Syndicat des cols bleus de la Ville de Laval inc., SCFP, section locale 4545 c. Ville de Laval | 2025 QCTAT 876 |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL |
(Division des services essentiels) |
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Région : | Laval |
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Dossier : | 1407243-71-2502 |
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Dossier accréditation : | AM-1004-8012 |
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Montréal, | le 3 mars 2025 |
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : | Mylène Alder |
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Syndicat des cols bleus de la Ville de Laval inc., SCFP, section locale 4545 | |
Association accréditée | |
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c. | |
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Ville de Laval | |
Employeur | |
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DÉCISION
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L’APERÇU
- Le Syndicat des cols bleus de la Ville de Laval inc., SCFP, section locale 4545, est accrédité pour représenter l’unité de négociation groupant « Tous les employés manuels, salariés au sens du Code du travail, à l'exception des employés-ées de bureau, des policiers et des Pompiers »[1] de la Ville de Laval.
- Par décision datée du 7 décembre 2021[2], le Tribunal a ordonné aux parties de maintenir les services essentiels et de se conformer aux exigences prévues au Code du travail[3] en cas de grève d’un service public. Cela, en application de l’article 111.0.17 de ce code, étant d’avis qu’une grève pourrait avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique.
- Le 24 février 2025, le Syndicat envoie au Tribunal un avis[4] indiquant son intention de recourir à la grève du 6 mars 2025 à 07 h 30 au 12 mars 2025 à 05 h 00.
- À cet avis, il joint une liste des services qu’il prévoit maintenir pendant la grève.
- Le 28 février 2025, au terme du processus de conciliation entrepris au Tribunal, les parties conviennent d’une entente sur les services essentiels à maintenir pendant la grève. Cette entente est annexée à la présente décision.
- Conformément à l’article 111.0.19 du Code, le Tribunal doit évaluer la suffisance des services qui y sont prévus.
- Pour les motifs expliqués dans l’analyse qui suit, le Tribunal juge que les services essentiels décrits dans cette entente sont suffisants pour assurer la santé ou la sécurité publique durant la grève.
Le profil de la Ville de LAVAL
- La Ville de Laval est une ville commerciale, industrielle, résidentielle et agricole, située sur la rive nord de Montréal et entourée par les rivières des Prairies et des Mille-Îles. Sa population est de plus de 446 000 habitants, sur une superficie de 247 km2.
Main-d’œuvre
- La Ville compte 502 cadres permanents, excluant la direction, et ses employés syndiqués sont répartis comme suit :
- 1 053 cols blancs permanents et 272 occasionnels du SCFP, s.l. 1113;
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- 86 brigadiers scolaires permanents et 17 occasionnels du SCFP, s.l. 1113;
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- 655 cols bleus et 206 occasionnels du SCFP, s.l. 4545;
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- 721 permanents et 122 occasionnels professionnels de l’Alliance du personnel professionnel et administratif;
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- 230 pompiers et 15 préventionnistes;
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- 648 employés en loisirs intermittents;
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- 9 permanents et 10 occasionnels auxiliaires en loisirs.
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Bâtiments
- La Ville gère 438 bâtiments municipaux, dont l’hôtel de ville, huit garages municipaux, un bâtiment servant de quartier général, six postes de police, un poste de gendarmerie, un bâtiment affecté à la sécurité publique, neuf casernes d'incendie, une cour municipale, 48 centres communautaires et culturels, 12 bibliothèques, 10 arénas, 20 piscines, un complexe aquatique, 10 pataugeuses, 13 jeux d'eau, une fourrière, un écocentre où sont gérées les matières résiduelles et dangereuses, un site de matériaux secs, plusieurs chalets de parcs permanents[5] ainsi que des stations de pompage avec bâtiments.
- L'entretien ménager de ces bâtiments est confié à des sous-traitants, sauf dans le cas des arénas dont l'entretien est assuré par les cols bleus. Les travaux d’entretien et de réparation sont effectués majoritairement par ceux-ci, de même que les inspections quotidiennes des arénas fonctionnant à l’ammoniac. Certains travaux d’entretien/réparation sur des systèmes particuliers (gicleurs/ascenseurs, etc.) ainsi que des réparations majeures, sont confiés à des sous-traitants.
Eau potable
- La Ville puise son eau dans la rivière des Mille-Îles et dans la rivière des Prairies et alimente en eau potable plus de 46 000 personnes. Environ 1 000 résidents sont alimentés par des puits artésiens. Ses trois stations de production d’eau potable ont une capacité de 425 000 m3 d'eau par jour et une production quotidienne moyenne de près de 200 000 m3. Le fonctionnement et l’entretien des stations sont assurés par des cols bleus. De plus, les réparations leur sont confiées, mais certaines réparations majeures sont effectuées par des sous-traitants. La cueillette des données de plus de 32 000 compteurs d’eau est aussi effectuée par des cols bleus.
- Les quatre postes de chloration du réseau de distribution sont opérés par des salariés cols blancs et l’entretien est fait par des cols bleus, sous la supervision de cadres. Les cols blancs s’occupent de la recherche des fuites et de l’échantillonnage en réseau de distribution. Les échantillons sont analysés par des techniciens(ne)s de laboratoires et validés par une professionnelle (chimiste et microbiologiste).
- L’entretien ainsi que les réparations du réseau de distribution qui compte environ 1 700 km de conduites et environ 10 000 bornes-incendies sont partagés entre les cols bleus (entretien, dégel et déneigement) et les sous-traitants (déneigement).
Eaux usées
- Le traitement des eaux usées est réalisé par trois usines d’assainissement dont le fonctionnement (les inspections, l’entretien et les réparations) est assuré par des cols bleus sous la surveillance de cadres. Les trois stations traitent en moyenne 330 000 m3/d lors d’évènements de pluie.
- L’alimentation des trois usines est assurée par 74 stations de pompage des eaux usées dont le fonctionnement et l’entretien sont assurés par des cols bleus. Certaines opérations d’entretien majeur sont confiées à des sous-traitants.
- L’entretien d’approximativement 2 600 km de réseaux d’égouts sanitaire et pluvial est partagé entre les cols bleus et les sous-traitants, tandis que les 41 000 puisards sont nettoyés par des sous-traitants, mais entretenus et réparés par les cols bleus.
Voie publique
- La Ville possède un réseau routier de 1 638 km de rues et boulevards, de 1 575 km de trottoirs et plus de 146 kilomètres de voies cyclables sur rues, pistes ou en sites propres. Leur entretien (nids de poule, balayage, etc.) est assuré par les cols bleus. Les travaux de réfection de bordure et de trottoir sont accomplis par des sous-traitants.
- Pour la signalisation sur rue, l'entretien et le maintien des différents panneaux de signalisation (arrêt, stationnement, bollards, etc.) sont faits par les cols bleus tandis que le marquage sur la chaussée (lignes) est fait par des sous-traitants.
- Pour l'entretien hivernal, l'épandage d'abrasifs sur les rues et trottoirs est majoritairement assuré par les cols bleus. Ceux-ci s’occupent aussi du déblaiement et de l’enlèvement de la neige des trottoirs. Le déblaiement des rues résidentielles est partagé à 50 % avec des sous-traitants. Pour l'enlèvement de la neige, le soufflage des rues est fait par les cols bleus alors que le transport de la neige aux sites d’empilement est accompli par des camionneurs en régie. L'entretien hivernal des 350 stationnements est partagé entre les cols bleus (95 %) et par les sous-traitants (5 %).
- À noter que le déblaiement, l'enlèvement de la neige et l'épandage d'abrasifs sur les routes provinciales sont effectués par le ministère des Transports. Toutefois, ce sont les cols bleus qui s’occupent de la voie de service de l’autoroute 13 ainsi que d’une section de la voie de service de l’autoroute 440.
Collecte des matières résiduelles
- La cueillette des ordures ménagères est entièrement assurée par des sous‑traitants.
- La Ville possède un écocentre et un site de matériaux secs qui sont à la disposition des citoyens. Ce sont des cols bleus qui les accueillent et les dirigent sur le site. En 2023, les deux sites ont accueilli environ 75 000 visiteurs et reçu plus de 150 000 m3 de matériaux de construction, matières dangereuses, résidus électroniques, matelas et autres matières valorisables.
Sécurité publique
- Les services de sécurité publique et de protection contre les incendies sont assurés par la Ville. Le centre d’appels d’urgence 9-1-1 est opéré par du personnel col blanc qui répartit les appels de la population aux policiers et aux pompiers, selon le cas, et transfère à Urgences Santé les appels qui concernent ce domaine. Les policiers répondent aux appels policiers et les pompiers, à ceux de leur champ d’activités, incluant celui d’être premiers répondants. Les policiers et les cols blancs opèrent le Centre de renseignement policier du Québec.
Véhicules municipaux
- L'entretien et les réparations des 895 véhicules et machineries de voirie et de service sont faits à 55 % par les cols bleus et à 45 % par des sous-traitants. L'entretien et les réparations des 288 véhicules du Service de police sont faits à environ 50 % par les cols bleus et à 50 % par des sous-traitants. L'entretien et les réparations des 85 véhicules des pompiers sont faits à 55 % par des cols bleus et à 45 % par des sous‑traitants.
- La Ville possède également des équipements de télécommunications (radio) pour les services de voirie et d'incendie, dont l'entretien et les réparations sont assurés par des sous-traitants.
Cour municipale
- La Ville possède une cour municipale dont le greffier est un employé-cadre.
- Les parties sont sans aucun doute les mieux placées pour déterminer les services essentiels à maintenir en cas de grève. Cependant, même lorsqu’elles s’entendent, le Tribunal doit évaluer si ces services sont suffisants pour ne pas mettre en danger la santé ou la sécurité publique, et ce, pendant toute la durée de la grève.
- À cette fin, il faut considérer plusieurs éléments, dont les services offerts à la population, le contexte, le moment et la durée de la grève annoncée et les modalités de l’exercice du droit de grève[6].
- Dans le cas présent, considérant le profil de la Ville, la durée de la grève (5,9 jours) et les circonstances, le Tribunal juge que les services essentiels décrits à l’entente intervenue entre les parties le 28 février 2025 sont suffisants pour assurer la santé et la sécurité publique lors de la grève annoncée.
- Cette entente est reproduite en annexe de la présente décision et en fait partie intégrante. Elle prévoit notamment diverses garanties de mise en disponibilité de main‑d’œuvre apte à effectuer le travail et de matériel pour :
- Le fonctionnement et l’entretien des trois stations d’eau potable et du centre de gestion de celles-ci;
- Le fonctionnement et l’entretien des trois usines d’assainissement des eaux usées et des stations de pompage des eaux usées;
- Le travail de foresterie (élagueurs, chauffeurs et gestionnaires);
- L’entretien et la réparation des immeubles, parcs et espaces publics, de la signalisation, des véhicules et des équipements;
- L’installation de signalisation temporaire lors d’affaissement de chaussée, d’accident, d’inondation, de situations dangereuses sur la voie publique, présentant un danger réel ;
- La réparation des conduites d’aqueduc et de leurs composantes en cas de bris majeurs ;
- Le déblocage des conduites d’égouts et leurs composantes lors de refoulement dans les résidences, ainsi que celui des conduites principales d’égouts lors de refoulement ;
- Le déneigement des voies publiques (rues et trottoirs), des escaliers piétonniers, des bâtiments municipaux et l’épandage d’abrasifs.
- On retrouve également à l’entente l’expression « employés aptes à effectuer le travail ». Le Tribunal comprend qu’elle signifie qu’il s’agit de salariés qui effectuent normalement le travail requis par la Ville.
- En ce qui concerne l’enlèvement de la neige, l’entente ne prévoit rien de spécifique, mais le Tribunal comprend qu’en présence d’accumulation importante de neige, la clause d’urgence prévue à l’entente trouverait application.
- L’entente prévoit effectivement qu’advenant une situation exceptionnelle et urgente qui n’y est pas prévue et qui met en cause la santé ou la sécurité publique, le Syndicat s’engage à fournir, à la demande et au besoin, le personnel nécessaire et apte à effectuer le travail pour faire face à cette situation.
- Elle précise aussi que le Syndicat communiquera à la Ville, au plus tard le 5 mars 2025 à 16 h 00, le nom et le numéro de téléphone des personnes responsables à contacter quant à la mise en œuvre desdits services essentiels.
- En cas de difficultés concernant la mise en application de ceux-ci, les parties doivent tenter rapidement de trouver ensemble une solution. À défaut, elles en informeront le Tribunal dans les plus brefs délais afin qu’il puisse leur fournir l’aide nécessaire.
- Pour le Tribunal, les services prévus à l’entente intervenue le 28 février 2025 et jointe en annexe à la présente décision pour en faire partie intégrante, sont suffisants pour assurer la santé ou la sécurité publique pendant la grève débutant le 6 mars 2025.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
DÉCLARE que les services à fournir pendant la grève débutant le 6 mars 2025 à compter de 07 h 30 et se terminant à 05 h 00 le 12 mars 2025 sont ceux énumérés dans leur intégralité à l’entente du 28 février 2025 annexée à la présente décision, comme si au long récitée, en plus des précisions contenues dans la présente décision;
DÉCLARE que les services prévus à l’entente du 28 février 2025, avec les précisions apportées dans la présente décision, sont suffisants pour que la santé ou la sécurité publique ne soit pas mise en danger lors de la grève débutant le 6 mars 2025 à 07 h 30 et se terminant à 05 h 00 le 12 mars 2025.
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| Mylène Alder |
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M. Alexandre Prégent |
Syndicat canadien de la fonction publique |
Pour l’association accréditée |
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Me Elisabeth Gauthier |
LESAJ, avocats et notaires |
Pour l’employeur |
MA/nk








[2] Ville de Laval et Syndicat des cols bleus de la Ville de Laval inc., SCFP, section locale 4545, TAT 1221178-71-2103, 7 décembre 2021, D. Benoît.