Décision

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Samson c. Ville de Mont-Tremblant

2020 QCCS 422

 

COUR SUPÉRIEURE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE

TERREBONNE

 

 

 

N° :

700-17-013077-168

700-17-013835-169

 

 

DATE :

 Le 13 février 2020

______________________________________________________________________

 

 

 

 

L’HONORABLE

 CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Pour le dossier : 700-17-013077-168 

 

MONSIEUR GEORGES SAMSON

 

et

 

MADAME ELIZABETH HILLIARD

 

Parties demanderesses

 

c.

 

VILLE DE MONT-TREMBLANT

 

Partie défenderesse

 

 

 

Pour le dossier : 700-17-013835-169

 

VILLE DE MONT-TREMBLANT

 

            Partie demanderesse

 

c.

 

9318-9132 QUÉBEC INC.

 

et

 

TREMBLANT CONCIERGE INC.

 

            Parties défenderesses

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Transcription des motifs et du jugement rendus

oralement le 9 janvier 2020[1]

 

______________________________________________________________________

 

 

 

1.          L’APERÇU

[1]         La Ville de Mont-Tremblant (ci-après la Ville) est l’un des bastions forts de la résidence secondaire et de la copropriété, au Québec.

[2]         Depuis des années, certains propriétaires de résidences détenues en copropriété, dans le Refuge du cerf, dont les demandeurs, se démènent pour faire reconnaître qu’ils ont le droit de louer la partie privative de leur immeuble pour de courtes périodes, de moins de trente-et-un (31) jours, et lors de l’audition de ce dossier, ils étaient rendus à la croisée des chemins, relativement à la détermination de leurs droits, à ce sujet.

[3]         Depuis 2003, les demandeurs utilisent ainsi leur immeuble, et même si personne n’a intenté de procédures judiciaires avant le 6 avril 2016, la Ville a toujours prétendu qu’ils n’avaient pas le droit de faire un tel usage de leur résidence.

[4]         Si les demandeurs n’ont pas le droit de jouir de leur immeuble de la manière dont ils le font depuis tout ce temps, l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permet-il à la Cour supérieure de faire cesser un tel usage sur le territoire de la Ville, dans le contexte où ce sont les demandeurs qui sollicitent un jugement déclaratoire à ce sujet, ainsi qu’un mandamus visant à leur émettre une attestation confirmant qu’ils respectent la règlementation municipale, pour qu’ils puissent annoncer ensuite leur propriété comme étant une « résidence de tourisme », au sens de l’article 6 de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique[2] ?

[5]         Voilà les enjeux soulevés par ce dossier.

[6]         Mais avant d’entrer dans l’analyse de la preuve et dans l’interprétation des règlements municipaux pertinents, il faut déterminer si la demande de jugement déclaratoire et de mandamus des demandeurs a été déposée en temps opportun, ou si elle doit être rejetée, sur simple irrecevabilité, parce que déposée tardivement.

[7]         À cet égard, la Ville plaide que depuis 2008, les demandeurs connaissent la problématique relative à l’usage qu’ils font de leur résidence, en lien avec la portion jugement déclaratoire de leur recours, intenté en avril 2016, et qu’ils savaient depuis deux (2) ans, que la Ville refusait de leur émettre le certificat requis par Tourisme Québec pour annoncer leur immeuble comme résidence de tourisme, en lien avec la portion mandamus du recours.

[8]         Voyons sur quelle base factuelle le litige est né.

2.          LA MISE EN CONTEXTE

[9]         Lors de l’audition, toutes les pièces en demande[3] et en défense[4] ont été déposées de consentement.

[10]        L’exposé des faits tient donc compte du contenu révélé par ces pièces, du témoignage des trois (3) témoins entendus en demande, mais surtout de celui du demandeur Samson[5], du témoignage des deux (2) témoins de la défense, mais également, des admissions consignées dans la déclaration commune de mise au rôle.

[11]        Le demandeur Samson est agent d’immeuble, et il est domicilié en Ontario.

[12]        Le 11 octobre 2002, son épouse et lui acquièrent un immeuble qui portera le numéro civique [...], dans le Refuge du cerf, une fois que la résidence qu’ils planifient de construire sera complétée, quelques mois plus tard.

[13]        Le but de cette construction est de louer la partie privative de leur immeuble à des tiers pour de courts séjours, en contrepartie d’une rémunération. Bref, l’idée contemplée est de nature lucrative.

[14]        L’acte de vente[6] atteste que les acheteurs ont vérifié la conformité de l’usage projeté avec la réglementation municipale. Il précise aussi que la vente est assujettie à une déclaration de copropriété, datée du 29 février 2000, dans laquelle Station Mont-Tremblant, une Société en commandite liée au Refuge du cerf, est impliquée.

[15]        Cette déclaration de copropriété (P-2) contient certaines définitions, dont celle portant sur le « long term rental » et une autre sur le « short term rental », cette dernière visant la location d’immeubles pour une durée de moins d’un (1) mois.

[16]        L’article 3.2.1 précise que les constructions dans le Refuge du cerf sont des « Residential Resort », et stipule qu’elles doivent être érigées conformément à la réglementation municipale.

[17]        L’article 3.1.1 de la déclaration de copropriété précise qu’outre les locations qui sont prévues à l’acte, (sans préciser « long term » ou « short term »), l’immeuble des demandeurs ne doit pas être utilisé à des fins commerciales.

[18]        En signant leur acte de vente, les demandeurs sont automatiquement devenus membres de l’Association de villégiature de Tremblant (ci-après l’Association), à qui ils doivent payer des frais, en lien avec la gestion de la location de leur immeuble.

[19]        Lors de l’achat de leur immeuble, le vendeur et le notaire représentent au demandeur Samson que la location à court terme de l’unité privative qu’ils construiront est conforme à la réglementation municipale. Ce dernier se fie donc à ces représentations, sans prendre la peine d’aller vérifier ladite réglementation, malgré ce que l’acte de vente stipule à ce sujet[7].

[20]        Le demandeur reconnaît toutefois qu’en aucun temps, la Ville ne leur a fait de représentations que la location à court terme était autorisée dans la zone où est situé leur immeuble, soit dans le Refuge du cerf.

[21]        Après avoir obtenu un permis les autorisant à construire un immeuble résidentiel, les demandeurs font construire une résidence comportant six (6) chambres à coucher[8].

[22]        Dès mars 2003, le demandeur signe un contrat avec la société Sunstar, pour l’assister dans la location à court terme de sa nouvelle résidence.

[23]        Le demandeur reconnaît qu’entre 2003 et l’audition de la cause, à la fin avril 2019, soit durant 16 ans, son épouse et lui ont loué leur résidence à des tiers, pour des courts séjours de moins de trente-et-un (31) jours, contre rémunération[9].  

[24]        Du 13 juillet 2009 au 31 décembre 2012, après en avoir fait la demande, les demandeurs se font même émettre un certificat par Tourisme Québec, leur permettant d’annoncer leur résidence comme résidence de tourisme.

[25]        Le demandeur déclare que bon an mal an, sa résidence du [...] a été louée à des tiers entre cent (100) et cent-vingt (120) jours par année, et qu’elle n’a été utilisée pour des fins personnelles qu’environ cinq (5) jours, pour en faire l’entretien, notamment[10].

[26]        Par un simple calcul mathématique, nous comprenons que l’immeuble est demeuré vacant, le reste du temps[11].

[27]        Ces locations à court terme ont généré un revenu d’entreprise d’environ 170 000 $ brut, annuellement, au profit des demandeurs, lequel a été valablement déclaré au fisc à ce titre.

[28]        Les demandeurs admettent qu’à différents moments, depuis l’acquisition de leur immeuble, soit en 2008, 2010, 2012 et 2013, la Ville leur a transmis divers avis d’infraction, les informant que l’usage qu’ils faisaient de leur résidence n’était pas autorisé dans la zone où elle se situe.

[29]        En ce qui a trait à l’avis d’infraction de 2012, ils ajoutent toutefois que des discussions avec la Ville s’en sont suivies, et qu’en juin de la même année, les parties ont convenu de mettre cet avis sur la glace, ce qui a été le cas jusqu’en 2014.

[30]        Nous verrons plus loin pourquoi.

[31]        Les demandeurs admettent aussi qu’ils ont reçu un constat d’infraction en lien avec l’usage dérogatoire allégué par la Ville, en février 2016.

[32]        Même s’ils nient que l’usage de leur propriété a pu causer des nuisances aux voisins, Tremblant s’est tout de même retrouvée à envoyer ces avis d’infraction et ce contrat d’infraction à la suite de plaintes reçues de d’autres citoyens qui habitent dans le Refuge du cerf, qui se sont plaint entre autres, de bruits excessifs.

[33]        En 2010, la Ville a reçu trois de ces plaintes. En 2011, une seule. En 2012, une dizaine, puis en 2013, une seule. Nous n’avons aucune information pour 2014, de sorte que nous présumons qu’il n’y en a eu aucune[12].  En 2015, il y en a eu deux (2) autres, puis en 2016, dernière année couverte par les engagements souscrits par la Ville lors de l’interrogatoire de son représentant, il n’y en a aucune.

[34]        À un certain moment, dans la chronologie des faits, l’Association dont les demandeurs sont membres et leur Syndicat de copropriété, les ont informés que l’usage qu’ils faisaient de leur unité privative n’était pas autorisé par la règlementation municipale.

[35]        L’Association a même fait passer le statut initial de l’unité des demandeurs de « lodging » à « residential », « to comply with a ruling from the Municipality of Mont-Tremblant ».

[36]        Au cours de la période sous étude, divers règlements d’urbanisme ont été en vigueur.

[37]        Le premier, le 87-02 (ci-après le Règlement de 1987), a été adopté en août 1987.

[38]        Le deuxième, le 87-02-43, a été adopté en 1992, et il est entré en vigueur en 1993.

[39]        Le troisième, le 2008-102 (ci-après le Règlement de 2008), est entré en vigueur le 25 janvier 2009.

[40]        Le quatrième, et dernier, est le 2014-102-31[13].

[41]        Outre de petites modifications réglementaires sporadiques, telles celles se retrouvant dans le règlement 87-02-43, ce qui explique que le Règlement de 2008 a été adopté, est la fusion de quatre municipalités, en 2000, puisqu’à la suite ce celle-ci, la Ville s’est retrouvée à gérer quatre (4) différents règlements de zonage.

[42]        C’est donc dans le souci d’harmonisation sa règlementation, qu’une telle refonte a eu lieu, entre 2000 et janvier 2009, moment où le Règlement 2008-102 est entré en vigueur.

[43]        D’autres modifications à la règlementation municipale ont été envisagées, à la suite d’une démarche du demandeur, vers le 12 mars 2012[14], afin de lui permettre, ainsi qu’aux autres propriétaires d’immeubles situés dans le Refuge du cerf, de pouvoir louer leur immeuble à court terme sans contrevenir à la règlementation en vigueur.

[44]        Mais en mars 2013, après avoir étudié les différentes positions exprimées par les protagonistes sur l’opportunité de modifier le Règlement de 2008, certains propriétaires d’immeubles situés dans le Refuge du cerf n’étant pas favorables à ce type d’activités pour des questions de nuisance, alors que d’autres voulaient bénéficier du même traitement que beaucoup d’autres propriétaires qui détiennent des intérêts dans des immeubles situés tout près du Refuge du cerf, la Ville a finalement choisi de ne pas modifier son Règlement de 2008.

[45]        De manière contemporaine, elle a avisé les demandeurs de sa décision, que les demandeurs n’ont pas acceptée, ceux-ci, seuls ou par l’intermédiaire d’un avocat, ayant continué de négocier, pour tenter de la faire changer d’idée.

[46]        C’est ce qui ressort de correspondances échangées en avril, août, septembre et octobre 2013, lesquels ont pris fin en janvier 2014, la Ville n’ayant toujours pas changé d’idée, malgré les efforts soutenus du demandeur.

[47]        En avril 2014, toujours insatisfait de la tournure des événements et convaincu de l’interprétation qu’il fait du Règlement de 2008, le demandeur Samson menace la Ville de porter leur différend devant les tribunaux, pour enfin savoir s’il peut ou non louer son immeuble à court terme, si la Ville s’entête à demeurer sur sa position.

[48]        Le 5 juin 2014, après avoir reçu une demande à cet effet, la Ville refuse d’émettre au demandeur, une attestation qui lui permettrait de renouveler sa certification auprès de Tourisme Québec, puisque le document demandé aurait confirmé que la location à court terme, pratiquée au 255 des Cerfs, est conforme à la règlementation municipale, alors que tel n’était pas le cas, de l’avis de la Ville.

[49]        En novembre 2015, le demandeur annonce à la Ville qu’il l’informera très bientôt de sa position, à savoir s’il cessera ses activités de location, ou s’il s’adressera aux tribunaux, pour contester l’interprétation que la Ville fait du Règlement de 2008, afin de régler le problème, une fois pour toutes.

[50]        Le 16 février 2016, étant sans nouvelle des demandeurs, la Ville émet un premier constat d’infraction, qu’elle notifie en Ontario, et que le demandeur allègue n’avoir récupéré, que le 6 mars 2016.

[51]         C’est en apparence ce constat, qui a motivé les demandeurs à s’adresser aux tribunaux, puisque dans les trente (30) jours alloués pour y répondre, soit le 6 avril, ils font timbrer le recours en jugement déclaratoire et en mandamus, dont ce jugement dispose.

[52]        Voilà pour l’histoire des demandeurs. Mais pour comprendre ce jugement, il faut aussi savoir que les demandeurs ne sont pas les seuls à louer leur résidence pour des séjours à court terme, dans le Refuge du cerf.

[53]        D’autres le font aussi, et il importe de préciser que la Ville les a traités de la même manière que les demandeurs; ils ont aussi reçu des avis les informant que la location à court terme n’était pas permise dans la zone où leur résidence est située.

[54]        C’est ce qui explique que divers recours entrepris par la Ville, ou par d’autres propriétaires, ont été joints[15], pour éviter des jugements contradictoires et faire en sorte que cette saga interprétative trouve une fin, pour les propriétaires d’immeubles dans le Refuge du cerf.

[55]        Cela dit, certaines parties à ces recours ont choisi de se désister de leurs demandes contre la Ville, d’autres ont vendu leur unité et se sont désintéressés des enjeux de ce dossier, alors que d’autres ont tout simplement décidé d’acquiescer aux conclusions d’un éventuel jugement favorable à la demande reconventionnelle que la Ville a déposée, dans ce dossier.

[56]        En effet, pour comprendre ce jugement, il faut aussi savoir que la Ville ne fait pas seulement que se défendre à l’encontre des demandes déposées par les demandeurs : elle intente sa propre demande reconventionnelle, par laquelle elle cherche à obtenir diverses conclusions déclaratoires, ainsi que des ordonnances d’injonctions permanentes, pour que les usages dérogatoires qui ont lieu dans le Refuge du cerf, cessent.

[57]        Voilà les développements survenus le 1er avril 2019, dont le Tribunal a pris acte, lors de l’audition, sujet au jugement à être rendu sur le mérite des demandes présentées de part et d’autre, développements qui visent la société 9318-9132 Québec inc., et Tremblant Concierge inc., dont on retrouve le nom, dans l’entête des procédures, et dans les conclusions.

[58]        Quelles sont maintenant les questions auxquelles nous devons répondre, pour régler ce litige?

3.          les questions en litige

[59]        Les questions dont ce jugement dispose sont les suivantes :

1)    Le recours des demandeurs a-t-il été déposé en temps opportun ou est-il tardif?

2)    Le règlement de zonage 87-02, en vigueur à l’époque de l’achat de l’immeuble des demandeurs, autorisait-il l’usage « location à court terme »  dans la zone où se situait leur résidence?

3)    Le règlement de zonage actuel, le 2008-102, autorise-t-il l’usage « location à court terme », dans la zone où se situe la résidence des demandeurs?

4)    La défenderesse est-elle légalement tenue de délivrer l’attestation demandée par les demandeurs, confirmant que l’usage qu’ils font de leur propriété est conforme aux règlements de la Ville de Mont-Tremblant?

5)    Si la défenderesse a raison de prétendre que la location à court terme n’était pas permise en vertu de la réglementation en vigueur, au moment de l’achat, et qu’elle ne l’est toujours pas, en vertu de la réglementation actuelle, la défenderesse est-elle en droit de requérir une ordonnance de la Cour en vertu de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, afin que les demandeurs se conforment à la réglementation en vigueur et cessent de louer leur résidence à court terme à des tiers?

6)    Vu les circonstances particulières du dossier, y a-t-il lieu d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel du jugement à intervenir[16]?

4.          la position des parties

4.1       La position des demandeurs

[60]        Selon les demandeurs, le projet de construction du Refuge du cerf a été développé en accord avec la réglementation municipale, et avait pour principal but de permettre aux propriétaires des unités acquises, de faire de la location à court terme dans leurs unités privatives.

[61]        Tant l’acte d’achat que la déclaration de copropriété leur permettait de croire qu’une telle activité était permise, à cet endroit.

[62]        D’ailleurs, le vendeur et le notaire instrumentant, des gens expérimentés, réputés et bien connus dans la région, leur auraient fait des représentations en ce sens[17], lorsqu’ils se sont montrés désireux d’acquérir une résidence dans le Refuge du cerf.

[63]        Depuis toujours, de nombreuses publicités annoncent les résidences situées dans le Refuge du cerf pour fins de location à court terme.

[64]        Ces annonces sont claires, elles sont faites en toute transparence, au vu et au su de tous, et elles ont toujours procuré « a firm belief », donc une forte croyance, dans leur esprit, que l’activité pratiquée dans leur immeuble est tout-à-fait légale[18].

[65]        Selon eux, ni la grille incluse dans le Règlement de 1987 ni celle incorporée dans le Règlement de 2008 n’interdisent la location de leur résidence à court terme. À défaut d’une telle interdiction, ils considèrent que la location à court terme est permise, dans la zone où leur résidence est située.

[66]        Selon eux, depuis toutes ces années, la Ville sait fort bien que cette activité est pratiquée dans le Refuge du cerf, et tout particulièrement chez les demandeurs. Or, elle n’a rien fait pour l’arrêter, et l’a plutôt tolérée, jusqu’en février 2016, ce qui contribue à renforcer leur perception qu’ils ne sont pas dans l’erreur.

[67]        Selon eux, le fait que l’article 4.5.2.35, du Règlement de 2002, qui limitait les locations à court terme à certaines « zones applicables », à une certaine époque, ait été abrogé, devrait être interprété comme donnant droit à cet usage dans toutes les zones, depuis cette abrogation.

[68]        Par un jeu de définitions et d’interprétation de certains mots dans les règlements étudiés, les demandeurs plaident que le Règlement de 2008 leur permet de pratiquer l’activité en question, que la Ville dénonce sans raison valable.

[69]        Ainsi, à titre d’exemple, la comparaison entre la définition du mot « habitation », contenue dans le Règlement de 1987, et celle que l’on retrouve dans le Règlement de 2008, fournirait un indice pertinent militant en faveur de l’interprétation proposée, puisqu’il était alors question « d’occupation domiciliaire », alors qu’il est maintenant fait référence à « occupation résidentielle ».

[70]        D’autre part, la définition de « résidence de tourisme » est associée à « copropriétés hôtelières », ces deux derniers mots étant entre parenthèses, juste à côté. Cela constituerait un indice additionnel militant en faveur de l’interprétation voulant que l’activité pratiquée par les demandeurs ne puisse être associée à une « résidence de tourisme », puisque leur résidence ne satisfait pas tous les critères énoncés dans la définition[19].

[71]        Cela serait d’autant plus vrai que le Règlement de 2008 ne contient aucune définition de ce qu’est une « copropriété hôtelière », comme tel.

[72]        Selon eux, une « résidence de tourisme » doit contenir plus qu’une unité d’habitation, étant donné que cette expression est directement associée à d’autres types d’hébergements qui contiennent plus qu’une unité, tels des « hôtels » et des « motels », dans la définition.

[73]        De plus, nous devrions faire prévaloir une certaine cohésion entre différents textes réglementaires, tel le Règlement sur les établissements d’hébergement touristiques[20] adopté par le gouvernement provincial, qui définit « résidence de tourisme ». Cette manière de faire militerait en faveur de l’interprétation proposée par les demandeurs.

[74]        Enfin, les demandeurs plaident que dans sa façon d’intervenir auprès d’eux, la Ville tente en réalité de régir le mode de tenure de leur immeuble, alors que cette activité ne relève pas de la juridiction d’un décideur municipal dans le cadre d’un règlement de zonage, la juridiction municipale étant limitée aux usages, c’est-à-dire aux activités, plutôt qu’à la manière dont le droit de propriété se décompose, selon l’état du droit en la matière.

[75]        En effet, selon eux, les personnes qui occupent leur résidence, « from time to time » ne feraient qu’un usage résidentiel de cette résidence, lorsqu’ils y séjournent, et non un usage commercial, et ce, peu importe qui est propriétaire des lieux[21].

4.2       La position de la Ville

[76]        La Ville plaide que le dossier ne soulève aucune difficulté réelle, puisque le Règlement de 2008, tout comme celui de 1987, est clair[22].

[77]        Ces deux Règlements n’ont jamais permis d’exploiter des résidences de tourisme dans la zone où la propriété des demandeurs a été classée, au fil des modifications réglementaires.

[78]        C’est pour cette raison que la Ville présente une demande reconventionnelle, pour que nous fassions respecter son Règlement de 2008, et qu’il soit ordonné aux demandeurs de cesser l’usage dérogatoire auquel ils se livrent depuis toutes ces années.

[79]        La Ville plaide que les représentations faites par le vendeur et le notaire ne la lient aucunement.

[80]        De plus, en vertu de l’effet relatif des contrats, l’acte d’achat et l’acte de copropriété ne la lient pas davantage, puisqu’elle n’est signataire d’aucun de ces contrats.

[81]        Dans un autre registre, la Ville plaide que les demandeurs sont au courant que l’usage qu’ils font de leur immeuble est dérogatoire, depuis très longtemps. Et pourtant, même après avoir introduit leur recours, ils ont continué à louer leur résidence pour de courts séjours.

[82]        Ainsi, selon la Ville, sauf durant la période où des discussions ont eu lieu entre les parties, pour vérifier l’opportunité de modifier le Règlement de 1987 ou celui de 2008, donc en 2008 et entre 2012 et 2014, il y aurait lieu de remettre en cause la bonne foi des demandeurs.

[83]        Sur le fond, la Ville plaide que le Règlement de 2008 est présumé valide[23], que les « résidences de tourisme » sont associées au « commerce d’hébergement »[24], qu’il est possible d’en exploiter dans certaines zones, mais pas dans la zone TO-618.1 où est située la résidence des demandeurs[25], alors que seuls l’usage « habitation » (résidentiel) et « commerce de récréation » sont autorisés, selon la grille.

[84]        De plus, elle n’a jamais représenté aux demandeurs ni à quiconque, que la location à court terme était permise dans cette zone ou dans celle qui existait préalablement[26].

[85]        Voyons maintenant comment tous ces arguments nous mènent à la conclusion que le recours des demandeurs est mal fondé.

5.          l’analyse

5.1       Le délai raisonnable

[86]        Le premier argument pour obtenir le rejet du recours porte sur le délai raisonnable, et il se présente sous la forme d’une demande en irrecevabilité.  

[87]        S’il réussit, il n’y aurait pas lieu d’entrer dans l’analyse du mérite de la demande principale.

[88]        Pour décider du bien-fondé de cette irrecevabilité, il faut connaître la nature précise du recours.

[89]        Le titre de la procédure introductive d’instance fournit un premier bon indice : « Re-re-amended Judicial Application in Judicial Review and in Declaratory Judgment ».

[90]        Les articles identifiés sous le titre, conformément au Règlement de procédure, en fournissent un autre : l’on y retrouve les articles 34, 49, 142 et 529(4) du Code de procédure civile[27].

[91]        Il est donc clairement question d’un jugement déclaratoire et d’une demande de mandamus.

[92]        Mais pour déterminer si le recours est sujet au dépôt de la procédure dans un délai raisonnable, c’est vers les conclusions qu’il faut ensuite se tourner, pour obtenir le dernier indice concluant :

Grant the present motion;

Declare that short term rental of the residence of the Plaintiffs is an authorized use in zone TM-618.1;

Order the public officer of the Defendant municipality responsible for the deliverance of the attestation that short term rental of these residences complies with the zoning by-law, to deliver such an (…) attestation upon demand by the Plaintiffs;

Alternatively, SHOULD THE COURT Rule AGAINST THE PLAINTIFFS RIGHTS TO SHORT TERM RENTAL,

Declare that the exceptional facts of the case lead the Court to conclude that the prohibition to rent on a short basis is inoperative against the residence of the Plaintiffs on the basis of Estoppels (preclusion)[28];

Declare that short term rental of the residence of the Plaintiffs is an authorized use zone TM-618.1

Order the public officer of the Defendant municipality responsible for the deliverance of the attestation that short term rental of these residences complies with the zoning by-law, to deliver such an (…) attestation upon demand by the Plaintiffs;

The whole with costs[29].

[93]        De tout cela, nous pouvons conclure qu’il s’agit d’un recours hybride, dont les conclusions sont toutefois inter reliées.

[94]        Mais le jugement déclaratoire vise l’interprétation de dispositions législatives ou réglementaires, au sens de l’article 142 C.p.c.[30], et c’est clairement la principale base du recours, car si le Tribunal refuse d’accorder la déclaration recherchée, la Ville ne pourra être forcée d’émettre un quelconque certificat, par voie de conséquence[31].

[95]        Maintenant que nous avons une idée plus précise de la nature de la procédure et de l’interaction entre les conclusions, dans quel délai un jugement déclaratoire doit-il être déposé, pour ne pas se voir opposer un argument de tardiveté?

[96]        Dans la section du Code où il se trouve l’article 142 C.p.c., sur le jugement déclaratoire, rien ne prévoit l’obligation de déposer une telle demande dans un quelconque délai dit « raisonnable ».

[97]        Et en plus, cet article fait partie du livre deux (2), intitulé Procédure contentieuse et particulière, et on retrouve le livre deux (2) dans la section portant le titre : La demande en justice, que l’on qualifie de générale, alors que le recours en mandamus fait partie d’un tout autre chapitre, intitulé Les voies procédurales particulières, et plus spécialement, dans le chapitre quatre (4) de ce livre, qui est intitulé Les mesures provisionnelles et de contrôle, dans Le pourvoi en contrôle judiciaire.

[98]        Ce dernier type de recours est régi non pas par des règles générales, comme le jugement déclaratoire de type interprétatif, mais par des règles spécifiques, dont l’une, qui prévoit l’obligation de le signifier dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture, tel que l’édicte l’article 529 (3) C.p.c..

[99]        Lorsque deux recours compatibles provenant de différents chapitres du Code de procédure civile se retrouvent cumulés dans une même demande en justice, mais que le délai pour les intenter n’est pas le même, quel délai est alors applicable?

[100]     Lorsqu’une partie[32] plaide que l’autre n’a pas fait preuve de diligence, dans le dépôt d’un recours hybride, afin de tenter de faire rejeter le recours, est-ce le délai le plus strict, (donc celui qui régit le mandamus, en l’espèce), ou celui, moins strict, qui s’applique aux demandes en justice dites générales, (relatif au jugement déclaratoire), qui s’applique?

[101]     Ce sujet n’ayant été que peu plaidé lors de l’audition, et la Ville présentant elle aussi une demande (reconventionnelle) comportant entre autres des conclusions de nature déclaratoire, pour ensuite obtenir les diverses ordonnances d’injonctions permanentes recherchées, nous avons demandé aux parties de nous soumettre des autorités additionnelles sur le sujet [33].

[102]     La situation est intéressante, car le délai relatif au dépôt de la demande reconventionnelle n’a pas fait l’objet de représentations préliminaires de la part des demandeurs, quant au caractère tardif de son dépôt.

[103]     Ainsi, même si nous rejetions le recours des demandeurs parce qu’il est irrecevable, pour les fins de la discussion, n’en demeure pas moins que le Tribunal devra tout de même décider du sort de la demande reconventionnelle présentée par la Ville.

[104]     Cette situation crée donc un contexte particulier pour les fins de notre analyse et de notre décision.

[105]     En effet, les tribunaux supérieurs nous invitent à ne pas trancher de questions de droit inutilement, pour ne pas porter préjudice à un justiciable désireux de faire valoir un argument similaire dans un autre dossier, qui nécessite une réponse formelle.

[106]     Nous ne pouvons donc ignorer ce principe.

[107]     Ainsi, en l’espèce, nous sommes d’avis qu’il n’y a pas lieu de rejeter les demandes principales des demandeurs, au motif qu’elles auraient été déposées dans des délais pouvant être considérés comme étant déraisonnables par d’aucuns.

[108]     À supposer que l’on puisse conclure que l’argument devait être tranché en bonne et due forme, nonobstant le fait qu’il demeure une demande reconventionnelle, dans ce dossier, voici ce que nous aurions décidé.

[109]     Tout d’abord, la preuve démontre que les demandeurs savent que la Ville considère qu’ils n’ont pas le droit de louer leur résidence pour des périodes inférieures à 31 jours depuis des années.

[110]     Cette preuve regorge de documents qui confirment que les parties ont eu de nombreuses discussions, voire des négociations, sur ce sujet, au fil des ans.

[111]     C’est le cas en 2008, en 2012, ainsi qu’entre 2013 et 2014.

[112]     Malgré que Tremblant ait envoyé plusieurs avis d’infraction, tant sous l’ancien que sous le nouveau Règlement, force est de constater qu’elle n’était pas pressée de forcer l’application de ses divers règlements à la lettre.

[113]     À preuve, l’avis d’infraction émis en 2012, et suspendu jusqu’en 2014, ainsi que les échanges qui se poursuivent, entretemps.

[114]     Le 21 juin 2013 les demandeurs se sont vus refuser l’émission du certificat requis par Tourisme Québec, et ils ne se sont présentés à la Cour que près de deux (2) ans plus tard, pour demander au Tribunal d’ordonner à la Ville de lui émettre ledit certificat.

[115]     Mais puisque le recours intenté est hybride, et parce qu’il comporte une portion déclaratoire qui a un effet miroir dans les conclusions de la demande reconventionnelle, qui recherche aussi de telles conclusions, nous sommes d’avis que dans les circonstances, il n’y a pas lieu de rejeter la demande principale, sur la base d’une irrecevabilité.

[116]     La rejeter ainsi ne règlerait pas la situation problématique qui se déroule depuis plusieurs années, à Tremblant[34].

[117]     Cette question de délai étant réglée, abordons les motifs sur le fond de l’affaire.

5.2       Les représentations du vendeur, le contenu de l’acte d’achat, de l’acte de copropriété et la publicité entourant le Refuge du cerf

[118]     Les représentations du vendeur, celles des différents acteurs impliqués dans la gestion de la copropriété dont la résidence des demandeurs fait partie, et celles faites par des représentants de l’Association dont les demandeurs sont membres, y compris les représentations du notaire[35], n’ont aucune incidence sur le sort du litige, puisqu’elles ne créent aucun droit en faveur des demandeurs, qui pourrait être opposable à la Ville.

[119]     Si ces représentations ont joué un rôle capital dans leur décision d’acheter leur immeuble en vue d’en tirer un revenu d’affaires, alors qu’il n’est maintenant pas possible de continuer l’usage qui leur permet d’obtenir un tel revenu, c’est aux personnes qui leur ont fait de telles représentations qu’il fallait diriger le recours, et non à l’endroit de la Ville, dans un tel contexte.

[120]     Mais nous avons appris à l’audition, que les demandeurs n’ont pas choisi cette voie.

[121]     Probablement que le fait que les demandeurs déclarent avoir vérifié eux-mêmes si ce qu’ils envisageaient faire avec cet immeuble était conforme aux règlements municipaux, dans l’acte de vente, a ralenti leurs ardeurs, lorsqu’ils ont envisagé un recours possible contre ces personnes.

[122]     Ils ne peuvent donc maintenant prétendre que ces représentations de tiers les ont réconfortés au moment d’acheter leur immeuble, au point où leur conduite à l’égard de la Ville doive être absoute, car s’ils avaient fait de telles vérifications, ils se seraient vite rendu compte que la position de la Ville était loin d’être farfelue, selon la jurisprudence[36].

[123]     Voici pourquoi.

5.3       L’analyse de la règlementation

[124]     D’entrée de jeu, nous sommes d’avis que les deux demandes principales doivent être rejetées, alors que la demande reconventionnelle devrait être accueillie.

[125]     En effet, le Règlement de 1987 et le Règlement de 2008 n’ont jamais autorisé l’usage « résidence de tourisme » ni un usage commercial se matérialisant par la location récurrente d’une résidence pour moins de trente-et-un (31) jours, dans la zone où se trouve le 255 des Cerfs.

[126]     Vu notre jugement, et par voie de conséquence, la demande de mandamus, qui vise l’obtention d’une attestation qui permettrait aux demandeurs d’annoncer leur propriété comme résidence de tourisme, afin de respecter les exigences du Ministère du tourisme, n’a donc plus de fondement, car elle confirmerait que l’exploitation de leur résidence est conforme à la règlementation de la Ville,, ce qui n’est pas le cas, selon nous.

[127]     Ensuite, l’usage dérogatoire de la propriété des demandeurs, que ce jugement reconnaît, et qui dure depuis plusieurs années, doit maintenant cesser; la manière de régler la situation pas donc par l’émissions des ordonnances d’injonctions permanentes, demandées par la Ville.

[128]     Voici maintenant les motifs qui fondent ces trois décisions.

[129]     Lorsque les demandeurs ont acquis leur immeuble, les usages permis par le Règlement de 87, dans la zone où il était situé, soit dans la zone R-2-214, étaient les usages « résidence » et « communautaire ».

[130]     Les usages permis par le Règlement de 2008, dans la zone dans laquelle se situe la résidence des demandeurs, maintenant désignée comme étant la zone TO-618.1, sont les usages « habitation unifamiliale » et « commerce de récréation ».

[131]     Lorsque la Ville plaide que l’usage « commercial hébergement » et l’usage « commercial » ne sont pas autorisés dans le Refuge du cerf, elle a raison, et le Règlement de 2008 ne contient aucune ambiguïté à cet égard, à notre avis.

[132]     Les « résidences de tourisme », pour leur part, se retrouvent dans la classe d’usage « commerce d’hébergement ». Or, cet usage n’est pas autorisé, dans la zone TO-618.1, où se trouve le Refuge du Cerf.

[133]     D’ailleurs, comme nous l’avons relevé, les demandeurs ne contestent pas que l’usage « commerce d’hébergement », qui autorise les résidences de tourisme, n’est pas l’un de ceux qui sont autorisés dans la zone TO-618.1.

[134]     Selon nous, une personne raisonnable qui lit le Règlement de 2008 et regarde ensuite la grille des usages, qui l’accompagne, peut constater que divers usages du territoire y sont prévus, dont celui « habitation ». Elle peut facilement noter que cet usage contient diverses sous-sections[37].

[135]     Elle peut aussi constater que l’usage « commerce », et plus spécialement « commerce d’hébergement », font partie des usages définis dans ce Règlement.

[136]     Dans la marge, à gauche de la grille, la rubrique suivante a été insérée : « usages permis ».

[137]     Une personne raisonnable, qui regarde la grille, est en mesure de comprendre que tous les usages indiqués dans une zone précise, identifiés par des petits points, faciles à repérer, sont permis dans les zones où on les retrouve[38].

[138]     Depuis longtemps, cette façon de faire état des usages permis sur le territoire d’une municipalité est reconnue comme étant valable[39].

[139]     Lorsque l’on s’arrête sur la définition du mot « habitation », dans le Règlement de 2008, nous comprenons que nous sommes dans un contexte d’occupation résidentielle.

[140]     Même quand nous vérifions le mot « habitation » dans un dictionnaire, ainsi que les mots « résidence » et « résider », et ce, à la lumière de la jurisprudence portant sur des situations similaires qui ont eu lieu ailleurs, au Québec et au Canada, ce qu’il ressort est tout-à-fait incompatible avec l’usage réel que les demandeurs ont fait de leur immeuble, selon la preuve[40].

[141]     En effet, celle-ci confirme que l’utilisation principale que font les demandeurs de leur résidence, est de nature commerciale, plutôt que résidentielle.

[142]     Pour s’en convaincre, une référence à l’arrêt Rivard c Sainte-Catherine-de-Hatley[41] s’impose.

[143]     Dans cette affaire, la Cour écrit que le mot « habitation » sous-tend une idée de résidence, au sens d’un endroit où l’on habite habituellement[42].

[144]     La prétention des demandeurs que les mots « occupation domiciliaire » ont été changés pour « occupation résidentielle », et que cela démontre l’intention du législateur municipal d’ouvrir la porte à la location à court terme dans la zone qui nous intéresse, ne peut être retenue.

[145]     En effet, cette modification ne vient pas changer le sens ordinaire des mots, notamment du mot « résidence » ni celui du verbe « résider », qui réfèrent encore et toujours au fait de demeurer habituellement dans un lieu ou d’y être établi de manière habituelle.

[146]     Quant à la définition du mot « habitation », dans le Règlement de 2008, il ne s’éloigne pas de celle du dictionnaire, qui réfère au fait de loger de manière durable dans une maison, sous un toit.

[147]     Rien, dans la définition du mot « habitation », dans le Règlement de 2008, ne s’éloigne de la définition du dictionnaire.

[148]     Pour en faire la démonstration, voici comment ce mot est défini, dans le Règlement de 2008. Il est intéressant de noter ce qui se trouve à la fin de cette définition:

Habitation : bâtiments ou parties de bâtiments destinés à une utilisation et à une occupation résidentielle par une ou plusieurs personnes. Une maison de pension, un hôtel, un motel, une résidence de tourisme ne sont pas une résidence au sens du présent règlement

(Nos soulignements et emphase)

[149]     La jurisprudence confirme que le mot « résider » implique une certaine continuité, et les tribunaux ont déjà conclu que le fait pour un tiers ou diverses personnes (par rapport au propriétaire), de se succéder dans un immeuble à raison de quelques jours chacun, n’est pas compatible avec l’idée derrière le mot « résidence » ou le verbe « résider ».

[150]     Dans Sainte-Catherine-de-Hatley, les propriétaires de l’immeuble avaient aussi reconnu qu’ils ne demeuraient pas dans leur immeuble. Et tout comme en l’espèce, ils faisaient de la publicité sur un site Web, pour annoncer leur résidence, pour fins de location. La grille des usages était substantiellement similaire à celle qui nous est présentée, car dans la section permettant l’usage « résidence », l’usage « commercial » n’était pas indiqué.

[151]     Dans la décision Nanaimo (Regional District) v. Saccomani [43], au paragraphe 34, le juge fait le point sur une définition qui se trouve dans le Règlement faisant l’objet de son analyse, soit celle de : « homelife ».

[152]     Dans cet autre dossier, le marché de location à court terme était très actif, tout comme à Tremblant[44].

[153]     Voici ce que le juge écrit de pertinent, pour illustrer notre propos sur le sens du mot « résidence » :

The use of the term “homelife” suggests that residential use must be nontransient. It is embodied by those who live on the property and use it as their

habitual abode.

 

(Notre emphase)

[154]     Même si le Règlement de 2008 ne contient pas le mot « homelife », la conclusion du juge, dans Nanaimo, s’applique à notre dossier, puisque le ratio decidendi de cette décision tourne autour du fait de « résider » à un endroit, versus y laisser d’autres personnes y séjourner, de manière temporaire[45].

[155]     C’est parce que la preuve non contestée confirme l’usage réel et concret de la résidence des demandeurs comme un lieu où la location à court terme est pratiquée de manière habituelle, et non un usage résidentiel, au sens où ce mot doit être interprété, peu importe où il est défini (Règlement ou dictionnaire), que nous considérons que la décision Nanaimo est utile à la solution de ce litige.

[156]     Le Règlement de 2008 étant clair, nous sommes d’avis qu’il n’est pas nécessaire de l’interpréter davantage. Tout ce qu’il faut faire, est de l’appliquer.

[157]     À notre avis, il n’y a aucune raison pour que l’usage d’une résidence située dans une zone « habitation », devienne tout autre que ce que la Ville a prévu qu’il serait.

[158]     Après analyse de la preuve, nous réitérons que l’usage que les demandeurs font de leur résidence est commercial, et non résidentiel.

[159]     Eu égard aux constats dont nous avons fait état jusqu’ici, la définition de « résidence de tourisme » ne rend pas le règlement imprécis.

[160]     Et la définition du mot « habitation », qui exclut la « résidence de tourisme » ainsi que d’autres types d’hébergements qui comportent habituellement plusieurs unités d’habitation, comme un hôtel, démontre une intention claire de la Ville : elle ne souhaite pas que des résidences de tourisme se retrouvent dans les zones où l’usage autorisé est « habitation ».

[161]     Voici un extrait de la décision Nanaimo, qui résume assez bien l’essence de la règlementation discutée dans ce jugement, et qui explique l’intention derrière la rédaction du Règlement de 2008, tout particulièrement :

[44]       Vacation rental properties can change the character and nature of a residential neighbourhood. Vacationers do not share the same long term goals that residents in a particular zone have - to have a comfortable, stable and secure environment in which they can live, work and play. While members of the travelling public may share the recreational aspects of these goals, their short term focus runs contrary to the long term goals of the residents.

[45]       A resident who makes their home life in the dwelling unit is accountable to neighbours. There is strong motivation to be a good neighbour, one who is willing to self-regulate negative behaviours such as excessive traffic and noise. As is evidenced by Ms. Freko’s reports of noise violations, traffic congestion, and safety concerns, the same constraints do not apply to members of the travelling public.

[162]     L’argument des demandeurs sur l’ajout des mots « copropriété hôtelière » entre parenthèses, après « résidence de tourisme », n’a pas d’impact sur notre raisonnement ni notre conclusion.

[163]     Et histoire de faire le point sur notre conclusion, il importe de noter que la définition de « résidence de tourisme » comporte deux parties, tel que voici :

« Résidence de tourisme » (copropriété hôtelière)[46] :

Comprend les établissements qui offrent de l’hébergement, pour une période inférieure à 31 jours, uniquement dans des appartements, des maisons ou des chalets, que ce soit dans l’ensemble d’un bâtiment ou partie de celui-ci et doté d’un service d’auto-cuisine.

Constitue également des résidences de tourisme, un projet comportant des unités d’hébergement administré par une seule corporation, société de gestion ou autre, dans le but de louer des unités à titre résidence de tourisme et où l’on retrouve tous les services d’hôtellerie et récréotouristiques intégrés au projet. Ce projet peut être détenu sous forme de propriété unique, indivise ou divise.

[164]     À supposer que l’on ait eu à aller plus loin, dans notre raisonnement sur l’impact des mots « copropriété hôtelière », nous aurions classé la résidence des demandeurs dans la première partie de la définition de « résidence de tourisme », puisqu’il s’agit d’un établissement offrant de l’hébergement dans une maison, équipée d’une auto-cuisine.

[165]     Mais nous sommes d’avis qu’il est plus ou moins important de savoir à quoi correspond une « résidence de tourisme », puisque ce qui ressort de la preuve, dans ce dossier, est clairement l’usage commercial d’un immeuble situé dans une zone qui ne permet que l’usage « habitation »[47].

[166]     Cette conclusion se trouve à la fois dans l’intention des propriétaires de cette résidence et dans l’utilisation concrète qu’ils font de leur résidence, depuis 2003, ce qui fournit une période d’échantillonnage sommes toutes révélatrice, à notre avis.

[167]     L’abrogation de l’article 4.5.2.35, qui permettait la location à court terme de résidences « dans certaines zones applicables », n’a pas davantage eu pour effet de rendre la location à court terme de résidences possible, toutes les zones, contrairement à ce que prétendent des demandeurs[48]. Cet argument est donc rejeté[49].

[168]     En conclusion, il faut toujours revenir au cœur de l’usage permis, soit « habitation », tel que nous l’avons décrit précédemment, à la fois à la lumière de la définition contenue dans le Règlement de 1987 et celle du Règlement de 2008, que de celle du dictionnaire et de leur interprétation par la jurisprudence, dans des décisions qui soulevant le même genre d’enjeux. Et à la lumière de toutes ces sources, notre conclusion est que les demandeurs ne sont pas autorisés à faire de la location à court terme au 255 des Cerfs, dans le Refuge du cerf.

[169]     Qu’en est-il maintenant de la demande reconventionnelle?

5.4       La demande reconventionnelle

[170]     Puisque l’usage démontré par la preuve n’est pas l’un de ceux prévus dans la grille, pour la partie de territoire où se trouve la résidence des demandeurs, la demande de la Ville, en vertu de l’article 227 Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, est fondée, puisque les conditions de cet article sont démontrées[50].

[171]     La Ville a donc droit aux ordonnances d’injonctions permanentes qu’elle demande, afin que cesse l’usage dérogatoire que les demandeurs font de leur résidence, une fois pour toutes[51].

[172]     Mais notre jugement peut-il être déclaré exécutoire nonobstant appel pour autant?

5.5       L’exécution provisoire nonobstant appel

[173]     Considérant la chronologie des faits énoncée dans ce jugement;

[174]     Considérant que les demandeurs connaissent les allégations de la Ville quant au caractère illégal de l’usage qu’ils font de l’immeuble qu’ils ont acquis en 2003;

[175]     Considérant les différentes demandes des demandeurs à la Ville, pour que cette dernière reconnaisse enfin la légalité de l’usage discuté dans ce jugement, qu’ils savaient être dérogatoire;

[176]     Considérant que malgré cela, les demandeurs n’ont jamais cessé l’usage dérogatoire dénoncé par la Ville à de nombreuses reprises, y compris pendant toute la durée des procédures;

[177]     Considérant que le Règlement de 2008 est présumé valide et qu’il est clair, à notre avis[52];

[178]     Considérant que l’ensemble de la jurisprudence applicable à des cas similaires à celui des demandeurs infirme la position qu’ils ont plaidé devant nous;

[179]     Considérant que la demande d’exécution provisoire nonobstant appel est justifiée, selon nous, parce que des circonstances exceptionnelles la justifient[53].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[180]     REJETTE la demande introductive d’instance;

[181]     AVEC frais de justice;

[182]     DÉCLARE que les seuls usages autorisés dans la zone R2-214, en vertu du Règlement de zonage 87-02 de la Ville de Mont-Tremblant, étaient les usages résidentiel et communautaire;

[183]     DÉCLARE que la norme spéciale prévue à l’article 4.2.5.35, entrée en vigueur le 18 juin 2002, permettant la location de résidences pour de courts séjours dans certaines zones, était inapplicable à la zone R2-214, où se situait le Refuge du cerf, en vertu du Règlement de zonage 87-02 de la Ville de Mont-Tremblant;

[184]     DÉCLARE que l’usage Résidence de tourisme et que l’offre en location pour des périodes inférieures à trente-et-un (31) jours, associés au groupe d’usages Commerce d’hébergement (C-8), sont interdits par le Règlement de zonage (2008)-102 de la Ville de Mont-Tremblant, dans la zone TO-618.1, où se situe le Refuge du cerf;

[185]     DÉCLARE que les seuls usages autorisés par le Règlement de zonage (2008)-102 de la Ville de Mont-Tremblant dans la zone TO-618.1, où se situe le Refuge du cerf, sont des groupes d’usages Habitation et Commerce de récréation (C-6);

[186]     DÉCLARE que l’offre en location et l’activité de location pour des périodes inférieures à trente-et-un (31) jours correspondent à l’usage Résidence de tourisme, rattaché au groupe d’usage Commerce d’hébergement (C-8), selon le Règlement de zonage (2008)-102 de la Ville de Mont-Tremblant;

[187]     DÉCLARE que l’usage Résidence de tourisme exercé par les demandeurs Georges Samson, Elizabeth Hilliard, 9318-9132 Québec inc. et Tremblant concierge inc., sur les lots 2 803 940 et 2 803 947 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne et dont les adresses civiques sont les [...], contrevient au Règlement de zonage (2008)-102 et qu’il est interdit dans la zone TO-618.1, où se situe le Refuge du cerf;

[188]     ORDONNE aux demandeurs Georges Samson, Elizabeth Hilliard, 9318-9132 Québec inc.et Tremblant concierge inc., de cesser d’offrir en location, pour moins de trente-et-un (31) jours, directement ou indirectement, via des intermédiaires, dans les quinze (15) jours du jugement, les propriétés identifiées par les lots 2 803 940 et 2 803 947 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne et dont les adresses civiques sont les [...], ou toute propriété appartenant à des tiers et qui est située dans le Refuge du cerf, et de se conformer au Règlement de zonage (2008)-102 de la Ville de Mont-Tremblant;

[189]     ORDONNE aux demandeurs Georges Samson, Elizabeth Hilliard, 9318-9132 Québec inc. et Tremblant concierge inc., de cesser d’offrir en location pour moins de trente-et-un (31) jours, directement ou indirectement, via des intermédiaires, dans les quinze (15) jours du jugement, l’usage de Résidence de tourisme sur les lots 2 803 940 et 2 803 947 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne et dont les adresses civiques sont les [...], ou toute propriété appartenant à des tiers et qui est située dans le Refuge du cerf, et de se conformer au Règlement de zonage (2008)-102 de la Ville de Mont-Tremblant;

[190]     ORDONNE l’exécution provisoire de ce jugement, nonobstant appel.

[191]     AVEC frais de justice.

 

 

 

 

 

 

__________________________________CLAUDE DALLAIRE, j.c.s.

 

Pour le dossier 700-17-013077-168

Me Marc Laperrière

Gilbert Simard Tremblay

            Procureurs des demandeurs/Défendeurs reconventionnels

 

Me Jean-Philippe Fortin

Bélanger Sauvé

            Procureurs de la défenderesse/Demanderesse reconventionnelle

 

Pour le dossier 700-17-013835-169

Me Jean-Philippe Fortin

Bélanger Sauvé

            Procureurs de la demanderesse

 

Me Jill Eusanio

Cabinet de Me Jill Eusanio

            Procureur pour la défenderesse 9318-9132 Québec inc.

 

Tremblant Concierge inc.

Non représentée

            Défenderesse

 

 

 

 

Dates d’audience :

23 au 25 avril 2019

Date de délibéré :

1er juillet 2019

Demande de transcription :

10 janvier 2020

 

 



[1]     Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet l’arrêt Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260, au moment de rendre sa décision, le Tribunal s'est réservé le droit d'en modifier, amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a donc remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[2]     RLRQ., c. E-14.2. Voir aussi le règlement r.1 adopté en vertu de cette loi, art.1, sur l’origine de la demande de certificat, aux fins de la portion mandamus du recours des demandeurs.

[3]     P-1 à P-30.

[4]     D-1 à D-33.

[5]     La demanderesse Hilliard n’a pas témoigné, mais a été présente à différents moments au cours de l’audition.

[6]     P-1, page 5.

[7]     À la page 57 de son interrogatoire au préalable du 14 octobre 2016.

[8]     Dans Cloutier c. St-Sauveur (Ville de), 2011 QCCA 780, ainsi que St-Sauveur (Ville de) c. Cloutier, 2009 QCCS 4166, au paragraphe 27, la Cour d’appel confirme que le contenu du permis de construction est pertinent à l’analyse dans un cas d’interprétation du genre de celui dont nous disposons.

[9]     Dans la déclaration commune, et lors de l’audience.

[10]    Lors du prononcé du jugement, le Tribunal a énoncé 120-140 jours, mais nous avons corrigé le chiffre pour qu’il corresponde plus précisément à ce que Samson a dit, par souci de précision, mais cela ne change en rien les conclusions tirées de l’usage décrit. En effet, lors de son témoignage, Samson a aussi parlé de l’usage de sa propriété en termes de proportion. Il a déclaré entre autres ceci : « 95% not for personal use », 5% pour les besoins personnels. Mais avant, il avait déclaré 100-120 jours par an de location, et 20-25 jours, la résidence étant vide, le reste du temps. En terminant sur le sujet, il a ajouté ceci, de révélateur sur ses intentions : « Cashflow needed to be positive ». 

[11]    La situation par les chiffres, s’apparente à la trame factuelle dans la décision Nanaimo (Regional District) v. Saccomani, 2018 BCSC 752 (CanLII), par. 12, 13 et 14.

[12]    Ou qu’il n’en demeure aucune trace, ce qui serait toutefois surprenant, la Ville étant un corps public et étant assujettie à des obligations relatives à la garde des documents reçus ou générés dans le cadre de son administration courante.

[13]    Qui apporte quelques modifications ne touchant toutefois pas directement à notre litige.

[14]    Dans la décision Côté-Paquin c. Ste-Adèle, J.E. 95-451 (CA), page 2, une telle demande de modification a été prise en considération par le juge, dans son analyse de la situation.

[15]    À la suite d’un avis de gestion du 16 novembre 2017.

[16]    À l’origine, il y avait une question portant sur la préclusion promissoire, mais lors de l’audition du 25 avril 2019 à 11h57, cette question a été abandonnée.

[17]    Ainsi qu’à bien d’autres acheteurs.

[18]    Voir page 61 du plan d’argumentation soumis par les défendeurs.

[19]    Ils ont argumenté notamment sur l’ensemble des services offerts et sur les stationnements. En droit, ils invoquent aussi les principes énoncés dans Montréal (Ville de) c. Beauchemin, J.E. 95-2186, entre autres.

[20]    RLRQ., c. E-14.2, r.1, art.1. 

[21]    Nous comprenons que c’est tout comme s’il y avait délégation de l’usage par les propriétaires en faveur de tous les locataires qui séjournent moins de trente-et-un (31) jours dans leur résidence.

[22]    De manière plus précise, elle plaide que ce n’est pas parce que le Règlement de 1987 et le Règlement de 2008 énoncent des usages autorisés, plutôt que d’utiliser la technique de rédaction qui énonce plutôt les usages interdits, que la technique de rédaction choisie rend les choses ambigües pour autant, les deux techniques ayant été reconnues comme étant tout aussi valables l’une que l’autre. Voir Côté-Paquin c. Ste-Adèle, précité note 13, page 4, qui réfère à un arrêt de la Cour d’appel plus ancien : Municipalité de Saint-Michel-Archange c. 2419-6388 Québec inc., [1992] R.J.Q. 875 (C.A.), page 5, dont l’autorisation d’appeler à la Cour suprême a été rejetée le 8 octobre 1992. Voir aussi l’arrêt Cloutier c. St-Sauveur (Ville de), précité note 8, par. 14 et 25, qui peut être interprété comme tel, alors que la Cour écrit que l’absence de prohibition claire d’une activité de nature commerciale ne saurait faire échec à l’application d’un règlement qui interdit toute activité commerciale dans une zone déterminée. Si l’usage autorisé n’inclut pas l’usage commercial, une personne raisonnable est en mesure de comprendre que cet usage ne fait pas partie de ceux autorisés dans un secteur donné, selon les renseignements consignés dans une grille. Elle invoque la « fin première » recherchée par l’usage autorisé, sur cette portion du territoire, comme cela ressort entre autres de LeChasseur Marc-André, Zonage et urbanisme en droit canadien, Wilson Lafleur, 3ème édition, 2016, par. 189 et 191 et 6169970 Canada inc. c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 696, par.42

[23]    D’ailleurs, sa nullité ou son inopposabilité ne sont pas demandées.

[24]    Cette interprétation, d’une personne raisonnable, trouve entre autres appui dans la décision Côté-Paquin, précité note 13, page 4, discutée dans l’arrêt Cloutier c. St-Sauveur, précité note 8, aux paragraphes 23, 24 et 25, où une association a été faite entre la nature de l’exploitation de l’immeuble et le commerce d’hôtellerie.

[25]    Il y a lieu de noter que dans leur procédure, les demandeurs écrivent TM-618.1, mais c’est plutôt la zone TO-618.1, qui est la même, toutefois.

[26]    Cela diffère des faits dans l’arrêt Cloutier c. St-Sauveur, précité note 8, voir par. 7 et 26. Dans cette affaire il y avait aussi un enjeu sur des droits acquis, ce qui n’est pas notre cas et qui a des répercussions importantes sur l’appréciation de la preuve.

[27]    Précisons, d’entrée de jeu, que l’article 529(4) est manifestement une coquille, puisque c’est l’article 529 alinéa un (1), paragraphe trois (3), qui porte sur le mandamus; il n’y a pas d’alinéa quatre (4) dans cet article.

[28]    Nous avons rayé cette conclusion, car elle a été retirée lors de l’audition.

[29]    Pages 22 et 23 de la dernière version de la procédure de juin 2017.

[30]    Pour la différence entre le jugement déclaratoire couvert par l’article 529 par.1 C.p.c. et celui couvert par l’article 142 C.p.c., voir Syndicat professionnels des ingénieurs d’Hydro-Québec inc. c. Ordre des ingénieurs du Québec, 2017 QCCS 1575, par. 12; Regroupement des ressources résidentielles adultes du Québec (CSD) c. Agence de la santé et des services sociaux du Saguenay-Lac-St-Jean, 2013 QCCS 798, par.1, 38 et 57; Association des employés cadres de la Ville de Terebonne inc. c. Legris, 2018 QCCS 2752, par. 1 et 46 à 55; Indigo Parc Canada inc. c. Commission scolaire des Découvreurs, 2017 QCCS 1852, par. 1, 26, 28 et 32 à 39.

[31]    Ultramar ltée c. Ste-Foy (Ville de), J.E. 98-1259 (C.S) p. 7 et 21; Vallières c. Les courtiers J.D. et associés ltée, 1998 R.J.Q. 2623 (C.A); Pavlov c. Ville de Montréal, 2018 QCCS 845, par. 135-141.

[32]    La Ville, en l’espèce.

[33]    Après avoir réagi à des plaintes, même pour d’autres citoyens.

[34]    De plus, la tendance est de donner préséance au fait que le problème demeure encore actuel, plutôt qu’à l’argument de connexité dans le temps, lorsqu’il n’y a pas de preuve de préjudice, pour la partie qui invoque l’irrecevabilité d’une demande. Voir Montréal (Ville de) c. F.B.T. Dorval inc., (CA) J.E. 2002-1438, par. 11. Le délai raisonnable ne s’applique pas comme tel au jugement déclaratoire de nature interprétative, versus la déclaration de nullité ou d’inopposabilité. Voir sur le sujet Ultramar ltée c. Ste-Foy (Ville de), J.E. 98-1259 (C.S), précité note 30, p. 21 et 2426-4640 Québec inc. c. Ville Saint-Laurent, [1995] R.J.Q. 2881, p. 2884, et Association des employés cadres de la Ville de Terrebonne inc. c. Legris, 2018 QCCS 2752, précité note 29, par. 45. Voir a contrario, les décisions suivantes : Centre de réadaptation Gabrielle Major c. Montréal (Ville), 2001 CanLII 25587 (QCCS) par. 13-20.

[35]    Tout cela résulte de ouï-dire, car personne n’est venu témoigner. Nous disposons donc de l’argument au motif que cette preuve a été introduite non pas pour prouver la véracité des propos tenus, mais pour démontrer ce qui a fait en sorte que les demandeurs agissent de telle ou telle façon et qu’ils aient été sur l’impression (firm belief) qu’ils avaient le droit de faire de la location à court terme de leur unité privative, ce qui est une exception reconnue au ouï dire.

[36]    Dans 6169970 Canada c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 696, précité note 21, par. 48, il est clair que l’usage résidentiel est distinct de l’usage commercial. Voir au même effet Côté-Paquin c. Ste-Adèle, J.E. 95-451 (CA), précité note 13, page 4. Et dans le Règlement de 2008, le législateur municipal envoie un message clair que ces usages sont distincts, en les mettant pour l’un dans le chapitre 31 du Règlement (habitation) et dans le chapitre 33, pour l’autre (commerce), les deux chapitres étant séparés par celui sur l’usage « villégiature ». Voir pièce P-27, sur ce sujet.

[37]    Voir Cloutier c. St-Sauveur, précité note 8, par. 23 où la méthode de la personne raisonnable et l’interprétation par similitude ont été reconnues comme étant valables; Voir aussi Ste-Catherine de Hatley c. Rivard, 2014 QCCS 2390, par. 29-30 et 33, où le juge énonce que le test est celui d’un citoyen susceptible d’apprécier le sens courant des mots, en citant l’auteur P-A. Côté, qui illustre le même propos en référant à ce que « Monsieur et Madame tout le monde » peut comprendre à la simple lecture du texte, bref le test d’un citoyen « ordinaire ». Voir aussi Gestion Mayer-Trempe inc. c. St-Sauveur-des-Monts (Corp. municipale du village de), J.E. 99-783, et North Pender Island Local Trust Committee v. Conconi, 2010 BCCA 494.

[38]    Voir à titre d’illustration du propos, la pièce P-24, où il n’y a pas de petit point sous la rubrique « commerce d’hébergement », alors qu’il y en a un sous la rubrique « habitation unifamiliale ».

[39]    Côté-Paquin c. Ste-Adèle, J.E. 95-451 (CA), précité note 13, page 4, par. 2.

[40]    Dans 6169970 Canada inc. c. Québec (Procureur général), 2013 QCCA 696, précité note 21, par. 49, ce critère de « réalité » de ce qui se passe à un endroit donné a été repris dans le cadre analytique visant à déterminer quel usage est exercé, selon la preuve. Il y est question de « destination » et de « vocation » des lieux.

[41]    Rivard c. Ste-Catherine-de-Hatley (Municipalité de), 2014 QCCA 1839 (CanLII); Ste-Catherine-de-Hatley (Municipalité de) c. Rivard, 2014 QCCS 2390 (CanLII).

[42]    C’est dans le même esprit que le juge, dans Nanaimo (Regional District) v. Saccomani, 2018 BCSC 752 (CanLII), précité note 10, illustre son propos par l’image du « revolving door » au paragraphe 50, image à laquelle nous souscrivons, pour qualifier l’usage que font les défendeurs de leur immeuble, qui est commercial plutôt que résidentiel.

[43]    Précité note 11

[44]    Voir paragraphes 2, 12 et 13 de la décision.

[45]    Dans Cloutier c. St-Sauveur (Ville de), 2011 QCCA 780, précité note 8, par. 17, la Cour d’appel réitère que le fait pour une personne d’être seulement « de passage » à un endroit, pour de courts séjours, ne démontrait pas une intention d’établir un « domicile » à cet endroit. Nous sommes d’avis que bien que le vocabulaire utilisé dans le présent règlement est « résidence », plutôt que « domicile », cela ne change pas le sens du mot « résider » ou « résidence », tant dans son sens commun que dans le sens juridique qui s’infère du contexte du Règlement de 2008. Rappelons aussi que dans cet arrêt, la Cour a conclu qu’il était clair que l’usage autorisé n’était que résidentiel, et non commercial. C’est de cette manière que nous considérons que certains des principes de l’arrêt Cloutier trouvent une application, en l’espèce, une fois les divers débats remis dans leur juste perspective. Voir aussi les décisions suivantes, au même effet : Kamloops (city) c. Northland Properties Ltd, 2000 BCCA 344, par. 15; North Pender Island Local Trust Committee v. Conconi, précité note 36, par.13 et 50; Mailloux c. Tofino (District), 2018 BCSC 2298, par. 125 à 132; Regional District Fraser Fort-George c. Norlander (2 avril 2014), Victoria 13-2936 (BCSC) par.15, 24-26, confirmé à 2015 BCCA 439; Paldi Khalsa Diwan Society c. Cowichan Valley (Regional District) 2014 BCCA 335.

[46]    À la page 94 du règlement (2008-102).

[47]    L’usage « commerce de récréation » est aussi permis, mais il n’a pas de pertinence pour la solution de ce dossier, personne n’ayant prétendu que l’usage de la résidence des demandeurs pouvait s’apparenter à un commerce de récréation.

[48]    L’adoption de l’article 4.5.2.35 n’a jamais eu pour effet d’autoriser la location à court terme de résidences destinées à l’habitation, dans leur secteur. Il doit être lu avec l’article 4.5.2, qui précise qu’il s’applique seulement si cela est indiqué dans la grille, alors que tel n’est pas le cas pour la zone où la résidence des demandeurs se situe.

[49]    Dans North Pender Island Local Trust Committee v. Conconi, 2010 BCCA 494, précité note 36, par. 23, la Cour a décidé que les mots entre parenthèses ne sont que des exemples de la manière dont l’usage peut être exercé.

[50]    Aucune preuve contraire n’a été présentée en demande, pour démontrer que Ville aurait accepté que cet usage se poursuive sur son territoire.

[51]    Y compris aux conclusions déclaratoires qui expliquent ces ordonnances.

[52]    Il est ici question de la suspension des effets d’un règlement présumé valide, que personne n’attaque comme tel. Donc, vu le jugement qui l’interprète, cela signifierait que toute personne qui n’est pas satisfaite de l’interprétation pourrait ainsi continuer de ne pas respecter ce règlement durant l’appel. Donc nous sommes d’avis que l’intérêt public milite en faveur de cette exécution nonobstant appel, afin que le Règlement de 2008 soit respecté durant l’instance, le préjudice collectif étant plus important que le préjudice individuel et temporaire, à supposer que les demandeurs en subissent un, ce qui n’est pas notre conclusion. Voir Lebeuf et als c. Groupe SNC-Lavalin inc., 1995 CanLII 5310 (QCCA), pages 5-6.  Notre dossier se distingue de celui dans St-Sauveur (Ville de) c. Cloutier, précité note 8, par. 142-147. En effet, dans cet autre dossier, des représentations de la Ville avaient été mises en preuve et ensuite, l’argument portant sur la préclusion promissoire a été plaidé. La composante relative à l’appréciation factuelle était donc importante, ce qui n’est pas le cas, dans notre dossier.

[53]    Dans Cloutier c. St-Sauveur, 2011 ACCA 780, précité note 13, les circonstances ayant justifié le refus de l’exécution provisoire étaient bien différentes des nôtres, car il était question de droits acquis, ainsi que de représentations par la municipalité, ce qui comportait une composante très factuelle sujette à appréciation, ce qui n’est pas notre cas, puisque les faits sont admis sur l’usage et l’Intention, seule l’interprétation étant en cause, en essence. Voir aussi Bouchard c. Magog, 2017 QCCA 332, p. 11. 

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