujours sa Ford Fusion, mais loue un véhicule Challenger. Il récupère du capot de sa Ford Fusion un sac noir souple qu’il place sous le capot du véhicule loué dans lequel il quitte[239].
[286] À nouveau, les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ces mandats, mais les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources, l’usage légitime de l’hélional et la notion de précurseur), du mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc, des renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc et du mandat pour une entrée subreptice au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis du 11 mai 2015 mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement valent pour les allégations reprises. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement.
[287] Le Tribunal est donc d’avis que le juge Bernard Lemieux, j.c.q., avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces mandats, que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’utilisation d’une technique d’enquête, en l’espèce l’installation et la surveillance d’un dispositif de localisation de la Ford Fusion de Charles Cozak et du Ford F-150 de Daniel Cozak et autres techniques d’enquête requises.
[288] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée aux sections 1.1.3 et 1.1.12 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 12 juin 2015.
1.1.20 Mandat général en date du 12 juin 2015 pour permettre l’entrée subreptice au 380, chemin Soucy à Lac Baker au Nouveau-Brunswick
Mandat no 23 suivant la pièce P-42[240]
[289] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[241] pour permettre l’entrée subreptice au 380, chemin Soucy à Lac Baker, sur le terrain et dans le chalet, d’y prélever des échantillons de substances, d’installer des caméras extérieures, de photographier, filmer ou photocopier tout document et de faire des copies miroirs de système informatique ou de surveillance pertinents à l’enquête.
[290] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette entrée subreptice et autres techniques d’enquête pour lesquelles le mandat est requis.
[291] La plupart des allégations des mandats précédents sont reprises[242]. Robin Bouchard ajoute que i) le 8 juin 2015, la balise de localisation indique que le Ford F-150 de Daniel Cozak se rend d’abord à Montréal, pour aller ensuite directement à Lac Baker, ii) le 10 juin 2015, Daniel et Samuel Cozak se rendent au 2224, du Viaduc avec le Ford F-150 qui est reculé vis-à-vis la porte de garage et quittent avec la remorque noire dans laquelle il y avait des substances le 19 février 2015[243], iii) le 10 juin 2015, Samuel Cozak, au volant du Ford F-150, avec Daniel Cozak, se rendent au 380, chemin Soucy à Lac Baker avec la remorque qu’ils reculent près du chalet et iv) le 380, chemin Soucy appartient à Samuel Cozak[244].
[292] À nouveau, les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ce mandat. Les reproches invoqués à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015 (allégations relatant les informations des sources et l’usage légitime de l’hélional) et ceux invoqués à l’encontre du mandat de localisation de la remorque du 2224, du Viaduc, des renouvellements des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque noire du 2224, du Viaduc et du mandat pour une entrée subreptice au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis du 11 mai 2015 valent pour les allégations reprises. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement.
[293] Le Tribunal est donc d’avis que le juge Bernard Lemieux, j.c.q., avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat, que Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’entrée subreptice au 380, chemin Soucy, à Lac Baker et autres techniques d’enquête requises.
1.1.21 Mandat de surveillance vidéo au 380, chemin Soucy, à Lac Baker et au 280, Edmond-Blais à Saint-Camille-de-Lellis, du 23 juin 2015, confirmé le 25 juin 2015
Mandat no 24 suivant la pièce P-42[245]
[294] Ce mandat est requis au Québec par Me Jacques Casgrain[246] en vertu des articles 487.01(4) et (5), 185 et 186 du Code criminel[247], pour effectuer de la surveillance par caméra au 380, chemin Soucy à Lac Baker et au 218, Edmond-Blais, à Saint‑Camille‑de-Lellis. Il est appuyé d’un affidavit de Martin Savoie, agent de la paix, œuvrant pour l’ERM. Il est autorisé par le juge Hubert Couture, de la Cour du Québec. Il est ensuite confirmé par un juge de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick en vertu des articles 188.1(2) et 487.01(5) du Code criminel.
[295] Il est utile de rappeler que le droit à la vie privée est directement visé par la protection de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés et que ce droit à la vie privée est aussi protégé par le Code criminel[248]. La surveillance électronique de l’État doit donc répondre à des exigences strictes.
[296] Afin d’être émis, le mandat de surveillance vidéo doit servir au mieux les intérêts de la justice, ce qui implique l’existence de motifs raisonnables et probables de croire que des infractions ont été ou seront commises et que l’autorisation permettra d’obtenir une preuve de sa perpétration[249]. Il doit aussi être démontré que le mandat est nécessaire « aux fins d’enquête », c’est-à-dire qu’il n’existe pas, en pratique, une autre méthode raisonnable dans les circonstances de l’enquête en cause et en considérant ses objectifs[250]. Le critère de nécessité n’est toutefois pas requis si l’enquête vise certaines infractions; nous y reviendrons.
[297] Les lieux visés par la demande de surveillance vidéo doivent être indiqués au mandat, de même que les personnes connues et autres personnes susceptibles d’être observées.
[298] Aux termes de la demande d’autorisation du mandat, les infractions que Martin Savoie croit avoir été commises ou qui le seront sont les suivantes :
- trafic de substances en vertu de l’article 5 de la LRCDAS;
- production de drogue suivant l’article 7 de la LRCDAS;
- participation aux activités d’une organisation criminelle suivant l’article 467.11 du Code criminel;
- infraction au profit d’une organisation criminelle suivant l’article 467.12 du Code criminel;
- charger une personne de commettre une infraction suivant l’article 467.13 du Code criminel;
- complot pour commettre l’un ou l’autre de ces crimes suivant l’article 465 du Code criminel.
[299] Martin Savoie fait d’abord un résumé de l’enquête, rappelant qu’elle vise un réseau criminel œuvrant dans la production et la distribution de méthamphétamine dans la ville de Québec, le secteur de Bellechasse et au Nouveau-Brunswick, ayant débuté à la suite d’une information d’une source A, codée et contrôlée par la SQ, qui dénonce la production de méthamphétamine par Daniel et Charles Cozak et par un signalement de l’ASFC quant à l’importation de 400 kg d’hélional servant à la production de MDMA. Il ajoute que l’enquête démontre l’existence d’une cache de drogue, de précurseurs ou de produits chimiques au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis et la mise en place d’un laboratoire clandestin au chalet sis au 380, chemin Soucy, à Lac Baker. Il souligne l’implication de Daniel, Charles et Samuel Cozak et que le chalet de Saint‑Camille‑de‑Lellis appartient à Ann Guilmette. Il estime devoir agir rapidement pour des raisons de sécurité publique.
[300] Il reprend ensuite les diverses allégations des mandats précédents et des faits subséquents notamment :
- en 2014, la source A, codée depuis 2015 selon l’annexe 2 au soutien de l’affidavit, informe la SQ que Daniel Cozak, détenteur d’un doctorat en chimie, et son fils, Charles, œuvrent dans la production et la distribution de méthamphétamine, et que Daniel Cozak fait la production de P2P (par la suite transformé pour la vente sous forme de comprimés) dans un laboratoire situé dans un petit chalet appartenant à Daniel Cozak qui s’y rend à bord d’une Volvo vieux modèle;
- des vérifications permettent de savoir que Daniel Cozak réside au 54, rue Louis‑Jolliet à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier (permis de conduire et surveillance), se rend dans un chalet à Saint-Camille-de-Lellis appartenant à son épouse Ann Guilmette et est propriétaire d’une Volvo modèle V70;
- à l’entrée du chemin du chalet de Saint-Camille-de-Lellis une pancarte indique « chasseur à l’affût »;
- Daniel Cozak est observé le 27 novembre 2014 au 2224, du Viaduc;
- en janvier 2015, l’ASFC signale à la SQ une importation de la Chine de 400 kg d’hélional destinée à Pierre Dumont au 2224, du Viaduc, plutôt étiquetée comme étant du D-Panthenol;
- le numéro de téléphone de référence est le 418-[...9] qui a permis de joindre Daniel Cozak qui s’identifie finalement pour les fins du dédouanement comme étant le destinataire de l’importation;
- l’hélional fait partie des ingrédients servant à la fabrication de MDMA et est une substance qui entre dans la fabrication des précurseurs illégaux en vertu de la LRCDAS;
- un mandat de localisation du véhicule Ford F-150 appartenant à Daniel Cozak est autorisé le 2 février 2015[251] et renouvelé les 26 mars et 22 mai 2015. Il permet de noter qu’entre le 3 février et le 19 juin 2015, ce véhicule se rend à proximité du 218, Edmond-Blais à sept reprises, à quatre reprises au 2224, du Viaduc et à huit reprises à proximité du 380, chemin Soucy;
- une livraison contrôlée est autorisée le 2 février 2015 et effectuée au 2224, du Viaduc le 3 février 2015 permettant d’observer que i) Charles Cozak reçoit la marchandise destinée à Pierre Dumont constituée de 16 boîtes de carton contenant les bidons bleus de 25 kg de liquide identifié par l’AFSC comme étant de l’hélional, alors qu’il sort d’un véhicule loué, ii) Charles signe le bon de livraison au nom de Pierre Dumont, iii) à l’intérieur du garage du 2224, du Viaduc se trouvent notamment une remorque noire et 50 chaudières blanches vides d’une capacité de cinq gallons;
- l’hélional est un précurseur désigné à la LRCDAS (ce qui est faux et contredit par l’allégation précédente selon laquelle l’hélional est une substance qui entre dans la fabrication des précurseurs illégaux en vertu de la LRCDAS);
- une caméra est installée à l’extérieur du 2224, du Viaduc le 3 février 2015;
- le 6 février 2015, un mandat de localisation de la remorque observée au 2224, du Viaduc est émis. Il sera renouvelé les 31 mars et 4 juin 2015;
- la balise de localisation de cette remorque permet de noter qu’elle se rend à deux reprises à proximité du 380, chemin Soucy, à Lac Baker et à une occasion au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis;
- le 6 février 2015, un mandat autorise l’installation de la balise sur la remorque, mais aussi des vérifications à l’intérieur de la remorque et des prélèvements;
- le 12 février 2015, l’entrée au 2224, du Viaduc, à Charny permet d’observer la présence dans la remorque noire de 16 boîtes de carton contenant un produit, d’un détecteur de métal, de sacs scellés avec de la poudre cristalline, de tubes de silicone, de gants, de masques, de tamis et de sceaux de cinq gallons blancs remplis de poudre cristalline blanche;
- le 19 février 2015, Robin Bouchard, alors qu’il procède à l’exécution du mandat général du 6 février 2015, constate que les bidons de couleur bleue observés dans les boîtes livrées à Charles Cozak le 3 février 2015 se trouvent à l’intérieur de la remorque noire au 2224, du Viaduc et que les 16 caisses de carton contenant une poudre cristalline observées le 12 février 2015 s’y trouvent toujours;
- diverses observations de Charles, Daniel et Samuel Cozak en février et mars 2015 au 2224, du Viaduc, au 380, chemin Soucy, à la résidence de Samuel Cozak ou à celle de Charles Cozak;
- le 15 avril 2015, Robin Bouchard et Mario Pelletier observent Daniel Cozak au volant de son Ford F-150 sortir du stationnement du 2224, du Viaduc, alors que Daniel Cozak avait préalablement jeté dans le conteneur à déchets des boîtes, qui sont récupérées par le sergent-enquêteur Daniel Angers et qui correspondent à celles livrées le 3 février 2015;
- l’analyse de l’échantillon prélevé sur la boîte révèle qu’il s’agit bien d’hélional;
- l’observation du 7 mai 2015 révèle qu’une Volvo rouge est au 218, Edmond‑Blais, de même qu’une remorque noire similaire à celle restée au 2224, du Viaduc, à Charny;
- le 8 mai 2015, le sergent-enquêteur Steve Ruel reçoit deux certificats d’analyste attestant de la présence de chlorhydrate d’hydroxylamine dans les échantillons prélevés dans la remorque le 12 février 2015. Cette substance est légale, mais elle entre dans la production de drogue de synthèse qui est illégale;
- le 10 mai 2015, Robin Bouchard constate dans le cadre de l’exécution du mandat du 6 février 2015, que le contenu de la remorque noire est toujours identique au constat des 12 et 19 février 2015;
- l’obtention, le 11 mai 2015, d’un mandat général pour entrer au 218, Edmond-Blais et le constat le 28 mai 2015 lors de son exécution de la présence d’un système de sécurité et de caméras de surveillance sophistiqué empêchant l’entrée subreptice;
- l’obtention d’un mandat pour la localisation de la Ford Fusion de Charles Cozak le 11 mai 2015, non encore exécuté à ce moment en raison de modifications au véhicule destinées à rendre visible tout ajout d’équipement à la voiture;
- l’observation d’Alain Joncas en date du 12 mai 2015 selon laquelle une enveloppe au nom de Réparation P. Dumont se retrouve dans le véhicule Ford F-150 de Daniel Cozak;
- l’observation du 5 juin 2015 en après-midi découlant d’une surveillance physique de Charles Cozak, selon laquelle celui-ci utilise toujours sa Ford Fusion, mais loue un véhicule Challenger. Il récupère du capot de sa Ford Fusion un sac noir souple qu’il place sous le capot du véhicule loué dans lequel il quitte;
- le 8 juin 2015, la balise de localisation indique que le Ford F-150 de Daniel Cozak se rend d’abord à Montréal, pour aller ensuite directement à Lac Baker avec une remorque plateforme dans laquelle se trouve une boîte de carton de la grosseur d’un réfrigérateur;
- le 10 juin 2015, Daniel et Samuel Cozak se rendent au 2224, du Viaduc avec le Ford F-150 qui est reculé vis-à-vis la porte de garage et quittent avec la remorque noire. Samuel Cozak, au volant du Ford F-150, avec Daniel Cozak, se rendent au 380, chemin Soucy, à Lac Baker;
- le 11 juin 2015, le Ford F-150 de Daniel Cozak est observé avec la remorque noire au 380, chemin Soucy. Samuel Cozak y entre et sort;
- le 12 juin 2015, un mandat général est obtenu pour une entrée subreptice au 380, chemin Soucy, chalet propriété de Samuel Cozak depuis le 12 mai 2015, mais le 18 juin 2015, une vérification des lieux permet de constater la présence d’un système de caméras de surveillance sophistiqué, notamment à capacité infrarouge;
- le 12 juin 2015, Samuel Cozak est observé à Toronto avec le Ford F-150 de Daniel Cozak dans un commerce identifié comme étant Agile Manufacturing où des individus chargeront le véhicule d’un réservoir argenté sur un support bleu et une large pièce d’équipement, identifiés par la GRC comme étant un recycleur de solvant, utilisé dans les laboratoires chimiques;
- le 16 juin 2015, Daniel et Samuel Cozak sont observés au 380, chemin Soucy où Samuel Cozak décharge du matériel du véhicule et de la remorque noire vers le chalet : une valise noire, 24 gros bidons jaunes, un bac de plastique bleu, six bidons de type lave-vitre blancs à l’intérieur;
- le 16 juin 2015, Martin Savoie valide les antécédents judiciaires de Charles Cozak qui se déclinent comme suit : le 10 décembre 2012, sentence d’emprisonnement de quatre mois après un emprisonnement préventif de 18 mois, avec probation de trois ans pour trafic de substances désignées à l’article 5(1)(3)(a) de la LRCDAS, avoir manipulé une arme à feu à autorisation restreinte à l’article 86(2)(3)(a) du Code criminel et possession non autorisée d’une arme à feu à autorisation restreinte à l’article 91(2)(3)(a) du Code criminel et deux accusations de bris d’engagement;
- le 18 juin 2015, Mario Lindsay de la surveillance technologique de la SQ se rend près du véhicule Ford F-150 de Daniel Cozak et de la remorque noire pour effectuer un balayage électronique, il est en mesure de relever les signaux d’un brouilleur d’ondes;
- le 19 juin 2015, Suzie Gagné et Daniel Angers de l’ERM rencontrent Ginette Blouin, propriétaire de Dolbec International, qui les informe que Pierre Dumont a requis un devis pour le transport d’un « Sterlco hot oil temperature control unit » et qu’en octobre 2014, Daniel Cozak a requis les services de son entreprise pour un « electric cooker ».
[301] Me Jacques Casgrain, présente cette demande de mandat. À l’instruction, il décrit son rôle comme étant celui de vérifier que ce qui est présenté au juge autorisateur respecte les exigences jurisprudentielles et le Code criminel. Il s’assure que des faits objectifs confirment l’utilité d’un moyen de surveillance vidéo. Il se rappelle qu’après la lecture de l’affidavit de Martin Savoie, il était d’opinion que les allégations étaient largement suffisantes pour justifier l’émission du mandat, que les allégations de la source A étaient largement corroborées et que la nécessité à l’enquête de cette surveillance vidéo était largement justifiée, bien que non requise en raison des allégations d’organisation criminelle.
[302] Les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre de ce mandat de surveillance vidéo sont multiples.
[303] D’abord, ils réitèrent ceux formulés pour le mandat de livraison contrôlée du 2 février 2015 et ceux invoqués à l’encontre des mandats subséquents. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3., 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement.
[304] Qu’il suffise d’ajouter que Martin Savoie reconnaît que l’allégation selon laquelle l’hélional est un précurseur inscrit à la LRCDAS est fausse, mais qu’il a noté son erreur seulement en 2017, lors de la préparation du procès. Il reconnaît avoir reproduit malencontreusement l’erreur de Robin Bouchard. Cette erreur n’est certes pas intentionnelle. D’ailleurs, dans le même affidavit, il précise que l’hélional est une substance qui entre dans la fabrication des précurseurs illégaux en vertu de la LRCDAS et donc qu’il ne s’agit pas d’un précurseur inscrit à la LRCDAS.
[305] Les demandeurs reprochent aussi à Martin Savoie : i) d’indiquer dans son court résumé précédant les allégations précises que la source A est codée, sans préciser qu’elle ne l’est pas au moment où elle révèle l’information en 2014, ii) d’alléguer pour la première fois une infraction de participation aux activités d’une organisation criminelle dans l’unique but de bénéficier d’un mandat d’une plus longue période et afin d’éviter la nécessité de démontrer que cette technique d’enquête est nécessaire, iii) l’exagération voire l’invention de raisons de sécurité publique invoquées, iv) l’allégation inexacte quant à la présence d’un système de surveillance et de caméras sophistiqué au 218, Edmond‑Blais à Saint-Camille-de-Lellis, v) l’allégation inexacte quant à la présence d’un système de surveillance et de caméras sophistiqué, notamment à capacité infrarouge, au 380, chemin Soucy à Lac Baker, vi) l’allégation inexacte de l’existence d’un brouilleur d’ondes et vii) les observations de rencontres entre Daniel, Charles et Samuel Cozak pouvaient très bien n’être que des rencontres familiales.
[306] Le Tribunal note que les demandeurs tentent à nouveau de procéder à l’analyse de chacune des allégations, isolément, sans tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve cumulés et allégués, contrairement aux enseignements de la jurisprudence.
La source A codée postérieurement à la communication de l’information à la SQ
[307] Il est vrai qu’au moment où l’information est communiquée par la source A à l’automne 2014, cette source n’est alors pas codée ni contrôlée par la SQ. Elle l’est toutefois en 2015, à une date qui n’a pas été mise en preuve, mais préalablement à l’affidavit de Martin Savoie pour l’obtention du mandat de surveillance vidéo. Le paragraphe 4.1 de l’affidavit de Martin Savoie, qui expose les informations transmises en 2014, ne fait pas état d’une source codée ou contrôlée, ce qui est conforme à la réalité. L’annexe 2 portant sur le profil de la source A précise qu’elle a été codée et contrôlée en 2015, soit après la transmission de l’information à la SQ.
[308] L’affirmation contenue au résumé précédant les allégations de l’affidavit, selon laquelle l’enquête s’est amorcée à la suite d’informations provenant d’une source codée n’est pas fausse; il s’agit d’un sommaire de l’enquête et au moment de celui‑ci, la source est effectivement codée et contrôlée. Le juge autorisateur est informé aux termes de la section 4.1 et de l’annexe 2 du moment de cette codification. Aurait-il mieux valu que cette précision apparaisse au sommaire? Peut-être, mais le Tribunal estime que le juge autorisateur n’a pas été induit en erreur, que cette rédaction ne constitue pas une faute et qu’aucune intention de tromper de Martin Savoie n'a été mise en preuve.
[309] Au surplus, tel que mentionné précédemment, les informations de cette source A ont fait l’objet d’une certaine corroboration.
Infraction de participation aux activités d’une organisation criminelle
[310] Martin Savoie explique lors de son témoignage à l’instruction que cette notion de participation aux activités d’une organisation criminelle ne pouvait vraisemblablement être invoquée préalablement puisque l’implication d’au moins trois individus est requise. Or, l’implication plus active de Samuel Cozak se confirme avec l’acquisition du chalet sis au 380, chemin Soucy, à Lac Baker le 12 mai 2015, le transport de la remorque noire du 2224, du Viaduc, à Lac Baker et l’achat et le transport d’un recycleur de solvant en juin 2015.
[311] Martin Savoie reconnaît que l’allégation d’une infraction de participation aux activités d’une organisation criminelle permet de disposer d’une durée plus longue pour l’exécution du mandat et aussi de ne pas avoir à démontrer que d’autres méthodes d’enquête ont été essayées et ont échoué ou ont peu de chance de succès. Il indique toutefois qu’en 2015, il n’invoque pas cette infraction pour bénéficier de ces avantages, mais parce qu’il croit que les critères de cette infraction sont satisfaits. Le Tribunal prête foi au témoignage de Martin Savoie. D’ailleurs à l’époque, Martin Savoie croit plutôt que les allégations de son affidavit supportent la nécessité de cette méthode d’enquête, alors qu’il indique précisément :
Considérant que l’observation des activités des personnes mentionnées au paragraphe 3 [Daniel, Charles et Samuel Cozak] de cet affidavit est nécessaire pour mener à bien cette enquête;
Considérant que les autres méthodes d’enquête, utilisées seules ne pourraient me permettre de compléter la preuve de la commission de ces infractions.[252]
[312] L’affidavit de Martin Savoie relate aussi plutôt exhaustivement les méthodes d’enquête déployées jusque-là et permet au juge autorisateur de comprendre leurs limites pour la suite de l’enquête.
[313] Le Tribunal est d’avis que l’allégation d’une infraction de participation aux activités d’une organisation criminelle n’est pas fautive et qu’elle doit être prise en compte dans la révision du mandat. Même si elle ne devait pas l’être, les demandeurs n’exposent pas au Tribunal en quoi il aurait existé à l’époque et dans le contexte de l’enquête, une autre méthode ou technique d’enquête raisonnable.
Les raisons de sécurité publique
[314] Le Tribunal s’attardera peu sur ce motif puisqu’il apparaît clair que la production de drogue de synthèse constitue une activité allant à l’encontre de la santé publique, des consommateurs.
[315] Quant à la dangerosité des produits chimiques et du matériel de tels laboratoires de production, elle est certainement réelle. D’ailleurs, lors des démantèlements de tels laboratoires, les pompiers, ambulanciers et services d’urgence sont mis à contribution[253]. Même si cette allégation n’était pas prise en compte dans le cadre de la révision du mandat, elle ne porterait de toute façon pas à conséquence.
L’allégation relative à la présence d’un système de surveillance et de caméras sophistiqué au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis
[316] Les demandeurs font valoir que les caméras n’ont rien de sophistiqué, qu’il s’agit de caméras achetées chez Best Buy au coût de tout au plus 200 $ chacune[254]. Daniel Cozak indique plutôt que celles de Saint-Camille-de-Lellis ont été achetées au Costco[255].
[317] Selon le rapport du 19 juin 2015 de Serge Tessier, du Service de surveillance technologique de la SQ, diverses caméras sont identifiées au 218, Edmond-Blais lors d’une reconnaissance des lieux en date du 28 mai 2015 : une caméra à infrarouge à l’entrée du chemin, une de type WIFI sur le cabanon, deux dans des arbres (entre le chalet et le cabanon et à gauche à l’entrée du chemin) et d’autres caméras découvertes par d’autres membres de l’unité[256].
[318] Il n’est pas faux de référer à un système de surveillance et de caméras sophistiqué; la valeur des caméras ne contredit pas cette affirmation. Martin Savoie dit s’en être remis à l’équipe technique. Le Tribunal n’estime pas cette affirmation fautive ni fausse, surtout dans le contexte global de l’enquête.
[319] Pour les fins de la révision, elle doit être prise en compte.
L’allégation relative à la présence d’un système de surveillance et de caméras sophistiqué, notamment à capacité infrarouge, au 380, chemin Soucy, à Lac Baker
[320] Les demandeurs font valoir le même argument quant au coût des caméras et réfère à certaines photographies de caméras prises lors de la perquisition[257].
[321] Selon le rapport du 19 juin 2015 du capitaine Sébastien Ruel, de la GRC, diverses caméras de surveillance sont identifiées au 380, chemin Soucy lors d’une opération d’intrusion menée le 18 juin 2015 sur la foi des autorisations judiciaires obtenues[258], à savoir : au moins trois caméras à capacité infrarouge[259].
[322] À nouveau, il n’est pas faux de référer à un système de surveillance et de caméras sophistiqué; la valeur des caméras ne contredit pas cette affirmation que le Tribunal n’estime pas fautive ni fausse, surtout dans le contexte global de l’enquête.
[323] Pour les fins de la révision, cette allégation doit être prise en compte.
Le brouilleur d’ondes
[324] L’inexistence d’un brouilleur d’ondes avancée par Samuel Cozak lors de son témoignage est contredite par le Service de surveillance technique de la SQ qui, en date du 18 juin 2015, indique avoir effectué un balayage électronique près du Ford F-150 de Daniel Cozak et de la remorque noire RF2126S (initialement au 2224, du Viaduc) au 2355, de Bilbao où habite Samuel Cozak et avoir constaté que les ondes cellulaires étaient brouillées par un brouilleur d’ondes[260]. Martin Savoie pouvait se fier à l’information de son service technique.
[325] Au surplus, l’existence de brouilleurs d’ondes se confirmera avec les perquisitions du 9 septembre 2015 au 54, rue Louis-Jolliet, faisant perdre à Samuel Cozak toute crédibilité à l’égard de son affirmation selon laquelle un tel brouilleur d’ondes n’existait pas[261].
[326] L’allégation de Martin Savoie quant au brouilleur d’ondes n’est ni fausse ni fautive et doit être prise en compte pour les fins de la révision du mandat.
Les diverses observations de rencontres entre Daniel, Charles et Samuel Cozak pouvaient très bien n’être que des rencontres familiales
[327] Il est vrai que des membres d’une même famille peuvent se rencontrer sans qu’il n’y ait un dessein illégal. Toutefois les observations de ces rencontres par les enquêteurs sont généralement en lien avec le 2224, du Viaduc, le 218, Edmond-Blais, à Saint‑Camille-de-Lellis et le 380, chemin Soucy, à Lac Baker, où les enquêteurs peuvent aussi observer des produits chimiques, de l’hélional et dans le cas du Lac Baker, la présence d’un laboratoire. La courte durée des rencontres à Saint-Camille-de-Lellis ne laisse pas non plus croire à des rencontres pour passer du temps en famille.
[328] Ce n’est pas parce que des rencontres familiales peuvent se tenir qu’il devenait fautif d’alléguer ces rencontres dans le contexte global de l’enquête.
Conclusion quant au mandat de surveillance vidéo
[329] Le Tribunal, qui a fait l’exercice de révision du mandat de surveillance vidéo comme l’aurait fait le juge du procès criminel, eût-il procédé, conclut : i) qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge Hubert Couture de la Cour du Québec de délivrer le mandat de surveillance vidéo du 23 juin 2015 et à la juge Tracey DeWare de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick de le viser et ii) qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables établissant les motifs raisonnables et probables de croire de Martin Savoie que diverses infractions ont été ou seront commises et que l’autorisation permettrait d’obtenir la preuve de leur perpétration.
[330] L’ensemble des circonstances et des allégations de la dénonciation permettent cette conclusion, même en faisant abstraction de l’allégation fausse selon laquelle l’hélional est un précurseur inscrit à la LRCDAS et même en procédant à l’ajout, bien que non requis suivant le Tribunal, de la possibilité d’usage légitime en parfumerie de cette substance.
[331] Les demandeurs échouent à convaincre le Tribunal d’une quelconque intention de tromper de Martin Savoie.
1.1.22 Le mandat général du 30 juin 2015 en lien avec Dolbec International
Mandat # 25 suivant la pièce P-42[262]
[332] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel[263] pour permettre aux policiers d’exiger de Dolbec International de communiquer avec l’ERM toute soumission pour le transport et/ou le courtage en dédouanement et documents y afférents en lien avec les personnes d’intérêt dans l’enquête.
[333] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire que les infractions ci‑après indiquées ont été ou seront commises et que des renseignements relatifs à ces infractions seront obtenus grâce à cette technique d’enquête pour laquelle le mandat est requis :
- infraction de trafic de substances suivant l’article 5 de la LRCDAS;
- infraction de production de substances suivant l’article 7 de la LRCDAS;
- participation aux activités d’une organisation criminelle suivant l’article 467.11 du Code criminel;
- infraction au profit d’une organisation criminelle suivant l’article 467.12 du Code criminel;
- charger une personne de commettre une infraction suivant l’article 467.13 du Code criminel;
- complot pour commettre l’un ou l’autre de ces crimes suivant l’article 465 du Code criminel.
[334] Les allégations de Martin Savoie au soutien de sa dénonciation sont semblables à celles invoquées au soutien de l’obtention du mandat de surveillance vidéo du 23 juin 2015.
[335] À nouveau, les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ce mandat. Les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat de surveillance vidéo valent pour celui-ci. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc à la section 1.1.21 du présent jugement qui elle réfère aussi aux sections 1.1.3[264], 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement.
[336] Le Tribunal est donc d’avis que le juge de paix magistrat François Kouri avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat. Martin Savoie avait des motifs raisonnables de croire que les infractions alléguées ont été ou seront commises et que des renseignements relatifs à ces infractions seront obtenus grâce à l’utilisation de la technique d’enquête recherchée auprès de Dolbec International.
1.1.23 Renouvellement du mandat de localisation de la Ford Fusion du 10 juillet 2015
Mandat no 26 suivant la pièce P-42[265]
[337] Ce mandat est obtenu en vertu de l’article 492.1 du Code criminel et vise l’installation, l’activation, l’emploi, l’entretien, la surveillance et l’enlèvement d’une manière secrète d’une balise de localisation sur un camion de marque Ford, modèle Fusion noir, immatriculé [...R], propriété de Charles Cozak.
[338] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont pour la plupart reprises[266]. Robin Bouchard ajoute les différentes observations des 16, 29 et 30 juin 2015 selon lesquelles : i) Samuel Cozak se rend avec le Ford F-150 au 218, Edmond‑Blais avec la remorque noire qu’il recule près d’une remise, ii) les caméras de surveillance de Lac Baker révèlent la présence de Daniel, Charles et Samuel Cozak alors qu’ils travaillent dans le garage à l’installation de leurs équipements.
[339] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ce mandat. Les motifs invoqués pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015, le mandat de la remorque du 2224, du Viaduc et le Ford F-150 et les renouvellements, mentionnés aux points 1.1.3[267], 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement, pourraient être applicables. Le Tribunal réfère aux conclusions alors tirées.
[340] Le Tribunal est donc d’avis que le juge de paix magistrat Jean-Georges Laliberté avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat. Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de soupçonner que l’infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à la localisation du véhicule Ford Fusion de Charles Cozak.
[341] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée aux sections 1.1.3 et 1.1.12 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 10 juillet 2015.
1.1.24 Troisième renouvellement des mandats de localisation du Ford F-150 et de la remorque fermée noire 2126S des 10 et 29 juillet 2015
Mandats nos 27 et 28 suivant la pièce P-42[268]
[342] Ces renouvellements de mandats sont obtenus en vertu de l’article 492.1 du Code criminel et visent l’autorisation de continuer à employer les balises installées avec mandats sur le Ford F‑150 de Daniel Cozak et la remorque noire 2126S.
[343] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont reprises[269]. Quant au mandat du 29 juillet 2015, Robin Bouchard y ajoute les développements survenus depuis, notamment que : i) le 7 juillet 2015 Daniel et Samuel Cozak chargent une génératrice dans la remorque, achètent une cheminée et deux bonbonnes de propane de 100 livres, ii) le 8 juillet Daniel, Charles et Samuel Cozak travaillent alentour et à l’intérieur de la remorque, iii) le 11 juillet Daniel et Charles Cozak travaillent dans le garage du 380, chemin Soucy, à Lac Baker et effectuent notamment du travail sur le condensateur et installent deux tuyaux de caoutchouc au plafond.
[344] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ce mandat. Les motifs invoqués pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015, le mandat de la remorque du 2224, du Viaduc et le Ford F-150 et les renouvellements, mentionnés aux points 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement, pourraient être applicables. Le Tribunal réfère aux conclusions alors tirées.
[345] Les demandeurs font valoir, au moment du contre-interrogatoire de Sandra Rioux, que le texte du paragraphe 41 de la dénonciation de Robin Bouchard diffère du rapport de surveillance notamment de Harold Turcotte[270] en ce que la dénonciation ajoute l’élément suivant : Daniel, Charles et Samuel Cozak ont passé la plus garde partie de leur temps à travailler alentour et à l’intérieur de la remorque. Robin Bouchard n’a pas été contre-interrogé à ce sujet, ni n’a expliqué l’origine de cet ajout lorsqu’il témoigne en chef. Le Tribunal n’a pu retrouver une pièce, justifiant ou expliquant cette affirmation additionnelle et si tant est qu’elle existait, elle n’a pas été portée à l’attention du Tribunal. Dans les circonstances, le Tribunal estime que la dénonciation doit être lue sans cette affirmation qui ne vicie par ailleurs pas la dénonciation.
[346] Le Tribunal est donc d’avis que les juges de paix magistrats Jean-Georges Laliberté et Nicole Martin avaient, malgré le retrait des informations qui ne doivent pas être prises en compte, suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces renouvellements de mandats. Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de soupçonner que l’infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à la localisation du véhicule Ford F-150 de Daniel Cozak et de la remorque fermée noire 2126S.
[347] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée aux sections 1.1.3 et 1.1.12 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date des 10 et 29 juillet 2015.
1.1.25 Mandat général en lien avec la remorque fermée noire du 29 juillet 2015
Mandat no 29 suivant la pièce P-42[271]
[348] Ce mandat général autorisé par la juge Nicole Martin n’a pas été descellé, il n’a pas été déposé au dossier de la Cour et le Tribunal ne peut donc porter de jugement sur celui-ci.
1.1.26 Les mandats de perquisition des 27 et 28 août 2015 pour les 2224, du Viaduc à Charny, 218, Edmond-Blais à Saint-Camille-de-Lellis, 380, chemin Soucy à Lac Baker, 54, Louis-Jolliet à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, 274, du Parvis, appartement 202, 2355, rue de Bilbao, appartement 205, les véhicules automobiles de Daniel, Charles et Samuel Cozak et les remorques RF2126S et RF3235F
Mandats nos 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 43 suivant la pièce P-42[272]
[349] Ces mandats de perquisition sont requis en vertu de l’article 11(1) de la LRCDAS afin de saisir :
- le Ford F-150 [...L] de Daniel Cozak;
- des téléphones cellulaires ou intelligents, documents au nom de Réparation P. Dumont, facture concernant l’achat d’un Ist Solvent Recycler, ordinateur et ses périphériques, tout fichier, fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant dans le Ford F-150 de Daniel Cozak;
- la remorque cargo noire immatriculée RF2126S, accessoires de laboratoire, drogues (méthamphétamine), coupe, produits servant à la production de drogues (précurseurs) hélional, hydroxylamine chlorhydrate, masques, gants, chaudières, détecteur de métal se trouvant dans la province de Québec et au Nouveau‑Brunswick;
- la remorque cargo noire immatriculée RF3235F, accessoires de laboratoire, drogues (méthamphétamine), coupe, produits servant à la production de drogues (précurseurs) hélional, hydroxylamine chlorhydrate, masques, gants, chaudières, détecteur de métal, matériel servant à la construction se trouvant dans la province de Québec et au Nouveau-Brunswick;
- des téléphones cellulaires, ordinateur, Ipad, drogues (méthamphétamine), coupe, produits servant à la production de drogues (précurseurs) hélional, hydroxylamine chlorhydrate, balance, masques, gants, chaudières, détecteur de métal, recette chimique, plan du laboratoire, argent, documents de formules chimiques, armes à feu, chaudière, habit de protection individuel et spécialisé, matériel domestique (Javel) se trouvant au 380, chemin Soucy, à Lac Baker, dépendances et roulotte au Nouveau-Brunswick;
- des téléphones cellulaires, ordinateur, documents au nom de Réparation P. Dumont, documents de location de véhicules, relevés téléphoniques, clés pour entrer au 380, chemin Soucy, à Lac Baker et au 218, Edmond-Blais, à Saint‑Camille-de-Lellis, plan de laboratoire, recette chimique, documents concernant des formules chimiques, argent, ordinateur et ses périphériques, tout fichier, fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant au 274, du Parvis, appartement 202, à Québec;
- la Ford Fusion [...R] de Charles Cozak;
- des téléphones cellulaires ou intelligents, Ipad, agenda électronique, argent, documents au nom de Réparation P. Dumont, contrats de location, factures d’achat du commerce de Location d’outils Simplex, factures de Canadian Tire pour achat de tuyaux de plastique, clé du chalet se trouvant au 380, chemin Soucy, à Lac Baker, plan de laboratoire, recette chimique, clé du chalet sis au 218, Edmond‑Blais Saint-Camille-de-Lellis, ordinateur et ses périphériques, tout fichier, fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant dans la Nissan Sentra 2008 appartenant à Samuel Cozak;
- des téléphones cellulaires ou intelligents, agenda électronique, argent, documents au nom de Réparation P. Dumont, contrats de location de véhicule, documents d’achat de matériel chimique, ordinateur et ses périphériques, tout fichier, fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant dans la Ford Fusion de Charles Cozak;
- des téléphones cellulaires, ordinateur, Ipad, preuve de documents concernant l’achat du chalet au 380, chemin Soucy à Lac Baker, documents au nom de Réparation P. Dumont, facture concernant l’achat d’un Ist Solvent Recycler, clés pour entrer au 380, chemin Soucy, à Lac Baker, relevés téléphoniques, documents relatifs à la Banque Scotia, recette chimique, plan du laboratoire, documents concernant formule chimique et argent, ordinateur et ses périphériques, tout fichier (incluant textes), fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant au 2355, rue de Bilbao, appartement 205 et « locker »;
- des accessoires de laboratoires, caméras et équipements de surveillance, des documents et boîtes au nom de Réparation P. Dumont, des substances chimiques, des documents concernant des formules chimiques et recette de laboratoire, des chaudières blanches et contrat de location d’entrepôt se trouvant au 2224, du Viaduc à Charny;
- des téléphones cellulaires, ordinateurs, Ipad, preuve de documents concernant l’achat du chalet au 380, chemin Soucy, à Lac Baker, preuve de documents concernant l’achat du chalet au 218, rang Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis, documents au nom de Réparation P. Dumont, relevés téléphoniques et de cartes de crédit, matériel de laboratoire pour production de drogues, argent, documents relatifs à des formules chimiques et recettes de laboratoire, ordinateur et ses périphériques, tout fichier (incluant textes), fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant au 54, Louis-Jolliet, à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier et dépendances;
- des téléphones cellulaires, ordinateur, accessoires de laboratoire, documents concernant l’achat du 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis, caméras et équipements de surveillance, documents au nom de Réparation P. Dumont, substances chimiques, documents concernant des formules chimiques et recette de laboratoire, ordinateur et ses périphériques, tout fichier , fichiers et/ou photos, factures ou relevés de transactions pour l’achat de matériel au nom de Réparation P. Dumont, Dolbec International, Lumen, Agile Manufacturing, Drumco, Canadian Tire, Produits pétroliers Desroches, l’extraction des données contenues dans les ordinateurs, cellulaires et/ou téléphones intelligents et/ou Ipad et/ou clé USB et de tous supports informatiques se trouvant au 218, rang Edmond-Blais, à Saint‑Camille-de-Lellis et dépendances (cabanon).
[350] Ils requièrent des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS et 5(2) de la LRCDAS pour le mandat no 34, a été ou ont été commises et à la présence, dans l’un ou l’autre des lieux désignés aux mandats, d’un ou de plusieurs des biens décrits ci-avant qui sont :
- une substance désignée ou un précurseur ayant donné lieu à une infraction à la LRCDAS;
- un bien infractionnel;
- une chose qui servira de preuve relativement à une infraction à la LRCDAS ou à une infraction prévue aux articles 354 ou 462.31 du Code criminel.
[351] Les allégations au soutien de l’obtention du mandat de surveillance vidéo sont reprises pour l’obtention de ces mandats, en y ajoutant les développements survenus depuis. Quant au mandat pour la perquisition du 380, chemin Soucy, à Lac Baker, on allègue notamment les faits additionnels suivants :
- l’analyse des données obtenues de la balise de localisation de la remorque noire fermée RF2125S révèle que le 20 juin, la remorque s’immobilise au 2355, Bilbao à Québec, ensuite au 218, rang Edmond-Blais et finalement au 380, chemin Soucy, pour un retour le 21 juin 2015 au 54, rue Louis-Jolliet, à Sainte‑Catherine‑de-la-Jacques-Cartier;
- l’obtention d’un mandat de surveillance vidéo le 23 juin 2015;
- le constat lors de l’entrée subreptice du 27 juin 2015 au 380, chemin Soucy de la présence i) d’un réacteur d’environ 500 litres, ii) d’un recycleur à solvant, iii) de divers bidons de produits chimiques dont du Javel et du xylène, iv) d’un détecteur de métal, v) de deux chaudières contenant de la poudre blanche, vi) de plusieurs bidons bleus avec une écriture asiatique, vii) d’une quinzaine de sacs métalliques avec de la poudre blanche, viii) d’équipement de laboratoire spécialisé, ix) d’un ballon rond, x) d’un masque à cartouche et de la vaisselle de laboratoire, xi) d’une carabine de calibre 22 qui serait tronçonnée et xii) de l’hélional et du chlorhydrate d’hydroxylamine (tel que vu au 2224, du Viaduc);
- le 10 juillet 2015, Daniel et Charles Cozak placent des pipes sous le convecteur qui pend du plafond et tentent d’installer des lumières fluorescentes et Daniel Cozak branche le convecteur au réacteur;
- le 11 juillet 2015, Daniel et Charles Cozak travaillent dans le garage du 380, chemin Soucy, à Lac Baker. Ils effectuent notamment du travail sur le condensateur et installent deux tuyaux de caoutchouc au plafond;
- les 11 et 12 juillet 2015, Daniel et Charles Cozak s’affairent au 380, chemin Soucy;
- le 27 juillet 2015, selon le rapport de visionnement des caméras installées au 380, chemin Soucy, les gendarmes de la GRC observent ce qui suit : i) Daniel et Samuel Cozak sont sur les lieux, ii) Daniel Cozak porte un masque sur le nez et la bouche, iii) Daniel et Samuel Cozak vérifient le réacteur, iv) Samuel place un tuyau noir dans le réacteur, v) des manipulations de substances sont réalisées dans des chaudières (contenant jaunâtre, bidon bleu, substance blanche) et vi) Samuel Cozak vérifie avec une lampe de poche l’intérieur du réacteur et y vide le contenu d’une chaudière;
- le 28 juillet 2015, Daniel et Samuel Cozak sont au 380, chemin Soucy. Ils effectuent diverses manipulations dans le laboratoire et vident dans le réacteur les produits suivants : trois et demi à quatre chaudières de poudre blanche provenant des sacs métalliques (possiblement du chlorhydrate d’hydroxylamine / produit analysé à la suite de l’entrée subreptice au 2224, du Viaduc), un sac avec substance blanche, deux bidons bleus (possiblement de l’hélional / bidons ayant fait l’objet de la livraison contrôlée) et deux bidons jaunes (possiblement de l’éthanol), un autre bidon jaune vidé directement dans le réacteur et une substance inconnue liquide ou poudreuse;
- le 6 août 2015, Daniel et Samuel Cozak sont au 380, chemin Soucy et procèdent à des manipulations dans le laboratoire. Ils vident les produits suivants dans le réacteur : deux sacs avec substance poudreuse blanche provenant des sacs métalliques (possiblement du chlorhydrate d’hydroxylamine), une chaudière de poudre blanche, un sac clair avec substance poudreuse blanche, trois bidons bleus vidés dans le baril blanc et dans le tuyau du réacteur (possiblement de l’hélional), trois bidons jaunes d’éthanol, un bidon blanc et un bidon d’éthanol vidé directement dans le réacteur;
- le 7 août 2015, Daniel et Charles Cozak sont au 380, chemin Soucy et effectuent diverses manipulations dans le laboratoire. Ils vident les produits suivants dans le réacteur : deux chaudières de substance poudreuse (possiblement du chlorhydrate d’hydroxylamine / produit analysé à la suite de l’entrée subreptice au 2224, du Viaduc), un sac métallique, un sac clair avec substance poudreuse blanche, deux chaudières et demie de liquide qui ressemblent à des bidons bleus (possiblement de l’hélional) et cinq bidons jaunes d’éthanol;
- le 8 août 2015, Daniel et Charles Cozak sont au 380, chemin Soucy et effectuent des manipulations dans le laboratoire. Ils vident les produits suivants dans le réacteur : deux chaudières de substance poudreuse blanche (possiblement du chlorhydrate d’hydroxylamine / produit analysé à la suite de l’entrée subreptice au 2224, du Viaduc), un sac métallique et un sac clair de substance poudreuse blanche, cinq bidons d’éthanol, deux bidons bleus (possiblement de l’hélional). Charles Cozak vide un bidon bleu dans une chaudière qu’il semble avoir vidé dans un gros baril blanc;
- le 14 août 2015, Daniel et Charles Cozak sont toujours au 380, chemin Soucy et effectuent encore des manipulations dans le laboratoire. Ils remplissent le réacteur avec cinq chaudières jaunâtres en bloc (possiblement le résultat de l’étape 1 de production);
- le 15 août 2015, Daniel et Charles Cozak sont toujours au 380, chemin Soucy et effectuent encore des manipulations dans le laboratoire avec des protecteurs d’oreilles. Ils remplissent le réacteur avec une grosse tasse de poudre verdâtre (possiblement de l’acétate de nickel) et quatre gros bidons de bleu de xylène. L’étape 2 de production semble avoir été complétée.
[352] Les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015[273] et ceux invoqués à l’encontre des mandats subséquents valent pour les allégations reprises[274]. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9, 1.1.10 et 1.1.21 du présent jugement.
[353] Les demandeurs estiment de plus que les caméras ne permettaient pas de conclure à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire à la production de drogue, notamment puisque les substances incorporées au réacteur ne pouvaient être identifiées précisément.
[354] Pour conclure comme le font les demandeurs, il faudrait faire abstraction de la norme de « motifs raisonnables de croire » et de l’ensemble de la dénonciation dont les éléments importants suivants :
- une source A, codifiée au moment de la dénonciation pour le mandat de surveillance, les mandats subséquents et les mandats de perquisition, mais non encore codifiée au moment des premiers mandats obtenus, selon laquelle notamment Daniel et Charles Cozak, père et fils, œuvrent dans la production de méthamphétamine dans un laboratoire situé dans un petit chalet, propriété de Daniel Cozak, docteur en chimie, qui s’y rend dans un véhicule de marque Volvo vieux modèle;
- les confirmations obtenues selon lesquelles Daniel Cozak se rend effectivement dans un petit chalet situé au 218, Edmond-Blais, à Saint-Camille-de-Lellis, que ce chalet appartient à son épouse, qu’il est docteur en chimie, le père de Charles Cozak et qu’il est propriétaire d’un véhicule Volvo V70 1998;
- les antécédents de trafic de stupéfiants de Charles Cozak, aussi accusé de bris d’engagement;
- l’observation de Daniel Cozak au 2224, du Viaduc, à Charny;
- l’information de l’ASFC quant à l’importation de Chine de 400 kg d’hélional, ingrédient entrant dans la composition de MDMA, alors que ce produit est étiqueté comme étant du D-Panthenol (vitamine B), par Réparation P. Dumont et Pierre Dumont, qui s’avère être Daniel Cozak, destinée au 2224, du Viaduc, à Charny;
- la livraison contrôlée effectuée au 2224, du Viaduc qui permet de noter que Charles Cozak reçoit la livraison d’hélional (16 boîtes contenant 16 bidons bleus) en signant Pierre Dumont, alors qu’il s’est rendu au 2224, du Viaduc dans un véhicule loué;
- le constat à ce moment de la présence d’une remorque noire fermée et d’une cinquantaine de chaudières blanches;
- le constat par la suite, après une entrée subreptice à cette adresse, de la présence dans la remorque noire de chaudières remplies de poudre cristalline, de 16 boîtes de carton contenant un produit, de 12 sacs d’aluminium scellés avec poudre cristalline blanche, de gants, de masques et de tamis;
- l’analyse du contenu de l’un de ces sacs d’aluminium qui s’avèrera être du chlorhydrate d’hydroxylamine, entrant aussi dans la composition de drogue de synthèse;
- le constat que les bidons d’hélional sont ensuite placés dans la remorque noire;
- les diverses observations de Daniel, Charles et Samuel Cozak au chalet sis au 218, Edmond-Blais;
- le transport par Samuel et Daniel Cozak de la remorque noire vers le 380, chemin Soucy, à Lac Baker, chalet éloigné qui appartient à Samuel Cozak;
- l’acquisition par les demandeurs d’équipements de laboratoire : un recycleur de solvant, un « Sterlco hot oil temperature control unit », un « electric cooker »;
- la protection du 218, Edmond-Blais et du 380, chemin Soucy par plusieurs caméras avec capacité infrarouge;
- le constat de brouilleurs d’ondes à proximité du véhicule de Daniel Cozak;
- la présence de nombreux produits chimiques et équipements de laboratoire constatée lors de l’entrée subreptice au 380, chemin Soucy;
- l’installation d’un laboratoire au 380, chemin Soucy;
- les manipulations dans le laboratoire impliquant notamment les bidons bleus identifiés préalablement comme contenant de l’hélional et les sacs d’aluminium identifiés comme contenant du chlorhydrate d’hydroxylamine, deux ingrédients connus comme faisant partie de la production d’une drogue de synthèse.
[355] L’enquête permet de démontrer l’usage des véhicules Ford F-150 de Daniel Cozak et Ford Fusion de Charles Cozak de même que des deux remorques fermées noires pour la mise en place du laboratoire et le transport des produits chimiques dont l’hélional et le chlorhydrate d’hydroxylamine. Le véhicule Nissan est la propriété de Samuel Cozak et son usage est aussi noté au cours de l’enquête. Leur perquisition est supportée par les dénonciations de Robin Bouchard.
[356] Le 2224, du Viaduc a servi de lieu de transition pour l’hélional et le chlorhydrate d’hydroxylamine. Le 218, Edmond-Blais a servi minimalement d’entreposage de produits chimiques transportés par la suite au 380, chemin Soucy où s’est installé le laboratoire et où les demandeurs ont manipulé les différents produits chimiques dont l’hélional et le chlorhydrate d’hydroxylamine. Leur perquisition est supportée par les dénonciations de Robin Bouchard.
[357] Le 54, rue Louis-Jolliet est la résidence de Daniel Cozak, le 274, du Parvis le domicile de Charles Cozak et le 2355, Bilbao, appartement 205, le domicile de Samuel Cozak. Leur perquisition est supportée par les dénonciations de Robin Bouchard.
[358] Les arguments des demandeurs au soutien de la contestation des mandats de perquisition équivalent à requérir la certitude que les infractions ont été commises. Ce n’est toutefois pas ce que requiert l’article 11 de la LRCDAS. Pour émettre les mandats de perquisition, la juge autorisatrice n’avait pas à déterminer qu’il avait été démontré de façon concluante ou certaine (« conclusively establish ») que les infractions visées avaient été commises et que les éléments recherchés se trouveraient aux lieux indiqués. Il suffisait qu’elle ait une croyance raisonnable qu’il pouvait y avoir une substance désignée ou un précurseur, un bien qui contient ou recèle une telle substance ou précurseur, un bien infractionnel ou une chose qui servira de preuve relativement à une infraction en vertu de la LRCDAS[275]. Robin Bouchard devait et a ainsi présenté dans ses dénonciations des motifs raisonnables de croire à la commission des infractions et à la présence des éléments recherchés en ces lieux.
[359] La juge autorisatrice pouvait tirer des inférences relativement à la commission des infractions et aux éléments de preuve qui seront trouvés, pourvu que ces inférences soient raisonnables à la lumière des faits énoncés dans la dénonciation[276].
[360] Le Tribunal est d’avis que la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces mandats de perquisition. Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire à la commission de l’infraction de production de stupéfiants et que les biens dont on requiert la perquisition et/ou la fouille sont des biens infractionnels, serviront de preuve relativement à une infraction à la LRCDAS ou sont ou contiennent une substance désignée ou un précurseur.
1.1.27 Le mandat général du 27 août 2015 pour une entrée subreptice au 2224, du Viaduc
Mandat no 35 suivant la pièce P-42[277]
[361] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel pour entrer subrepticement au 2224, du Viaduc, afin de prélever des échantillons de substances, de procéder à l’inventaire du contenu de la remorque dans l’entrepôt, de photographier, filmer ou photocopier tout document, de faire des copies miroirs de système informatique ou de surveillance pertinentes à l’enquête.
[362] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction à l’article 7(1) de la LRCDAS a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette entrée subreptice et autres techniques d’enquête pour lesquelles le mandat est requis.
[363] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont généralement reprises[278].
[364] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ce mandat. Les motifs invoqués pour le mandat général pour une livraison contrôlée du 2 février 2015[279] et ceux invoqués à l’encontre des mandats subséquents valent pour les allégations reprises. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9, 1.10 et 1.21 du présent jugement.
[365] Il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables permettant à la juge de paix magistrate Sylvie Marcotte d’autoriser ce mandat et établissant les motifs raisonnables et probables de croire de Robin Bouchard qu’une infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à l’utilisation d’une technique d’enquête, en l’espèce une entrée subreptice au 2224, du Viaduc.
1.1.28 Les renouvellements de mandats de localisation des Ford F-150 et Ford Fusion du 4 septembre 2015
Mandats nos 44 et 45 suivant la pièce P-42[280]
[366] Ces renouvellements de mandats sont obtenus en vertu de l’article 492.1 du Code criminel et visent l’autorisation de continuer à employer les balises de localisation installées avec mandats sur le Ford F‑150 de Daniel Cozak et la Ford Fusion de Charles Cozak.
[367] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents sont généralement reprises[281], en y ajoutant les développements propres à ces véhicules, à savoir : i) le 20 août 2015, une surveillance physique permet de noter que le Ford F-150 est utilisé pour transporter deux boîtes de carton et un chariot rétractable vers le Nouveau-Brunswick et ii) que le chariot rétractable était d’abord dans le véhicule Ford Fusion.
[368] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ces mandats. Les reproches invoqués pour le mandat général de livraison contrôlée du 2 février 2015[282], pour le mandat de la remorque du 2224, du Viaduc et le Ford F-150 et renouvellements valent pour les allégations reprises. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc aux sections 1.1.3, 1.1.5 et 1.1.9 du présent jugement.
[369] Les demandeurs font valoir, au moment du contre-interrogatoire de Sandra Rioux, que le texte du paragraphe 24 de la dénonciation de Robin Bouchard pour le mandat no 44 et le paragraphe 21 de sa dénonciation pour le mandat no 45 diffèrent du rapport de surveillance de Steve Ruel, Alain Joncas et Robin Bouchard[283] en ce que la dénonciation ajoute les éléments suivants : le chien est tenu en laisse, Charles Cozak regarde de gauche à droite, Daniel Cozak passe devant Charles Cozak avec son F-150 et Charles Cozak et Daniel discutent un peu. Comme Sandra Rioux, le Tribunal estime que les faits rapportés demeurent essentiellement les mêmes et qu’ils ne changent rien à l’existence d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces renouvellements. Que le chien soit en laisse ou pas, que Charles Cozak regarde ou pas de gauche à droite, que Daniel Cozak passe devant Charles Cozak avec son F-150 ou pas et que Daniel et Charles Cozak discutent un peu ou pas, un fait demeure : Daniel et Charles Cozak se rencontrent le 10 mars 2015 sur la rue du Parvis et entrent au domicile de Charles Cozak, après que Daniel Cozak soit passé au 2224, du Viaduc. Il est crédible de penser que Robin Bouchard se souvenait du chien en laisse et que pour que Daniel Cozak puisse rencontrer Charles Cozak et entrer chez celui-ci, il devait stationner son F-150 et du coup passer devant Charles Cozak.
[370] Le Tribunal est donc d’avis que le juge de paix magistrat Yannick Couture avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce renouvellement de mandat pour la localisation de la Ford Fusion et du F-150.
[371] Finalement, les demandeurs ne parviennent toujours pas à établir une quelconque intention de tromper de Robin Bouchard. Le Tribunal réitère que la question du précurseur inscrit à la LRCDAS est traitée aux sections 1.1.3 et 1.1.12 et n’avoir aucune preuve que cette croyance sincère de Robin Bouchard est modifiée en date du 4 septembre 2015.
1.1.29 Le mandat visant l’obtention de factures de vente de Laboratoire MAG
Mandat no 46 suivant la pièce P-42[284]
[372] Ce mandat général est requis en vertu de l’article 487.01(1) du Code criminel pour permettre aux policiers d’exiger de Laboratoire MAG les factures de vente du 1er août au 4 septembre 2015.
[373] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire que l’infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à cette infraction seront obtenus grâce à cette technique d’enquête pour laquelle le mandat est requis.
[374] Les allégations de Robin Bouchard au soutien de sa dénonciation sont pour la plupart semblables à celles invoquées lors de l’obtention des mandats précédents[285]. Robin Bouchard ajoute ce qui suit : i) le 27 août, Daniel Cozak se rend au laboratoire MAG et fait charger dans la boîte de son Ford F-150 un gros contenant de plastique contenant un liquide jaune pâle et cinq poches blanches de 75 cm X 45 cm X 15 cm et ii) ce contenant de plastique est apporté au 380, chemin Soucy le 28 août 2015.
[375] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ce mandat. Les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat de surveillance vidéo valent pour les allégations reprises. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc à la section 1.1.21 du présent jugement qui elle réfère aussi aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10 du présent jugement.
[376] Le Tribunal est d’avis que le juge de paix magistrat Yannick Couture avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat général afin d’obtenir les factures de vente de laboratoire MAG entre le 1er août et le 4 septembre 2015. Robin Bouchard avait des motifs raisonnables de croire que l’infraction de production de stupéfiants a été ou sera commise et que l’obtention de ces factures était susceptible de faire progresser l’enquête.
1.1.30 Le télémandat de perquisition du Ford GMC Yukon du 6 septembre 2015
Mandat no 47 suivant la pièce P-42[286]
[377] Le mandat déposé comme pièce D-1 est incomplet, la page 15 de 16 étant manquante, le Tribunal n’est pas en mesure d’effectuer un exercice de révision de ce mandat pour lequel les demandeurs n’ont de toute façon avancé aucun motif pour soutenir son invalidité.
1.1.31 Les mandats d’entrée pour les domiciles de Daniel, Charles et Samuel Cozak du 8 septembre 2015
Mandats nos 48, 49 et 50 suivant la pièce P-42[287]
[378] Il s’agit de mandats d’entrée pour procéder à l’arrestation sans mandat de Daniel, Charles et Samuel Cozak.
[379] Ces mandats sont obtenus en vertu des articles 487.1, 529.1, 529.4 et 529.5 du Code criminel et requièrent des motifs raisonnables d’arrêter Daniel, Charles et Samuel Cozak sans mandat aux termes de l’article 495(1)a) ou b) du Code criminel et qu’ils se trouvent ou se trouveront dans une maison d’habitation au moment de leur arrestation.
[380] Robin Bouchard reprend pour l’essentiel les allégations au soutien de l’obtention des mandats précédents ajoutant notamment que : i) le 2 septembre 2015, Daniel et Charles Cozak sont au 380, chemin Soucy et font un liquide de couleur brune, placé d’abord dans un baril blanc et ensuite dans un ballon chimique et transvidé, ii) ce même jour, Charles Cozak fait des échantillons en y mettant de la poudre grise, iii) le petit paquet ainsi préparé est placé dans le capot du Ford F-150 par Charles Cozak qui l’apporte à son domicile de la rue du Parvis[288], iv) le 4 septembre 2015, Charles Cozak loue un véhicule Yukon, ouvre le capot du véhicule et se rend éventuellement au 380, chemin Soucy, v) le 5 septembre 2015, Daniel et Charles Cozak s’affairent au 380, chemin Soucy à peser et emballer une substance et vi) le 6 septembre 2015, Daniel et Charles Cozak commencent à travailler dans le laboratoire à partir de 7 heures 45. Ils transportent des chaudières, identifient des paquets et font brûler des déchets dehors dans un baril de couleur foncée.
[381] Il est à noter que les mandats d’entrée pour procéder à l’arrestation sans mandat de Daniel et Charles Cozak, respectivement sur la rue Louis-Jolliet et du Parvis n’ont pas été exécutés puisqu’ils ne s’y trouvaient pas.
[382] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ces mandats. Les reproches invoqués pour le mandat de surveillance vidéo et des mandats de perquisition des 27 et 28 août 2015 valent pour les allégations reprises[289]. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc à la section 1.1.21 du présent jugement, qui elle réfère aussi aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10. Le Tribunal réfère également à la section 1.1.26 du présent jugement.
[383] Les demandeurs laissent entendre que Robin Bouchard aurait dû évaluer la possibilité que le petit paquet mis dans le capot n’était que le cellulaire de Charles Cozak qui avait une interdiction d’en posséder un et que le juge autorisateur aurait dû être avisé de cette possibilité. Le Tribunal est en désaccord avec cette prétention des demandeurs; les observations au 380, chemin Soucy permettaient à Robin Bouchard d’avoir des motifs raisonnables de croire que le paquet était plutôt la substance fabriquée dans le laboratoire. D’ailleurs, le Tribunal rappelle que le juge réviseur ne doit pas examiner les éléments de preuve individuels hors contexte en cherchant d’autres inférences disculpatoires.
[384] Le Tribunal est d’avis que le juge Steve Magnan de la Cour du Québec avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ces mandats d’entrée dans une maison d’habitation afin de procéder à l’arrestation sans mandat de Daniel, Charles et Samuel Cozak. Robin Bouchard avait des motifs raisonnables et probables de croire que Daniel, Charles et Samuel Cozak ont commis un acte criminel, soit la production de drogue et qu’ils se trouvent ou se trouveront dans une maison d’habitation au moment de leur arrestation
1.1.32 Le mandat de perquisition du 9 septembre 2015 pour un coffre de sécurité à la CIBC
Mandat no 51 suivant la pièce P-42[290]
[385] Ce mandat de perquisition est requis en vertu de l’article 11(1) de la LRCDAS afin de saisir les documents de P. Dumont et de l’argent.
[386] Il requiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction aux articles 7(1) et 5(2) de la LRCDAS a été commise et à la présence, en un lieu, d’une chose qui servira de preuve relativement à une infraction à la LRCDAS ou à une infraction prévue aux articles 354 ou 462.31 du Code criminel.
[387] Les allégations au soutien de l’obtention des mandats de perquisition précédents sont reprises, en y ajoutant les développements survenus depuis, notamment :
- le 9 septembre 2015, alors que l’ERM procède à la perquisition du 54, rue Louis‑Jolliet à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, deux clés d’un coffret d’une banque sont trouvées;
- le 9 septembre 2015, Ann Guilmette informe la SQ que ces clés étaient relatives à un coffret de sûreté no146 de la CIBC;
- le 9 septembre 2015, alors que l’ERM procède à la perquisition du 54, rue Louis‑Jolliet à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, un document de location de coffret de sécurité à la CIBC sise au 2880, chemin des Quatre-Bourgeois, portant le numéro de coffre B-00152, clé 146, est trouvé.
[388] Les demandeurs n’invoquent pas d’arguments précis au soutien de l’invalidité de ces mandats. Les reproches invoqués par les demandeurs à l’encontre du mandat de surveillance vidéo et des mandats de perquisition des 27 et 28 août 2015 valent pour les allégations reprises[291]. Ces reproches commandent les mêmes conclusions. Le Tribunal réfère donc à la section 1.1.21 du présent jugement qui elle réfère aussi aux sections 1.1.3, 1.1.5, 1.1.9 et 1.1.10. Le Tribunal réfère également à la section 1.1.26 du présent jugement.
[389] Le Tribunal est d’avis que le juge Jean Asselin de la Cour du Québec avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour délivrer ce mandat de perquisition d’un coffret de sécurité à la CIBC.
1.1.33 Le mandat de perquisition du 9 septembre 2015 pour une perquisition au 215, rue Caron
Mandat no 52 suivant la pièce P-42[292]
[390] Ce mandat n’ayant pas été exécuté, l’analyse de celui-ci n’est pas requise.
1.1.34 Le défaut d’avis d’exécution de certains mandats
[391] L’article 487.01(5.1) du Code criminel précise que le mandat qui autorise un agent de la paix à perquisitionner secrètement doit exiger qu’un avis de la perquisition soit donné dans un certain délai suivant son exécution. Le Tribunal précise que le Code criminel ne prévoit pas de forme ou de formule particulière pour cet avis[293].
[392] En l’espèce, les 12 mandats généraux obtenus et exécutés requéraient de tels avis d’exécution, qui ont été exigés par les juges autorisateurs, à savoir :
- les mandats nos 2, 5 et 8 qui requéraient ces avis au plus tard à une date précisée en février 2016;
- les mandats nos 12, 15 et 17 qui requéraient ces avis au plus tard à une date précisée en mai 2016;
- les mandats nos 21 et 23 qui requéraient ces avis au plus tard à une date précisée en juin 2016;
- le mandat no 35 qui requérait cet avis au plus tard le 27 août 2016; et
- le mandat no 46 qui requérait cet avis au plus tard le 4 septembre 2016.
[393] Lorsque des autorisations judiciaires ont été délivrées sur la foi d’informations obtenues en vertu des mandats requérant des avis d’exécution, les délais pour ces avis n’étaient pas expirés.
[394] Plus encore, lorsque les accusations ont été portées contre Daniel, Chales et Samuel COzak le 9 septembre 2015, les délais pour donner ces avis d’exécution n’étaient alors pas expirés. Or, dès le 17 septembre 2015, Daniel, Charles et Samuel Cozak sont avisés de ces mandats généraux par Alain Joncas, par le biais de la divulgation de la preuve d’un premier CD, SQ1, et par la suite[294]. Ils sont ainsi informés de leur exécution et des résultats de celle-ci avant les délais fixés par les juges autorisateurs.
[395] Le Tribunal est d’avis que la divulgation de la preuve dans le cadre des accusations contre Daniel, Charles et Samuel Cozak équivaut aux avis d’exécution des mandats généraux requis quant à eux. Ils ont été informés des mandats en temps utile et ont eu l’opportunité de contester leur validité.
[396] Quant aux avis d’exécution au tiers concerné par seulement deux de ces mandats secrets[295], à savoir Ann Guilmette, en lien avec le 218, Edmond-Blais, à Saint‑Camille-de-Lellis, ils lui ont été communiqués le 25 janvier 2018[296]. Ils sont cependant tardifs. Le Tribunal note qu’Ann Guilmette ne s’en plaint pas aux termes de la demande introductive d’instance de novembre 2018. Elle ne témoigne pas en regard de ces mandats et des impacts de la divulgation tardive de ceux-ci. Bien que le Tribunal puisse constater une certaine atteinte à la protection d’Ann Guilmette contre les fouilles, perquisitions ou saisies abusives[297], il n’a aucun élément lui permettant d’établir une réparation convenable et juste au sens de l’article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Il n’est pas non plus question d’une exclusion des éléments de preuve puisqu’elle n’a pas été accusée.
[397] La tardivité de l’avis d’exécution à Ann Guilmette permet-elle aux demandeurs Daniel, Charles et Samuel Cozak de plaider qu’elle constitue une conduite étatique inéquitable ou vexatoire au point de contrevenir aux notions fondamentales de justice, minant aussi l’intégrité du système de justice? Le Tribunal ne le croit pas.
[398] Le Tribunal précise que contrairement à ce qui prévalait dans l’affaire R. c. Brunelle[298] : i) les mandats exigeant l’avis d’exécution ne visaient que les demandeurs qui ont été accusés, sauf pour les deux mandats secrets qui visaient le 218, Edmond‑Blais, à Saint-Camille-de-Lellis et requéraient un avis à Ann Guilmette[299], ii) la divulgation de la preuve permettait aisément aux accusés, en l’espèce aux demandeurs, d’identifier ces mandats dans les délais requis pour les avis d’exécution, iii) la divulgation à Ann Guilmette, à titre de tiers, bien que tardive, ne découle pas des remarques du juge au stade d’une requête en arrêt des procédures et le Tribunal n’est pas en mesure de conclure à un laxisme institutionnel. Il est de plus important d’ajouter que la Cour supérieure a décidé que le défaut d’avis d’exécution n’aurait pas permis à lui seul l’arrêt des procédures et que la Cour d’appel dans le dossier Brunelle a ordonné un nouveau procès, invitant le nouveau juge à évaluer l’impact, s’il y a lieu, que doivent avoir l’omission d’informer les tiers en temps opportun de la délivrance des mandats généraux secrets, ne confirmant donc pas, ni n’infirmant la position prise à cet égard par le juge de la Cour supérieure[300]. D’ailleurs, cet arrêt de la Cour d’appel a fait l’objet d’un appel à la Cour suprême du Canada et le jugement rendu récemment ne revient pas sur la question de l’absence d’avis d’exécution de mandats, sauf pour relater la décision de la Cour supérieure à cet égard[301].
[399] À tout évènement, le Tribunal est d’avis que s’il en était venu à la conclusion que la divulgation de la preuve ne peut constituer l’avis d’exécution, ou que Daniel, Charles et Samuel Cozak pouvaient se plaindre des avis tardifs quant à Ann Guilmette, ce que le Tribunal ne retient pas, il appert que les critères de l’arrêt Grant[302] pour obtenir l’exclusion de la preuve obtenue à la suite de l’exécution de ces mandats en vertu de l’article 24(2) de la Charte canadiennes des droits et libertés ne sont pas satisfaits[303]. Ils n’ont d’ailleurs pas fait l’objet de représentations particulières.
[400] Le Tribunal aurait été d’avis que : i) les enquêteurs n’ont pas agi de mauvaise foi et que la conduite attentatoire de l’État n’aurait pas été de nature à laisser croire que la justice tolère une inconduite grave de l’État, même si les enquêteurs ne pouvaient ignorer les exigences de la loi en matière d’avis d’exécution, ii) la divulgation de la preuve et l’avis tardif minimisent les impacts d’un non-respect des droits constitutionnels des demandeurs, ne permettant pas de croire que les droits individuels ont peu de poids et iii) l’intérêt de la société, n’eut été l’arrêt des procédures pour défaut d’avoir pu être jugés dans un délai raisonnable, aurait été mieux servi par la continuation du procès et l’inclusion de la preuve. La pondération de ces facteurs mènerait le Tribunal à conclure que cette preuve ne devrait pas être exclue.
1.1.35 L’usage de fausses informations pour les mandats les plus « sensibles »
[401] Quant à l’argument des demandeurs selon lequel Robin Bouchard allègue que l’hélional est un précurseur inscrit à la LRCDAS lorsque les mandats sollicités sont plus sensibles, il n’est pas démontré, mais contredit par la preuve. En effet, les dénonciations au soutien de l’obtention du mandat d’entrée subreptice au 218, Edmond‑Blais[304], du mandat général pour l’obtention d’informations sur la téléphonie, l’internet et la câblodistribution[305], du mandat d’entrée subreptice au 380, chemin Soucy, à Lac Baker[306], des mandats de perquisition[307] et des mandats d’entrée dans une maison d’habitation[308] ne contiennent pas cette affirmation. Il s’agit certainement de mandats « sensibles » pour reprendre les propos des demandeurs aux termes de leur demande introductive d’instance. De plus certaines dénonciations pour l’obtention de mandats de localisation qui ne requièrent que des soupçons raisonnables contiennent cette allégation selon laquelle l’hélional est un précurseur inscrit à la LRCDAS[309].
[402] Le Tribunal estime que la répétition ou non de l’inexactitude de la qualification fautive de l’hélional comme précurseur n’a pas été planifiée ou intentionnelle et que le fait qu’elle apparaisse à certaines dénonciations et pas à d’autres ne permet pas d’inférer que cette inexactitude soit volontaire.
[403] Le fait que certaines dénonciations ne font pas état de cette qualification et que les mandats ont été délivrés démontre toutefois que le reliquat des dénonciations qui alléguaient cette qualification était suffisant pour justifier la délivrance des mandats.
1.1.36 Conclusion générale quant aux mandats obtenus
[404] Des mandats moins intrusifs ont d’abord été requis. Au fur et à mesure de la progression de l’enquête et de la mise en place des diverses méthodes d’enquête autorisées, l’objet pour lequel l’enquête avait débuté se précisait.
[405] Les dénonciations au soutien de l’obtention des différents mandats permettaient, de l’avis du Tribunal, aux différents juges autorisateurs de les délivrer, même si certaines affirmations, peu nombreuses et identifiées précédemment, sont inexactes et ne doivent pas être prises en compte. Le reliquat des dénonciations comportait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour que les mandats soient autorisés. Les juges autorisateurs pouvaient délivrer les mandats en considération de l’ensemble des circonstances et des faits allégués analysés globalement, incluant le comportement des demandeurs au cours de l’enquête et en tenant compte de l’expérience des enquêteurs dénonciateurs[310].
[406] Les demandeurs ont échoué à faire valoir que les informations inexactes ont été affirmées volontairement, dans le but de tromper les juges autorisateurs et de manière à déconsidérer l’administration de la justice. Aucune preuve ne permet de conclure ainsi. Il n’est pas question d’obtention frauduleuse des mandats comme le martèlent les demandeurs. Le Tribunal rappelle qu’il ne suffit pas de tirer des conclusions, encore faut‑il que les faits les supportent. L’usage de faux documents, l’usage du statut de policier des enquêteurs avec une intention malhonnête et la mauvaise foi n’ont pas été prouvés. Il est d’ailleurs faux et grave de prétendre que Robin Bouchard et Martin Savoie ont trompé les juges autorisateurs pour enquêter sur des actes qu’ils savaient ne pas constituer des crimes.
[407] Les mandats sont présumés valides. Les demandeurs n’ont pas satisfait le fardeau qui était le leur de démontrer que suivant la prépondérance des probabilités, les mandats obtenus au cours de l’enquête auraient été invalidés, ni que s’ils l’eurent été, la preuve en découlant aurait été exclue. Un exercice conforme à l’arrêt Grant[311] se serait imposé et les demandeurs n’ont pas fait la démonstration qu’eu égard aux circonstances, l’utilisation des éléments obtenus aux termes des différents mandats auraient été susceptibles de déconsidérer la justice. Ainsi, la faute de Robin Bouchard quant à l’allégation de précurseur n’est pas causale.
1.2 La pose d’une caméra pour surveiller la cour arrière du 2224, du Viaduc
[408] Les demandeurs reprochent à la SQ l’installation sans mandat d’une caméra le 3 février 2015[312], permettant de filmer en continu et de voir l’arrière du 2224, du Viaduc, à l’extérieur[313]. Partie de cet immeuble a été louée par Pierre Dumont, sans bail écrit et payable en argent comptant à la demande de celui-ci, pour des périodes de trois mois. Le propriétaire de l’immeuble et son adjointe ont identifié leur locataire Pierre Dumont par les photos présentées comme étant dans les faits Daniel Cozak[314].
[409] L’analyse des enregistrements de cette caméra[315] permet notamment les constats suivants :
- le 15 avril 2015, Daniel Cozak jette des boîtes de carton dans le conteneur orangé[316];
- le 10 juin 2015, Daniel et Samuel Cozak accrochent la remorque fermée noire RF2126S qui se trouvait dans l’entrepôt au Ford F-150 de Daniel Cozak et quittent avec celle-ci[317];
- le 26 août 2015, Daniel et Samuel Cozak apportent un congélateur dans une remorque ouverte qu’ils laissent à l’intérieur de l’entrepôt[318];
- le 28 août 2015, Daniel Cozak récupère la remorque avec le congélateur[319].
[410] Rappelons d’abord, comme l’a fait la Cour d’appel dans l’arrêt Gignac c. R.[320], que la protection garantie par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés est vaste et générale[321], qu’elle protège le droit à la vie privée[322]. La protection ne vise toutefois que l’attente raisonnable d’une personne au respect de sa vie privée.
[411] « [L]a question de savoir si une personne a une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée ne peut être tranchée que dans le contexte factuel particulier de la surveillance, et non en fonction d’une notion générale de respect de la vie privée dans une société libre et démocratique dont une personne jouit en tout temps »[323]. Dans cet exercice, il faut retenir « qu’il existe une différence importante entre le risque que nos activités soient observées par d’autres personnes et le risque que des agents de l’État, sans autorisation préalable, enregistrent de façon permanente ces activités »[324].
[412] Pour établir une atteinte à l’article 8 de la Charte des droits et libertés, la preuve doit démontrer i) une attente subjectivement et objectivement raisonnable de vie privée à l’égard de l’objet visé par la fouille, la perquisition ou la saisie, qui s’appréciera en fonction de toutes les circonstances[325], de même que ii) l’existence d’un abus par l’État de cette attente raisonnable.
[413] L’évaluation contextuelle requise, notamment puisque cette disposition protège les personnes et non les lieux, se fait à la lumière de circonstances pertinentes telles celles énumérées par la Cour suprême dans les arrêts Edwards, Tessling et Patrick[326], résumées comme suit par les auteurs Vauclair, Desjardins et Lachance dans leur Traité général de preuve et de procédure pénales[327] :
(1) Est-ce que l'intéressé était présent au moment de la perquisition ?
(2) Est-ce que l'intéressé avait la possession ou le contrôle du bien ou du lieu faisant l'objet de la fouille ou de la perquisition ? Pouvait-il régir l'accès au lieu, y compris le droit d'y recevoir ou d'en exclure autrui ?
(3) À qui appartient le bien ou le lieu ? L'intéressé possède-t-il un droit direct sur la chose saisie ?
(4) Quel est l'usage historique de la chose saisie ? Les éléments de preuve recueillis, par leur objet ou leur nature, révèlent-ils des informations privées ?
(5) L'intéressé avait-il une attente subjective en matière de vie privée ?
(6) Considérant notamment les éléments qui suivent, l'intéressé avait-il une attente raisonnable, sur le plan objectif en matière de vie privée ?
a) L'endroit où a eu lieu la perquisition et, s'il s'agit d'une propriété privée, l'intrusion de l'État a-t-elle une incidence sur l'analyse relative au droit au respect de la vie privée ?
b) L'information ou l'objet était-il à la vue du public ?
c) L'information ou l'objet avait-il été abandonné ?
d) L'information ou l'objet révélait-il des détails intimes sur le mode de vie ou des renseignements d'ordre biographique ?
e) Des tiers possédaient-ils déjà les renseignements et si oui, étaient-ils visés par une obligation de confidentialité ?
f) La technique policière a-t-elle porté atteinte au droit à la vie privée ?
g) La technique de fouille ou de surveillance elle-même était-elle envahissante ou déraisonnable d'un point de vue objectif et si oui, quelle est son incidence sur le droit au respect de la vie privée ?
[414] La Cour d’appel souligne dans l’arrêt Gignac, que le lieu où se déroule la surveillance électronique est « un élément important de l’examen de la situation de fait »[328].
[415] La Cour suprême dans l’arrêt Spencer[329] résume en ces termes l’exercice de détermination de l’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée :
[17] On détermine s’il existe une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée, compte tenu de l’ensemble des circonstances, en examinant et en soupesant un grand nombre de facteurs interreliés qui comprennent à la fois des facteurs relatifs à la nature des droits en matière de vie privée visés par l’action de l’État et des facteurs qui ont trait plus directement à l’attente en matière de respect de la vie privée, considérée tant subjectivement qu’objectivement, par rapport à ces droits […]. La nécessité d’examiner ces éléments compte tenu de « l’ensemble des circonstances » fait ressortir le fait qu’ils sont souvent interdépendants, qu’ils doivent être adaptés aux circonstances de chaque cas, et qu’ils doivent être considérés dans leur ensemble.
[416] Quelles sont les circonstances de l’espèce?
[417] La preuve non contredite révèle que l’immeuble du 2224, du Viaduc est un immeuble commercial, abritant plusieurs commerces et que sa cour arrière, qui est en fait un grand espace servant d’accès aux entrepôts (portes de garage) et d’espace de circulation, notamment pour accéder au conteneur à déchets, n’est pas barrée, que son accès de l’avant du commerce n’est pas clôturé ni contrôlé et qu’elle est accessible à quiconque[330]. Le terrain voisin est plus haut, des autobus scolaires y sont stationnés et d’autres véhicules et personnes y circulent, avec une vue directe sur la cour arrière du 2224, du Viaduc[331].
[418] L’avant de l’immeuble et son stationnement avant sont visibles de la rue du Viaduc, les portes de garage à l’arrière ne le sont vraisemblablement pas[332]. Finalement, à l’intérieur de l’immeuble, il y a une réception accessible au public.
[419] L’arrière du 2224, du Viaduc est donc un espace commercial accessible au propriétaire, aux locataires et leurs employés et à quiconque.
[420] L’ensemble des faits rapportés ci-avant permet de conclure que :
- l’accès à la cour arrière du 2224, du Viaduc n’est pas régie et ne peut être limitée par Daniel Cozak, encore moins par Charles et Samuel Cozak. Ils ne peuvent exclure ceux qui y accèdent;
- la cour arrière du 2224, du Viaduc est un accessoire de l’entrepôt loué par Pierre Dumont qui est en fait Daniel Cozak. Il n’en est pas le propriétaire et n’en a pas un usage exclusif, le propriétaire, les autres locataires et des tiers y ayant aussi accès;
- les éléments de preuve découlant de la surveillance vidéo sans mandat ne révèlent pas des informations de nature particulièrement privée (Daniel Cozak jette des boîtes dans le conteneur, Daniel et Samuel Cozak y accrochent une remorque au véhicule Ford F-150 de Daniel Cozak, Daniel et Samuel Cozak transportent à l’entrepôt un congélateur qu’ils récupéreront plus tard. Ces activités observées n’étaient pas dissimulées;
- aucune preuve d’attente subjective quant à leur vie privée dans la cour arrière du 2224, du Viaduc n’a été administrée par Daniel, Charles ou Samuel Cozak;
- quant à la raisonnabilité objective de l’attente, en présumant de l’existence d’une certaine attente subjective :
i) aucune preuve d’intrusion pour l’installation de la caméra de surveillance n’a été administrée;
ii) la surveillance se faisait dans un lieu privé accessible au public, bien que plus généralement aux locataires et au propriétaire de l’immeuble et leurs employés;
iii) Daniel, Charles et Samuel Cozak ne pouvaient ignorer être à la vue de toutes les personnes qui se rendaient chez le voisin du 2224, du Viaduc de même que du propriétaire, des autres locataires et leurs employés et des tiers qui accédaient au 2224, du Viaduc;
iv) la caméra de surveillance ne visait pas exclusivement les demandeurs, mais une partie de la cour arrière du 2224, du Viaduc, elle n’était pas munie d’une fonction de zoom (on ne pouvait noter le numéro d’une plaque d’immatriculation par exemple) ni ne permettait une vision à l’intérieur de l’immeuble[333];
v) la caméra de surveillance ne permettait pas d’obtenir des détails intimes sur le mode de vie de Daniel, Charles et Samuel Cozak, ni des renseignements biographiques;
vi) la surveillance en permanence à l’aide d’une caméra sans le consentement des demandeurs constitue un moyen envahissant, bien qu’il faille noter que cette technique n’était pas pour autant objectivement déraisonnable sachant qu’une enquête pour production de stupéfiants était en cours, que la livraison contrôlée avait permis de confirmer à cette adresse une livraison d’hélional, produit entrant dans la composition d’une drogue de synthèse, et que la remorque dans le local permettait d’inférer que les produits seraient éventuellement déplacés. L’équilibre entre le droit au respect de la vie privée et les besoins légitimes en matière d’enquêtes criminelles n’a pas été rompu.
[421] À la lumière de toutes ces circonstances, le Tribunal estime que Daniel, Charles et Samuel Cozak n’avaient pas d’attente raisonnable de vie privée en regard de leurs actions dans la cour arrière du 2224, du Viaduc.
[422] Si tant est qu’ils eussent une telle attente raisonnable, ce que le Tribunal ne conclut pas, il aurait présumé que cette attente a été violée par la surveillance par caméra des policiers. Aussi, le Tribunal devrait se demander si la preuve obtenue par cette surveillance devrait être exclue conformément au paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[423] Il appert que les demandeurs n’ont fait aucune représentation particulière quant aux critères de l’arrêt Grant[334] pour justifier l’exclusion de cette preuve.
[424] À la lumière de la preuve, le Tribunal aurait été d’avis que : i) les enquêteurs n’ont pas agi de mauvaise foi et que la conduite attentatoire de l’État n’aurait pas été de nature à laisser croire que la justice tolère une inconduite grave de l’État, ii) l’endroit surveillé, la vue relativement éloignée de la caméra et l’ensemble des circonstances décrites ci-avant amenuisent les impacts d’un non‑respect des droits constitutionnels des demandeurs, ne permettant pas de croire que les droits individuels ont peu de poids et iii) l’intérêt de la société, n’eut été l’arrêt des procédures pour défaut d’avoir pu être jugés dans un délai raisonnable, aurait été mieux servi par la continuation du procès et l’inclusion de la preuve. La pondération de ces facteurs mènerait le Tribunal à conclure que cette preuve ne devrait pas être exclue.
1.3 Récupération des boîtes de carton jetées par Daniel Cozak
[425] Tel que mentionné précédemment, la caméra qui filme la cour arrière du 2224, du Viaduc à Charny a permis de noter que Daniel Cozak jette des boîtes de carton dans le conteneur à déchets le 15 avril 2015 vers 11 h 49[335]. Ce conteneur à déchets est à la disposition du propriétaire de l’immeuble et de ses locataires et employés. Même des tiers y jettent parfois des choses. Il est accessible, n’est pas barré ou clôturé, pas plus que la cour arrière pour y accéder[336].
[426] Daniel Angers est mandaté par Alain Joncas le même jour pour aller récupérer ces boîtes de carton, ce qu’il fait avec Stéphane Levasseur vers 22 h 35. Ils constatent dans le conteneur des sacs à déchets (noirs ou verts), des planchettes de plancher flottant et des boîtes de carton brun, identiques, avec inscriptions DHL et écriture asiatique avec un bordereau adressé au nom de Pierre Dumont. Il n’y a pas d’autres boîtes que celles récupérées, qu’ils considèrent abandonnées[337].
[427] Daniel Angers remplit le formulaire de contrôle des pièces à conviction le 16 avril 2015 et y note que la prise de possession des 16 boîtes de carton l’est sans mandat[338]. Un prélèvement est fait par Stéphane Levasseur sur l’une des boîtes qui est contaminée (fond de la boîte), transmis à Santé Canada pour analyse. Des photos des boîtes sont aussi prises par lui[339].
[428] Daniel Angers et Stéphane Levasseur estiment qu’aucun mandat n’était requis puisque ces boîtes de carton avaient été abandonnées et que le conteneur était accessible à tous en tout temps.
[429] L’arrêt Patrick[340] identifie les questions en litige dans un cas semblable, afin de déterminer si Daniel Angers et Stéphane Levasseur ont violé le droit de Daniel Cozak à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives, qui lui est garantie par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés :
1. Daniel Cozak avait-il une attente raisonnable en matière de protection de son intimité territoriale relativement à la cour et au conteneur à déchets de l’entrepôt qu’il loue et partage avec d’autres locataires et le propriétaire, et aux boîtes de carton placées dans le conteneur?
2. Daniel Cozak avait-il une attente raisonnable en matière de protection de son intimité informationnelle relativement aux boîtes de carton et aux informations qu’elles contenaient?
3. Si Daniel Angers et Stéphane Levasseur ont violé le droit de Daniel Cozak à son droit garanti par l’article 8 de la Charte, les éléments de preuve saisis devraient-ils être écartés en application du paragraphe 24(2) de la Charte au motif que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?
[430] Lorsqu’une personne abandonne une chose, « [elle] ne peut plus raisonnablement s’attendre à ce qu’on en préserve le caractère confidentiel »[341]. Cet abandon est une question de fait à être analysée à la lumière de l’ensemble des circonstances. Ainsi, il faut se demander si Daniel Cozak s’est comporté à l’égard des boîtes de carton de manière à amener un observateur raisonnable et indépendant à conclure qu’il est déraisonnable pour lui de continuer de revendiquer le droit au respect de sa vie privée[342].
[431] Mentionnons d’abord que même si Daniel Cozak possédait un droit direct sur le contenu informationnel des boîtes de carton, il n’a pas dissimulé celui-ci, les boîtes ayant été jetées directement dans le conteneur sans qu’il ne prenne soin de les mettre dans des sacs à déchets, de les dissimuler sous d’autres ordures ou de fermer le conteneur si cela s’était avéré possible. Quant à l’attente subjective au respect de sa vie privée, soulignons que Daniel Cozak n’a pas témoigné à l’instruction et que son interrogatoire au préalable ne porte pas sur cette question. Ici, la présomption découlant des renseignements sur des activités se déroulant au domicile d’une personne ne s’applique pas, mais ce critère de l’attente subjective étant peu exigeant, le Tribunal tient pour acquis qu’il avait une telle attente subjective, bien que minimale.
[432] Le Tribunal conclut que cette attente n’était toutefois pas objectivement raisonnable puisque :
i) il n’y a pas eu d’intrusion sur la propriété de Daniel Cozak, la cour arrière du 2224, du Viaduc étant accessible à tous les locataires de l’immeuble et leurs employés, le propriétaire et dans les faits également aux tiers à qui l’accès n’est pas empêché ou restreint par une clôture, une serrure, un cadenas ou une surveillance;
ii) les boîtes de carton étaient dans le conteneur à la vue de tous ceux qui s’approchent de celui-ci pour y jeter des ordures ou de celui qui dispose du conteneur;
iii) les boîtes de carton ont été déposées à l’endroit habituel pour disposer des déchets, éventuellement ramassés. Il y a eu abandon;
iv) aucun signe n’indique le maintien d’un quelconque contrôle sur les déchets ou l’affirmation d’un droit au respect de la vie privée (pas de dissimulation sous d’autres déchets ou dans des sacs à ordure, pas de fermeture du conteneur);
v) les renseignements informationnels étaient déjà connus de l’ASFC et des policiers qui avaient procédé à la livraison contrôlée;
vi) le contenu informationnel ne révélait pas des détails intimes sur le mode de vie de Daniel Cozak ou d’ordre biographique;
vii) la technique policière n’avait rien d’envahissant puisque l’acte d’abandon est survenu avant que les policiers récupèrent les boîtes de carton;
viii) la technique policière était objectivement raisonnable.
[433] Daniel Cozak a renoncé à son droit au respect de sa vie privée à l’égard des boîtes de carton récupérées par la police lorsqu’elles ont été déposées dans le conteneur à déchets en vue de leur ramassage, comme l’a fait Patrick de son sac à ordures placé à la limite de sa propriété pour ramassage[343] et comme l’avait fait la coaccusée dans l’affaire Savard lorsqu’elle a mis ses ordures au bord du chemin[344]. Les éléments de preuve résultant de la récupération de ces boîtes de carton par Daniel Angers et Stéphane Levasseur étaient admissibles et pouvaient être allégués aux termes des différents mandats obtenus dans le cadre de l’enquête.
[434] Considérant la conclusion du Tribunal quant à l’absence d’attente objectivement raisonnable à la protection à la vie privée, il n’y a pas lieu de déterminer si l’attente raisonnable a été violée par la conduite des policiers, ni d’analyser la question de l’utilisation des éléments de preuve en regard du paragraphe 24(2) de la Charte.
[435] Les demandeurs ont échoué à démontrer la violation de leur droit à la vie privé, alors que le fardeau de cette preuve leur incombait.
1.4 Évaluation du risque effectuée le 7 mai 2015
[436] Les demandeurs reprochent à la SQ l’observation sans mandat du 7 mai 2015 au 218, Edmond‑Blais à Saint-Camille-de-Lellis[345].
[437] Les témoignages de Robin Bouchard et de Steve Ruel démontrent qu’ils se sont effectivement rendus au 218, Edmond-Blais, mais que leur observation s’est faite à partir de la rue publique et du terrain voisin, ayant pris soin de rester dans le boisé, à une bonne distance du chalet d’Ann Guilmette et en veillant à ne pas dépasser le ruisseau qui paraissait délimiter les terrains.
[438] Ils expliquent tous deux que cette observation était réalisée pour une évaluation du risque en prévision d’une entrée subreptice pour laquelle un mandat sera sollicité dans les jours suivants. Il s’agit dans leur jargon d’un « survey ». Finalement, ils précisent qu’aucune preuve n’a à ce moment été recueillie, si ce n’est deux éléments qu’ils connaissaient déjà, à savoir qu’il y avait alors une remorque fermée de type Cargo et un véhicule Volvo de couleur rouge. Des photos ont toutefois été prises par Robin Bouchard, dont l’une du chalet[346]. Ces photos n'ont servi à l’obtention d’aucun mandat, mais ont plutôt été rendues disponibles pour le groupe d’intervention tactique, pour l’évaluation du risque.
[439] Il appert que ni l’un ni l’autre n’a consulté des documents du Registre foncier pour tenter de délimiter le 218, Edmond-Blais et la propriété voisine avant de procéder à leur observation du 7 mai 2015. Ils ne pouvaient avoir la certitude de ne pas avoir empiété sur la propriété du 218, Edmond-Blais.
[440] Le Tribunal est d’avis que la preuve ne révèle pas suivant la prépondérance des probabilités que l’observation du 7 mai 2015 s’est faite sur le terrain d’Ann Guilmette, même si les limitations exactes des propriétés n’ont pas été validées préalablement par Robin Bouchard et/ou Steve Ruel. Il ne suffit pas de soulever un doute. En l’espèce, il s’agit tout au plus d’une possibilité. Or, c’est sur les demandeurs que repose le fardeau de faire cette preuve, s’ils souhaitaient invoquer la nécessité d’un mandat pour procéder à des observations sur la propriété d’Ann Guilmette. Cette conclusion ne met toutefois pas fin à l’analyse requise afin de déterminer si les observations du 7 mai 2015 enfreignent ou non les attentes raisonnables des demandeurs en matière de vie privée.
[441] Avant de poursuivre cette analyse, au-delà des enseignements de la Cour suprême relatifs à la protection en vertu de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés mentionnés ci-avant aux sections 1.2 et 1.3 du présent jugement, le Tribunal estime opportun de préciser ce que retiennent les auteurs de l’ouvrage Criminal Procedure in Canada[347] quant aux principes applicables en matière d’observation d’une propriété privée pouvant être faite à l’œil nu :
§3.78 The zone of privacy attaching to the home extends to observations of its exterior and the areas surrounding it, at least when police enter onto private property to make close observations of buildings and other structures.149 The Supreme Court ruled in R. v. Patrick, however, that police did not invade the accused’s reasonable expectation of privacy by reaching over his property line to obtain garbage left for collection.
§3.79 Courts have also held that naked-eye observations of private property from conventional vantage points (such as public roads) do not invade a reasonable expectation of privacy. It is not as clear, however, whether police may observe private land from unconventional positions. Several courts have considered, for example, whether police need warrants to make observations from overflying aircraft. In R. v. Kelly, the Court held that the naked-eye aerial surveillance of a residential garden from any altitude invades a reasonable expectation of privacy. But more recently, courts have held that aerial surveillance will only engage section 8 if it enables close-range observations of a kind normally unavailable to the flying public.
§3.80 We support the latter view, if an area of private, real property is typically used for intimate, lawful activity, and occupants have taken reasonable measures to shield it from public view, police should not be free to use technological means to defeat those measures. Warrants should accordingly be required for intrusive surveillance of the fenced-in, private land immediately surrounding a residence. People do not expect as much privacy in their backyards, pools and gardens as in the interiors of their homes, but they do use these areas for sensitive activities. Police would thus require warrants to observe these areas using either telescopic enhancement or continuous video recording. Warrants would not be required, however, to make naked-eye observations or take non-telescopic still photographs from either high altitudes or conventionally accessible vantage points, such as adjoining buildings.
[Références omises; soulignements ajoutés]
[442] Qu’en est-il des circonstances de l’observation du 7 mai 2015?
[443] L’ensemble de la preuve permet de conclure que :
- l’observation du chalet du 218, Edmond-Blais et de son terrain est possible à l’œil nu du terrain voisin, le chalet n’est pas clôturé ou entouré d’une haie empêchant l’observation directe;
- les éléments de preuve découlant de l’observation du 7 mai 2015 sans mandat ne révèlent pas des informations de nature particulièrement privée (le chalet, la présence d’une remorque noire et celle d’un véhicule Volvo rouge);
- aucune preuve d’attente subjective quant à leur vie privée et quant à ces informations n’a été administrée par Daniel, Charles ou Samuel Cozak, ni par Ann Guilmette;
- quant à la raisonnabilité objective de l’attente, en présumant de l’existence d’une certaine attente subjective :
i) aucune preuve probante d’intrusion sur la propriété d’Ann Guilmette n’a été administrée;
ii) l’observation s’est faite à l’œil nu sur une courte période en toute probabilité du terrain voisin;
iii) Daniel, Charles et Samuel Cozak de même qu’Ann Guilmette ne pouvaient ignorer que le chalet et ses environs étaient visibles du terrain voisin et de toutes les personnes susceptibles de s’y trouver;
iv) l’observation ne visait qu’un repérage pour des fins de sécurité;
v) l’observation ne visait pas l’intérieur du chalet et n’a pas permis d’obtenir des détails intimes sur le mode de vie de Daniel, Charles et Samuel Cozak de même que d’Ann Guilmette, ni des renseignements biographiques;
vi) l’observation ponctuelle à l’œil nu d’un terrain voisin sans le consentement des demandeurs constitue un moyen très peu envahissant, objectivement raisonnable sachant qu’une enquête pour production de stupéfiants était en cours, qu’une entrée subreptice était envisagée et que des validations pour des motifs de sécurité étaient requises. L’équilibre entre le droit au respect de la vie privée et les besoins légitimes en matière d’enquêtes criminelles n’a pas été rompu.
[444] À la lumière de toutes ces circonstances, le Tribunal estime que Daniel, Charles, Samuel Cozak et Ann Guilmette n’avaient pas d’attente raisonnable de vie privée en regard de ce qui pouvait être observé sur la propriété d’Ann Guilmette à partir du terrain voisin.
[445] La question demeure de toute façon théorique puisque les observations faites le 7 mai 2015 étaient déjà connues des policiers et que les photos prises n’ont servi à l’obtention d’aucun mandat.
1.5 Les notes des policiers
[446] Les demandeurs sont d’avis que les policiers ont fait défaut de prendre suffisamment de notes au cours de l’enquête. Ils invoquent : i) la politique de gestion « Notes du policier (calepins de notes) OPÉR.GÉN. - 67 »[348] (Politique notes du policier), qui selon eux n’aurait pas été suivie, ii) le fait que certains courriels échangés entre les enquêteurs n’auraient pas été divulgués et que des échanges ne sont pas documentés, iii) que certaines notes sont manquantes, iv) que le faible nombre de pages de notes des policiers de la SQ témoigne de cette insuffisance de notes et finalement, v) que les notes de la GRC plus détaillées et plus nombreuses font la démonstration de la faute de la SQ.
[447] Qu’en est-il?
La Politique notes du policier
[448] D’entrée de jeu, soulignons qu’il est désormais clairement établi qu’un policier a l’obligation de rédiger dès que possible des notes d’enquête au sujet des faits survenus au cours de sa période de service[349].
[449] La Politique notes du policier prévoit à son article 2.1 que le calepin de notes « sert au policier à la consignation de notes lors d’une intervention policière » (soulignement ajouté). L’article 2.3 précise quant aux notes, qu’il s’agit « d’observations, actions, faits et détails que le policier consigne dans son calepin lors d’une intervention policière telle que : arrestation, mise en garde, droit à l’avocat, interrogatoire, perquisition, transport de détenus, rencontre de témoins, infiltration, surveillance physique ou toute autre intervention » (soulignement ajouté). L’article 3.1 réfère aussi à l’obligation du policier de prendre des notes lors d’une intervention policière.
[450] L’article 3.3 de la Politique notes du policier prévoit précisément que les inscriptions d’ordre administratif ou opérationnel, qui incluent les réunions préparatoires et de bilan d’une opération policière, ne constituent pas des notes au sens de l’article 2.3.
[451] Les différents policiers[350] qui ont témoigné expliquent que lors d’une intervention policière conjointe, un policier est assigné à la prise de notes. À ce moment, celui qui n’a pas pris les notes révise celles de son collègue et les paraphe afin d’exprimer son accord avec celles-ci[351]. Les notes du collègue deviennent ainsi aussi les siennes. Ils expliquent aussi que leurs notes sont parfois contenues dans les rapports contemporains qui contiennent leurs vérifications, les éléments saisis, la déclaration prise d’un témoin ou leurs observations, comme lors d’une filature, alors que le responsable prend des notes et y inscrit les constats des fileurs rapportés sur les ondes et que tous les policiers impliqués signent le rapport ou lors des perquisitions[352].
[452] Cette façon de faire, bien que non conforme strictement à la lettre de la Politique notes du policier, est certainement conforme à son esprit, mais surtout aux exigences en matière de divulgation de la preuve.
[453] Cette façon de faire ne préjudicie en rien les demandeurs et permet une intervention policière efficace tant sur le terrain que quant aux éléments à être colligés en cours d’intervention, nécessaires à la transparence de l’enquête. Rappelons que la Politique notes du policier n’a d’ailleurs pas force de loi[353].
[454] Il est vrai qu’Alain Joncas a témoigné avoir détruit ses calepins de notes antérieurs à 2018, le tout contrairement à la Politique notes du policier. Tel que le rappelle la Cour d’appel, dans un contexte tout-à-fait différent toutefois, « la destruction volontaire de ses notes [d’un policier] est certainement à décourager »[354]. Cette façon de faire à proscrire et non respectueuse de la politique ne préjudicie toutefois pas les demandeurs, puisque les notes du ou des calepins se retrouvent dans chacun des dossiers d’enquête et que dans le dossier de Daniel, Charles et Samuel Cozak, les interventions policières effectuées par Alain Joncas sont valablement documentées par un rapport ou avec un rapport de surveillance contemporain et note. Ces interventions sont les suivantes :
i) intervention du 3 février 2015 à titre d’agent couvreur lors de la livraison contrôlée, documentée par sa note paraphée par Suzie Gagné, aussi agent couvreur[355];
ii) la surveillance de Daniel Cozak du 13 février 2015, documentée par son rapport de surveillance et note[356];
iii) la surveillance de Charles Cozak du 4 mars 2015, documentée par le rapport de surveillance[357];
iv) la surveillance de Daniel Cozak du 10 mars 2015, documentée par son rapport de surveillance et note[358];
v) la surveillance de Daniel Cozak du 13 mars 2015, documentée par son rapport de surveillance et note[359];
vi) la surveillance de Daniel Cozak du 12 mai 2015, documentée par son rapport de surveillance[360];
vii) la filature de Samuel Cozak du 16 juin 2015, documentée par son rapport de surveillance et note[361];
viii) la surveillance de Charles Cozak du 6 juillet 2015, documentée par le rapport de surveillance[362];
ix) la surveillance de Daniel Cozak du 10 juillet 2015, documentée par le rapport de surveillance[363];
x) la surveillance caméra au 2224, du Viaduc le 26 août 2015, documentée par le rapport de surveillance[364];
xi) la surveillance des balises du Ford F-150 le 27 août 2015, documentée par le rapport de surveillance[365];