Verdier c. Rogers Communications Canada inc. | 2025 QCCS 1349 |
COUR SUPÉRIEURE |
(Chambre des actions collectives) |
CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE | MONTRÉAL |
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N° : | 500-06-001192-224 |
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DATE : | Le 29 avril 2025 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | lukasz granosik, j.c.s. |
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ARNAUD VERDIER et ALEXANDRE LEVKOVSKY |
Demandeurs |
c. |
ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., ROGERS COMMUNICATIONS INC., FIDO SOLUTIONS INC. et ERICSSON CANADA INC. |
Défenderesses |
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JUGEMENT
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(autorisation d’une action collective) |
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- Les demandeurs souhaitent exercer une action collective pour les dommages compensatoires, moraux et punitifs subis à la suite d’une interruption temporaire de service cellulaire survenue le 8 juillet 2022 pour le groupe suivant :
Class: All consumers and businesses in Canada who had a service contract with Rogers, Fido Mobile, Cityfone or Chatr Mobile and who did not receive wireline or wireless services (including 9-1-1 services) as of July 8, 2022 and until the services were fully restored; (hereinafter referred to as the “Class”)
Subclass: All natural and legal persons in Canada who could not operate with their own device or make personal or business transactions/operations (including paying with or receiving payment by Interac), because of the Rogers outage on July 8, 2022 and until the Rogers network was fully restored; (hereinafter referred to as the “Subclass”) or any other class to be determined by the Court
- L’action vise à la fois les défenderesses Rogers, Rogers Communications et Fido Solutions (collectivement « Rogers ») et Ericsson Canada, qui est un sous-traitant et un partenaire d’affaires de Rogers.
- Les demandeurs plaident les articles 10, 16, 40, 41, 42, 219 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) [1], l’article 52 de la Loi sur la concurrence (LC) [2] et l’article 1457 C.c.Q. Ils considèrent que Rogers a enfreint ces dispositions et qu’Ericsson est solidairement responsable des dommages subis.
CONTEXTE
- Le demandeur Arnaud Verdier est un client de Rogers qui n’a pas eu de service cellulaire durant la panne du 8 juillet 2022 avec tous les inconvénients que cela comporte dans la vie d’aujourd’hui. Entre autres, il n’a pu se servir du guidage informatisé lorsqu’il était au volant de sa voiture, n’a pu payer son repas et a vécu un stress important sachant qu’il ne pourrait rejoindre personne en cas de besoin. Il représente les membres du groupe principal et recherche l’octroi des dommages répertoriés sous trois chefs : réduction de l’obligation (50 $), troubles et inconvénients (50 $) et dommages punitifs (100 $).
- Le demandeur Alexandre Levkovsky, qui n’est ni un client de Rogers ni de Fido, n'a pas pu assister à un concert au Centre Rogers à Toronto en raison de cette panne, car le système d’admission à cet amphithéâtre n’était pas fonctionnel et le concert a été annulé. Il s’est ainsi déplacé inutilement en voiture de Montréal à Toronto avec sa famille et aurait subi d’autres préjudices. Il représente les membres du sous-groupe et réclame d’être indemnisé pour les dommages réellement encourus et aussi compensé pour ses troubles et inconvénients (500 $).
- La survenance de la panne est confirmée et la documentation du dossier inclut des déclarations de la direction de Rogers reconnaissant la situation. L'interruption a débuté vers 2 heures du matin le 8 juillet 2022 et s'est poursuivie dans certains cas jusqu'au 11 juillet, bien que la plupart des clients de Rogers aient retrouvé leurs services le 9 juillet.
- Dès le soir du 8 juillet 2022, le président de Rogers publie un communiqué de presse reconnaissant la panne, s’excusant auprès de sa clientèle et promettant un crédit à cette dernière. Le 9 juillet 2022 en après-midi, il annonce que le crédit sera appliqué automatiquement à tous les clients. Le 13 juillet 2022, le même président s’adressant à tous les Canadiens affirme que sa société a échoué à remplir sa promesse d’être le réseau cellulaire le plus fiable au Canada, reconnait les inconvénients causés et offre d’augmenter le crédit de deux jours initialement annoncé[3]. Le 22 juillet 2022, Rogers confirme au CRTC que ses clients recevront un crédit de cinq jours de coûts de tous ses services.
- De plus, au moment de la panne, les slogans publicitaires de Rogers étaient principalement axés sur sa fiabilité (par exemple : Canada’s most reliable 5G network, the most reliable network, Le réseau 5G le plus fiable au Québec). Or, les demandeurs allèguent que, dès le 8 juillet 2022, Rogers retire les panneaux et toute trace de cette publicité dans ses magasins et comptoirs.
- Il s’agit d’un second dossier d’action collective concernant une panne de Rogers. La première, datant de 2021, a donné lieu à une autorisation émise par le soussigné alors que les mêmes avocats représentaient Rogers et un même avocat (sur deux) représentait les demandeurs[4]. Ce jugement va donc reprendre, en tout ou en partie, certains passages de cette décision, car les mêmes arguments suscitent nécessairement les mêmes réponses, justifiées par les mêmes motifs.
ANALYSE
Principes
- L’action collective ne peut être autorisée que si l’article 575 C.p.c. est satisfait:
575. Le tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que:
1° les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
2° les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
3° la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;
4° le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.
- La Cour d’appel vient de résumer l’approche que doit adopter le tribunal d’instance saisie d’une demande d’autorisation d’une action collective, dans l’affaire Royer[5]:
[23] La Cour suprême a établi dans l’arrêt Infineon Technologies AG c. Option consommateurs que l’autorisation d’une action collective n’est pas l’occasion de faire un procès sur le fond, mais plutôt d’exercer un rôle de filtrage en écartant les recours frivoles ou manifestement mal fondés. Le seuil pour le représentant est donc peu élevé. Il lui suffit de démontrer une « cause défendable », une simple « possibilité » d’avoir gain de cause sur le fond suffit et non une possibilité « réaliste ou raisonnable ». De même, ces critères doivent être interprétés de manière large et généreuse afin de favoriser les objectifs de l’action collective que sont l’accès à la justice, la dissuasion des comportements néfastes et l’indemnisation des victimes.
[24] Pour assurer ce filtrage, la demande doit alléguer des faits « concrets, précis ou palpables » qui soutiennent de manière prima facie les prétentions du représentant et justifient les réclamations recherchées. Le juge peut prendre en considération tous les éléments de preuve déposés au dossier, notamment la preuve documentaire et si les faits du demandeur doivent être tenus pour avérés, celui-ci ne peut se contenter de fournir des affirmations non corroborées ou encore se satisfaire d’allégations vagues, générales et imprécises.
[25] Bien que l’on puisse espérer que la demande d’autorisation soit rédigée avec soin et démontrer une vision maîtrisée et précise du recours intenté, l’on ne peut toutefois faire de la qualité rédactionnelle ou formelle de la procédure, laquelle découle du travail de l’avocat, un élément déterminant sans, dès lors, adopter une approche indûment formaliste et préjudiciable aux membres. L’on ne doit pas, en effet, adopter une lecture textuelle de la procédure, mais contextuelle. Le tribunal doit savoir « lire entre les lignes » de la demande d’autorisation, c’est-à-dire passer outre le caractère imparfait de certaines allégations dont le sens véritable ressort néanmoins.
[26] La Cour suprême met donc en garde les juges autorisateurs contre les excès de littéralisme et de rigorisme dans l’analyse d’une demande d’autorisation qui ne correspond pas à la démarche souple, libérale et généreuse préconisée au stade des conditions d’autorisation. Il convient d’évaluer l’ensemble de la demande d’autorisation, plutôt que de s’arrêter sur un paragraphe ou un mot malencontreux, pour saisir le « sens véritable » de ses allégations. Les juges autorisateurs doivent ainsi « prêter une attention particulière, non seulement aux faits allégués, mais aussi aux inférences ou présomptions de fait ou de droit qui sont susceptibles d’en découler et qui peuvent servir à établir l’existence d’une “cause défendable” ». Cette analyse ne libère pas la partie requérante de son fardeau de démonstration et ne permet pas « d’inventer des parties du texte qui n’y sont pas », mais prévient que la forme de procédure l’emporte sur le fond.
[27] Rappelons également qu’au stade de l’autorisation, la suffisance du syllogisme doit être évaluée en fonction de la cause personnelle du représentant puisque le recours dans sa dimension collective n’existe pas encore. Si le représentant ne réussit pas à démontrer qu’il satisfait à cette exigence, la demande doit être rejetée sur ce fondement et sur son absence d’intérêt d’agir, lequel participe aussi de la condition de 575(4) C.p.c. qui, sur ce point, se recoupe. À l’inverse, si le représentant justifie suffisamment de la possibilité qu’il ait subi un préjudice, l’autorisation peut être donnée pour tout chef de dommages que lui mais aussi d’autres victimes peuvent avoir subi, le recours personnel du représentant ne devant pas être un modèle type de celui de tous les membres ou même de la majorité de ceux-ci.
(Références omises)
- Le fardeau du demandeur est minimal, tel que la Cour d’appel le souligne dans Homsy[6]:
[17] L’étape de l’autorisation, précise la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, est un simple mécanisme de filtrage. À ce stade, la partie en demande aura gain de cause sur l’autorisation si elle satisfait au fardeau réduit qui est le sien, soit un « simple fardeau de “démonstration” du caractère soutenable du “syllogisme juridique” ». On ajoute qu’en analysant ce syllogisme juridique sous cet angle, les faits allégués dans la demande doivent être tenus pour avérés. Quant aux pièces produites au soutien des allégations, elles ont pour seul but d’étayer le caractère soutenable des prétentions et ne servent aucunement à établir – en clair, à prouver – l’existence d’un fait quelconque. Il en est ainsi à tel point que le juge saisi de la demande doit s’abstenir d’exprimer un avis sur la force probante de ces pièces.
Moyens
- Rogers conteste principalement quatre aspects de la demande d’autorisation, tous en lien avec le syllogisme et donc en application du paragraphe 575 (2) C.p.c. Elle est d’avis que : a) il n’y a aucune ouverture à des dommages compensatoires, vu le remboursement fait à tous les clients; b) il n’existe aucune possibilité d’octroi de dommages punitifs dans les circonstances de ce dossier; c) les représentations sur la fiabilité de son réseau ne permettent pas de prétendre à une cause d’action ni en vertu de la LPC ni en vertu de la LC; et enfin d) le groupe ne peut être pancanadien, mais uniquement québécois et, de surcroît, il faut en exclure les clients couverts par la clause compromissoire.
- Ericsson conteste l’application du syllogisme à son endroit en avançant qu’elle n’est pas du tout concernée par le débat envisagé en l’occurrence et que les demandeurs ne possèdent même pas de simple possibilité d’avoir gain de cause sur le fond quant à elle.
- Il y a lieu de commencer l’analyse par la défense plaidée par Ericsson, car cet aspect aura une incidence déterminante sur la composition du groupe.
Ericsson
- Ericsson avance qu’elle n’a absolument rien à voir avec la panne et qu’elle ne fournit que l’infrastructure et que son intervention dans ce dossier s’est limité à aider à la remise du système en état. Contrairement au dossier de la panne du réseau cellulaire de Rogers survenue le 19 avril 2021[7], alors qu’Ericsson semblait être la partie fautive, du moins partiellement, dans le dossier en l’occurrence cela n’est pas le cas. D’ailleurs, Rogers est du même avis et plaide aussi qu’Ericsson n’est pas du tout impliquée.
- Les allégations de la Demande d’autorisation re-modifiée visant Ericsson sont les suivantes :
2.1 The Defendant Ericsson Canada Inc. is the exclusive network provider for and “network partner” of Rogers, Ericsson has its head office Montreal, Quebec, as it appears from an extract of the CIDREQ communicated as Exhibit P-30;
3. Up until the network outage beginning at around 2:00 a.m. on July 8, 2022, Rogers sold its telecommunication services all across Canada and Quebec by advertising variations of the following to the public: “Canada’s Most Reliable Network”. Ericsson, Rogers’ network partner, was aware of these representations;
11.12 On Saturday, July 9, 2022, Ericsson – Rogers’ network partner – publicly stated that it was aware of the outage and was in regular communication with Rogers to restore service, as it appears from Exhibit P-31. Clearly, Ericsson’s equipment and services were central to the outage and Ericsson was working with Rogers in order to attempt to re-establish the networks (which took an unreasonable amount of time to fix, representing additional faults committed solidarily by the Defendants);
22.3 Applicants hereby allege that given that Ericsson – Rogers’ network partner – was in regular communication with Rogers to restore service on its network on July 8 and 9, 2022, Rogers and Ericsson are solidarily liable for the acts and omission of the other (Exhibit P-31). Ericsson’s domicile is in the district of Montreal, in the province of Quebec, and this Court has jurisdiction to authorize a national class on this basis (article 3148(1) CCQ);
41.19 Finally, Ericsson is domiciled in Quebec (3148(1) C.C.Q.) and Applicants claim that Ericsson and Rogers are solidarily liable for the reasons alleged herein above. Applicants further add that Rogers has publicly declared that Ericsson is its “vendor for its full network”, as it appears from the Rogers press release of November 10, 2021, communicated in English and French as Exhibit P-34; “The new collaboration further strengthens the partnership between Ericsson and Rogers, which goes back more than 30 years since the launch of wireless services in Canada. Rogers partnered with Ericsson in 2018 as its 5G vendor for its full network infrastructure, and the companies are working together to roll out Canada’s first 5G standalone core network building the foundation for true 5G experiences and use cases…”
41.20 Rogers confirmed in a subsequent press release dated March 28, 2022, inter alia, that its network is "Built exclusivelv with network partner Ericsson", Applicant communicating Exhibit P-35;
41.21 (…)
(b) Rogers and Ericsson (which is domiciled in Quebec) are partners and have exclusively been working together on the development, upkeep, maintenance, updates and repairs to the Rogers’ various networks for decades and more recently before, during and after both the April 2021 Rogers outage and the July 2022 Rogers outage. Rogers and Ericsson are therefore solidarily liable herein toward all Class Members in Canada (art. 1525 C.C.Q.);
(c) Rogers as “mandator” is liable to third persons for acts performed and faults committed by its mandatary Ericsson (domiciled in and working out of Quebec) (2160 C.C.Q.);
(d) Rogers and Ericsson both have establishments in Quebec and the dispute relates to the activities of Rogers and Ericsson in Quebec, including without limitation the development, upkeep, maintenance, updates and repairs to the networks, the faults committed which led to the outage, and the faults committed in the unreasonable delay to repair the outage (art. 3148 (2) C.C.Q.);
(e) the national outage and the faults committed in the unreasonable delay to repair the outage were caused by Rogers working together with its exclusive “network partner” Ericsson (domiciled in and working out of Quebec) and therefore, the faults and/or injurious acts and/or omissions were committed by the Defendants in Quebec which affected the entire national class (art. 3148 (3) C.C.Q.);
- Ainsi, il n’existe aucune allégation de relation contractuelle entre les demandeurs et Ericsson ni aucune allégation de « représentations », incluant par omission, de la part de cette dernière.
- Or, la LPC exige un lien de droit ou, pour certaines de ses dispositions, comme l’article 219 LPC, des représentations de la part du commerçant :
2. La présente loi s’applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.
219. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.
- De plus, la LPC définit ce qu’une représentation :
216. Aux fins du présent titre, une représentation comprend une affirmation, un comportement ou une omission.
- De plus, cette définition a été précisée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Times[8] :
[44] Un des objectifs principaux du titre II de la L.p.c. est la protection du consommateur contre les représentations fausses ou trompeuses. Un nombre important de pratiques qu’il interdit sont reliées à la véracité de l’information transmise au consommateur. L’article 219 L.p.c. exprime de façon particulièrement nette cet objectif. En effet, il interdit de façon générale à tout commerçant, fabricant ou publicitaire, de faire par quelque moyen que ce soit, une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur. En effet, la notion de « représentation » est définie à l’art. 216 L.p.c. comme comprenant une affirmation, un comportement ou une omission. Des interdictions relatives à certaines représentations spécifiques (art. 220 à 251 L.p.c.) complètent l’art. 219 L.p.c.
- Une définition semblable est prévue à la LC[9] :
52. (1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important.
- En l’occurrence, Ericsson n’a fait aucune représentation. Cela suffit pour rejeter toute cause d’action fondée sur ces deux lois. En l’absence de toute « représentation », il n’est pas possible d’avancer quelques arguments que ce soit vis-à-vis Ericsson tant en application de la LPC que de la LC. Être au courant des représentations de Rogers[10] n’atteint pas le seuil minimal à cet égard.
- En somme, vu la non-applicabilité de ces deux législations, il ne reste que l’aspect responsabilité d’Ericsson, laquelle pourrait être engagée si cette société avait commis une faute civile sous l’article 1457 C.c.Q. bien qu’uniquement en faveur du sous-groupe qui réunit des membres non-clientes de Rogers qui n’ont pu, durant la panne, utiliser le réseau cellulaire de cette dernière.
- À ce propos, les demandeurs allèguent vaguement un mandat entre les défenderesses, mais du même souffle indiquent aussi et surtout qu’Ericsson est un fournisseur ou un « partenaire » de Rogers. Or, la notion de mandat est définie dans le Code civil :
2130. Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l’accomplissement d’un acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, s’oblige à l’exercer.
Ce pouvoir et, le cas échéant, l’écrit qui le constate, s’appellent aussi procuration.
- Pourtant, il n’existe aucune allégation dans la demande d’autorisation, quelle qu’en soit l’itération, que Rogers aurait mandaté Ericsson aux fins d’accomplir un acte juridique quelconque. Cette prétention est tout simplement sans aucun fondement. De surcroit, si la relation entre Rogers et Ericsson en était une de mandat, il est acquis qu’un mandataire n’engage pas en principe sa responsabilité envers les tiers[11], ce qui empêche le syllogisme avancé dans la demande d’autorisation.
- Aussi, en ce qui concerne la solidarité invoquée entre les défenderesses, encore faut-il qu’Ericsson ait commis une faute ou contribué à une faute. Une fois de plus, la Demande d’autorisation remodifiée est nettement insuffisante à cet égard malgré les efforts de rédaction considérables. En effet, les allégations et les pièces au soutien de celle-ci ne font que rapporter que cette défenderesse est un fournisseur du réseau de Rogers. Même en lisant « entre les lignes » et en cherchant le « sens véritable » des allégations, je ne retrouve pas au dossier d’élément quelconque permettant de retenir la responsabilité d’Ericsson, toujours en suivant la norme, pourtant la plus simple ou facile possible, de cause défendable. On se retrouve dans un contexte de conjectures et d’hypothèses sans que la base factuelle minimale ne soutienne les prétentions des demandeurs. Dans un tel cas, la demande d’autorisation doit être rejetée, comme la Cour d’appel le souligne dans l’arrêt Tessier[12] :
[5] L’appelant se pourvoit. Pour les motifs qu’exposent les pages qui suivent, cet appel sera lui aussi rejeté, l’action collective envisagée se fondant essentiellement sur des conjectures et des spéculations, c’est-à-dire un échafaudage d’hypothèses et de suppositions reposant sur quelques faits insuffisants à la démonstration d’un syllogisme juridique défendable, comme l’illustre d’ailleurs la situation personnelle de l’appelant.
- En résumé, les demandeurs concluent ici à une faute, mais sans aucun substrat factuel. L’action collective ne saurait donc être autorisée contre Ericsson, à défaut de quoi la fonction de filtrage qui incombe au Tribunal ne servirait à rien.
- De plus, le minimum d’informations au dossier, tel que constitué actuellement, pointe résolument vers la faute d’un autre fournisseur, à l’exclusion d’Ericsson. Dans le rapport d’enquête du Gouvernement du Canada « Évaluation de la résilience et de la fiabilité du réseau de Rogers liée à la panne du 8 juillet 2022 – Sommaire exécutif » on ne retrouve aucune mention d’Ericsson. La cause de la panne est décrite comme suit dans ce document[13] :
Cause première de la défaillance du réseau. La panne de juillet 2022 est attribuée à une erreur de configuration des routeurs de distribution au sein du réseau IP de Rogers. Le personnel de Rogers a supprimé le filtre de gestion de la liste de contrôle d’accès de la configuration des routeurs de distribution. Il en est résulté un afflux d’informations de routage IP dans les routeurs du réseau central, ce qui a déclenché la panne. Les routeurs du réseau central permettent aux clients des services filaires et sans fil de Rogers d’accéder à des services comme la voix et les données. L’afflux de données de routage IP des routeurs de distribution vers les routeurs centraux a dépassé leur capacité de traitement de l’information. Les routeurs principaux sont tombés en panne dans les minutes qui ont suivi la suppression du filtre de gestion de la configuration des routeurs de distribution. Lorsque les routeurs du réseau central sont tombés en panne, le trafic des utilisateurs ne pouvait plus être acheminé vers la destination appropriée. En conséquence, des services comme la téléphonie mobile, la téléphonie résidentielle, l’Internet, la connectivité filaire des entreprises et les appels au 9-1-1 ont cessé de fonctionner.
Absence de protection contre les surcharges du routeur. La panne de juillet 2022 a mis en évidence l’absence de protection contre les surcharges des routeurs du réseau central. La panne du réseau aurait pu être évitée si les routeurs du réseau central avaient été configurés avec une limite de surcharge qui spécifie le nombre maximum acceptable de données de routage IP que le routeur peut prendre en charge. Cependant, les routeurs du réseau central de Rogers n’ont pas été configurés avec de tels mécanismes de protection contre les surcharges. Par conséquent, lorsque le filtre de gestion a été supprimé du routeur de distribution, une quantité excessive de données de routage a inondé les routeurs principaux, ce qui les a fait tomber en panne.
Déficience dans le processus de gestion du changement. L’erreur de configuration, qui a conduit à la suppression du filtre de gestion de la configuration des routeurs de distribution, est le résultat d’un oubli de gestion des changements par le personnel de Rogers. Le personnel de Rogers a supprimé le filtre de gestion qui empêchait l’inondation des routes IP afin de nettoyer les fichiers de configuration des routeurs de distribution. Le processus de gestion des changements, qui comprend des vérifications des paramètres de changement, n’a pas permis de détecter la modification erronée de la configuration.
- De plus, on peut lire dans la déclaration sous serment d’un gestionnaire d’Ericsson, reçue comme preuve appropriée, ce qui suit :
8. Ericsson does not supply the said routers to Rogers, and was not involved in any way in configuring, monitoring or supporting the changes that led to the crash of the routers.
9. During the Rogers Outage, Ericsson was in communication with Rogers as they were working to restore the service by providing assistance when needed.
10. Ericsson’s assistance to Rogers was only directed at aiding Rogers in its efforts to bring its network back to commercial service.
- Aussi, le Vice-président de Rogers, dans sa déclaration sous serment ajoute :
5. The plaintiffs allege at paragraph 11.2 of the Application that "...Ericsson's equipment and services were central to the outage..." This is not correct. Although Ericsson Canada provides some of the hardware, software and services that Rogers uses in relation to Rogers' 5G network, the Service Interruption was not attributable to Ericsson Canada's hardware, software or services, and Ericsson had no involvement in or responsibility for the Service Interruption.
6. During the Service interruption, Ericsson Canada was in communication with Rogers to provide assistance and advice, along with other Rogers "network partners", as Rogers worked to identify problems and restore service.
- Cette preuve est convaincante. De l’ensemble du dossier, je dois retenir qu’Ericsson n’est pas impliquée, ni de près ni de loin, dans la panne. De plus, il n’existe aucune allégation précise ou détaillée, indiquant que la réparation aurait pris un délai excessif[14] ou encore qu’Ericsson aurait joué un rôle dans la gestion, prétendument inadéquate, du rétablissement du service de Rogers. Les allégations de la demande d’autorisation à ce sujet sont vagues et générales au point de ne pas pouvoir être tenues pour avérées[15].
- S’il suffisait d’écrire dans une demande d’autorisation qu’une personne a participé à une action – alors que la preuve appropriée tangible démontre précisément le contraire – et que cette action avait pris une durée déraisonnablement longue, sans qu’un iota de preuve ne le soutienne et qu’il est à la limite invraisemblable, voire absurde, d’avancer qu’un fournisseur de service cellulaire avec des millions de clients tarde à réparer une panne d’envergure comme celle à l’étude, alors le rôle de filtrage du juge autorisateur ne voudrait plus dire grand-chose et cette fonction serait limitée aux questions de droit uniquement. Or, ce n’est pas ce que ni le Code de procédure civile ni les autorités pertinentes ne prévoient.
- J’ajouterais enfin que si on doit analyser la situation propre de la personne désignée pour conclure si sa demande remplit le critère du paragraphe 575(2) C.p.c.[16], il n’existe ici aucun lien de droit ni aucune allégation précise concernant les demandeurs qui permettrait de mettre en cause Ericsson.
Dommages
- Rogers avance que le remboursement automatique de cinq jours d’abonnement appliqué à tous ses clients pour compenser l’interruption de service rend académique toute réclamation en dommages. Il est vrai que ce fait n’est pas à banaliser. Il est manifeste que ce dommage précis a été correctement compensé en application de l’article 1591 C.c.Q., alors que Rogers a crédité à tous ses clients le coût de cinq jours de service en proportion de leur forfait mensuel.
- Cette compensation ou ce remboursement ne permet pas toutefois de conclure qu’aucun autre dommage n’aurait été subi. Il y a minimalement les frais d’itinérance qui sont réclamés et ces dommages contractuels demeurent possibles. Rogers plaide aussi que Verdier n’aurait pas identifié d’autres préjudices subis au-delà de la perte de service pendant une journée et donc que d’autres dommages que le coût de l’abonnement ne sauraient être autorisés.
- La Cour d’appel vient de répondre à ce type d’argument dans l’affaire Royer[17] :
[33] À cela, les intimées, à juste titre, répondent que l’appelant n’a pas souffert de tous les chefs de dommages énumérés au paragraphe 6. Par exemple, il n’est aucunement allégué qu’il a été victime d’un vol d’identité (6(e)), ou encore que des charges non autorisées ont été portées à son compte (6(g)). Les intimées soumettent donc qu’il n’est pas suffisant de référer de manière générale à l’ensemble de ces paragraphes en laissant au juge le soin d’imaginer quels chefs de dommages s’appliquent à l’appelant.
[34] Bien que cet argument ne soit pas sans valeur, il ne peut suffire à conclure au rejet de la demande au motif que l’appelant n’a pas de cause personnelle. Ce serait en fait lui reprocher de ne pas avoir ajouté un paragraphe ciblant les chefs de dommages qu’il a personnellement subis. Or, une telle approche serait indûment formaliste au regard des enseignements de la Cour suprême. Une lecture globale et contextuelle de même que le recours aux inférences ou aux présomptions pouvant en découler permettent de satisfaire aux exigences au stade de l’autorisation, c'est-à-dire à la possibilité que l’administration d’une preuve établisse que l’appelant a subi au moins l’un des chefs de dommages énumérés, qu’il s’agisse simplement de troubles et inconvénients visés au paragraphe 6(a) de la demande d’autorisation.
(Référence omise)
- Ainsi, il importe peu que le représentant ait subi tous, une partie ou une seule espèce de dommages, car cette question devra faire l’objet d’un débat au fond. En effet, la Cour d’appel précise qu’une telle tâche ne relève pas du juge autorisateur[18]:
[41] (…) Dans un tel cas, un juge ne devrait, en principe, saucissonner les chefs de dommages recouvrables qu’avec une extrême prudence. D’ailleurs, il ressort de la jurisprudence en matière de fuite de données que les jugements autorisant l’action collective laissent au juge du fond le soin d’arbitrer les chefs de réclamations, soit par une phraséologie générale ou en énumérant tous les chefs, le jugement entrepris semblant être le premier à arbitrer les chefs de réclamations admissibles au stade de l’autorisation.
(Références omises)
- Bien entendu, il faudra démontrer lors du procès au fond que les défenderesses ont commis une faute et qu’il existe un lien de causalité, mais les causes d’actions envisagées en ce qui concerne tous les dommages compensatoires satisfont le test de la cause défendable, tant en ce qui concerne la responsabilité contractuelle suivant l’article 1613 C.c.Q.[19] que la responsabilité extracontractuelle[20].
- Il faut souligner que les demandeurs allèguent ici avoir subi davantage que de simples désagréments ou inconvénients normaux causés par la perte d’un service. Aussi, l’accès à un réseau téléphonique cellulaire est considéré aujourd’hui comme un service de base, voire un service de première nécessité. Être privé de ce moyen de communication, parfois indispensable, pendant une période importante peut constituer de nos jours un préjudice qui ne saurait être qualifié de fugace ou d’éphémère ou sans aucune incidence sur la vie quotidienne et les activités personnelles et professionnelles d’un usager.
- Il est concevable et réaliste qu’un fournisseur de service cellulaire soit tenu responsable des troubles et inconvénients et des dommages moraux éventuels, s’il commet une faute. Les arguments de Rogers, bien qu’apparaissant raisonnables comme moyens de défense, demeurent prématurés. Il est tout à fait plausible de plaider que le défaut d’accès à un réseau cellulaire peut avoir comme conséquence des frustrations et des inquiétudes majeures, des pertes économiques, ou dans certains cas, des effets graves (imaginons l’impossibilité de contacter à temps les services d’urgence, comme les policiers ou les pompiers). Surtout, la détermination de la causalité constitue une question de fait[21]. Par conséquent, il n’est pas possible d’analyser cet argument dès maintenant, car cela exige l’administration de la preuve.
- Quant à la prévisibilité du dommage, même si cette notion peut être traitée in abstracto alors que se pose la question des dommages qu'un contractant raisonnablement prudent et diligent peut prévoir[22], elle s’évalue surtout en fonction des informations détenues par les parties au moment de la formation du contrat. De nouveau, il faut conclure que cette question ne pourra être résolue sans que les parties ne puissent administrer de la preuve à ce sujet, ce qui n’est évidemment pas possible à cette étape du dossier. Bref, il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, laquelle devra être tranchée au fond. La Cour suprême du Canada rappelle bien dans l’arrêt Time qu’un manquement à l’une des obligations contractuelles prévues par la LPC permet la réparation prévue à l’article 272 LPC sans aucun fardeau additionnel, puisqu’il faut présumer de façon absolue que le consommateur subit un préjudice par suite d’un manquement par le commerçant[23].
- Enfin, en matière contractuelle, les dommages, même imprévisibles, sont compensables en cas de faute lourde ou intentionnelle. La Demande d’autorisation remodifiée allègue que les défenderesses auraient fait montre de « gross negligence ». Encore une fois, il ne m’apparaît pas possible de distinguer entre divers degrés de la faute[24] sur la base uniquement documentaire et limitée lors de l’analyse de la demande d’autorisation et tenter de conclure dès à présent et de façon définitive, que les dommages recherchés sont imprévisibles ou alors sans lien causal avec la panne.
Dommages punitifs
- Quant aux dommages punitifs, les demandeurs appuient leur réclamation à la fois sur la conduite grossièrement négligente de Rogers et sur l’article 272 LPC, lequel prévoit la possibilité d’octroi de tels dommages en présence d’une violation de certaines prescriptions spécifiques de cette loi. Ils citent notamment les articles 16 et 40 LPC:
16. L’obligation principale du commerçant consiste dans la livraison du bien ou la prestation du service prévus dans le contrat.
Dans un contrat à exécution successive, le commerçant est présumé exécuter son obligation principale lorsqu’il commence à accomplir cette obligation conformément au contrat.
40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.
- Bien entendu, si les demandeurs réussissent à démonter la transgression à ces dispositions de la LPC, il est possible qu’il s’agisse alors d’un manquement « à une obligation que lui impose la présente loi », ce qui entrainerait l’application de l’article 272 LPC, ce qui, à son tour, donne ouverture à une condamnation à des dommages punitifs. Or, une infraction à l’article 272 LPC crée une présomption absolue de préjudice pour le consommateur, tel que la Cour suprême le rappelle dans l’affaire Time[25] :
[112] Dans la mesure où il possède l’intérêt juridique requis, un consommateur peut, sous réserve des autres recours prévus par la loi, intenter une poursuite en vertu de l’art. 272 L.p.c. afin de faire sanctionner la violation par un commerçant ou un fabricant d’une obligation que lui impose la L.p.c., un règlement adopté en vertu de celle-ci ou un engagement volontaire. La jurisprudence de la Cour d’appel confirme à juste titre que le recours prévu à l’art. 272 L.p.c. est fondé sur la prémisse que tout manquement à une obligation imposée par la loi entraîne l’application d’une présomption absolue de préjudice pour le consommateur. Dans l’arrêt Nichols, le juge Gendreau a souligné que « le commerçant poursuivi selon l’article 272 ne peut offrir la défense d’absence de préjudice subi par le consommateur pour faire rejeter l’action » (p. 749). Le recours prévu à l’art. 272 L.p.c. diffère en cela de celui qu’établit l’art. 271 L.p.c. En effet, cette dernière disposition sanctionne la transgression de certaines règles de formation du contrat de consommation. Par contraste, l’art. 272 L.p.c. ne vise pas simplement à sanctionner les manquements à des exigences formelles de la loi, mais toutes les violations préjudiciables au consommateur.
[113] La nature des obligations dont la violation peut être sanctionnée par le biais de l’art. 272 L.p.c. est essentiellement de deux ordres. La L.p.c. impose d’abord aux commerçants et aux fabricants un éventail d’obligations contractuelles de source légale. Ces obligations se retrouvent principalement au titre I de la loi. La preuve de la violation de l’une de ces règles de fond permet donc, sans exigence additionnelle, au consommateur d’obtenir l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c. Comme la juge Rousseau-Houle l’a affirmé dans l’arrêt Beauchamp, « [l]e législateur présume de façon absolue que le consommateur subit un préjudice par suite d’un manquement par le commerçant ou le fabricant à l’une ou l’autre de ces obligations et donne au consommateur la gamme des recours prévue à l’article 272 » (p. 744). Le choix de la mesure de réparation appartient au consommateur, mais le tribunal conserve la discrétion de lui en accorder une autre plus appropriée aux circonstances. Contrairement à l’art. 271 L.p.c., l’art. 272 ne permet pas au commerçant de soulever l’absence de préjudice en défense pour ce qui est des contraventions aux dispositions du titre I.
(Références omises)
- Ainsi, aucune autre preuve de dommages ne serait requise dans une telle éventualité. Enfin, comme pour les autres chefs de dommages, cette réclamation exige nécessairement l’administration de la preuve par les parties et constitue une question mixte qu’il est prématuré de trancher dès maintenant[26]. Que l’argument de la demande soit ambitieux à ce sujet ou non ne change rien à ce constat, car dans tous les cas, il n’est pas dépourvu de chances de succès au fond. Il s’agira alors de vérifier si l’allégation générique de négligence grossière de Rogers équivaut à des « violations intentionnelles, malveillantes ou vexatoires » ou une « conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse » au sens de l’arrêt Time, ou encore d’une conduite abusive.
- Je retiens enfin de l’arrêt Nissan Canada inc.[27], que l’ensemble du contexte factuel doit être pris en considération et que les allégations ayant trait aux événements de 2021 demeurent pertinentes pour déterminer le droit à des dommages punitifs :
[36] At the present stage of the proceedings, where we are only considering the allegations, delays in the management of the incident can potentially be the source of damages in addition to the conduct of Respondent in failing to protect personal information prior to the breach.
[37] It would be premature at this stage to decide that there is no possible basis for the award of punitive damages since the granting of such damages must be based on an analysis of Respondent’s overall conduct. The allegations need only be sufficient in order to comprehend the gist of the proposed narrative. (…)
(Références omises)
- Rogers plaide que la simple violation d’une disposition de la LPC ne suffirait pas à justifier une condamnation à des dommages-intérêts punitifs et qu’on doit prendre en compte l’attitude du commerçant qui, constatant une erreur, aurait tenté avec diligence de régler les problèmes causés au consommateur[28]. Elle a raison quant au principe applicable. Toutefois ici, la demande d’autorisation, au risque de se répéter, fait référence à de la négligence grave ou à de l’insouciance du commerçant au niveau de l’architecture de son réseau, ce qui n’est pas par ailleurs contredit par le rapport d’enquête du Gouvernement du Canada, cité ci-dessus.
- Aussi, il s’agit d’une seconde panne et beaucoup plus grave, du même réseau après celle survenue déjà en 2021. Cette « récidive » contribue potentiellement aussi à conclure que l’octroi des dommages punitifs est envisageable sur le fond. Tel que la Cour d’appel vient d’écrire en condamnant un commerçant à des dommages punitifs dans le cadre d’une action collective visant une seconde occurrence d’un geste possiblement illégal : « Il faut décourager la répétition de ce comportement dans la société en général, de même qu’au sein de l’entreprise qui pourrait se retrouver à nouveau dans une telle situation. »[29]. Bref, les dommages punitifs cherchent à sanctionner et à prévenir la récidive, mais seul le procès au fond peut déterminer s'ils sont justifiés.
Représentations
- Cette cause d’action met en œuvre les dispositions de la LPC et de la LC concernant les déclarations de Rogers au sujet de la fiabilité inégalée de son réseau ou de son offre de service. Cette dernière avance que, malgré les excuses publiques de son président et en dépit du retrait des panneaux publicitaires aussitôt la panne survenue, ce moyen ne saurait être autorisé. En effet, les données objectives dont Rogers disposait au sujet des caractéristiques de son réseau permettaient d’avancer en toute justesse, ce slogan publicitaire.
- Ces arguments relèvent tous du fond du dossier et non de l’étape de l’autorisation. Il est prématuré d’aborder cette question alors que la panne, laquelle apparait tout de même exceptionnelle, met en cause justement la fiabilité du réseau de Rogers. Il est aussi pour le moins curieux, voire ironique, que la déclaration suivante du président de Rogers du 13 juillet 2022 : « Dear Canadians, Our network outage last Friday was unacceptable. Simply put, we failed on our promise to be Canada’s most reliable network. (…) »[30] ne serait pas suffisante pour présenter une simple possibilité d’avoir gain de cause sur le fond et qu’il s’agirait d’une demande frivole.
- C’est aussi la conclusion à tirer en ce qui concerne le moment où les clients de Rogers auraient agi sur la foi des représentations faites. Il est prématuré de conclure quoi que ce soit à cet égard et encore moins que cette cause d’action n’est pas raisonnable au point de ne pas pouvoir être autorisée. L’allégation de Verdier voulant qu’il soit devenu client de Rogers en juin 2020 justement parce qu’il avait été attiré par les représentations de cette dernière à propos de la fiabilité de son réseau[31] est suffisamment précise et vraisemblable pour être acceptée comme avérée.
- Rogers a raison cependant de souligner qu’il n’existe aucune prétention dans la procédure des demandeurs à l’endroit de Fido quant à ce moyen. Cette cause d’action ne saurait être autorisée vis-à-vis cette défenderesse.
Questions communes
- Les questions communes doivent faire progresser le litige de manière non négligeable et il n’est pas nécessaire que tous les membres se trouvent dans une situation parfaitement identique à l’égard de ces questions. Le critère de la communauté de questions n’exige pas une réponse identique pour tous les membres du groupe, ni même que la réponse bénéficie dans la même mesure à chacun d’entre eux. Il suffit que la réponse à la question ne crée pas de conflits d’intérêts entre les membres du groupe[32].
- Cette exigence est généralement facile à satisfaire. Il n’est pas nécessaire que les demandes des membres du groupe soient identiques ou que la détermination des questions communes mène à la résolution complète de l’affaire. Une seule question identique, similaire ou connexe est suffisante si elle permet de faire progresser le litige de façon non négligeable.
- Les arguments de Rogers à ce sujet recoupent ceux plaidés au niveau de l’apparence de droit et des chances réalistes de succès au fond de l’action collective envisagée. Ils doivent recevoir la même réponse. De surcroit, la Cour d’appel vient de rappeler dans Elad Canada ce qui suit[33]:
[20] Or, en l’espèce, contrairement à ce que plaide les intimées, la question de la faute contractuelle permettra de faire progresser le litige. Il importe peu que les membres du groupe aient subi le même préjudice puisqu’une fois la question de la faute des intimées décidée, les parties auront réglé une partie non négligeable du litige. Le fait qu’une évaluation individuelle est requise pour déterminer l’étendue des dommages auxquels chacun des membres aura éventuellement droit ne doit pas faire obstacle à la demande d’autorisation à ce stade.
- Cela dit, il y a toutefois lieu de préciser les deux premières questions posées. Tout d’abord, quant à la première, la panne est admise par Rogers. La véritable question est plutôt de savoir si cette interruption de service constitue une faute du fournisseur dans le contexte contractuel et réglementaire applicable et quelle est la réparation adéquate. Même si la réduction de l’obligation ne devrait pas faire partie des redressements possibles, vu le remboursement déjà effectué, il n’y a pas lieu à cette étape du litige de « saucissonner » les dommages potentiels, comme la Cour d’appel l’enseigne. À tout évènement, il est manifeste que la réponse à cette question avancera le débat pour des milliers, voire des millions d’abonnés de Rogers.
- En ce qui concerne la deuxième question, elle ne doit pas viser Fido et les dommages doivent aussi être envisagés de façon globale. Dans les deux cas, tant pour la première que pour la deuxième question, les dommages punitifs sont possibles.
- Enfin, pour la troisième question, il est tout à fait normal que l’interruption de l’accès au réseau cellulaire de Rogers ait pu engager la responsabilité extracontractuelle des défenderesses causant des dommages, compte tenu des allégations de la Demande d’autorisation remodifiée.
La représentation adéquate
- En application du paragraphe 575(4) C.p.c., aucun représentant proposé ne doit être exclu, « à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu’il serait impossible que l’affaire survive équitablement »[34]. La juge Bich rappelle les facteurs à prendre en considération dans l’affaire Economical[35]:
[29] (…) (L)e paragr. 575(4) exige que la personne destinée à représenter les membres puisse assurer cette fonction de manière adéquate, ce qui suppose qu’elle ait elle-même un intérêt (juridique) à poursuivre, qu’elle ne soit pas en conflit d’intérêts avec les autres membres du groupe et qu’elle soit minimalement compétente (elle doit ainsi s’intéresser, au sens ordinaire du terme, à l’affaire, en avoir une compréhension générale et être en mesure de prendre, au besoin, les décisions qui s'imposent au bénéfice de l'ensemble du groupe, étant entendu qu’elle sera assistée et conseillée dans ces tâches par l’avocat·e au dossier).
(Références omises)
- Rogers reprend à ce chapitre les mêmes arguments que ceux concernant la cause d’action et les dommages subis. Or, Verdier et Levkovsky, présentent des causes d’action défendables, alléguant chacun avoir subi des dommages et référant à des questions communes. En l’occurrence, Verdier est un abonné - consommateur alors que Levkovsky n’est pas un client de l’une ou l’autre des défenderesses. Les deux représentent bien les deux groupes proposés, visant respectivement la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des défenderesses. Même si Verdier n’est pas personnellement titulaire d’un compte Fido, il est établi que le lien de droit direct entre le représentant et le défendeur n’est pas indispensable pour autoriser une action collective, car il faut préconiser une approche souple et proportionnée du statut pour agir dans le cadre d’un tel recours afin de favoriser l’économie des ressources judiciaires et l’accès à la justice[36]. De plus, il serait inopportun de multiplier ou d’émuler des recours pour une cause d’action similaire[37]. Enfin, la Cour suprême du Canada dans l’affaire Infineon [38] a même énoncé qu’une même personne peut représenter deux ensembles de membres en l’absence d’un conflit d’intérêts entre les deux groupes.
- Par conséquent, l’action collective sera autorisée, car les causes d’action sont défendables, les questions sont communes et la représentation, adéquate. Il demeure à vérifier les paramètres du groupe visé, soit l’exclusion des abonnés non-consommateurs et des résidents non québécois.
Groupe pancanadien ou québécois?
- Les demandeurs invoquent les articles 3148 (1), (2), (3) et 3136 C.c.Q. et visent un groupe national :
3148. Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants:
1° Le défendeur a son domicile ou sa résidence au Québec;
2° Le défendeur est une personne morale qui n’est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement et la contestation est relative à son activité au Québec;
3° Une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y est produit ou l’une des obligations découlant d’un contrat devait y être exécutée;
4° Les parties, par convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l’occasion d’un rapport de droit déterminé;
5° Le défendeur a reconnu leur compétence.
Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises.
3136. Bien qu’une autorité québécoise ne soit pas compétente pour connaître d’un litige, elle peut, néanmoins, si une action à l’étranger se révèle impossible ou si on ne peut exiger qu’elle y soit introduite, entendre le litige si celui-ci présente un lien suffisant avec le Québec.
- Il n’est pas contesté que Rogers n’est pas domiciliée au Québec, mais en Ontario. Il n’est pas davantage contestable que des millions d’abonnés de Rogers et des membres potentiels du sous-groupe sont des résidents des autres provinces canadiennes. En principe, aucun des facteurs de rattachement prévus au Code civil du Québec permettant de donner compétence à la Cour supérieure du Québec ne s’applique à ces personnes.
- En effet, comme la demande d’autorisation est rejetée en ce qui concerne Ericsson, le paragraphe 3148 (1) C.c.Q. ne trouve pas d’application. En revanche, les paragraphes 3148 (2) et (3) C.c.Q. justifient précisément la présente action collective en ce qui concerne les résidents québécois qui ont subi les conséquences de la panne au Québec, mais ne permettent pas d’étendre cette compétence à des clients ou des personnes qui ne sont pas résidents de la province et qui ont subi un préjudice à l’extérieur de celle-ci.
- Enfin, même s’il existe un lien suffisant avec le Québec, le for de nécessité prévu à l’article 3136 C.c.Q., exige aussi la démonstration que l’action en l’occurrence doit être autorisée, incluant des non-résidents du Québec, afin d’éviter ainsi un déni de justice. Les demandeurs n’y parviennent pas. Il semble hautement improbable que les clients de Rogers ou de Fido, ou toute autre personne résidant en dehors du Québec, ne puissent engager des recours ou une action collective en responsabilité contractuelle ou extracontractuelle dans leur propre province par suite des dommages causés par la panne du 8 juillet 2022. Dans tous les cas, cet argument n’est pas réellement plaidé par les demandeurs.
- En conclusion, il n'existe plus aucun lien de rattachement avec le reste du Canada pour les personnes résidant en dehors du Québec vis-à-vis de Rogers, ce qui empêche la formation d'un groupe à l'échelle pancanadienne. Ainsi, seules les personnes physiques et morales résidant au Québec seront membres de la présente action collective. Cela permet d’aborder les effets de la clause d’arbitrage sur la composition précise du groupe.
Clause compromissoire
- Rogers affirme que les contrats incluent une clause d’arbitrage obligatoire pour les abonnés commerçants et les personnes morales, excluant ainsi le recours devant les tribunaux judiciaires. Tel que la Cour d’appel le prescrit dans l’affaire Vidéotron, cette question doit être posée et résolue à la première occasion, incluant l’instruction de la demande d’autorisation, car il s’agit d’une question de compétence ratione materiae [39] :
[25](…) (L)e juge saisi à l’étape de l’autorisation d’un moyen d’irrecevabilité fondé sur la présence d’une convention d’arbitrage doit immédiatement le trancher.
- Ici, la clause compromissoire est limpide[40] et elle s’applique à tous les clients des défenderesses. Or, l’article 622 C.p.c. indique :
622. Les questions au sujet desquelles les parties ont conclu une convention d’arbitrage ne peuvent être portées devant un tribunal de l’ordre judiciaire, alors même qu’il serait compétent pour décider de l’objet du différend, à moins que la loi ne le prévoie.
Le tribunal saisi d’un litige portant sur une telle question est tenu, à la demande de l’une des parties, de les renvoyer à l’arbitrage, à moins qu’il ne constate la nullité de la convention. La demande de renvoi doit être soulevée dans les 45 jours de la demande introductive d’instance ou dans les 90 jours lorsque le litige comporte un élément d’extranéité. Néanmoins, la procédure d’arbitrage peut être engagée ou poursuivie et une sentence rendue tant que le tribunal n’a pas statué.
Les parties ne peuvent par leur convention déroger aux dispositions du présent titre qui déterminent la compétence du tribunal, ni à celles concernant l’application des principes de contradiction et de proportionnalité, le droit de recevoir notification d’un acte ou l’homologation ou l’annulation de la sentence arbitrale.
- Même si la procédure d’arbitrage obligatoire ne peut s’appliquer aux consommateurs suivant l’article 11.1 LPC[41], elle est valide pour les autres personnes physiques et morales visées par la demande[42]. Par conséquent, l’action ne peut être autorisée en ce qui concerne les clients des défenderesses couverts par cette clause compromissoire, laquelle inclut aussi les clients de Fido[43]. Tout comme dans le dossier Amram, les demandeurs n’offrent aucun argument convaincant à ce sujet.
- En somme, le groupe ne doit pas comprendre les personnes à qui la clause d’arbitrage s’applique. Afin d’éviter une définition circulaire où la composition du groupe dépendrait de l’issue du litige, il y a lieu de prévoir que l’action collective ne vise que les consommateurs québécois, en ce qui concerne le groupe principal. En effet, tel que décidé ci-dessus, le recours ne peut inclure des clients hors Québec et, bien entendu, la clause compromissoire n’a aucune application pour le sous-groupe.
- Enfin, toutes les autres questions relatives aux avis, leur publication et les frais n’ont pas été plaidées et seront débattues et, au besoin, tranchées, lors d’une audience subséquente. Le district de Montréal est proposé, n’est pas contesté et s’impose dans les circonstances.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- AUTORISE l’institution d’une action collective de la nature d’une action en dommages-intérêts et en dommages punitifs dans le district de Montréal;
- NOMME les demandeurs comme représentant toute personne incluse dans le groupe décrit comme suit :
Tous les consommateurs québécois qui avaient un contrat de service avec Rogers, Fido Mobile, Cityfone ou Chatr Mobile et qui n’ont pas reçu de services de téléphone sans fil (y compris les services 9-1-1) en date du 8 juillet 2022 et jusqu’à ce que les services soient entièrement rétablis;
Sous-groupe : Toutes les personnes physiques et morales au Québec qui ne pouvaient pas opérer avec leur appareil ou effectuer des transactions personnelles ou commerciales (y compris payer ou recevoir un paiement par Interac), en raison de la panne de Rogers le 8 juillet 2022 et jusqu’à ce que le réseau de Rogers soit entièrement rétabli.
[74] IDENTIFIE comme suit les principales questions de droit et de fait à être déterminées collectivement :
a) Le 8 juillet 2022, et jusqu’à ce que son réseau soit entièrement rétabli,
les défenderesses ont-elles enfreint les articles 10 et 16 LPC et, le cas échéant, les membres ont-ils le droit à la réparation, soit à des dommages et intérêts et des dommages-intérêts punitifs, et si oui, de quels montants ?
b) Dans la publicité de ses services, les défenderesses Rogers Communications et Rogers Communications Canada ont-elles enfreint les articles 40, 41,
42 ou 219 de la Loi sur la protection du consommateur ou l’article 52 de la Loi sur la concurrence, en déclarant posséder le réseau le plus fiable au Canada et, le cas échéant, les membres ont-ils droit à la réparation, soit à des dommages et intérêts et des dommages-intérêts punitifs, et si oui, de quels montants ?
c) Les membres du sous-groupe qui n’ont pu opérer leur appareil ou effectuer des transactions en raison de la panne de Rogers du 8 juillet 2022, et jusqu’à ce que le réseau soit entièrement rétabli, ont-ils droit à réparation en vertu de l’article 1547 du Code civil et si oui, de quels montants ?
IDENTIFIE comme suit les conclusions de l’action collective :
ACCUEILLIR l’action collective des demandeurs au nom de tous les membres du groupe et du sous-groupe, contre les défenderesses;
CONDAMNER les défenderesses à payer aux membres du groupe et du sous-groupe des dommages-intérêts compensatoires et pour préjudice moral résultant de l’interruption du service cellulaire le 8 juillet 2022 et ORDONNER leur recouvrement collectif;
CONDAMNER la défenderesse à payer aux membres du groupe et du sous-groupe des dommages punitifs résultant de l’interruption du service cellulaire le 8 juillet 2022 et ORDONNER leur recouvrement collectif;
LE TOUT avec intérêt plus l’indemnité additionnelle édictée au Code civil du Québec, plus tous les frais de justice incluant les honoraires des experts et des frais d’avis aux membres du groupe;
- ORDONNE la publication d’un avis aux membres à être déterminé par le tribunal et CONVIE les parties à une audience portant sur les modalités de cet avis, suivant l’article 579 C.p.c. incluant toute question éventuelle portant sur les frais de publication des avis aux membres;
- DÉCLARE que, à moins d’exclusion, les membres du groupe seront liés par tout jugement à être rendu concernant l’action collective de la manière prévue par la loi;
- FIXE le délai d’exclusion à trente (30) jours après la date de publication de l’avis aux membres, délai à l’expiration duquel les membres du groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d’exclusion seront liés par tout jugement à intervenir
- REJETTE la demande d’autorisation à l’endroit d’Ericsson Canada inc.;
- AVEC frais de justice à suivre.
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| __________________________________ LUKASZ GRANOSIK, j.c.s. |
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Me Joey Zukran |
LPC AVOCATS |
Me David Assor |
LEX GROUP INC. |
Avocats des demandeurs |
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Me Nicholas S. Rodrigo |
Me Jeremy Lieberman |
DAVIES WARD PHILLIPS & VINEBERG |
Avocats des défenderesses Rogers Communications Canada inc., Rogers Communications inc. et Fido Solutions inc. |
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Me Isabelle Vendette |
Me Samuel Lepage |
MCCARTHY TÉTRAULT LLP |
Avocats de la défenderesse Ericsson Canada inc. |
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Date d’audience : | Le 13 janvier 2025 |
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