Québec Mérite Mieux c. Ville de Québec | 2023 QCCS 68 | |||
COUR SUPÉRIEURE (chambre civile) | ||||
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CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
DISTRICT De québec | ||||
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N° : | 200-17-033703-224 | |||
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DATE : | 17 janvier 2023 | |||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE CLÉMENT SAMSON, J.C.S. | ||||
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QUÉBEC MÉRITE MIEUX | ||||
et | ||||
DORIS CHABOT | ||||
et | ||||
DONALD CHARETTE | ||||
et | ||||
MARC ROUSSIN | ||||
et | ||||
JEAN-MICHEL THÉRIAULT | ||||
et | ||||
ROLAND COUTURE | ||||
et | ||||
YVES MASSICOTTE | ||||
et | ||||
DANIELLE CHAPLEAU | ||||
et | ||||
JEAN-PIERRE DU SAULT | ||||
et | ||||
MARIE DE LA CHEVROTIÈRE | ||||
et | ||||
CHRISTIANE ST-MARTIN | ||||
et | ||||
DENIS LEMAY | ||||
et | ||||
GÉRARD GOSSELIN | ||||
et | ||||
9070-1772 QUÉBEC INC., faisant affaires sous la raison sociale RESTAURANT TRATTORIA LA SCALLA (1998) | ||||
et | ||||
MARC-ANTOINE MUNOZ | ||||
et | ||||
2621-7133 QUÉBEC INC., faisant affaires sous la raison sociale PUB GALWAY | ||||
et | ||||
YVES LEDOUX | ||||
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Demandeurs | ||||
c. | ||||
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VILLE DE QUÉBEC | ||||
et | ||||
CONSEIL D'AGGLOMÉRATION DE LA VILLE DE QUÉBEC | ||||
et | ||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | ||||
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Défendeurs | ||||
Et | ||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA | ||||
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Mis en cause | ||||
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JUGEMENT | ||||
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[1] Le Tribunal est saisi d'une demande introductive en contrôle judiciaire, jugement déclaratoire, en nullité, inopérabilité et inconstitutionnalité de lois, décrets et règlements, d’une demande en injonction et d'un recours en réparation en vertu des Chartes canadienne et québécoise qui comprend une demande de dommages et intérêts et dommages exemplaires.
[2] Pour les motifs qui suivent, le recours des demandeurs est rejeté.
[3] Vu la quantité importante d’éléments analysés, une table des matières suit.
1.1 Les parties
1.2 Quatre dates importantes
1.3 Les procédures
1.3.1 Conclusions recherchées à l’encontre de la Ville de Québec
1.3.2 Conclusions recherchées à l’encontre du gouvernement du Québec
1.3.3 Position des défendeurs et du mis en cause
2. L’ANALYSE
2.1 Les rapports d’expertise
2.1.1 La demande de rejet des expertises
2.1.2 Les assises légales de l’expertise
2.1.3 Que retenir de ces experts?
2.2 La demande de nullité du décret 655-2022
2.2.1 Le délai pour introduire le recours
2.2.2 Les motifs de contestation du décret
2.2.3 Le cadre juridique de cette demande de nullité du décret
2.2.3.1 La compétence du gouvernement d’émettre un décret en matière environnementale et le processus suivi
2.2.3.2 L’analyse du contenu de la décision du 6 avril 2022
2.2.4 Le non-respect du Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets
2.2.5 Conclusions quant à la demande de nullité du décret 655-2022
2.3 Le droit à l’injonction en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement
2.4 Les dispositions légales dont la constitutionnalité est contestée
2.4.1 L’article 4 de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs et le Règlement sur la participation publique en matière d’aménagement et d’urbanisme
2.4.2 L’article 74.5.2 de la Charte de la Ville
2.5 Le droit à l’injonction pour faire cesser tous travaux relatifs au tramway
2.5.1 Le pouvoir de la Ville de se doter d’un tramway
2.5.2 Les droits démocratiques des demandeurs
2.5.2.1 Le droit du citoyen de s’exprimer par le biais d’un référendum à travers le prisme des Chartes
2.5.2.2 Les principes constitutionnels non-écrits
2.5.2.3 Le référendum : pour corriger des promesses électorales soi-disant non tenues
2.6 L’inconstitutionnalité de l’article 7 LRSVQ
2.6.1 Contestation en regard de l’article
2.6.2 Contestation en regard de certaines dispositions de la Charte québécoise et de la Charte canadienne
2.7 Le règlement d’urbanisme R.A.V.Q. 1349 et le droit de voter lors d’un référendum
2.7.1 La portée de l’article 74.4 de la Charte de la Ville
2.7.2 La portée du Règlement sur la politique de consultation publique
2.8 Les violations des droits fondamentaux
2.8.1 Atteinte aux droits à la vie, à la santé, à la liberté et à la sécurité
2.8.2 Atteinte au droit à la jouissance de sa propriété
2.8.3 Atteinte à la liberté économique et sociale
2.9 Dommages-intérêts réclamés
2.10 Commentaires divers
3. LES CONCLUSIONS
[4] Depuis plusieurs années, la Ville de Québec (Ville) caresse le projet de se doter d’un système structurant de transport en commun. Le choix final s’arrête sur un tramway appelé à traverser la ville d’est en ouest sur une vingtaine de kilomètres.
[5] Le gouvernement du Québec (représenté par le Procureur général du Québec, ici désigné « PGQ ») supporte financièrement les travaux préliminaires de mise en place du tramway. Il est aussi responsable d’émettre les autorisations environnementales nécessaires.
[6] Le mis en cause, Procureur général du Canada, ayant un éventuel rôle dans le financement de ce projet, a joué un rôle effacé tout au cours des différentes étapes de ce dossier judiciaire.
[7] Dans plus de 150 paragraphes de la demande introductive d’instance modifiée, les demandeurs se décrivent comme des citoyens qui veulent être consultés par voie référendaire sur ce projet de transport structurant. Ils se disent d’accord avec la mise en place d’un réseau structurant, mais désapprouvent le choix du tramway. Ils se disent soucieux de la préservation de leur milieu de vie, de la sauvegarde du cachet historique et patrimonial de leur ville et de la protection de l’environnement. De plus, ils craignent que les travaux se fassent sans respect pour les normes environnementales.
[8] Les demandeurs reprochent à la Ville de ne pas avoir considéré les autres modes de transport structurant et d’avoir trop rapidement conclu à la nécessité d’un tramway.
[9] Les promesses formulées lors des campagnes électorales quant au rejet du tramway et à l’imposition de conditions n’auraient pas été respectées au lendemain des élections. Pour plusieurs demandeurs, ce mode de transport n’est pas adapté aux besoins des citoyens de Québec.
[10] Les motifs qui poussent les demandeurs à agir sont divers et multiples; ils convergent vers une remise en cause des décisions des autorités publiques d’aller de l’avant avec le projet de tramway, du moins tel qu’il est.
[11] Leurs craintes sont légitimes et leur démarche judiciaire, animée par une résolution pacifique de leur différend. Dans une société démocratique comme la nôtre, leurs arguments méritent respect. Le Tribunal désire donner une réponse juridique à la hauteur du sérieux de leur démarche.
[12] Pour ancrer ce projet dans le temps, rappelons quatre dates importantes.
[13] Le 16 mars 2018, le premier ministre du Québec et le maire de Québec signent une entente par laquelle le gouvernement québécois s’engage à participer à un projet de transport structurant pour la Ville de Québec, alors sommairement évalué à 3 milliards de dollars. Le projet est différent de celui faisant l’objet de l’autorisation qui viendra en 2022. Pour comprendre la dynamique de l’époque, il est utile de reproduire certains paragraphes du préambule de cette entente :
CONSIDÉRANT QUE depuis huit années, la Ville de Québec travaille à doter son territoire de services de transport collectif propres à mieux servir ses citoyens et à réduire la congestion routière;
CONSIDÉRANT QUE la mise en place d’un réseau de transport collectif structurant est la solution privilégiée par la Ville de Québec et le RTC[2] pour améliorer les conditions de transport sur ce territoire, et ce, à la suite des études réalisées ainsi que des consultations publiques menées en 2017;
CONSIDÉRANT QUE ce projet répond à la vision du gouvernement en matière de mobilité durable;[3]
[14] L’annexe jointe à cette entente décrit ce réseau comme incluant une ligne de tramway de 23 kilomètres.
[15] Le 14 juin 2019, l’Assemblée nationale adopte la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec[4] (LRSVQ). Son article premier définit l’objectif visé :
1. La présente loi a pour objet de permettre la réalisation du projet de transport collectif annoncé publiquement par la Ville de Québec comme le « Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec », lequel inclut un tramway.
Elle prévoit également les modalités de transfert de ce réseau à la Société de transport de Québec afin qu’elle l’exploite.
[16] Le 5 novembre 2020, après avoir mené des consultations publiques, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), créé en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement[5] (LQE), recommande de ne pas aller de l’avant avec le projet de tramway. Voici quelques extraits de ce rapport de plus de 400 pages[6] :
[17] En dépit de cet avis, le 6 avril 2022, le gouvernement du Québec adopte le Décret 655-2022 concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec[7].
[18] Au cours de ces étapes, la Ville de Québec, notamment par son conseil et le conseil d’agglomération[8], adopte différents règlements.
[19] Nous reviendrons plus loin sur tous les autres faits qui ont précédé et entouré ces dates.
[20] Au terme de ces décisions et des travaux planifiés, si tout allait bien, le tramway devrait rouler le 15 août 2028[9].
[21] Les principaux éléments de décor ainsi plantés, voyons la démarche judiciaire des demandeurs.
[22] Le tir groupé des demandeurs vise la Ville et le gouvernement du Québec.
[23] En ce qui regarde la Ville, les demandeurs lui reprochent les faits suivants:
[24] De manière subsidiaire, les demandeurs désirent que le Tribunal déclare illégal « le projet actuel de tramway à Québec avec un tracé qui emprunte le Boulevard René-Lévesque notamment ».
[25] Leur demande d’injonction vise à faire cesser tous les travaux relatifs à la mise en chantier et à la construction du projet de tramway jusqu’à la tenue d’un référendum décisif ou, à défaut, consultatif ou, à défaut « jusqu’à ce que les défendeurs se soumettent à une étude comparative des moyens de transport collectif incluant le tramway, le métro léger et le bus électrique intelligent ».
[26] En ce qui regarde l’état québécois, les demandeurs lui reprochent :
[27] Non seulement les parties défenderesses contestent-elles la position des demandeurs, affirmant qu’elles ont agi légalement, mais il y a lieu de retenir que le PGQ conteste l’action en nullité à l’encontre du décret 655-2022 soutenant que les demandeurs ont tardé à intenter leur recours et qu’ils devraient être déboutés quant à cet aspect.
[28] Les défendeurs prétendent que les demandeurs recherchent une solution qui ne relève pas de la juridiction du Tribunal, savoir qu’il ne peut se substituer à une décision de nature politique ou d’opportunité.
[29] Le mis en cause est interpellé à ce titre par les demandeurs puisqu’il contribuerait financièrement à ce projet. Le mis en cause a été présent à toutes les étapes de ce dossier mais n’est pas intervenu.
[30] Les demandeurs poursuivent le conseil d’agglomération. Au même titre que le conseil de la ville, ce dernier n’a pas de personnalité juridique; il est intégré plus largement dans la personne morale Ville de Québec. Il n’est pas utile de statuer directement à son égard dans le cadre du présent jugement.
[31] Plusieurs arguments soulevés par les demandeurs se recoupent dans leurs documents de plaidoirie. Le Tribunal les segmente afin de les analyser chacun en profondeur. Par exemple, le droit des citoyens de s’adresser à la Cour supérieure pour contester le droit de l’expropriant se retrouve parfois accolée à l’expression démocratique du citoyen[16]. Le Tribunal n’en fait pas un reproche à personne, mais pour les fins de ce jugement, il y a lieu de procéder à une analyse minutieuse, argument par argument :
[32] L’article
[33] Les demandeurs ont produit deux rapports d’expertise, l’un de Madame Fanny Tremblay-Racicot et l’autre de Messieurs Clément Gosselin et Denis Poussart. Les demandeurs ont fait entendre les experts Tremblay-Racicot et Gosselin.
[34] Bien avant l’audition et dans les délais prescrits, la Ville et le PGQ ont formulé une demande écrite de rejet des expertises et une objection aux témoignages des auteurs.
[35] Pour faciliter un déroulement plus efficace de l’audience, le Tribunal a entendu sous réserve le témoignage de ces personnes sur leurs compétences et sur le contenu de leurs rapports. Il n’y a eu, à toutes fins pratiques, pas de contre-interrogatoire de ces deux experts.
[36] Les parties ont plaidé la demande de rejet d’expertise en même temps que le mérite de cette affaire.
[37] En regard du rapport de Madame Fanny Tremblay-Racicot, les parties défenderesses soutiennent que :
[38] En regard du rapport d’expertise de Messieurs Clément Gosselin et Denis Poussart, les parties défenderesses sont d’avis qu’ils se prononcent davantage sur des questions d’opportunité politique qui ne sont pas du ressort du Tribunal :
[39] Le Code de procédure civile définit le but d’un rapport d’expertise :
231. L’expertise a pour but d’éclairer le tribunal et de l’aider dans l’appréciation d’une preuve en faisant appel à une personne compétente dans la discipline ou la matière concernée.
L’expertise consiste, en tenant compte des faits relatifs au litige, à donner un avis sur des éléments liés à l’intégrité, l’état, la capacité ou l’adaptation d’une personne à certaines situations de fait, ou sur des éléments factuels ou matériels liés à la preuve. Elle peut aussi consister en l’établissement ou la vérification de comptes ou d’autres données ou porter sur la liquidation ou le partage de biens. Elle peut également consister en la vérification de l’état ou de la situation de certains lieux ou biens.
[40] Il définit également les qualités attendues d’un expert :
22. L’expert dont les services ont été retenus par l’une des parties ou qui leur est commun ou qui est commis par le tribunal a pour mission, qu’il agisse dans une affaire contentieuse ou non contentieuse, d’éclairer le tribunal dans sa prise de décision. Cette mission prime les intérêts des parties.
L’expert doit accomplir sa mission avec objectivité, impartialité et rigueur.
[41] Le but du témoignage d’un expert est d’aider de manière objective le Tribunal dans une spécialité qui ne relève pas du droit.
[42] Madame Racicot-Tremblay est une chercheuse qui a réalisé des études récentes en matière de mobilité collective. Docteure en études urbaines, elle a obtenu de nombreuses bourses et distinctions. Sa compétence en transport et aménagement urbain est indéniable.
[43] Toutefois, contrairement à la retenue et aux nuances qu’un Tribunal apprécie d’un expert, Madame Racicot-Tremblay utilise des déclarations chocs[17] et est catégorique sur le caractère déraisonnable du choix du tramway comme mode de transport collectif pour la Ville de Québec. Elle livre son opinion quant au choix de mode de transport collectif et le processus qui a mené à ce choix. Ainsi, commence son rapport[18] :
En tenant compte de l’urgence climatique, de la nécessaire acceptabilité sociale, des principes sous-jacents de la démocratie et de l’intérêt général des citoyens, croyez-vous que le projet actuel d’un tramway à Québec est déraisonnable et injustifiable comme moyen de transport collectif dans cette ville, autant dans son choix que dans sa faisabilité ? … je suis d’avis que le projet de tramway à Québec est déraisonnable, contraire à l’intérêt public et mal justifié.
[44] Sur une base volontaire, Madame Racicot-Tremblay s’est aussi exprimée publiquement à l’encontre du mode de transport choisi. Ce faisant, elle a agi avec un certain militantisme, ce qui est habituellement contraire à ce qui est attendu d’un expert neutre qui se présente devant la Cour :
L’analyse que j’ai produite à l’occasion de la commission d’enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), laquelle recommande de ne pas réaliser le projet de tramway tel que présenté à l’époque, notamment pour des raisons liées à son manque d’intégration à l’aménagement du territoire et au cadre bâti existant. [19]
Le projet de tramway repose sur des études d’opportunité incomplètes qui ont écarté la solution la plus sobre en émissions de GES et la moins onéreuse, soit la refonte et l’amélioration du service d’autobus.[20]
D’abord, le tramway et sa stratégie de rabattement entraineront un plus grand nombre de correspondances, ce qui rend le réseau plus vulnérable […].[21]
[45] Lors de son témoignage, Madame Racicot-Tremblay a insisté sur le fait que le choix du mode de transport a été initialement dicté avant que les études des modes alternatifs ne commencent, ce qui fausserait tout le travail réalisé par le gouvernement et la Ville. Interrogé par le Tribunal sur son analyse de la preuve déposée par les parties défenderesses quant au processus qui a mené, après de nombreuses années d’études et de consultations, au choix retenu comme mode de transport structurant, Madame Racicot-Tremblay reconnaît n’en avoir pas pris connaissance. Avec respect, si cette preuve lui avait été présentée, peut-être aurait-elle été plus nuancée dans ses propos?
[46] Le Tribunal note que cette preuve qu’ont voulu administrer les demandeurs pour démontrer le choix irrationnel de la Ville et du gouvernement est notamment contredite par la déclaration sous serment de Monsieur Mathieu Grondin, directeur général à la Direction générale de la Capitale et de l’Est du Québec du ministère des Transports :
39. L’ensemble des analyses effectuées par la Direction générale de la Capitale, avant, pendant et après les audiences publiques du BAPE, permettent d’affirmer que le projet de tramway sur le territoire de la Ville rencontre les orientations gouvernementales, notamment, quant au choix du mode de transport, aux secteurs desservis, à la nécessité des travaux d’insertion et à l’enveloppe budgétaire consentie au projet;
[47] De plus, lors de son témoignage, après l’avoir décrié, elle a reconnu qu’il n’existe pas, du moins au Québec, un processus obligatoire pour le choix d’un tel projet municipal d’envergure. À travers le monde, seulement deux projets sur 1000 utilisent le processus qu’elle recommande; on ne peut affirmer que, sans égard à la preuve faite en défense, par le biais de ce témoignage d’experts, les demandeurs ont démontré au Tribunal que les parties défenderesses ont agi de manière déraisonnable.
[48] Avec le plus grand respect que le Tribunal peut avoir pour ce témoin et ses compétences, cette opinion demeure une opinion avec laquelle le Tribunal ne peut juger des questions de droit qui se posent à lui.
[49] Messieurs Poussart et Gosselin sont compétents et ont été décorés pour leurs travaux.
[50] Monsieur Poussart est professeur émérite à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval. Il a obtenu son doctorat en génie électrique. Il est passionné par la problématique de la compréhension des systèmes complexes. Il dit avoir exploré la synergie dans les rapports de la personne avec les technologies.
[51] Il écrit dans son rapport qu’il a pris des mesures et les dimensions obtenues sont « matériellement et irrémédiablement incompatibles avec l’implantation d’un tramway qui respecterait les lois et règlements en matière de sécurité publique ». Les véhicules d’urgence et de services d’utilité publique ne pourraient pas facilement circuler. Il est d’avis qu’une version du tramway sur pneumatique à batteries serait préférable.
[52] Monsieur Gosselin, professeur étoilé au département de génie mécanique de l’Université Laval, enseigne, publie et est reconnu pour ses compétences scientifiques. Contrairement à Monsieur Poussart, le Tribunal a pu entendre ce témoin.
[53] Messieurs Poussart et Gosselin ont conjointement fourni une opinion à titre d’ingénieurs. Ils livrent une évaluation entre les autobus électriques de nouvelle génération, un métro léger souterrain et un tramway. Au terme de leur analyse résumée en moins de 8 pages, ils concluent que l’autobus électrique devrait être le premier choix et que le tramway est une solution déraisonnable et injustifiable. Lors de son témoignage, pour démontrer que la Ville aurait pu tenir compte d’autres moyens de transport structurant, Monsieur Gosselin a également présenté une capsule-vidéo présentant la solution du tramway sur roues.
[54] Monsieur Gosselin n’a pas comparu devant le BAPE, mais a tout de même transmis une lettre aux élus municipaux et provinciaux pour désapprouver le choix du tramway. Ce faisant, il a adopté une approche partisane qui, en temps normal, nuirait à la force probante de son témoignage.
[55] Les défenderesses ont fait remarquer à juste titre que, dans leur analyse, Messieurs Poussart et Gosselin, en comparant un métro sous terre et le projet de tramway pour lequel ils indiquent que le seul tunnel du projet ferait environ deux kilomètres, attribuent la même note au niveau des coûts et investissements qu’un tunnel de 20 kilomètres. Ils indiquent qu’il en coûterait environ 200 millions de dollars par kilomètre pour creuser un tunnel. Convenons qu’un projet de deux kilomètres sous terre est passablement moins coûteux à cet égard qu’un projet d’une vingtaine de kilomètres. Or, cette expertise ne le fait pas ressortir.
[56] Les commentaires avisés de Monsieur Gosselin en regard de la circulation des véhicules d’urgence semblent avoir été tenus compte dans les études réalisées par la Ville.
[57] Bien qu’intéressant, le rapport de Messieurs Poussart et Gosselin n’est pas utile au Tribunal qui doit décider de la légalité du processus qui a mené au choix du tramway et de la décision quant à ce mode de transport.
[58] Le Tribunal rejette donc les rapports et les témoignages de ces témoins experts, avec respect pour leurs compétences évidentes.
[59] Sans vouloir minimiser les autres arguments des demandeurs, l’essentiel du temps consacré à débattre des questions soumises au Tribunal vise la nullité du décret adopté par le Conseil des ministres le 6 avril 2022 suivant l’article
[60] Essentiellement, le décret de 10 pages sous étude énonce ce qui suit :
ATTENDU que, en vertu du premier alinéa de l’article
(…)
ATTENDU qu’il y a lieu d’autoriser la réalisation du projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec, avec un tracé entre le pôle Saint-Roch et le pôle d’Estimauville, à certaines conditions;
IL EST ORDONNÉ, en conséquence, sur la recommandation du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques :
Qu’une autorisation soit délivrée à la Ville de Québec pour le projet de la construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec, et ce, aux conditions suivantes :
CONDITION 1 :
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Sous réserve des autres conditions prévues à la présente autorisation, le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec doit être conforme aux modalités et aux mesures prévues dans les documents suivants :
(Sont ensuite énumérés les titres et références de 47 documents dont le nombre de pages varie pour chacun entre 1 et 821 pages.)
[61] Avant de discuter plus avant de la demande de nullité du décret, il convient de disposer d’un argument soulevé par le PGQ relatif au délai d’introduction du recours.
[62] Une action directe en nullité, comme c’est le cas pour les pourvois en contrôle judiciaire, peut être rejetée pour des motifs discrétionnaires, notamment pour le manque de diligence à intenter le recours[22].
[63] Un pourvoi en contrôle judiciaire doit être introduit dans un délai raisonnable comme le prescrit le Code de procédure civile[23].
[64] Règle générale, la jurisprudence a interprété ce délai comme étant de 30 jours[24].
[65] Le Tribunal jouit toutefois d’une discrétion judiciaire[25] justifiée par des circonstances exceptionnelles[26] que la partie demanderesse doit expliquer[27]. Le Tribunal doit dès lors analyser toutes les circonstances[28]. Il s’agit d’une question mixte de droit et de faits[29].
[66] Le décret adopté le 6 avril 2022 a été publié le 20 avril 2022. La procédure des demandeurs a été signifiée le 7 juillet 2022, soit 78 jours après la publication du décret. Avant sa publication, la preuve ne permet de croire que les demandeurs avaient idée de ce qu’il contenait.
[67] Alors, quelle est la preuve dont dispose le Tribunal pour justifier ces 78 jours?
[68] D’abord, le pourvoi en contrôle judiciaire du décret est accompagné de nombreux recours qui auraient chacun, de manière indépendante, pu être institués dans des dossiers différents : un pourvoi en contrôle judiciaire d’un décret, une demande d’inconstitutionnalité de dispositions législatives, une demande de nullité d’un règlement municipal, une demande d’injonction au sens de la LQE, une demande en dommages-intérêts compensatoires et punitifs et une demande d’injonction interlocutoire provisoire.
[69] Signalons que l’exigence du délai raisonnable ne joue pas en regard des questions constitutionnelles (pouvoir de la Cour supérieure versus expropriation) ou ayant trait à la Charte des droits et libertés de la personne ou à la Charte canadienne des droits et libertés (droit de vote et référendum)[30].
[70] Certains aspects de ce litige n’étant pas soumis à la règle du délai raisonnable, cela fait en sorte que le Tribunal devrait statuer quant à ces objets. L’approche intégrée prônée par les demandeurs fait épargner des ressources judiciaires et favorise pour partie le rejet de l’argument de retard dans le dépôt du pourvoi.
[71] La nature de l’organisme demandeur milite en faveur d’un délai raisonnable plus long comme en a déjà décidé la jurisprudence[31]. La demanderesse Québec Mérite Mieux a été officiellement créée le 1er juin 2022, soit 41 jours après la publication du décret qui a donné le feu vert à une importante étape de la mise en place du projet du tramway.
[72] Pour créer cette personne morale, ses initiateurs ont dû réunir des membres et définir les objectifs de cet organisme à but non lucratif.
[73] Est-il aussi besoin de spécifier que le travail des administrateurs de Québec Mérite Mieux est bénévole et les personnes qui se portent personnellement demandeurs ne bénéficient pas d’une formation juridique contrairement aux faits établis dans l’affaire Conseil régional de l'environnement de Montréal c. Québec (Procureur général)[32] à laquelle le PGQ a référé le Tribunal. Il ne s’agit pas d’un organisme connu dans le monde de la protection de l’environnement formé de personnes qui connaissent les règles spécifiques à ce domaine.
[74] Une vingtaine de demandeurs se joignent à Québec Mérite Mieux, lesquels poursuivent un même but pour des motifs qui ne sont pas les mêmes.
[75] La saine gestion des deniers publics fait partie des motifs qui permettent au Tribunal de prolonger le délai de 30 jours[33]. Le décret attaqué a trait à l’autorisation des travaux préliminaires pour le tramway. Si le Tribunal rejetait le recours des demandeurs quant à cet aspect, le Tribunal est aussi conscient que, pour les travaux de réalisation, un autre décret sera vraisemblablement nécessaire et celui-ci pourrait être contesté dans les délais. À ce moment, les coûts engendrés par le projet de tramway seraient plus élevés et, un jugement qui annulerait le nouveau décret serait plus dommageable pour l’ensemble des citoyens. Cet argument ne vaut pas s’il ne s’inscrivait pas dans un contexte plus large comme celui dont il est ici fait état.
[76] La complexité du décret attaqué est relativement importante : 18 conditions, 47 documents fournis par la Ville faisant 6000 pages, accessibles, mais à trouver sur Internet parmi plusieurs autres. Tous les autres aspects de ce dossier sont supportés par une preuve abondante.
[77] Québec Mérite Mieux a d’abord contacté un avocat qui a refusé de prendre le mandat. Un second a été approché, lequel a finalement référé aux avocats qui ont agi au dossier.
[78] Les questions soulevées par les avocats des demandeurs démontrent un travail exceptionnel d’analyse.
[79] Le 27 juin 2022, une opinion juridique a été obtenue et, pour donner une dernière chance aux autorités publiques, une mise en demeure[34] a été transmise.
[80] Le financement d’un tel recours est fondé sur la participation citoyenne. La preuve démontre que 3 200 personnes ont participé au financement de ce recours.
[81] Le Tribunal reconnaît que les demandeurs ont fait preuve d’ingéniosité et de persévérance. Ils n’ont pas dormi sur leurs droits[35].
[82] Le Tribunal est d’avis que le présent dossier est exceptionnel. Le recours des demandeurs a été intenté dans un délai raisonnable.
[83] Les demandeurs soumettent que ce décret constitue « une injustice, un abus de droit, un abus du pouvoir discrétionnaire et un excès de compétence, en raison de [son] caractère déraisonnable, injustifiable et irrationnel équivalant à mauvaise foi ». De sa conception à son autorisation le 6 avril 2022, le décret serait fondé sur « le manque de vérité, de transparence, d’honnêteté, et d’imputabilité, justifiant la Cour de déclarer nul le décret 655-2022 et le règlement RAVQ 1349 »[36].
[84] Plus spécifiquement, les demandeurs reprochent au gouvernement :
[85] Puisqu’il n’y a eu aucune preuve administrée en regard des coûts, en violation « des règles de l’art en matière d’ingénierie », le Tribunal dispose immédiatement de cet argument et le rejette. Voyons pour le reste.
[86] La Cour supérieure a un rôle de contrôle et de surveillance sur tout ce qui se passe sur le territoire québécois, allant des tribunaux administratifs jusqu’au Conseil des ministres.
[87] La Cour suprême a établi une norme de contrôle unique pour tous les décideurs, allant d’un tribunal administratif aux plus hauts décideurs politiques. La norme de la « décision raisonnable » est définie dans les arrêts-phares Dunsmuir[37] et Vavilov[38].
[88] L’arrêt Vavilov rappelle à la Cour supérieure le vaste éventail de décideurs soumis à son pouvoir de contrôle :
C. La norme de la décision raisonnable est une norme unique qui tient compte du contexte
[88] Lorsqu’on tente d’élaborer une méthode cohérente et unifiée de contrôle judiciaire, la diversité des décisions et des décideurs que doit prendre en compte cette méthode pose en soi un défi inéluctable. Les décideurs dont les décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire vont des tribunaux spécialisés exerçant des attributions judiciaires aux organismes de réglementation indépendants, aux ministres, aux décideurs de première ligne et plus encore. Leurs décisions varient en complexité et en importance, allant des décisions banales à celles qui changent le cours d’une vie. Elles visent, d’une part, des questions « hautement politiques » et, d’autre part, des questions de « droit pur ». Ces décisions font parfois intervenir des considérations techniques complexes. À d’autres moments, le bon sens et la logique ordinaire suffisent.
(notre soulignement)
[89] La Cour suprême tient à préciser que même les éléments de contexte entourant une décision ne changent pas l’examen à travers le prisme de la norme de la « décision raisonnable » :
[89] Malgré cette diversité, la norme de la décision raisonnable demeure une norme unique, et les éléments du contexte entourant une décision n'altèrent pas cette norme ou le degré d'examen que doit appliquer une cour de révision. Le contexte particulier d'une décision circonscrit plutôt la latitude du décideur administratif en matière de décision raisonnable dans un cas donné. C'est ce que l'on entend quand on affirme que "[l]a raisonnabilité constitue une norme unique qui s'adapte au contexte" : Khosa, par. 59; Catalyst, par. 18; Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission),
(notre soulignement)
[90] Si le contexte ne change pas le cadre analytique de la norme de la décision raisonnable, le Tribunal doit toutefois tenir compte de l’étendue des pouvoirs du décideur dont la décision est analysée :
[90] La méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable que nous décrivons dans les présents motifs tient compte de la diversité des décisions administratives en reconnaissant que ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen. Ces contraintes d'ordre contextuel cernent les limites et les contours de l'espace à l'intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solution qu'il peut retenir. Le fait que ces contraintes d'ordre contextuel imposées au décideur administratif puissent varier d'une décision à l'autre ne pose pas problème pour la norme de la décision raisonnable parce que chaque décision doit être à la fois justifiée par l'organisme administratif et évaluée par la cour de révision en fonction de son propre contexte particulier.
(notre soulignement)
[91] C’est dire que la Cour supérieure peut réviser une décision du Conseil des ministres comme elle le ferait pour une décision d’un tribunal administratif, tout en tenant compte toutefois du très vaste pouvoir qu’il détient.
[92] Dans ce contexte, le Code de procédure civile précise le pouvoir de contrôle et de surveillance, notamment le pouvoir de contrôle judiciaire contre le gouvernement aux « défaut ou excès de compétence »[39]. Cette dernière notion est reprise en regard des pouvoirs de la Cour supérieure dans le cadre des pourvois en contrôle judiciaire à l’encontre des règlements adoptés en vertu d’une loi du Québec ou d’un décret gouvernemental[40].
[93] Les questions que le Tribunal doit se poser sont :
________________________
[94] Avant de répondre à ces questions et comme il l’a fait à toutes les occasions possibles dans ce dossier, le Tribunal tient à rappeler la place occupée par les tribunaux dans notre société : ils n’ont pas un rôle politique, ils n’ont pas à décider ce qui est bon pour la population. Le Tribunal doit s’assurer de la légalité des décisions prises.
[95] Dans l’arrêt Bellefleur[41], bien avant que la Cour suprême précise la norme de la décision raisonnable et ses pourtours dans l’arrêt Vavilov, la Cour d’appel a tenu à rappeler ce rôle et rien que ce rôle :
[107] Dans notre tradition, les tribunaux judiciaires ont un pouvoir de contrôle sur la légalité des actes de l’Administration. Cette réalité juridique bien reconnue est saine en démocratie, puisque ce pouvoir représente, pour le citoyen ordinaire, l’ultime protection contre l’arbitraire politique ou administratif. Par contre, le rôle des tribunaux reste limité. Ils n’ont pas pour mission de remplacer le pouvoir législatif, exécutif ou l’Administration ou de s’y substituer. À l’endroit du pouvoir législatif, ils peuvent seulement contrôler la constitutionnalité de la loi. À l’endroit du pouvoir exécutif et administratif, leur tâche est de s’assurer que la loi, et donc la volonté du parlement, a bel et bien été suivie et respectée. Ils ne peuvent et ne doivent pas s’ériger en arbitre de l’opportunité, de la rationalité, de la prudence ou de la sagesse des décisions politiques ou administratives.
(notre soulignement)
[96] Cet enseignement qui tient compte des « contours de l'espace à l'intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solution qu'il peut retenir » cadre parfaitement dans le contexte établi par l’arrêt Vavilov.
__________________________
[97] Répondons maintenant aux deux questions plus haut posées au cas qui nous occupe.
[98] Le premier test que doit subir la décision attaquée a trait à la compétence du décideur :
En premier lieu il faut, je pense, évaluer la marge d'exercice de la discrétion ministérielle. Si elle est restreinte parce que le législateur l'a ainsi voulu, en lui imposant un encadrement sévère, la tâche du tribunal sera plus facile. Le contrôle pourra, en effet, s'effectuer par rapport à des conditions, des impératifs ou des règles déjà précisés. Si, au contraire, elle est large, il deviendra plus difficile au juge de trancher, faute de points de repère spécifiques. Le tribunal devra se garder alors de poser un jugement de valeur et de substituer purement et simplement son opinion à celle de l'Administration, en un mot de juger l'Administration plutôt que l'acte administratif !![42]
[99] L’examen de la compétence est habituellement complété par une vérification de la procédure déterminée par la loi. Est-ce que le décideur a suivi le processus imposé par la loi?
[100] Dans le chapitre de la LQE traitant des responsabilités en matière de protection de l’environnement, une section traite des autorisations que peut donner le ministre[43] en regard de projets spécifiques. C’est le cas des établissements industriels, de la gestion des matières dangereuses ou de l’élimination des matières résiduelles.
[101] Une autre section de ce chapitre[44] traite des projets (dont la liste est prévue par règlement) qui nécessitent l’émission d’un décret émis par le gouvernement, et sur recommandation du ministre.
[102] Le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets[45] prescrit la liste des projets soumis à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement dont la responsabilité relève du gouvernement et non pas du ministre uniquement.
[103] Parmi les projets énumérés, on retrouve « la construction ou le prolongement d’un système de transport collectif guidé ou sur rail »[46]. Le projet de tramway est donc visé par ce règlement et, conséquemment, pour voir le jour, il doit recevoir une approbation gouvernementale, sur recommandation du ministre.
[104] L’article
31.5. Le ministre transmet sa recommandation au gouvernement après l’analyse du projet, à la fin de l’évaluation environnementale. Il peut toutefois la transmettre avant la fin de l’évaluation environnementale lorsque l’initiateur du projet n’a pas répondu à ses demandes en vertu de l’article 31.4.
(…)
Le gouvernement ou tout comité de ministres dont fait partie le ministre autorisé par le gouvernement à agir à sa place peut délivrer une autorisation pour la réalisation du projet, avec ou sans modification et aux conditions, restrictions ou interdictions qu’il détermine, ou refuser de délivrer l’autorisation. Il peut aussi décider que la procédure se poursuive malgré la transmission d’une recommandation défavorable du ministre avant la fin de la procédure.
Le gouvernement ou le comité de ministres peut, s’il le juge nécessaire pour assurer une protection adéquate de l’environnement, de la santé de l’être humain ou des autres espèces vivantes et sur la recommandation du ministre, fixer dans cette autorisation toute norme ou toute condition, restriction ou interdiction différente de celles prescrites par un règlement pris en vertu de la présente loi.
La décision est communiquée à l’initiateur du projet dans les meilleurs délais.
[105] Au cours du cheminement du projet, le ministre peut mandater le BAPE pour tenir une audience publique. Par la suite, le BAPE fait rapport au ministre de ses constatations ainsi que de l’analyse qu’il en a faite.
[106] Le rapport du BAPE ne lie pas le ministre et encore moins le gouvernement comme l’enseigne la jurisprudence :
[143] En fin de compte, il convient de citer à nouveau la Cour d’appel dans Bellefleur, qui s’exprime sur la latitude du gouvernement en regard des éléments qu’il peut considérer lors de l’adoption d’un décret sous l’article
Le Ministre jouit d'une large discrétion sur le déroulement de l'ensemble de l'opération, presque du « bon plaisir » du Prince. Sans revenir sur l'analyse faite plus haut, la seule véritable obligation du Ministre, sur le strict plan formel, dans le processus complexe aboutissant à sa prise de décision est, en réalité, de rendre publique l'étude d'impact et de tenir une audience publique si la chose lui est demandée (art. 31.3) et ne lui apparaît pas comme frivole.
Le mécanisme prévu et donc voulu par le législateur semble être de caractère essentiellement consultatif, puisque la discrétion du Ministre s'exerce à l'endroit du contenu de l'étude d'impact (art. 31.2); de la nécessité d'études complémentaires (art. 31), de la recevabilité ou non de l'étude d'impact et du besoin de tenir des audiences publiques (Art. 31.3.
Les « adjuvants » au Ministre, soit le B.A.P.E. et les services du M.E.N.V.I.Q., ont pour leur part un rôle simplement consultatif, puisque celui-ci peut passer outre leurs constatations, leurs suggestions ou leurs recommandations, selon le cas. Le poids de ces organismes est donc largement politique dans le premier cas et administratif dans le second. D'ailleurs l'existence d'une divergence de vue entre le Ministre et les organes consultatifs ne serait pas suffisante pour entacher la décision ministérielle d'illégalité (Monsanto Canada Inc. c. Minister of Agriculture of Canada, [1989] 34 Admin. L.R. 297 (C.A.F.).
(Soulignements ajoutés)
[144] En l’espèce, il ressort de la preuve que cette discrétion s’est exercée en convergence avec les recommandations des représentants du MEQ, alors que la Cour d’appel reconnaît qu’un exercice de la discrétion qui divergerait de la résultante du processus consultatif ne permettrait pas en soi de conclure que la décision est viciée.[47]
[107] Sur l’aspect à proprement parler de l’obligation qu’aurait le gouvernement de suivre les recommandations du BAPE, la Cour d’appel est formelle : il s’agit d’un processus de consultation :
Ce processus administratif de prise de décision, d'apparence très démocratique, est donc au fond un simple processus de consultation, complexe certes, mais sans aucune véritable contrainte juridique pour l'administration autre que le respect de la procédure prévue par le législateur. Il a pour but de fournir un éclairage à la décision du Ministre pour asseoir la recommandation qu'il présentera au gouvernement. Le Ministre n'a donc, d'après la loi et les règlements, que fort peu de contrainte juridique directe relativement à l'expertise qui lui est présentée ou à l'information qui lui est fournie et le gouvernement lui, second niveau d'appréciation discrétionnaire, n'en a formellement aucune.[48]
[108] Ce n’est pas parce que le BAPE a un rôle consultatif que le Tribunal doit toutefois se contenter de mettre un couvercle sur la procédure des demandeurs.
[109] Quant au premier test, concluons : le Conseil des ministres était parfaitement en droit d’adopter le décret 655-2022 et le processus imposé par la LQE est respecté.
[110] Le second test relatif au « défaut de la décision » a trait au contenu de la décision attaquée. Comme l’écrit la Cour d’appel, ce test doit se garder de poser un regard sur l’opportunité de la décision, si ce n’est que pour s’assurer que la décision n’est pas fantaisiste :
En second lieu, il faut considérer les bases sur lesquelles la décision a pu être prise et ses sources, puisque c'est en définitive ce qui sépare une décision discrétionnaire mais légale, d'une décision arbitraire et donc illégale. La première est fondée sur certaines données objectives, même incomplètes, ou sur certains éléments ou normes existants, alors que la seconde relève de la fantaisie, du caprice, de l'ignorance volontaire, du bon plaisir ou de la négligence.[49]
[111] Dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Germain Blanchard ltée[50], la Cour d’appel réitère les règles d’examen des décisions gouvernementales et précise les questions qui ont trait au caractère propre de la décision :
[45] Le juge de la Cour supérieure a donc commis une erreur en n'examinant pas, selon l'approche pragmatique et fonctionnelle, si le gouvernement avait validement exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant à l'intimée le certificat d'autorisation qu'elle demandait.
[46] Le rôle des tribunaux judiciaires reste très limité face à l'exercice par le gouvernement de son pouvoir discrétionnaire. La juge L'Heureux-Dubé a rappelé, dans l'arrêt Laurentides Motels c. Beauport (Ville), que le pouvoir discrétionnaire est nécessaire pour donner à l'autorité publique toute la latitude voulue pour prendre des décisions de nature politique dont l'autorité doit être comptable non aux tribunaux, mais à l'électorat ou à la législature. Les tribunaux n'ont pas pour mission de remplacer le pouvoir exécutif ou de s'y substituer.
[47] Il a été depuis longtemps admis que l'on ne peut attaquer l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'une autorité publique que si:
- l'auteur a agi sans compétence ou autrement excédé sa compétence;
- l'auteur ne s'est pas conformé à la procédure prescrite, aux règles de la justice naturelle ou au principe de l'équité procédurale;
- l'auteur a poursuivi une finalité impropre, a agi de mauvaise foi ou par malice ou de façon discriminatoire;
- l'auteur a agi de façon injuste notamment en omettant d'examiner les faits ou de façon déraisonnable ou absurde.
(…)
[52] L'intégration du contrôle judiciaire de décisions comportant un large pouvoir discrétionnaire dans l'analyse pragmatique et fonctionnelle en raison d'erreurs de droit rend possible un contrôle plus nuancé, mais comme le précise la juge L'Heureux-Dubé au paragr. 56 de l'arrêt Baker, cette intégration ne devrait pas être considérée comme une diminution du niveau de retenue accordé aux décisions de nature hautement discrétionnaire. En fait, écrit-elle:
[…] des normes de contrôle judiciaire empreintes de retenue peuvent donner au décideur discrétionnaire une grande liberté d'action dans la détermination des « objectifs appropriés » ou des « considérations pertinentes ». La démarche pragmatique et fonctionnelle peut tenir compte du fait que plus le pouvoir discrétionnaire accordé à un décideur est grand, plus les tribunaux devraient hésiter à intervenir dans la manière dont les décideurs ont choisi entre diverses options. Toutefois, même si, en général, il sera accordé un grand respect aux décisions discrétionnaires, il faut que le pouvoir discrétionnaire soit exercé conformément aux limites imposées dans la loi, aux principes de la primauté du droit, aux principes du droit administratif, aux valeurs fondamentales de la société canadienne, et aux principes de la Charte.
(références omises)
[112] Plus récemment, pour exemplifier ce second test, dans l’arrêt Ville de Québec c. Galy[51], la Cour d’appel l’a ainsi illustré :
[77] La preuve révèle que les objectifs d’exploitation du territoire et d’uniformisation des zones de fortes pentes ont été présents tout au long du processus d’adoption réglementaire. Cela est conséquent avec la discrétion dont dispose la Ville en la matière et le contrôle judiciaire de cette discrétion ne doit pas en devenir une d’opportunité :
Toutefois, ce rôle de surveillance de l’administration par la Cour supérieure ne s’étend pas à l’étude, la vérification et le contrôle de l’opportunité de la décision de l’administration. Cela est vrai dans le cas des municipalités. En effet, dans l’exercice de son pouvoir en matière de zonage et d’urbanisme, elles jouissent d’une large discrétion. L’objectif de la loi est de laisser aux élus le soin de concevoir le plan de développement le plus efficace et harmonieux pour leur ville ou village. Ces choix sont politiques au sens véritable de ce terme et les tribunaux ne doivent pas intervenir.
(références omises et notre soulignement)
[113] Que retenir de ces enseignements?
[114] Le Tribunal doit s’assurer que :
[115] Qu’en est-il?
[116] La preuve abondante permet de circonscrire les tenants et aboutissants de cette décision. À travers des déclarations sous serment déposées par les autorités gouvernementales, est retracé le cheminement de ce dossier qui a reçu un feu vert pour la réalisation de la première étape de la mise en place de ce projet.
[117] Les demandeurs ont commenté cette preuve et c’est ce que nous verrons au fur et à mesure de son analyse.
[118] À la lumière des reproches formulés par les demandeurs en regard du processus qui a mené à l’adoption du décret 655-2022, voyons la preuve administrée.
[119] Un constat s’impose : les demandeurs ont une lecture limitée dans le temps du dossier de réseau structurant de transport ; ils ne considèrent au mieux les événements qu’à compter des élections municipales de 2017[52]. Or, les déclarations sous serment des témoins des parties défenderesses se télescopent; elles retracent le chemin parcouru depuis 2005 qui a mené à l’adoption du décret 655-2022.
[120] Le tramway hante les discussions depuis bien longtemps.
[121] Monsieur Benoît Carrier œuvre pour le Réseau de transport de la Capitale depuis 2005, année où il a obtenu une maîtrise en aménagement du territoire. Son essai de maîtrise portait sur l’impact d’un tramway pour structurer une ville. Sa déclaration sous serment apporte la lumière sur la genèse de ce projet :
[122] Dans leur plaidoirie, les demandeurs soulèvent certaines lacunes dans la déclaration sous serment de Monsieur Carrier du 14 octobre 2022 qui, dans une deuxième déclaration sous serment obtenue le 14 novembre 2022, précise certains faits, ou parfois les contredit. Les imperfections relevées ne sont pas suffisantes pour permettre au Tribunal d’écarter les importantes informations que ce témoin apporte.
[123] Il est utile de lire en parallèle la déclaration de Monsieur Carrier avec un passage contenu dans le rapport du BAPE. En mai 2017, soit à quelques mois des élections municipales, à la suite de l’abandon du projet de système rapide par bus, la Ville confie à une organisation indépendante le mandat de tenir des consultations publiques sur la mobilité durable. Lors de ces consultations, il ne sera proposé aucun mode ni de tracé précis. À des questions ouvertes, « les mémoires suggèrent un tramway deux fois plus souvent que le [système rapide par bus] »[54]. Quant aux tracés, le BAPE résume ainsi la consultation menée par la Ville :
Pour ce qui est du tracé, le rapport mentionne que 40 % des auteurs des mémoires souhaitent que les pôles de la Cité (Saint- Roch et la colline Parlementaire) et de Sainte-Foy soient « les points focaux de la desserte », mais qu’il n’y a pas de consensus sur le tracé du réseau.
[124] Le BAPE conclut donc :
La commission note néanmoins que les rapports et les bilans de ces deux consultations publiques et du sommet international ne permettent pas de conclure que projet de tramway avec un tracé en Haute-Ville était le choix privilégié par les participants.[55]
[125] Ces rapports auxquels réfère le BAPE auraient quand même influencé la Ville dans ses choix soumis à l’administration municipale élue en 2017. Le Tribunal retient malgré tout que plus de personnes favorisaient le tramway au système rapide par bus, mais il ne semble pas qu’il y avait un fort consensus quant au tracé en Haute-Ville.
[126] Par sa déclaration sous serment du 19 octobre 2022, Monsieur Daniel Genest, directeur du Bureau de projet du tramway, prend le relais de la chronologie des événements réalisée jusque-là par Monsieur Carrier :
[127] À la suite du long cheminement du dossier du transport collectif structurant au sein de l’administration municipale, le gouvernement du Québec reçoit les premières études pour donner suite à l’entente qui avait été signée le 16 mars 2018.
[128] La déclaration sous serment de Madame Marie-Emmanuelle Rail, cheffe d’équipe et coordonnatrice d’expertise pour les projets de transport collectif et ferroviaire au ministère de l’Environnement, jette un regard éclairant sur le processus suivi par le gouvernement jusqu’à l’adoption du décret :
[129] Bref, avant la tenue de la consultation, le ministre avait posé des questions à la Ville. À la suite de la publication du rapport, le ministre a exigé des engagements de la part de la Ville et les a obtenus. Dans ce dialogue Gouvernement-Ville, signalons que la modification du tracé du tramway dans sa section est permet, de l’avis de Madame Rail, « de mieux répondre à la demande anticipée »[68].
[130] Que doit-on retenir de toute cette preuve soutenue par des déclarations sous serment et des nombreux documents annexés ?
[131] Le choix du tramway et de son tracé. Les questions les plus cruciales ont trait au choix du mode de transport et de son tracé. Les demandeurs sont d’avis qu’à cet égard, le BAPE « émet des constats troublants relativement à la prétendue participation citoyenne invoquée par la ville défenderesse pour échapper à l’approbation référendaire »[69].
[132] Avec respect, il ne faut pas qualifier de « troublant » ce que le BAPE a constaté. À la lumière de la preuve documentaire dont le Tribunal dispose, le choix préféré par la population quant au mode de transport par tramway semble l’emporter sur le système rapide par bus mais, quant au tracé, il faisait moins l’objet d’un consensus. Rappelons qu’il n’appartient pas au Tribunal de faire les choix au nom des élus. Rappelons-le pour la nième fois : le Tribunal doit seulement s’assurer que la décision est légale, il n’est pas question de contrôler l’opportunité de la décision.
[133] Les consultations de la Ville. Les demandeurs font grand état de l’absence de consultation de la population. L’ensemble de la preuve incluant le cheminement du dossier du transport structurant à Québec depuis une vingtaine d’années démontre plutôt le contraire. Un grand nombre de consultations ont eu lieu au fil des années et le tramway est souvent revenu sur la sellette.
[134] Il est vrai toutefois que les séances tenues au cours des deux dernières années ont peut-être pris la forme de soirées d’information[70] puisque, dès le printemps 2018, le choix du tramway avait été retenu et que les consultations portaient davantage sur des questions d’intégration urbaine[71]. Les demandeurs semblent s’être intéressés au dossier du tramway quand le train avait quitté la gare.
[135] Les solutions alternatives. L’une des plus importantes critiques formulées par les demandeurs a trait au fait que la Ville aurait trop rapidement conclu que le mode de transport structurant nécessaire était le tramway.
[136] En réponse à cette critique, la déclaration sous serment de Monsieur Mathieu Grondin, directeur général à la Direction générale de la Capitale et de l’est du Québec au ministère des Transports, s’ajoutant à celle de Monsieur Benoît Carrier de la Ville de Québec, permet de comprendre le processus gouvernemental :
19. À cet effet, le MTQ a fait appel à des firmes externes, dont l’expertise est reconnue, et ce, afin d’obtenir leur avis à l’égard de différents éléments d’importance tels que le choix du mode de transport, l’achalandage, ainsi que la desserte des banlieues;
20. La firme française Ingérop, spécialisée dans le domaine des transports urbains tous modes confondus, a été mandatée par le MTQ pour étudier notamment les aspects de vibration et de mode de transport;
21. Dans les avis techniques produits en juillet 2020 (en liasse sous PGQ-21), avant l’audience du BAPE, Ingérop confirme notamment :
- que les analyses menées par SYSTRA et confirmées par le HEC Montréal quant aux modes de transport sélectionnés sont de bonne qualité;
- qu’il aurait conclu dans le même sens que les analyses menées par SYSTRA et le HEC Montréal quant aux mode de transport sélectionné;
- que de retenir le mode SRB, qui ne dispose pas de marge de progression de capacité par rapport à la demande attendue, serait de s’exposer à ne pas répondre à la croissance future de la demande : ce ne serait pas un choix d’avenir;
- que le choix du mode tramway sur l’axe principal est pertinent;
- qu’un métro, léger ou non, coûterait beaucoup plus cher pour atteindre les mêmes objectifs;
- que les méthodes d’atténuation des vibrations proposées par la Ville lors de l’exploitation répondent aux normes en vigueur dans le monde;
(…)
31. C’est dans ce contexte que ma direction a fait part de ses commentaires au MELCC, notamment sur trois grands thèmes considérés comme importants dans l’évaluation du projet soit le mode de transport, l’achalandage et le tracé;
32. En plus des analyses effectuées par la Ville, le MTQ a consulté les firmes Ingérop et Civilia, et l’expert Charoud qui confirment la pertinence du mode tramway sur l’axe principal (pièces PGQ-21, P-18B, P-18C);
33. Malgré les avis du BAPE portant sur l’analyse comparative des modes de transport et l’exclusion du SRB, le MTQ, s’appuyant sur les analyses des experts consultés, a répondu que la Ville avait suffisamment analysé les différents modes et que le choix du mode tramway sur l’axe principal n’était pas remis en question. Une étude supplémentaire n’était donc pas jugée nécessaire;
34. Malgré la proposition du BAPE d’analyser davantage l’option de trains légers sur rails pour rejoindre une plus grande clientèle, notamment celle des banlieues, le MTQ a plutôt proposé, dans le cadre du projet du RTC, la mise en place de voies réservées (pièce PGQ-22);
35. Malgré les avis du BAPE relatifs à l’achalandage en période de pointe, le MTQ a considéré que l’étude d’achalandage réalisée par la firme Civilia (rapport P-18B), combinée à celles de la Ville, était suffisante et satisfaisante;
36. De plus, le MTQ s’est appuyé sur l’expert Charoud qui, au moment de la réalisation de son mandat, a pris connaissance des études de la Ville, des contributions des autres experts mobilisés par le projet et par le MTQ, ainsi que des échanges dans le cadre de l’audience du BAPE;
37. L’expert Charoud a également questionné un certain nombre de variantes de tracé pour justifier de la pertinence de celui-ci. Il conclut que les axes desservis par le tramway et le trambus se rendant à d’Estimauville sont bel et bien les zones ayant la plus grande concentration de déplacements, et que le projet est justifié en regard de sa faisabilité, son calendrier et son coût;
(notre soulignement)
[137] En cours d’instance, même si cela n’avait pas été allégué dans la procédure des demandeurs, il fut prétendu que la Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructures publiques[72] adoptée sous l’emprise de la Loi sur les infrastructures publiques[73], n’avait pas été suivie. Comme le fait remarquer le PGQ, à l’exception des articles 7 et 8, il est trop tôt pour discuter de cette directive car elle vise la « gestion rigoureuse des projets majeurs d’infrastructures publiques »[74] lors de leur réalisation. La Ville n’exécutant que les travaux préliminaires, elle ne trouve pas application de façon immédiate. Quant à ces articles qui traitent d’un avant-projet, les conditions sont respectées à la lumière de l’entente signée par le premier ministre Monsieur Philippe Couillard le 16 mars 2018.
[138] À la lumière des informations reçues du ministère des Transports, Madame Rail dépose auprès du ministre un rapport qui reprend chacun des 91 avis du BAPE et les commente. En regard de cette question relative aux « alternatives », elle écrit :
C’est une évaluation sommaire qui est demandée par la direction ministérielle. Ce qui a été fourni par la VdQ[75] est conforme aux exigences habituelles.
En réponse, la VdQ a répété que le travail a été fait dès le dépôt du Plan de mobilité durable en 2011 (voir réponse à l’avis 16). Les autres technologies ne sont pas adaptées aux besoins.
Le MTQ s’est dit satisfait de cette réponse. Il considère l’analyse des solutions de rechange complète.[76]
[139] Bref, les spécialistes du ministère des Transports se sont appuyés sur les expertises des firmes Ingérop et Civilia pour valider les études menées par la Ville, qui s’était adressée à la firme SYSTRA et qui a fait contre-vérifier le tout par deux experts universitaires de Montréal.
[140] Pour le Tribunal, il ne s’agit pas de mettre en opposition les experts que les demandeurs ont fait entendre à l’encontre de toutes ces expertises déposées au dossier de la Cour pour décider si le mode choisi par les autorités publiques convient. Le Tribunal doit simplement se demander si la décision des autorités publiques, et spécifiquement du gouvernement du Québec d’adopter le décret 655-2022 le 6 avril 2022, est raisonnable. À la lumière de l’ensemble de la preuve, la réponse est oui.
[141] L’acceptabilité sociale. L’acceptabilité sociale n’est pas expressément un critère exigé par la législation pour autoriser un projet.
[142] Contrairement aux dispositions de la LQE applicables à la région de la Baie-James et du Nord québécois[77], la notion d’acceptabilité sociale n’est pas implicitement intégrée pour les projets comme celui sous étude.
[143] Le gouvernement peut toutefois en prendre compte lorsqu’il exerce ses pouvoirs au sens de l’article
[144] Dans le présent dossier, le gouvernement demande à la Ville de s’assurer de l’acceptabilité sociale de ce projet, ni plus ni moins[78].
[145] Dans un dossier qui ressemble à la présente affaire, soit l’affaire Arbour c. Procureure générale du Québec[79], Madame la juge Anne Jacob écrit ce passage qui mérite réflexion :
4e motif : La notion d’acceptabilité sociale du projet
[194] Les demandeurs affirment que le ministre a omis de s’assurer de l’acceptabilité sociale du projet. Les défenderesses prétendent l’inverse.
[195] Dans la présente affaire, le ministre, en exigeant des avis sur la recevabilité de l’étude d’impact, s’est soumis à une étape additionnelle que la LQE ne lui impose pas.
[196] Dans un premier temps, l’étude d’impact a été considérée recevable par un vaste réseau de ministères et d’organismes. Elle a subséquemment été considérée acceptable tant par ce réseau que par les services internes du MDDELCC.
[197] Acceptabilité sociale ne signifie pas unanimité sociale. Il serait même utopique de tendre vers cet objectif lorsqu’un projet comporte des impacts environnementaux variables selon les divers secteurs d’un même territoire.
[198] Ce projet d’envergure traverse plus de 22 municipalités, 8 MRC, la communauté urbaine de Montréal et l’agglomération de Montréal. Aucun autre groupe n’a requis son interruption par voie judiciaire.
[146] Quelques commentaires relatifs à divers autres arguments soulevés par les demandeurs. Dans leurs plaidoiries, les demandeurs discutent de « l’élément humain que l’État n’a jamais tenu compte dans son décret 655-2022 » comme si le Conseil des ministres avait totalement ignoré l’impact de sa décision sur les citoyens qui vivront avec les contraintes du tramway. Cette affirmation est un peu grossière à la lumière de l’ensemble des facteurs tenus compte par le BAPE, la Ville et le ministère de l’Environnement. Au demeurant, le citoyen appelé à bénéficier d’un tramway qui le transportera d’est en ouest à Québec est parfois oublié tant l’emphase est mise sur les contraintes causées par le moyen de transport. La preuve ne permet pas de donner raison aux demandeurs sur cette question.
[147] Une question incidente s’est posée en regard de l’analyse du décret 655-2022. Est-ce que sa publication est conforme à la législation? Si la réponse était négative, elle pourrait influer sur sa légalité.
[148] Les demandeurs sont d’avis que le décret 655-2022 est illégal étant donné le non-respect des formalités prévues à l’article 1 du Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets, lequel est adopté suivant les dispositions de l’article
[149] De son côté, le PGQ plaide qu’il n’existe aucune obligation légale pour le gouvernement d’annexer et de publier les documents auquel fait référence un décret publié à la Gazette officielle du Québec.
[150] Qu’en est-il?
[151] Dans les faits, seul le décret 655-2022 qui compte 10 pages a été publié. Il fait référence à 47 documents contenant plus de 6 000 pages.
[152] Le PGQ fait remarquer que cette façon de faire est similaire à d’autres décrets faisant référence à des documents annexés. Serait-ce à dire que les autres décrets ainsi publiés seraient aussi illégaux?
[153] Le texte du décret 655-2022 fait du respect par la Ville de ces documents des conditions à l’autorisation donnée pour les travaux préparatoires du tramway :
Sous réserve des autres conditions prévues à la présente autorisation, le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec doit être conforme aux modalités et aux mesures prévues dans les documents suivants :
[154] Quelle est la portée des obligations de publication au sens de la Loi sur l’exécutif?
[155] Plusieurs arguments militent en faveur de la légalité de la publication du décret 655-2022.
[156] D’abord, les articles de cette loi et de son règlement d’application ne font aucunement référence à une obligation pour le gouvernement d’annexer les documents auxquels réfère le décret.
[157] Ensuite, l’intention du législateur est de faire en sorte que soient publiques les décisions prises par l’exécutif en autant que la décision ne soit pas trop longue. En vertu de l’article
[158] C’est donc dire que, dans le cas qui nous occupe, si le décret de 10 pages avait eu quelques lignes de plus et que la Gazette officielle du Québec n’avait publié que le titre du décret, sa date d’adoption et son nombre de pages, tout aurait été légal. Or, parce qu’il est trop court de quelques lignes, les demandeurs prétendent que les 6000 pages auraient dû être publiées. Convenons du caractère incongru de cette approche. À la lumière de cette situation, l’esprit de cette législation est sûrement de faire connaître la décision du gouvernement en autant qu’elle soit brève (10 pages et moins), sans qu’il ne soit nécessaire de publier les annexes.
[159] Puisque d’importantes décisions du Conseil des ministres sont souvent assorties d’annexes, cela reviendrait à dire que le public devrait se contenter du titre et de ses dates d’adoption dans ces cas. Cela serait illogique. L’esprit du législateur n’est sûrement pas de rendre opaque l’administration publique pour les décisions importantes. Au contraire.
[160] Bien qu’il soit sensible à la préoccupation des demandeurs concernant l’accès aux documents cités, le Tribunal ne peut souscrire à l’argument suivant lequel telle obligation existerait, en l’absence d’une disposition législative claire à cet effet. Le silence de la loi ou du règlement n’équivaut pas à une obligation de faire.
[161] Par conséquent, la publication du décret 655-2022 respecte les exigences de la Loi sur l’exécutif et du Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets.
[162] En conclusion quant à la demande de nullité du décret 655-2022, le Tribunal rejette ce recours des demandeurs pour les motifs suivants :
[163] La construction éventuelle de l’infrastructure nécessaire pour faire rouler un tramway à Québec modifiera, à n’en pas douter, le paysage de la Ville de Québec. Sans égard à l’objectif ultime de donner aux citoyens de Québec un moyen de transport collectif nouveau et différent de tout ce qui existe actuellement, tout cela se fera au prix de contraintes sur l’environnement et le paysage.
[164] Coupe d’arbres, modification des voies de circulation, création de quais, bref, tout ce qu’invoquent les demandeurs est, probablement du moins en partie, vrai. La preuve révèle aussi que la Ville fera d’importants efforts pour amoindrir les effets temporaires du chantier de construction de ces infrastructures et les conséquences permanentes des contraintes de ce nouveau mode de transport comme en font foi les documents déposés par la Ville auprès du ministère de l’Environnement.
[165] Au terme des échanges d’informations et d’engagements de la Ville de Québec avec ce ministère, le gouvernement a donné une autorisation au sens de l’article
[166] Se fondant sur ces faits, quelles sont les positions des parties en regard de la constitutionnalité de l’article
[167] Les demandeurs invoquent la disposition-phare de la Loi sur la qualité de l’environnement :
19.1 Toute personne a droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l’un ou l’autre des articles de la présente loi […].
[168] En cas de contravention, suivant l’article 19.2, la Cour supérieure a juridiction pour accorder une injonction[81].
[169] Les demandeurs prétendent toutefois que ce pouvoir est illégalement limité par l’article 19.7, allant à l’encontre des pouvoirs généraux reconnus à la Cour supérieure :
19.7 Les articles 19.2 à 19.6 ne s’appliquent pas dans le cas où un projet, un plan de réhabilitation d’un terrain ou un programme d’assainissement a été autorisé ou approuvé en vertu de la présente loi, ni dans le cas où une attestation d’assainissement a été délivrée en vertu de la présente loi, sauf dans le cas d’un acte non conforme aux dispositions d’une autorisation, d’un plan de réhabilitation, d’un programme d’assainissement, d’une attestation d’assainissement ou de tout règlement applicable.
[170] Les demandeurs ont tort. Ces dispositions de la loi n’enlèvent rien au pouvoir général de la Cour supérieure d’exercer son pouvoir de contrôle et de surveillance sur toutes les activités qui se tiennent au Québec ou d’émettre des injonctions[82]. Cette loi crée des contraintes afin de protéger l’environnement : elle oblige tout citoyen à demander des autorisations en regard de travaux qui, définis par la législation et la réglementation, pourraient affecter l’environnement. En fait, cette loi déclare que la Cour supérieure est le Tribunal chargé de son respect: elle ne lui en enlève aucun pouvoir.
[171] Pour nous convaincre que cette loi est contraignante pour tout promoteur de projet qui pourrait affecter l’environnement et qu’elle attribue des pouvoirs à la Cour supérieure d’en assurer le respect, imaginons un instant que la LQE n’existe pas. Ce serait dire alors que la Ville pourrait réaliser le projet de tramway sans être contrainte par une loi d’assurer le respect de la qualité de vie des citoyens et de la nature environnante. Quelle serait alors le pouvoir de la Cour supérieure sinon que de faire respecter le droit au voisinage au sens de l’article
[172] Bref, la LQE pose les balises d’un développement environnemental harmonieux et la Cour supérieure est chargée du respect de celles-ci.
[173] Dès lors que le décret autorisant les travaux préparatoires du tramway est légalement émis, les demandeurs ne peuvent se prévaloir de l’article
[174] Les demandeurs contestent les dispositions suivantes qui auraient pour effet d’interdire ou, du moins, de ne pas obliger la tenue d’un référendum consultatif préalable à la décision d’autoriser le projet de tramway à Québec, savoir :
[175] Examinons la constitutionnalité de ces dispositions.
[176] L’article 4 de la Loi sur l’autonomie des municipalités introduit de nouveaux articles à la LAU qui, d’après les demandeurs, seraient inopérants. Les nouveaux articles introduits à la LAU auraient permis au gouvernement d’adopter le Règlement sur la participation publique en matière d’aménagement et d’urbanisme. Si la modification de la LAU est légale, son règlement d’application et le règlement adopté par la Ville dans la foulée de ces changements législatifs risqueraient fort d’être eux aussi légaux; c’est pourquoi il convient d’en disposer les uns à la suite des autres.
[177] L’un des arguments de la Ville et qui permettrait au Tribunal de disposer de cette question se résume ainsi résume : la Ville ne se prévaut pas de ces articles, à quoi bon faire un débat sur cette question? :
La Ville de Québec a décidé de ne pas se prévaloir du régime d’exclusion prévue aux articles
[178] En principe, la Ville a raison. Il n’est pas nécessaire de se prononcer sur cette question car théorique[86]. Toutefois, puisque cette affaire pourrait être portée en appel, la Cour d’appel pourrait être intéressée de connaître la réponse de la Cour.
[179] Loi sur l’autonomie des municipalités. L’article 4 de la Loi sur l’autonomie des municipalités introduit les nouveaux articles
80.1. Toute municipalité locale peut adopter une politique de participation publique qui contient des mesures complémentaires à celles qui sont prévues dans la présente loi et qui vise à favoriser la diffusion de l’information, la consultation et la participation active des citoyens au processus décisionnel en matière d’aménagement et d’urbanisme.
80.2. Lorsque la politique de participation publique de la municipalité respecte les exigences du règlement pris en vertu de l’article 80.3, aucun acte adopté par le conseil de celle-ci en vertu de la présente loi n’est susceptible d’approbation référendaire.
80.3. Le ministre fixe, par règlement, toute exigence relative à la participation publique dans le cadre de l’application de la présente loi et au contenu d’une politique de participation publique.
Le règlement vise notamment les objectifs suivants :
1° la transparence du processus décisionnel;
2° la consultation des citoyens en amont de la prise de décision; (…)
[180] D’après les demandeurs, ces articles visant à remplacer les référendums obligatoires dans les municipalités par une politique de consultation iraient à l’encontre du droit des citoyens de participer à la vie municipale. Cela serait contraire à la liberté d’expression liée aux valeurs démocratiques des citoyens prévues aux articles
[181] Par voie de conséquence, si ces mesures législatives étaient déclarées inopérantes, devraient donc être déclarés inopérants le Règlement sur la participation publique en matière d’aménagement et d’urbanisme et le règlement R.V.Q. 2705 édictant la Politique de participation publique de la Ville de Québec.
[182] Cela dit, prenons une à une les dispositions des Chartes que les demandeurs considèrent violées par le fait qu’un référendum n’est pas tenu sur le projet de tramway.
[183] D’abord, l’article
[184] Les dispositions fondamentales traitant des valeurs démocratiques dans la Charte québécoise se lisent ainsi :
Article 9.1 Les droits et libertés de la personne s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la laïcité de l’État, de l’importance accordée à la protection du français, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.
La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice.
Article 22 Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d’une élection et a droit d’y voter.
[185] La Charte canadienne a un équivalent dont il convient de discuter simultanément :
Article 3 Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
[186] Avec le temps, les tribunaux ont jugé que ce dernier article ne garantit pas le droit de voter à un référendum[87]. Il a pour seul objet d’accorder à tous les citoyens le droit de jouer un rôle important dans l’élection des députés chargés de rédiger des lois. Bien plus, il ressort de la jurisprudence que l’article
[187] Est aussi invoqué l’article
Article 44. Toute personne a droit à l’information, dans la mesure prévue par la loi.
[188] Aucun fait ne permet d’associer l’adoption des articles 80.1 à 80.3 de cette loi avec une quelconque contravention à cet article de cette Charte.
[189] Les demandeurs associent faussement le droit à l’expression au droit de voter par référendum. Dans les faits, les demandeurs ont exprimé sans contrainte toute leurs réticences face au projet de tramway. Se servir de la liberté d’expression comme levier pour obtenir un référendum, ni la loi ni les Chartes ne le prévoient. Face à un regroupement forcé de municipalité, des citoyens avaient demandé au Tribunal d’imposer un référendum et il fut refusé en ces termes :
67 Dans la présente affaire, l'Assemblée nationale a décidé par la Loi 88 qu'il y aurait fusion de quatre municipalités et a prescrit que cette fusion se ferait par décret après que certaines formalités aient été respectées. Les formalités prévues ne comprennent pas de consultation par voie de référendum.[89]
[190] En conclusion, les articles 80.1 à 80.3 de la Loi sur l’autonomie des municipalités ne violent pas les droits démocratiques en regard de la Charte québécoise ou de la Charte canadienne. Le droit au référendum n’est pas protégé par les dispositions de ces Chartes. Le législateur pouvait modifier, comme il l’entendait, la tenue de référendums obligatoires.
[191] Par voie de conséquence, le Règlement sur la participation publique en matière d’aménagement dont la validité est remise en doute pour les mêmes motifs est valide.
[192] Adopté le 15 juin 2017, l’article 74.5.2 de la Charte de la Ville permet à celle-ci de ne pas être assujettie à l’approbation référendaire lorsque la politique de participation citoyenne adoptée par le conseil de la ville respecte les exigences du règlement adopté en vertu de l’article
74.5.2. Le conseil de la ville adopte, pour l’ensemble de son territoire, la politique de participation publique prévue à l’article
Lorsque la politique de participation publique de la ville respecte les exigences du règlement pris en vertu de l’article 80.3 de cette loi, ne sont pas assujettis à l’approbation référendaire prévue par cette loi les actes de la ville qui autrement y seraient soumis, qu’ils soient adoptés en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ou de la présente charte.
[193] Cet article devrait, d’après les demandeurs, être déclaré inopérant car contraire à la liberté d’expression liée aux valeurs démocratiques des citoyens qui ont le droit, en amont, d’être consultés par la voie d’un référendum.
[194] Pour les mêmes motifs que ceux invoqués en regard des articles
Évidemment, demeure exemptée du processus d’approbation référendaire les actes qui le sont en vertu d’autres dispositions législatives, comme les articles 74.4, 74.5 et 74.5.1 de la Charte de la Ville.[90]
[195] Pour les motifs énoncés au sous-chapitre précédent (savoir que la Ville prétend ne pas s’être prévalue de cet article dans le dossier du tramway), le caractère théorique de la demande est le même et le Tribunal pourrait se contenter de rejeter ces arguments sur cette base. Et puisque les mêmes articles des Chartes sont invoqués pour requérir un référendum, les mêmes motifs de rejet s’appliquent.
[196] Sans égard au fait que ce débat est effectivement théorique et qu’il ne serait pas approprié que le Tribunal y réponde en détails, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut, cette demande de déclarer inopérant l’article 74.5.2 serait rejetée pour les motifs suivants :
[197] Parmi les conclusions les plus importantes recherchées par les demandeurs se trouve celle qui consiste à demander au Tribunal d’ordonner à la Ville « de cesser ou de faire cesser immédiatement tous travaux et interventions sur son territoire, reliés à la mise en chantier et à la construction du projet de tramway », et ce jusqu’à ce qu’un référendum décisif ou consultatif ou que soit tenu un référendum à la suite d’une étude comparative des divers moyens de transport collectif.
[198] Cette conclusion soulève les questions portant sur le pouvoir de la Ville de se doter d’un tramway et sur la pouvoir de ce Tribunal d’ordonner la tenue d’un référendum. Ces deux questions sont traitées tour à tour dans ce chapitre.
[199] En fait, les demandeurs ne contestent pas le pouvoir de la Ville de se doter d’un tramway; ils souhaitent davantage rattacher l’exercice de ce pouvoir à la tenue d’un référendum.
[200] Avant d’analyser la condition que les demandeurs voudraient imposer à la Ville, il convient d’examiner le cadre législatif et réglementaire qui supporte le projet du tramway.
[201] D’abord, l’entente signée par les autorités de la Ville et du gouvernement le 16 mars 2018, et entérinée par les instances appropriées, n’a pas été contestée par les demandeurs. Le projet de tramway est au cœur de cette entente. Convenons que demander un référendum sur le choix du mode de transport quatre ans après cette signature est inusité, mais il faut examiner en détails le pouvoir de la Ville.
[202] L’article 1 LRSVQ est on ne peut plus précis : il permet la réalisation du projet de transport collectif de la ville, lequel inclut un tramway. L’article 2 confie à la Ville la compétence pour réaliser le réseau de transport collectif, y compris d’acquérir tout bien requis pour la construction et l’exploitation de ce réseau et de percer un tunnel sous tout immeuble. Mis à part des portions de son article 7, cette loi adoptée le 14 juin 2019 n’est pas aujourd’hui contestée par les demandeurs.
[203] Ensuite, le Règlement de l'agglomération sur la phase de planification, de conception et de préparation des plans et devis ainsi que d'autres travaux et démarches préparatoires à la réalisation du réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec et sur l'emprunt nécessaire au paiement des coûts qui y sont rattachés, R.A.V.Q. 1291[91] adopté le 18 septembre 2019 et engageant une dépense de 215 000 000 $ pour la préparation des plans et devis et les démarches préparatoires n’est pas contesté par les demandeurs.
[204] Le Règlement de l’agglomération sur la réalisation du réseau structurant de transport en commun de la ville de Québec et sur l’emprunt nécessaire au paiement des coûts qui y sont rattachés R.A.V.Q. 1342[92] adopté le 8 juillet 2020 autorise tous les travaux nécessaires à la réalisation du réseau structurant de transport de même que l’octroi des contrats de services professionnels, l’embauche et le louage de personnel, l’acquisition de gré à gré ou par voie d’expropriation de tout droit de propriété et l’acquittement de toute dépense, pour lesquels une dépense de 3 084 700 000 $ est autorisée. Ce règlement n’est pas davantage contesté par les demandeurs.
[205] Ce sont pourtant d’autres règlements municipaux cruciaux.
[206] Nulle part dans la loi une obligation est faite à la Ville de consulter la population par référendum. Nulle part dans ces derniers règlements la Ville ne s’astreint-elle à la tenue d’un référendum.
[207] Dans la Charte de la Ville, l’article 128 exempte la Ville de se soumettre à un référendum pour la réalisation de travaux financés par emprunt quand ils sont sujets à la charge de l’ensemble des contribuables.
[208] Alors quelle disposition permettrait au Tribunal d’ordonner la tenue d’un référendum? Les demandeurs ne peuvent en identifier une seule.
[209] Dans ce contexte, sans égard aux contestations constitutionnelles de certaines dispositions dont il est question plus loin, le Tribunal devrait appliquer un enseignement de la Cour suprême dans l’arrêt Baier c. Alberta[93] et placer les demandeurs dans un cul-de-sac juridique :
[24] (…) Appliquant l’arrêt Haig, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas eu violation de l’al. 2b). Comme tout autre référendum, un référendum municipal est une mesure créée par une loi et tout droit de voter à ce référendum doit être prévu par la loi en question.
[210] Les démarches de la Ville pour se doter d’un tramway sont prévues à la loi et la Ville a respecté les étapes requises. Et ces démarches ne prévoient pas la tenue d’un référendum.
[211] Ne contestant pas en soi le droit de la Ville de pouvoir mettre en place un tramway, les demandeurs prétendent que leur droit fondamental d’expression démocratique lors des élections tenues en 2017, 2018 et 2021 a été bafoué en ce que les engagements électoraux des élus n’ont pas été respectés :
[212] Le droit de voter par référendum est soutenu par les demandeurs sous l’angle de dispositions contenues dans les Chartes ou dans les principes constitutionnels non-écrits. D’après les demandeurs, ils bénéficient de la liberté d’expression et ont le droit de manifester leur choix lors des élections. Mais lorsque les candidats ne font pas ce qu’ils promettent, la sanction devrait être la tenue d’un référendum pour valider ou invalider un projet.
[213] Pour soutenir cette audacieuse position, les demandeurs n’ont pas été en mesure de soumettre à ce sujet un quelconque précédent jurisprudentiel à travers le Canada. Cela n’empêche pas les demandeurs de soumettre cette question dans le présent dossier qu’il convient de traiter ainsi :
[214] Débutons par le droit au référendum municipal que proposeraient les Chartes.
[215] La liberté d’expression. Le droit à l’expression est ainsi défini dans la Charte canadienne[94] :
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
[…]
b. liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.
[216] La liberté d’expression est le socle d’une société libre et démocratique. Elle permet à chaque citoyen de faire valoir son point de vue à tout moment. Cette protection veut « encourager la recherche de la vérité au moyen d’un échange ouvert d’idées et favoriser l’épanouissement personnel des individus »[95] :
12 Le droit des citoyens de discuter de certaines idées et d’en débattre représente le fondement même de la démocratie; voir Reference re Alberta Statutes, [1938] R.C.S. 100, p. 145-146. Pour cette raison, la Cour suprême du Canada a constamment protégé le droit de chaque citoyen de participer au débat politique. Comme l’a dit le juge en chef Dickson dans R. c. Keegstra,
[217] Incidemment, la preuve démontre que les demandeurs ont utilisé de nombreux moyens d’expression, allant de la participation à des manifestations, à de l’affichage, à l’usage de sites Internet, y compris la publication d’une centaine de capsules vidéo, la participation aux consultations du BAPE, ainsi que des pétitions transmises aux élus provinciaux ou municipaux. Leur droit à l’expression n’a pas été brimé. Bien au contraire.
[218] Les droits démocratiques. En parallèle et parfois de façon complémentaire, existe également la reconnaissance des droits démocratiques des Canadiens. La Charte canadienne[97] prescrit que les Canadiens ont le droit de se porter candidat et le droit de voter lors des élections :
3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
[219] Cet article protège le droit de jouer un rôle dans le processus électoral[98]. Comme l’a reconnu la Cour suprême dans le Renvoi : Circ. électorales provinciales (Sask.)[99], les droits démocratiques ont trait à la démocratie représentative :
Je conclus que l'objet du droit de vote garanti à l'art. 3 de la Charte n'est pas l'égalité du pouvoir électoral en soi mais le droit à une "représentation effective". Notre démocratie est une démocratie représentative. Chaque citoyen a le droit d'être représenté au sein du gouvernement. La représentation suppose la possibilité pour les électeurs d'avoir voix aux délibérations du gouvernement aussi bien que leur droit d'attirer l'attention de leur député sur leurs griefs et leurs préoccupations; comme il est dit dans l'arrêt Dixon v. B.C. (A.G.), [1989] 4 W.W.R. 393, à la p. 413, les représentants élus exercent deux rôles - un rôle législatif et celui que l'on qualifie de "ombudsman."
[220] Ces droits démocratiques de se présenter comme candidat et de voter aux élections ne visent que les élections législatives fédérale et provinciales[100].
[221] Dans l’affaire Siemens c. Manitoba (Procureur général)[101], la Cour suprême reprenant ses enseignements de l’arrêt Haig, rappelle qu’il « n’existe aucun droit constitutionnel de voter à un référendum ».
[222] D’autres arrêts des tribunaux canadiens ont statué que cette disposition ne vise pas les référendums[102] ni les élections municipales[103] et qu’au surplus, même face à une législation fédérale ou provinciale, il n’existe pas de droit formel de voter lors d’un référendum.
[223] Le rôle des Chartes n’est pas de créer de nouveaux droits. Non seulement les Chartes ne sont-elles d’aucun secours pour générer un droit démocratique à la tenue d’un référendum, mais elles n’ont pas été adoptées pour créer de nouveaux droits ; elles ont une mission de défense des droits fondamentaux et non de création de nouvelles fonctions pour en assurer leur promotion. Elles réparent plutôt que construisent.
[224] Dans la Charte canadienne, l’article 1 rappelle le but de son adoption :
1 La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
(notre soulignement)
[225] Dans le préambule de la Charte québécoise, cette notion y apparaît également:
CONSIDÉRANT qu’il y a lieu d’affirmer solennellement dans une Charte les libertés et droits fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la volonté collective et mieux protégés contre toute violation ;
(notre soulignement)
[226] Deuxièmement, sous l’angle du législateur, celui-ci accorde des droits à des citoyens, il peut aussi les modifier; il n’appartient pas à un tribunal de créer des droits. Dans l’arrêt Chapman c. Procureure générale du Québec[104], la Cour d’appel réitère le principe bien connu de la souveraineté parlementaire à l’effet qu’une assemblée législative peut adopter ou abroger une loi à son gré dans les limites des pouvoirs que lui confère la constitution :
[38] La Cour suprême rappelle, encore très récemment dans le Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières que, si ce n’est des limites constitutionnelles, « le pouvoir de la législature de faire des lois ne connaît aucune limite ou contrainte juridique » et que « [d]ans sa forme traditionnelle, la souveraineté parlementaire signifie que la législature jouit du pouvoir exclusif d’adopter, de modifier et d’abroger des lois comme elle l’entend et aucun sujet n’échappe à son pouvoir de légiférer ». Ainsi, l’opportunité d’une loi échappe en principe au contrôle judiciaire. La Cour suprême enseigne aussi que « les tribunaux ne doivent pas s’interroger sur la sagesse d’une loi : ils doivent uniquement se prononcer sur sa légalité ».
(références omises)
[227] Le droit de voter sur des projets municipaux ne peut reposer que sur un texte de loi clair, mais ne peut être créé par la simple magie des Chartes.
[228] Ainsi donc, si les droits démocratiques protégés par les Chartes sont limités aux élections et non aux référendums pour les législatures fédérale et provinciales, le Tribunal ne saurait trouver appui dans les Chartes eu égard au remède recherché par les demandeurs, savoir l’imposition d’un référendum auprès des citoyens de la Ville de Québec.
[229] Le Tribunal ne peut donc pas imposer la tenue d’un référendum municipal à partir des textes des Chartes : ce sont des textes qui protègent les citoyens face à l’adoption de textes législatifs qui vont à l’encontre de leurs droits fondamentaux, mais qui n’autorisent pas les tribunaux à se substituer aux élus.
[230] Les demandeurs invoquent le principe non-écrit de la démocratie pour que soient interprétés les textes constitutionnels et les lois et, ce faisant, se crée un droit de consultation de la population sur des projets de la nature du tramway.
[231] Les principes constitutionnels non-écrits ont notamment été reconnus dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec[105].
[232] Plus récemment dans l’affaire Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général)[106] la Cour suprême rappelle le rôle joué par ces principes :
[55] Premièrement, ils peuvent être utilisés pour interpréter les dispositions constitutionnelles. En effet, il s’agit du « plein effet juridique » que notre Cour a décrit dans le Renvoi relatif à la sécession (par. 54). Sous cet angle, les principes constitutionnels non écrits de l’indépendance de la magistrature et de la primauté du droit ont servi à interpréter les art.
[56] Deuxièmement, et de façon connexe, on peut recourir aux principes non écrits pour élaborer des doctrines structurelles non énoncées dans la Constitution écrite proprement dite, mais nécessaires pour sa cohérence, et qui découlent implicitement de son architecture. Ainsi, les doctrines structurelles peuvent combler des lacunes et répondre à des questions importantes sur lesquelles le texte de la Constitution est muet, comme le font la doctrine de la reconnaissance totale (Morguard Investments Ltd. c. De Savoye,
(notre soulignement)
[233] Ces principes non-écrits, étant limités à titre d’outil d’interprétation des dispositions constitutionnelles ou d’outil pour colmater des espaces dans la Constitution afin d’en assurer sa cohérence, n’autorisent pas les tribunaux à se substituer au législateur qui a pleine discrétion pour encadrer la démocratie municipale.
[234] Les principes non-écrits ne peuvent davantage servir d’appui à des élections ou des référendums municipaux puisque les institutions municipales n’ont pas « de statut constitutionnel » comme le rappelle la Cour suprême :
[84] (…) Il ressort clairement du texte de notre Constitution que les institutions municipales n’ont pas de statut constitutionnel, ce qui ne laisse aucune question d’interprétation constitutionnelle à trancher et, partant, aucun rôle à jouer pour les principes non écrits.[107]
[235] Avec respect, le Tribunal est d’avis que le remède recherché par les demandeurs ne peut prendre appui sur les principes non-écrits contenus dans la Loi constitutionnelle de 1867.
[236] Voyons la question sous l’angle des « promesses électorales » non respectées, une fois le candidat élu. Le référendum serait, d’après les demandeurs, une sanction ou solution à un déficit démocratique.
[237] Cette question est nouvelle.
[238] Convenons que les demandeurs voudraient que le Tribunal sanctionne les élus comme si on traitait d’une question de droit civil, à l’instar du consentement libre et éclairé à un contrat vicié par de fausses représentations.
[239] Si tant est qu’il s’agissait d’une question de droit civil, le Tribunal fait remarquer qu’il existe une règle au Code de procédure civile qui interdit de prendre une mesure qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci n’ait été entendue :
17. Le tribunal ne peut se prononcer sur une demande ou, s’il agit d’office, prendre une mesure qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci ait été entendue ou dûment appelée.
[240] Bien que les parties aient accepté de procéder par le dépôt de multiples documents, notamment des articles de journaux, cela ne veut pas dire que le Tribunal puisse condamner leurs gestes sans les entendre.
[241] Un candidat n’engage pas la Ville. En fait, face à cette approche des demandeurs, le Tribunal donne raison aux arguments des avocats de la Ville et du PGQ qui l’invitent à la plus grande prudence. Entre le candidat et l’élu, il y a tout un monde.
[242] Une fois élus, les candidats municipaux s’expriment collectivement à travers des résolutions et des règlements municipaux, les élus à l’Assemblée nationale à travers des lois et règlements. La délibération collective constitue l’aulne de la démocratie. Le candidat élu, avec les meilleures intentions du monde, ne pourrait à lui seul décider du sort d’un dossier, tel le tramway.
[243] Pour nous en convaincre, la jurisprudence a déjà décidé que le comportement fautif d’un élu n’invalide pas la décision d’une municipalité à laquelle il a participé[108]. Comment un candidat, s’il est élu ultérieurement, pourrait-il le faire?
[244] La lecture des faits diffère. Les demandeurs désirent que le Tribunal se prononce sur des promesses électorales faites par des personnes qui n’ont pas été appelées à titre de partie au présent dossier. Par exemple, d’après le témoignage de Monsieur Charette, le candidat à la mairie, Monsieur Régis Labeaume, était sans nuances et déclarait ne pas vouloir d’un tramway pendant la campagne électorale de 2017. Or, à la lecture de l’interrogatoire écrit de Monsieur André Legault[109], la réponse mérite des nuances. Les demandeurs ont invité le Tribunal à prendre connaissance de la volumineuse preuve documentaire (incluant aussi des vidéos) pour soutenir leurs dires. Or, à l’écoute de cette preuve, des nuances ont été faites et cela doit être tenu compte; le Tribunal a pu entendre Monsieur Labeaume exprimer son point de vue nuancé sur la question[110]. Autre exemple, un chapitre de la procédure des demandeurs est intitulé : « La conduite fautive du maire actuel Bruno Marchand ». Les demandeurs ne le poursuivent pas, mais ils voudraient que le Tribunal le condamne indirectement, ce qu’il ne fera à l’évidence pas.
[245] Au passage, les demandeurs voudraient que le Tribunal sanctionne les élus de la Ville en ordonnant la tenue d’un référendum. Dans le présent dossier, lors de l’audience, le Tribunal a fait remarquer aux demandeurs qu’à l’automne 2021, les citoyens de Québec ont appuyé de façon générale des candidats à la mairie favorables au projet de tramway dans une proportion de plus de 73%.
[246] L’élu et le bien commun. Le travail d’un élu est plus complexe qu’il n’y paraît. Sans égard à ce qui précède, la fonction politique de l’élu est d’abord de veiller au bien commun. Il peut arriver qu’après avoir été nouvellement élu, ou même réélu, une personne apprenne des fonctionnaires ou d’experts, des choses qu’elle ne connaissait pas pendant la campagne électorale. Si ce qu’elle apprend justifie de modifier sa position, doit-elle obstinément poursuivre alors avec l’orientation qui l’animait avant l’élection ou bien doit-elle se rendre à l’évidence avec un raisonnement avisé? Il n’appartient pas au Tribunal de répondre à cette question.
[247] Le difficile travail d’un élu. La fonction politique est aussi celle de prises de positions en tenant compte d’un ensemble évolutif de facteurs sociaux, économiques, environnementaux et même politiques tenant compte des autres paliers de gouvernement.
[248] La sanction par le peuple. Finalement, la fonction politique est à durée fixe. Au terme d’un mandat de 4 ans, l’élu municipal peut en plus être sanctionné pour ses décisions prises précédemment.
[249] Le rôle des tribunaux et les candidats élus. Prenons du recul quant aux fonctions démocratiques et judiciaires. Nous vivons heureusement dans une « société libre et démocratique »[111]. La démocratie vient en amont des règles de droit; c’est la démocratie qui choisit les personnes, lesquelles, réunies en assemblée délibérante, exerceront leurs pouvoirs. Elles établiront la règle de droit. Entrent alors en jeu les tribunaux. À moins que la règle de droit n’ait été édictée en dehors du cadre constitutif de l’assemblée délibérante, les tribunaux interpréteront cette règle de droit en regard des personnes qui se retrouveront en face d’eux. Exception faite de dispositions relevant des lois électorales, les tribunaux interviennent en aval de la démocratie. Le présent dossier lui demande d’intervenir en amont.
[250] Il n’existe pas de loi qui donne aux tribunaux le pouvoir de sanctionner les manquements de l’exercice démocratique. En clair, ce que demandent les demandeurs serait néfaste pour la démocratie.
[251] Les tribunaux seraient mal avisés de créer des règles qui les placeraient entre l’électeur et l’assemblée délibérante.
[252] Bref, le Tribunal rejette la demande de référendum pour les motifs suivants :
[253] Les demandeurs soutiennent que le deuxième paragraphe du deuxième alinéa de l’article 7 et son dernier paragraphe de la LRSVQ contreviennent à l’article
7. Sous réserve des articles 571 et 572 de la Loi sur les cités et villes (chapitre C-19), la Ville de Québec peut, dans le cadre de la réalisation du Réseau, exproprier tout bien nécessaire pour la construction et l’exploitation de ce réseau.
En cas d’expropriation permise par le premier alinéa :
1° l’avis d’expropriation doit, en plus des mentions prévues à l’article 40 de la Loi sur l’expropriation (chapitre E-24), indiquer la date à laquelle l’exproprié, le locataire ou l’occupant de bonne foi devra avoir quitté les lieux;
2° le droit de l’expropriant à l’expropriation ne peut être contesté et le délai de 30 jours prévu à l’article 46 de cette loi est remplacé par un délai de 90 jours qui débute à compter de la signification de l’avis d’expropriation;
(…)
En conséquence, ne s’appliquent pas à une telle expropriation la partie du paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 40 qui suit « Tribunal », les articles 44 à 44.3, la première phrase de l’article 53.2, l’article 53.3, le paragraphe 2° de l’article
(notre soulignement)
[254] Dans leur avis transmis au PGQ, les demandeurs écrivent :
L’article 7 (2e) et 7 in fine doivent être déclarés inconstitutionnels parce que contraire :
[255] Cette question a déjà été posée en regard de la Loi concernant le réseau électrique métropolitain[112] qui prévoit à son article 8 un mécanisme similaire.
[256] Dans une décision de notre Cour de 2018[113], cet argument avait été rejeté en ces termes par monsieur le juge Michel Yergeau :
4.10. Conclusion sur le pourvoi en contrôle judiciaire
[112] Réduite à sa plus simple expression, la proposition de Canada inc. est que a) l’article 8 LCREM soustrait la décision d’exproprier le lot 158 au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et que ce faisant b) il transforme le ministre des Transports en Cour supérieure au sens de l’article 96 de la Constitution.
[113] En appliquant les critères de rejet et d’irrecevabilité précédemment exposés, cette proposition, dérivée d’une lecture orientée de la loi, se révèle sans fondement et n’a aucune chance de succès. Le texte de l’article 8 ne crée pas, en conjonction avec l’article 5 LCREM, une clause privative absolue ayant la portée de celle faisant l’objet de l’arrêt Crevier de la Cour suprême. La législature peut modifier en tout temps la Loi sur l’expropriation et rendre certaines de ses dispositions inapplicables dans certaines circonstances. Retirer à l’exproprié le moyen statutaire de contester le droit de l’expropriant à l’expropriation en vertu de l’article 44 LE ne peut pas en droit être confondu avec l’abolition du droit de se pourvoir en contrôle judiciaire.
[257] À la lumière du Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35[114] (Renvoi) rendu par la Cour suprême le 30 juin 2021, les demandeurs prétendent que le jugement rendu par la Cour supérieure trois ans plus tôt n’aurait pas été le même. Les demandeurs sont d’avis que la Cour supérieure possède deux compétences distinctes: une juridiction matérielle et le pouvoir de contrôle et surveillance. D’après eux, Monsieur le juge Yergeau ne s’est pas prononcé sur le fait qu’une pareille disposition irait à l’encontre de la juridiction matérielle de la Cour.
[258] En réponse à cet argument, le PGQ est d’avis que « [l]’objectif de cette disposition est notamment d’éviter la suspension des procédures d’expropriation prévues à l’article
[259] Voyons ce qu’il en est.
[260] D’abord, recadrons le rôle joué par la Loi sur l’expropriation[116]. Il s’agit d’abord et avant tout d’une loi procédurale[117] qui encadre les expropriations « permises par les lois du Québec »[118]. Les demandeurs ne remettent pas en cause les dispositions de cette loi qui prévoit que le Tribunal administratif du Québec a juridiction pour encadrer le différend relatif à l’indemnisation découlant du pouvoir des autorités publiques d’exproprier.
[261] Interviennent alors les articles 44 et suivants qui prévoient qu’un exproprié peut contester le droit de l’expropriant à l’expropriation au moyen d’une demande adressée à la Cour supérieure. Cette contestation suspend en principe les procédures d’expropriation[119]. Ce sont ces articles qui, par le truchement de l’article 7 LRSVQ, ne bénéficient plus aux expropriés. Les demandeurs concluent que leur droit de pouvoir s’adresser à la Cour supérieure est inconstitutionnellement affecté.
[262] Le Tribunal partage la lecture que fait Monsieur le juge Yergeau qui réaffirme que le pouvoir de contrôle judiciaire n’est aucunement affecté par une semblable disposition :
[89] Cela dit, rien n’autorise le Tribunal à voir dans le retrait du moyen statutaire énoncé à l’article 44 LE à des fins spécifiques une clause privative absolue dépouillant l’exproprié de son droit de se pourvoir malgré tout en contrôle judiciaire de la décision du ministre des Transports en vertu du pouvoir général prévu à l’article
[90] Le moyen procédural prévu à l’article 44 ne peut pas être tenu pour un avatar du pouvoir de contrôle judiciaire : supprimer le recours à celui-là n’abroge pas celui-ci. Il s’agit de deux moyens distincts par nature, un statutaire, direct et spécifique, l’autre général, inhérent aux pouvoirs de la Cour supérieure et de surcroît, constitutionnalisé. Entre deux interprétations possibles, il faut choisir celle qui évite l’invalidité :
[…] il faut interpréter les textes comme si la législature du Québec ne légifère pas contrairement à la constitution.
[91] Par contre, on ne doit pas dénaturer une loi d’une législature sous prétexte que la bonne interprétation du texte de loi conduirait à la conclusion qu’elle a été adoptée d’une façon inconstitutionnelle. Ce qui n’est pas le cas ici.
(référence omise)
[263] En clair, grâce au pouvoir de surveillance inaltéré de la Cour supérieure, les citoyens, dont les demandeurs, conservent leur droit de faire réviser toute décision d’expropriation entreprise par la Ville.
[264] Et si tant est que la LRSVQ retire la suspension automatique des procédures d’expropriation, rappelons que la Cour supérieure peut, en tout temps, émettre une ordonnance de sauvegarde qui aurait le même effet, exception faite qu’au lieu d’une suspension automatique, ce serait une suspension ordonnée par la Cour supérieure à la demande de l’exproprié.
[265] Existe-t-il, malgré la reconnaissance que le pouvoir de la Cour supérieure de contrôle et surveillance ne soit pas affecté par l’article 7 LRSVQ, un « autre » pouvoir constitutionnalisé de la Cour supérieure qui serait réduit par ce même article?
[266] Dans le Renvoi, la Cour suprême rappelle le rôle joué historiquement par les Cours supérieures, savoir celui de tribunal de juridiction générale, c’est-à-dire leur capacité de connaître des affaires que la loi n’attribue pas exclusivement à d’autres tribunaux :
[86] C’est pourquoi une compétence générale en droit privé doit s’accompagner d’une juridiction matérielle suffisamment étendue pour préserver le rôle des cours supérieures de développer la jurisprudence en matière de droit privé (N. Lyon, « Is Amendment of Section 96 Really Necessary? »
(notre soulignement)
[267] Cela dit, le Renvoi ne modifie pas fondamentalement le processus d’analyse pour décider si une loi restreint ou pas les pouvoirs de la Cour supérieure. Le Renvoi utilise d’abord le test en trois volets tels que défini dans le Renvoi sur la Loi de 1979 sur la location résidentielle[120].
[268] Le volet du test portant sur les compétences historiques consiste à se demander si la juridiction transférée affaiblit le rôle de la Cour supérieure d’une façon telle qu’elle ne puisse accomplir le rôle qui lui avait été dévolu en 1867[121]. À cet égard, il est nécessaire que la Cour dispose d’une preuve historique portant sur ces compétences. Or, le fardeau de la preuve incombe aux demandeurs et le Tribunal ne bénéficie d’aucune preuve à cet égard.
[269] Bien plus, il faut également que la loi dont on attaque la constitutionnalité contienne un transfert de juridiction. Or, aucun transfert de juridiction n’est allégué : le seul effet réel de l’article 7 LRSVQ est de faire porter sur les épaules de l’exproprié, lorsqu’il conteste le pouvoir de l’expropriant, la responsabilité de demander le sursis du processus d’expropriation.
[270] Par la suite, la Cour suprême nous invite à évaluer l’étendue de la compétence attribuée à un tribunal autre que la Cour supérieure. Certains facteurs d’analyse développés par la Cour suprême[122] sommairement analysés amènent le Tribunal à conclure ainsi :
[271] Le Tribunal est d’avis que le Renvoi n’a pas modifié l’état substantiel du pouvoir de surveillance ni de toute autre compétence matérielle de la Cour supérieure et la décision rendue dans l’affaire 8811571 Canada inc. c. Procureure générale du Québec s’applique : l’article 7 (2e) et 7 in fine ne sont pas inconstitutionnels en regard de l’article
[272] Les demandeurs allèguent que l’article 7 LRSVQ est inconstitutionnel car il entre en conflit avec les dispositions suivantes :
Charte québécoise des droits et libertés de la personne
1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.
Il possède également la personnalité juridique.
6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
7. La demeure est inviolable.
8. Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite.
9.1. Les droits et libertés de la personne s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la laïcité de l’État, de l’importance accordée à la protection du français, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.
La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice.
52. Aucune disposition d’une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n’énonce expressément que cette disposition s’applique malgré la Charte.
Charte canadienne des droits et libertés
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
8 Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.
[273] À n’en pas douter, la Charte canadienne et la Charte québécoise permettent d’invalider des lois qui vont à l’encontre des droits reconnus, mais dans la mesure elle-même parfois restreinte par les dispositions de ces Chartes.
[274] Le fardeau de démontrer les motifs de l’invalidation repose sur les épaules de la personne qui s’en croit victime. L’invalidation d’une loi doit se faire en regard de faits précis qui démontrent la coexistence impossible entre la disposition législative contestée et l’une ou l’autre disposition d’une des deux Chartes.
[275] Comme nous le rappelle la Cour suprême dans l’affaire R. c. Conway[123], le fardeau de la preuve repose sur la victime en regard de faits concrets :
[…] Toutefois, comme c'est le cas pour d'autres droits énoncés dans la Charte, quiconque prétend avoir été victime d'une violation de ses droits a le fardeau de persuader la cour que les circonstances relèvent du champ de protection envisagé par la disposition pertinente de la Charte. […]
[276] Plus récemment, la Cour suprême rappelait cette règle dans l’affaire Chaoulli c. Québec (Procureur général)[124] :
35 Il est clair qu’une contestation fondée sur une charte, qu’il s’agisse de la Charte canadienne ou de la Charte québécoise, doit reposer sur un fondement factuel concret : Operation Dismantle Inc. c. La Reine,
29 Je ne crois pas que l'acte contesté en l'espèce puisse être qualifié de contraire à l'obligation que la Charte impose au pouvoir exécutif. L'article 7 de la Charte ne saurait raisonnablement être interprété comme imposant au gouvernement l'obligation de ne pas accomplir des actes qui pourraient avoir pour conséquence de porter atteinte ou de menacer de porter atteinte à la vie des individus et à la sécurité de leur personne. Une obligation du cabinet fédéral ne peut être créée par des conjectures et des hypothèses sur les effets possibles de l'action gouvernementale. Une telle obligation ne naît, à mon avis, que lorsqu'on peut dire qu'il pourrait être démontré qu'une atteinte à la vie et à la sécurité de la personne résulte de l'acte gouvernemental attaqué.[125]
(notre soulignement)
[278] La procédure des demandeurs identifie deux demanderesses qui réfèrent aux avis d’expropriation. Madame Doris Chabot allègue qu’elle vit un stress majeur devant l’incertitude d’une menace d’expropriation. Madame Danielle Chapleau a reçu un avis d’expropriation partielle le 6 août 2022 et, depuis ce temps, déclare vivre dans l’incertitude et subir les incohérences et contradictions répétées des fonctionnaires de la ville.
[279] La menace d’expropriation constitue une conjecture ou hypothèse à partir de laquelle le Tribunal ne saurait se prononcer. Quant à l’avis d’expropriation de Madame Chapleau, le Tribunal ne saurait faire le lien avec son droit à la vie et à sa sécurité : toute procédure devant le Tribunal risque de créer de l’incertitude auprès de tout citoyen. La preuve ne démontre pas d’acharnement particulier à l’égard de cette demanderesse.
[280] Quant à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, rappelons que ce droit est limité par l’expression « sauf dans la mesure prévue par la loi ». Le droit à l’expropriation pour des fins publiques s’inscrit dans cette réserve contenue à la Charte québécoise. Au surplus, aucun demandeur n’a été privé de s’adresser à la Cour supérieure pour contester l’expropriation de son bien.
[281] Quant aux notions de pénétration illégale dans la résidence d’autrui ou à des fouilles, perquisitions ou saisies abusives, ou du bien-être général des citoyens du Québec, la preuve n’est associée à aucun événement qui se rapprocherait de près ou de loin à ces notions.
[282] Bref, la demande de contestation constitutionnelle de l’article 7 LRSVQ est rejetée.
[283] Les demandeurs estiment que le règlement R.A.V.Q. 1349[126] de la Ville enfreint la Charte de la Ville en ce que l’organe interne de la Ville apte pour modifier les dispositions d’urbanisme n’était pas le conseil d’agglomération comme ce fut le cas, mais bien les arrondissements de quartiers qui seront traversés par les rails du tramway.
[284] À cela, la Ville répond que sa loi constitutive contient une exception à la règle.
[285] De plus, les demandeurs plaident que la Ville n’a pas respecté son propre Règlement sur la politique de consultation publique, R.V.Q. 204, ce que conteste la Ville.
[286] Traitons ces questions une à une.
[287] La Ville prétend que les articles 74.4 et 74.5 de sa Charte contiennent une exception à la règle exposée par les demandeurs.
[288] Pour éviter toute ambiguïté, clarifions la portée du règlement contesté.
[289] La portée du règlement. Les demandeurs estiment qu’il ne s’agit pas seulement d’un règlement modifiant le zonage et l’urbanisme comme le prétend la Ville, mais qu’il s’agit d’une autorisation pour la réalisation du projet de tramway.
[290] Il est vrai que, à première vue, ce règlement autorise la mise en place d’un tramway puisque l’objet est ainsi décrit : « La réalisation du projet de tramway (…) est autorisée sur le site d’intervention illustrée aux plans de l’annexe I du présent règlement, selon les conditions prescrites au chapitre II ». En fait, ce texte relève de l’urbanisme puisque l’annexe 1 auquel réfère le règlement décrit l’assise au sol du trajet que parcourra le tramway d’est en ouest. Et au chapitre II sont décrites les normes d’urbanisme applicables sur ce parcours. Autrement dit, il faut lire : « La réalisation du projet de tramway doit se conformer aux normes d’urbanisme contenues dans ce règlement ».
[291] Les vrais règlements qui autorisent le projet de tramway. Les règlements autorisant la réalisation des travaux du projet de tramway sont plus amplement décrits au chapitre 2.5.1.
[292] Les motifs justifiant l’adoption de ce règlement d’urbanisme. Les motifs qui ont incité la Ville à procéder par l’adoption du règlement d’urbanisme R.A.V.Q. 1349 se retrouvent dans la déclaration sous serment de Monsieur François Trudel, directeur du service de la planification de l’aménagement et de l’environnement :
5. Plus spécifiquement, à l’égard des règlements de zonage de la ville, il appert que le tracé du tramway traverse environ 156 zones et concerne environ 313 zones contiguës, lesquels sont localisées dans trois arrondissements;
6. L’adoption d’un cadre réglementaire adapté à la nature du projet est donc apparue nécessaire, sans quoi de multiples modifications à la réglementation relevant de la compétence de diverses instances décisionnelles municipales (conseil de ville, conseil d’arrondissement, Commission d’urbanisme et de conservation de Québec) serait requises;
7. En conséquence, j’ai recommandé au conseil d’agglomération d’adopter un règlement en vertu de l’article
[293] Monsieur Trudel explique que ce règlement modifie les règles d’urbanisme applicables afin de permettre l’implantation des infrastructures, comme les stations, les locaux techniques, les pôles d’échanges et le centre d’exploitation. À la suite d’un avis de motion donné le 4 mai 2022, une assemblée publique de consultation a eu lieu à laquelle ont participé 136 personnes dont un certain nombre de demandeurs. 57 personnes ont transmis des commentaires ou des questions. Un rapport de démarche de participation publique a été déposé au conseil d’agglomération et le règlement a par la suite été adopté le 6 juillet pour une entrée en vigueur le 7 juillet 2022.
[294] Pour démontrer que l’utilisation de l’article 74.4 n’est pas un cas isolé utilisé pour contourner de façon intentionnelle l’esprit de la loi, Monsieur François Trudel explique que cet article a été utilisé dans 120 projets de la Ville depuis 2003.
[295] Le rôle de l’article 74.4 (2) de la Charte de la Ville. Les demandeurs sont d’avis que l’article 74.4 (2) de la Charte de la Ville est une disposition habilitante qui doit se lire restrictivement afin de favoriser le droit des citoyens d’exprimer leur droit de vote dans le cadre d’un référendum.
[296] D’entrée de jeu, ne perdons pas de vue que, contrairement à ce que plaident les demandeurs, une abondante jurisprudence favorise l’interprétation des lois municipales de façon large, fondée sur l’objet[127].
[297] La question qui doit trouver réponse s’énonce comme suit :
Le tramway constitue-t-il une « grande infrastructure » au sens de l’article 74.4 (2) de la Charte de la Ville?
[298] La Ville a invité le Tribunal à considérer l’alinéa précédent qui la dispenserait aussi de référendum si l’on devait considérer le tramway comme un « équipement collectif ou institutionnel ». Considérant la réponse donnée par le Tribunal en regard de la notion de « grandes infrastructures », il n’est pas utile d’en disposer, bien que l’argument de la Ville soit intéressant.
[299] Pour comprendre la portée de cette question, voyons d’abord les articles 74.4 et 74.5 de la Charte de la Ville dans leur entièreté. Ces articles se situent dans le chapitre traitant des compétences, dans la section définissant les pouvoirs du conseil de la ville. Par opposition, les pouvoirs des conseils d’arrondissement se trouvent aux articles 113 et suivants, lesquels comprennent les pouvoirs en matière d’urbanisme de façon générale :
74.4. Malgré tout règlement adopté par un conseil d’arrondissement, le conseil de la ville peut, par règlement, permettre la réalisation d’un projet qui est relatif:
1° à un équipement collectif ou institutionnel, tel un équipement culturel, un hôpital, une université, un collège, un centre des congrès, un établissement de détention, un cimetière, un parc régional ou un jardin botanique;
2° à de grandes infrastructures, tel un aéroport, un port, une gare, une cour ou une gare de triage ou un établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux;
3° à un établissement résidentiel, commercial ou industriel dont la superficie de plancher est supérieure à 25 000 m2;
4° à de l’habitation destinée à des personnes ayant besoin d’aide, de protection, de soins ou d’hébergement, notamment dans le cadre d’un programme de logement social mis en œuvre en vertu de la Loi sur la Société d’habitation du Québec (chapitre S-8
5° à un immeuble patrimonial classé ou cité conformément à la Loi sur le patrimoine culturel (chapitre P-9.002) ou dont le site envisagé est situé dans un site patrimonial classé, déclaré ou cité au sens de cette loi.
Un règlement adopté en vertu du premier alinéa ne peut contenir que les règles d’urbanisme nécessaires à la réalisation du projet. Il a pour effet de modifier tout règlement en vigueur adopté par le conseil d’arrondissement, dans la mesure qu’il doit prévoir de manière précise et spécifique.
74.5 Malgré le troisième alinéa de l’article
Les articles
(notre soulignement)
[300] Pour comprendre le raisonnement en lien avec cette demande, quelques remarques préliminaires s’imposent.
[301] D’abord, l’article 74.5.1 al. 2 prévoit que, lorsque la décision de réaliser un projet relève de la compétence du conseil d'agglomération, c'est ce dernier qui exerce le pouvoir prévu à l'article 74.4. L’article
[302] Deuxièmement, pour les fins de cette discussion, en regard des questions d’urbanisme et d’aménagement, ce ne sont pas tant les trains électriques qui circuleront en travers de la ville, mais bien la pose des rails et la construction d’un tunnel et de plus d’une trentaine de quais le long du parcours d’une vingtaine de kilomètres.
[303] Ces précisions étant faites, revenons à la notion de « grandes infrastructures ».
[304] Comme l’enseigne la Cour suprême dans Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique[129], lors de l’interprétation d’une disposition législative, les tribunaux doivent « porte[r] attention à la structure grammaticale de la disposition ». C’est ce à quoi invitent les demandeurs.
[305] L’intention du législateur et le Règlement sur la politique de consultation publique. Il est parfois utile de se reporter à l’adoption des articles de lois contestés pour aider le Tribunal à comprendre les motivations du législateur. En 2003, alors que le tramway ne semblait pas un projet vraisemblable[130], le ministre des Affaires municipales présente ainsi l’avènement du nouvel article 74.4 de la Charte de la Ville :
Toutefois, comme à Montréal et à Longueuil, il est nécessaire de laisser au conseil de la ville un minimum de pouvoir en cette matière. C'est ce que fait l'article 74.4. Il donne au conseil de la ville le pouvoir de modifier des règlements afin de permettre la réalisation de certains projets qualifiés d'importants ou de structurants. Cette disposition est jugée nécessaire afin d'éviter que soit bloquée l'implantation sur le territoire de la ville de certains types de projets qui seraient considérés comme d'importance majeure pour la ville.[131]
(notre soulignement)
[306] Les demandeurs prétendent que, lors de ce débat tenu le 12 décembre 2003, le législateur a tenu compte du fait qu’à cette même époque, en 2003, la Ville avait déjà adopté le Règlement sur la politique de consultation publique, règlement R.V.Q. 204[132], lequel était entré en vigueur le 6 novembre 2003. D’après eux, l’intention du législateur « n’était pas d’éliminer les référendums obligatoires tels que reconnues par le règlement P-38, pour toute modification au règlement de zonage et d’urbanisme ».
[307] Avec respect, le Tribunal ne fait pas la même lecture des événements de 2003 :
[308] Mais l’intention du législateur exprimé lors de l’adoption de l’article 74.4 de la Charte de la Ville par l’Assemblée nationale ne lie pas le Tribunal quant à la portée des mots utilisés. Il convient quand même de s’assurer que les intentions se reflètent dans le vocabulaire de la loi.
[309] Les définitions des mots. Prenons les mots pour ce qu’ils disent. Venons-en à l’expression « de grandes infrastructures, tel ». Il y a 3 mots importants :
Parties inférieures d'une construction. V. Fondation. - Ensemble des terrassements et ouvrages qui concourent à l'établissement de la plate-forme d'une voie de chemin de fer (remblais, souterrains, tunnels, passages à niveau, ponts, viaducs, etc.) d’une route.
Convenons que des rails et les autres équipements électriques pour faire rouler des trains correspondent parfaitement à ces définitions.
Au passage, le mot « infrastructure » contient le préfixe latin infra qui signifie « en-dessous de », ce qui converge à une même idée : les rails seraient des infrastructures.
[310] Les friands du latin trouvent ici matière à débat : l’article 74.4 (2) doit-il être interprété suivant la règle ejusdem generis ou suivant la règle sui generis? Dit plus simplement, la liste des projets contenus à l’article 74.4 (2) est-elle limitative comme le prétendent les demandeurs (à savoir les adeptes de la règle ejusdem generis) ou ouverte à d’autres projets comme le prétend la Ville (encline à appliquer la règle sui generis)?
[311] L’argument des demandeurs prend son importance en ce que les projets d’infrastructure mentionnés (un aéroport, un port, une gare, une cour ou une gare de triage ou un établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux) sont toujours rattachés à des espaces circonscrits, disparates par ailleurs. Dans cet esprit, on remarque que nulle part n’apparaissent des projets d’autoroute à titre de « grande infrastructure ». En limitant les exemples, le législateur n’a-t-il pas voulu être restrictif dans les projets d’infrastructure exemptés d’une approbation référendaire?
[312] Les demandeurs se fondent sur de la jurisprudence comme dans l’affaire Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd[135] :
La règle ejusdem generis signifie que le terme générique ou collectif qui complète une énumération se restreint à des choses de même genre que celles qui sont énumérées, même si, de par sa nature, ce terme générique ou collectif, cette expression générale, est susceptible d'embrasser beaucoup plus.
[313] Exprimons ce questionnement de manière spécifique. L’article 74.4 (2), à l’instar du paragraphe précédent, est composé de termes spécifiques, à savoir « un aéroport, un port, une gare, une cour ou une gare de triage ou un établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux » et, coiffé au départ, d’une expression générale, à savoir « grandes infrastructures ». Est-ce que l’expression « grandes infrastructures » se limite aux aéroports, ports, etc.? Ou si elle embrasse plus large?
[314] Dans l’affaire Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris[136], la Cour suprême a reconnu que, pour que des termes généraux soient limités, il faut que ceci se retrouve à la fin de l’énumération et non au début :
Le professeur Driedger, à la p. 111 de son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), souligne la définition de la règle énoncée par le lord chancelier Halsbury dans l'arrêt Thames and Mersey Marine Insurance Co. v. Hamilton, Fraser & Co. (1887), 12 App. Cas. 484, à la p. 490. Le lord chancelier Halsbury fait remarquer que la règle est fondée sur la notion selon laquelle [TRADUCTION] "les termes généraux peuvent être limités au même genre que les termes précis qui les ont précédés". Il convient également de citer une illustration du fonctionnement de la règle donnée par le professeur Côté dans son ouvrage
Autrement dit, pour que la règle s'applique, il faut absolument que l'on retrouve une classe ou une catégorie précédant les termes généraux, si l'on veut les restreindre à cette classe ou cette catégorie. [Je souligne.]
En l'espèce, évidemment, cette condition préalable à l'application de la règle n'est pas remplie car, dans la clause visée, les termes généraux précèdent l'énumération précise au lieu de la suivre. La clause indique que la protection relative à l'intérêt du créancier hypothécaire est valide nonobstant les "déclarations" et ensuite fournit des exemples de celles-ci. La justification rationnelle de l'application de la règle ejusdem generis est donc absente. Quel que soit le document particulier qui est interprété, lorsque l'on trouve une clause qui énonce une liste de termes précis suivie d'un terme général, il conviendra normalement de limiter le terme général au genre de l'énumération restreinte qui le précède. Toutefois, il serait illogique de procéder de la même manière lorsqu'un terme général précède une énumération d'exemples précis. […]
(nos caractères gras)
[315] À la lumière de la position majoritaire des juges de la Cour suprême, il appert que, pour que les demandeurs aient raison, il aurait fallu que l’expression « grandes infrastructures » se retrouve après l’énumération. En d’autres termes, il aurait fallu que le législateur écrive plutôt quelque chose du genre: « un aéroport, un port, une gare, une cour ou une gare de triage ou un établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux, soit de grandes infrastructures ».
[316] Les demandeurs attirent l’attention du Tribunal sur la position minoritaire exprimée par deux des trois juges du Québec, soit les honorables L’Heureux-Dubé et Gonthier, à l’effet que, par l’application de la règle d’interprétation ejusdem generis, « la généralité d’un terme peut être restreinte par une suite de termes qui le précèdent ou le suivent ». L’exercice fait par les juges minoritaires consiste à chercher le commun dénominateur qui transcende les expressions données à titre d’exemple. Dans le présent dossier, cela revient à se demander ce qu’ont en commun un aéroport, un port et un établissement d’assainissement des eaux. Réponse : ce sont des constructions pour le bien de toute la communauté, de tous acabits et qui nécessitent d’importants investissements publics. Et, à la lumière de cette réponse, pourquoi le tramway n’en ferait-il pas partie?
[317] Bref, dans le présent dossier, que l’on adhère à la position majoritaire ou à la position minoritaire, l’expression « grandes infrastructures » doit être lue de façon libérale afin de pouvoir y introduire d’autres « grandes infrastructures » qui ne sont pas précisées dans la liste de cet article de loi.
[318] En terminant, dans les exemples donnés, on retrouve la notion de « gare de triage », à savoir l’installation de rails multiples posés les uns près des autres, sur une certaine distance. Si une gare de triage est une grande infrastructure, pourquoi le déploiement de rails sur une vingtaine de kilomètres au cœur de la ville avec la construction d’une trentaine de quais, d’un système aérien d’alimentation électrique et un tunnel de deux kilomètres ne constitueraient-ils pas aussi une grande infrastructure?
[319] En conclusion, le projet de tramway est couvert par l’expression « grandes infrastructures » de l’article 74.4 de la Charte de la Ville. Conséquemment, ce projet est exempt d’un référendum.
[320] En terminant, un mot sur des arguments supportés par les demandeurs.
[321] L’estoppel by conduct. Lors de leurs plaidoiries, se fondant sur le jugement dans l’afffaire Stevenson c. Canada (Procureur général)[137] les demandeurs ont prétendu que la Ville n’a jamais invoqué, avant le dépôt de leur procédure, l’article 74.4 de la Charte de la Ville, se contentant de s’en remettre à la politique de consultation publique mise en place en 2003 et modifiée en 2017. Ce faisant, optant pour la consultation publique, elle aurait renoncé, suivant la théorie de l’Estoppel by conduct, à invoquer cet article 74.4. En d’autres termes, la Ville aurait fait son lit.
[322] Cette approche n’est pas appropriée car, en fait, la Ville bénéficiant du pouvoir de modifier, sans consultation, son règlement d’urbanisme, elle pouvait, sur une base volontaire, tenir également des consultations : l’un n’empêche pas l’autre. De plus, pour que cet argument soit reçu, il doit y avoir eu une renonciation non-équivoque à l’invoquer[138], ce qui n’est davantage pas le cas. Cette théorie ne trouve pas application eu égard aux circonstances.
[323] Le droit acquis au référendum. Se fondant sur des préceptes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Haig[139], les demandeurs soutiennent que, lorsque le législateur a choisi la voie d’un référendum, il ne peut reculer. Ils seraient d’après eux en droit d’exiger la tenue d’un référendum. Bien qu’ils prennent appui sur le fait qu’en matière d’urbanisme il est possible d’exiger la tenue d’un référendum, les commentaires des demandeurs élargissent ce droit à celui de demander un référendum quant au projet de tramway.
[324] Se fondant sur l’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national[140], le Tribunal ne partage pas cette opinion :
Personne n’a le droit acquis de se prévaloir de la loi telle qu’elle existait dans le passé […] le simple droit de se prévaloir d’un texte législatif abrogé, dont jouissent les membres de la communauté ou une catégorie d’entre eux, à la date de l'abrogation d’une loi, ne peut être considéré comme un droit acquis […].
[325] Monsieur le juge Claude Tellier a aussi rappelé ce principe qu’il n’existe pas de droit acquis à des lois :
[51] Conclure autrement équivaudrait à dire que l'Assemblée nationale a renoncé pour toujours à sa compétence pour modifier cette loi dans l'avenir et que les droits revendiqués par les parties demanderesses sont dorénavant immuables. En d'autres termes, les droits revendiqués par les parties demanderesses auraient acquis une valeur quasi-constitutionnelle, ce qui ne peut être le cas car cela empêcherait toute évolution du droit et de la société. L'Assemblée nationale ne peut s'engager à l'avance qu'elle ne passerait jamais plus de lois en matière municipale.[141]
[326] Les demandeurs allèguent que le projet de tramway « n’élimine aucunement l’obligation minimale d’un référendum consultatif prévu au règlement de 2003 »[142].
[327] D’après l’article 4 de ce règlement, est soumis à la consultation préalable tout projet de règlement « concernant un équipement collectif ». Sans que ce ne soit explicite dans la position de la Ville, pour le tramway, elle se serait elle-même astreinte à cette politique qui a finalement été remplacée en 2017. Pour preuve, les nombreuses consultations tenues sur le projet de transport structurant au cours des années (voir chapitre 2.2.3.2).
[328] Conformément à l’article 69.1 de la Charte de la Ville, le conseil peut soumettre un enjeu ou une problématique à un référendum consultatif[143]. La nouvelle mouture de ce règlement entrée en vigueur le 1er mai 2021[144] prévoit également la tenue d’un référendum consultatif « dans les dossiers pour lesquels les autres mesures de participation publique ne permettent pas de fournir un éclairage adéquat ».
[329] Les références à un « référendum » sont tantôt pour indiquer que la Ville respectera la loi, tantôt pour indiquer que « le conseil de ville peut (…) soumettre à un référendum consultatif une question, une problématique ou un enjeu qui est de sa compétence ». Nulle part il y a obligation de tenir un référendum sur un projet, quelle qu’en soit l’importance.
[330] Le 6 mai 2019, considérant cette politique, le conseil de la ville eut à se prononcer sur une proposition pour la tenue d’un tel référendum consultatif. Cette proposition a été rejetée[145].
[331] Les demandeurs invoquent leurs droits fondamentaux de façon transversale à travers la demande introductive d’instance modifiée. Leur droit à l’expression démocratique parsème leurs allégations et le Tribunal croit approprié d’y répondre de façon directe.
[332] Ces allégations ne reposent sur aucun fait suffisamment supporté à ce stade-ci pour conclure à une démocratie bafouée. Comme le rappelle la Cour suprême dans S.L. c. Commission scolaire des Chênes[146], il ne suffit pas d’alléguer que les droits sont enfreints, cela doit reposer sur des faits objectivement démontrables :
[23] À l’étape de la preuve de l’atteinte, cependant, il ne suffit pas que la personne déclare que ses droits sont enfreints. Il lui incombe de prouver l’atteinte suivant la prépondérance des probabilités. Cette preuve peut certes prendre toutes les formes reconnues par la loi, mais elle doit néanmoins reposer sur des faits objectivement démontrables. […]
[333] Analysons la portée de ces droits fondamentaux qu’ils considèrent bafoués, même si aucune preuve précise ne permet d’en supporter la violation.
[334] Les demandeurs sont d’avis que le projet de tramway menace leur santé par la création d’îlots de chaleur, ce qui aggraverait les effets des changements climatiques, sans compter les problèmes de santé physique d’ordre cardiovasculaire et pulmonaire, tel qu’il fut démontré devant le BAPE. Cela pourrait également affecter leur santé mentale, engendrer de l’anxiété et du stress accru.
[335] Ils invoquent l’article
[336] D’abord, le rapport du BAPE est une pièce et non un rapport d’expertise.
[337] Ce ne sont donc là que des hypothèses et, comme il a été rappelé aux paragraphes [277] et [332], pour contester la légalité d’une disposition légale, encore faut-il qu’une preuve probante soit administrée pour démontrer que la santé physique des personnes serait remise en cause par le passage d’un tramway[147].
[338] Bien plus, encore faut-il que ce soit une atteinte grave[148] et permanente[149], et non un simple stress ou un quelconque inconvénient.
[339] De plus, quant à évoquer des hypothèses, si une preuve probante avait été administrée par les demandeurs, encore faudrait-il tenir compte de ce que la Ville entend faire quant à la sécurité des personnes. Les paragraphes 43 à 45 de la déclaration sous serment du 19 octobre 2022 de Monsieur Daniel Genest, directeur du Bureau de projet du tramway, démontrent le souci de la Ville de prendre en compte la sécurité de ses citoyens. Il serait trop fastidieux de reproduire ces longs paragraphes qui font quelques pages.
[340] La preuve administrée devant le Tribunal ne permet aucunement de conclure que ces droits soient affectés. Ce ne sont que des craintes.
[341] Les demandeurs sont d’avis que leur droit de propriété sera affecté par la construction du tramway et que, par la suite, cela affectera la valeur de leur résidence.
[342] La preuve ne permet pas de tirer ces conclusions.
[343] Il est vraisemblable que la construction de la ligne de tramway et de ses quais nuira à la jouissance paisible des résidents vivant à proximité et que cela aura également une conséquence sur les automobilistes qui voudront circuler sur ces voies pendant la construction. À la suite de la mise en opération du tramway, ce nouvel équipement modifiera vraisemblablement le flux de circulation.
[344] D’abord, cela équivaudrait à dire que toute construction devrait être prohibée car cela nuirait à la jouissance des résidences des gens qui demeurent à proximité. En théorie, on pourrait croire que les demandeurs ont raison. Mais le droit de propriété n’est pas absolu comme le prétendent les demandeurs.
[345] Le droit à la libre jouissance des lieux n’est pas absolu car l’article
[346] Dans ce contexte, rappelons que le Code civil du Québec contient un grand nombre de dispositions sur les règles de voisinage, notamment le fait que les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance suivant la nature ou la situation de leurs fonds[150]. Cette modulation du droit de propriété vaut sous plusieurs aspects de la relation entre des voisins, que l’on pense à l’écoulement des eaux, aux arbres, à leurs racines et branches, l’accès au fonds d’autrui, aux vues ainsi qu’aux clôtures et ouvrages mitoyens. Tout citoyen a, un jour ou l’autre, connu des chantiers de construction de routes qui ont affecté son confort; mais cela ne veut pas dire que c’est un inconvénient anormal de voisinage.
[347] De plus, le droit à l’expropriation est un droit qui jouit de la réserve « sauf dans la mesure prévue par la loi ». Il est à prévoir que certaines propriétés seront légalement expropriées, en tout ou en partie, et qu’une indemnité fera l’objet d’une entente ou d’une décision judiciaire. Ceux qui ne seront pas expropriés et qui auraient des prétentions que la quiétude de leur foyer sera inexorablement compromise pourraient aussi s’adresser aux tribunaux. Pour le moment, ce n’est que conjectures.
[348] Donc, ce n’est pas parce que, potentiellement, un citoyen – qui n’est pas nécessairement demandeur en l’instance -, serait privé de son bien que le recours des demandeurs, de nature préventive, devrait être accueilli.
[349] Du reste, le Tribunal fait remarquer que le droit à la propriété privée n’est pas expressément protégé par la Charte fédérale[151]. La protection contre les fouilles et le principe de l’inviolabilité d’une résidence n’ont rien à voir avec la propriété privée.
[350] Le Tribunal ne trouve pas appui dans la preuve eu égard à des craintes que les inconvénients seront excessifs eu égard aux circonstances. Ce moyen est rejeté.
[351] Les demandeurs allèguent que leur droit de propriété sera affecté pendant la construction et avec l’opération du tramway. Ils sont d’avis que leur résidence sera plus difficile à vendre à un « prix raisonnablement envisagé ».
[352] La preuve est totalement muette cet égard et le Tribunal rejette tout argument basé sur cette allégation.
[353] Des dommages-intérêts et des dommages exemplaires sont réclamés aux parties défenderesses.
[354] Les parties défenderesses sont poursuivies pour « abus de droit et [leurs] nombreuses décisions illégales et irrationnelles prises à [leurs] risques et périls ».
[355] Les demandeurs réclament le remboursement de leurs frais judiciaires et extrajudiciaires ainsi que des dommages exemplaires de 500 000 $ eu égard à la conduite « hautement répréhensible et antidémocratique des défendeurs depuis plusieurs années ».
[356] Considérant que le Tribunal est d’avis que les parties défenderesses n’ont commis aucune faute et n’ont pas fait preuve d’abus de droit, la demande d’indemnisation doit être rejetée.
[357] Il est d’usage que, sans égard à la responsabilité, un tribunal d’instance quantifie le quantum réclamé. Dans le présent cas, le Tribunal se refuse à se prêter à cet exercice et accepterait de le faire si, après une inscription en appel, la Cour d’appel le demandait. Une réouverture d’enquête serait nécessaire.
[358] La réputation des groupes environnementaux. À de nombreuses reprises, les demandeurs tentent d’écorcher des groupes environnementaux qui, d’après eux, à cause du financement qu’ils reçoivent de la Ville, souscriraient au projet de tramway et, même, bloqueraient les pétitions mises en place par Québec Mérite Mieux. La preuve ne permet pas de tirer de telles conclusions; le Tribunal conçoit qu’il est possible de favoriser l’environnement et la mise en place d’un système de transport en commun, même si ce dernier peut, au moment de sa construction, avoir des effets néfastes à court terme. De plus, on ne peut inférer que, parce que des membres d’un comité consultatif touchent des indemnités pour participer à des réunions[152], ils aient perdu toute objectivité. Les allégations de conflit d’intérêts ne sont pas supportées.
[359] La présence de lobbyistes. La preuve ne permet pas davantage de supporter certaines allégations contenues dans les plaidoiries des demandeurs à l’effet que le gouvernement a agi sous la dictée « de nombreux lobbyistes »[153]. En fait, les documents de plaidoirie des demandeurs démontrent que deux entreprises se sont légalement inscrites au Registre des lobbyistes du Québec, pour la construction d’un tramway à Québec, l’une pour la période allant de 2010 à 2015 et l’autre en 2013[154]. Cela démontre au contraire qu’à cette époque, la consultation de la population quant à la construction d’un tramway était bien réelle, bien avant que les demandeurs, si l’on se fie à leur déclaration sous serment, s’y intéressent. Il n’y a pas un iota de preuve à l’effet que le gouvernement ait agi sous la dictée de ces lobbyistes.
[360] Un conflit d’intérêts et un complot. Lors de leurs plaidoiries, les demandeurs laissent sous-entendre qu’il y a des irrégularités en regard de la présence d’un ingénieur qui aurait donné son avis au ministère des Transports quant au projet de tramway, que cet ingénieur aurait ensuite été nommé au conseil d’administration de la Caisse de dépôt et de placement du Québec et que, finalement, cette dernière aurait investi dans la seule entreprise susceptible de déposer une soumission pour la construction du tramway. Le Tribunal tient à écarter ces sous-entendus qui peuvent avoir un impact sur la crédibilité d’un processus et d’un individu. Ce n’est pas parce qu’un expert compétent fait des recommandations au ministère des Transports qu’il ne peut siéger au conseil d’administration d’une société d’État. Au contraire, si tel est le cas, il peut s’agir d’un atout pour cette dernière de compter sur les éclairages avisés de personnes de différentes formations scientifiques. Si tant est que cette société d’État aurait investi dans une entreprise susceptible de construire le tramway de Québec, rien n’indique que cet administrateur a participé à la décision d’investissement. Plusieurs questions se posent avant de tirer des conclusions ou de faire de tels sous-entendus, dont notamment : « Cette décision était-elle prise avant même qu’il soit nommé? A-t-il participé à la décision? Quel intérêt cet administrateur a-t-il? ». Bref, des sous-entendus de conflit d’intérêts qui tiennent avec de la ficelle. Le Tribunal rejette ces insinuations.
[361] Sous le chapitre « Apparences de conflit d’intérêts », l’étude réalisée par la société SYSTRA est qualifiée de « douteuse ». De telles apparences s’évanouissent à la lecture des explications données par Monsieur Daniel Genest, directeur du Bureau du projet du tramway. En mai 2019, la Ville donne mandat à cette firme d’ingénierie de réaliser « une analyse comparative des principaux modes de transport lourd sur rail, soit le tramway, le train léger sur rail, le monorail et le métro en souterrain dans le but de répondre à une demande du ministère de l’Environnement en regard du mode le plus approprié à titre de réseau structurant de transport pour Québec »[155]. Deux équipes indépendantes de cette firme sont créées : l’une pour assurer le mandat de cette analyse comparative et l’autre quant à la conception de référence du tramway. Cette firme est même informée que son étude fera l’objet d’une validation par un expert indépendant. En fait, ce seront deux experts indépendants qui feront la contre-expertise de ce rapport produit par SYSTRA. Au terme de leurs travaux, tant l’équipe de SYSTRA chargée de l’étude comparative que les deux experts indépendants concluent à la validité du choix du tramway comme mode de transport structurant pour Québec. La preuve ne permet donc pas de tirer les conclusions de conflit d’intérêts alléguées par les demandeurs. C’est trop facile de l’invoquer.
[362] Les demandeurs ont introduit leur recours dans un délai raisonnable comme l’exige la loi.
[363] En regard de la demande de nullité du décret 655-2022, le Conseil des ministres avait le pouvoir de se prononcer sur le projet de tramway de Québec au sens des dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement.
[364] Ce processus a été réalisé suivant les dispositions de cette loi.
[365] Le Conseil des ministres possède la discrétion politique pour adopter une telle décision, y compris même de ne pas être lié par les conclusions du rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.
[366] La preuve, plus que nécessaire au sens de la jurisprudence, a démontré le sérieux du gouvernement du Québec dans l’analyse du dossier du tramway.
[367] Le décret 655-2022 est donc légal.
[368] La demande de déclarer inconstitutionnel l’article
[369] Les demandeurs échouent dans leur demande d’obtenir la tenue d’un référendum puisqu’aucune loi, notamment la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec, ni les droits fondamentaux contenus dans les Chartes canadienne et québécoise ne l’imposent.
[370] Les tribunaux n’ont aucun pouvoir pour intervenir en regard du manquement à des engagements électoraux.
[371] La Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec n’affecte en rien les pouvoirs de la Cour supérieure en matière d’expropriation.
[372] La Charte de la Ville autorise le conseil d’agglomération d’adopter un règlement d’urbanisme pour permettre la réalisation du projet de tramway.
[373] De façon générale, les demandeurs échouent dans leur contestation du projet de tramway en regard d’une atteinte quelconque à leurs droits fondamentaux protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne.
[374] La demande de dommages-intérêts compensatoires et punitifs, vu l’absence de faute, est rejetée.
[375] Bref, rien dans le recours des demandeurs ne pose obstacle au projet de tramway de la Ville de Québec.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[376] REJETTE la demande introductive des demandeurs;
[377] LE TOUT, avec les frais de justice.
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| clément samson, j.c.s. | |
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Me Guy Bertrand Me Dominique Bertrand | ||
Cabinet Guy Bertrand | ||
Courriels: gbertrand@cabinetguybertrand.com dbertrand@cabinetguybertrand.com
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Avocats pour les demandeurs | ||
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Me Marc DesRosiers | ||
Me Kathy Lévesque Giasson et associés (Ville de Québec) | ||
Courriels: marc.desrosiers@ville.quebec.qc.ca kathy.levesque@ville.quebec.qc.ca | ||
Avocats pour les défendeurs Ville de Québec et Conseil d'agglomération de la Ville de Québec | ||
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Me Gabrielle Ferland-Gagnon Me Camille Guay-Bilodeau Me Charles Moreau Me Bruno Sylvestre | ||
Lavoie Rousseau (Justice-Québec) | ||
Courriels: gabrielle.ferland-gagnon@justice.gouv.qc.ca camille.guay-bilodeau@justice.gouv.qc.ca charles.moreau@environnement.gouv.qc.ca bruno.sylvestre@environnement.gouv.qc.ca | ||
Avocats pour le défendeur Procureur général du Québec | ||
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Me Jean-Marcel Seck Me Joshua Wilner | ||
Ministère de la justice du Canada | ||
Courriel: jean-marcel.seck@justice.gc.ca joshua.wilner@justice.gc.ca | ||
Avocats pour le mis en cause | ||
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Date d’audience : | 5, 6, 7 et 8 décembre 2022 | |
[1] Le présent jugement reprend quelques passages du jugement rendu le 21 juillet 2022 en regard d‘une demande d’injonction interlocutoire provisoire.
[2] Réseau de transport de la Capitale (RTC).
[3] P-31.
[4] RLRQ, c. R-25.03.
[5] RLRQ, c. Q-2.
[6] P-35.
[7] (2022) 16 G.O. 11, 2221.
[8] Le conseil d’agglomération, formé de représentants des villes de Québec, l’Ancienne-Lorette et St-Augustin-de-Desmaures, ayant notamment pour responsabilité le transport en commun, est un organisme de la Ville. Il a adopté le règlement d’urbanisme R.A.V.Q. 1349 qui est contesté par les demandeurs.
[9] Déclaration sous serment de Monsieur Daniel Genest, 14 juillet 2022, par. 15.
[10] RLRQ, c. C-11.5.
[11] Charte canadienne des droits et libertés, adoptée sous le nom de Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), entrée en vigueur le 17 avril 1982 (ici appelée « Charte canadienne »); Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (ici appelée « Charte québécoise »).
[12] Quant au décret 662-2022 prévoyant le financement des travaux préliminaires par le gouvernement québécois à hauteur de 124 millions de dollars, les parties ont convenu lors d’une conférence de gestion, que, si le décret 655-2022 était déclaré nul, il ne serait pas nécessaire de se prononcer sur cet autre décret, car l’objectif visé par les demandeurs étant de mettre fin aux travaux préparatoires au projet de tramway, une déclaration de nullité du décret 655-2022 suffirait.
[13] RLRQ, c. E-18, r. 1.
[14] L.Q. 2017, c. 13.
[15] RLRQ, c. A-19.1, r. 0.1.
[16] Par exemple, dans la plaidoirie sur la question 5, page 7, les demandeurs plaident à la fois le droit de l'expropriant de contester devant la Cour supérieure, l'expression démocratique des demandeurs, synonyme d'acceptabilité sociale et le rejet du rapport du BAPE; dans le présent jugement, ces arguments sont analysés indépendamment les uns des autres.
[17] Par exemple : « failles abyssales », « les défaillances dans le processus de planification et dans le processus démocratique (…) rendent nécessaires l’intervention du pouvoir judiciaire », « à cause du manque d’exemplarité du processus de planification, hautement politisé ».
[18] P-18A.
[19] P-18A, p. 3.
[20] P-18A, p. 5.
[21] P-18A, p. 6.
[22] Immeubles Port Louis ltée c. Lafontaine (Village),
[23] 529. La Cour supérieure saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire peut, selon l’objet du pourvoi, prononcer l’une ou l’autre des conclusions suivantes:
1° déclarer inapplicable, invalide ou inopérante une disposition d’une loi du Québec ou du Canada, un règlement pris sous leur autorité, un décret gouvernemental ou un arrêté ministériel ou toute autre règle de droit;
[…]
Le pourvoi doit être signifié dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.
(Notre soulignement)
[24] Duhamel c. Lachance,
[25] 9100-3566 Québec inc. (Académie de sécurité IGS) c. Bureau de la sécurité privée,
[26] Bose c. Québec (Commission des lésions professionnelles),
[27] Base de plein air Le petit bonheur c. Commission municipale du Québec,
[28] Conseil régional de l'environnement de Montréal c. Québec (Procureur général),
[29] Deschênes c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne,
[30] Mallat c. Autorité des marchés financiers de France,
[31] Club de golf St-Georges (1964) c. Commission municipale du Québec, 2000 CanLII 29641 (QC CS), par. 13.
[32]
[33] Arbour c. Procureure générale du Québec,
[34] P-52.
[35] Fédération des transporteurs par autobus c. Société de transport du Saguenay,
[36] Extrait des notes de plaidoirie des demandeurs, question 5, pages 1 et 4.
[37] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,
[38] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov,
[39] 81. Les tribunaux ne peuvent prononcer aucune mesure provisionnelle ni aucune sanction, ni exercer un pouvoir de contrôle judiciaire contre le gouvernement, l’un de ses ministres ou une personne, qu’elle soit ou non fonctionnaire de l’État, agissant sous leur autorité ou sur leurs instructions relativement à une matière qui se rapporte à l’exercice de leur fonction ou de l’autorité qui leur est conférée par une loi. Il peut être fait exception à cette règle s’il leur est démontré qu’il y avait défaut ou excès de compétence.
[40] Art.
(…) Ce pourvoi n’est ouvert que si le jugement ou la décision qui en fait l’objet n’est pas susceptible d’appel ou de contestation, sauf dans le cas où il y a défaut ou excès de compétence.
[41] Bellefleur c. Québec (Procureur général),
[42] Idem, p. 64.
[43] À moins que le contexte n’indique le contraire, l’expression « ministre » réfère au ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Également, pour des fins de simplification du texte, l’expression « ministère de l’Environnement » est utilisée sans égard au nom complet de ce ministère.
[44] Art. 31.1 à 31.9 (31.1 Nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploitation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévus par règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement (« Procédure d’évaluation ») […] et obtenir une autorisation du gouvernement.).
[45] RLRQ, c. Q-2, r. 23.1.
[46] Art. 2 du Règlement relatif à l‘évaluation et l‘examen des impacts sur l‘environnement de certains projets, et article 7 de l’Annexe 1 de ce même règlement.
[47] Lemire c. Procureure générale du Québec,
[48] Bellefleur c. Québec (Procureur général),
[49] Idem, p. 64.
[50]
[51] Ville de Québec c. Galy,
[52] Déclaration sous serment de Madame Doris Chabot, 18 août 2022, par. 4. Le récit contenu dans la déclaration sous serment de Monsieur Marc Roussin en date du 5 juillet 2022 est au même effet. Monsieur Jean-Michel Thériault relate les faits à compter du 16 novembre 2018 (P-7). Monsieur Roland Couture relate les faits à compter du 16 mars 2018 (P-8). Monsieur Jean-Pierre du Sault ne s'intéresse à ce dossier que depuis mai 2020 car il aurait alors été informé que sa propriété pourrait faire l'objet d'une demande d'acquisition de la Ville (P-11). Quant aux autres affiants, mis à part l'année d'acquisition de leur résidence, la lecture de leurs déclarations ne permet pas d'identifier à quel moment ils se sont intéressés au dossier du tramway.
[53] VQ-11.
[54] Rapport du BAPE, P-35, p. 156.
[55] Idem, p. 158.
[56] VQ-12a et VQ-12b.
[57] Déclaration sous serment de Monsieur Daniel Genest, 19 octobre 2022, par. 35 à 41.
[58] Idem, par. 42 à 45.
[59] Idem, par. 46 et 47.
[60] PGQ-4.
[61] PGQ-8.
[62] PGQ-9.
[63] PGQ-12.
[64] PGQ-13 et PGQ-14.
[65] PGQ-15, PGQ-16 et PGQ-17.
[66] PGQ-19.
[67] Dans une déclaration sous serment complémentaire en date du 18 novembre 2022, Madame Rail précise que 17 des 91 avis du BAPE sont apparus comme étant d'ordre général et ne portaient pas sur des améliorations techniques spécifiques visant à bonifier le projet sur le plan environnemental ou social.
[68] P-49, Rapport d'analyse environnementale du tracé situé entre le terminus Le Gendre et le pôle Saint-Roch du projet de construction d'un tramway sur le territoire de la ville de Québec par la Ville de Québec, 8 décembre 2021, p. iv.
[69] Notes de plaidoirie des demandeurs, onglet 5, p. 8.
[70] Déclaration sous serment de Madame Doris Chabot, le 18 août 2022, par. 16 et ss.
[71] VQ-13b, p. 26, 27, 36, 37 et 39.
[72] P-66.
[73] RLRQ, c. I-8.3, art. 18.
[74] Page 7 de la Directive sur la gestion des projets majeurs d'infrastructure publique.
[75] Ville de Québec.
[76] PGQ-20, p. 5.
[77] Art.
[78] P-22.
[79]
[80] RLRQ, c. E-18.
[81] 19.2. Un juge de la Cour supérieure peut accorder une injonction pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’exercice d’un droit conféré par l’article 19.1.
[82] Gestion Serge Lafrenière inc. c. Calvé,
[83] RLRQ, c. A-19.1.
[84] Pour des raisons de simplification de texte, cette loi sera appelée « Loi sur l’autonomie des municipalités ».
[85] Notes de plaidoiries écrites de la Ville, p. 31.
[86] 10. (…) [Les tribunaux] ne sont pas tenus de se prononcer sur des questions théoriques [...] (Code de procédure civile).
[87] Haig c. Canada (Directeur général des élections),
[88] Richmond (County) v. Nova Scotia (Attorney General),
[89] Mont-Tremblant (Municipalité) c. St-Jovite (Paroisse), 2000 CanLII 18761 (C.S.).
[90] Notes de plaidoiries écrites de la Ville, p. 31.
[91] VQ-4.
[92] VQ-15.
[93]
[94] L’article
[95] Société Radio-Canada c. Canada (Procureur général)
[96] Harper c. Canada (Procureur général),
[97] De la même manière, la Charte québécoise énonce, à son article 22, le droit de toute personne d’être candidat et de voter.
[98] Frank c. Canada (Procureur général),
[99]
[100] Art.
[101]
[102] Haig c. Canada (Directeur général des élections),
[103] Toronto (City) v. Ontario (Attorney General),
[104]
[105]
[106]
[107] Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général),
[108] Ville de Québec c. Rivard,
[109] VQ-22, interrogatoire écrit de Monsieur André Legault, réponses 16 à 18.
[110] Dans la pièce rattachée au paragraphe 4 de la déclaration sous serment de Madame Doris Chabot du 18 août 2022 (Capsule vidéo d’un débat télévisé), ce candidat à la mairie est en faveur d’un projet structurant non limité à la haute-ville, qui tienne compte du Nord et de l’Est de la ville – minutes : 14:30 et 16:50.
[111] Charte canadienne des droits et libertés, art. 1.
[112] RLRQ, c. R-25.02.
[113] 8811571 Canada inc. c. Procureure générale du Québec,
[114]
[115] « La contestation du droit à l’expropriation suspend les procédures d’expropriation autres que l’inscription prévue à l’article 42. »
[116] RLRQ, c. E-24.
[117] Centre d'achat Beauward ltée c. Société québécoise d'assainissement des eaux,
[118] RLRQ, c. E-24, art. 35.
[119] Art. 44 in fine.
[120]
[121] Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35, 2021 CSC, 27, par. 63.
[122] Certains autres facteurs, comme la situation qui prévaut ailleurs au Canada, ou encore les limites pécuniaires du travail entre les tribunaux, sont peu d'intérêt dans la situation prévalente.
[123]
[124]
[125] Operation Dismantle Inc. c. R.,
[126] VQ-10.
[127] Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd.,
[128] RLRQ, c. E-20.001.
[129]
[130] Le tramway ne fera son apparition qu'en 2005 dans ce rapport traitant de la mobilité durable (par. de ce jugement).
[131] QUÉBEC, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de la Commission de l’aménagement du territoire, 1re sess., 37e légis., 12 décembre 2003, ”Étude détaillée du projet de loi no 23 – Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal”, 17h40 (M. Fournier).
[132] P-38.
[133] Wikitionnaire – Le dictionnaire libre, en ligne : https://fr.wiktionary.org/wiki/infrastructure, consulté le 19 juillet 2022.
[134] Le Petit Robert, Paris, 2012.
[135]
[136]
[137] Stevenson c. Canada (Procureur général),
[138] Lamco II, s.e.c. c. Québec (Ville de),
[139] Haig c. Canada (Directeur général des élections),
[140]
[141] Mont-Tremblant (Municipalité de) c. St-Jovite (Paroisse de),
[142] Notes de plaidoiries des demandeurs, onglet 4, par. 21.
[143] Art. 5.4.
[144] P-37, Règlement R.V.Q. 2705. La Politique de participation publique de la Ville de Québec, art. 38.
[145] P-34-A, Procès-verbal CV 2019-0372.
[146]
[147] Chapman c. Procureure générale du Québec,
[148] Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission),
[149] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital Saint-Ferdinand,
[150] Art.
[151] Syndicat des métallos, section locale 2008 c. Procureur général du Canada,
[152] P-35F, Chronologie des événements de 2017 à août 2022 préparée par le demandeur Jean-Marc Thériault (sous-pièce RT-97), p. 5.
[153] Notes de plaidoiries des demandeurs, onglet 5, p. 7, par. 35.
[154] P-62, Registre des lobbyistes. Voir aussi Notes de plaidoiries des demandeurs, onglet B, p. 1.
[155] Déclaration sous serment de Monsieur Daniel Genest, directeur du Bureau de projet du tramway, le 19 octobre 2022, par. 4.
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