Décision

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Habitations Germat inc. c. Ville de Lorraine

2018 QCCS 5781

 

JS1335

 
COUR SUPÉRIEURE

Chambre civile

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 TERREBONNE

 

N° :

700-17-008745-126

 

 

 

DATE :

Le 20 décembre 2018

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.S.

 

 

Habitations Germat inc.

et

2640-8955 québec inc.

et

9032-5465 QUÉBEC INC.

Demanderesses

 

c.

 

Ville de Lorraine

            Défenderesse

 

et

 

MRC THÉRÈSE-DE-BLAINVILLE

            Mise en cause

 

 

TRANSCRIPTION DU JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE

LE 13 DÉCEMBRE 2018

 

 

[1]           Les demanderesses réclament de la Ville de Lorraine (ci-après « Lorraine ») une indemnité de 10 015 000 $ pour l’expropriation déguisée de leurs terrains situés dans la forêt connue sous le nom de « Forêt du Grand Coteau », lesquels, depuis le 23 juin 1991, sont visés de façon continue par des règlements de zonage de type conservation qui y interdisent pratiquement tout usage. En contrepartie, elles offrent à la Ville de lui transférer la propriété de ces terrains.

LES FAITS

[2]           Au cours de l’année 1986, les demanderesses[1] signent une option pour l’achat de plusieurs terrains situés dans la ville de Rosemère et d’autres situés dans la ville de Lorraine, sur la rive nord de Montréal. Ces entreprises sont actives alors depuis plusieurs années dans le domaine de la construction résidentielle et l’objet de ces acquisitions est d’y réaliser éventuellement des lotissements domiciliaires.

[3]           Comme on le verra plus loin, au moment de cet achat et pendant un grand nombre d’années par la suite, les terrains situés à ville de Rosemère seront lotis et développer puisqu’ils sont avantageusement situés par rapport à l’emplacement des services municipaux (chemins, aqueducs, égouts), alors que ceux situés à Lorraine ne sont pas immédiatement accessibles et ne le deviendront que beaucoup plus tard.

[4]            Au moment de la signature de cette option d’achat, tous les terrains situés à Lorraine sont régis par un règlement de zonage qui y autorise les usages résidentiels. Le représentant des demanderesses, M. Roger Mathon, témoigne s’être présenté à l’hôtel de ville de Lorraine avant de signer l’option d’achat et y avoir vérifié la teneur de la réglementation en question. Il affirme aussi, et le Tribunal n’a aucune raison de ne pas le croire, l’avoir à nouveau vérifié au printemps 1991, soit juste avant de signer chez le notaire les actes d’achat des terrains situés à Lorraine. Suite à un retard, il ne les signe toutefois qu’au début du mois de septembre 1991. Or, dans l’intervalle, Lorraine adopte une nouvelle réglementation, le Règlement U-91, qui prend effet le 23 juin 1991, et qui prévoit dorénavant un usage « conservation » à l’égard des terrains des demanderesses et de certains autres terrains contigus appartenant à des tiers.

[5]           Il n’est pas contesté que cette réglementation est exceptionnellement restrictive, puisqu’elle empêche pratiquement tout usage autre que les randonnées piétonnières, le ski de fond et l’observation de la nature sur la quasi-totalité de leurs terrains, exception étant faite de sa partie située le plus au nord. Elle n’a, depuis, été modifiée qu’à une seule occasion, en 2010, par le règlement URB-03, lequel maintient la zone de conservation où les usages autorisés se limitent toujours aux activités récréatives et de loisirs. En d’autres mots, les propriétaires des terrains ne peuvent rien y faire, bien qu’ils doivent continuer à payer les taxes foncières qui s’y appliquent.


[6]           Comme on le verra plus loin, le représentant et alors président des demanderesses, M. Mathon, apprend la teneur de la réglementation quelques semaines après avoir signé les actes d’acquisition chez le notaire, en septembre 1991[2].

[7]           Les demanderesses et Lorraine s’engagent dès lors dans des discussions portant sur la modification à la réglementation afin d’y autoriser à nouveau les usages résidentiels, lesquelles ne prendront fin que le 3 octobre 2007, alors que Lorraine publie un avis d’imposition de réserve pour fins publiques sur les immeubles en litige, qui expireront quatre ans plus tard. À l’automne 2011, Lorraine tient un référendum lors duquel sa population accepte qu’elle exproprie la partie de ses terrains située au nord et sur lequel les usages résidentiels étaient toujours autorisés. Le 16 février 2012, les demanderesses déposent leur demande en justice. Ces échanges entre les demanderesses et la Ville et leurs démarches seront détaillés plus loin.

LA POSITION DES PARTIES

[8]           Les demanderesses ne demandent pas au Tribunal qu’il déclare ces règlements prohibitifs nuls ou inopposables à leur égard. Elles demandent plutôt qu’étant donné le défaut de la Ville d’avoir remis en place un zonage qui leur aurait permis de faire quelque chose avec leur terrain ou encore de l’exproprier en bonne et due forme, que le Tribunal reconnaisse que Lorraine les a expropriés sans indemnité et donc, qu’elles le soient en conséquence.

[9]           Sans qu’elle ne nie l’effet prohibitif de la réglementation depuis juin 1991, Lorraine soutient que les demanderesses n’ont droit à aucune indemnité parce qu’elles auraient tardé à intenter leur recours. En d’autres mots, elle propose que le recours des demanderesses est prescrit, soit en application de la prescription de six mois prévue à l’article 586 de la Loi sur les cités et villes[3], soit de celle de trois ans prévue à l’article 2925 C.c.Q.

[10]        Ainsi, ce dossier ne soulève qu’une seule question en litige, soit celle de la prescription extinctive du recours des demanderesses, laquelle soulève à son tour certaines questions sous-jacentes, en outre quant à la détermination du moment où le calcul de la prescription a débuté et, le cas échéant, de son interruption. Une analyse du droit applicable à ces questions s’impose donc.

[11]        Le présent jugement ne porte que sur la reconnaissance de l’expropriation déguisée et du droit des demanderesses de réclamer une telle indemnité. L’établissement du quantum sera traité lors d’une audition ultérieure, au besoin, étant donné le jugement de scission de l’instance rendue par le juge Jean-Yves Lalonde le 18 août 2016.

ANALYSE

            1)  Quelle est la nature du recours entrepris par les demanderesses?

[12]        La procédure introductive de l’instance allègue, et la preuve le démontre, que les demanderesses ont acquis des terrains moins de trois mois après que la Ville en ait restreint les usages autorisés et ait mis en place un usage conservation, de façon telle que les seuls usages potentiels qui y sont dorénavant permis sont généralement associés à un parc ou un espace vert public.

[13]        Ce type de règlement prohibitif a, à plusieurs occasions, été qualifié de règlement d’expropriation sans indemnité ou de règlement d’expropriation déguisée. Dès 1979, l’auteur, devenu par la suite professeur, puis juge à la Cour d’appel du Québec, Lorne Giroux, écrivait[4] :

Si le zonage n’affecte pas formellement le titre de propriété, il est évident qu’en réduisant à néant les possibilités d’utilisation de la propriété privée ou en ne permettant que des usages à caractère public, le contrôle de l’affectation du sol par l’exercice du pouvoir de zoner peut avoir le même effet qu’une expropriation avec la seule différence qu’aucune indemnité n’est alors payable!

[14]        Plus récemment, les auteurs Hétu et Duplessis réitéraient ce principe[5] :

Nous retrouvons dans la jurisprudence de nombreux exemples où les juges ont considéré que des règlements de zonage très restrictifs dans les usages permis constituaient de l’expropriation sans indemnité. En fait, il faut que le règlement soit non seulement restrictif, mais rende le terrain inutilisable et sans valeur pour son propriétaire. Un règlement qui ne permet à un propriétaire aucun usage de son terrain n’est pas un règlement de zonage, mais une expropriation : une municipalité ne peut s’emparer de la propriété d’un citoyen sans l’indemniser. 


[15]        Dans Wallot c. Québec (Ville)[6], la Cour d’appel du Québec précisait qu’afin qu’une réglementation puisse être considérée comme constituant une expropriation déguisée, une restriction réglementaire doit équivaloir à une négation absolue de l’exercice du droit de propriété, c’est-à-dire qui en rend l’usage impossible, ou encore à une véritable confiscation de l’immeuble. Dans un tel cas, le règlement qui ne permet aux propriétaires d’exercer aucun usage sur son terrain n’est pas un règlement de zonage, mais une expropriation. Les arrêts antérieurs de la Cour dans Sula c. Duvernay (Cité de) et Montréal (Ville de) c. Benjamin[7], sont au même effet.

[16]        Tel est le cas en l’espèce. Ce point n’a d’ailleurs pas été débattu lors des plaidoiries, le procureur de la Ville admettant que cette qualification de la réglementation ne faisait pas l’objet d’un débat. 

[17]        Les municipalités de la province sont dotées du pouvoir d’exproprier des immeubles à des fins municipales, mais moyennant justes compensations. Si la municipalité et l’exproprié ne s’entendent pas sur la valeur de l’indemnisation, le litige est tranché par le Tribunal administratif du Québec[8]. Cette obligation d’indemniser le citoyen ainsi exproprié est spécifiquement prévue à l’article 952 C.c.Q., qui se lit comme suit :

952. Le propriétaire ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est par voie d’expropriation faite suivant la loi pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

[18]        Le citoyen qui se voit privé de son immeuble sans que la municipalité n’ait respecté les règles que lui impose la loi peut alors demander à la Cour supérieure qu’elle annule le règlement ou la résolution municipale. Le citoyen peut aussi, à son choix, ne pas formuler une telle demande et plutôt s’adresser au tribunal afin d’être indemnisé jusqu’à concurrence de la pleine valeur de sa propriété[9].

[19]        En l’espèce, les demanderesses ne demandent pas l’annulation ou une déclaration d’inopposabilité des règlements, mais plutôt d’être indemnisées pour les conséquences de l’expropriation déguisée dont ils ont été victimes. Ils ont donc le droit de le faire, à la condition qu’ils aient entrepris leur recours avant la perte de leurs droits par prescription.

           


2)  Quelle est la prescription applicable à la demande afin d’être indemnisé dans      le cas où la municipalité exproprie sans indemnité l’immeuble d’un citoyen?

[20]        Deux prescriptions sont susceptibles de s’appliquer au recours des demanderesses.

[21]        La première est celle prévue à la Loi sur les cités et villes :

586. Toute action, poursuite ou réclamation contre la municipalité ou l’un de ses fonctionnaires ou employés, pour dommages-intérêts résultant de fautes ou d’illégalités, est prescrite par six mois à partir du jour où le droit d’action a pris naissance, nonobstant toute disposition de la loi à ce contraire.

[22]        La deuxième est celle prévue au Code civil du Québec :

2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans. 

[23]        La Ville soutient que la prescription applicable au recours et celle de la Loi sur les cités et villes, puisque le recours en est un qui réclame des dommages-intérêts résultant de l’effet de la réglementation.

[24]        De leur côté, les demanderesses soutiennent que c’est plutôt la prescription de trois ans prévus au Code civil du Québec qui s’applique à la demande étant donné que la réclamation n’en est pas une en dommages-intérêts, mais plutôt une réclamation demandant le versement de la juste indemnité d’expropriation prévue à l’article 952 C.c.Q.

[25]        Tant la doctrine que la jurisprudence donnent raison aux demanderesses.

[26]        Dans Daniel c. Mont-St-Hilaire (Ville de)[10], la Ville effectuait des travaux de déviation de cours d’eau et de remblayage de marécages entre 2007 et 2010. Le 6 avril 2010, le citoyen constate que ces travaux ont été en grande partie effectués sur son terrain, le rendant ainsi inutilisable. Il dépose sa demande afin d’être indemnisé pour ce qu’il considère être une expropriation de fait de son terrain, demande qu’il appuie sur l’article 952 C.c.Q., un peu plus de trois ans après qu’il ait eu connaissance des faits. La Cour d’appel y écrit que la courte prescription de six mois de l’article 586 Loi sur les cités et villes doit recevoir une interprétation restrictive et qu’elle ne s’applique pas en cette matière.


[27]        L’arrêt de la Cour d’appel dans Ville de Sainte-Foy c. Abel Skiver Farm Corporation[11] et les jugements de la Cour supérieure dans Spénard c. Cité de Salaberry-de-Valleyfield, Rioux c. Corporation municipale de la Cité de Sept-Îles, Basil Holding Corp. c. Côte St-Luc (City of) et Exploitation agricole et forestière des Laurentides inc. c. Mont-Tremblant (Ville de)[12], vont dans le même sens.

[28]        Les auteurs Delisle et Roy[13] se disent du même avis au sujet du délai de prescription en matière d’expropriation déguisée résultant d’une occupation illégale du terrain par une municipalité :

Le texte de l’article 586 LCV a été modifié légèrement depuis que la Cour supérieure a rendu ces deux décisions. La règle est demeurée la même malgré cette légère modification. Dans deux décisions rendues en 2006,(...) la Cour supérieure cite avec approbation les causes Spénard c. Salaberry-de-Valleyfield (Cité de) et Basil Holding Corp. c. Côte St-Luc (City of).

Nous concluons, de cette revue de la jurisprudence, que l’article 586 LCV ne s’applique pas à un recours intenté contre une ville par un propriétaire pour être indemnisé en raison d’une occupation illégale de son terrain constituant, dans les faits, une expropriation. Nous sommes d’opinion également que l’article 1112.1 CMQ ne s’applique pas lui non plus à un recours intenté contre une municipalité pour obtenir une indemnité à la suite d’une occupation illégale de son terrain équivalant, dans les faits, à une expropriation. 

[29]        Il est vrai que dans certains des jugements analysés, l’expropriation ne découlait pas de règlement de zonage prohibitif, mais plutôt d’une occupation tout aussi contraignante ou prohibitive de la propriété du citoyen. De l’avis du Tribunal, l’une et l’autre de ces situations se qualifient également d’expropriation sans indemnité susceptible de mener au versement d’une indemnité par la municipalité en application de l’article 952 C.c.Q.

[30]        Ceci nous amène à la détermination du jour où la prescription de la demande de l’indemnité d’expropriation commence à courir.


3)    À quel moment débute le calcul de la prescription triennale?

[31]        Le 6 juillet, la Cour suprême du Canada rendait jugement dans Lorraine (ville) c. 2646-8926 Québec inc.[14], une affaire cousine de la présente, en ce que les terrains aujourd’hui visés par la demande et ceux traités dans le jugement de la Cour suprême sont contigus, sont tous situés dans la même forêt et connaissent le même historique réglementaire.

[32]        Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu qu’à l’égard du recours en inopposabilité des règlements, le délai raisonnable et la prescription décennale applicable à toute demande en annulation ou inopposabilité de règlement municipal commençaient à courir le jour de l’entrée en vigueur du règlement, en application de la présomption de connaissance des règlements reconnus par la Cour d’appel du Québec dans Wendover-et-Simpson (Corp. municipale) c. Filion[15]. Puisque le recours avait été déposé près de 20 ans après ce jour d’entrée en vigueur du règlement attaqué, il devait donc être rejeté puisque déposé hors ce délai raisonnable et parce que prescrit.

[33]        En l’espèce, et contrairement au cas analysé par la Cour suprême, les demanderesses ne requièrent pas que ces mêmes règlements, qui ont cet effet d’expropriation de leurs terrains, leur soient déclarés inopposables. Elles demandent plutôt au Tribunal que celui-ci constate l’effet d’expropriation et qu’il condamne Lorraine à les indemniser en conséquence.

[34]        Dans l’affaire traitée par la Cour suprême, le demandeur, en plus de demander à la cour qu’elle déclare inopposable la réglementation, avait aussi formulé une demande subsidiaire afin d’être indemnisé, demande qui n’avait pas encore été traitée étant donné qu’elle avait été scindée préalablement par un juge de la Cour supérieure. Or, la Cour suprême écrit que l’issue du pourvoi en irrecevabilité de la demande en inopposabilité, ne portait pas à conséquence sur cette réclamation en indemnité d’expropriation :

[46] Cela dit, l’issue du présent pourvoi ne porte pas à conséquence sur les conclusions recherchées par la Société sur lesquelles le juge Emery n’a pas statué, y compris celle qui a trait à la réclamation d’une indemnité pour cause d’expropriation. Même si un demandeur ne satisfait plus aux conditions d’ouverture d’un pourvoi en contrôle judiciaire, il n’est pas pour autant privé du droit de solliciter, dans les cas qui le permettent et si la preuve étaye sa demande, le paiement d’une indemnité pour cause d’expropriation déguisée (Benjamin (C.A.), par 47-62 (…)).

[35]        Il ne faut donc pas confondre la notion de délai raisonnable et la prescription applicables à une demande en nullité ou en inopposabilité d’un règlement municipal, à la prescription applicable à l’égard d’une réclamation visant à obtenir la juste indemnité due à une expropriation déguisée découlant de cette réglementation.

[36]        Tel qu’il apparait de l’extrait ci-haut, la Cour suprême appuie sa conclusion au sujet de la possibilité offerte au citoyen exproprié de réclamer une indemnité malgré qu’il soit forclos de demander l’inopposabilité ou la nullité du règlement, sur l’analyse faite par le juge Forget de la Cour d’appel dans l’arrêt Benjamin[16].

[37]        Dans Benjamin, la Cour d’appel avait accueilli la demande d’indemnité formulée par un citoyen propriétaire d’un terrain que la Ville avait clôturé avec d’autres qu’elle avait aménagés en parc dans lequel elle avait installé un lampadaire et construit un sentier, et avait aussi, par le biais de deux modifications à son règlement de zonage, fait passer l’usage autorisé d’industriel à celui de parc et autres usages à caractère typiquement public, tout comme en l’espèce.

[38]        Or, la preuve avait révélé que plus de 32 ans et 23 ans s’étaient écoulés entre l’entrée en vigueur de ces règlements et le moment où le citoyen avait déposé sa demande, et plus de 14 ans entre le moment où il avait eu connaissance de l’empiètement fait par la Ville sur son terrain et le jour du dépôt de son action.

[39]        Malgré ces très longs délais, la Cour d’appel accepte l’explication du citoyen menant à la conclusion que son recours n’était pas prescrit, qui était que pendant pratiquement toute cette période, il était justifié de ne pas agir puisque son terrain était situé dans un secteur de la ville qui n’avait pas encore fait l’objet d’un développement et qu’il s’attendait à ce que la ville l’exproprie étant donné que le règlement n’y permettait que des usages susceptibles de n’être exercés que par elle. Il ne prit action qu’après avoir constaté que la ville l’utilisait réellement comme parc.

[40]        La Cour d’appel semble donc reconnaitre que le délai de prescription d’une action en justice en réclamation d’une indemnité d’expropriation peut, si la preuve est à cet effet, ne pas commencer à courir tant que le citoyen n’a pas acquis l’intérêt pour poursuivre ou tant qu’il n’a pas pris réellement conscience que la municipalité ne corrigera pas la situation en faisant l’acquisition de l’immeuble exproprié, sans quoi le comportement de la Ville, qui constitue un abus de droit, ajouté au rejet du recours, mèneraient à un résultat absurde et créeraient à l’endroit du citoyen une injustice grave. À ce sujet, le juge Forget écrivait :

[54] Si la ville ne désire pas utiliser le terrain de Benjamin pour les fins de parcs publics, elle aurait dû modifier le règlement de zonage pour permettre un usage résidentiel puisque tous reconnaissent que telle est maintenant la vocation de ce secteur. Or, la ville, durant toutes ces années, a refusé ou a négligé de modifier le règlement de zonage.

[55] Si le règlement de zonage n’est pas modifié, Benjamin aura pour seul privilège le droit de payer des taxes sur un terrain qu’il ne pourra ni utiliser ni vendre.

[56] Que devra faire Benjamin pour minimiser ses pertes ? Il devra cesser de payer ses taxes et alors la ville pourrait en acquérir la propriété en contrepartie des taxes impayées.

[57] Sans nécessairement prêter des intentions aussi machiavéliques aux membres du conseil municipal de côte St-Luc durant cette période, il n’en reste pas moins que tel serait maintenant le résultat puisque, dans les faits, côte St-Luc est la seule qui pourrait utiliser ce terrain.

[58] Une ville ne peut s’emparer de la propriété d’un citoyen sans l’indemniser; elle ne peut davantage le placer dans une situation telle qu’il soit tenu de lui céder sa propriété sans une juste contrepartie.

[59] À mon avis, la ville a commis un abus de droit à l’égard de Benjamin. Si le recours de ce dernier devait être rejeté, le résultat serait absurde puisqu’on devrait s’en remettre à la bonne volonté de la ville qui pourrait éventuellement exproprier le terrain; or, cette bonne volonté ne s’est pas manifestée au cours des 14 dernières années.

(Les soulignements sont dans le texte)

[41]        Dans Michaud c. Québec (Ville de)[17], la Cour d’appel traite une fois de plus du délai à entreprendre une poursuite, non pas afin d’obtenir une indemnité d’expropriation déguisée, mais plutôt obtenir une indemnité pour les dommages découlant d’une faute d’un inspecteur municipal.

[42]        Dans cette affaire, l’inspecteur avait accordé un permis pour la construction d’un bâtiment alors que la réglementation l’interdisait, causant par ce fait des dommages au demandeur. Informé de l’erreur, le demandeur avait présenté à la Ville une demande de modification du règlement qui aurait fait en sorte que l’usage qui permettait la construction du bâtiment pour lequel le permis avait été erronément émis, aurait été autorisé, ce qui aurait eu pour effet de régulariser le tout.

[43]        La Cour d’appel conclut que bien que la Ville ne s’était en aucun moment engagée à modifier son règlement, les échanges qu’elle avait entretenus avec le demandeur laissaient planer l’espoir d’un tel changement, lequel aurait permis de régulariser la construction. Ainsi, confiant qu’une entente pouvait éventuellement être conclue, le citoyen n’entreprend pas de recours dans le délai de prescription qui aurait normalement dû débuter le jour où il avait été informé de l’erreur de l’inspecteur, et ne dépose sa demande que quelques semaines après le délai de prescription, soit après qu’il ait appris l’adoption d’un règlement par la Ville qui mettait fin à tout espoir que la réglementation souhaitée par lui soit adoptée. Or, bien qu’il ait déposé son recours bien après l’expiration de ce délai de prescription, la Cour d’appel conclut que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir pendant la période durant laquelle ce citoyen, qui croyait réellement à la possibilité de la survenance d’une telle entente, effectuait les démarches à cette fin :

La première question à traiter concerne la présumée prescription du recours des appelants (6 mois). À notre avis, l'argument de l'intimée doit être rejeté. Ce n'est véritablement que le 25 août 1980 que le règlement 2703 fut adopté par le Conseil de la Ville, mettant ainsi fin aux espoirs des appelants de pouvoir utiliser leurs terrains à titre commercial et de pouvoir y construire le centre routier projeté. Avant l'adoption du règlement, les promoteurs pouvaient peut-être encore espérer faire modifier le zonage en faisant des représentations auprès des citoyens, des comités de consultation ou des autorités politiques. Mais, le 25 août 1980, les espoirs raisonnables n'existaient plus. Le recours qui fut déposé le 24 février 1981 n'est pas prescrit.

[44]        Dans Donnacona (Corporation municipale de la ville) c. Gagné-Lambert[18], la Cour d’appel a de même conclu qu’on ne pouvait pas reprocher au demandeur d'avoir déposé sa demande plusieurs années après le délai de prescription, notamment en raison du fait qu’il était sous l’impression que son terrain, dorénavant zoné institutionnel, usage que la cour assimile à une expropriation déguisée, serait éventuellement acheté par une autorité publique, le recours ayant été déposé une foi acquis que telle acquisition n’aurait pas lieu.

[45]        Le Code civil du Québec prévoit, à l’article 2880, que le jour où le droit d’action a pris naissance fixe le point de départ de la prescription extinctive, règle encore récemment appliquée par la Cour d’appel dans Rosenberg c. Canada (Procureur général)[19] :

[6] Comme l'écrivait notre Cour dans Furs by Leonard Gorski Inc. c. Global Furs Inc. « la jurisprudence établit sans ambigüité que le point de départ de la prescription extinctive est le premier moment où le titulaire du droit aurait pu prendre action pour le faire valoir ».

[46]        Puisqu’en matière de réclamation d’une indemnité d’expropriation, tout comme en matière de réclamation en dommages-intérêts, le demandeur doit être conscient de la faute, mais aussi du dommage, le Tribunal est d’avis qu’il serait erroné de fixer le point de départ de la prescription extinctive quelle qu’elle soit (elle est ici de trois ans) automatiquement au jour de l’entrée en vigueur du règlement prohibitif en lui appliquant la présomption de connaissance des règlements énoncée dans Wendover-et-Simpson (Corp. municipale) c. Filion[20]. S’il est vrai que cette présomption de connaissance s’applique dans les matières administratives (demande de nullité ou d’inopposabilité de règlement), elle ne peut s’appliquer à une réclamation d’une indemnité d’expropriation lorsque le citoyen ne sait pas qu’il a, pratiquement, perdu un ou plusieurs des attributs du droit de propriété par l’effet de la réglementation. Il n’est alors pas en mesure de savoir qu’il a subi un dommage. Cela répond aussi à l’argument soulevé par Lorraine voulant que les demanderesses étaient forcloses de prendre leur recours puisqu’elles ont acquis leurs terrains alors qu’elles étaient présumées connaitre la teneur de la règlementation en vigueur lors de l’achat, en septembre 1991.

[47]        Ainsi, le point de départ de la prescription extinctive sera établi en tenant compte des circonstances particulières de l’affaire, dont l’existence ou non d’un intérêt du demandeur à déposer sa demande et de l’existence ou non de sa croyance, analysée objectivement, que la situation potentiellement dommageable serait corrigée. Ce n’est que le jour où le demandeur prend conscience, objectivement, de la réalité de tels dommages, que se situera le point de départ de la prescription.

[48]        Voyons comment ces règles de droit s’appliquent aux faits de l’espèce.

4)    Application au cas d’espèce

[49]        Tel qu’il apparaît de l’ensemble des témoignages, et ce qui n’est pas nié, les demanderesses ont acquis les immeubles en litige afin de les lotir et d’y faire un développement résidentiel. Ces terrains sont parmi les derniers encore non construits sur le territoire de la ville de Lorraine.

[50]        Toutefois, pour y accéder, encore faut-il que les terrains voisins qui séparent ceux des demanderesses de la partie développée de la ville, soient eux-mêmes aménagés, de sorte qu’on puisse s’y rendre et y amener les infrastructures municipales (chemin, aqueduc et égout).

[51]        Les terrains des demanderesses sont ainsi séparés de la partie développée de la ville de Lorraine par des terrains appartenant à d’autres développeurs dont un, selon le témoignage du père et du fils Mathon, de l’expert urbaniste Yves Deshaies et de M. Denis Leclerc, ancien directeur général de la Ville, n’a jamais, au cours des 20 dernières années, démontré un empressement à développer ses terrains situés entre ceux des demanderesses et les extrémités des infrastructures existantes. Ce n’est qu’au cours des dernières années que ces terrains ont finalement été développés et encore, les derniers, par où passeraient les services municipaux afin de se rendre aux terrains des demanderesses, ne sont toujours pas développés.

[52]        On ne peut perdre de vue que les demanderesses ont acquis les terrains en litige dans le cadre d’une transaction comportant plusieurs phases et que les premières développées étaient situées sur le territoire de la municipalité voisine, étant donné qu’il était alors impossible d’accéder au terrain situé à Lorraine pour cette raison. Les demanderesses n’avaient alors d’autres choix que, tout d’abord, entamer et achever les trois premières phases de développement sur les terrains situés à Rosemère.


[53]        Monsieur Roger Mathon explique qu’après avoir notarié les terrains des dernières phases, soit ceux situés à Lorraine, il se rend vers la fin de septembre 1991 à l’hôtel de ville afin d’en discuter avec M. René Desjardins, le directeur des services techniques et de l’urbanisme à l’époque. Monsieur Mathon témoigne alors avoir appris de Monsieur Desjardins que le règlement de zonage avait été modifié l’été précédent et que l’usage permis était dorénavant de conservation. Inquiet, Monsieur Mathon interroge Monsieur Desjardins, qui lui répond qu’il n’a pas de raison de s’inquiéter puisque la Ville n’a ainsi zoné ses terrains qu’afin de mieux encadrer le développement résidentiel qui serait plus tard remis en place, et plus particulièrement pour mieux protéger les cours d’eau qui les traversent, dont un est possiblement sujet à des glissements de terrain dû à ses fortes pentes.

[54]        Monsieur Mathon témoigne être sorti de l’hôtel de ville informé de cette réglementation, mais malgré tout rassuré par les propos de Monsieur Desjardins. Il comprend de cette conversation que les modifications au règlement se produiront éventuellement, bien que pas dans l’immédiat.

[55]        À cette époque, l’économie souffre, ce qui se répercute sur le développement résidentiel de la région. Monsieur Mathon explique alors avoir dû se trouver de nouveaux associés qui, eux, lui manifestaient un niveau d’anxiété plus grand que le sien à l’égard de zonage et des intentions réelles de la Ville, malgré l’assurance qu’il leur donnait et que lui-même obtenait de celle-ci.

[56]        Afin de rassurer ses associés, mandat est donné au cours de l’automne 2012 à un avocat, Maître Forgues, afin qu’il transmettre une lettre à la Ville dans le but d’être rassuré. Maître Forgues leur transmet ses lettres le 9 décembre 1992[21] dans lesquelles il est fait mention de l’entrée en vigueur du nouveau règlement, que celui-ci ne permet plus la construction d’habitations ni d’aucun autre usage et qu’il s’agirait là d’une confiscation des terrains de ses clients. Il enjoint la Ville d’amender le règlement de zonage de sorte qu’il puisse servir à un usage de type habitation, ou de verser une compensation monétaire adéquate. Il demande la tenue d’une rencontre afin de discuter des alternatives possibles.

[57]        Les demanderesses ne prennent pas action à la suite de l’envoi de cette lettre. Monsieur Mathon explique s’être à nouveau présenté à l’hôtel de ville et, vu le maintien du discours rassurant alors tenu, il choisit d’attendre étant donné qu’il n’est, de toute façon, pas prêt à développer ses terrains et qu’il ne désire pas antagoniser la Ville avec qui il souhaite maintenir de bonnes relations qui lui seront utiles lorsque viendra le temps de mettre en branle le développement des terrains. Monsieur Mathon explique que le maintien de telles bonnes relations est primordial.


[58]        Au cours de l’année 1993, Monsieur Mathon se présente à nouveau et obtient les mêmes représentations à l’effet qu’il aura éventuellement remise en place des usages résidentiels sur ces terrains. Cela ne suffit toutefois pas à ses associés, qui désirent que Lorraine prenne position plus fermement. Leur avocat, Maître Forgues, transmet une nouvelle lettre à Lorraine le 1er juin 1994[22] au même effet que sa lettre transmise un an plutôt.

[59]        Cette fois, une rencontre officielle est convenue et se tient le 11 juillet suivant. Sont alors présents le maire Laurent Belley, les avocats de la Ville, ceux des demanderesses, des membres du conseil municipal et du comité consultatif d’urbanisme de la Ville et le directeur des services techniques et de l’urbanisme.

[60]        Tel qu’il apparaît du procès-verbal[23] de cette rencontre rédigé par Me Michel Cantin, l’avocat de la Ville alors présent, la position de l’un et l’autre est exposée et les parties conviennent que dans la mesure où les demanderesses acceptent de céder une partie désignée de leur terrain à la Ville, alors celle-ci « s’engage à ce que le conseil considère modifier le règlement de zonage U-91 pour que la propriété de la compagnie située dans la zone CONSERVATION soit à l’avenir située dans une zone d’habitation de faible densité avec des normes semblables ou supérieures à celle existantes pour le secteur René d’Anjou », le secteur voisin.

[61]        Monsieur Mathon explique que cette entente est, dans ses grandes lignes, conforme aux représentations reçues auparavant, et qu’alors, ses associés et lui sont rassurés quant aux intentions de la Ville.

[62]        Le 13 juillet suivant, les demanderesses déposent un avant-projet d’opération cadastrale[24].

[63]        Le 15 juillet, les avocats des demanderesses transmettent une lettre à ceux de la Ville comportant certaines précisions, et indiquent leur compréhension qu’à la suite de la rencontre du 11 juillet, « les autorités municipales de ville de Lorraine acceptent de procéder à un amendement au règlement d’urbanisme et de zonage régissant le territoire de la municipalité, afin de redonner aux lots ci-haut mentionnés un usage « habitation de type HU », permettant le développement et la construction d’unités résidentielles de faible densité ». Il y est en outre mentionné que les demanderesses acceptent la condition imposée par la Ville lors de la rencontre quant à la cession de terrain.


[64]        Le 26 juillet, les avocats de la Ville écrivent à ceux des demanderesses et réitèrent l’entente convenue et précisent que l’accord de la majorité des membres du conseil sera nécessaire et que le projet de règlement devra, par l’effet de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[25], être soumis à l’approbation de certaines personnes habiles à voter avant qu’il n’entre en vigueur.

[65]        Le 22 février 1995, les demanderesses transmettre par le biais du notaire Théorêt une demande formelle de changement de zonage[26].

[66]        Les 7 et 9 mars suivant, des discussions se tiennent au sujet de modifications à apporter au projet de zone tampon prévue dans le calcul du 10 % pour fins de parc. Le 13 mars, Me Théorêt confirme l’accord de ses clientes.

[67]        Le 26 avril 1995, une rencontre se tient entre le directeur des services techniques et Me Théorêt afin de discuter de cette zone tampon et « la suite à donner aux événements ».

[68]        Monsieur Mathon témoigne continuer par la suite à se rendre à l’hôtel de ville et y rencontre des représentants de celle-ci. Il est noté au dossier de la Ville que le 5 novembre 1996 se tient une rencontre entre Monsieur Mathon et le directeur des services techniques concernant les possibilités de modification de zonage. Le projet est toujours sur les rails.

[69]        Le 3 juillet 1998, une nouvelle rencontre se tient à l’hôtel de ville. M. Mathon présente un projet de développement, qui n’apparaît pas suffisamment clair aux autorités municipales, et le promoteur s’engage à déposer un plan exécuté par un arpenteur-géomètre, ce qu’il fait le 30 juillet suivant. Monsieur Mathon explique alors avoir fait affaire avec les arpenteurs-géomètres de la Ville puisqu’il s’ensuit généralement des échanges directement entre ceux-ci et les représentants de la Ville. C’est précisément ce qui se produit le 11 février 1999, tel qu’il apparaît du mémo interne de Monsieur Desjardins à Monsieur Leclerc du 20 décembre 2005, alors que la Ville discute directement avec eux. Une demande leur est alors présentée afin qu’ils fassent apparaître sur leur plan les courbes de niveau que la Ville considère être très importantes pour identifier les zones à risque de décrochage de terrains.

[70]        Le 17 février suivant, le plan demandé par la Ville est reçu à l’hôtel de ville. Une discussion interne se tient entre Monsieur Desjardins, Monsieur le maire Belley et le conseiller responsable de l’urbanisme, et il est entendu qu’une rencontre aura lieu avec le promoteur.


[71]        Le 18 mars 1999 se tient cette rencontre. Lorraine y est assistée par un consultant de la Société Danarc et les demanderesses, par Me Théorêt. Il est alors convenu que les demanderesses déposeront une demande officielle ainsi qu’un plan détaillé du cadastre.

[72]        Le 4 octobre 1999, une nouvelle rencontre se tient entre les représentants de la Ville et les demanderesses. Un plan détaillé doit être à nouveau produit.

[73]        Le 25 octobre suivant, une autre rencontre se tient, laquelle a pour objectif principal « de ré-informer tous les promoteurs impliqués dans ce dossier ».

[74]        Le 13 janvier 2000, les demanderesses déposent une description technique de leurs lots préparée par l’arpenteur-géomètre Jacques Noury.

[75]        Monsieur Mathon témoigne qu’alors, l’économie a repris du poil de la bête et que, bien que les terrains de son voisin ne soient toujours pas développés, il tient à se préparer dans l’éventualité où ce voisin décide soudainement d’aller de l’avant, puisque ses terrains pourraient se vendre rapidement. Les demanderesses mandatent alors Groupe Conseil Genivar de préparer les plans de développement de leurs terrains, de même que ceux du voisin en question. Le 3 octobre 2000, Groupe Conseil Genivar dépose une demande à cet effet auprès de la Ville.

[76]        Puis, les démarches continues, bien qu’à un rythme loin d’être effréné.

[77]        Le 18 avril 2002, une rencontre se tient à l’hôtel de ville, cette fois entre le nouveau maire Pelletier, le conseiller responsable de l’urbanisme Monsieur Dalle-Vedove et le directeur des services techniques d’une part, et d’autre part, un groupe de personnes représentant Enviro-Mille-Iles, un organisme qui souhaite que la Ville acquière les terrains qui composent le boisé du Grand Coteau, ce qui inclut ceux des demanderesses. L’objet de la rencontre est d’obtenir de l’information sur les intentions de Lorraine.

[78]        Jamais Lorraine n’informera les demanderesses de cette rencontre, ni des autres rencontres qui auront lieu entre elle et les représentants de ce regroupement.

[79]        Durant ce temps, les demanderesses continuent la préparation de leur projet de développement. Groupe Conseil Genivar transmet des demandes à la Ville et reçoit des réponses, telle celle d’obtenir un plan topographique de la zone du boisé le 7 octobre 2002.

[80]        Le 9 juin 2003 se tient une nouvelle rencontre entre les représentants de Lorraine et ceux d’Enviro-Mille-Iles. Les représentants de cette dernière proposent alors à la Ville d’acquérir les terrains du boisé.


[81]        Le 23 août 2003, Monsieur Desjardins, le directeur de l’urbanisme, transmet au maire Pelletier et au directeur général Monsieur Savard, de l’information au sujet des divers plans déposés par les demanderesses à l’égard de leurs terrains situés dans le boisé.

[82]        En début d’année 2004, Enviro-Mille-Iles dépose un projet d’acquisition du boisé à Lorraine. Comme toujours, les demanderesses ne sont pas informées de ce projet. Monsieur Desjardins transmet alors au directeur général des informations concernant le nombre de lots visés et l’évaluation probable des terres situées dans ce secteur.

[83]        Le projet des demanderesses avance. Le 15 janvier 2004 se tient une rencontre de démarrage du projet, avec les représentants de Lorraine. Le promoteur les informe qu’il prévoit déposer d’ici deux mois un avant-projet et demande à nouveau à la Ville de prioriser le changement de zonage de sa zone avant que ne débute la construction.

[84]        Le 21 janvier, de la correspondance est échangée entre Lorraine et Daniel Arbour et associés, des urbanistes qui ont été engagés par les demanderesses au cours des mois précédents[27]. Une demande pour la tenue d’une rencontre stratégique, lors de laquelle la vocation envisagée des terrains sera traitée, est demandée.

[85]        Le 2 février, le ministère de l’Environnement transmet une lettre à Lorraine, à l’attention du maire, demandant à celle-ci « de ne considérer ni urbanisation, ni construction sur le territoire en question », afin que le ministère s’assure d’obtenir des relevés adéquats concernant les habitats de ce secteur. Au même moment, un document préparé par Urbacom est transmis à Lorraine et aux autres villes qui seront éventuellement impliquées dans la mise en place du parc, concernant la valeur écologique du boisé en litige. Le 9 février, le ministère informe la Ville de son intention d’effectuer un inventaire de la flore de la forêt. Les demanderesses ne sont pas informées de ces démarches.

[86]        Le 25 mars suivant, la Ville reçoit une nouvelle correspondance de Daniel Arbour et associés, qui lui demande de faire un suivi à la suite de leur rencontre du 15 janvier.

[87]        Daniel Arbour et associés réitère sa demande de suivi à la Ville le 8 juillet suivant, mais ne reçoit toujours pas de réponse, sauf un accusé réception.

[88]        Le 30 août 2004, une rencontre se tient entre les représentants des demanderesses et ceux de Lorraine. Cette dernière informe les premiers qu’un nouveau schéma d’aménagement de la MRC pourra avoir une incidence sur la possibilité de changer le zonage de la ville, et que des délais pour que le règlement du zonage soit modifié afin d’y réinstaurer l’usage résidentiel risquent fort d’être encourus.


[89]        Le 27 octobre suivant, Daniel Arbour et associés transmet au secrétaire-trésorier de la MRC une demande au sujet du schéma d’aménagement relatif au terrain des demanderesses. La MRC leur répond le 18 novembre suivant.

[90]        Pour des raisons que la Ville n’explique pas, les démarches alors entreprises par les demanderesses à l’hôtel de ville afin de faire progresser le projet n’aboutissent pas. Les explications données par le maire Dalle-Vedove lors de son interrogatoire hors cour du 27 février 2013 permettent toutefois de comprendre ce qui s’est alors produit.

[91]        Les démarches entreprises par Enviro-Mille-Iles ont porté fruit. La Ville a reçu une pétition comportant plusieurs milliers de signatures pour la préservation « de ce joyau » qu’est cette forêt pour celui qui est alors le conseiller Dalle-Vedove, qui sera candidat à l’élection à la mairie de novembre 2005 et qui proposera de préserver tous ces terrains à leur état naturel[28]. Dans les mois qui suivront sera confectionné un programme électoral par lequel Monsieur Dalle-Vedove et son équipe s’engageront à préserver ce boisé, à négocier avec les propriétaires l’acquisition des lots, dont ceux en litige, et d’en faire un parc[29].

[92]        Monsieur Denis Leclerc a été le directeur général de la Ville de juin 2004 à avril 2012. Il explique lors de son interrogatoire hors cour du 13 juillet 2012 qu’à son arrivée en fonction, Lorraine avait bien l’intention de changer de zonage sur les terrains en litige. Toutefois, cette intention a diamétralement changé lors de l’arrivée en fonction du maire Dalle-Vedove en novembre 2005. Il explique que le programme électoral de son équipe prévoyait un engagement à protéger la Forêt du Grand Coteau et à la préserver. Lors d’une rencontre avec Monsieur Dalle-Vedove, celui-ci l’a informé de son intention de faire en sorte que la Ville acquiert les terrains du Groupe Mathon et qu’un mandat avait même été donné à un évaluateur agréé afin d’en connaître la valeur, et qu’une rencontre avec les avocats de l’époque avait eu lieu afin de connaître la stratégie qui serait prise pour en faire l’acquisition.

[93]        Monsieur Leclerc reconnaît qu’à la suite de l’élection du maire Dalle-Vedove et de son équipe, les discussions ont continué à avoir lieu entre la Ville et les représentants des demanderesses, dont en outre avec Daniel Arbour et associés, et que les discussions avaient toujours court en 2006, bien que la Ville n’ait en aucun moment informé les demanderesses de son projet de faire l’acquisition de leurs terrains. Monsieur Roger Mathon témoigne d’ailleurs ne pas en avoir été informé.

[94]        C’est ainsi que le 4 avril 2006, Monsieur Leclerc transmet une lettre à Daniel Arbour et associés dans laquelle il les informe de délais additionnels au projet puisque la Ville de Lorraine « devrait statuer sur d’éventuelles modifications à sa réglementation d’urbanisme en septembre ou octobre prochain »[30].

[95]        Fait plus troublant encore, Monsieur Leclerc témoigne qu’il n’avait d’autre choix que de retarder le projet des demanderesses puisqu’il n’obtenait pas de réponse du maire Dalle-Vedove, lequel lui avait spécifiquement demandé « de ne pas prioriser le dossier » et d’attendre ses directives, ce qui était équivalant à mettre ce dossier de côté.

[96]        Plus encore, Monsieur Leclerc parle au maire en septembre 2006 et lui dit                « Écoutez, c’est que moi, j’ai écrit qu’on donnerait une réponse aux urbanistes-conseils. Quelle sera la réponse ? », ce à quoi le maire lui répond de retarder le dossier, de le reporter à plus tard[31].

[97]        Lors de « plus tard », huit ou 10 mois plus tard, Lorraine rencontre ses avocats afin d’élaborer la méthode d’acquisition des terrains du boisé, dont ceux des demanderesses. La méthode choisie est la publication et signification le 3 octobre 2007 d’avis de réserve à des fins publiques[32] en application de la Loi sur l’expropriation. Tel que le prévoit cette loi, cette publication a eu pour effet pratique d’empêcher toute construction sur les terrains des demanderesses pendant une durée de deux ans. Tel que cette loi l’autorisait aussi à le faire, Lorraine a par la suite reconduit ces avis de réserves pour une durée additionnelle de deux ans.

[98]        Ces avis de réserve exposaient en des termes clairs quelle était l’intention de Lorraine :

…et plus spécifiquement aux fins de voir à l’acquisition éventuelle de terrains dans le but d’assurer la conservation maximale du boisé de la forêt du Grand coteau, d’offrir aux résidents de la ville de Lorraine une meilleure qualité de vie en assurant la pérennité des lieux naturels et d’assurer la préservation de zones de conservation.

[99]        Selon Monsieur Leclerc, le maire aurait à cette époque déclaré à Monsieur Mathon [33] :

T’es pas là pour construire des maisons, t’es là pour faire de l’argent. Alors, si le fait que j’achète des terrains, le résultat c’est que tu fais un bénéfice, tu auras atteint ton objectif.

[100]     Monsieur Mathon témoigne avoir été estomaqué lorsqu’il a appris cette intention de la Ville d’acheter ses terrains, mais qu’il avait compris lors de la réception de l’avis de réserve, que la Ville irait vraisemblablement de l’avant et alors l’exproprierait. Il serait, par conséquent, compensé. 


[101]     Le projet des demanderesses est alors mis sur la glace, en attendant d’être exproprié. Toutefois, jamais Lorraine ne présentera d’offre d’achat aux demanderesses.

[102]     Pendant ce temps, la MRC adopte son nouveau schéma d’aménagement[34], ce qui implique que Lorraine doit, dans les deux ans de son entrée en vigueur, adopter des règlements de concordance avec les grandes orientations de ce schéma. Or, ce nouveau schéma d’aménagement prévoit toujours que les immeubles des demanderesses auront une vocation résidentielle. C’est ce qui amène Lorraine à formuler auprès du ministre des Affaires municipales trois demandes consécutives d’obtention d’autant de délais additionnels d’une année chacun[35], qui lui sont accordés et qui lui permettent de reporter l’adoption de ses règlements de conformité, qui auraient autrement dû remettre en place le zonage résidentiel dans la zone où se trouvent les terrains en litige.

[103]     Or, Lorraine a utilisé ces délais additionnels afin de convaincre la MRC de modifier son schéma afin de mettre comme orientation la conservation de la forêt du Grand Coteau. Le maire Dale-Vedove, lors de son interrogatoire hors cour du 27 février 2013[36], admet qu’il y avait bien un lien entre les demandes d’extension de délais présentées par la Ville et la mise en place du projet de parc.

[104]     Le 10 juin 2008, la Ville adopte une résolution numéro 2008-06-138[37], par laquelle elle conclut une entente avec les villes de Blainville et Rosemère « afin de procéder à la création d’un Parc intermunicipal à même le boisé situé au nord de l’autoroute 640 dans les villes de Rosemère et de Lorraine et bordant la ville de Blainville ».

[105]     Une fois expiré le deuxième avis de réserve en septembre 2011, la Ville tient un référendum puis va de l’avant, mais en n’expropriant que la parcelle de terrain des demanderesses (de même que celle des voisins) située au nord de la propriété, soit la partie de terrain qui n’était pas visée par le zonage conservation. Les documents d’information transmis par Lorraine à sa population aux fins de ce référendum[38] précisait que :

La forêt du grand coteau, située à Lorraine, est composée de deux parties qui ont été placées dans une réserve foncière :

-       165 300 m², déjà protégée par un zonage CONSERVATION;


-       40 099 m² située au nord et zonée résidentielle. La réserve foncière étant expirée, cette partie n’est plus protégée et peut donc être développée à tout moment par ses propriétaires.

     (L’emphase est dans le texte)

[106]     En 2009, le maire Dalle-Vedove est remplacé par le maire Ramez Ayoub à l’élection de novembre. Lors de son interrogatoire hors cour tenue le 13 juillet 2012, il reconnaît que peu après son arrivée au pouvoir, il a affirmé aux représentants des demanderesses, lors d’une rencontre avec eux, qu’il allait travailler afin de leur faire une proposition d’acquisition de leurs terrains, mais qu’après réflexion, la Ville a plutôt décidé de n’acquérir que la partie située plus au nord sur laquelle le zonage permettait la construction d’habitations, étant donné que la plus grande partie de leurs terrains était déjà visée par une zone de conservation et qu’il n’y avait donc pas lieu de l’acquérir.

[107]     Puis, en début d’année 2012, les demanderesses prennent action et demandent d’être indemnisées pour ce qu’elles considèrent être une expropriation sans indemnité de leur terrain.

[108]     Il apparaît de cette énumération des événements que, malgré que de nombreuses années se soient écoulées entre le moment de l’adoption du règlement U-91 à l’été 2011 ou encore celui, en septembre 1991, lors duquel le représentant des demanderesses a réellement eu connaissance qu’elles ne pouvaient plus rien faire avec leurs terrains, les demanderesses n’ont acquis l’intérêt à poursuivre la Ville et à demander d’être indemnisées qu’à la fin de l’automne 2011. Durant ce long intervalle, les demanderesses étaient justifiées objectivement de croire que Lorraine avait réellement l’intention de remettre en place un zonage de type résidentiel avant que le développement n’arrive à la limite de leurs terrains.

[109]     Lorraine plaide que jamais elle ne s’est engagée à mettre en place un zonage résidentiel et que les demanderesses ne peuvent soutenir qu’elles ont droit à un tel changement de zonage, puisque la Ville ne s’exprime que par résolution ou règlement[39]. La Ville a évidemment raison sur ce point, qui n’apparaît que très difficilement contestable, et que, d’ailleurs, les demanderesses ne tentent aucunement de soutenir.

[110]     Ce que la preuve démontre clairement n’est pas que Lorraine s’est engagée à changer son règlement au point qu’elle soit aujourd’hui forcée d’y apporter les amendements souhaités par les demanderesses. Ce que la preuve démontre, c’est que les demanderesses n’avaient aucun intérêt à poursuivre la Ville étant donné que les échanges avec elle leur permettaient d’entretenir un espoir raisonnable, et ce, dès les premiers échanges, qu’éventuellement, le zonage résidentiel serait remis en place et qu’elles pourraient alors aller de l’avant avec leur projet, de sorte qu’elles ne pourraient alors prétendre que leurs terrains avaient été expropriés sans indemnité.

[111]     Il est possible, et même vraisemblable que la Ville eût alors adopté une réglementation plus restrictive qui aurait tenu compte de la présence des cours d’eau et du ravin qui traverse les terrains. Cela, toutefois, n’est pertinent que dans le cadre de l’évaluation du préjudice, dont le Tribunal ne traitera pas étant donné la scission de l’instance déjà ordonnée.

[112]     Toutefois, durant toutes ces années, les demanderesses ont fait preuve de diligence malgré les longs délais qui pouvaient s’écouler d’une discussion à l’autre avec les représentants de la Ville. Les demanderesses ont bien expliqué les raisons de ces délais, qui s’expliquaient par le fait qu’elles ne donnaient, et ne pouvaient donner, priorité au développement de cette terre d’abord à cause du marasme économique du début des années 1990, ensuite à cause du retard du voisin à développer ses propres terrains, conditions essentielles au développement des leurs.

[113]     Ce n’est qu’au début des années 2000 que le projet a pris une allure plus vive mais qui a par la suite été retardé, puis complètement interrompu au milieu de la première décennie, par la volonté de la Ville, par ailleurs objectivement valide, de faire de l’ensemble de ces terrains l’équivalent d’un vaste parc public de préservation de la nature. Si des reproches doivent alors être adressés à la Ville, ce n’est pas d’avoir voulu protéger cette forêt, mais bien de l’avoir fait sans indemniser les demanderesses pour la prise effective de possession de leurs terrains.

[114]     On ne peut par ailleurs aucunement reprocher aux demanderesses d’avoir tardé à intenter leur recours pour les délais qui se sont écoulés à la suite de la réception des avis de réserve, lesquels annonçaient expressément, et correctement, du moins à ce moment, la volonté de Lorraine de faire de ces terrains un vaste parc de préservation de la nature et qu’il y aurait expropriation en conséquence. Les demanderesses ne pouvaient certainement pas comprendre de ces avis de réserve que la Ville changerait ensuite son fusil d’épaule et tenterait de se défaire de ses obligations.

[115]     Par conséquent, le Tribunal conclut que le délai de prescription n’a commencé à courir à l’égard des demanderesses qu’au jour de l’annonce de la tenue du référendum, annonce qui précise qu’une partie seulement des terrains des demanderesses serait expropriée, soit à la fin de l’automne 2011. Cette date n’ayant pas été précisée, celle la plus rapprochée découlant de la preuve est le jour où fut tenue l’assemblée publique afin d’informer la population, soit le 25 octobre 2011, date qui sera considérée être celle du début du délai de prescription. La demande n’est donc pas prescrite.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[116]     ACCUEILLE la demande amendée;

[117]     DÉCLARE que la Ville de Lorraine a, par ses règlements de zonage, exproprié de façon déguisée et sans indemnité les lots 5 537 137 et 2 322 897 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne;

[118]     DONNE ACTE de l’offre des demanderesses de céder à la Ville de Lorraine de bons et valables titres sur ces deux lots;

[119]     DÉCLARE la Ville de Lorraine unique propriétaire des lots ci-haut identifiés, à compter de ce jour;

[120]     RÉFÈRE le dossier au maître des rôles afin que puisse être fixée une date de procès lors duquel la réclamation monétaire sera tranchée.

[121]     Avec frais de justice.

 

 

 

 

__________________________________

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.S.

 

 

 

Me Isabelle Landry

B.C.F. s.e.n.c.r.l.

Procureure des demanderesses

 

Me Michel Beausoleil

Procureur de la défenderesse et de la mise en cause

 

Dates d’audition : 10, 11, 12 et 13 décembre 2018

 



[1]     Des transferts de certains de ces terrains sont survenus depuis entre ces entreprises liées, lesquels qui n’ont toutefois pas d’incidence sur le sort de ce litige.

[2]     Lors de son interrogatoire hors cour, un autre représentant des demanderesses, M. Michel Mathon, le fils du président des entreprises à l’époque, affirme plutôt qu’il avait connaissance de la teneur de cette réglementation le jour de la signature des contrats. Entre le témoignage de M. Roger Mathon, qui occupait alors ses fonctions à temps plein dans les entreprises et celui de son fils Michel, qui n’y exerçait des activités qu’occasionnellement puisqu’il était alors toujours aux études à temps plein, le Tribunal préfère celui du père. Comme nous le verrons, cela n’a toutefois pas d’incidence sur le sort du litige.

[3]     RLRQ, c. C-19.

[4]     GIROUX, L., Aspects juridiques du règlement de zonage au Québec, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 1979, p. 32.

[5]     Hétu, Jean et Duplessis, Yvon, Droit municipal: principes généraux et contentieux, 2e éd., volume 1, Brossard, CCH, mis à jour, SOQUIJ AZ-03101034, p. 8 263.

[6]     2011 QCCA 1165, par. 45 à 47, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée le 2 février 2012, no 34440.

[7]     Sula c. Duvernay (Cité de) [1970] C.A. 234; Montréal (Ville de) c. Benjamin, SOQUIJ AZ-50283248, J.E. 2005-151 (C.A.).

[8]     Art. 58 ss., Loi sur l’expropriation, RLRQ, c. E-24.

[9]     Sula c. Duvernay (Cité de) et Montréal (Ville de) c. Benjamin, déjà cité note 7.

[10]    Daniel c. Mont-St-Hilaire (Ville de), 2016 QCCA 493.

[11]    Ville de Sainte-Foy c. Abel Skiver Farm Corporation, (1979) C.A. 88.

[12]    Spénard c. Cité de Salaberry-de-Valleyfield, [1983] C.S. 725; Rioux c. Corporation municipale de la Cité de Sept-Îles, [1995] R.J.Q. 2198; Basil Holding Corp. c. Côte St-Luc (City of), SOQUIJ AZ-98021432, J.E. 98-960 (C.S.) et Exploitation agricole et forestière des Laurentides inc. c. Mont-Tremblant (Ville de), 2015 QCCS 1930.

[13]    DELISLE, P. et ROY, J.-A., L’expropriation, la réserve pour fins publiques et l’expropriation déguisée : procédures et principes d’indemnisation, Wolters Kluwer, Brossard, 2017, pp. 563 et 564.

[14]    Lorraine (ville) c. 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35.

[15]    Wendover-et-Simpson (Corporation municipale) c. Filion, [1992] R.D.I. 263 (C.A.), p. 267.

[16]    Déjà cité, note 7, par. 47 à 62.

[17]    Michaud c. Québec (Ville de), SOQUIJ AZ-93011349, J.E. 93-576 (C.A.).

[18]    [1976] C.A. 503.

[19]    Rosenberg c. Canada (Procureur général),  2014 QCCA 2041.

[20]    Wendover-et-Simpson (Corporation municipale) c. Filion, déjà cité, note 15.

[21]    Pièce D-11.

[22]    Pièce P-32.

[23]    Pièce P-32.

[24]    Mémo interne de M. René Desjardins à M. Denis Leclerc du 20 décembre 2005, pièce P-42. Dans ce mémo interne de la Ville se trouve l’énumération de plusieurs des démarches mentionnées ci-après.

[25]    RLRQ, c. A-19.1.

[26]    Pièce D-13.

[27]    Pièce P-26.

[28]    Interrogatoire de M. Dalle-Vedove du 27 février 2013, pp. 13 et 22.

[29]    Id., p. 35.

[30]    Interrogatoire de Monsieur Leclerc du 13 juillet 2012, p. 31.

[31]    Id., p. 33.

[32]    Pièces P-9.1 et 9.2.

[33]    Interrogatoire de Monsieur Leclerc du 13 juillet 2012, pp. 36-37.

[34]    Pièce P-8.

[35]    Pièce P-11.

[36]    Pages 78-79.

[37]    Pièce P-29.

[38]    Pièce P-22.

[39]    Habitations Germat inc. c. Ville de Rosemère, 2017 QCCA 1294, confirmant Habitations Germat inc. c. Ville de Rosemère, 2017 QCCS 694.

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