MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée en première instance en vertu de l’article 486.4 C.cr. afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.
- L'appelant se pourvoit contre un verdict de culpabilité rendu le 5 mai 2022 par l’honorable Steve Magnan de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Québec[1].
- Pour les motifs du juge Sansfaçon, auxquels souscrivent les juges Mainville et Lavallée, LA COUR :
- REJETTE l’appel;
- ORDONNE à l’appelant de se constituer prisonnier en se rapportant aux autorités carcérales au plus tard le 11 avril 2025, à 12 h.
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| ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. |
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| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
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Me Charles Levasseur |
LEVASSEUR & ASSOCIÉS AVOCATS |
Pour l’appelant |
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Me Annie Bastarache |
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES |
Pour l’intimé |
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Date d’audience : | 10 septembre 2024 |
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- L’appelant se pourvoit contre un verdict de culpabilité rendu le 5 mai 2022 par l’honorable Steve Magnan de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Québec, relatif à une agression sexuelle commise sur la personne de la plaignante, A.D., le 3 février 2018, dans la chambre de cette dernière, située au sous-sol du domicile de ses parents à Québec.
- L’appelant soulève plusieurs moyens d’appel voulant que le juge de première instance ait commis différentes erreurs de droit et de compétence au sujet desquelles nous reviendrons plus bas.
- Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’aucun de ces moyens n’est susceptible de justifier une intervention de la Cour.
- Le 2 février 2018, la plaignante et son amie de longue date, C… P..., se rencontrent chez la première. Elles boivent chacune un verre de vin blanc avant de se rendre pour souper, vers 18 h 30, au restaurant-bar Shaker à Charlesbourg. Au cours de ce souper et de la soirée, elles se partagent à parts égales deux bouteilles de vin blanc, un café Bailey’s et quatre shooters de vodka-lime. La facture montre également qu’elles ont commandé une troisième bouteille de vin blanc que ni l’une ni l’autre ne se rappelle avoir consommée. Selon un rapport toxicologique, le taux d’alcool maximum de la plaignante en raison de cette consommation aurait été de 190 ou 226 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang (selon que la troisième bouteille de vin a ou n’a pas été bue), et ce, vers 1 h du matin le 3 février. De son côté, l’appelant n’a consommé qu’un ou deux petits verres de bière et deux verres de rhum and coke.
- La suite des évènements diffère selon les témoignages.
- La plaignante témoigne avoir passé la majeure partie de la soirée en compagnie de son amie, mais aussi de gens assis près d’elles. Lorsqu’elle décrit son état au fil de la soirée, elle indique qu’elle n’était peut-être plus elle-même, ce qu’elle illustre en mentionnant qu’elle a embrassé une fille qui était à côté d’elle et lui a touché les seins, ce qu’elle n’aurait pas fait normalement.
- Vers minuit et après avoir bu la plupart des consommations décrites plus haut, elle aperçoit l’appelant, un bon ami de son ex-conjoint, qui est accompagné de deux hommes qu’elle ne connaît pas. Elle se souvient d’avoir pris des nouvelles de l’appelant et d’avoir été surprise d’apprendre qu’il n’était plus avec sa conjointe de l’époque où les deux couples passaient du temps ensemble. Elle témoigne être restée debout lors de cet échange, ce qui est en contradiction avec la déclaration qu’elle a faite aux policiers six mois après les évènements, où elle avait indiqué s’être assise avec l’appelant. Elle témoigne que cet échange a duré au maximum cinq minutes, alors qu’en contre-interrogatoire, elle dira que l’échange a duré au maximum une heure.
- Les souvenirs de la plaignante sur la période qui suit ce premier échange avec l’appelant sont flous. Elle indique ne se souvenir que de quatre moments, ou flashs comme elle les nomme, entre cette rencontre et son réveil dans son lit le lendemain matin. Elle est contredite au sujet du nombre de ces flashs par son ex-conjoint qui témoigne qu’elle lui aurait dit, lorsqu’elle l’a informé de l’évènement au cours du mois d’août suivant, qu’elle en avait eu deux.
- Lors du premier de ces flashs, elle est de retour à la table de l’appelant. Son amie lui dit que le taxi qu’elle a commandé est arrivé, mais la plaignante choisit de ne pas l’accompagner puisque l’appelant lui propose de la reconduire chez elle plus tard. Elle se rappelle que son amie portait son foulard et son manteau lorsqu’elle est venue la chercher. Elle témoigne qu’elle avait confiance en l’appelant puisqu’il était policier. Elle ne se rappelle pas combien de temps elle a passé en compagnie de ce dernier après le départ de son amie.
- Son deuxième flash se situe au moment où elle doit payer l’addition. Elle se souvient d’avoir trouvé le montant élevé puisqu’elle n’avait mangé qu’une entrée, mais que l’addition comportait toutes les consommations, vu que son amie n’avait pas payé sa part avant de partir. Elle ne se souvient pas de quelle façon elle a payé sa facture.
- Dans son troisième flash, elle est dans la voiture de l’appelant sur le siège passager. La voiture est alors immobilisée devant un feu rouge à une intersection qu’elle reconnaît. Il s’agit d’un des deux flashs mentionnés à son ex-copain en août 2018, selon le témoignage de ce dernier.
- Dans son dernier flash, elle témoigne qu’elle et l’appelant sont dans sa chambre et qu’il fait noir, mais elle ne se souvient pas si elle est nue ou habillée ni où se situe l’appelant par rapport à elle. Elle se souvient qu’il était question d’un condom, ce qui l’a marquée puisqu’elle n’a pas l’habitude de se servir de ce moyen de contraception, ayant toujours été en couple et l’étant aussi le 2 février 2018. Il s’agit là du deuxième flash mentionné à son ex-copain, à la différence qu’elle lui a alors affirmé que dans ce flash, l’appelant était dans son lit.
- À son réveil le lendemain, la plaignante a des douleurs vaginales et anales. Le tampon hygiénique qu’elle portait et sa corde sont enfoncés dans son vagin. Elle comprend alors ce qui lui est arrivé, bien qu’elle n’en garde pas de souvenir, puisque ces douleurs, qu’elle n’a jamais connues auparavant, et le fait qu’elle ait trouvé son tampon enfoncé en elle, ne lui permettent pas de conclure autrement. Elle ressent un mélange de honte et de dégoût, et se culpabilise pour ce qui lui est arrivé. Ses douleurs et saignements vont s’estomper après 5 jours. Elle ne parle alors à personne de ce qu’elle a vécu. Le lendemain, elle discute de la soirée avec son amie C… P... par la messagerie Facebook Messenger et lorsque cette dernière lui demande comment elle est rentrée chez elle, elle lui répond « L’ami policier a pi… Hahaha »[2].
- Ayant souvenir d’une conversation portant sur un condom, elle le cherche dans sa chambre, mais ne le trouve pas. Le 5 ou 6 février suivant, elle contacte l’appelant via Facebook Messenger pour lui demander ce qu’il a fait avec le condom. L’appelant lui indique s’en être occupé, que personne ne saura ce qui s’est passé et qu’il n’en parlera pas à son ami, l’ex-conjoint de la plaignante. Cette réponse confirme à la plaignante sa croyance qu’il a profité d’elle dans un moment où elle n’était « peut-être pas toute là ». Les captures d’écran de ces messages n’ont pas été mises en preuve puisque la plaignante les a supprimés, afin, explique-t-elle, de ne plus repenser aux évènements. Elle témoigne avoir ensuite tenté d’oublier l’agression.
- Au cours du mois d’août 2018, alors qu’elle se trouve exactement à l’intersection où elle a souvenir de s’être trouvée avec l’appelant, mais en sens inverse, elle entend à la radio que celui-ci a été arrêté pour avoir agressé sexuellement une de ses collègues de travail. Elle est submergée par ses émotions. Elle contacte son ex-conjoint et ami de l’appelant afin de savoir ce qu’il sait de l’arrestation de ce dernier, puis l’appelle et lui raconte ce qui lui est arrivé. La plaignante témoigne que ce dernier est alors sous le choc.
- La plaignante expose ensuite par écrit à son conjoint ce qui lui est arrivé. Elle évoque la possibilité d’avoir été droguée, puisqu’en général elle n’a pas une grande résistance à l’alcool et elle vomit facilement, ce qui ne lui est pas arrivé lors de sa soirée ni le lendemain. Elle fait par la suite une déclaration aux policiers. Elle aborde la possibilité qu’elle ait pu avoir été droguée, mais les policiers n’explorent pas plus cette avenue, préférant s’attarder à sa consommation d’alcool.
- Le témoignage de l’appelant diffère substantiellement de celui de la plaignante, d’autant plus qu’outre ses flashs, elle ne se souvient d’aucun évènement postérieur à sa première rencontre avec Lehoux.
- L’appelant témoigne être arrivé ce soir-là au restaurant-bar Shaker vers 23 h 30, après avoir bu un ou deux petits verres de bière avec des amis. Il n’y consommera que deux verres de rhum and coke au courant de la soirée.
- Son attention se porte sur deux femmes qui s’embrassent et se touchent les seins. Il reconnaît l’une d’elles, la plaignante, l’ex-conjointe d’un de ses bons amis. Un peu plus tard, la plaignante passe à côté de la table où il est assis en compagnie de deux amis. Ils discutent les quatre ensemble pendant une trentaine de minutes. Les propos de la plaignante sont cohérents et l’appelant témoigne qu’« elle est un peu su’l’party, mais y’a rien…y’a rien qui détonne, j’vous dirais, de, de… de tout l’monde, là, t’sé. Y’a rien d’anormal, là, j’ai rien perçu qui était anormal »[3]. En contre-interrogatoire, il affirme que la démarche de la plaignante était normale tout au long de la soirée. Alors qu’elle et lui discutent du comportement qu’elle a eu avec l’autre femme, elle l’explique par le fait qu’elle était « plus épanouie, plus libre » avec son nouveau conjoint[4] et elle lui demande de ne pas en parler à son ex-conjoint. Au cours de cette conversation, la plaignante a une coupe de vin à la main. Au sujet de la consommation de cette dernière, l’appelant affirme que « dans mon souvenir, dans toute la soirée, j’ai juste eu l’impression qu’elle avait une coupe de vin blanc dans ses mains. J’l’ai jamais [vue] vider sa coupe de vin blanc ni la remplir »[5]. Après cette première discussion, la plaignante fait plusieurs allers-retours entre sa propre table et celle de l’appelant pour revenir discuter avec lui.
- Lorsqu’une amie de la plaignante vient demander à cette dernière de se préparer à partir, car un taxi les attend, l’appelant lui propose de la raccompagner. Elle évoque la possibilité d’utiliser le service Tolérance zéro. En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui demande si le fait que la plaignante ne voulait pas prendre son véhicule l’a amené à se questionner sur son état d’intoxication, il répond : « [c]omme j’vous ai expliqué, était su’l’party; j’y aurais dit d’pas prendre de chance probablement, d’pas… prendre son véhicule, mais juste… Rendu là, c’est elle qui aurait pu décider »[6].
- Toujours selon l’appelant, après le départ de l’amie de la plaignante, cette dernière passe la majeure partie de son temps avec lui et commence à lui démontrer de l’intérêt en recherchant une proximité physique et en lui touchant les mains. Elle le complimente et il la complimente en retour. Rien ne lui indique que la plaignante aurait pu être « trop intoxiquée par l’alcool »[7] et l’intérêt qu’elle lui montrait n’avait, selon lui, rien à voir avec son état d’intoxication. Lorsqu’ils se retrouvent seuls à la table pour un moment, ils s’embrassent et se disent qu’ils ont du désir l’un pour l’autre. Ils conviennent de « finir [la] soirée ensemble »[8] chez la plaignante. L’appelant affirme une fois de plus que « y’a rien d’particulier et son état […] a pas changé du début d’la soirée »[9].
- Toujours selon la version de l’appelant, ils quittent le bar ensemble. Dans la voiture, alors qu’ils sont encore dans le stationnement souterrain, la plaignante informe l’appelant qu’elle est à la fin de sa période de menstruations et qu’elle n’est pas certaine d’être disposée à la pénétration, mais le rassure en lui disant qu’elle lui fera une fellation. Au cours du trajet, ils discutent du fait qu’elle est en couple et elle lui dit que « ça dérangeait pas »[10]. Arrivés en face de chez elle, elle lui demande de ne pas stationner sa voiture dans l’entrée afin d’éviter que ses parents voient qu’elle a amené quelqu’un chez elle. Il réalise alors qu’elle habite toujours chez ses parents. Elle déverrouille la porte à l’aide d’un code et ils descendent silencieusement au sous-sol, où sa chambre se trouve. Il lui demande où se trouve la toilette et elle lui répond qu’elle est au rez-de-chaussée en face de l’escalier. Il s’y rend, redescend puis la plaignante fait de même.
- Ensuite, les embrassades commencent et la plaignante lui fait une fellation et semble y prendre du plaisir. Ils se déshabillent et il lui demande s’ils peuvent avoir une relation sexuelle. Elle lui répond « oui » et il met le condom qui se trouve dans son portefeuille. Les deux participent activement à la relation sexuelle, adoptant plusieurs positions. La plaignante lui demande de continuer sur le divan situé dans la pièce adjacente, ce qu’ils font. Jamais il ne remarque qu’elle porte un tampon. À un moment, il s’aperçoit que le condom est brisé. Elle lui fait part de sa crainte de tomber enceinte et il la rassure en lui disant qu’il n’a pas éjaculé et qu’il croit que le condom n’était pas brisé depuis longtemps. Ils ne poursuivent donc pas la pénétration vaginale, mais elle initie une relation anale à laquelle elle met fin rapidement à cause de l’inconfort qu’elle ressent, tournant cet inconfort en blague. Après leur relation sexuelle, la plaignante lui parle de son ex-conjoint (et ami de l’appelant), ce qu’il trouve malaisant. Elle lui demande de s’occuper du condom pour que ses parents ne le trouvent pas. L’appelant s’en va peu après.
- Le lendemain, l’appelant contacte la plaignante par Facebook Messenger pour lui proposer d’aller la reconduire au Shaker afin qu’elle y récupère son véhicule, offre qu’elle refuse en disant qu’elle s’y rendra avec son père. Il supprime ce message pour éviter tout risque que l’ex-conjoint de la plaignante le voie. Il se rappelle que la plaignante lui a écrit quelques jours plus tard au sujet du condom.
Le verdict
- Après avoir résumé les faits pertinents, les résultats du rapport de la toxicologue judiciaire et les témoignages, et avoir souligné les contradictions dans celui de la plaignante, le juge de première instance expose les principes généraux portant sur le fardeau de preuve qui repose sur la Couronne.
- Il enchaîne ensuite en répondant à la première question du cadre d’analyse développé dans l’arrêt W.(D.)[11] et explique pourquoi il ne croit pas l’appelant quant à deux aspects importants de son témoignage.
- Le premier aspect a trait à la description de l’état d’intoxication de la plaignante faite par l’appelant durant son témoignage, ses réponses à ce sujet amenant le juge à s’interroger à la fois sur leur justesse et sur sa volonté de le renseigner correctement et avec sincérité sur ce qu’il affirme avoir constaté. Il estime que « le témoignage de l’accusé sur l’état d’intoxication d’A.D. change en fonction des questions qui lui sont posées »[12]. Il mentionne que la plaignante « ne pouvait pas être à la fois dans un état normal et tenir un discours cohérent [comme l’affirmait l’appelant], et au même moment, être sur le party et intoxiquée à l’alcool à un point tel qu’il était préférable qu’elle ne conduise pas son véhicule »[13].
- Le juge appuie aussi son rejet du témoignage de l’appelant au sujet de l’état d’intoxication d’A.D. sur d’autres éléments tirés de l’ensemble de la preuve, dont la facture du bar Shaker. Il se fonde également sur le témoignage détaillé de C… P... — qu’il croit — portant sur le nombre de consommations bues par la plaignante, sur l’évolution de son comportement au fil de la soirée et sur son état d’ébriété lorsqu’elles se sont quittées. P... témoigne que son amie marchait et parlait différemment à cause de l’alcool, qu’elle discutait de sujets personnels avec des étrangers et adoptait des comportements nettement différents de ceux qu’elle a lorsqu’elle est sobre. Le juge fait ensuite référence à l’alcoolémie approximative de la plaignante au courant de la soirée mentionnée dans le rapport toxicologique, et retient que ce rapport « informe le Tribunal que l’alcool est un dépresseur du système nerveux central qui entraîne une diminution graduelle de l’ensemble des fonctions intellectuelles, sensorielles et motrices, et à mesure que l’alcoolémie de l’individu augmente »[14], tout en se mettant en garde de conclure sur cette seule base que la plaignante était intoxiquée puisque « [l]e Tribunal ignore ce qui [sic] signifie pour A.D. une telle alcoolémie et de quelle façon cela affecte son comportement »[15]. Ainsi, au regard de l’ensemble de la preuve, il ne croit pas l’appelant lorsqu’il affirme qu’elle était normale et seulement « un peu sur le party ».
- Le second aspect du témoignage de l’appelant que le juge ne croit pas a trait aux échanges ayant précédé les rapports sexuels et la façon dont ils se sont déroulés. Son témoignage révèle que la plaignante lui a d’abord manifesté une préoccupation relative à ses menstruations qui l’auraient menée à lui offrir une fellation. Toutefois, le juge souligne que la plaignante a témoigné s’être réveillée avec des douleurs au vagin et a constaté que son tampon était enfoncé en elle et qu’il la croit lorsqu’elle affirme qu’elle n’aurait pas eu de rapport sexuel avec pénétration en ayant en elle un tampon. Le juge ne croit pas l’appelant lorsqu’il affirme que la plaignante avait pleinement conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait et « ne le croit pas non plus sur ce qu’il rapporte s’étant produit dans la chambre d’A.D. avant l’activité sexuelle, ni sur l’ensemble de ce qu’il rapporte s’[étant] produit au sous-sol chez A.D. »[16].
- Le juge complète son analyse de la crédibilité de l’appelant en ajoutant qu’il ne croit pas son explication sur la raison qui l’a poussé à supprimer l’échange qu’il a eu avec la plaignante le 3 février en matinée, soit qu’il ne voulait pas que son ami découvre qu’ils s’étaient vus. Le juge trouve cette explication incohérente avec le fait que le jeu de séduction auquel il soutient avoir participé s’est déroulé en public et qu’ils se seraient embrassés à la vue de tous.
- Le juge conclut donc, considérant l’ensemble de la preuve et eu égard au premier critère proposé par l’arrêt W.(D.), qu’il ne croit pas l’appelant. Puisqu’il ne peut pas se fier à ce qu’il raconte et qu’il ne croit pas son récit des évènements, il conclut que sa défense voulant que la plaignante consentait aux rapports sexuels ne suscite pas de doute raisonnable sur sa culpabilité.
- Le juge poursuit son raisonnement en vérifiant si la preuve établit hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’appelant[17]. Il rappelle les éléments constitutifs de l’infraction d’agression sexuelle de même que la définition du consentement énoncée à l’art. 273.1 C.cr.
- Quant à l’actus reus, le juge croit la plaignante : bien qu’elle ait très peu de souvenirs de la soirée et de la nuit et que son témoignage comporte certaines contradictions qu’il qualifie de mineures, il ne doute pas de la véracité de son témoignage. Il accepte son explication concernant la raison pour laquelle elle a cru pendant une période avoir été droguée. Il la croit également lorsqu’elle affirme que si les rapports sexuels avaient été consensuels, elle aurait enlevé son tampon. Citant R. c. Kishayinew[18], il conclut que l’ensemble de la preuve circonstancielle établit que non seulement la plaignante n’a pas subjectivement consenti aux rapports sexuels[19], mais aussi que son état d’intoxication l’empêchait de consentir, ce qui l’amène à conclure que « la Poursuivante a établi hors de tout doute raisonnable l’élément matériel de l’infraction »[20].
- Le juge se penche ensuite sur l’élément mental de l’infraction. Il s’interroge sur l’applicabilité de la défense de croyance sincère mais erronée au consentement, mais est d’avis que contrairement aux faits ayant mené à l’arrêt R. c. Esau[21], où la plaignante n’avait également pas souvenir de l’agression, les versions de l’appelant et de la plaignante ne peuvent être combinées pour donner ouverture à ce moyen de défense. Étant donné sa conclusion selon laquelle l’état d’intoxication de la plaignante était manifeste, le juge est d’avis que l’appelant savait qu’elle ne consentait pas aux activités sexuelles auxquelles il s’est livré, qu’il n’a pas pu croire que la plaignante consentait aux rapports sexuels à moins de faire preuve d’insouciance ou d’aveuglement volontaire, et qu’il n’a pas pris de mesures raisonnables pour s’assurer qu’elle y consentait[22].
- Le juge conclut donc qu’il n’y a pas ouverture au moyen de défense de croyance sincère mais erronée au consentement et que la mens rea de l’infraction d’agression sexuelle est établie hors de tout doute raisonnable[23]. Puisque la poursuivante a aussi prouvé hors de tout doute raisonnable l’élément mental de l’infraction, l’appelant est déclaré coupable de l’infraction qui lui est reprochée.
Les questions en litige
- Les parties s’entendent sur les questions en litige :
- Le juge de première instance a-t-il rendu un verdict déraisonnable (sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr.)?
- Le juge de première instance a-t-il commis des erreurs de droit en concluant à l’incapacité de la plaignante de consentir et à l’impossibilité pour l’appelant d’avoir recours à la défense de croyance sincère mais erronée quant au consentement?
- Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en appliquant le principe de Browne v. Dunn?
Analyse
1. Le juge de première instance a-t-il rendu un verdict déraisonnable (sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr.)?
- Selon l’appelant, la conclusion du juge voulant que la plaignante n’avait pas consenti aux rapports sexuels et était incapable d’y consentir ne trouve pas appui dans la preuve.
- Au soutien de cette prétention, il met en relief différents gestes que la plaignante aurait posés dans l’intervalle de temps où elle dit n’avoir que des flashs : elle a elle-même payé la facture du restaurant; elle s’est déplacée en marchant du bar jusqu’à la voiture de l’appelant sans y être forcée; elle a dirigé l’appelant jusque chez elle puisque l’appelant ne savait pas où elle demeurait; elle ne s’est pas trompée de maison; elle a marché de la voiture jusqu’à l’entrée de sa maison; elle a composé le code à quatre chiffres lui permettant de débarrer la porte; elle a descendu les douze marches de l’escalier menant au sous-sol et a dirigé l’appelant vers sa chambre à coucher. Le fait que dans l’un de ses flashs, la plaignante avait la certitude d’être dans sa chambre alors que celle-ci était plongée dans l’obscurité totale, serait encore plus indicatif qu’elle n’était pas à ce point intoxiquée qu’elle ne pouvait consentir aux relations sexuelles.
- L’appelant ajoute que tous ces éléments, ajoutés aux contradictions relevées par le juge mentionnées ci-haut, sont de nature à mener le juge à conclure que la plaignante agissait volontairement et qu’elle était consciente de ce qui se passait, et qu’ils devaient donc faire surgir un doute raisonnable sur le fait qu’elle n’aurait pas eu la capacité de consentir aux rapports sexuels. Il s’ensuit que le juge de première instance n’a pas tenu compte de ces éléments dans son analyse de la question du consentement, et donc n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve, ce qui serait une erreur de droit rendant le verdict déraisonnable[24].
- Ce moyen est rejeté. Il est vrai que le juge, bien qu’il les relate dans son récit des faits, n’explique pas pourquoi ces évènements ne soulèvent pas un doute raisonnable dans son esprit quant à l’état d’intoxication de la plaignante. Toutefois, cette omission n’est pas en elle-même une erreur puisqu’elle ne signifie pas que le juge ne les a pas considérés, vu qu’ils faisaient partie du quotidien de la plaignante. Le fait qu’elle n’ait pas été contrainte de se rendre jusqu’à la voiture et de là jusqu’à son domicile puis jusqu’à sa chambre à coucher, n’est pas en soi indicatif que la plaignante était en état de donner un consentement libre et éclairé aux relations sexuelles qui ont suivi.
- Bien que la conclusion du premier juge selon laquelle la plaignante n’a pas subjectivement consenti aux activités sexuelles ait été circonstancielle, elle trouvait appui dans le témoignage de la plaignante[25] : elle a affirmé à plus d’une reprise qu’elle n’était pas disposée à avoir des rapports sexuels ce soir-là, d’autant plus qu’elle avait ses règles; que si elle y avait consenti, elle aurait certainement enlevé son tampon; qu’elle n’avait jamais par le passé ramené de garçon chez ses parents; qu’elle n’aurait pas trompé son conjoint; que le lendemain elle avait honte et a mal; que l’appelant a profité d’elle alors qu’elle n’était pas « toute là »; qu’il l’a agressée et qu’elle a tout fait pour oublier cette agression. Cette conclusion ne commande pas d’intervention en appel[26].
- L’appelant ajoute que le rejet de son témoignage par le juge de première instance ne trouve pas appui dans la preuve. Plutôt que d’évaluer son témoignage eu égard à l’ensemble de la preuve, le juge l’aurait confronté à la version de la plaignante et l’aurait analysé en fonction du témoignage de celle-ci et du rapport toxicologique, lequel n’avait aucune force probante quant à l’effet du degré l’alcoolémie sur les capacités de la plaignante.
- Il estime également que le juge a été trop sévère à l’égard de son témoignage et qu’il aurait dû en retenir non pas qu’il soutenait que la plaignante n’était pas du tout affectée par l’alcool, mais plutôt qu’il n’avait pas observé « de signes d’intoxication avancée ou extrême qui aurait [sic] pu lui faire douter de sa capacité à consentir valablement à une relation sexuelle »[27]. Le juge aurait de plus erronément tiré une inférence négative de sa difficulté à évaluer la capacité de la plaignante à conduire son véhicule. Sa « dissection désincarnée et irréaliste »[28] de son témoignage au sujet de l’état de la plaignante l’aurait mené à lui donner un double sens pour finalement ne retenir que l’interprétation la plus négative. Il en aurait résulté que la conclusion sur la culpabilité de l’appelant reposait entièrement sur l’évaluation défavorable de sa crédibilité, ce qui est en soi une erreur de droit. L’appelant appuie sa prétention sur l’arrêt R. c. Turcotte[29].
- Je ne perçois pas une telle erreur dans les motifs du premier juge. Les faits dans Turcotte se distinguent aisément de ceux de l’espèce, la juge d’instance y ayant utilisé le défaut de crédibilité de l’appelant afin de combler les failles de la preuve du ministère public, erreur que le juge ne fait pas ici. En l’espèce, le juge a conclu que la plaignante n’a pas consenti et qu’elle ne pouvait consentir aux relations sexuelles, sans jamais se référer au témoignage de l’appelant. Le fait qu’il n’ait pas cru l’appelant ne lui a servi qu’afin d’écarter sa défense fondée sur sa croyance sincère mais erronée au consentement de la plaignante.
- Quant à la sévérité appliquée à l’égard du témoignage de l’appelant, les variations que le juge y a observées étaient présentes[30] et la Cour doit déférence aux conclusions qu’il en a tirées. L’appelant déforme d’ailleurs les propos du juge de première instance lorsqu’il suggère qu’il aurait tiré une inférence négative de sa difficulté à évaluer la capacité de la plaignante à conduire. Le juge indique plutôt que :
Ce n’est pas cette difficulté d’évaluation de la capacité de conduire d’A.D. que le Tribunal reproche à l’accusé, mais l’inconsistance dans ses propos dans la façon de décrire son état, tout en maintenant qu’il n’a rien remarqué d’anormal dans son comportement. Le tribunal constate que le témoignage de l’accusé sur l’état d’intoxication d’A.D. change en fonction des questions qui lui sont posées. Les propos qu’il utilise pour décrire l’état d’A.D. sont parfois inconciliables.[31]
- Quant à l’argument voulant que la conclusion du juge soit fondée sur le rapport toxicologique dont la force ne serait aucunement probante, il doit être rejeté, le juge prenant soin de s’en garder, comme mentionné plus haut.
- L’appelant soutient par ailleurs que le juge aurait appliqué une disparité qualitative entre la norme appliquée à son témoignage, auquel il aurait en quelque sorte exigé la perfection, et à celui de la plaignante à qui il a excusé plusieurs contradictions. Il donne comme exemple le fait que le juge a réfuté ses explications quant aux raisons pour lesquelles il avait supprimé les textos, alors qu’il a accepté celles fournies par la plaignante.
- Ce moyen ne tient pas puisqu’il ignore l’appréciation faite par le juge des explications données par l’un et par l’autre. La plaignante soutient qu’elle a supprimé la conversation pour ne plus repenser aux évènements, explication que le juge estime plausible. L’appelant soutient de son côté qu’il l’a supprimée pour que son ami C... ne sache pas qu’il avait croisé la plaignante et ne se doute pas que quelque chose était arrivé entre eux. Or, le juge tire une inférence négative de cette explication puisqu’il ne la trouve pas cohérente avec le fait que l’appelant et la plaignante ont « flirté » et se sont embrassés dans un bar aux yeux de tous, dont ses amis.
- Enfin, l’appelant soutient que le juge d’instance aurait également commis deux erreurs de droit fondées sur des inférences, des mythes, des stéréotypes et des généralisations.
- La première de ces erreurs porte sur l’effet de l’état d’intoxication de la plaignante sur sa capacité à consentir à la relation sexuelle. Selon l’appelant, le juge ne disposait pas de preuves suffisantes pour conclure que l’alcool consommé avait fortement atteint ses fonctions intellectuelles. Au contraire, les indices énoncés plus haut (indication de la route pour se rendre chez elle, rappel du code d’accès pour entrer dans la maison, etc.) et le fait qu’elle n’ait pas vomi, alors que cela se produit lorsqu’elle boit trop, pointent dans la direction contraire. L’appelant rappelle qu’il est reconnu en droit que le fait d’être intoxiquée par l’alcool ne rend pas forcément une personne inapte à consentir à des relations sexuelles[32].
- Cette première erreur n’en est pas une. Le juge ne conclut pas simplement que la plaignante ne pouvait pas donner son consentement en se basant sur son seul taux d’alcool. S’il fait état de sa consommation importante d’alcool, il relate également en détail l’ensemble des faits en relation avec le comportement de la plaignante au fil de la soirée, qui l’ont en fin de compte mené à cette conclusion.
- La seconde erreur porte sur l’inférence tirée par le juge du comportement sexuel de la plaignante sur son état d’intoxication. Selon l’appelant, il était erroné de considérer comme un indice de son degré d’intoxication le fait qu’elle ait touché les seins d’une inconnue et l’ait embrassée.
- Si dans d’autres circonstances il eut été pertinent de relever cette catégorie d’erreurs[33], ce n’est pas le cas en l’espèce, car le juge d’instance n’a pas fait appel à un tel mythe ou stéréotype. Plutôt, il a tiré sa conclusion en s’appuyant sur les témoignages de la plaignante et de son amie de longue date, lesquels ont révélé que ces gestes étaient tout à fait hors de ses habitudes et que n’eût été sa consommation, elle ne les aurait vraisemblablement pas posés.
2. Le juge de première instance a-t-il commis des erreurs de droit en concluant à l’incapacité de la plaignante de consentir et à l’impossibilité pour l’appelant d’avoir recours à la défense de croyance sincère mais erronée quant au consentement?
- Après avoir conclu que l’appelante n’a pas subjectivement consenti aux rapports sexuels et que son état d’intoxication l’aurait de toute façon empêchée d’y consentir au sens de l’arrêt Kishayinew, le juge estime que la poursuivante a établi hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement subjectif et a établi l’élément matériel de l’infraction.
- Le juge passe ensuite à l’analyse de l’élément mental de l’infraction d’agression sexuelle, qui requiert que la poursuivante prouve hors de tout doute raisonnable que l’appelant avait l’intention de se livrer à des attouchements et qu’il avait connaissance de son absence de consentement, ou avait fait preuve d’insouciance ou d’aveuglement volontaire à cet égard. Il rappelle qu’en raison du manque de crédibilité, de fiabilité et de sincérité de l’appelant, celui-ci n’est pas cru, mais il estime nécessaire de vérifier l’applicabilité du moyen de défense de croyance sincère mais erronée au consentement communiqué, c’est-à-dire si, par ses paroles ou son comportement, la plaignante lui aurait manifesté son accord à l’activité sexuelle. L’analyse porte alors sur l’état d’esprit de l’appelant, à savoir s’il croyait sincèrement qu’elle avait dit oui par ses paroles, par ses actes, ou par les deux.
- Le juge rejette ce moyen de défense : ayant déjà conclu que la preuve établissait que l’état d’intoxication de la plaignante était manifeste et que l’appelant ne pouvait pas l’ignorer, il ne peut que conclure que l’appelant savait qu’elle ne consentait pas aux activités sexuelles, à moins de faire preuve d’insouciance ou d’aveuglement volontaire.
- L’appelant soutient que le juge a erré en droit en concluant qu’il n’y avait pas ouverture à la défense de croyance sincère mais erronée au consentement. Il soutient, d’une part, que la preuve ne lui permettait pas de conclure que la plaignante était fortement intoxiquée par l’alcool, soulignant qu’il est de jurisprudence constante que les effets symptomatiques de l’alcool sur un individu ne peuvent être établis seulement sur le fondement de son alcoolémie ou de sa consommation, sans le témoignage d’un expert. Il cite à cet effet des arrêts portant sur la conduite avec facultés affaiblies : R c. Boucher[34], R c. Thomas[35] et R. c. Marois[36]. D’autre part, l’appelant allègue que le juge a eu recours à la spéculation en concluant que l’intoxication de la plaignante faisait en sorte qu’elle n’avait pas la capacité de consentir.
- L’appelant soutient aussi que le juge a erré en considérant les témoignages de la plaignante et de l’appelant comme étant diamétralement opposés. Il considère plutôt que la situation en l’espèce est très semblable à celle ayant mené à l’arrêt Esau[37]. Il relève également que le juge a erré en droit en concluant que la preuve ne donnait pas ouverture à une défense de croyance sincère mais erronée au consentement, puisque pour procéder à l’analyse de la vraisemblance de sa version des faits, celle-ci devait être tenue pour avérée[38]. L’ouverture de ce moyen de défense ne dépendait pas de savoir si les témoignages pouvaient être combinés, mais bien de savoir si les faits sont tels qu’il ne pouvait y avoir qu’une seule possibilité. Enfin, le juge aurait erré en droit en concluant que l’insouciance de l’appelant l’empêchait de se prévaloir de ce moyen de défense, notamment puisqu’au moment des évènements, la plaignante pouvait « parler, marcher et réfléchir logiquement »[39].
- Ces moyens sont rejetés.
- Il est vrai que la ligne entre l’intoxication et l’incapacité est difficile à tracer[40] : « [m]ere proof of drunkenness, loss of inhibitions, regret for a bad decision, or some memory loss do not on their own negate capacity for consent, but neither does the ability to walk a short distance, make a phone call, speak, and recall some events necessarily preclude a finding of incapacity »[41]. Il est aussi vrai qu’une preuve d’expert peut être utile, et parfois nécessaire, afin d’établir l’incapacité à consentir à une relation sexuelle dans un contexte d’intoxication, mais cette preuve n’est pas formellement requise[42].
- En l’espèce, la plaignante ne se souvient pas d’avoir exprimé son refus à l’appelant, tout comme elle ne se souvient pas des évènements postérieurs au départ de son amie C… P…. Dans un tel cas, il est possible que l’absence de consentement subjectif puisse s’inférer de la preuve circonstancielle[43]. Comme il a été exprimé clairement dans l’arrêt G.F. :
On ne peut trancher la question de l’incapacité en se demandant si la plaignante se souvient des faits ou non. La question ultime de la capacité doit reposer sur la nature subjective du consentement. Il ne s’agit pas de savoir si la plaignante se souvenait de l’agression, si elle avait conservé ses habiletés motrices ou si elle était capable de marcher ou de parler; il faut se demander si la plaignante comprenait l’activité sexuelle et si elle comprenait qu’elle pouvait refuser d’y prendre part.[44]
- C’est à partir d’une telle preuve circonstancielle que le premier juge a conclu que la plaignante n’avait pas donné son consentement. Bien qu’elle n’ait pas le souvenir d’avoir refusé les rapports sexuels, il rappelle qu’elle a témoigné qu’elle avait un souci de ne pas avoir de relations sexuelles comportant une pénétration vaginale si elle avait toujours ses règles mais qu’elle avait trouvé son tampon enfoncé en elle le lendemain matin, qu’elle a témoigné à plus d’une occasion qu’elle n’était pas disposée à avoir des rapports sexuels ce soir-là, qu’elle n’avait jamais par le passé ramené de garçon chez ses parents et qu’elle n’aurait pas trompé son conjoint. La Cour doit déférence à cette appréciation des faits.
- Quant au degré d’intoxication de la plaignante et à son effet sur sa capacité à donner son consentement, la conclusion du juge prend appuie sur sa consommation importante d’alcool à laquelle il ajoute l’ensemble des faits qu’il relate en détail en relation avec le comportement de la plaignante au fil de la soirée; l’ensemble de ces éléments l’ont, en fin de compte, amené à conclure qu’elle ne pouvait avoir donné son consentement. Or, la capacité de la plaignante est une conclusion de fait. L’appelant devait montrer que cette conclusion est le fruit d’une erreur manifeste et déterminante[45], et non qu’un autre juge aurait pu conclure différemment.
- Quant au moyen voulant que le juge ait erré en droit en concluant que la preuve ne donnait pas ouverture à une défense de croyance sincère mais erronée au consentement, le juge Moldaver indique l’analyse qui doit être faite :
[90] Pour les besoins de la mens rea, particulièrement pour l’application de la défense de la croyance sincère mais erronée au consentement communiqué, la notion de « consentement » signifie « que la plaignante avait, par ses paroles ou son comportement, manifesté son accord à l’activité sexuelle avec l’accusé » (Ewanchuk, par. 49). Par conséquent, l’analyse porte à cette étape sur l’état d’esprit de l’accusé; la question est alors de savoir si l’accusé croyait sincèrement « que le plaignant avait vraiment dit “oui” par ses paroles, par ses actes, ou les deux » (ibid., par. 47).[46]
- L’appelant a témoigné qu’au moment des évènements, la plaignante pouvait « parler, marcher et réfléchir logiquement » et qu’elle a participé activement à tous leurs rapports sexuels. Ainsi, plaide-t-il, sa version des faits, lesquels étaient grandement semblables à ceux de l’arrêt Esau[47], devait, comme la Cour suprême l’a établi, être tenue pour avérée lors de l’analyse de la vraisemblance de sa défense d’erreur quant au consentement de la plaignante.
- Ce moyen d’appel n’est pas bien fondé. Dans Esau, la seule question examinée par la Cour suprême portait sur le rôle du juge et sur le fardeau de l’appelant qui souhaite présenter une telle défense d’erreur au jury. La Cour énonce qu’afin de déterminer s’il doit la soumettre au jury, le juge doit conclure, en prenant les faits pour avérés, qu’elle a un air de vraisemblance. Si tel est le cas, cette défense devra être présentée au jury qui aura alors la tâche de juger la crédibilité des témoins.
- En l’espèce, puisque le procès se tenait devant un juge seul, celui-ci n’avait pas « besoin d’épiloguer sur le critère de la vraisemblance et [pouvait] aller directement à l’analyse de la preuve »[48]. C’est ce qu’il a fait en renvoyant à son analyse du témoignage de l’appelant, qu’il avait rejeté, et qui constituait le seul appui qui aurait pu conférer une vraisemblance à ce moyen de défense[49]. Rien, alors, ne l’obligeait à refaire cette même analyse pour statuer sur le fond de cette défense.
3. Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en appliquant le principe de Browne v. Dunn?
- Lors de son témoignage et en réponse à une question posée par l’avocate du poursuivant, la plaignante, alors qu’elle relate ses quelques souvenirs des évènements, mentionne qu’elle ne se souvient que de quatre flashs, dont un dans sa chambre, qu’elle décrit comme suit :
Ensuite, on est rendus dans la chambre. Tout est noir. Je sais pas si je suis debout ou couchée, je sais pas si je suis habillée ou nue, je sais pas lui, il est où par rapport à moi. Je sais qu’il est juste question d’un condom.[50]
[Soulignement ajouté]
- Aucune autre question ne lui est alors posée de part et d’autre à propos de ce flash.
- Un peu plus loin, la plaignante explique s’être confiée par téléphone le 21 août 2018, soit environ six mois après les évènements, à un de ses anciens copains, Pi… C…, après qu’elle eut entendu à la radio que l’appelant faisait l’objet d’une accusation d’agression sexuelle :
En arrivant chez mon ex-copain Pa…, il était toujours pas chez lui, donc j’ai texté sur Messenger à Pi... C... qui était aussi ami avec Maxime pour lui demander s’il avait des détails de l’évènement. Il m’a dit qu’il avait pas beaucoup de détails, que c’était une histoire de personnes en boisson, pis je lui ai demandé si je pouvais l’appeler, pis c’est à ce moment-là que je lui ai raconté qu’est-ce qui m’était arrivé. Pi... était sous le choc, il croyait pas qu’est-ce qui arrivait.[51]
[Soulignement ajouté]
- L’avocate du poursuivant fait ensuite témoigner Pi... C.... Elle ne lui pose aucune question sur ce que la plaignante lui aurait déclaré lors de cet appel téléphonique, les questions portant plutôt sur l’état de la plaignante au moment de l’appel téléphonique.
- Toutefois, lors du contre-interrogatoire, l’avocat de l’appelant aborde le contenu de leur conversation téléphonique :
Q Monsieur C..., avez-vous pris votre — connaissance de la déclaration que vous avez donnée en septembre 2010 — en septembre 2018?
R Oui.
Q Vous avez pris connaissance de ça quand?
R J’ai pris connaissance de ça mercredi, si je me trompe pas.
Q Mercredi? Dites-moi si je me trompe, mais lorsque vous discutez avec madame D... le 21 août...
R Oui...
Q ... il est question de 2 flashs?
R Oui.
Q Pouvez-vous expliquer au Tribunal qu’est-ce que madame D... vous rapporte là au niveau des flashs?
R Oui. Au niveau des flashs, elle m’a raconté qu’elle avait 2 flashs, un étant qu’elle est dans une auto, fait qu’elle se tourne de bord, pis elle voit que c’est Maxime au volant, donc ce qu’elle m’a dit, c’est qu’à ce moment-là, elle s’inquiétait pas, parce qu’elle se savait en sécurité, vu que Maxime était policier, pis que c’était un de mes amis...
Q Hum, hum...
R ... aussi il savait où elle habitait là.
Q O.K. Et l’autre flash?
R Le deuxième flash, c’est d’avoir vu Maxime dans son lit, pis c’est tout.
Q Donc, l’autre flash, c’est qu’elle a vu Maxime dans son lit?
R Oui.
Q Et lorsqu’elle vous - lorsque vous lui racontez là ce qui s’est passé dans l’autre évènement, est-ce que je comprends bien de votre déclaration qu’elle va vous dire qu’elle pense qu’il lui est arrivé la même chose?
R Oui.
Q Merci.[52]
[Soulignements ajoutés]
- Le juge voit alors dans ces questions et réponses une tentative de mettre en preuve deux contradictions potentielles entre le témoignage de la plaignante lors de l’audition et ce qu’elle aurait déclaré antérieurement à M. C.... La première porte sur le nombre de flashs dont la plaignante se souvient, et la deuxième sur son positionnement dans la chambre la nuit des évènements. Le juge estime que les questions posées par l’avocat de l’appelant à M. C..., lesquelles introduisent en preuve ces contradictions apparentes, sont de nature à donner ouverture à un argument portant sur la crédibilité de la plaignante. Il interroge alors les avocats quant à savoir s’il serait équitable qu’un tel argument soit soulevé alors que ni l’avocate du poursuivant ni celui de l’appelant n’ont interrogé la plaignante sur ce qu’elle a dit à M. C... au-delà de « je lui ai raconté qu’est-ce qui m’était arrivé », de façon à lui donner l’occasion de s’expliquer.
- L’avocate du poursuivant avance alors qu’elle n’aurait pu poser de telles questions directement à M. C... au sujet de ce que la plaignante a pu déclarer à M. C... six mois après les évènements, puisque de telles questions auraient été du « self-serving evidence ». De son côté, l’avocat de l’appelant reconnaît qu’il se serait opposé pour cette raison à toute question qui aurait été posée par le poursuivant sur ce que la plaignante a dit à M. C.... Il admet aussi qu’ayant pris connaissance de la preuve communiquée, il savait que M. C... lui répondrait que la plaignante lui avait déclaré ne conserver que deux flashs des évènements et que lors du second elle se voyait dans le lit, ce qui lui permettrait de plaider ultérieurement que son récit des évènements devait être rejeté, surtout vu la contradiction au sujet de son positionnement dans la chambre. Toutefois, plaidait-il, puisque M. C... n’est pas un des témoins amenés par le défendeur, les règles de Browne v. Dunn[53] ne s’appliquent pas.
- Son tour venu, le juge estime que Browne v. Dunn énonce avant tout un principe d’équité envers les témoins. Il se trouve des situations où il importe peu, selon les circonstances, que le témoin que l’on tente de mettre en contradiction avec le témoignage d’un autre soit celui du poursuivant ou du défendeur. Ce principe d’équité permet au juge de déterminer s’il y a réellement une contradiction entre les témoignages et facilite donc l’appréciation de la crédibilité des témoins au regard des questions qui sont posées.
- Ainsi, conclut le juge, puisque le poursuivant n’a pas interrogé la plaignante sur ce qu’elle a déclaré à M. C... lors de l’appel téléphonique, et puisque la défense savait que ses questions posées à M. C... mèneraient à des réponses qui contrediraient certaines des déclarations faites par la plaignante au procès, le juge invite l’avocat de l’appelant à rappeler la plaignante afin de lui demander si elle se souvient de ce qu’elle a dit à M. C..., de façon à permettre au tribunal de voir s’il y a contradiction entre son témoignage et sa déclaration antérieure à M. C... :
Mais sans qu’on pose la question à madame, j’informe la défense — qui pourra décider s’ils le font ou pas — que j’aurai de la difficulté à pouvoir opposer le témoignage de C... dans l’absolu à quelque chose un peu abstrait parce qu’on n’a pas posé la question à madame.[54]
- L’appelant soutien que le juge a commis une erreur de compétence en invoquant l’arrêt Browne v. Dunn et en invitant l’appelant à interroger la plaignante sur ce qu’elle a dit à M. C... lors de cet appel téléphonique. La défense n’avait pas administré de preuve visant à contredire la plaignante et la preuve contradictoire provenait de la poursuite, non de la défense. Le juge n’avait donc pas devant lui un cas où l’appelant avait présenté ou administré une preuve contradictoire visant à attaquer la crédibilité d’un témoin à charge. Renvoyant à Foti c. R.[55], l’appelant plaide que les questions de la défense ont été posées à un témoin à charge qui avait fourni une déclaration à la police (déclaration qui n’a pas été déposée en preuve) dans laquelle la contradiction avec le témoignage de la plaignante était patente et dont l’essentiel du témoignage était connu de la poursuite.
- Ce moyen doit être rejeté.
- Dans Foti, la Cour expose le principe énoncé dans Browne c. Dunn :
[59] Le principe établi par Browne c. Dunn requiert qu’une partie qui entend mettre en doute la crédibilité d’un témoin par la présentation d’une preuve contradictoire offre à ce témoin la possibilité de s’expliquer en contre-interrogatoire sur l’aspect sur lequel elle compte le contredire. Ce principe a pour objectif l’équité du procès en évitant qu’un témoin soit piégé par un contre-interrogatoire incomplet. Lorsque le juge du procès constate une entorse à ce principe, il peut exercer son pouvoir discrétionnaire dans l’application du principe et, le cas échéant, dans la détermination du remède adéquat.
[Références omises]
- Bien que la question de savoir si la « règle » énoncée dans Browne v. Dunn s’applique soit une question de droit révisable suivant la norme de la décision correcte[56], l’appréciation des faits à laquelle se livre le juge pour répondre à cette question implique une grande déférence en appel[57].
- Les questions posées par l’avocat de l’appelant se situaient dans les paramètres donnant ouverture à l’application du principe issu de Browne c. Dunn. Aucune question n’avait été posée par le poursuivant au sujet de ce que la plaignante avait déclaré au témoin. Que ce dernier ait été invité à témoigner par le poursuivant ou par la défense ne change rien au fait que les questions que cette dernière lui a posées avaient en l’espèce clairement pour objectif de mettre en preuve une déclaration antérieure incompatible d’un autre témoin, la plaignante, afin d’attaquer la crédibilité de celle-ci.
- Comme la Cour suprême le rappelait dans R. c. Dinardo[58], bien que dans certaines circonstances les déclarations antérieures compatibles puissent être admissibles en tant que partie intégrante du récit des faits, elles sont en règle générale inadmissibles et sont exclues principalement parce qu’elles n’ont pas de force probante et constituent du ouï‑dire lorsqu’elles sont utilisées afin de démontrer la véracité de leur contenu.
- En l’espèce, le poursuivant s’est abstenu d’interroger M. C... sur ce que la plaignante lui avait déclaré lors de l’appel téléphonique. De son côté, la défense pouvait certainement l’interroger à ce sujet, mais si les réponses alors données faisaient ressortir une contradiction entre la déclaration sous serment donnée par la plaignante et une déclaration antérieure faite par elle à un tiers, le juge se devait d’appliquer le principe de Browne c. Dunn afin d’éviter que le témoin soit piégé par un interrogatoire incomplet et d’assurer que l’équité du procès soit respectée[59]. Comme le rappelle le juge Healy dans l’arrêt Chandroo :
[21] While an appropriate remedy for a breach of the principle in Browne v. Dunn lies within the discretion of the trial judge, the most preferable remedy is one that will cause the least prejudice to the parties. There can be no fixed rule in this respect but some general observations can be made. First, trial judges should raise with the parties any apprehended breach of the principle even if no formal objection is raised by the opposing party. Second, if a breach is found, the trial judge should discuss the issue and possible remedies with the parties and, obviously, in a trial by jury this discussion should take place in the absence of the jury. Third, the most appropriate remedy will be the one that best corrects the effect of the omission by the party in breach. In most instances that remedy will likely be to recall the witness who was not confronted in cross-examination. Otherwise the judge would be prudent to allow the party in breach to proceed but with a strong caution that the trier of fact will be instructed to consider the breach in the assessment of the evidence.[60]
[Soulignements ajoutés]
- Cela dit, la présente affaire n’est pas un cas typique de l’application du principe de Browne v. Dunn. En effet, contrairement à la plupart des cas analysés dans la doctrine et la jurisprudence, l’appelant ne soutient pas ici que le juge a omis de soulever le principe alors qu’il était nécessaire de le faire ou que la réparation accordée était inéquitable à son égard. Il reproche plutôt au juge d’avoir lui-même soulevé le principe et proposé une façon d’y remédier, ce qui constitue, selon lui, une erreur du juge justifiant l’intervention de notre Cour.
- Or, même s’il était erroné de soulever l’application du principe, ce que je ne crois pas, le fait de réinterroger la plaignante n’a pas eu d’effet sur l’équité du procès ni modifié les éléments dont le juge pouvait tenir compte dans sa décision. L’appelant a pu utiliser les différences entre les souvenirs de la plaignante et ceux de M. C... comme arguments dans sa plaidoirie[61] et le juge a pris en compte ces contradictions dans ses motifs[62]. J’aurais par conséquent appliqué la disposition réparatrice prévue au sous-alinéa 686(1)b)(iii) C.cr.
- Je propose donc le rejet de l’appel.
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. |
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[1] R. c. Lehoux, C.Q. Québec (Ch. crim.), no 200-01-224500-185, 5 mai 2022, Magnan, j.c.q., transcription du jugement sur la culpabilité rendu oralement [jugement entrepris].
[3] Interrogatoire de Maxime Lehoux, 9 décembre 2021, p. 86.
[5] Id., p. 92 et 102-103.
[6] Contre-interrogatoire de Maxime Lehoux, 9 décembre 2021, p. 147.
[7] Interrogatoire de Maxime Lehoux, 9 décembre 2021, p. 99.
[11] R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742 [W.(D.)].
[12] Jugement entrepris, p. 37.
[14] Jugement entrepris, p. 40.
[18] 2020 CSC 34 [Kishayinew].
[19] Jugement entrepris, p. 52.
[21] [1997] 2 R.C.S. 777 [Esau].
[22] Jugement entrepris, p. 58.
[24] L’appelant cite Cousineau c. R., 2023 QCCA 1054 [Cousineau], demande d’appel à la Cour suprême rejetée, 11 avril 2024, no 40948.
[25] Kishayinew, supra, note 18; R. v. Norris, 2020 ONCA 847, par. 65; R. v. Kontzamanis, 2011 BCCA 184, par. 31 [Kontzamanis].
[26] R. c. Brunelle, 2022 CSC 5, par. 7-9.
[29] R. c. Turcotte, 2018 SKCA 16.
[30] Voir par exemple l’interrogatoire de Maxime Lehoux, 9 décembre 2021, p. 86, 98-99, 142-143 et le contre-interrogatoire de Maxime Lehoux, 9 décembre 2021, p. 146-148, 162-165, 181-182.
[31] Jugement entrepris, p. 36-37.
[32] L’appelant renvoie notamment à R c. G.F., 2021 CSC 20, par. 5 [G.F.]; R. v. Czechowski, 2020 BCCA 277, par. 47, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 mars 2021, no 38483 [Czechowski]; R v. Kwon, 2020 SKCA 56, par. 22 et 88 [Kwon]; R. c. Al-Rawi, 2018 NSCA 10, par. 59, 113 et 131 [Al-Rawi]; R. v. Farler, 2013 NSCA 13, par. 67; R. v. Haraldson, 2012 ABCA 147, par. 7 [Haraldson]; R. v. Jensen, 106 C.C.C. (3d) 430, 1996 CanLII 1237 (ON CA), appel à la Cour suprême rejeté puisque des questions autres que de droit y étaient soulevées (R. c. Jensen, [1997] 1 R.C.S. 304).
[33] R. c. Kruk, 2024 CSC 7, par. 41 et s.
[36] [1997] J.Q. no 1574.
[38] L’appelant cite R. c. Cinous, 2002 CSC 29, par. 57.
[40] Czechowski, supra, note 32, par. 47; Kwon, supra, note 32, par. 34.
[41] Czechowski, supra, note 32, par. 47. Voir aussi Mentor, 2022 QCCA 1270, par. 75.
[42] Haraldson, supra, note 32, par. 7; R. c. Boujaoude, 2022 QCCQ 5383, par. 101; R. v. C.E., 2020 ONCJ 563, par. 10; R. v. Meharg, 2016 ONCJ 782, par. 16-18; R. v. Chen, 2016 ABQB 644, par. 89-90.
[43] Kishayinew, supra, note 18, par. 1; Al-Rawi, supra, note 32, par. 69; Kontzamanis, supra, note 25, par. 31.
[44] G.F., supra, note 32, par. 65.
[45] R. v. Jajja, 2024 BCCA 125, par. 49.
[46] R. c. Barton, 2019 CSC 33, par. 90.
[48] Colida c. R., 2019 QCCA 213, par. 11; R. v. Rasberry, 2017 ABCA 135, par. 53, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 30 novembre 2017, no 37686.
[49] Voir par ex. R. v. Graham, 2019 SKCA 63, par. 93 et 96.
[50] Interrogatoire d’A.D., 25 octobre 2021, p. 142.
[52] Interrogatoire de Pi… C…, 25 octobre 2021, p. 266-267.
[53] Browne c. Dunn, 1893 6 R. 67 (H.L.), 1893 CanLII 65 (FOREP).
[54] Audition du 9 décembre 2021, p. 47.
[55] 2021 QCCA 1332, par. 59.
[56] R. v. Mann, 2020 BCCA 353, par. 115 [Mann]; Chandroo, 2018 QCCA 1429, par. 13 [Chandroo]; R. v. Gill, 2017 BCCA 67, par. 22.
[57] Mann, op. cit., par. 115.
[58] 2008 CSC 24, par. 36-37.
[59] R. v. Quansah, 2015 ONCA 237, par. 77; R v. Dexter, 2013 ONCA 744, par. 18; Martin Vauclair, Tristan Desjardins et Pauline Lachance, Traité général de preuve et de procédure pénales, 30e éd., Montréal, Yvon Blais, 2023, § 29.150.
[60] Chandroo, supra, note 56, par. 21.
[61] Plaidoiries de la défense, 28 janvier 2022, p. 87.
[62] Jugement entrepris, p. 44.