[1] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu par la Cour supérieure, district de Bedford (l’honorable François Tôth) le 5 janvier 2017[1] qui rejette leur « requête en jugement déclaratoire, en cassation et en nullité » de divers règlements de zonage et de lotissement de l’intimée, sans frais de justice.
[2] Pour les motifs de la juge St-Pierre auxquels souscrivent les juges Hilton et Roy, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l’appel, avec frais de justice;
[4] INFIRME le jugement de première instance et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu :
[5] ACCUEILLE la requête introductive d’instance des demandeurs, avec frais de justice;
[6] DÉCLARE que le règlement 254 de la Ville de Sutton intitulé « Règlement modifiant et refondant le règlement de zonage 115-2 » constitue un règlement remplaçant le règlement de zonage 115-2 de la Ville de Sutton;
[7]
DÉCLARE que le processus d’adoption du règlement 254 de la
Ville de Sutton contrevient à l’article
[8] DÉCLARE que les procédures entourant l’adoption du règlement 254 de la Ville de Sutton sont nulles, irrégulières et invalides;
[9] DÉCLARE que le règlement 256 de la Ville de Sutton intitulé « Règlement modifiant et refondant le règlement de lotissement 116-1 » constitue un règlement remplaçant le règlement de zonage 116-1 de la Ville de Sutton;
[10]
DÉCLARE que le processus d’adoption du règlement 256 de la
Ville de Sutton contrevient à l’article
[11] DÉCLARE que les procédures entourant l’adoption du règlement 256 de la Ville de Sutton sont nulles, irrégulières et invalides;
[12] CASSE ET ANNULE les règlements suivants :
· Second projet de règlement 254 de la Ville de Sutton intitulé « Règlement de zone »;
· Règlement 254 de la Ville de Sutton intitulé « Règlement modifiant et refondant le règlement de zonage 115-2 »;
· Second projet de règlement 256 de la Ville de Sutton intitulé « Règlement de lotissement »;
· Règlement 256 de la Ville de Sutton intitulé « Règlement modifiant et refondant le règlement de lotissement 116-1 »
· Règlement no 254-1.1-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières aux abris temporaires hivernaux dans les zones C-01, C-02, C-03 et C-04 »
· Règlement no 254-1.2-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières aux abris temporaires hivernaux dans les zones C-04, C-07, H-25, H-26, H-28, H-29, H-31 et P-12 »
· Règlement no 254-1.3-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières aux services professionnels ou commerciaux pratiqués à domicile, atelier d’artiste et d’artisans dans la zone H-24 »
· Règlement no 254-1.4-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières concernant le calcul de la hauteur dans la zone PAM-04 »
· Règlement no 254-1.5-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières concernant le calcul de la hauteur dans la zone PAM-05 »
· Règlement no 254-1.7-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières concernant le calcul de la hauteur dans la zone PAM-09 »
· Règlement no 254-1.9-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières concernant le calcul de la hauteur dans la zone PAM-11 »
· Règlement no 254-1.10-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’appliquer des dispositions particulières concernant le calcul de la hauteur dans la zone PAM-13 »
· Règlement no 254-1.11-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 relativement aux normes de stationnement dans les zones C-01 à C-04 »
· Règlement no 254-1.12-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone A-02 »
· Règlement no 254-1.13-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone A-05 »
· Règlement no 254-1.14-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone A-06 »
· Règlement no 254-1.15-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone A-07 »
· Règlement no 254-1.16-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone A-11 »
· Règlement no 254-1.17-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone A-13 »
· Règlement no 254-1.18-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-12 »
· Règlement no 254-1.19-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone PAM-04 »
· Règlement no 254-1.20-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone PAM-07 »
· Règlement no 254-1.21-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone PAM-08 »
· Règlement no 254-1.22-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone PAM-10 »
· Règlement no 254-1.23-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone PAM-13 »
· Règlement no 254-1.24-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-03 »
· Règlement no 254-1.25-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-05 »
· Règlement no 254-1.26-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-06 »
· Règlement no 254-1.27-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-08 »
· Règlement no 254-1.28-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-09 »
· Règlement no 254-1.29-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-10 »
· Règlement no 254-1.30-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’annuler la marge avant maximale de 100 m dans la zone RUR-11 »
· Règlement no 254-2.1-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de créer les zones CONS-05 et CONS-14 à CONS-18 à même une partie des zones CONS-04 et RUR-08 »
· Règlement no 254-2.2-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’agrandir la zone A-12 à même une partie de la zone RUR-06 »
· Règlement no 254-2.4-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de modifier les limites de la zone PAM-10 à même une partie des limites des zones A-11, PAM-08, RUR-05 et RUR-06 »
· Règlement no 254-2.5-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de modifier les limites de la zone PAM-09 à même une partie des limites des zones A-12, CONs-01 et RUR-06 »
· Règlement no 254-2.6-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’agrandir la zone RUR-09 à même une partie des zones CONS-01 et PAM-13 »
· Règlement no 254-2.7-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de modifier une partie des limites des zones A-13 et PAM-13 »
· Règlement no 254-2.8-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de créer les zones CONS-06 à CONS-13 à même une partie de la zone CONS-01 »
· Règlement no 254-2.9-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de modifier une partie des limites de la zone RUR-05 à même une partie des limites des zones PAM-07, PAM-08 et PAM-10 »
· Règlement no 254-2.10-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de modifier une partie des limites de la zone PAM-07 à même une partie des limites des zones CONS-01 et RUR-05 »
· Règlement no 254-2.11-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de modifier une partie des limites de la zone RUR-11 à même une partie des limites de la zone PAM-07 »
· Règlement no 254-2.13-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’agrandir la zone A-07 à même la zone P-13 »
· Règlement no 254-2.14-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de créer la zone H-47 à même une partie de la zone H-04 »
· Règlement no 254-2.15-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin d’agrandir la zone A-04 à même une partie de la zone H-04 »
· Règlement no 254-2.16-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 afin de créer la zone H-50 à même une partie de la zone H-48 »
· Règlement no 256-1.1-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 256 afin de réduire la superficie minimale d’un lot dans la zone RUR-03 »
· Règlement no 256-1.2-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 256 afin de réduire la superficie minimale d’un lot dans la zone RUR-04 »
· Règlement no 256-1.3-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 256 afin de réduire la superficie minimale d’un lot dans la zone RUR-05 »
· Règlement no 254-3-2016 intitulé « Règlement modifiant le règlement no 254 »
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MOTIFS DE LA JUGE ST-PIERRE |
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[13] L’honorable François Tôth de la Cour supérieure (« le juge ») a-t-il erré en retenant que l’intimée Ville de Sutton (« Sutton ») n’avait pas remplacé, mais simplement modifié ses règlements de zonage et de lotissement, sans accroc procédural de nature à invalider la démarche réalisée?
[14] À mon avis, c’est le cas : Sutton a remplacé ses règlements de zonage et de lotissement, alors qu’elle ne pouvait le faire; le cas échéant, s’il me fallait conclure autrement (à des modifications plutôt qu’à des remplacements), le processus est entaché de vices qui invalident de toute manière la démarche entreprise par Sutton.
[16] Je m’explique.
[17] Bien que complexe en raison de la multiplicité des faits discutés et du contenu de la législation en cause (la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[2] (« la LAU »)), l’affaire demeure relativement simple comme le révèle le résumé du débat que propose le juge aux paragraphes 1 à 3 de son jugement et que je fais mien :
[1] Un groupe de 24 citoyens (les demandeurs) de la Ville de Sutton (« la Ville » « Sutton ») demande la cassation et la nullité des règlements de zonage 254 (RZ 254) et de lotissement 256 (RL 256) adoptés par Sutton le 15 juin 2015, ainsi qu’une multitude d’autres règlements (une cinquantaine) adoptés dans la foulée du processus d’approbation référendaire de RZ 254 et de RL 256.
[2] Selon les demandeurs, les règlements en question sont des « règlements de remplacement » des règlements existants et il y aurait dû y avoir préalablement une révision du plan d’urbanisme de la municipalité. Ils soumettent également des irrégularités dans la procédure d’adoption des règlements qui seraient des vices fatals.
[3] Sutton est d’avis contraire et soumet qu’elle a strictement suivi la procédure de modification de ses règlements d’urbanisme prévue à la Loi.
[18] Le juge avait donc deux questions à résoudre : celle portant sur la nature de l’intervention de Sutton (remplacement ou simple modification de règlements) et, le cas échéant, celle relative à la conformité du processus suivi, dans l’hypothèse où il retenait la thèse de la modification soutenue par Sutton.
[19] Le juge relate adéquatement les positions que lui soumettent les parties.
[20] Il décrit notamment la position des appelants de la façon suivante :
[85] Pour les demandeurs, les modifications réglementaires ne sont ni plus ni moins qu’un remplacement total des règlements de zonage et de lotissement et Sutton devait en conséquence procéder par la révision préalable du plan d’urbanisme selon la LAU.
[…]
[91] Selon le décompte ci-haut, les demandeurs sont d’avis qu’il s’agit d’un règlement complet en lui-même qui remplace purement et simplement le RZ 115-2. La véritable intention de la Ville était de procéder à l’abrogation des règlements 115-2 et 116-1 et de remplacer ces règlements dans leur intégralité par les règlements RZ 254/2 et RL 256/2.
[…]
[93] Selon les demandeurs, le RZ 254/2 totalise, incluant les dispositions et les annexes, pas moins de 648 pages et constitue un règlement de zonage complet en lui-même. Il est clair que le second projet de règlement 254 visait le remplacement pur et simple du règlement RZ 115-2. Ainsi, quand les avis de motion et avis publics parlaient d’abrogation et de remplacement des règlements de zonage et de lotissement, ils exprimaient la véritable intention de la Ville. C’est probablement à l'occasion d’une vérification juridique que le titre s’est subtilement transformé en « modification et refonte » pour éviter l’écueil de la révision quinquennale du plan d’urbanisme.
[94] Mais, à l’inverse, l’avis de motion tel qu’il a été donné (« remplacement des RZ 115-2 et RL 116-1 tel qu’amendés ») ne donnait pas le véritable objet de ce que le Conseil prétend avoir finalement fait : des modifications aux règlements et une refonte de ceux-ci. L’avis de motion est totalement silencieux quant aux modifications qu’on veut apporter aux règlements. Les demandeurs soumettent qu’une telle insuffisance dans les avis équivaut à une absence d'avis et entraîne la nullité du règlement.
[95] Pour les demandeurs, la Ville ne pouvait remplacer le RZ 115-2 sans procéder à une révision de son plan d’urbanisme qui ne peut avoir lieu avant le 8 mars 2016. Dans ce cas, l’entrée en vigueur des règlements de remplacement est soumise à un seul scrutin référendaire auprès de l’ensemble de la population de la Ville et non pas à des dizaines de référendums locaux ou sectoriels.
[96] Les demandeurs soumettent le même raisonnement pour le RL 256.
[…]
[136] Ainsi, le remplacement complet des règlements de zonage et de lotissement doit nécessairement amener d’abord la révision du plan d’urbanisme. Pour les demandeurs, les RZ 254 et RL 256 sont des « règlements de remplacement » qui ne pouvaient être adoptés sans révision du plan d’urbanisme, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le plan d’urbanisme n’ayant pas été révisé. Le processus suivi par Sutton serait donc affecté de nullité.
[…]
[146] Or, en 2012[3], il était impossible de procéder à une révision du plan d’urbanisme puisque le délai de cinq ans de l'article 110.3.1 n’était pas échu. Ce que plaident les demandeurs, c’est que Sutton a fait indirectement ce que la LAU interdit de faire directement : remplacer les règlements d’urbanisme sans révision du plan. Bref, la révision du plan est le préalable au remplacement des règlements. Autrement, il y a illégalité.
[…]
[149] Les demandeurs se sont lancés dans une étude détaillée des nouveaux règlements d’urbanisme, non pas pour en examiner la conformité locale, mais bien pour démontrer que les anciens règlements RZ 115-2 et RL 116-1 ont subi des changements tellement nombreux et substantiels qu’ils sont atteints dans leurs fondements, ce qui, d’un point de vue juridique, constituerait un remplacement.
[21] Alors que, au sujet de celle de Sutton, le juge écrit :
[121] La Ville plaide que la modification de la réglementation d’urbanisme est une prérogative et un acte discrétionnaire du Conseil municipal. Elle relève de l’opportunité politique.
[122] Les citoyens n’ont pas de droits acquis à la pérennité d’un règlement.
[123] La Cour supérieure ne doit s’intéresser qu’à la légalité des règlements. Pour ce qui est de l'opportunité d’un règlement, c’est sur le terrain de la démocratie municipale que la partie doit se jouer.
[…]
[125] Le pouvoir de la municipalité de réglementer l’utilisation du sol en divisant le territoire de la municipalité en différentes zones et en différents usages est prévu à la LAU (art. 113).
[126] La Ville a suivi la procédure de modification d’un règlement prévue à la LAU. Quoique l’opération se soit révélée particulièrement complexe, les grandes étapes du processus ont été suivies et les citoyens ont pu exercer leurs droits démocratiques.
[22] Les parties ne remettent pas en cause les constats de fait énoncés par le juge.
· L’existence de moyens d’action identifiés au plan d’urbanisme pour mettre en œuvre les grandes orientations de ce plan :
[20] Des moyens d’action ont été identifiés pour mettre en œuvre ces grandes orientations, citons :
… La Ville de Sutton exprime ainsi sa volonté de mettre en œuvre les moyens qui ont été identifiés dans le cadre de la détermination des orientations d’aménagement.
1.1.4.
Restreindre le développement immobilier en zones de conservation et son aire de protection.
[…]
2.9.3
Limiter le développement immobilier dans les niveaux d’altitude au-delà de 350 mètres et 550 mètres, par des dispositions qualitatives et normatives.
2.9.4
Maintenir l’interdiction de construction à une altitude supérieure à 600 mètres.
· La tenue d’une réunion non publique, en octobre 2014, à l’initiative du maire :
[26] En octobre 2014, le maire tient une rencontre non publique avec les conseillers MM. Kenneth Hill et John Hawler, l’inspectrice municipale, une courtière immobilière, trois entrepreneurs en excavation, deux promoteurs immobiliers, un arpenteur-géomètre, un entrepreneur en paysagement et un entrepreneur en construction. Ils veulent connaître les préoccupations des acteurs de la construction et du développement immobilier et savoir quelles sont les barrières au développement immobilier à Sutton.
· La preuve prépondérante quant au but poursuivi par Sutton :
[28] Au début 2015, la Ville de Sutton accélère les démarches légales visant à modifier le RZ 115-2 et le RL 116-1. Ces modifications intègrent les sujets et doléances des participants de la réunion d’octobre 2014. La preuve est prépondérante que le but de ces modifications est de faciliter et de stimuler la construction résidentielle, notamment en zone PAM.
· Les qualificatifs accordés par Sutton à ses règlements contestés au fil du temps (remplacer, abroger ou modifier) :
[29] Le 2 février 2015, lors de la séance ordinaire du Conseil municipal de Sutton, un avis de motion est donné à l’effet que le règlement 254 intitulé « Règlement de zonage » sera présenté pour adoption. Selon l’avis de motion, le règlement a pour objet de remplacer le Règlement de zonage de la Ville de Sutton numéro 115-2, tel qu’amendé. À la même séance, un avis de motion est donné au même effet afin de remplacer le règlement de lotissement RL 116-1 par le règlement 256.
[30] L’avis aux citoyens daté du 1er février 2015 prévoit que « un avis de motion a été adopté en vue de remplacer les règlements de zonage et de lotissement ».
[…]
[33] Par la suite, le Conseil convoque une assemblée de consultation publique à ce sujet pour le 11 mars 2015. Cet avis public réfère maintenant à l’abrogation des règlements RZ 115-2 et RL 116-1 par les règlements RZ 254 et RL 256 respectivement.
[…]
[39] À la séance du Conseil municipal du 1er juin 2015, on traite, pour la première fois, du « Règlement modifiant et refondant le règlement de zonage 115-2 » et, de la même manière, en ce qui concerne le règlement de lotissement 116-1.
[40] Le 15 juin 2015, le Conseil de Sutton adopte le second projet de règlement 254 « Règlement de zonage » (« RZ 254/2 ») et le second projet de règlement 256, « Règlement de lotissement » (RL 256/2).
[41] L’article 305 du RZ 254/2 édicte :
Abrogation
Le présent règlement modifie à toutes fins que de droit, le règlement de zonage numéro 115-2 conformément au tableau des modifications modificatrices joint comme annexe au présent règlement pour en faire partie intégrante.
[…]
[67] L’avis poursuit en décrivant l’objet des projets de règlements :
Que le premier projet de règlement numéro 254 intitulé « Règlement de zonage » vise l’abrogation du règlement 115-2 intitulé « Règlement de zonage de la Ville de Sutton »
Que le premier projet de règlement numéro 256 intitulé « Règlement de lotissement » vise l’abrogation du règlement 116-1 intitulé « Règlement de lotissement de la Ville de Sutton »
[nos soulignés]
[68] Il n’est pas question dans ces avis de modifications aux règlements existants et de refonte. On annonce un règlement de zonage qui vise à abroger l’actuel RZ 115-2. Si on abroge le RZ 115-2, c’est pour le remplacer par un nouveau règlement plaident les demandeurs.
· L’absence d’identification des dispositions sujettes à référendum lors de la présentation du 11 avril 2015[4] :
[38] Il
est prépondérant que M. Girard n’a pas identifié les dispositions du règlement
susceptibles d'approbation référendaire contrairement à ce qui était annoncé à
l'ordre du jour et à ce qu’exige l’article
· L’impossibilité pour Sutton de respecter la législation en raison de la complexité du processus qu’elle entreprend :
[74] L’urbaniste de Sutton, M. Girard, a témoigné qu’il aurait été impossible de respecter les dispositions de la loi tant il y avait de dispositions susceptibles d’approbation référendaire.
· La situation dans laquelle se trouve le citoyen dans le contexte de la procédure suivie par Sutton :
[83] La preuve est prépondérante que le citoyen ne pouvait pas, sauf recherche approfondie et perspicacité, découvrir dans quelle zone il réside à partir du site Internet de la Ville. Malgré toute la technologie, c’est encore le bon vieux coup de téléphone à la Ville qui était la solution et ce qui était suggéré dans la Foire aux questions.
[84] Du témoignage des citoyens et de la preuve documentaire déposée, le Tribunal tire la conclusion que la procédure de modification des RZ 115-2 et RL 116-1 s’est avérée extraordinairement complexe à cause de plusieurs facteurs qui se sont surajoutés :
• L’avis de motion, les avis publics et les titres des projets de règlement parlent successivement de remplacement, d’abrogation, de modification et de refonte des règlements d’urbanisme;
• Une consultation publique qui ne respecte pas les obligations d’information de la LAU quant aux dispositions susceptibles d’approbation référendaire;
• Un « résumé » du règlement de zonage qui compte 172 pages et qui noie le citoyen dans une mer de dispositions;
• Une quantité importante d’articles abrogés, modifiés, ajoutés et une numérotation refondue;
• Un avis public de l’adoption des seconds projets de règlement donné le 22 juillet 2015, en pleine période de vacances;
• Un délai de rigueur de huit jours pour déposer une demande d’ouverture de registre avec le nombre de signatures requises et qui doit indiquer clairement la disposition qui en fait l'objet et la zone ou le secteur de zone d'où elle provient.
· La preuve des demandeurs atteste qu’il ne s’agit pas d’une simple refonte :
[157] Les demandeurs ont démontré que les RZ 254 et RL 256 n’étaient pas de simples refontes des règlements antérieurs qui édictaient des règles identiques aux anciens règlements.
[158] Le RZ 254 comprend des dispositions identiques (24 %) au règlement antérieur, mais aussi de nombreuses dispositions qui modifient (32 %) ou abrogent (30 %) les règles antérieures ou qui introduisent de nouvelles règles d’urbanisme (15 %).
· D’un point de vue quantitatif, la preuve des demandeurs atteste d’un remplacement :
[158] Le RZ 254 comprend des dispositions identiques (24 %) au règlement antérieur, mais aussi de nombreuses dispositions qui modifient (32 %) ou abrogent (30 %) les règles antérieures ou qui introduisent de nouvelles règles d’urbanisme (15 %).
[159] D’un point de vue quantitatif, nous sommes dans une hypothèse de remplacement. […]
· Les nouveaux règlements font en sorte que le développement immobilier est étendu ou rendu moins contraignant dans les aires de protection d’altitude moyenne (« PAM ») :
[182] On ne peut pas dire que le développement immobilier n’est pas limité ou régi par des dispositions qualitatives et normatives. Il est exact de dire qu’il a été étendu ou rendu moins contraignant, peut-être ou certainement selon l’une ou l’autre partie, mais cela ne va pas à l’encontre du plan d’urbanisme. Il ne s’agit pas de l’ouverture des aires PAM à la construction débridée et sans encadrement normatif, ce qui aurait pu constituer une manœuvre détournée et illégale.
· Aux dates pertinentes, Sutton ne pouvait pas légalement « remplacer » ses règlements :
[187] Le remplacement ne peut survenir qu’à l’occasion de la révision du plan d’urbanisme.
[…]
[189] La période de cinq ans n’était pas échue et Sutton ne désirait pas réviser son plan d’urbanisme, qui rappelons-le, avait été une œuvre de plus de 30 mois.
[…]
[193] Sutton ne pouvait prendre la voie allégée puisque le délai de cinq ans n’était pas échu.
[24] Bien qu’il reconnaisse que sur le plan quantitatif il est en présence d’un remplacement de règlements[5], le juge retient la thèse de Sutton, soit celle de la modification.
[25] Ce qui le conduit à conclure à la modification plutôt qu’au remplacement c’est sa conviction que pour étayer le remplacement les citoyens demandeurs (« les appelants ») doivent se décharger d’un fardeau additionnel, soit celui de démontrer un aspect qualitatif lié à une incompatibilité substantielle de contenu entre les règlements contestés et le plan d’urbanisme en vigueur, comme l’illustre le contenu des paragraphes 159, 195, 196, 205 et 206 de son jugement :
[159] D’un point de vue quantitatif, nous sommes dans une hypothèse de remplacement. Mais, de l’avis du Tribunal, ce n’est pas suffisant. Les demandeurs doivent démontrer qu’au plan qualitatif, les changements sont substantiels et s’écartent du plan d’urbanisme. Ce n’est qu’à ce moment que le syllogisme sera complet. Nous reviendrons sur cette question.
[…]
[195] Une Ville peut réviser son plan d’urbanisme et adopter un règlement de concordance ou de remplacement. Si, selon les demandeurs, Sutton a remplacé ses règlements d’urbanisme, il faudrait y trouver des indices d’une révision du plan d’urbanisme. Il devrait y avoir des incompatibilités ou des contradictions claires entre les règlements et le plan d’urbanisme. Ou encore il faudrait y voir une volonté du Conseil de passer outre de façon claire et évidente aux objectifs du plan.
[196] Le plan d’urbanisme a-t-il été mis en péril, compromis, contredit ou rendu caduc? Y a-t-il eu des changements substantiels ou fondamentaux aux affectations du sol prévues au plan d’urbanisme? La preuve ne le démontre pas et le Tribunal ne le croit pas.
[…]
[205] Le Tribunal est d’avis que l’adoption des règlements RZ 254 et RL 256 n’a pas eu pour effet de réviser indirectement le plan d’urbanisme et les règlements ne contreviennent pas à ses dispositions.
[206] La demande doit donc être rejetée.
[Je souligne]
[26] Au sujet de ce qu’il qualifie « d’informalités », le juge retient ce qui suit :
[167] Des avis de
motion ont été donnés. L’avis de motion met le Conseil en état de légiférer.
L’article
[168] Les auteurs Giroux et Chouinard ne manquent pas de relever que la jurisprudence s’est révélée contradictoire sur cette question de contenu de l’avis de motion. La décision du juge Dugas dans Lacharité c. Ste-Marthe-sur-le-Lac distinguant entre l’effet primaire (la mise en état de légiférer) et l’effet secondaire (l’effet de gel) de l’avis de motion a été suivie par les tribunaux.
[169] En l’espèce,
l’avis de motion ne peut être affecté que de nullité relative couverte par
l'article
11. Nulle action, défense ou exception, fondée sur l’omission de formalités, même impératives, dans un acte du conseil ou d’un fonctionnaire ou employé de la municipalité, n’est recevable, à moins que l’omission n’ait causé un préjudice réel, ou à moins qu’il ne s’agisse d’une formalité dont l’inobservation entraîne, d’après les dispositions de la loi, la nullité de l’acte où elle a été omise.
[170] Ce que les
demandeurs invoquent, c’est un préjudice de droit inexistant. Comme l’avis de
motion annonçait que le règlement proposé allait remplacer le règlement de
zonage 115-2, les citoyens pouvaient donc s’attendre à une révision du
plan d’urbanisme vu l’article
[171] L’avis public de consultation est très clair quant à l’objet de la réunion concernant les règlements de zonage et de lotissement de la Ville, qu’ils visaient l’ensemble du territoire et qu’ils contenaient des dispositions susceptibles d’approbation référendaire. Personne n’est induit en erreur au contraire de la situation dans l'arrêt Ville de Beaconsfield.
[172] Les informalités
relevées lors de la consultation publique ne sont pas susceptibles d’entraîner
la nullité des règlements non plus (art.
[Je souligne]
[27] Bref, comme les citoyens demandeurs n’ont pas fait la preuve, à son avis, de l’aspect qualitatif lié au contenu du plan d’urbanisme et qu’aucune informalité n’est susceptible d’entraîner la nullité des règlements contestés, le juge conclut de la façon suivante :
[197] Le Tribunal n’a pas à examiner la conformité des règlements d’urbanisme avec le plan d’urbanisme. Ce n’est pas son rôle. Les demandeurs doivent démontrer une illégalité.
[198] Nous sommes loin de la situation analysée dans Ville de Chicoutimi où la Ville avait voulu implanter un lieu d’enfouissement des neiges usées dans une zone commerciale, alors que le plan d’urbanisme prévoyait leur implantation dans des zones industrielles désignées au plan. Il s’agissait d’une disposition contraignante.
[199] L’arrêt Pires
de la Cour d’appel n’apparaît pas viser précisément la situation en
l’espèce puisqu’il s’agissait d’un règlement qui pouvait faire l’objet d’une
demande de conformité locale à la CMQ, ce qui n’est pas le cas ici puisqu’il
s’agit d’une modification réglementaire (art.
[200] Dans le document du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, on peut lire :
Le choix des moyens pour arriver à la conformité est un pouvoir de nature politique et il n’appartient pas aux tribunaux de se prononcer sur l’exercice de ce pouvoir, à moins d’illégalité.
[201] Il y a manifestement des visions qui s’affrontent sur le territoire de Sutton quant au développement et quant à la protection de l’environnement et du paysage. C’est dans le cours normal des choses dans notre société. On est ici sur le terrain des idées et des débats qui sont du ressort du domaine démocratique et à l’abri de l’examen des tribunaux.
[202] La procédure municipale a ceci de particulier, c’est que dans un cas de modification aux règlements de zonage, certaines dispositions seulement peuvent être susceptibles d’approbation référendaire (usage, densité, implantation) par les personnes habiles à voter de la zone concernée ou des zones contiguës, alors que dans le cas d’une révision du plan d’urbanisme, la consultation est unique et collective.
[203] L’auteur Lorne Giroux explique que la procédure de remplacement permet de « noyer » le vote référendaire des oppositions locales dans celui de l’ensemble des personnes habiles à voter de toute la municipalité, puisque le remplacement n’est pas soumis aux seules personnes habiles à voter des zones visées et des zones contiguës aux zones visées par la modification du règlement de remplacement.
[204] Ce n’est pas le rôle du Tribunal de décider si une méthode est meilleure que l'autre. La LAU prévoit les deux. Toutefois, une seule était possible en l’espèce pour le Conseil, soit la modification.
[205] Le Tribunal est d’avis que l’adoption des règlements RZ 254 et RL 256 n’a pas eu pour effet de réviser indirectement le plan d’urbanisme et les règlements ne contreviennent pas à ses dispositions.
[206] La demande doit donc être rejetée.
[207] Le procès a permis de mettre à jour des informalités dans le processus d’adoption. Il a amené la Ville à abroger cinq règlements et à en corriger deux autres. Dans ces circonstances, aucuns frais de justice ne seront accordés.
[208] Le Tribunal tient à souligner l’excellent travail des procureurs et les en remercie. La qualité de la présentation et de la documentation (plans, tableaux, acétates, etc.) a été très relevée et appréciée.
[28] Les appelants proposent deux moyens d’appel, ainsi rédigés :
Premier moyen : le juge a erré en concluant que les règlements de zonage 254 (« RZ 254 ») et de lotissement 256 (« RL 256 ») ne constituaient pas des remplacements réglementaires au sens de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (la « LAU »).
Deuxième moyen : le juge a erré en concluant que la tenue d’une assemblée de consultation publique non conforme aux exigences de la LAU n’était pas un motif d’invalidation des règlements RZ 254 et de lotissement RL 256 adoptés.
[29] J’analyse ces moyens d’appel tour à tour.
[30] Le juge commet une erreur en retenant que les règlements RZ 254 et RL 256 ne constituent pas des « règlements de remplacement » au sens de la LAU, alors que les faits qu’il constate auraient dû le conduire à la conclusion contraire.
[31] Je rappelle que les appelants ne remettent pas en cause les faits retenus par le juge, mais seulement les conclusions qu’il en tire, alors qu’il interprète les textes de loi applicables.
[32] Pour le juge, deux aspects doivent être pris en compte pour déterminer s’il est en présence d’un remplacement : un aspect quantitatif (le nombre de changements) et un aspect qualitatif lié, à son avis, au contenu du plan d’urbanisme (la nature des changements contenus aux règlements et leur incompatibilité avec le plan d’urbanisme).
[33] Alors que son analyse de l’aspect quantitatif repose sur une comparaison effectuée entre l’ancien et le nouveau texte des règlements[6], le juge procède différemment au moment de traiter de l’aspect qualitatif. Dans ce cas, il entreprend un exercice de comparaison opposant le plan d’urbanisme et les nouveaux textes réglementaires, sans égard au contenu des anciens règlements (RZ 115 et RL 116). Ce faisant, il commet à mon humble avis une erreur révisable.
[34]
La LAU prévoit les circonstances et conditions aux termes desquelles une
municipalité peut remplacer un règlement de zonage ou de lotissement. En effet,
bien qu’elle puisse modifier de tels règlements en tout temps, sous réserve de
respecter les modalités et formalités énoncées dans la loi, une municipalité ne
peut remplacer de tels règlements, sous peine de nullité, qu’à certains moments
et que sous les conditions établies par les articles
110.3.1 Le conseil de la municipalité peut, à compter de la date du cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur du premier plan d’urbanisme ou du dernier plan révisé, selon le cas, réviser le plan en suivant, compte tenu des adaptations nécessaires, le processus prévu aux articles 109.1 à 109.8, 109.9 et 110 à 110.3.
Toutefois, si, pour respecter l’obligation prévue à l’article 110.10.1 d’adopter le même jour le règlement révisant le plan et celui qui remplace le règlement de zonage ou de lotissement, le conseil doit réadopter sans modification le règlement révisant le plan, les articles 109.1 à 109.4 ne s’appliquent pas à l’égard du règlement réadopté.
De plus, si, en application de l’article 110.10.1, le conseil adopte le même jour le règlement révisant le plan et celui qui remplace le règlement de zonage ou de lotissement, la délivrance et la transmission du certificat de conformité, prévues à l’un des articles 109.7 et 109.9 à l’égard du règlement révisant le plan, ne peuvent être effectuées tant que celles prévues à l’un des articles 137.3 et 137.5 ne peuvent l’être à l’égard de tout autre règlement ainsi adopté le même jour. Les délivrance et transmission sont alors effectuées le même jour à l’égard de tous ces règlements.
110.10.1. Pour remplacer le règlement de zonage ou de lotissement, le conseil de la municipalité doit, sous peine de nullité, adopter le règlement de remplacement le jour où il adopte celui qui révise le plan.
Le règlement de zonage ou de lotissement doit être conforme au plan révisé, tels qu’ils sont prévus par les règlements adoptés le même jour.
136.0.1 Tout règlement adopté en vertu de l’article 134 qui, en application de l’article 110.10.1, remplace le règlement de zonage ou de lotissement doit être approuvé par toutes les personnes habiles à voter conformément, compte tenu le cas échéant de l’adaptation prévue au troisième alinéa, à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E‐2.2).
Toutefois, si, pour respecter l’obligation prévue à l’article 110.10.1 d’adopter le même jour le règlement révisant le plan et celui qui remplace le règlement de zonage ou de lotissement, le conseil doit réadopter sans modification un règlement qui a reçu l’approbation des personnes habiles à voter, le règlement réadopté est réputé avoir reçu cette approbation sans avoir à être soumis au processus prévu par la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.
Les périodes de 45 et de 120 jours prévues respectivement aux articles 535 et 568 de cette loi commencent à courir le lendemain, soit de l’un ou l’autre des jours visés aux paragraphes 1° et 2°, soit du dernier de ces jours, selon que s’appliquent à l’égard du règlement, parmi les articles de la présente loi mentionnés dans ces paragraphes, soit uniquement un article mentionné dans un seul de ceux-ci, soit des articles mentionnés dans les deux:
1° le jour où la municipalité régionale de comté approuve le règlement en vertu de l’article 137.3 ou celui où la municipalité reçoit la copie de l’avis de la Commission, prévu à l’article 137.5, selon lequel le règlement est conforme aux objectifs du schéma et aux dispositions du document complémentaire;
2° le jour où le règlement est réputé, en vertu de l’article 137.13, être conforme au plan d’urbanisme.
|
110.3.1 The council of the municipality may, from the fifth anniversary of the coming into force of the first planning program or of the latest revised planning program, as the case may be, revise the planning program in accordance with the process set out in sections 109.1 to 109.8, 109.9 and 110 to 110.3, adapted as required.
Where, however, to comply with the obligation under section 110.10.1 to adopt on the same day the by-law revising the planning program and the by-law that replaces the zoning or subdivision by-law, the council is required to readopt the by-law revising the planning program without amendment, sections 109.1 to 109.4 shall not apply to the readopted by-law. Furthermore, where, pursuant to section 110.10.1, the council adopts on the same day the by-law revising the planning program and the by-law that replaces the zoning or subdivision by-law, the issue and transmission of the certificate of conformity under section 109.7 or 109.9 in respect of the by-law revising the planning program may not be effected as long as the issue and transmission under section 137.3 or 137.5 cannot be effected in respect of any other by-law so adopted on the same day. The issue and transmission are effected on the same day in respect of all the by-laws.
110.10.1. To replace the zoning or subdivision by-law, the council of the municipality shall, on pain of nullity, adopt the replacement by-law on the same day as it adopts the by-law revising the planning program.
The zoning or subdivision by-law must be in conformity with the revised planning program, as provided by the by-laws adopted on the same day.
136.0.1 Any by-law adopted under section 134 that, pursuant to section 110.10.1, replaces the zoning or subdivision by-law must be approved by all qualified voters in accordance, having regard to any adaptation under the third paragraph, with the Act respecting elections and referendums in municipalities (chapter E‐2.2).
Where, however, to comply with the obligation under section 110.10.1 to adopt on the same day the by-law revising the planning program and the by-law that replaces the zoning or subdivision by-law, the council is required to readopt without amendment a by-law that has received the approval of the qualified voters, the readopted by-law is deemed to have received that approval without having been subject to the process set out in the Act respecting elections and referendums in municipalities.
The 45-day and 120-day periods provided, respectively, by sections 535 and 568 of that Act shall begin to run on the day after either the day referred to in subparagraph 1 or 2 or the later of those days, according to whether, from among the sections of this Act mentioned in those subparagraphs, only one section mentioned in only one subparagraph applies in respect of the by-law or more than one section mentioned in both subparagraphs applies thereto:
(1) the day on which the regional county municipality approves the by-law under section 137.3 or the day the municipality receives a copy of the assessment of the Commission, provided for in section 137.5, according to which the by-law conforms to the objectives of the RCM plan and to the provisions of the complementary document; (2) the day on which the by-law is deemed, under section 137.13, to be in conformity with the planning program. |
[35]
Le juge retient que les circonstances qui prévalaient, à toute époque
pertinente au débat, ne permettaient pas à Sutton de remplacer ses règlements
conformément à la LAU : tous en conviennent d’ailleurs, car
l’article
[36] En l’espèce, comme je l’ai énoncé dès mon introduction, j’estime que le juge devait conclure au remplacement des règlements RZ 115 et RL 116, soit à une opération illégale et nulle.
[37] Voyons pourquoi je conclus de la sorte.
[38] Modifier et remplacer, ce n’est pas la même chose. Il s’agit de deux notions distinctes, non interchangeables, comme le juge le reconnaît. En effet, au paragraphe 204 de son jugement, il écrit qu’il n’a pas à « décider si une méthode est meilleure que l’autre » puisque « [la] LAU prévoit les deux ». Il poursuit en constatant qu’à l’époque pertinente Sutton pouvait modifier, mais qu’elle ne pouvait remplacer légalement.
[39] Mais comment distinguer la modification du remplacement? Quand retenir l’une plutôt que l’autre? Quels outils d’analyse peut-on ou doit-on utiliser?
[40] D’abord, lorsque la loi ne définit pas un terme, il y a lieu de « favoriser le sens courant, le sens ordinaire des mots et expressions utilisés. »[7]. En effet, « il faut présumer que le législateur entend les mots dans le même sens que le justiciable. »[8].
[41] Or, les dictionnaires usuels de langue française définissent le terme « remplacer » par le fait de « substituer une chose par une autre »[9] ou encore de « mettre à la place de, succéder à »[10].
[42] Ensuite, aux fins de distinguer en droit une modification d’un remplacement, les enseignements du professeur Pierre-André Côté sont particulièrement éclairants :
345. La vie d’un texte de loi commence dès son édiction, mais son effet ne se fait sentir en principe qu’à compter de l’entrée en vigueur. Par la suite, le texte pourra subir des modifications puis son existence cessera lorsqu’il sera abrogé, remplacé ou qu’il aura expiré.
[…]
Paragraphe 2 : La modification du texte de loi
366. Un texte de loi peut être modifié par un autre texte, même par un texte adopté dans la même session. La modification peut emprunter des formes diverses. Essentiellement, elle s’effectue par la suppression, l’ajout ou le remplacement de termes précis ou de dispositions entières.
[…]
368. L’idée que le texte modificatif s’insère dans le texte qu’il veut modifier justifie également que l’on considère que l’abrogation d’une loi emporte abrogation des textes qui l’ont modifiée sans qu’il soit besoin de le préciser.
[…]
Paragraphe 3 : L’abrogation, le remplacement et l’expiration du texte de loi
371. Pour toute règle de droit de source législative, on doit distinguer la période pendant laquelle elle est exécutoire, sa « période d’observation », de la période à l’égard de laquelle elle est applicable, sa « période d’application ». Après avoir considéré cette distinction, les modes principaux d’extinction de la loi seront étudiés, soit l’abrogation, le remplacement et l’expiration.
Sous-paragraphe 1 : Période d’observation et période d’application des règles de droit
372. La règle de droit que le texte édicte a force exécutoire depuis le moment de l’entrée en vigueur du texte jusqu’au moment où le Parlement révoque le texte par abrogation ou remplacement, ou jusqu’au temps prévu pour son expiration. […]
376. Abroger une loi, c’est en faire disparaître la forme même, c’est en effacer le texte. […]
377. […] L’abrogation s’attaque au texte de la loi et elle est, pour ce motif, nécessairement absolue : un texte est abrogé ou il ne l’est pas, et l’abrogation vaut erga omnes.
[…]
384. Une loi ne cesse d’être exécutoire que lorsque surviennent l’un ou l’autre des trois événements suivants : l’abrogation du texte, son remplacement ou son expiration.
Sous-paragraphe 2 : L’abrogation du texte de loi
385. Le pouvoir d’adopter une disposition législative ou réglementaire comprend celui de l’abroger, c’est-à-dire de la révoquer.
386. Normalement, l’abrogation du texte opère suppression de la règle qu’il exprime, mais il est possible que l’abrogation ne manifeste pas la volonté législative de supprimer la règle. C’est le cas, notamment, pour l’abrogation du texte ancien dans le cadre de la refonte législative : cette abrogation n’implique pas que la règle est supprimée. Elle continue d’exister et trouve son expression dans le nouveau texte.
[…]
Sous-paragraphe 3 : Le remplacement du texte de loi
394. Une loi ou une disposition législative est remplacée lorsque, au moment même où il la révoque, le législateur lui substitue un nouveau texte portant sur le même sujet.
395. Au plan formel, le remplacement s’analyse comme une abrogation du texte remplacé et l’édiction d’un nouveau texte. Au plan matériel, le remplacement doit être considéré généralement comme une simple modification du droit antérieur plutôt que comme sa suppression pure et simple.
396. En effet, le remplacement constitue le plus souvent une technique de modification du droit et s’il opère abrogation du texte antérieur, cette abrogation n’emporte pas tous les effets ordinaires d’une abrogation.
397. Quels sont les effets d’un remplacement? On les trouvera d’abord dans la loi même qui le prévoit. À défaut de dispositions particulières, ce sont les lois d’interprétation qui s’appliquent en principe, soit l’article 13 de la loi québécoise et l’article 44 de la loi canadienne. Ces textes doivent être complétés par certains principes qui découlent de la nature et du caractère du remplacement. À ce titre, il faut rappeler que, le remplacement opérant révocation de la loi remplacée, celle-ci doit, à certains égards, être considérée comme abrogée. […]
398. Pour cerner les effets du remplacement, il faut distinguer selon qu’il vise à reformuler le droit ou à le réformer.
Alinéa 1 : Le remplacement ayant valeur de refonte
399. Si un texte est remplacé par un autre qui énonce des règles identiques à celles du texte remplacé, le remplacement a valeur de refonte […]
Alinéa 2 : Le remplacement ayant une valeur de réforme
400. La loi nouvelle peut énoncer des règles différentes de celles que prévoit la loi ancienne. On a alors affaire à un remplacement qui opère réforme du droit.[11]
[43] En l’espèce, les règlements RZ 254 et RL 256 ne s’insèrent pas dans le texte des règlements RZ 115 et RL 116. De fait, ils abrogent ces anciens règlements que Sutton fait disparaître, alors que toutes les dispositions de zonage et de lotissement se retrouvent dorénavant et exclusivement dans les règlements RZ 254 et RL 256. Il y a substitution de nouveaux textes aux anciens sur le même sujet et ces substitutions emportent modification du droit et réforme.
[44] Conséquemment, en présence de ces constats et selon les faits retenus par le juge, force m’est de conclure au remplacement plutôt qu’à la modification. J’y reviens sous peu plus en détail, après avoir dit quelques mots au sujet de l’analyse effectuée par le juge et de ses caractéristiques.
[45] Selon le juge, comme il l’énonce au paragraphe 156 de son jugement, l’expression « règlement de remplacement » comporte « des notions qualitatives et quantitatives », un constat qu’il tire du Guide de rédaction législative publié par la Direction générale des affaires législatives en 1984 dont il cite les extraits suivants :
100. Abroger un texte, c’est lui retirer sa force obligatoire. Le remplacer, c’est l’abroger en lui en substituant un autre. […]
108. En général, on ne procédera pas au remplacement de l’ensemble d’une loi que si les changements qu’elle doit subir sont de nature à l’atteindre dans ses fondements ou dans sa structure, ou si ces changements sont trop nombreux pour être facilement effectués au moyen d’une loi modificative.[12]
[Je souligne et ajoute le caractère gras]
[46] Je fais mienne cette citation du Guide de rédaction législative, mais note que, malgré les diverses options disjonctives qu’elle comporte en raison de l’usage soutenu du terme « ou », le juge l’applique autrement : en effet, selon lui, pour établir une situation de remplacement, les appelants devaient démontrer deux caractéristiques, soit l’aspect quantitatif (« changements trop nombreux ») et l’aspect qualitatif (« de nature à l’atteindre dans ses fondements » ou « dans sa structure ») — la preuve d’un seul des deux ne suffisant pas.
[47] Comme le juge le constate au paragraphe 159 de son jugement (reproduit au paragraphe [23] des présents motifs), l’aspect quantitatif ne pose pas de difficultés : la preuve administrée conduit nécessairement à retenir la thèse du remplacement.
[48] Ce n’est donc qu’en raison de l’exercice auquel il se livre pour évaluer l’aspect qualitatif que le juge retient la thèse de la « modification » et qu’il écarte celle du « remplacement », alors qu’il écrit que :
· les appelants n’ont pas démontré que « les changements sont substantiels et s’écartent du plan d’urbanisme », « des indices d’une révision du plan d’urbanisme », « des incompatibilités ou des contradictions claires entre les règlements et le plan d’urbanisme » ou encore « une volonté du Conseil de passer outre de façon claire et évidente aux objectifs du plan »; et,
· qu’il leur fallait établir que le plan d’urbanisme avait été « mis en péril, compromis, contredit ou rendu caduc » ou que les règlements contestés comportaient des « changements substantiels ou fondamentaux aux affectations du sol prévues au plan d’urbanisme ».
[49] S’il est vrai que l’analyse d’une situation donnée, aux fins de déterminer s’il s’agit d’une modification ou d’un remplacement, comporte l’examen de deux volets (quantitatif et qualitatif), il est inexact d’affirmer qu’en l’espèce l’incompatibilité avec le plan d’urbanisme de la municipalité constituait nécessairement un critère pour conclure au remplacement.
[50] Ce qu’il faut comparer, comme on le voit des extraits ci-haut reproduits de l’ouvrage du professeur Côté, ce sont les anciens textes (les RZ 115 et RL 116) et les nouveaux (les RZ 254 et RL 256) : les nouveaux textes ont-ils été substitués aux anciens et ont-ils effet de réforme, pas simplement de refonte? Alors que l’exercice conduit à constater une substitution de textes avec effet de réforme et pas simplement de refonte, comme c’est le cas en l’espèce, la conclusion du remplacement s’imposait.
[51] Les règlements RZ 254 et RL 256, les nouveaux règlements, sont complets en eux-mêmes et ils se substituent aux règlements antérieurs de zonage (RZ 115) et de lotissement (RL 116).
[52] Comme le note le juge au paragraphe 158 de son jugement, le règlement RZ 254 « comprend des dispositions identiques (24 %) au règlement antérieur, mais aussi de nombreuses dispositions qui modifient (32 %) ou abrogent (30 %) les règles antérieures ou qui introduisent de nouvelles règles d’urbanisme (15 %). ». Alors que 77 % des dispositions du règlement RZ 254 sont distinctes de celles qui se trouvaient dans le règlement RZ 115, on ne saurait parler de refonte : manifestement, on se trouve en présence d’une situation de réforme.
[53] Les changements effectués affectent l’ensemble du territoire de la municipalité. Toutes les zones subissent des changements d’une quelconque manière. Le règlement RZ 254 fait plusieurs centaines de pages; sa structure est distincte de celle de son prédécesseur — la numérotation de même que les titres sont changés. Au cours de son témoignage, le maire de l’époque a d’ailleurs reconnu que le RZ 254 constituait un règlement de zonage complet (premier extrait) destiné à modifier en totalité le RZ 115 (deuxième extrait) :
Premier extrait :
Q- O.K. Je vous posais la question à savoir si, vous, vous l'aviez lu.
R- Oui, mais tous les élus doivent le lire.
Q- Non, mais je vous demande si, vous personnellement...
R- Oui.
Q- Vous ne pouvez pas parler pour les autres élus. À moins que vous l'ayez lu tous ensemble autour de la table?
R- Non.
Q- Je pense que ce n'est pas comme ça que ça s'est fait.
R- Monsieur Girard nous donne une copie...
Q- O.K.
R- ... et puis on l'a lu...
Q- O.K.
R- ... on le lit. Quand qu'on le dépose, il faut déclarer qu'on l'a lu.
Q- O.K.
LA COUR:
Q- Bon. Ça, monsieur Dandenault...
R- Oui.
Q- ... trois cent quatre (304) articles, c'est un règlement de zonage complet, ça.
R- Oui.
Q- Oui.
R- Mais, comme je vous dis, c'est pour ça qu'on a des... des spécialistes qui nous aident à marcher, œuvrer à travers tout ça.
Q- Je comprends.
Deuxième extrait :
Q- Ce n'est pas juste des modifications. Vous avez déjà adopté ça, un règlement de modification. Vous savez c'est quoi, quand on modifie...
R- Oui.
Q- ... un règlement?
R- Oui, oui.
Q- On modifie certaines dispositions; c'est ça?
R- Oui. Mais, nous, c'était notre intention de modifier.
Q- La totalité?
R- Bien, les... les règlements que monsieur Girard nous proposait, on les a regardés, on a tous trouvé que, oui, c'est logique de... de regarder tout ça.
[54] Comme le juge en fait d’ailleurs le constat (voir les extraits du jugement reproduits au paragraphe [23] des présents motifs), Sutton a référé à plus d’une reprise et publiquement aux règlements RZ 254 et RL 256 comme étant des règlements destinés à remplacer les règlements RZ 115 et RL 116. Bien que le titre ou la description d’un règlement ne soit pas concluant quant à la nature de l’opération juridique envisagée ou réalisée, il renseigne tout de même, particulièrement dans le présent contexte, sur la volonté ou la compréhension initiale de Sutton.
[55] Comme l’illustrent les quelques extraits qui suivent, son directeur de l’urbanisme a reconnu que le RZ 254 constituait un règlement complet. Il explique avoir procédé à « un changement beaucoup plus important que ce qu’on fait d’habitude » et utilisé une méthode de rédaction distincte de la méthode usuelle en cas de modification. Il a également admis que l’obtention d’un avis légal avait conduit au changement de vocabulaire :
Premier extrait :
Q- O.K. Si je prends le premier projet, j'ai un règlement de zonage complet.
R- Vous avez... comme je vous ai expliqué tout à l'heure, moi, ma perception, je vous ai expliqué... C'est un règlement de zonage complet, mais je répète ma... comment j'ai préparé ça. Je suis passé directement du 115-2 à une nouvelle version administrative que j'ai appelée 254.
Deuxième extrait :
LA COUR:
Q- Bon. Mais évidemment, moi, si je regarde ça de l'extérieur, vous appelez ça une version administrative qui intègre toutes les modifications comme qui conserve tout ce que vous avez bien voulu conserver de l'ancien. Mais on se comprendra que, à la lecture de ça, je suis incapable de savoir ce qu'il y a de nouveau.
R- Bien, c'est sûr qu'au niveau des séances de travail avec le caucus - parce qu'il y en a eu plusieurs séances de travail, avec le caucus, avec le responsable de l'urbanisme - tout ça a été expliqué. Je vous dirai pas qu'on a fait... regardez, on n'a pas fait une lecture...
Q- Mais ce n'est pas ma question, monsieur. Moi, je suis un citoyen.
R- Oui.
Q- Si je regarde le premier projet, il m'est impossible de savoir ce qu'il y a de nouveau puis d'en...
R- À l'étape du premier projet, effectivement. À l'étape où on adopte ça, par rapport à un citoyen, effectivement, le jour de l'adoption, un citoyen n'est pas en mesure, effectivement, instantanément de faire la différence entre ce qui était dans 115-2 et ce qui est dans le nouveau règlement.
Q- Il n'y a aucune... par exemple, comme, des fois, on a dans nos versions - les juristes, là - on a «nouveau» ou...
R- Non, non.
Q- ... «modifié»...
R- Non.
Q- ... «abrogé»...
R- Absolument pas, non.
Troisième extrait :
Q- O.K. Donc, c'est bien ça, le titre du règlement 254 s'appelait «règlement de zonage»?
R- Oui.
Q- Et l'objet était de remplacer le règlement de zonage de Sutton 115-2?
R- C'est ce que l'avis de motion mentionne.
Quatrième extrait
R- C'est pour ça qu'en cours de route... je vais peut-être devancer une question de maître Galipeau, mais, en cours de route, vous allez remarquer, nous, évidemment, on a eu des aviseurs légaux, puis on a eu des rencontres avec des aviseurs légaux.
Puis, à l'époque, c'était maître André LeChasseur qui était avec (inaudible), on avait envoyé nos premiers projets de règlements pour faire des vérifications légales puis voir si tout était bien conforme, et cætera, puis c'est lui qui nous a allumé en disant: « Votre titre, là, il porte à confusion. » Puis, oui, là, j'ai... regardez, c'est un peu, dans le fond... là, j'ai allumé, oui, c'est vrai que ça portait à confusion.
C'est pour ça qu'on a décidé de le remettre en second projet où, là, on a parlé de refonte puis de modification, parce que notre intention depuis le début, à tout moment, ça a toujours été de faire une refonte et une modification. Puis on n'a jamais pensé faire un remplacement au sens de la loi. Mais le terme «remplacement» là a été utilisé dans le sens qu'on voulait remplacer...
Q- Oui, mais...
R- C'est un peu une question de sémantique, là.
[56] Bref, les règlements RZ 254 et RL 256 sont venus se substituer aux règlements RZ 115 et RL 116. Il s’agit de règlements complets en eux-mêmes qui portent réforme, concernent l’ensemble du territoire et abrogent leurs prédécesseurs : ce sont des règlements de remplacement. Sutton ne pouvait remplacer ses règlements, sous peine de nullité, qu’au moment de la révision quinquennale de son plan d’urbanisme. Les remplacements ayant été effectués à un autre moment, les règlements RZ 254 et RL 256 sont frappés de nullité.
[57] En terminant l’analyse de ce premier moyen d’appel, dans l’hypothèse où il faudrait retenir la pertinence du critère d’incompatibilité des nouveaux règlements avec le plan d’urbanisme, comme l’a fait le juge, je précise que je conclurais tout de même au remplacement.
[58] Voici pourquoi.
[59] Le plan d’urbanisme de Sutton est entré en vigueur en 2011, à la suite d’un sérieux et laborieux processus de consultation et de médiation auquel de nombreux citoyens s’impliquent bénévolement et contribuent. Ce plan constitue « une vision stratégique de conservation, d’aménagement et de développement. »[13]. Parmi les moyens d’action identifiés, on trouve notamment la volonté de restreindre et de limiter le développement immobilier en zones protégées et une affirmation que les orientations qui y sont énoncées « permettront, une fois en vigueur, de valider la pertinence des demandes de changements aux règlements d’urbanisme. »[14].
[60] En 2013, un nouveau maire est élu. Il tient une rencontre non publique avec certains entrepreneurs et promoteurs immobiliers afin de connaître leurs préoccupations et de « savoir quelles sont les barrières au développement immobilier à Sutton. »[15]. Les changements apportés par les règlements RZ 254 et RL 256 « intègrent les sujets et doléances des participants à cette réunion », alors que « la preuve est prépondérante que le but de ces modifications est de faciliter et de stimuler la construction résidentielle, notamment en zone PAM. »[16].
[61] Je retiens donc notamment les arguments mis de l’avant par les appelants aux paragraphes 8, 9, 10, 11, 13, 16, 17 et 20 de leur mémoire, ainsi rédigés :
8. Le juge Tôth ayant conclu que deux visions s’affrontent, et que les règlements contestés par les Appelants mettent de l’avant une vision différente de celle énoncée au plan, cette conclusion factuelle à elle seule aurait dû l’amener à la conclusion que l’ensemble de la preuve démontre amplement : les règlements contestés remplacent ceux qui avaient été édictés en même temps que le plan d’urbanisme.
9. Le juge accorde une déférence démesurée aux choix du Conseil. Au paragraphe 181 de son jugement, le juge Tôth énonce que « [la] marge de manœuvre du plan (limiter ou restreindre la construction dans les aires PAM et CONS - ce qui n’est pas interdire) peut s’exprimer de diverses façons qui relèvent des choix du Conseil. » Avec égards, la marge de manœuvre d’un Conseil municipal ne permet pas de faire le contraire de ce qui est énoncé au plan d’urbanisme. La discrétion sur la manière de mettre en œuvre une décision de limiter et restreindre une activité ne saurait permettre de légiférer de manière à stimuler et encourager cette même activité. Qui limite ne stimule pas. Qui restreint n’encourage pas.
10. Dans la même veine, au paragraphe 195 de son jugement, le juge énonce que si « Sutton a remplacé ses règlements d’urbanisme, il faudrait y trouver des indices d’une révision du plan d’urbanisme » ou encore « une volonté du Conseil de passer outre de façon claire et évidente aux objectifs du plan. » Or, le juge a conclu au paragraphe 28 à l’existence de cette volonté.
11. Au paragraphe 197, le juge énonce qu’il « n’a pas à examiner la conformité des règlements d’urbanisme avec le plan d’urbanisme », et que les Appelants « doivent démontrer une illégalité. » Avec respect, le juge venait d’énoncer au paragraphe 195 que pour prouver qu’il s’agissait de remplacements, et donc pour prouver l’illégalité, les Appelants devaient démontrer des indices d’une révision du plan ou une volonté d’y passer outre. Une fois ce fardeau identifié, il est manifeste que le juge devait comparer le plan et les règlements attaqués pour évaluer si les Appelants s’étaient déchargés de leur fardeau. Il ne s’agit aucunement d’usurper la fonction de la Commission municipale du Québec en matière de conformité puisqu’il s’agit de la légalité des règlements. Le juge devait donc chercher des indices d’une révision du plan, comme il l’a d’ailleurs énoncé. S’il devait chercher ces indices, il devait également être ouvert à les trouver. Or, sa conclusion à l’effet que le but des modifications était de stimuler et encourager le développement immobilier en zone protégée démontre l’intention bien arrêtée de réviser le plan et donc l’illégalité de l’opération.
[…]
13. Le juge conclut aux paragraphes 196 et 205 que la preuve ne démontre pas que le plan d’urbanisme a été « mis en péril, compromis ou rendu caduc » et que les règlements 254 et 256 n’avaient pas eu pour effet « de réviser indirectement le plan d’urbanisme », mais il n’explique pas la contradiction entre ces conclusions lapidaires et la preuve administrée devant lui, preuve qu’il a résumée et qui démontre que c’est précisément ce qui est arrivé.
[…]
16. De même, il est incontestable que les zones PAM ont été conçues comme des zones tampon entre les aires de conservation, où aucun développement résidentiel n’est permis, et les zones agro-forestières ou récréatives, où un niveau plus élevé de développement résidentiel est permis. Comme mentionné, le plan d’urbanisme a identifié comme moyen d’action afin d’atteindre les « grandes orientations d’aménagement » pour les zones PAM la nécessité d’y « limiter le développement immobilier par des dispositions qualitatives et normatives. » Il va de soi que, dans le contexte d’une zone tampon, l’atteinte de cet objectif passait par l’adoption de mesures de zonage plus restrictives que dans les zones d’altitude inférieures, ce qu’a reconnu le directeur de l’urbanisme de l’Intimée.
17. De même, la réduction significative de la superficie zonée PAM appert à la face-même des plans des aires d’affectation du plan d’urbanisme et des nouveaux plans de zonage de la municipalité : alors que, sous le règlement 115-2, les zones PAM du plan d’urbanisme étaient identiques à celles du plan de zonage, le règlement 254 élimine carrément trois zones PAM et réduit considérablement la superficie d’une quatrième. En additionnant les pertes en zones PAM et en zones dites « de conservation », ce sont 800 hectares du territoire de l’Intimée qui ont vu leur niveau de protection réduit. Finalement, le redécoupage des zones PAM selon les lignes de lot a eu pour effet d’altérer les limites de toutes ces zones, et de ce fait, de retirer le statut de protection d’un grand nombre de lots sur le territoire de l’Intimé.
[…]
20. Ainsi, avec égards, le juge n’a pas tenu compte de sa conclusion factuelle à l’effet que l’objectif de la ville avait viré de cap en cap et n’a pas discuté ou remis en question la preuve qui démontre les effets de ce changement. Pour être exprimée dans les règlements de zonage et de lotissement, la vision différente véhiculée par le nouveau maire sous l’impulsion de promoteurs immobiliers devait impérativement passer par une révision du plan d’urbanisme, y compris le respect du délai de 5 ans avant de ce faire, et par le processus de consultation et d’approbation référendaire exigé par la LAU en cas de remplacement de règlements d’urbanisme. Il est acquis au débat que ces formalités n’ont pas été respectées. Par conséquent, les règlements attaqués sont nuls.
[62] Il est manifeste que « restreindre et limiter » s’oppose à « faciliter et stimuler », d’où l’incompatibilité entre le plan d’urbanisme en place et les objectifs poursuivis par Sutton. Si Sutton peut modifier ses règlements d’urbanisme en tout temps, la révision de son plan d’urbanisme ne peut avoir lieu qu’à des moments déterminés par la LAU. Cette exigence reflète la nature de cet outil de gestion d’aménagement qui se veut un énoncé de politique qui formule des propositions relatives à l’aménagement futur. Il permet de maintenir une certaine stabilité pour les citoyens de la municipalité. Comme le mentionne le professeur L’Heureux :
à quoi bon un plan municipal s’il n’est pas nécessaire que la municipalité le respecte ? Le législateur se contredirait lui-même si, après avoir donné aux municipalités le pouvoir d’adopter un plan, il leur permettait de ne pas en tenir compte par la suite, c’est-à-dire leur permettait de contrecarrer l’objet même du plan.[17]
[63] D’un point de vue qualitatif, alors que les règlements RZ 115 et RL 116 avaient été adoptés de manière concomitante avec le plan d’urbanisme qui avait notamment pour objectif de « protéger et mettre en valeur le patrimoine bâti, naturel et paysager de Sutton »[18] par des moyens d’action destinés à « restreindre le développement immobilier en zones de conservation et son aire de protection »[19] et de « limiter le développement immobilier dans les niveaux d’altitude au-delà de 350 mètres et 550 mètres »[20], les règlements RZ 254 et RL 256 furent élaborés dans le but de « faciliter et de stimuler la construction résidentielle, notamment en zone PAM [soit les niveaux entre 350 et 550 mètres] »[21], comme le constate d’ailleurs le juge.
[64]
Dans de telles circonstances, force m’est de retenir que les objectifs
de la Ville ont été remaniés, ce que les changements apportés aux règlements
reflètent d’ailleurs. Ainsi, que l’analyse soit effectuée en fonction du
contenu des règlements antérieurs ou du plan d’urbanisme en place, la
conclusion demeure la même : Sutton a procédé à des remplacements réglementaires
interdits par l’article
[65] Dans ces circonstances, d’autant qu’il ne semble pas avoir été l’objet d’un débat en première instance, il n’est ni requis ni opportun de traiter de l’argument additionnel des appelants portant sur les principes de développement durable.
[66] En raison de ma conclusion au sujet du premier moyen d’appel, aborder le second moyen n’est pas requis pour décider de l’appel. J’estime toutefois qu’il est utile de dire quelques mots à ce propos.
[67]
Le juge a conclu que l’assemblée de consultation publique, requise aux
termes des articles
246.1. L’inobservation, par un organisme compétent ou une municipalité ou par l’un de ses membres du conseil ou fonctionnaires, d’une formalité prévue par la présente loi n’invalide pas un acte, à moins qu’elle ne cause un préjudice sérieux ou que la loi n’en prévoie l’effet, notamment en disposant que la formalité doit être respectée sous peine de nullité ou de rejet de l’acte. |
246.1. Failure by a responsible body or a municipality or any of its council members or officers to observe a formality prescribed by this Act does not invalidate a deed, except where such failure causes serious harm or the Act provides for its effect, in particular, by stating that the formality must be observed on pain of nullity or rejection of the deed. |
[68] J’estime qu’il a commis une erreur.
[69]
Lorsqu’une loi exige la tenue d’une assemblée de consultation dans le
cadre d’un processus législatif, comme c’est le cas en l’espèce aux termes des
articles
[70] Qu’en est-il de l’effet ou de l’impact du constat du juge que, malgré la tenue d’une assemblée, Sutton a manqué aux obligations d’identification et d’explication des dispositions susceptibles d’approbation référendaire?
[71]
Les auteurs Hétu, Duplessis et Pakenham sont d’avis que « lorsque
les irrégularités surviennent dans le cadre d’une procédure de consultation,
les tribunaux sont réticents à conclure que de telles irrégularités entraînent
la nullité de l’acte municipal, surtout si la procédure de consultation est
suivie d’une procédure d’approbation par les citoyens intéressés comme dans le
cas de certains règlements d’urbanisme. »[24].
Je note que ce texte a été rédigé avant l’entrée en vigueur de l’obligation
prévue au deuxième alinéa de l’article
[72]
La position de l’auteur Pierre Laurin me paraît plus nuancée. Il écrit
que « le tribunal sera tenté d’avoir recours à l’article 246.1 [LAU]
et de rejeter la prétention de nullité d’un règlement si elle est fondée sur
l’unique motif que l’information prévue au deuxième alinéa de
l’article
L’absence d’avis ou l’omission d’éléments significatifs touche, selon le cas, à deux droits fondamentaux. Dans le cas des avis publics relatifs à la consultation des citoyens, c’est la règle audi alteram partem qui est en jeu. Quant aux avis publics relatifs à la procédure d’approbation, leur irrégularité peut porter atteinte à la volonté du législateur d’obtenir l’assentiment des citoyens avant que n’entre en vigueur la modification réglementaire.
Les tribunaux ont tendance à faire le parallèle entre un avis irrégulier et l’absence d’approbation réelle. Dans un tel cas, ils ne voudront pas cautionner l’irrégularité, en dépit des articles remédiateurs.[26]
[73] Dans Port St-Louis, la Cour suprême énonce la distinction qui doit être faite entre de « simples formalités » et des formalités dont le respect constitue une « condition essentielle à la validité d’un acte ». Alors qu’un manquement portant sur la première peut être sauvé par une disposition législative en ce sens, il en va autrement du cas de la seconde où le manquement entraîne la nullité de l’acte sans qu’il soit requis de démontrer un préjudice. Elle écrit :
En vertu de
l'art.
En vertu de la jurisprudence, lorsqu'une formalité est une condition essentielle à la validité d'un acte, son omission entraîne la nullité de l'acte sans qu'il soit nécessaire de prouver préjudice.
Les notions de "formalité essentielle" et « d'"élément essentiel" demeurent, toutefois, assez imprécises en jurisprudence. En fait, on peut dire que, globalement parlant, les tribunaux annulent un acte pour irrégularité de procédure lorsque le but de la procédure n'a pas été atteint.[27]
[Je souligne]
[74] Certains manquements dans la mise en œuvre d’une procédure statutaire d’approbation réglementaire ne sont pas que de simples manquements à des formalités; ils peuvent constituer un motif d’annulation sans qu’il soit nécessaire de prouver un préjudice. Bien qu’il fût question dans Port St-Louis des dispositions du Code municipal et de la Loi sur les cités et villes, je retiens que cette même distinction est susceptible de s’appliquer à une situation découlant de la LAU[28].
[75] Avec égards pour le juge et malgré la déférence dont une cour d’appel doit faire preuve, je suis d’avis qu’en retenant que « le but recherché par les dispositions, soit l’information du public et la présentation de demandes d’ouverture de registre, a été atteint puisqu’il y en a eu 50 demandes de présentées »[29], ce dernier a commis une erreur qui permet une intervention.
[76]
Aux termes de l’article
[77]
Les dispositions susceptibles d’approbation référendaire n’ont pas été
identifiées, contrairement à ce qui était annoncé à l’ordre du jour et à ce
qu’exige l’article
[78] De multiples articles du nouveau règlement RZ 254 étaient susceptibles d’approbations référendaires distinctes. Selon la procédure de modification usuelle, ces changements majeurs pouvaient donner lieu à plusieurs milliers de référendums sectoriels. Le juge évoque d’ailleurs l’extraordinaire complexité des procédures entreprises par Sutton, dont le directeur de l’urbanisme concède qu’il fût « impossible de respecter les dispositions de la loi [relative à l’assemblée publique de consultation] tant il y avait de dispositions susceptibles d’approbation référendaire. »[30].
[79] Puisque les changements apportés par Sutton pouvaient engendrer plusieurs milliers de référendums sectoriels, la tâche était effectivement titanesque. Cela dit, un tel état de fait ne saurait justifier que Sutton soit dispensée du respect de la loi ni servir d’excuse légitime aux manquements constatés, d’autant plus que Sutton est seule responsable de la situation créée.
[80]
Mais il y a plus. Non seulement faut-il constater la non-atteinte du but
poursuivi lors de l’assemblée publique (article
[81] Or, les parties reconnaissent que ce résumé n’en est pas un : il s’agit d’un document juridique de 172 pages d’une grande complexité qui, comme l’écrit le juge, « noie le citoyen dans une mer de dispositions. »[31].
[82] La complexité du processus choisi par Sutton rendait manifestement illusoire l’exercice des droits démocratiques de ses citoyens, notamment des appelants.
[83] Et ce n’est pas tout. Le juge retient aussi que la preuve est prépondérante que le citoyen ne peut pas, « sauf recherche approfondie et perspicacité, découvrir dans quelle zone il réside à partir du site Internet de la Ville »[32], alors que « même la personne responsable du site Internet de Sutton et greffière adjointe n’a pas facilement retrouvé la zone où elle habite »[33].
[84] Dans de telles circonstances, comment accepter les conclusions du juge voulant qu’il n’y ait pas de preuve de préjudice et que le but poursuivi ait été atteint?
[85] J’en suis incapable.
[86] J’adhère plutôt aux propos qu’expriment les appelants aux paragraphes 58 et 59 de leur mémoire :
58. Subsidiairement, le juge a erré dans son appréciation des conséquences des informalités qu’il a constatées. Le juge de première instance a qualifié la procédure de modification « d’extrêmement complexe » dans son jugement, et de « monstre » lors de commentaires faits à l’audience. Avec égards, ces conclusions sont incompatibles avec sa conclusion d’absence de préjudice.
59. La conclusion du juge de première instance à l’effet que les 50 demandes d’ouverture de registres présentées démontrent une absence de préjudice est manifestement erronée. Le juge a conclu que le nombre possible de référendums se dénombrait dans les milliers. Qu’une mobilisation citoyenne aussi organisée que celle à laquelle ont participé les Appelants n’ait mené qu’à ce petit nombre de scrutins référendaires démontre au contraire que la complexité du processus rendait invraisemblable une réelle participation démocratique, portant ainsi préjudice tant à leurs droits reconnus par LAU qu’à ceux protégés par la Charte canadienne et la Charte québécoise.
[87] S’il est vrai que certains citoyens ont réussi à traverser le labyrinthe de Sutton, ce fait ne peut servir d’outil de mesure du respect des obligations d’identification et d’explication qui reposaient sur Sutton, de l’atteinte des objectifs fixés par le législateur et d’une absence de préjudice.
[88]
Dans les circonstances, l’article
[89]
Le juge aurait dû conclure que l’objectif de la consultation en général
(l’information du public) et du deuxième alinéa de l’article
[90] À la suite de l’élection d’un nouveau maire en 2013, Sutton a voulu apporter de nombreux changements à ses règlements de zonage et de lotissement dans le but de « faciliter et stimuler la construction résidentielle. » Si la question d’opportunité de cette décision relève exclusivement de Sutton, non des tribunaux, sa mise en œuvre demeure toutefois régie par la loi : Sutton ne pouvait se soustraire aux contraintes et obligations énoncées à la LAU, notamment aux articles 110.10.1, 125, 126 et 127, ni au contrôle judiciaire du respect de celles-ci.
[91] Sutton n’a pas respecté ces contraintes et elle ne s’est pas déchargée de ces obligations.
[92] Ne l’ayant pas constaté, le juge a commis des erreurs révisables par une cour d’appel.
[93] Voilà pourquoi, comme je l’ai énoncé au paragraphe [15] des présents motifs, je propose d’accueillir l’appel et d’infirmer le jugement entrepris, avec frais de justice en faveur des appelants dans les deux cas, et de déclarer que les règlements visés de Sutton sont nuls.
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MARIE ST-PIERRE, J.C.A. |
[1]
Benoit c. Ville de Sutton,
[2] RLRQ, c. A-19.1.
[3] Le juge a écrit 2012, mais il s’agit d’une erreur puisque les événements se produisent en 2015.
[4] Cette présentation a effectivement eu lieu le 11 avril 2015 tel que l’attestent les pièces P-6 à P-8, soit les deux avis publics relatifs à la tenue de la consultation et la présentation power point utilisée.
[5] Un constat qu’il énonce aux paragraphes 157 à 159 de son jugement (reproduits au paragraphe [23] des présents motifs).
[6] Les règlements de zonage RZ 115-2 (ancien) et RZ 254 (nouveau) et les règlements de lotissement RL 116-1 (ancien) et RL 256 (nouveau).
[7]
Stéphane Beaulac, Précis d’interprétation législative - Méthodologie
générale, Charte canadienne et droit international, LexisNexis, Montréal,
2008, p. 81. Voir également à cet effet : Bell ExpressVu Ltd.
Partnership c. Rex,
[8] Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4e éd. avec la collaboration de Stéphanie Beaulac et Mathieu Devinat, Montréal, Éditions Thémis, 2009, p. 300, par. 996.
[9] Marie-Eva De Villers, Multidictionnaire de la langue française, 5e édition, Québec Amérique, 2009, p. 1405.
[10] Dictionnaire Le Petit Larousse, édition 2007, p. 918.
[11] Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4e éd. avec la collaboration de Stéphanie Beaulac et Mathieu Devinat, Montréal, Éditions Thémis, 2009, p. 108 à 124.
[12] Richard Tremblay, Rachel Journeault-Turgeon et Jacques Lagacé, Guide de rédaction législative, Direction générale des affaires législatives, 1984, SOQUIJ, p. 33-34.
[13] Jugement entrepris, par. 17.
[14] Jugement entrepris, par. 19.
[15] Jugement entrepris, par. 26.
[16] Jugement entrepris, par. 28.
[17]
Jacques L'Heureux, « Nature et effets d’un schéma d’aménagement
et d’un plan d’urbanisme »,
[18] Jugement entrepris, par. 19.
[19] Jugement entrepris, par. 20.
[20] Jugement entrepris, par. 20.
[21] Jugement entrepris, par. 28.
[22] Lorne Giroux et Isabelle Chouinard, « Contrôle réglementaire des usages, de leur intensité et de leur implantation : le zonage » dans Collection de droit 2017-2018, École du Barreau, vol. 8, Droit public et administratif, p. 453.
[23] Lorne Giroux et Isabelle Chouinard, « Contrôle réglementaire des usages, de leur intensité et de leur implantation : le zonage » dans Collection de droit 2017-2018, École du Barreau, vol. 8, Droit public et administratif, p. 453.
[24]
Jean Hétu, Yvon Duplessis et Dennis Pakenham,
[25]
Pierre Laurin,
[26]
Pierre Laurin,
[27]
Immeubles Port Louis ltée c. Lafontaine (Village),
[28]
Morrissette c. St-Hyacinthe (Ville de),
[29] Jugement entrepris, par. 172.
[30] Jugement entrepris, par. 74.
[31] Jugement entrepris, par. 84.
[32] Jugement entrepris, par. 83.
[33] Jugement entrepris, par. 82.
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