Québecor Média inc. c. Procureur général du Québec | 2025 QCCS 3558 |
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE | MONTRÉAL |
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No : | 500-17-111798-206 |
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DATE : | 6 octobre 2025 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | MARTIN F. SHEEHAN, J.C.S. |
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QUÉBECOR MÉDIA INC. |
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PIERRE KARL PÉLADEAU |
Demandeurs |
c. |
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
et |
SONIA LEBEL, EN SA QUALITÉ DE PRÉSIDENTE DU CONSEIL DU TRÉSOR |
Défendeurs |
et |
LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS DU QUÉBEC |
et |
L’AUTORITÉ DES MARCHÉS PUBLICS |
Mis en cause |
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JUGEMENT
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- En novembre 2014, le demandeur, monsieur Pierre Karl Péladeau, alors député de la circonscription de Saint-Jérôme, se porte candidat à la chefferie du Parti Québécois (« PQ »).
- Il emprunte 137 000 $ pour le financement de sa campagne[1], dont les dépenses totales s’élèvent à environ 400 000 $[2].
- La Loi électorale (« LÉ »)[3] permet un tel emprunt, mais souligne que le prêt doit être remboursé à même les contributions des électeurs dans les douze mois suivant l’élection. Cette période peut être renouvelée deux fois par le Directeur général des élections (« DGÉ ») jusqu’à concurrence de trente-six mois. À défaut, le candidat qui n’est pas parvenu à rembourser sa dette dans les délais prescrits est réputé avoir contribué financièrement à sa propre campagne à la hauteur du solde du prêt[4]. Si le solde excède le maximum des contributions autorisées par la LÉ (soit 500 $ dans le cas d’une course à la chefferie[5]), le candidat qui fait défaut de rembourser le solde du prêt dans les délais est susceptible d’enfreindre l’article 127.7 de la LÉ.
- Le 15 mai 2015, monsieur Péladeau est élu chef du PQ. Le 2 mai 2016, il démissionne pour des raisons familiales[6]. Par la suite, il annonce publiquement qu’il n’a pas l’intention de recueillir des fonds pour éponger sa dette de campagne[7]. Selon son directeur de campagne, monsieur Péladeau ne voulait pas nuire aux efforts de sollicitation du PQ (alors lourdement endetté) ainsi qu’aux efforts des candidats en lice pour une future course à la chefferie[8].
- En juillet et novembre 2017, le DGÉ avertit le représentant financier de monsieur Péladeau des conséquences potentielles qui peuvent résulter du défaut de rembourser son prêt à même les contributions des électeurs, notamment en application de la Loi sur les contrats des organismes publics[9] (la « LCOP »)[10].
- Malgré les avertissements, monsieur Péladeau rembourse sa dette à même ses fonds personnels[11].
- Le 21 juin 2018, le DGÉ accuse monsieur Péladeau d’avoir versé une contribution au-delà de la limite permise de 500 $[12]. L’acte d’accusation contient le rappel suivant :
En vertu de l’article 569.1 de la Loi électorale, le directeur général des élections transmet aux commissaires associés aux vérifications de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et au Secrétariat du Conseil du trésor les renseignements relatifs aux poursuites pénales et aux déclarations de culpabilité découlant d’une infraction prévue à cette loi et visée à l'annexe 1 de la Loi sur les contrats des organismes publics (RLRQ, c. C-65.1).
- Le 6 juillet 2018, monsieur Péladeau plaide coupable à l’infraction visée à l’article 127.7 de la LÉ, tout en contestant le montant maximal de l’amende qui lui est réclamée[13].
- En vertu de LCOP, toute personne qui est reconnue coupable d’avoir effectué une contribution à un candidat à la direction d’un parti politique dépassant la limite permise devient inadmissible à contracter avec des organismes publics et de demander ou renouveler une autorisation de contracter de l’Autorité des marchés publics (« AMP »). Cette interdiction s’applique aussi à toute société dont la personne est actionnaire majoritaire, administratrice ou dirigeante, ainsi que leurs filiales.
- Le 5 septembre 2018, monsieur Péladeau demande le retrait de son plaidoyer de culpabilité invoquant qu’il n’avait pas réalisé qu’un tel plaidoyer avait pour effet de rendre les entreprises du groupe Québecor inadmissibles aux contrats publics[14].
- Le DGÉ ne s’oppose pas à cette demande et celle-ci est accordée[15].
- Les avocats de monsieur Péladeau dans le dossier pénal de la Cour du Québec produisent un avis au Procureur général du Québec (« PGQ ») en vertu de l’article 76 C.p.c. afin de contester la constitutionnalité de l’article 127.15, al. 4 de la LÉ comme étant contraire à la présomption d’innocence[16]. Avant que la Cour du Québec ne tranche la question, monsieur Péladeau et Québecor Média inc. (« Québecor ») s’adressent à la Cour supérieure pour faire déclarer l’article 127.15, al. 4 de la LÉ inopérant au motif qu’il enfreint la liberté d’expression et que la sanction (incluant l’interdiction de contracter avec des organismes publics en vertu de la LCOP) constitue une peine cruelle et inusitée interdite par la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »)[17]. Les demandeurs n’invoquent pas l’article 3 de la Charte au soutien de leur pourvoi.
- Le 10 mai 2021, la Cour du Québec suspend le dossier pénal en attendant la décision de la Cour supérieure[18].
- Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que, bien que les restrictions imposées par la LÉ et l’Annexe I de la LCOP portent atteinte au droit à la liberté d’expression de monsieur Péladeau, ces restrictions sont justifiées dans le cadre d’une société libre et démocratique.
- Quant aux conséquences de la violation de la LÉ par monsieur Péladeau pour lui-même et pour Québecor, bien que ces conséquences soient sévères en ce qui les concerne, elles ne constituent pas une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte.
- La demande de Monsieur Péladeau et Québecor soulève les questions suivantes :
- Le quatrième alinéa de l’article 127.15 de la LÉ et l’annexe I de la LCOP contreviennent-ils au droit à la liberté d’expression garanti par l’article 2 b) de la Charte?
- Dans l’affirmative, est-ce que cette atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par la Charte peut être justifiée en vertu de l’article premier de celle-ci?
- Ces dispositions ont-elles pour effet d’imposer au demandeur un traitement ou une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte?
- Subsidiairement, l’infraction dont est accusé le demandeur est-elle visée par l’Annexe I de la LCOP?
- De son côté, le DGÉ réclame que la demande des demandeurs soit déclarée abusive.
- Avant de répondre à ces questions, il convient de faire un bref historique des dispositions entourant le financement des partis politiques au Québec.
1. Le financement des partis politiques au Québec
- Les experts conviennent qu’il existe un spectre de modèles susceptibles de régir le financement des partis et des candidats en politique.
- À l’une des extrémités, le modèle « libertarien » impose très peu de règles d’encadrement. Il privilégie la liberté des électeurs et des entités politiques en leur permettant de contribuer ou de dépenser à leur guise. Un tel modèle encourage la participation citoyenne à l’égard de l’action politique, mais risque de créer un déséquilibre en raison du poids relatif inégal des contributions.
- À l’autre extrême, on retrouve le modèle « égalitaire » qui cherche à éviter que les électeurs plus fortunés exercent une influence disproportionnée en politique ou que les partis mieux financés obtiennent un avantage indu. Selon les plus fervents adeptes de cette vision, le financement politique devrait être entièrement assuré par des fonds publics et les dons individuels seraient complètement interdits[19].
- La majorité des états optent pour une solution mitoyenne.
- Afin de promouvoir l’équité, la transparence et l’égalité dans le système politique tout en conciliant le droit de l’électeur de contribuer à la campagne des candidats qui reflètent sa vision de la société, on adopte certaines mesures pour : i) limiter les dépenses électorales; ii) imposer des plafonds aux contributions individuelles; iii) encourager la participation populaire par le biais de déductions fiscales; et iv) encadrer les emprunts ou les services qui peuvent être offerts aux candidats.
- Sur le spectre susmentionné, le législateur québécois s’est définitivement campé plus près du modèle égalitaire que du modèle libertarien[20].
- Dans Maheux c. Procureur général du Québec[21], le juge Hardy, alors à la Cour supérieure, rappelle l’historique de l’encadrement du financement politique[22] au Québec. Il importe de souligner que, dans cette affaire, monsieur Péladeau et Québecor ont obtenu la permission d’intervenir pour soutenir la position de monsieur Maheux[23]. Le Tribunal a d’ailleurs eu le bénéfice d’entendre deux des experts qui ont témoigné dans l’affaire Maheux (monsieur Jean-François Godbout a témoigné pour les demandeurs et monsieur Denis Lafond a témoigné pour le PGQ) ainsi qu’un troisième expert, maître Nicholas Jobidon, sur les régimes d’admissibilité et d’autorisation aux contrats publics[24]. Les experts, tant dans leur rapport et lors de leur témoignage, ont insisté sur les grandes lignes de cet historique.
- Le Tribunal reprend les descriptions du juge Hardy et des experts en y faisant les ajustements nécessaires. Il accorde notamment une attention plus marquée aux dispositions encadrant les courses à la chefferie ainsi qu’au lien entre les lois électorales et celles qui régissent l’octroi de contrats publics.
1.1 Les efforts antérieurs à 1977
- Même si son analyse de l’histoire du financement politique québécois révèle que la question des dépenses électorales préoccupe les parlementaires depuis 1875, l’expert Lafond note que « certaines décisions prises au cours des années 1903 à 1936 ont eu pour effet d’éliminer progressivement tous les mécanismes de contrôle des dépenses électorales »[25].
- Lors de la campagne électorale de 1956, un journaliste découvre que les dépenses électorales de l’Union nationale sont de neuf millions de dollars[26] (soit l’équivalent de 95 millions de dollars en valeur actuelle)[27]. Ce niveau de dépenses est huit fois plus élevé que celles du Parti libéral du Québec pour la même élection[28].
- À son arrivée au pouvoir en 1960, le gouvernement libéral de Jean Lesage crée la Commission royale d’enquête sur la moralité dans les dépenses publiques (« Commission Salvas »)[29]. Celle-ci enquête à la fois sur les politiques d’achat du gouvernement et sur le financement politique. Plus de cinquante ans plus tard, la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (la « Commission Charbonneau ») observait que la Commission Salvas avait conclu que « les faits démontrent qu’en échange de généreuses contributions à la caisse de l’Union nationale, certaines compagnies ont été autorisées à facturer à l’État des montants plus élevés que ceux qu’elles auraient normalement dû réclamer pour les biens et les services vendus »[30].
- En réponse aux conclusions de la Commission Salvas, le Parti libéral du Québec adopte le projet de loi n°15, Loi électorale de Québec[31]. La loi fixe certaines balises aux dépenses électorales des candidats et des partis en reconnaissant l’importance du principe d’égalité des chances lors des élections. Néanmoins, le gouvernement n’impose aucune restriction sur les contributions électorales par les personnes morales, ce qui l’expose à certaines critiques[32].
1.2 La Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale (1977)
- À son entrée en poste en 1976, le nouveau gouvernement du PQ fait du financement des partis politiques une mesure phare de son gouvernement.
- Dans son message inaugural du 8 mars 1977, le premier ministre de l’époque, René Lévesque, insiste sur l’importance d’encadrer le financement des partis politiques dans le but de maintenir la confiance des citoyens envers le fonctionnement de la démocratie québécoise :
Or, dans le fonctionnement d’une société démocratique, il n’est probablement rien de plus indispensable que la crédibilité des institutions politiques et celle des partis qui se forment en vue d’en assurer la direction. Cette crédibilité, les sondages ne sont pas les seuls à nous apprendre qu’elle est dangereusement entamée par les temps qui courent. Nous aurons donc, en priorité, à la renforcer sur le plan national par des lois qui régiront strictement les caisses électorales et qui augmenteront, du même coup, le financement public des activités essentielles des partis, mais tout en facilitant aussi, par une déductibilité modeste des contributions, la participation populaire de l’action politique[33].
- Robert Burns, alors ministre d’État à la réforme électorale et parlementaire, parraine le Projet de loi no2 du gouvernement intitulé Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale.
- Il souligne que le projet « affirme d’abord la primauté absolue des électeurs sur les finances publiques ». Il note qu’il ne vise pas à « interdire à quiconque de participer au financement des élections ». Par ailleurs, il reconnait que l’affirmation de la primauté du citoyen-électeur « conduit irrémédiablement à la liquidation de privilèges médiévaux que se concédaient entre eux les mieux nantis et les mieux organisés de la société ». Il faut, selon lui, « redonner à l’ensemble des citoyens québécois le goût d’animer et de contrôler leurs institutions politiques largement minées par le passé au plan de leur crédibilité, à cause de l’infiltration d’intérêts minoritaires et corporatistes aux dépens des intérêts majoritaires du peuple »[34].
- Le juge Hardy remarque[35] qu’en commission parlementaire, la Commission des droits de la personne (« CDP ») s’interroge sur l’impact des dispositions proposées sur la liberté d’expression. Elle observe que « [c]ontribuer par son argent est l’expression d’un acquiescement aux mesures qu’un parti ou un groupe de personnes favorise ». Elle concède cependant que « [d]’autres considérations peuvent en effet intervenir, notamment celle de favoriser l’égalité entre tous les citoyens ». Elle conclut que « si des limites au montant des contributions peuvent être admises, dans un but d’égalité, l’interdiction absolue de faire toute contribution serait, selon la Commission, contraire à la liberté d’expression ».
- La Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale (la « LRFPP »)[36] est entrée en vigueur le 26 août 1977.
- Les objectifs déclarés de la LRFPP incluent :
- de permettre aux seuls électeurs de contribuer au financement des partis politiques;
- d’assurer le contrôle de ce financement par la divulgation des revenus et des déboursés des partis politiques;
- d’encourager les contributions modestes et diversifiées;
- de susciter la collaboration des partis politiques;
- d’investir le directeur général du financement des partis politiques d’un double rôle de contrôle et d’information[37].
- La LRFPP met en place certaines règles fondamentales :
- seul un électeur peut effectuer une contribution politique qui doit être faite, dans tous les cas, en faveur d’un parti politique, d’une association ou d’un candidat indépendant[38];
- toute contribution doit être faite par l’électeur lui-même et à même ses propres deniers[39];
- le total des contributions ne peut dépasser, au cours d’une même année civile, pour un même électeur, la somme de 3 000 $ qui peut être versée, en tout ou en partie, à l’un ou l’autre des partis, associations ou candidats indépendants autorisés[40];
- afin de compenser la diminution de revenus résultant de l’instauration d’un plafond aux contributions politiques, un financement public est instauré qui prend la forme d’une allocation versée aux partis politiques en fonction du pourcentage de votes obtenus aux dernières élections générales[41].
1.3 Les développements de 1977 à 2009
- En juillet 1977, alors qu’il discute de l’adoption de la LRFPP, le gouvernement met en place la Commission d'enquête sur le coût de la 21e Olympiade (la « Commission Malouf »).
- La Commission Malouf dépose son rapport en 1980. La Commission Charbonneau soulignera dans son rapport final que le Rapport Malouf confirme la pertinence du changement législatif opéré par la LRFPP. « [L]’enquête établit en effet que des sommes substantielles ont été versées au Parti libéral du Québec entre 1970 et 1976, période durant laquelle les contrats relatifs à la construction des installations olympiques ont été octroyés. Les sommes en jeu sont importantes »[42].
- Le projet de loi n°96 - Loi sur l’intégration de l’administration du système électoral est adopté en 1982[43]. Le Président général des élections, le Directeur général du financement des partis politiques et la Commission de la représentation électorale sont dorénavant fusionnés en une seule institution : le « Directeur général des élections »[44].
- En 1984, le législateur regroupe dans une seule loi : la Loi électorale, la Loi sur les listes électorales et la Loi régissant le financement des partis politiques[45].
- En 1989, on réécrit la Loi électorale[46], notamment afin de permettre à un même électeur de contribuer 3 000 $ à chacun des partis[47]. L’architecture de la LÉ d’aujourd’hui maintient celle de 1989. Lors des débats, les principes d’intégrité, d’équité, d’accessibilité et de transparence sont réaffirmés[48].
- Des modifications sont apportées en 1998 et 2004 à la suite des jugements de la Cour suprême dans les affaires Libman[49] et Figueroa[50].
- En 1996, le DGÉ reçoit des plaintes relativement à des allégations de contributions versées par l’entremise de prête-noms à un parti municipal à Montréal. Après enquête, il constate l’existence d’un financement corporatif illégal via l’usage de prête-noms. Il rappelle alors l’importance de voir au respect des règles en matière de financement politique[51].
- En 1998, le DGÉ constitue un comité de travail pour amorcer une réflexion sur le financement politique municipal. Son rapport[52] énonce 91 propositions pour modifier la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (la « LÉRM »)[53]. Plusieurs de ces propositions seront reprises dans la réforme de 2010-2011[54].
- À l’été 1999, des journalistes écrivent sur des « élections clés en main » au niveau municipal. On mentionne que des firmes de professionnels et de communication offrent au candidat susceptible de remporter l’élection de prendre en main l’organisation de sa campagne en contrepartie de futurs contrats municipaux. Le DGÉ enquête. Il ne découvre pas de preuve de gestes illégaux à l’égard des municipalités assujetties à la LÉRM (5 000 habitants ou plus). Il note cependant que des élections « clés en main » ont eu lieu dans des municipalités de moins de 5 000 habitants[55].
- En 2002, le DGÉ met en place un comité interne sur l’éthique et le financement des partis politiques. Le comité doit procéder à un diagnostic, élaborer des pistes d’améliorations, établir une stratégie d’intervention publique et dresser un plan d’action triennal.
- En février 2003, le DGÉ publie son Plan d’action 2003-2006[56], proposé par son comité interne mis en place en mai 2002. Ce plan d’action établit cinq priorités :
- Promouvoir les valeurs et les principes sous-jacents à la loi et responsabiliser les acteurs concernés;
- Accentuer l’information et la formation;
- Intensifier les activités de vérification et d’examen;
- Acquérir de nouveaux outils, adopter une approche intégrée de vérification et d’enquête; et
- Recommander des modifications législatives.
- En 2004, lors des auditions de la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (la « Commission Gomery »), on mentionne que des contributions déguisées auraient été faites à des partis politiques du Québec[57]. Le DGÉ met sur pied un Groupe de réflexion sur le financement des partis politiques (le « Groupe de réflexion »). En novembre 2005, le DGÉ mandate maître Jean Moisan, juge de la Cour supérieure à la retraite, pour faire enquête sur ces allégations et proposer des recommandations dans le but « d’éviter que la confiance du public à l’égard des règles de financement des partis politiques ne soit compromise »[58]. Dans son rapport du 12 juin 2006, maître Moisan établit des liens entre le financement des partis politiques et la recherche d'influence. Le stratagème de prête-noms est présenté comme une « réalité évidente »[59]. Les recommandations de la Commission Moisan sont confiées pour suivi au Groupe de réflexion.
- Le 31 octobre 2007, le DGÉ rend public le rapport du Groupe de réflexion[60]. 36 recommandations sont proposées pour renforcer l’encadrement des contributions politiques et des dépenses électorales, incluant une pour assujettir les courses à la chefferie à la LÉ[61].
- En octobre 2009, monsieur Benoit Labonté, ancien chef de l’opposition officielle au conseil de ville de Montréal, accorde une entrevue à Radio-Canada[62]. Il mentionne que le financement populaire en politique québécoise est une « fiction » et que l'attribution des contrats de la ville de Montréal relève d'un « système mafieux ». Il soutient que certains entrepreneurs et firmes de professionnels qui ont des contrats avec la ville ont contribué de l’argent à la caisse électorale de son parti et que le recours à des prête-noms est « systématique ».
1.4 Les réformes 2010 à 2016
- En novembre 2009, le gouvernement dépose le projet de loi n°78 - Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d’autres dispositions législatives[63]. Plusieurs des changements proposés émanent du Rapport DGÉQ 2007[64].
- Ce projet de loi donnera lieu au projet de loi n°93 – Loi modifiant la Loi électorale concernant les règles de financement des partis politiques et modifiant d’autres dispositions législatives (1re sess., 39e lég.) et le projet de loi n°92 – Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale.
- En présentant ces projets de loi, le ministre Robert Dutil confirme que la plupart des modifications proposées émanent du Rapport DGÉQ 2007[65].
- Le professeur Lafond souligne que certains propos du ministre Dutil sont particulièrement pertinents au présent litige :
[…] le niveau des amendes prévues par la loi ne semble pas correspondre à la gravité des infractions aux règles de financement des partis[66].
De plus, afin qu’il soit clair pour tous qu’on ne transgresse pas impunément les règles de financement politique, le projet de loi fera en sorte que quiconque, qu’il s’agisse d’un citoyen ou d’une entreprise, qui est déclaré coupable d’une infraction en matière de contributions à un parti politique ou à une campagne à la direction d’un parti politique ne pourra pas obtenir un contrat public pendant cinq ans[67].
[…] il ne serait pas cohérent de resserrer les règles de financement des partis sans introduire des mesures d’encadrement des campagnes à la direction. Celles-ci ne sont actuellement pas encadrées par la loi, et des révélations faites lors des plus récentes élections municipales ont miné la confiance du public[68].
- Ceux-ci seront éventuellement scindés.
- En octobre 2010, le ministre Jean-Marc Fournier, alors responsable de la Réforme des institutions démocratiques, propose cinq projets de loi (la « Réforme de 2010 ») :
- Projet de loi n°113 – Loi anti-prête-noms en matière de contributions électorales[69];
- Projet de loi n°114 – Loi augmentant les pouvoirs de contrôle du directeur général des élections[70];
- Projet de loi n°118 – Loi concernant le financement des partis politiques[71];
- Projet de loi n°119 – Loi concernant le processus électoral[72];
- Projet de loi n°120 – Loi concernant les campagnes à la direction des partis politiques (la « LCCDPP »)[73].
- Les cinq projets de loi sont adoptés à l’unanimité sur un vote par appel nominal des parlementaires. Selon l’expert Lafond, cela « témoigne de leur importance et d’un fort consensus parmi les élus »[74].
- Le Rapport DGÉQ 2007 avait recommandé que la LÉ contienne des règles concernant le financement d’une course à la chefferie[75].
- La LCCDPP encadre le financement des campagnes à la direction d’un parti tant au niveau provincial qu’au niveau municipal. Les mesures adoptées portent sur :
- la sollicitation et le versement de contributions;
- la diffusion du nom des donateurs;
- les prêts et les cautionnements;
- les dépenses faites par les candidats et un parti;
- les réclamations des créanciers;
- les rapports qui doivent être produits;
- les dispositions pénales en application de ces règles.
- Le ministre Fournier dira que la LCCDPP vise à « combler un vide majeur dans les lois électorales québécoises qui ne prévoient aucune règle pour encadrer les campagnes à la direction des partis politiques »[76].
- Il est prévu que :
- « Chaque candidat sera le seul responsable des dettes de sa campagne. »
- « Dans l’année suivant l’élection du nouveau chef du parti, le représentant financier devra acquitter les dettes de campagne du candidat. Si la situation le justifie, le DGÉ pourra accorder un délai pouvant aller jusqu'à 12 mois supplémentaires [subséquemment étendu à 2 périodes de 12 mois]. Pendant cette période, des contributions pourront être recueillies à la seule fin de payer les dettes du candidat. »
- « À l’expiration de la période de deux ans suivant l'élection du chef [élargi à trois ans lors des débats parlementaires], tout solde dû par un candidat sera réputé être une contribution à sa campagne. Toutefois seul le candidat pourrait être tenu responsable si une telle contribution devait contrevenir à une disposition de la loi. »[77]
- Conscient de l’aspect contraignant de la règle, le ministre observe que « [c]ette mesure mettra une pression sur les candidats afin qu’ils s’assurent de mener une campagne selon leurs moyens, qui dépendront uniquement du soutien financier que les électeurs leur accorderont. »[78]
- Dans un souci de cohérence, le ministre souligne que « le projet de loi concernant les campagnes à la direction des partis prévoit les mêmes dispositions pénales que celles qui étaient prévues pour des infractions équivalentes concernant le financement des partis et des dépenses électorales. Ainsi, il prévoit des peines qui correspondent à celles qui étaient prévues pour le projet de loi anti-prête-noms avant que la commission parlementaire n’adopte des amendements pour les rendre plus sévères »[79].
- Sommairement, dans le cadre de campagnes à la chefferie, les règles sont déterminées par le parti (incluant le montant maximum des dépenses autorisées par candidat)[80]. La contribution maximale par électeur pour l’ensemble des candidats est fixée à 1 000 $. Cette limite fut réduite à nouveau de moitié en 2013 pour s’établir à 500 $, montant qui n’a pas été modifié depuis[81].
- Les candidats doivent choisir un représentant financier qui s’occupera des contributions, des dépenses, du paiement des réclamations, des emprunts et cautionnements et de la production du rapport de campagne[82].
- Tout emprunt, et le cas échéant, tout cautionnement doit être préalablement autorisé par écrit par le candidat concerné. La loi ne fixe pas de limite au montant maximum qu’un même électeur peut prêter ou cautionner à un candidat d’une campagne à la direction. Par contre, le parti peut mettre un plafond sur les dépenses autorisées[83]. De plus, tout solde dû sur une réclamation ou sur un prêt, à l’expiration des délais prévus à la loi (36 mois du jour du scrutin), est réputé être une contribution dont seul le candidat est imputable. Par le fait même, le candidat est seul responsable des conséquences prévues à la loi, notamment si le montant excède la limite permise de 500 $. Ainsi, tout prêt contracté par le représentant financier doit être préalablement autorisé par écrit par le candidat concerné[84]. L’expert Godbout concède, qu’« [e]n l’absence d’un tel contrôle, les prêts pourraient devenir une forme de contribution déguisée qui permettrait de contourner les règles de financement politique »[85]. Par ailleurs, les candidats à des courses à la chefferie ne bénéficient d’aucun financement public comme c’est le cas des candidats à une élection. De plus, la loi ne différencie pas les contributions d’un électeur à sa propre campagne et à celle d’un tiers. Les deux types de contribution sont soumis à la même limite de 500 $.
- Depuis 2016, le rapport des revenus et dépenses de campagne d’un candidat à la direction doit être accompagné d’une déclaration dans laquelle il atteste avoir été informé des règles relatives au financement et aux dépenses de campagne. Il confirme également avoir rappelé ces règles aux personnes autorisées à solliciter des contributions ou à autoriser des dépenses, avoir été informé des pratiques de sollicitation et les juger conformes à la loi, avoir pris connaissance du contenu du rapport et avoir obtenu tous les éclaircissements souhaités à son sujet[86].
- Lors des débats parlementaires sur la LCCDPP, le successeur du ministre Fournier à titre de responsable de la Réforme des institutions démocratiques, monsieur Yvon Vallières, observera :
Et de s’assurer qu’on puisse faire en sorte que les gens peuvent se porter candidats dans les formations politiques sans tenir compte — passez-moi le terme — de l’épaisseur de leur porte-monnaie, alors je pense qu’on peut être fiers de ça parce que ça contribue largement à une démocratie saine au Québec[87].
- Dans le cadre de l’adoption de la LCCDPP, le porte-parole de l’opposition officielle, monsieur Stéphane Bédard, mentionne :
Et c’est le signal qu’on envoie aux tribunaux. On ne peut pas considérer un manquement à la Loi électorale comme étant une chose bénigne. C’est très grave. Autant nous sommes soucieux de la protection du système judiciaire, nous demandons aux juges d’avoir la même préoccupation par rapport au système démocratique et de ne pas considérer ces manquements comme étant anodins[88].
1.4.2 Autres mesures adoptées lors de la Réforme de 2010 et dans les années suivantes
- Parmi les autres mesures adoptées via la Réforme de 2010, on prévoit :
- la diminution du plafond annuel de contribution à 1 000 $;
- l’interdiction des dons anonymes;
- l’imposition de la signature d’une fiche de contribution comme le proposait maître Moisan; et
- l’augmentation des amendes payables en cas de dépassement de ce plafond[89].
- La Réforme de 2010 augmente également les pouvoirs de contrôle du DGÉ et consolide le régime de sanctions avec des mesures sévères et dissuasives[90]. D’ailleurs, le Rapport DGÉQ 2007 avait recommandé de revoir les amendes à la hausse et d’augmenter le caractère dissuasif des conséquences[91].
- En avril 2011, au congrès national du PQ, une proposition de réduire le plafond annuel des contributions à 100 $ est acceptée.
- En septembre 2011, le rapport de monsieur Jacques Duchesneau, alors dirigeant de l’Unité anticollusion (« UAC »), fait l’objet d’une fuite dans les médias. On apprend que le crime organisé et les entreprises de construction seraient responsables des coûts plus élevés payés par l’État pour ses projets de construction et qu’une partie des excédents payés serait ensuite transférée vers les caisses électorales des partis politiques par l’intermédiaire de prête-noms[92].
- En octobre 2011, le premier ministre du Québec, monsieur Jean Charest, annonce la création de la Commission Charbonneau qui se voit confier le mandat d’examiner :
l’existence de stratagèmes et, le cas échéant, de dresser un portrait de ceux-ci qui impliqueraient de possibles activités de collusion et de corruption dans l’octroi et la gestion de contrats publics dans l’industrie de la construction incluant notamment les organismes et les entreprises du gouvernement et les municipalités, incluant des liens possibles avec le financement des partis politiques […]
des pistes de solution et de faire des recommandations en vue d’établir des mesures permettant d’identifier, d’enrayer et de prévenir la collusion et la corruption dans l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction ainsi que l’infiltration de celle-ci par le crime organisé[93].
- En mai 2012, monsieur Bernard Drainville, alors député du PQ, qui forme le parti d’opposition, propose l’abaissement du plafond de contribution de 1 000 $ à 100 $. La motion est défaite.
- Le PQ est élu en septembre 2012. La nouvelle première ministre, madame Pauline Marois, annonce son intention de déposer deux projets de loi :
- le projet de loi n°1 - Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics[94]; et
- le projet de loi n°2 - Loi modifiant la Loi électorale afin de réduire la limite des contributions par électeur, de diminuer le plafond des dépenses électorales et de rehausser le financement public des partis politiques du Québec[95].
- En novembre 2012, le projet de loi n°2 est déposé et adopté à l’unanimité[96]. Ce projet de loi :
- abaisse de 1 000 $ à 100 $ le montant total des contributions annuelles à un même parti politique, sauf à l’occasion d’élections générales ou partielles lors desquelles des contributions additionnelles de 100 $ sont permises;
- réduit de 1 000 $ à 500 $ le montant total des contributions pour un électeur pour une campagne à la direction d’un parti;
- augmente le montant de l’allocation annuelle destinée à chacun des partis et la création d’une nouvelle allocation supplémentaire lors d’élections générales;
- révise à la baisse les contributions pouvant être faites en argent comptant;
- abolit le crédit d’impôt pour contribution politique;
- instaure un revenu d’appariement.
- Monsieur Bernard Drainville, qui parraine le projet de loi, identifie ainsi ses principaux objectifs :
- Que les citoyens québécois redeviennent les propriétaires de leurs partis politiques;
- Conserver une dimension de financement populaire dans le financement des partis en reconnaissance du fait que c’est un geste d’expression démocratique louable;
- Permettre l’éclosion de nouveaux partis politiques et assurer un financement stable des tiers partis existants, contribuant ainsi à la diversité démocratique;
- Assainir le financement des partis politiques en faisant passer l’intérêt collectif des citoyens avant l’intérêt des partis;
- Contrecarrer l’influence des grands lobbys et mettre les partis à l’abri de l’influence indue de donateurs généreux qui donnent ou collectent de gros montants dans l’espoir d’obtenir des contrats, des permis ou des nominations qui minent l'intégrité du financement des partis politiques.
- En avril 2013, le DGÉ dévoile l’existence de pratiques de financement sectoriel liées à l’usage de prête-noms qui sont plus répandues que ce qui avait été révélé jusque-là[97].
- En novembre 2013, on dépose le projet de loi no61 - Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l’industrie de la construction[98]. Le projet apporte des modifications à la LCOP afin de faire en sorte qu’une entreprise déclarée coupable de certaines infractions ne soit pas automatiquement privée de contracter avec l’État, mais que cette condamnation puisse être prise en considération dans l’évaluation de l’intégrité de l’entreprise aux fins de délivrer une autorisation de contracter.
- Ce projet est repris en mars 2015, via le projet de loi n°26 qui deviendra la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics (la « Loi visant la récupération de sommes »)[99].
- Comme son nom l’indique, la Loi visant la récupération de sommes prévoit des mesures exceptionnelles pour permettre à l’État de récupérer des sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de l’adjudication, de l’attribution ou de la gestion de contrats publics.
- Par ailleurs, la Loi visant la récupération de sommes intègre aussi au régime d’inadmissibilité des contrats publics de la LCOP, les infractions aux lois électorales en matière de contributions qui peuvent entrainer une inadmissibilité à ces contrats.
- En novembre 2015, la Commission Charbonneau produit son rapport. À l’égard du financement des partis politiques provinciaux, elle conclut que :
- L’esprit de la loi visant à empêcher le financement des partis politiques par des personnes morales a été contourné à grande échelle à la fois par les principaux partis politiques et par les entreprises qu’ils sollicitent;
- Il est possible de conclure qu’un lien unit le versement de contributions à des partis politiques provinciaux et le processus d’octroi de contrats publics[100].
- En juin 2016, l’Assemblée nationale du Québec adopte le projet de loi n°101 - Loi donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de financement politique[101] et le projet de loi n°83 - Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique[102]. Dans un souci de cohérence législative avec la LÉ, ce dernier projet apporte des modifications au régime québécois du financement politique municipal.
1.5 Les sanctions à une violation de la LÉ
- Une personne déclarée coupable d’une infraction à la LÉ est passible de sanctions sévères incluant :
- Une sanction pénale allant de 5 000 $ à 20 000 $ pour une personne physique (articles 559 à 569.1 de la LÉ);
- Si l’infraction constitue une manœuvre électorale frauduleuse (« MEF »), la personne physique peut perdre des droits électoraux pour une période de cinq ans (article 568 de la LÉ);
- Être déclaré inhabile à siéger à l’Assemblée nationale (article 442 de la LÉ);
- La perte du droit de contracter avec l’État.
1.6 Le lien entre les infractions électorales et l’autorisation de contracter avec l’État
- L’analyse historique des mesures visant à encadrer le financement des partis politiques démontre que, depuis au moins 50 ans, l’état est conscient des liens potentiellement néfastes qui peuvent exister entre le financement des partis politiques et l’octroi de contrats publics.
- En règle générale, les contrats conclus par les organismes publics québécois sont assujettis aux mêmes règles que les contrats conclus entre des particuliers[103]. Toutefois, en reconnaissance du fait que les organismes du gouvernement administrent des fonds publics, il a été jugé nécessaire d’encadrer leur pouvoir de dépenser, notamment afin :
- D’obliger les organismes publics à solliciter la concurrence en les astreignant à la procédure d’adjudication par appel d’offres;
- D’augmenter la transparence du processus; et
- D’éviter que les organismes publics puissent choisir leur contractant, dans le but de prévenir toute forme de patronage[104].
- Cependant, les scandales évoqués précédemment, suivi du dépôt du Rapport de la Commission Charbonneau[105], ont mis en lumière divers stratagèmes mis en œuvre par des acteurs publics et privés mal intentionnés afin de s’approprier indûment des fonds publics, en contournant l’esprit des règles encadrant les marchés publics. Parmi les stratagèmes identifiés par la Commission Charbonneau se retrouvent la collusion et le truquage d’offres, la corruption d’agents publics, le recours à des prête-noms pour contourner la LÉ ainsi que l’utilisation abusive des procédures de passation de contrats publics dans le but d’enrichir les caisses électorales de partis politiques[106].
1.6.1 Le Registre du DGÉ
- La Réforme de 2010 prévoit certaines mesures pour enrayer ces stratagèmes. Entre autres, le montant maximal des contributions électorales a été abaissé à plusieurs reprises. Une déclaration est également requise de la part des donateurs qui doivent confirmer que la donation est faite volontairement et sans contrepartie[107]. La violation de ces exigences entraine des sanctions pénales importantes[108].
- De plus, le Projet de loi n°113 qui a mené à l’adoption de la Loi anti-prête-noms (la « LAPN »)[109] ajoute à la LÉ les articles 564.3 à 564.5 qui créent un registre, tenu par le DGÉ, dans lequel sont identifiées les personnes physiques et morales déclarées coupables de certaines infractions électorales, incluant des infractions commises dans le cadre de courses à la chefferie. Ce choix est délibéré et réfléchi :
Nous proposons également une mesure qui n'a pas d'équivalent en Amérique du Nord, soit l’inhabilité à obtenir un contrat public en cas d’infraction grave concernant le versement d’une contribution. Qualifier de manœuvres électorales frauduleuses certaines infractions en matière de financement et de campagne à la direction est également unique. Il ne faut pas non plus oublier que, grâce à l'adoption du projet de loi n° 114, notre Directeur général des élections est l’officier électoral qui dispose des pouvoirs de contrôle et d'enquête les plus importants au Canada[110].
- Les personnes reconnues coupables de ces infractions ne peuvent plus conclure de contrats publics pendant une période de trois ans. En cas de récidive dans un délai de dix ans, cette interdiction est portée à cinq ans à compter du jugement de culpabilité.
1.6.2 Le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics
- Quelques mois après l’adoption de la LAPN, l’Assemblée nationale commence l’étude du Projet de loi n°15 qui mène à l’adoption de la Loi concernant la lutte contre la corruption (la « LCLC »)[111]. La LCLC crée le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (le « RENA »). Ce registre contient une liste d’entreprises qui se sont prêtées à des activités criminelles ou interdites. La liste des infractions en question se trouve dans un règlement adopté en vertu de la LCOP (le « Règlement LCOP »)[112].
- La création du RENA vise trois objectifs :
- Couper les vivres aux entreprises délinquantes;
- S’assurer que les organismes publics ne continuent pas à contracter avec les entreprises reconnues coupables d’activités criminelles; et
- Renforcer le caractère dissuasif des infractions relatives aux marchés publics[113].
- La responsabilité du RENA est initialement confiée au Conseil du trésor[114]. Celle-ci sera éventuellement transférée à l’AMP[115].
- Lorsqu’une entreprise ou une personne physique qui lui est liée est reconnue coupable d’une infraction prévue au Règlement LCOP, elle devient inadmissible à l’obtention de contrats publics pour la durée fixée au Règlement LCOP, pouvant aller jusqu’à un maximum de cinq ans[116].
- L’infraction commise par une « personne liée » (c’est-à-dire, un actionnaire majoritaire, un administrateur, un associé ou tout autre dirigeant) ne mène à l’inclusion de l’entreprise au RENA que si cette infraction a été commise « dans le cadre de l’exercice des fonctions de cette personne au sein [de l’entreprise] »[117].
- Depuis 2022, l’AMP peut retirer une entreprise du RENA en prenant en considération l’infraction ayant conduit à son inadmissibilité, dans le cadre d’une vérification visant à émettre ou à renouveler une autorisation de contracter en vertu des articles 21.17 et suivants de la LCOP. Cependant, l’AMP ne peut accorder ni renouveler une telle autorisation si l’un des dirigeants, administrateurs ou si l’actionnaire majoritaire a été reconnu coupable d’une infraction énumérée à l’Annexe I de la LCOP[118].
1.6.3 Le Registre des entreprises autorisées
- À son entrée en vigueur, le régime du RENA fait l’objet de critiques notamment, parce qu’il demeure à la remorque de la justice criminelle alors que les forces de l’ordre peinent à obtenir des condamnations contre les entreprises impliquées dans des scandales.
- Après son élection en 2012, le PQ propose la Loi sur l’intégrité des contrats publics (la « LIMCP »)[119] qui crée un régime plus contraignant pour les entreprises intéressées à contracter avec les organismes publics.
- Les objectifs déclarés de cette nouvelle réforme incluent :
- De ramener l’intégrité dans l’octroi des contrats publics;
- De rétablir la confiance du public;
- De punir les contrevenants et dissuader les malhonnêtes;
- D’encourager les bonnes pratiques et de récompenser l’honnêteté[120].
- La LIMCP modifie la LCOP en mettant en place un Registre des entreprises autorisées (« REA »). Il est désormais interdit de conclure certains contrats avec l’État à moins d’avoir obtenu une autorisation administrative à cet effet[121]. « Ce régime est original en ce qu’il révoque, pour les contrats qui y sont assujettis, le principe selon lequel toute entreprise a le droit de faire affaire avec l’État »[122]. Contracter avec l’État devient un privilège qui ne sera accordé qu’aux entreprises qui le méritent.
- Le régime du REA s’applique présentement aux contrats de service comportant une dépense supérieure à 1 000 000 $ et aux contrats de travaux de construction comportant une dépense supérieure à plus de 5 000 000 $[123].
- Les entreprises souhaitant conclure de tels contrats ou en sous-traitances doivent obtenir l’autorisation de l’AMP. À la réception d’une demande, l’AMP la transmet au Commissaire associé aux vérifications[124], qui rédigent un rapport à son intention[125].
- À la suite de la réception du rapport, l’AMP statue sur l’autorisation ou le refus pour l’entreprise de conclure des contrats ou des sous-contrats publics.
- La LIMCP déplace la liste des infractions relatives à la conclusion de contrats publics qui se trouvait au Règlement LCOP à l’Annexe I de la LCOP, laquelle peut être modifiée par décret[126].
- L’AMP doit refuser l’autorisation ou le renouvellement de celle-ci à :
- toute entreprise déclarée coupable, au cours des cinq années précédentes, d’une infraction prévue à l’Annexe I;
- toute entreprise dont l’actionnaire majoritaire a été, au cours des cinq années précédentes, déclaré coupable d’une infraction prévue à l’Annexe I;
- toute entreprise dont l’un des administrateurs ou dirigeants a été déclaré coupable, au cours des cinq années précédentes, d’une infraction prévue à l’Annexe I;
- toute entreprise déclarée coupable d’une infraction visée à l’article 641.2 de la LÉRM à l’article 221.1.2 de la Loi sur les élections scolaires (la « LÉS »)[127] ou à l’article 564.3 de la LÉ tant que l’interdiction prévue, selon l’infraction en cause, à l’un ou l’autre de ces articles n’est pas expirée, à moins qu’un juge ait suspendu cette interdiction.
- Cependant, l’ensemble des critères pouvant mener à un refus d’autorisation ou de renouvellement ne s’appliquent pas lorsqu’un pardon a été obtenu[128].
- L’AMP peut refuser d’accorder ou de renouveler une autorisation à une entreprise lorsqu’elle est d’avis que cette entreprise « ne satisfait pas aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre d’une partie à un contrat public »[129].
- L’article 21.28 de la LCOP énonce certains des critères que l’AMP peut considérer dans l’exercice de cette discrétion.
1.6.4 La consolidation du Registre du DGÉ, du RENA et du REA
- Le Registre du DGÉ, le RENA et le REA ont co-existé jusqu’en 2015.
- En 2014, le DGÉ publie son Rapport sur la mise en œuvre de la réforme des lois électorales 2011-2014 (le « Rapport DGÉQ 2014 »). Par souci de cohérence, il recommande d’harmoniser les trois registres sous la LCOP[130].
- Lorsque l’Assemblée nationale adopte la Loi visant la récupération de sommes, elle en profite pour consolider les trois régimes.
- La nouvelle loi abolit les articles 565.3 à 564.6 de la LÉ qui mettaient sur pied le registre du DGÉ[131], de même que le cinquième paragraphe de l’article 21.26 de la LCOP qui imposait le refus d’une demande d’autorisation ou de renouvellement en cas de violation à une loi électorale[132].
- En contrepartie, la loi ajoute les infractions en matière électorale à l’Annexe I de la LCOP (incluant celles prévues aux articles 564.1 et 564.2 de la LÉ)[133]. Elle impose également une nouvelle obligation pour le DGÉ, soit celle de transmettre les informations nécessaires à l’application du RENA au Commissaire associé aux vérifications[134].
- Le traitement accordé aux infractions à des lois électorales, ainsi intégrées à l’Annexe I de la LCOP, devient donc semblable aux autres infractions graves énumérées à l’Annexe I.
- En 2017, le gouvernement dépose le Projet de loi n°108 - Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics (la « Loi instituant l’AMP »)[135].
- L’AMP est, entre autres, chargée d’appliquer les dispositions de la LCOP concernant l’inadmissibilité aux contrats publics et les autorisations de contracter[136].
- La LCOP est modifiée pour permettre à une entreprise inscrite au RENA de présenter une demande d’autorisation de contracter à l’AMP. L’octroi de cette permission a pour effet de retirer l’entreprise du RENA[137].
1.6.5 Sommaire
- En résumé, la LCOP prévoit deux régimes applicables pour les contrats avec les organismes publics : le RENA et pour les contrats qui dépassent un certain seuil, le REA.
- Une entreprise inscrite au REA est admissible aux contrats publics.
- Lorsqu’une personne commet une infraction visée à l’Annexe I de la LCOP, elle est automatiquement inscrite au RENA pour cinq ans, à moins qu’elle dispose d’une autorisation de contracter[138]. Les entreprises liées à une personne physique condamnée, lorsque celle-ci occupe un poste de dirigeant, subissent le même sort si l’infraction visée a été commise dans le cadre de l’exercice de ses fonctions[139].
- Lorsque la personne qui commet l’infraction ou la personne liée est détentrice d’une autorisation de contracter, l’AMP procède plutôt à un examen de l’intégrité de l’entreprise autorisée[140].
- Lorsqu’elle rend une décision qui conclut à l’absence d’intégrité d’une entreprise, l’AMP doit énoncer les mesures correctrices qui permettraient à l’entreprise de satisfaire aux exigences[141].
- Le cas échéant, ces mesures correctrices doivent inclure la cessation de toute forme de contrôle d’un administrateur ou d’un dirigeant déclaré coupable d’une infraction prévue à l’Annexe I[142].
- À défaut de respecter les mesures correctrices, l’entreprise, de même que ses filiales, sont inscrites au RENA pour cinq ans[143].
- Lorsqu’une entreprise est inscrite au RENA, elle doit cesser tout contrat public et ne peut en obtenir des nouveaux sauf si un organisme public en fait la demande pour un motif d’intérêt public et que le Conseil du Trésor l’accepte[144].
- L’historique susmentionné démontre la détermination de l’État québécois de se doter d’un régime global et cohérent afin de favoriser la tenue d'élections libres et démocratiques.
- Souvent, des ajustements ont été apportés en réponse à des scandales qui ont mis en lumière des stratagèmes visant à contourner ce régime. Les interventions du gouvernement visaient alors non seulement à maintenir le système en place, mais aussi à préserver la confiance essentielle des citoyens envers leur régime démocratique.
- Selon l’expert Lafond, l’histoire de l’encadrement du financement politique au Québec repose sur quatre principes fondamentaux[145] :
- La primauté de l’électeur;
- L’équité;
- L’intégrité du processus électoral; et
- La transparence.
- L’importance de ces principes a été réitérée dans le cadre de la Réforme de 2010[146].
1.7.1 La primauté de l’électeur au sein du système électoral
- Ce principe reconnait le rôle prépondérant et incontournable du citoyen / électeur dans le processus électoral. Il vise à garantir l’équité démocratique en vertu de laquelle le poids du vote de chaque électeur est sensiblement équivalent à celui des autres. Seul un électeur peut poser sa candidature à une élection ou à une campagne à la direction d’un parti.
- En matière de financement politique, seuls les électeurs sont autorisés à verser des contributions, lesquelles doivent provenir de leurs biens personnels[147]. Toute contribution doit être faite de manière volontaire et ne peut, en aucun cas, faire l’objet d’un remboursement.
- Ce principe implique une interdiction absolue de contribution politique provenant de personnes morales. « Par cette orientation, le législateur tient à réduire les risques d’influence indue qu’une personne morale pourrait exercer sur le résultat d’une élection et par le fait même sur les enjeux d’une démocratie. Une personne morale disposant généralement de ressources financières plus grandes qu’un simple électeur, celle-ci pourrait ainsi mettre plus de poids à promouvoir son propre intérêt plutôt que l’intérêt public. »[148]
1.7.2 L’équité en vue de promouvoir l’égalité des chances
- Permettre les contributions financières à des partis politiques respecte le droit du citoyen de faire entendre sa voix, de se présenter à une élection et de se faire élire.
- Néanmoins, « l’argent en politique est vu comme un des premiers facteurs pouvant générer des inégalités entre les candidats et les partis lors d’élections, et indirectement, entre les électeurs eux-mêmes pour l’expression de leur voix par un choix de parti ou de candidat qui représente ses idées et ses opinions »[149]. L’expert Godbout reconnait qu’il existe « au sein de la population québécoise et canadienne un solide consensus pour limiter l’influence de l’argent privé dans le système politique. La principale inquiétude a toujours été que les plus fortunés puissent avoir une influence démesurée sur le résultat des élections et sur le comportement des élus. »[150]
- En plafonnant le montant maximal de la contribution, le législateur encourage des contributions modestes et diversifiées. Il limite « l’influence que pourraient exercer des électeurs plus fortunés ou mieux organisés » favorisant ainsi « une plus grande équité »[151]. « [P]lus ce montant limite sera élevé, plus celui-ci donnera l’apparence d’une dépendance, d’une vulnérabilité ou d’une influence indue qu’un parti, qu’un candidat ou qu’un élu et chef de parti, par surcroît, pourrait subir face à ces donateurs plus généreux et fortunés ou d’importants collecteurs de fonds qui recueillent des sommes considérables. »[152]
- L’imposition de plafonds de contribution réduit « le déséquilibre dans la capacité de chaque électeur à participer au processus électoral » et évite que cette participation soit « écrasée par la capacité financière plus forte d’un autre électeur de participer à ce processus ».[153] Par ailleurs, « en adoptant un seuil trop bas pour les dépenses électorales, on peut pénaliser les nouveaux candidats ou les nouveaux partis qui doivent habituellement dépenser davantage pour se faire connaître auprès des électeurs »[154]. Des règles équilibrées sont à privilégier.
- Les plafonds maintiennent aussi l’égalité des chances entre les candidats. En diminuant l’impact des finances, on encourage la diversité des candidatures et on favorise les débats d’idées plutôt qu’un concours de sollicitation.
- Comme corolaire, le respect du principe d’égalité des chances accroit la confiance de la population dans ses institutions démocratiques et quant à la légitimité des résultats électoraux.
- Comme le résume la Cour suprême du Canada dans Libman[155] :
Ainsi, l’objectif de la loi est d’abord égalitaire en ce qu’il vise à empêcher les éléments les plus fortunés de la société d’exercer une influence disproportionnée en dominant le débat référendaire par des moyens supérieurs. Il s’agit en quelque sorte d’une égalité de participation et d’influence entre les tenants de chaque option. En second lieu, du point de vue de ceux qui votent, le régime vise à permettre un choix éclairé en s’assurant que certaines positions ne soient pas enterrées par d’autres. Finalement, et de façon connexe, le régime vise à préserver la confiance de l’électorat dans un processus démocratique qu’il saura ne pas être dominé par la puissance de l’argent.
1.7.3 L’intégrité du processus électoral
- L’intégrité du processus électoral est un principe fondamental sous-jacent à plusieurs réformes parlementaires.
- Pour être intègre, « le processus électoral doit être géré et administré conformément à la loi et aux procédures ou directives établies, être doté d’un régime d’application efficace, faire l’objet d’une surveillance constante, et être muni d’un régime de sanctions dissuasives qui permet de poursuivre ceux et celles qui seraient tentés d’enfreindre la loi, délibérément ou non »[156].
- La confiance du public dans le processus électoral requiert que les élections demeurent honnêtes et crédibles.
- Certaines mesures permettant de protéger l’intégrité du processus électoral incluent :
- L’encadrement des activités des intervenants au processus électoral (partis politiques, candidats, électeurs, etc.) par des procédures d’autorisation et de suivi sous le contrôle du DGÉ.
- L’imposition de règles : i) aux personnes autorisées à solliciter, à recueillir et à verser des contributions politiques; ii) aux montants des contributions; iii) sur les emprunts et en période électorale sur les dépenses électorales ou sur les dépenses d’une campagne à la direction d’un parti; iv) sur la production de rapports, de déclarations, leur accessibilité et leur diffusion.
- Le législateur a également confié au DGÉ un rôle d’éducation, mais également de vérification, d’enquête et de contrôle[157].
- Finalement, des mesures répressives et dissuasives sont adoptées, renforçant ainsi la crédibilité du système[158].
- « Autrement dit, pour assurer l’intégrité du processus électoral, il faut se doter de règles claires, qu’elles soient bien comprises, et que celles-ci prévoient des devoirs et des pouvoirs de vérifier, de contrôler, d’enquêter sur l’application de ces règles, mais aussi de sévir, le cas échéant. »[159]
1.7.4 La transparence
- La transparence assure la crédibilité d’un processus électoral.
- La divulgation publique reconnait le « droit des citoyens à l’information »[160]. Son but est « de promouvoir l’intégrité du système des partis politiques et de permettre au public d’avoir un droit de regard sur les comptes des partis et d’en débattre librement et publiquement, le cas échéant »[161].
- Le cadre juridique exige la production de rapports, de déclarations et de tous les autres documents reliés à la reddition de comptes.
- Chaque personne qui verse une contribution politique (peu importe la valeur de celle-ci) de même que l’entité autorisée à laquelle la contribution est dirigée sont identifiées. « La capacité de suivre les contributions ou de créer une piste de vérification est la toute première protection pour assurer l’intégrité du système et elle est susceptible d’avoir un impact positif sur la démocratie et la gouvernance. »[162]
- Les règles de transparence responsabilisent les entités autorisées et les candidats à la direction d’un parti. L’accessibilité des informations sur le financement politique aux journalistes, chercheurs et autres acteurs de la société civile, permet « une vaste surveillance publique qui motive à son tour une autosurveillance accrue »[163].
- L’alinéa 127.15(4) de la LÉ a pour effet d’encadrer le droit d’un candidat à la direction d’un parti politique d’emprunter des sommes pour faire campagne.
- Or, il est généralement reconnu que les restrictions au droit de dépenser ou de financer une campagne électorale enfreignent la liberté d’expression.
- Ainsi, la liberté d’expression de monsieur Péladeau est enfreinte par l’article 127.15 de la LÉ.
- Il en va autrement de Québecor. Bien qu’une condamnation de monsieur Péladeau puisse avoir des conséquences sur les entreprises du groupe, la LÉ ou l’Annexe I de la LCOP ne restreignent pas la liberté d’expression de Québecor.
- La liberté d’expression est considérée comme une valeur fondamentale de toute société démocratique. Le juge Cardozo de la Cour suprême des États‑Unis la décrivait comme « [TRADUCTION] la matrice, l’élément essentiel de presque toute autre forme de liberté »[164]. Le juge Rand de la Cour suprême du Canada insistait sur le fait qu’elle est « [TRADUCTION] tout aussi vitale à l’esprit humain que l’est la respiration à l’existence physique de l’individu »[165].
- Plus qu’un simple droit, la conception de la liberté d’expression retenue par un état définit sa vision de la société :
[TRADUCTION] […] la théorie de la liberté d’expression est plus qu’une méthode pour parvenir à de meilleurs jugements sociaux par des procédures démocratiques. Elle englobe une vision de la société, une foi et tout un mode de vie. La théorie vient d’une époque qui a trouvé son éveil et sa vigueur dans l’idée d’une nouvelle société dans laquelle la pensée était libre, le sort de l’homme était déterminé par le pouvoir de la raison et la possibilité de créer une civilisation rationnelle et éclairée était presque illimitée. Elle est présentée comme le moyen de parvenir à une société créatrice, progressiste, stimulante et intellectuellement solide. Elle envisage un mode de vie qui permettra à l’homme d’exploiter tout son potentiel en favorisant la tolérance, le scepticisme, la raison et l’initiative. Elle écarte l’idée d’une société tyrannique, conformiste, irrationnelle et stagnante.[166]
- Au Canada, la liberté d’expression a une « importance cruciale »[167] et « primordiale »[168]. La protection qu’on y confère reflète notre vision voulant que « dans une société libre, pluraliste et démocratique, nous attachons une grande valeur à la diversité des idées et des opinions qui est intrinsèquement salutaire tant pour la collectivité que pour l'individu »[169].
- Le test pour déterminer si une activité bénéficie de la protection constitutionnelle en matière de liberté d’expression se décline en trois volets[170] :
- L’activité en question a-t-elle un contenu expressif faisant en sorte qu’elle entre à première vue dans le champ d’application de la protection offerte par l’al. 2b)?
- Le lieu ou le mode d’expression utilisé écarte-t-il cette protection?
- Si l’activité est protégée, la mesure prise par l’État porte-t-elle atteinte, par son objet ou par son effet, au droit protégé?
2.2.1 L’activité en question a-t-elle un contenu expressif?
- Les deux premières étapes de l’analyse consistent à déterminer si l’activité que souhaite poursuivre le demandeur « relève de la liberté d’expression ». En effet, si l’activité ne relève pas de la liberté d’expression, l’action gouvernementale qui a pour effet de restreindre cette activité ne peut être contestée en vertu de l’article 2b) de la Charte.
- La liberté de parole n’est pas limitée « au seul mouvement de la langue, des mâchoires et des cordes vocales pour produire des sons linguistiques », mais elles n’englobent pas non plus « la totalité de l’activité humaine »[171].
- Pour faire entrer une activité dans la sphère des activités protégées, le demandeur doit d’abord établir qu’elle a « pour but de transmettre un message » ou une « signification » que ceux-ci soient populaires ou non[172].
- Les tribunaux favorisent « une interprétation très large de la liberté d’expression afin d’étendre la garantie de la Charte canadienne au plus grand nombre d’activités expressives possibles »[173].
- Le discours politique représente « la forme d’expression la plus importante et la plus protégée »[174]. Selon le juge Dickson, « [l]e lien entre la liberté d’expression et le processus politique est peut‑être la cheville ouvrière de la garantie énoncée à l’al. 2b), et ce lien tient dans une large mesure à l’engagement du Canada envers la démocratie »[175]. « [L]e processus électoral […] constitue […] le principal moyen permettant au citoyen ordinaire de participer au débat public qui précède l’établissement de la politique sociale. »[176]
- Or, en se présentant à la chefferie du PQ, monsieur Péladeau veut indubitablement transmettre un message. Il souhaitait exprimer ses opinions et aspirations quant à l’avenir et l’essor de la société québécoise.
- Ce type de message d’expression politique est protégé par l’article 2b) de la Charte.
- Par ailleurs, la liberté d’expression de Québecor n’est pas en cause ici. Québecor ne revendique pas le droit de contribuer ou de soutenir la campagne de monsieur Péladeau.
- Sa capacité de contracter avec des organismes publics ne vise pas à transmettre un message ou une signification. Elle ne relève pas de la liberté d’expression.
- Certes, les entreprises du groupe Québecor sont susceptibles de subir des conséquences si monsieur Péladeau est déclaré coupable de l’infraction qui lui est reprochée et s’il refuse de se retirer de ses postes de gestion.
- Néanmoins, l’interdiction de contracter susceptible de s’appliquer aux compagnies du groupe n’a pas pour effet de restreindre la liberté d’expression de Québecor et ne constitue pas une violation de l’article 2b) de la Charte.
2.2.2 Le lieu ou mode d’expression utilisé écarte-t-il cette protection?
- La Cour suprême du Canada reconnait que certaines formes d’expression, par exemple la violence, « peuvent avoir pour effet d’exclure l’activité du champ d’application de la protection constitutionnelle » si le mode de transmission du message est en « dissonance » avec la protection offerte par la Charte.[177] Ainsi, même si « tout contenu expressif mérite a priori d’être protégé, […] une activité expressive peut se voir refuser le bénéfice de la protection de l’al. 2b) en raison de la façon dont elle est exercée — le mode d’expression — ou du lieu où elle se déroule »[178].
- Ces exceptions ne sont pas en cause ici.
- Ni le mode ni le lieu de l’expression politique ne permettent de l’exclure de la sphère de protection.
2.2.3 La mesure prise par l’État porte-t-elle atteinte, par son objet ou par son effet, au droit protégé?
- Une fois qu’il est déterminé que l’activité relève du champ d’application de la liberté d'expression, il faut décider si l’objet ou l’effet de l’action gouvernementale est de restreindre la portée de ce droit[179].
- Une mesure législative peut porter atteinte au droit à la liberté d’expression simplement en raison de son effet paralysant[180].
- Le PGQ affirme que l’alinéa 4 de l’article 127.15 de la LÉ n’est pas de nature, par son objet ou son effet, à affecter la capacité de s’exprimer durant une campagne à la direction d’un parti politique ou à brimer une activité expressive particulière.
- Le Tribunal n’est pas d’accord.
- Il est généralement reconnu que des dispositions qui encadrent ou limitent les dépenses ou les contributions dans un contexte politique constituent une atteinte au droit à la liberté d’expression[181].
- Comme le souligne le juge Hardy :
[289] La capacité d’un parti de faire la promotion de son programme ou de communiquer ses idées est tributaire, faut-il le répéter, de ses ressources financières. Toutes choses étant égales, un parti sans argent sera moins bien entendu qu’un parti dont la caisse électorale est bien garnie. Imposer un plafond de contribution à un électeur, c’est le priver du droit de fournir au véhicule qu’il a choisi toute la puissance souhaitée.
- Ces commentaires sont applicables dans le présent dossier. L’effet combiné de l’alinéa 127.15(4) et de l’article 127.7 de la LÉ, restreins les modalités en vertu desquelles un candidat à la chefferie peut emprunter et le temps dont il dispose pour rembourser sa dette.
- Cela affecte la capacité de monsieur Péladeau de faire valoir son message.
- Bien que l’alinéa 127.15(4) et l’article 127.7 de la LÉ aient pour effet d’enfreindre la liberté d’expression de monsieur Péladeau, le Tribunal conclut que cette violation est justifiée dans une société libre et démocratique comme la nôtre.
- L’objectif de la LÉ est important, urgent et réel.
- La mesure est en lien avec cet objectif, l’atteinte est minimale et les effets bénéfiques de la mesure l’emportent sur les effets préjudiciables de la violation.
- Ce ne sont pas toutes les violations d’un droit garanti par la Charte qui entrainent la nullité d’un texte législatif. En effet, « les droits et libertés garantis par la Charte ne sont pas absolus » et il « peut être nécessaire de les restreindre lorsque leur exercice empêcherait d’atteindre des objectifs sociaux fondamentalement importants »[182].
- Pour déterminer si une atteinte à un droit garanti par la Charte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique, il faut appliquer le test établi dans l’arrêt R. c. Oakes[183]. Ce test comporte deux composantes dont la deuxième se décline en trois axes :
- L’objectif de la loi est-il suffisamment important, urgent et réel[184]?
- Est-ce qu’il existe une proportionnalité entre l’importance de l’objectif et les effets bénéfiques et préjudiciables de la mesure[185]?
- Existe-t-il un lien rationnel entre la mesure contestée et l’objectif[186]?
- Est-ce que la mesure porte le moins possible atteinte au droit protégé par la Charte[187]?
- Est-ce que les effets préjudiciables de l’interdiction sont si sévères qu’ils l’emportent sur l’objectif urgent et réel du gouvernement[188]?
- Le fardeau de démontrer que l’atteinte est justifiée repose sur les épaules de l’État qui doit s’en acquitter selon la prépondérance des probabilités[189].
- Le contexte de l’adoption de la mesure est souvent « déterminant »[190].
- Une preuve scientifique n’est pas requise. « [L]a prépondérance des probabilités s’établit par application du bon sens à ce qui est connu, même si ce qui est connu peut comporter des lacunes du point de vue scientifique. »[191]
- Néanmoins, lorsqu’il s’agit de limiter le droit à l’expression politique, le test doit être appliqué de manière rigoureuse. « [I]l doit être démontré de manière claire et convaincante que ces limites sont nécessaires, qu’elles ne vont pas trop loin et qu’elles ont pour effet non pas d’affaiblir le processus démocratique mais bien plutôt de le renforcer. »[192]
3.3 Discussion
- Puisque la contestation porte à la fois sur l’article 127.15 de la LÉ et l’Annexe I de la LCOP, il y a lieu d’analyser les critères à l’égard de chacune de ces dispositions.
- Néanmoins, l’analyse converge en ce que les objectifs des dispositions sont à la fois reliés et visent la préservation de l’intégrité des processus en cause et de la confiance du public.
3.3.1 L’objectif
- La LCCDPP, qui ajoute les règles relativement au financement des partis politiques à la LÉ[193], visait, on l’a mentionné[194], à combler un vide et encadrer les campagnes à la chefferie à la lumière des principes fondamentaux régissant les lois électorales (primauté de l’électeur, équité et égalité des chances, intégrité et transparence)[195].
- Or, la protection du système électoral et le maintien de la confiance des citoyens à son égard sont des objectifs urgents et réels[196].
- D’ailleurs, les demandeurs le concèdent.
- La promotion d’un modèle électoral équitable exige le « maintien d’un équilibre de force entre les différents candidats ou les différentes options proposées aux votants »[197].
- Un régime plus égalitaire préserve « la confiance de l’électorat dans un processus démocratique qu’il saura ne pas être dominé par la puissance de l’argent »[198]. Or, cette perception « est de la plus haute importance lorsqu’il s’agit de préserver et de soutenir le régime électoral au Canada »[199].
- L’expert Lafond confirme que les mémoires déposés dans le cadre des différentes réformes démontraient un large consensus pour soutenir un plafond de dépenses[200].
- Tel que mentionné à la section suivante, l’imposition de règles pour encadrer le remboursement de prêts est un corollaire essentiel à tout plafond de dépense.
- Il en va de même de l’objectif visé par l’Annexe I de la LCOP.
- Tel qu’en font foi ses dispositions introductives[201], la LCOP détermine les conditions en vertu desquels un organisme public peut conclure un contrat ou un sous-contrat avec un contractant.
- Ces conditions visent, entre autres, à promouvoir:
- la confiance du public dans les marchés publics en attestant de l’intégrité des concurrents;
- la transparence dans les processus contractuels;
- le traitement intègre et équitable des concurrents;
- la possibilité pour les concurrents qualifiés de participer aux appels d’offres des organismes publics;
- la reddition de comptes fondée sur l’imputabilité des dirigeants d’organismes publics et sur la bonne utilisation des fonds publics.
- Les nombreux scandales qui ont fait les manchettes et qui ont été documentés, notamment par les Commissions Gomery et Charbonneau font état du contexte entourant l’adoption de l’Annexe I de la LCOP. Ce contexte justifiait amplement que le gouvernement intervienne pour rétablir et maintenir la confiance du public à l’égard de l’octroi de contrats publics.
3.3.2 La proportionnalité
3.3.2.1 Le lien rationnel entre l’objectif et les mesures
- Ce critère n’est pas particulièrement exigeant[202]. La partie qui défend une loi n’a qu’à démontrer que « la restriction peut contribuer à la réalisation de l’objectif, et non qu’elle y contribuera effectivement »[203].
- Les Tribunaux ont reconnu qu’il existe un lien rationnel entre la promotion d’un régime électoral égalitaire et les restrictions au pouvoir de dépenser ou de contribuer[204].
- La richesse constitue un des principaux obstacles à l’égalité de participation[205]. Pour maintenir « une égalité de participation et d’influence », il faut « empêcher les éléments les plus fortunés de la société d’exercer une influence disproportionnée en dominant le débat […] par des moyens supérieurs » et « veiller à ce que l’exercice de la liberté de dépenser des uns n’entrave pas les possibilités de communication des autres ». Un tel régime protège le choix éclairé de l’électeur « en s’assurant que certaines positions ne soient pas enterrées par d’autres ». « En raison de la nature compétitive des élections, cette limitation des dépenses est nécessaire pour empêcher que les plus nantis ne s’approprient le discours électoral et privent ainsi leurs adversaires de la possibilité raisonnable de s’exprimer et d’être entendus. »[206]
- L’adoption de règles pour protéger ces principes dans le cadre d’une course à la chefferie vise à combler un vide en la matière afin que le régime qui s’applique aux courses à la direction soit cohérent avec les autres régimes qui encadrent le financement électoral[207].
- Étant établi par la jurisprudence que des limites aux contributions des électeurs sont justifiées et qu’elles ont un lien rationnel avec l’objectif de maintenir un système électoral égalitaire, il s’ensuit que la même conclusion s’impose à l’égard de l’alinéa 127.15(4) de la LÉ.
- Le plafonnement des contributions d’un électeur et l’interdiction pour un candidat d’utiliser des fonds qui ne proviennent pas d’un électeur ne seraient d’aucune utilité s’il était permis à un candidat d’emprunter de qui que ce soit sans obligation de rembourser. Comme le souligne l’expert Lafond :
[L]e prêt n’est évidemment pas considéré comme une contribution politique au moment où il a été consenti et il faut s’assurer qu’il ne puisse le devenir ultérieurement, au risque de contrevenir aux dispositions de la loi en matière de contributions. […]
Aussi, on ne peut reporter ad vitam aeternam le paiement de telles dettes. En fait, un tel solde qui demeurerait impayé équivaut en quelque sorte à une forme de contribution a posteriori en faveur du candidat. […]
Par ailleurs, le législateur se devait de contrer l’attrait d’un stratagème de financement qui consisterait pour un électeur à contourner la limite de contribution pour une campagne à la direction en acceptant de prêter un montant plus ou moins important, tout en convenant sciemment de ne pas en exiger plus tard le remboursement. En pareil cas, le solde dû sur ce prêt équivaudrait en quelque sorte à une contribution[208].
- Commentant la constitutionnalité d’une disposition semblable dans la LÉRM qui encadre le remboursement de prêts dans le contexte d’élections municipales, le juge Kasirer (alors à la Cour d’appel) souligne :
[7] […] The law does allow an independent candidate to lend a modestly greater sum of money to his or her own campaign but requires the loan be repaid with authorized contributions from electors and statutory reimbursements of election expenses from the public purse. In this way, a candidate cannot easily “buy” election to office by overspending on, or over-contributing to, his or her campaign.
[74] […] a loan is not a “contribution” (s. 428(4)). […] [T]he loan must be repaid out of authorized contributions or the statutorily determined reimbursement of electoral expenses (s. 449). If the law allowed a loan to be repaid out of other funds, whether the lender was the candidate or another elector, the net effect would be to permit a contribution by the lender to the campaign over the limit for contributions established in section 431 […]. And if the loan were not repaid, for whatever reason, the campaign that borrowed the funds in an amount over the contribution ceiling in section 431 would have what the legislature has determined to be an unfair financial advantage over other candidates.[209]
- Ainsi, la règle voulant qu’un candidat soit réputé avoir contribué à sa propre campagne s’il ne rembourse pas son prêt à l’intérieur d’un certain délai est un corolaire logique et essentiel au plafonnement des contributions et à l’interdiction de solliciter des dons qui ne proviennent pas d’un électeur.
- La décision d’imposer des sanctions autres que monétaires à certaines infractions de la LÉ est également rationnellement reliée à l’objectif de préserver la confiance du public. Comme le souligne l’expert Lafond :
Si le législateur a tenu à ce point de prévoir des sanctions aussi sévères à l’égard de tout solde dû sur une réclamation ou sur un prêt non remboursé à l’expiration de la période de 36 mois suivant le scrutin, c’est qu’il voulait à ce point que de tels scénarios ne puissent se réaliser. Autrement dit, il souhaitait des mesures très dissuasives pour enlever tout attrait à mettre en place de tels scénarios, volontairement ou involontairement. Sans être alarmiste, un stratagème de prête-noms en matière de prêt serait plus dévastateur que le stratagème connu de prête-noms en matière de contributions. Avant la réforme 2010, il fallait par exemple dix prête-noms comme donateurs pour camoufler une contribution d’un tiers au montant de 30 000 $. Un seul prête-nom qui agirait comme prêteur ou caution d’un prêt pourrait suffire aujourd’hui à ce tiers pour verser le même montant de 30 000 $. Les sanctions doivent donc être au moins d’égale équivalence à celles prévues pour des infractions en matière de contributions[210].
- Prévoir une interdiction de contracter dans le cas de certaines infractions à la LÉ favorise aussi l’atteinte des objectifs gouvernementaux. L’objectif déclaré de la LCOP est de promouvoir la confiance du public en attestant de l’intégrité des contractants avec l’État[211].
- Il existe donc un lien rationnel entre la restauration de la confiance du citoyen et l’établissement d’une liste d’infractions qui rendent un justiciable ou les compagnies qu’il contrôle ou dirige inadmissibles à des contrats publics[212].
- En consolidant certaines infractions de la LÉ à l’Annexe I de la LCOP, le législateur transmet un message fort à l’égard de la gravité de telles infractions, lesquelles sont, à l’instar des autres infractions incluses à l’Annexe I, susceptibles d’affecter l’intégrité du contractant. De plus, en augmentant les peines et les conséquences d’une violation à la LÉ, le législateur augmente l’impact dissuasif des mesures.
- Les demandeurs font valoir que le lien rationnel n’existe pas puisque l’infraction qui est reprochée à monsieur Péladeau n’a pas été commise dans le cadre de ses fonctions ou pour procurer un avantage à sa compagnie.
- Monsieur Péladeau insiste sur le fait qu’il n’a aucunement tenté de contourner la loi puisque le non-remboursement de son prêt est dû à son départ de la vie politique, lequel était motivé par des considérations familiales qui n’avaient rien à voir avec une tentative d’influencer l’attribution de contrats publics.
- Or, l’Annexe I de la LCOP comprend une panoplie d’infractions qui ne sont pas reliées à l’attribution de contrats publics, mais qui sont plutôt susceptibles d’affecter la perception d’intégrité du contractant. À titre d’exemple, on y retrouve certaines infractions au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), des lois encadrant la vente de stupéfiants, des lois fiscales, des lois sur les valeurs mobilières, sur les relations de travail dans le domaine de la construction, etc.
- On y retrouve aussi des infractions à des lois électorales comme la LÉ, la LÉRM et la LÉS.
- Une liste plus complète est annexée au présent jugement.
- L’inclusion de certaines infractions à l’Annexe I de la LCOP vise essentiellement deux objectifs : dissuader certains comportements et protéger la confiance du public.
- L’inclusion de l’infraction de passer outre au seuil maximum des contributions a un lien logique avec cette volonté dissuasive. Elle permet aussi d’éviter qu’une entreprise qui a contrevenu aux règles en matière de financement électoral (ou une entreprise liée à une personne qui y a contrevenu) puisse conserver le privilège de contracter avec l’État québécois et tirer profit des avantages qui en découlent sans apporter les mesures correctrices requises.
- Ce faisant, l’inclusion de l’infraction contribue à la réalisation de l’objectif d’assurer la confiance du public dans les marchés publics. Le législateur considère que cette confiance serait compromise s’il n’incluait pas l’infraction de contribution politique illégale à l’Annexe I de la LCOP et s’il n’imposait pas les mêmes exigences d’intégrité lorsqu’une telle contribution a été faite par un candidat que lorsqu’elle l’a été par un électeur.
- En ce sens, la mesure prend acte de la gravité d’un contournement des règles en matière de financement électoral. Les nombreux scandales qui ont ébranlé la confiance du public envers les institutions justifiaient que le gouvernement s’assure que les entreprises qui bénéficient du privilège de contracter avec l’État ne soient pas sous le contrôle de dirigeants ayant contrevenu aux règles en matière de financement électoral.
- Ce critère est satisfait.
3.3.2.2 L’atteinte minimale
- La juge McLachlin commente ainsi ce critère dans RJR-MacDonald[213]. Bien que la norme soit sévère, une déférence envers le législateur s’impose :
[L]e gouvernement doit établir que les mesures en cause restreignent le droit à la liberté d’expression aussi peu que cela est raisonnablement possible aux fins de la réalisation de l’objectif législatif. La restriction doit être « minimale », c’est-à-dire que la loi doit être soigneusement adaptée de façon à ce que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est nécessaire. Le processus d’adaptation est rarement parfait et les tribunaux doivent accorder une certaine latitude au législateur. Si la loi se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables, les tribunaux ne concluront pas qu’elle a une portée trop générale simplement parce qu’ils peuvent envisager une solution de rechange qui pourrait être mieux adaptée à l’objectif et à la violation;
- La Cour reprend ce passage dans Libman et ajoute : « Notre Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que, dans les domaines sociaux, économiques ou politiques où le législateur doit concilier des intérêts différents afin de choisir une politique parmi plusieurs qui pourraient être acceptables, les tribunaux doivent faire preuve d’une grande retenue face aux choix du législateur en raison de sa position privilégiée pour faire ces choix »[214]. Le législateur n’est pas tenu d’accepter une mesure moins attentatoire si elle n’est pas aussi efficace[215]. On estime plutôt qu’il devra exister des mesures « nettement supérieur[e]s aux mesures utilisées à l’heure actuelle » pour que le critère de l’atteinte minimale ne soit pas respecté[216]. C’est d’abord aux électeurs qu’il revient de « débattre la sagesse et de la valeur des décisions législatives »[217].
- Concluant que le critère de l’atteinte minimale est satisfait, la Cour suprême du Canada dans Libman souligne que l’imposition de restrictions à la liberté d’expression des uns dans un contexte électoral vise aussi à protéger la liberté d’expression des autres :
[61] Qu’en est-il en l’espèce? Pour répondre à cette question, il faut tenir compte de l’objectif poursuivi par le législateur, c’est-à-dire la valorisation de l’exercice du droit de vote. Ainsi, bien que les dispositions contestées restreignent d’une certaine façon l’une des formes les plus fondamentales d’expression, soit l’expression politique, une certaine déférence doit être accordée au législateur pour lui permettre d’arbitrer entre les valeurs démocratiques que constituent la liberté d’expression et l’équité référendaire. Cette dernière se rattache en effet aux valeurs mêmes que cherche à protéger la Charte canadienne, en particulier l’égalité politique des citoyens qui est au cœur d’une société libre et démocratique. En effet, les dispositions contestées imposent un équilibre entre les ressources financières des tenants de chaque option de façon à assurer que la population votera de manière libre et éclairée et que le discours de chacun pourra être entendu. Pour atteindre cet objectif, le législateur a dû chercher un équilibre entre la liberté d’expression individuelle absolue et l’égalité entre les différentes expressions pour le bienfait collectif. De ce point de vue, les dispositions contestées ne sont donc pas purement restrictives de la liberté d’expression. Elles visent avant tout à favoriser l’expression politique en assurant une diffusion égale des expressions dans le pur respect des traditions démocratiques[218].
- « [D]ans certaines circonstances, la nature des intérêts (c’est-à-dire le fait qu’un parti ou une faction dispose d’une supériorité considérable du point de vue des ressources financières) de ceux qui s’expriment pourrait rendre la forme d’expression elle-même incompatible avec l’exercice par les autres intéressés d’un choix libre et éclairé. »[219]
- Ces remarques sont tout à fait transposables au cas présent.
- Les moyens choisis par le législateur pour atteindre son objectif louable sont raisonnables et légitimes.
- Il est vrai que la Cour suprême du Canada dans une décision partagée[220] a récemment conclu qu’un plafond de dépenses imposé aux tiers par la loi électorale ontarienne[221] portait atteinte au droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte. Or, cette décision n’est pas utile pour trancher le présent débat. D’une part, l’article 3 n’est pas invoqué par les demandeurs. D’autre part, la conclusion des juges majoritaires reposait principalement sur le constat que les restrictions de dépenses imposées aux tiers par la loi ontarienne divergeaient des plafonds imposés aux parties et aux candidats.
- Monsieur Péladeau affirme que l’atteinte est trop sévère dans son cas puisqu’elle prive les entreprises du groupe Québecor, dont il est indirectement l’actionnaire de contrôle, de son droit de contracter avec l’État. Or, la valeur de ces contrats est considérable.
- Cet argument n’adresse pas la question qui requiert de déterminer s'il existe une mesure moins contraignante qui permettrait d’atteindre les objectifs du législateur.
- À tout événement, la position de monsieur Péladeau mérite d’être nuancée.
- Dans un communiqué de presse en novembre 2018, Québecor soulignait que ses revenus provenant de contrats publics représentent « qu’une très faible part des 4.1G$ de revenus engendrés en 2017 » et que « l’impact de ces contrats ne remet pas en question la rentabilité de l’entreprise »[222].
- Seules certaines entreprises, comme l’éditeur de manuels scolaires CEC, seraient majoritairement dépendantes de contrats publics.
- Or, l’interdiction automatique ne s’applique pas dans le cas présent.
- D’autre part, monsieur Péladeau peut éviter l’interdiction qui résulte d’un examen d’intégrité en se retirant de la direction des sociétés qui veulent conserver leur privilège de contracter avec l’État.
- L’interdiction automatique
- L’interdiction automatique prévue à l’article 21.4 de la LCOP ne s’applique qu’aux entreprises du groupe Québecor qui ne détiennent pas déjà une autorisation de contracter. Or, les entreprises du groupe qui font affaire avec l’État détiennent, pour la plupart, une telle autorisation[223].
- De plus, une compagnie est considérée comme étant liée à une personne physique déclarée coupable d’une infraction incluse à l’Annexe I de la LCOP si : a) cette personne physique est actionnaire majoritaire; ou si b) cette personne physique agit comme dirigeant et l’infraction a été commise dans le cadre de ses fonctions.
- Ainsi, seul l’actionnaire majoritaire détenant directement des actions du capital-actions d’une personne morale est visé par un refus automatique. Le texte de l’article 21.4 de la LCOP est clair à cet égard : « à la personne physique qui en est l’actionnaire majoritaire ».
- Le PGQ, le DGÉ et l’AMP supportent cette interprétation.
- Or, monsieur Péladeau n’est pas l’actionnaire direct des compagnies du groupe Québecor[224].
- De plus, personne n’a prétendu que monsieur Péladeau agissait dans le cadre de ses fonctions lorsqu’il a prétendument enfreint la LÉ.
- À tout événement, même si une entreprise du groupe était inscrite au RENA, celle-ci pourrait néanmoins présenter une demande pour être inscrite au REA. L’acceptation de sa demande entrainerait le retrait de son nom au RENA[225].
- Pour qu’elle soit admissible au RENA, l’entreprise doit satisfaire aux exigences d’intégrité[226] et le cas échéant, se conformer aux mesures correctrices demandées par l’AMP[227].
- L’interdiction qui résulte d’un examen d’intégrité
- Lorsque le contrôle de l’actionnaire reconnu coupable est indirect ou lorsque l’entreprise est déjà détentrice d’une autorisation de contracter, l’AMP procède plutôt par voie d’examen d’intégrité[228].
- Dans un tel cas, elle bénéficie d’une discrétion pour déterminer si l’entreprise est intègre et, à défaut, pour déterminer et imposer les mesures correctrices nécessaires.
- Cependant, dans la mesure où la personne reconnue coupable est administrateur ou dirigeant de l’entreprise contractante, les mesures correctrices doivent comprendre l’élimination de tout contrôle qu’exerce l’administrateur ou le dirigeant[229].
- Ainsi, une entreprise visée à l’article 21.26 de la LCOP parce que l’un de ses administrateurs ou dirigeants ou la personne physique qui en est l’actionnaire majoritaire a, au cours des cinq années précédentes, été reconnu coupable d’une infraction prévue à l’Annexe I de la LCOP, peut apporter des mesures correctrices afin de satisfaire aux exigences d’intégrité de cette loi et continuer de bénéficier du privilège de contracter avec l’État québécois[230].
- Par exemple, elle peut prendre des mesures pour éliminer toute forme de contrôle qu’exerce l’administrateur, le dirigeant ou l’actionnaire sur l’entreprise, ou, dans le cas d’un actionnaire détenant un tel pouvoir, restreindre ce contrôle dans la mesure jugée nécessaire par l’AMP[231].
- Ainsi, monsieur Péladeau pourrait possiblement éviter certaines conséquences d’une déclaration de culpabilité en abdiquant sa position de contrôle dans certaines filiales de Québecor.
- Dès lors, même si les conséquences sont sérieuses, la LCOP prévoit des aménagements afin de réduire les incidences de l’infraction sur l’entreprise d’une personne liée.
- Ces aménagements contribuent à la conclusion que la mesure est raisonnable et adaptée aux objectifs poursuivis par le législateur.
- En effet, prévoir des sanctions non pécuniaires en cas de contravention à la LÉ supporte ces objectifs en renforçant le caractère dissuasif de la punition, ce qui est susceptible d’améliorer la confiance du citoyen.
- Permettre à un candidat de contrevenir à la LÉ simplement en payant une amende de 5 000 $ à 20 000 $ aurait un effet contraire aux objectifs poursuivis, d’autant plus que l’infraction en cause vise précisément à prévenir toute tentative d’un candidat d’acheter son élection.
- L’inclusion de l’infraction à l’Annexe I de la LCOP vise aussi à préserver l’intégrité des contractants avec l’État et ainsi maintenir la confiance du public dans le mécanisme d’octroi de contrats.
- La distinction entre la responsabilité stricte et la responsabilité absolue de l’infraction
- Finalement, monsieur Péladeau affirme que l’atteinte découlant de l’article 127.15 de la LÉ aurait pu être atténuée si l’infraction avait été qualifiée de responsabilité stricte plutôt que de responsabilité absolue.
- Il concède que, lorsqu’une infraction est de responsabilité stricte, « [la] preuve de l’acte prohibé entraine une présomption d’infraction, mais l’accusé peut écarter sa responsabilité en faisant la preuve de sa diligence raisonnable »[232].
- Or, c’est le cas ici. L’article 127.15 de la LÉ ne crée pas une infraction. Il ne fait que confirmer qu’en l’absence de remboursement du prêt, le solde est réputé être une contribution du candidat.
- Ce n’est que si la contribution excède le maximum de 500 $ qu’il y a infraction. Or, l’infraction créée par l’article 127.7 LÉ est une infraction à responsabilité stricte qui permet une défense de diligence raisonnable.
- À titre d’exemple, monsieur Péladeau aurait pu se défendre en démontrant qu’il a fourni des efforts raisonnables pour tenter de rembourser sa dette.
- Le PGQ le reconnait d’ailleurs.
- L’absence de tels efforts de sa part n’a pas pour effet de transformer l’infraction en infraction à responsabilité absolue.
- Le retrait de l’exigence que l’infraction ait été commise dans l’exercice des fonctions
- Monsieur Péladeau affirme qu’avant l’inclusion de l’article 127.7 LÉ à l’Annexe I de la LCOP, la sanction administrative d’interdiction de contracter avec l’État était prévue directement aux articles 564.3 et suivants de la LÉ.
- À ce moment, la LÉ permettait à une personne morale de prouver que le dirigeant ou l’administrateur n’avait pas commis l’infraction à l’avantage de la personne morale ou dans le but de l’avantager. Même si l’article 564.4 de la LÉ créait une présomption que l’infraction avait été commise « à l’avantage de la personne morale », celle-ci pouvait néanmoins « démontrer, selon la balance des probabilités, que l’infraction n’a pas été commise à son avantage ou dans un tel but »[233].
- Ce mécanisme permettait au DGÉ de ne pas appliquer la sanction à une personne morale qui n’avait pas bénéficié de l’infraction et il offrait à cette dernière la chance de repousser la présomption selon laquelle l’infraction avait été commise dans le but de l’avantager.
- Or, si l’article 21.4 de la LCOP maintient l’exigence de la commission dans le cadre des fonctions pour l’inscription automatique au RENA, l’inscription qui résulte d’un examen d’intégrité en vertu de l’article 21.26 ne fait plus cette distinction.
- Il n’est plus nécessaire que l’infraction ait été commise pour avantager l’entreprise ou dans l’exercice des fonctions de dirigeant pour entrainer une interdiction de contracter.
- Ce choix du législateur se défend et résulte d’un souci de cohérence avec les autres infractions incluses à l’Annexe I. Comme il sera discuté plus bas, plusieurs d’entre elles n’ont aucun lien avec les contrats publics ou même avec le rôle qu’exerce la personne physique dans l’entreprise visée par une interdiction.
- Le législateur a choisi d’appliquer le même régime aux infractions électorales, fiscales ainsi qu’à celles relatives aux stupéfiants.
- Dans ce cas, ce n’est pas tant la probité de l’entreprise qui est en cause, mais celle de son dirigeant. Le législateur considère que d’accorder un contrat public à une entreprise dont le dirigeant a été déclaré coupable d’une infraction listée à l’Annexe I de la LCOP est susceptible de miner la confiance du public.
- Le législateur désire également renforcer les sanctions afin de dissuader les citoyens de commettre de telles infractions.
- Le Tribunal conclut que la preuve ne permet pas de conclure à l’existence d’une alternative manifestement plus adéquate à celle retenue par le législateur.
- Comme le souligne le juge Hardy dans Maheux :
[337] On peut être d’accord ou non avec les règles dont le Québec s’est doté. Certains peuvent penser, comme Maheux le prétend, que le plafond de 1 000 $ était adéquat. D’autres peuvent croire aux vertus du modèle libertarien et être d’avis que la démocratie se porterait mieux s’il n’existait aucune restriction au financement politique. Il reste que les choix faits par le législateur depuis 1963 témoignent d’une certaine vision de la société québécoise. Or, le Tribunal n’a pas à arbitrer entre des philosophies sociales opposées. Ce rôle revient au législateur à l'égard duquel le Tribunal doit faire preuve d'une grande déférence dans un domaine comme celui du financement électoral.
[338] La perfection n’est pas exigée en cette matière. La preuve ne révèle d’ailleurs pas que des solutions de rechange nettement supérieures à celles choisies par le législateur étaient disponibles. […] En somme, le Tribunal estime que le législateur a choisi une solution raisonnable pour atteindre des objectifs se rapportant à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique.
3.3.2.3 La balance des effets bénéfiques et préjudiciables
- Finalement, le Tribunal ne peut conclure que les effets préjudiciables de l’interdiction sont d’une gravité telle qu’ils l’emportent sur l’objectif urgent et légitime poursuivi par le gouvernement.
- D’ailleurs, lorsque l’objectif est suffisamment important et que l’atteinte est jugée minimale, il s’ensuit habituellement que ce dernier critère est satisfait.
- Les demandeurs invoquent divers arguments pour justifier leur conclusion voulant que les restrictions imposées par la loi ne soient pas proportionnelles à l’objectif.
- Selon eux, le choix du législateur est susceptible d’entrainer des conséquences préjudiciables, notamment en ce qu’il :
- porte atteinte à la compétitivité électorale et favorise la création de cartels partisans;
- désavantage les candidats qui ne sont pas députés;
- pénalise ou dissuade la participation des candidats issus du milieu des affaires; et
- introduit une forme de discrimination à l’égard des femmes.
- Ces arguments ne sont pas convaincants.
- Sans pour autant conclure que des ajustements ne pourraient pas être apportés au régime pour améliorer la représentativité des candidats et candidates, reste qu'aucune des études citées par l’expert Godbout ne lie les enjeux de sous-représentation à l’obligation de rembourser des prêts contractés pour une campagne à la chefferie.
- Au contraire, on peut présumer que de permettre des prêts sans obligation de remboursement ne ferait qu’accentuer les problèmes soulevés par l’expert.
- Qui plus est, l’échantillon analysé est tellement restreint qu’il serait hasardeux d’y voir des tendances significatives.
- La compétitivité et le risque de création de cartels partisans
- L’expert Godbout souligne que des restrictions trop importantes au financement populaire risquent de nuire à l’émergence de nouveaux partis politiques[234]. Selon lui, les nouveaux candidats ou partis doivent habituellement dépenser plus pour se faire connaître. Il reconnait néanmoins que « des plafonds de dépenses trop élevés peuvent aussi nuire à la compétition électorale, en avantageant les candidats ou les partis qui disposent de plus de ressources financières »[235]. Il prône donc une solution équilibrée.
- De plus, l’expert soumet qu’un financement public calculé en fonction des résultats antérieurs avantage normalement le parti au pouvoir et risque de décourager l’émergence de nouveaux partis[236]. L’expert concède cependant que les études sur lesquelles il s’appuie ont été critiquées par plusieurs chercheurs en science politique[237].
- Le Tribunal estime que ces réserves ne sont pas persuasives.
- La majorité des experts qui se sont penchés sur le régime québécois, y compris les auteurs du Rapport DGÉQ 2007, ont recommandé un système hybride combinant les contributions électorales des électeurs et le financement public.
- C’est le système qui a été retenu par le législateur québécois.
- Chacun des ajustements adoptés par la suite l’a été après une réflexion approfondie et un débat à l’Assemblée nationale.
- Le juge Hardy a d’ailleurs également écarté cet argument[238].
- Les désavantages pour les candidats non députés
- L’expert Godbout souligne que les candidats qui ne sont pas députés recueillent en moyenne des contributions inférieures à celles des candidats qui siègent ou qui ont déjà siégé comme députés au sein du gouvernement[239].
- Certes, on pourrait conclure que l’absence de plafond aux dépenses électorales ou de limite sur le montant de l’emprunt autorisé peut nuire à l’égalité des chances. Toutefois, ce n’est pas ce qui est en cause ici.
- Les demandeurs ne s’attaquent pas à l’absence de plafond, ils s’attaquent à l’obligation de rembourser dans un délai raisonnable, à même les contributions des électeurs. Or, comme on l’a vu précédemment, cette obligation vise plutôt à protéger le régime mis en place et donc, à favoriser l’égalité des candidats.
- L’alinéa 4 de l’article 127.15 de la LÉ assure un équilibre entre, d’une part, la volonté de permettre aux candidats à une campagne à la direction d’un parti politique de contracter des prêts et des dettes qui lui permettront de s’exprimer durant la campagne, et, d’autre part, la volonté de s’assurer qu’une telle dette ne serve pas, en raison des seuls moyens financiers du candidat, à créer un déséquilibre dans le processus ou à utiliser des stratagèmes illicites par l’entremise de tiers.
- Comme l’exprime l’expert du PGQ, quant au délai de 36 mois alloué alors que la version initiale de la LCCDPP prévoyait plutôt un délai maximal de 24 mois, « on ne peut reporter ad vitam aeternam le paiement de telles dettes », au risque que les scénarios évoqués précédemment se matérialisent, ce qui « constituerait un recul majeur sur les objectifs visés par la réforme 2010-2012 »[240].
- Monsieur Péladeau a raison d’invoquer que l’emprunt d’argent permet de financer les dépenses d’un candidat à la direction aux fins de sa campagne et lui permet de s’exprimer et disséminer ses idées au sein de la population.
- Par ailleurs, monsieur Péladeau a tort de prétendre que les dispositions attaquées restreignent de façon déraisonnable cette capacité.
- D’une part, un candidat n’est pas tenu de contracter un emprunt. D’ailleurs, aucun des candidats qui se sont présentés contre monsieur Péladeau n’a emprunté pour financer sa campagne[241].
- Reste que, comme le souligne l’expert Godbout, depuis 2012, la majorité des candidats à la direction des cinq principaux partis politiques québécois (13 sur 22) ont eu recours à l’emprunt[242]. Néanmoins, la très vaste majorité des candidats ont réussi à rembourser leur emprunt dans les délais. De l’ensemble des candidats à la chefferie depuis 2013, seule Glorianne Blais n’a pas réussi à rembourser sa dette. Quant à cette dernière, la preuve ne permet pas de tirer de conclusion quant aux raisons qui l’ont empêchée de respecter ses obligations.
- La capacité d’emprunt des candidats à la course à la direction n’est pas affectée par la LÉ. La loi ne fixe pas de limite quant au montant maximum des dépenses autorisées par candidat; cela relève de la régie interne des partis[243]. La valeur de l’emprunt n’est restreinte que par la restriction budgétaire imposée par le parti et la capacité de rembourser du candidat.
- Les candidats issus du milieu des affaires
- Monsieur Péladeau affirme que les dispositions en cause peuvent décourager les gens d’affaires à se présenter à la direction d’un parti.
- En effet, en plus des amendes prévues dans la LÉ, ces candidats sont susceptibles de faire perdre des contrats publics aux entreprises dont ils ou elles ont le contrôle.
- Sans doute, de tels candidats doivent redoubler de vigilance pour s’assurer que le montant de leur emprunt n’excède pas leur capacité de rembourser. Néanmoins, la preuve ne permet pas de conclure que les gens d’affaires ont été découragés de se présenter.
- Faut-il le rappeler, le Québec est dirigé par un ancien dirigeant d’entreprise depuis octobre 2018.
- On ne peut donc pas d’emblée conclure que les gens d’affaires sont désavantagés ou découragés de se présenter.
- Au contraire, si l’on prend le cas spécifique de monsieur Péladeau, les dons qu’il a récoltés ont surpassé (et de beaucoup) ceux recueillis par tous les autres candidats qui se sont présentés contre lui[244] :
Tableau 5 - Total des contributions et coûts associés à la course à la chefferie du Parti Québécois (2015) |
Candidat | Contributions et revenus d’activités | Dépenses de campagne et autres | Dettes accumulées au premier rapport |
Pierre Céré | 21 314 $ | 21 300 $ | -14 $ |
Alexandre Cloutier | 79 598 $ | 79 486 $ | -112 $ |
Bernard Drainville | 77 796 $ | 77 722 $ | 3 690 $ |
Jean-François Lisée | 33 085 $ | 33 086 $ | 0 $ |
Martine Ouellet | 50 962 $ | 50 837 $ | 386 $ |
Pierre Karl Péladeau | 299 680 $ | 425 344 $ | 128 891 $ |
- Ces sommes recueillies se comparent également favorablement aux montants recueillis par d’autres chefs élus dans les dernières années[245] :
Tableau 3 – Contributions totales, don moyen et dépenses des candidats élus comme chef |
Année | Candidat(e) gagnant(e) | Dépenses autorisées | Dépenses engagées (1) | Contributions totales $ | Nombre de dons | Don moyen |
2013 | Philippe Couillard | 650 000 $ | 667 652 $ | 667 782 $ | 2 066 | 323 $ (2) |
2015 | Pierre Karl Péladeau | 400 000 $ | 425 344 $ | 299 680 $ | 2 043 | 146 $ |
2016 | Jean-François Lisée | 200 000 $ | 115 805 $ | 115 253 $ | 1 443 | 80 $ |
2020 | Dominique Anglade | 500 000 $ | 203 433 $ | 205 255 $ | 938 | 219 $ |
2020 | Paul St-Pierre Plamondon | 125 000 $ | 113 718 $ | 116 845 $ | 1 395 | 83 $ |
2021 | Eric Duhaime | 60 000 $ | 60 907 $ | 60 905 $ | 1 294 | 47 $ |
| - En incluant les dépenses de campagne et les autres dépenses hors campagne
- À l’époque la limite de contribution était de 1 000 $
| |
- Dans les circonstances, le statut de chef d’entreprise de monsieur Péladeau a plutôt eu comme effet de l’avantager dans sa recherche de contributions.
- La preuve ne permet pas non plus de conclure que ce statut lui a nui dans sa capacité de rembourser son prêt. En fait, compte tenu de sa capacité de recueillir des dons, on peut plutôt présumer que s’il avait fourni des efforts en ce sens, il aurait, comme la vaste majorité des candidats à la chefferie, réussi à rembourser sa dette dans le délai prévu à la loi[246].
- L’impact des règles sur les candidatures féminines
- L’expert Godbout observe que la moyenne des dons individuels reçus par les hommes est supérieure à la moyenne des dons reçus par les femmes[247].
- Sans mettre en doute les calculs de l’expert, le faible échantillon ne permet pas de tirer des conclusions probantes sur les raisons qui sous-tendent cet écart.
- On note, par exemple, que lors de sa campagne en 2020, la valeur moyenne du don reçu par madame Dominique Anglade excédait la valeur du don moyen recueilli par monsieur Péladeau en 2015.
- Quoiqu’il en soit, l’expert Godbout ne conclut pas que cet état de fait résulte d’une obligation de rembourser les emprunts contractés.
- L’impact sur les services publics
- Finalement, monsieur Péladeau plaide que l’application de la loi entrainera la fin de certains contrats avec des organismes publics, lesquels devront se tourner vers d’autres fournisseurs.
- Selon lui, cela entrainera une concurrence réduite dans certains secteurs névralgiques aux services publics[248] alors que les mesures n’auront que peu d’impact positif sur l’intégrité des cocontractants des organismes publics et sur l’égalité des courses à la direction.
- Cet argument non plus n’est pas convaincant.
- D’une part, comme on l’a vu, la perte de contrat n’est pas automatique.
- Monsieur Péladeau peut contester l’accusation et offrir une défense de diligence raisonnable.
- De plus, même s’il était déclaré coupable, les entreprises du groupe Québecor peuvent demander des autorisations de contracter nonobstant une culpabilité éventuelle de monsieur Péladeau.
- Il est vrai que pour obtenir une telle autorisation, monsieur Péladeau devra possiblement se retirer de certaines fonctions de dirigeant.
- Or, cette conséquence résulte de la décision personnelle de monsieur Péladeau de personnellement rembourser son prêt au lieu de solliciter des dons pour se conformer à la loi.
- Il ne s’agit pas d’une preuve de l’absence de proportionnalité du régime mis en place par le législateur.
- En conclusion, sur le critère de la proportionnalité, le Tribunal fait siens les commentaires du juge Hardy dans Maheux :
[327] Certes, l'article 91 de la LÉ porte atteinte à la liberté d'expression politique. Toutefois, cette atteinte est minimale. L’effet de cette mesure n'est pas d’interdire les débats d'idées ou de museler les voix et les opinions discordantes. Au contraire, on souhaite plutôt favoriser « une diffusion égale des expressions [politiques] dans le pur respect des traditions démocratiques » [Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 61] en empêchant les mieux nantis de notre société d'occuper tout le domaine de l'expression politique. Le législateur a également voulu s'assurer que l'expression politique soit celle des électeurs et non de ceux qui détournent la LÉ de sa finalité pour servir leurs propres intérêts.
4. L’alinéa 127.15(4) LÉ et l’Annexe I de la LCOP ont-elles pour effet d’imposer au demandeur un traitement ou une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte?
4.1 Conclusion
- L’alinéa 127.15(4) et l’Annexe I de la LCOP n’ont pas pour effet d’imposer à monsieur Péladeau une peine cruelle et inusitée.
4.2 Principes juridiques
- L’article 12 de la Charte protège contre « tous traitements ou peines cruels et inusités ».
- Pour profiter de la protection de l’article 12, la mesure attaquée doit équivaloir à un « traitement » ou une « peine ».
- Une mesure imposée par l’État équivaut à une peine lorsqu’elle est « (1) [...] une conséquence d’une déclaration de culpabilité qui fait partie des sanctions dont est passible un accusé pour une infraction donnée et (2) soit elle est conforme à l’objectif et aux principes de la détermination de la peine, (3) soit elle a une grande incidence sur le droit du contrevenant à la liberté ou à la sécurité »[249].
- La protection offerte par l’article 12 comporte « deux volets lesquels sont unis par leur objectif commun de préserver la dignité humaine »[250].
- Le premier porte sur la sévérité de la peine. Il ne suffit pas de démontrer que la peine est disproportionnée ou excessive. Elle doit être considérée comme « odieuse ou intolérable pour la société », « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine » ou « au point de porter atteinte aux normes de la décence »[251]. « Une peine exagérément disproportionnée est cruelle et inusitée dans la mesure où elle démontre un mépris total de l’État envers les circonstances propres à l’individu condamné et la proportionnalité du châtiment qu’il subit. »[252]
- Le second se concentre sur la méthode de punition. Certaines peines, « de par leur nature même […] sont, en soi, incompatibles avec la dignité humaine en raison de leur caractère dégradant et déshumanisant ». Les peines qui entrent dans cette deuxième catégorie font partie d’un « groupe limité »[253]. De telles peines ne sont pas en cause ici.
- Compte tenu de l’importance de la dignité humaine dans l’analyse, il est maintenant bien établi que la protection de l’article 12 ne s’étend qu’aux êtres humains[254]. Les personnes morales, comme Québecor, ne peuvent invoquer cette protection. Le constat s’impose même lorsqu’on analyse la question par l’entremise des personnes physiques qui sont intimement liées à la personne morale[255].
- Une peine est dite « obligatoire » lorsque « le Parlement n’a pas fourni la soupape du pouvoir discrétionnaire des tribunaux, des exemptions ou des dispositions d’exonération »[256]. Ces peines ne sont pas « intrinsèquement inconstitutionnelles ou présumées telles ». « Néanmoins, l’absence de tout pouvoir discrétionnaire, ainsi que la manière dont les peines minimales obligatoires s’appliquent, exposent leurs points vulnérables sur le plan constitutionnel. » « Lorsque la peine attaquée a des effets exagérément disproportionnés par rapport à ce qui aurait été approprié, elle est cruelle et inusitée parce qu’elle démontre un mépris total de l’État envers les circonstances propres à l’individu condamné et la proportionnalité du châtiment qu’il subit. »[257]
- La norme constitutionnelle est stricte. Le tribunal doit respecter le pouvoir du Parlement de faire des choix en matière d’imposition de peines aux auteurs d’actes criminels[258]. « Dès lors qu’il n’exclut pas complètement la réinsertion sociale de son calcul, le Parlement peut prioriser à juste titre certains objectifs, comme la dénonciation et la dissuasion, plutôt que d’autres lorsqu’il établit une peine minimale. »[259]
- L’évaluation peut se faire en fonction « soit : a) de la personne délinquante qui comparaît devant le tribunal, soit b) d’une autre personne délinquante dans un cas raisonnablement prévisible ou un scénario hypothétique »[260].
4.3 Discussion
- Une amende infligée en lien avec une violation des articles 127.7 et 564.2 de la LÉ constitue une sanction pénale.
- Il en est de même pour la sanction qui interdit à une personne physique ou toute compagnie qu’elle dirige ou contrôle à contracter avec l’État.
- Ces mesures :
- sont imposées par l’État;
- découlent directement d’une déclaration de culpabilité à l’infraction;
- sont conformes aux objectifs et aux principes de la détermination de la peine en ce qu’elles visent à punir et dissuader un comportement répréhensible;
- ont une grande incidence sur la liberté du contrevenant.
- En effet, quant à ce dernier point, la combinaison des articles 21.4, 21.38, 21.48.1, 21.48.4 et 21.48.6(4) de LCOP fait en sorte qu’une personne condamnée à l’article 127.7 de la LÉ devra cesser d’être :
- directement actionnaire de contrôle;
- administratrice ou dirigeante d’une entreprise qui désire maintenir une autorisation de contracter avec l’État.
- Reste donc à savoir si la peine dont il est question est « excessive », « odieuse » ou « intolérable » au point de porter atteinte « aux normes de la décence » et d’être « incompatible avec la dignité humaine ».
- Le Tribunal conclut que ce n’est pas le cas.
- Il n’y a aucun doute qu’en adoptant la Réforme de 2010, le législateur voulait transmettre un message clair et fort à l’égard de l’utilisation du stratagème des prête-noms. Ce message nécessitait de consolider le régime de sanctions avec des mesures sévères et dissuasives visant à démontrer à la population qu’il serait dorénavant difficile de contourner les règles de financement politique sans risques importants, et ce, surtout en matière de contributions[261].
- Une personne physique devient passible d’une amende de 5 000 $ à 20 000 $ pour une première infraction et de 10 000 $ à 30 000 $ pour toute récidive dans les dix ans. Les personnes morales sont passibles d’une amende de 10 000 $ à 50 000 $ pour une première infraction et de 50 000 $ à 200 000 $ pour toute récidive dans les dix ans[262]. Dans certains cas particuliers de contributions illégales, le tribunal peut, sur demande du DGÉ, imposer une amende additionnelle d’un montant équivalant au double de la contribution illégale pour laquelle la personne est déclarée coupable, et ce, même si l’amende maximale lui est imposée[263].
- Non seulement le législateur décide d’augmenter substantiellement les amendes, mais il conclut que les infractions en matière de contributions commandent un niveau de sévérité qui va au-delà de la seule amende. Il prévoit que de telles infractions amènent le contrevenant à l’inadmissibilité à l’obtention de contrats publics[264].
- Ces infractions (incluant celle d’avoir excédé le montant maximum admissible) sont intégrées au régime d’inadmissibilité aux contrats publics prévu dans la LCOP[265].
- La loi prévoit aussi d’autres sanctions significatives incluant l’inhabileté temporaire à siéger, l’inéligibilité à se présenter à une élection, l’inadmissibilité au remboursement des dépenses électorales et le retrait d’autorisation accordé par le DGÉ[266]. Ces sanctions ne sont pas en cause ici.
- Seule l’interdiction de contracter est visée par le présent pourvoi.
- Or, comme susmentionné, Québecor ne peut se prévaloir de la protection de l’article 12 de la Charte.
- Monsieur Péladeau prétend néanmoins que lui-même peut invoquer cette protection en raison des conséquences graves qu’il pourrait subir si Québecor devenait inadmissible à conclure des contrats avec l’État.
- Notamment, il allègue que l’inadmissibilité aux contrats publics de Québecor aurait un impact sur sa liberté de travailler et de gagner sa vie[267].
- Or, les répercussions à l’endroit de personnes physiques ne permettent pas à une personne morale de bénéficier de la protection conférée par l’article 12 de la Charte :
Qui plus est, le fait qu’il y ait des êtres humains derrière la personnalité morale est insuffisant pour justifier la revendication du droit garanti à l’art. 12 en faveur d’une personne morale, vu la personnalité juridique distincte de celle‑ci. Comme nos collègues, et contrairement aux juges majoritaires de la Cour d’appel, nous rejetons donc la proposition voulant que les répercussions de la faillite d’une personne morale sur ses parties prenantes doivent être prises en compte dans la détermination du champ d’application de l’art. 12[268].
- Autoriser monsieur Péladeau à invoquer le caractère cruel et inusité de la LÉ et de la LCOP au motif qu’il subirait d’importantes conséquences financières si Québecor était visé par une interdiction reviendrait à contourner les constats de la Cour suprême du Canada, qui empêchent Québecor d’invoquer l’article 12 de la Charte.
- À tout événement, même si les conséquences à l’égard de monsieur Péladeau sont importantes, le Tribunal estime qu’elles ne peuvent être considérées comme disproportionnées ou excessives au point d’être qualifiées d’« odieuses ou intolérables pour la société ».
- La possibilité que monsieur Péladeau doive se retirer de la gestion de Québecor pour une période temporaire ne peut non plus être vue comme une sanction « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine » ou « au point de porter atteinte aux normes de la décence ».
- Qu’il suffise de rappeler que lorsqu’il s’est lancé en politique, monsieur Péladeau a volontairement quitté ses fonctions d’administrateur et de dirigeant au sein des sociétés du groupe[269].
- Finalement, les articles 8 à 14 de la Charte sont considérés comme des « atteintes spécifiques au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne » (article 7 de la Charte)[270]. Or, « [l]a capacité d’une personne de générer un revenu d’entreprise par le moyen de son choix n’est pas un droit garanti par l’art. 7 de la Charte »[271].
5. Subsidiairement, l’infraction dont est accusé le demandeur est-elle visée par l’Annexe I de la LCOP?
- Dans la mesure où ses arguments quant à l’inconstitutionnalité du régime étaient rejetés, monsieur Péladeau demande que le Tribunal déclare que l’infraction dont il est accusé ne soit pas visée par l’Annexe I de la LCOP.
- Au soutien de sa demande, il invoque que la description sommaire de l’Annexe I « Contrevenir au troisième alinéa de l’article 127.7 - contribution excédant le montant maximal permis » ne correspond pas à l’infraction dont il est accusé.
- Cet argument ne peut être retenu.
- Le Tribunal convient qu’afin de correctement interpréter l’article 21 de la LCOP, il faut considérer la description sommaire de l’infraction. En effet, dans certains cas, la description limite les infractions visées à celles commises dans un certain contexte où on reprend seulement certains comportements visés par l’infraction. Dans de tels cas, il est logique de conclure que les infractions commises dans un autre contexte ou les infractions non reprises par l’Annexe I ne peuvent donner lieu à une sanction d’inéligibilité à contracter avec l’État[272].
- Par ailleurs, cet argument n’a pas de portée ici.
- D’une part, l’infraction dont monsieur Péladeau est accusé est bel et bien celle d’avoir « versé une contribution au-delà de la limite permise, contrevenant au troisième alinéa de l'article 127.7 de [la LÉ] »[273]. Que cette infraction survienne « par l’application du quatrième alinéa de l’article 127.15 de la [LÉ] » ne change pas que l’infraction visée par l’acte d’accusation se retrouve à l’Annexe I de la LCOP. D’ailleurs, l’Annexe I ne fait pas la distinction que le demandeur voudrait que le Tribunal retienne entre une contribution directe ou une contribution qui résulte du remboursement du prêt à même des biens personnels.
- Cela se comprend. En effet, comme mentionné plus haut, la décision d’imputer l’absence de remboursement à une contribution du candidat résulte d’un souci de cohérence.
- Permettre aux candidats d’emprunter sans obligation de remboursement ou de rembourser à même leurs biens personnels, créerait un trou béant dans les fondements mêmes du régime.
- Monsieur Péladeau concède qu’il a lui-même remboursé le prêt. Cela explique pourquoi il a été accusé de contribuer à sa campagne au-delà de la limite permise de 500 $.
6. La demande de monsieur Péladeau et de Québecor est-elle abusive?
- Le DGÉ demande que le Tribunal déclare la demande de monsieur Péladeau et de Québecor abusive parce que le demandeur utiliserait de manière excessive et déraisonnable la procédure, ou encore parce que son recours constituerait un détournement des fins de la justice.
- Or, bien qu’il n’ait pas fait droit à la demande, le Tribunal ne considère pas que la demande était abusive.
- La Cour d’appel enseigne que la barre pour déclarer une procédure abusive est « est haut placée » et qu’« elle doit le demeurer au risque de banaliser ce qu’est une procédure abusive et de constituer un frein à l’accès à la justice »[274].
- Le recours des demandeurs était sérieux.
- La demande du DGÉ est rejetée.
- Le Tribunal conclut que :
- L’alinéa 127.15(4) de la LÉ et l’Annexe I de la LCOP portent atteinte à la liberté d’expression de monsieur Péladeau, mais cette atteinte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique;
- L’alinéa 127.15(4) de la LÉ et l’Annexe I de la LCOP ne constituent pas une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte;
- L’infraction dont monsieur Péladeau est accusé est visée par l’Annexe I de la LCOP;
- La procédure des demandeurs ne peut être considérée comme étant abusive.
- REJETTE le Pourvoi en contrôle judiciaire des demandeurs;
- AVEC frais de justice;
- REJETTE la demande du Directeur général des élections en déclaration d’abus;
- SANS frais de justice.
|
| __________________________________martin f. sheehan, j.c.s. |
|
Me Marc-André Nadon |
Me Axel Fournier |
Prévost Fortin D'Aoust |
Avocats des demandeurs |
|
Me Amélie Bellerose |
Me Bruno Deschênes |
Bernard, Roy (Justice-Québec) |
Avocats des défendeurs |
|
Me Olivier Cournoyer Boutin |
Me Christina Chabot |
Directeur général des élections du Québec |
Avocats du mis en cause, Le directeur général des élections du Québec |
|
Me Amélie Boisvert |
Autorité des marchés publics |
Avocate du mis en cause, L’Autorité des marchés publics |
|
|
Dates d’audience : | Les 28, 29 et 30 avril 2025 ainsi que le 1er mai 2025. |
| | |
Extraits de l’Annexe I de la LCOP |
Lois et règlements | Articles | Description sommaire de l’infraction |
Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) | 132 | Parjure relatif à des affaires commerciales, professionnelles, industrielles ou financières |
| 136 | Témoignage contradictoire relatif à des affaires commerciales, professionnelles, industrielles ou financières |
| 220 | Le fait de causer la mort par négligence criminelle dans le cadre d’affaires commerciales, professionnelles, industrielles ou financières |
| 221 | Le fait de causer des lésions corporelles par négligence criminelle dans le cadre d’affaires commerciales, professionnelles, industrielles ou financières |
| 236 | Homicide involontaire dans le cadre d’affaires commerciales, professionnelles, industrielles ou financières |
| 334 | Vol dans le cadre d’affaires commerciales, professionnelles, industrielles ou financières |
| 336 | Abus de confiance criminel |
| 346 | Extorsion |
| 347 | Perception d’intérêts à un taux criminel |
| 362 | Escroquerie: faux semblant ou fausse déclaration |
| 366 | Faux document |
| 368 | Emploi d’un document contrefait |
| 375 | Obtenir quelque chose au moyen d’un instrument fondé sur un document contrefait |
| 380 | Fraude - bien, service, argent, valeur |
| 382 | Manipulation frauduleuse d’opérations boursières |
| 382.1 | Délit d’initié |
| 388 | Reçu ou récépissé destiné à tromper |
| 397 | Falsification de livres et de documents |
| 398 | Falsifier un registre d’emploi |
| 422 | Violation criminelle d’un contrat |
| 462.31 | Recyclage des produits de la criminalité |
| 467.11 | Participation aux activités d’une organisation criminelle |
| 467.12 | Infraction au profit d’une organisation criminelle |
Loi sur la concurrence (L.R.C. 1985, c. C-34) | 45 | Complot, accord ou arrangement entre concurrents |
| 46 | Application de directives étrangères |
Loi réglementant certaines drogues et autres substances (L.C. 1996, c. 19) | 5 | Trafic de substances et possession en vue du trafic |
| 6 | Importation ou exportation de substances et possession en vue de leur exportation |
| 7 | Production de substances |
Loi sur le cannabis (L.C. 2018, c. 16) | 9 | Distribution et possession en vue de la distribution |
| 10 | Vente et possession en vue de la vente |
| 11 | Importation et exportation et possession en vue de l’exportation |
| 12 | Production |
| 14 | Assistance d’un jeune |
Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.)) | 239 (1) a) | Faire des déclarations fausses ou trompeuses, ou participer, consentir ou acquiescer à leur énonciation dans une déclaration, un certificat, un état, un document ou une réponse |
| 239 (1) b) | Avoir détruit, altéré, mutilé, caché les registres ou livres de comptes d’un contribuable ou en avoir disposé autrement pour éluder le paiement d’un impôt |
| 239 (1) c) | Faire des inscriptions fausses ou trompeuses, consentir ou acquiescer à leur accomplissement ou avoir omis d’inscrire un détail important dans les registres ou livres de comptes d’un contribuable |
| 239 (1) d) | Avoir, volontairement, éludé ou tenté d’éluder l’observation de la loi ou le paiement ou versement de l’impôt |
| 239 (1) e) | Avoir conspiré avec une personne pour commettre une infraction visée aux alinéas a) à d) de 239 (1) |
| 239 (1.1) | Obtenir ou demander un remboursement ou crédit auquel la personne ou une autre personne n’a pas droit, ou un remboursement ou un crédit d’un montant supérieur à celui auquel la personne ou une autre personne a droit |
| 239 (2.1) | Donner volontairement un faux numéro d’inscription d’abri fiscal à une autre personne |
| 239 (2.2) a) | Fournir sciemment un renseignement confidentiel ou en permettre sciemment la prestation - permettre sciemment à quiconque d’avoir accès à un renseignement confidentiel - utiliser sciemment un renseignement confidentiel en dehors du cadre de l’application de la présente loi, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’assurance-chômage ou de la Loi sur l’assurance-emploi ou à une autre fin que celle pour laquelle il a été fourni |
| 239 (2.2) b) | Contrevenir sciemment à une ordonnance rendue pour la mise en œuvre des mesures nécessaires pour éviter qu’un renseignement confidentiel soit utilisé ou fourni à une fin étrangère à la procédure judiciaire concernant la surveillance ou l’évaluation d’une personne autorisée ou des mesures disciplinaires prises à son endroit |
| 239 (2.21) | Utiliser un renseignement confidentiel qui a été fourni à une fin précise, le fournir ou en permettre la prestation ou l’accès à une autre fin |
| 239 (2.3) | Utiliser le numéro d’assurance sociale d’un particulier ou le numéro d’entreprise d’un contribuable ou d’une société de personnes qui lui est fourni, le communiquer ou permettre qu’il soit communiqué |
| 327 (1) a) | Faire des déclarations fausses ou trompeuses, ou participer, consentir ou acquiescer à leur énonciation dans une déclaration, une demande, un certificat, un état, un document ou une réponse |
Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. 1985, c. E-15) | 327 (1) b) | Détruire, modifier ou autrement aliéner des documents ou faire de fausses inscriptions ou consentir ou acquiescer à leur accomplissement ou à l’omission d’inscrire un détail important dans les documents d’une personne pour éluder le paiement ou le versement de la taxe ou pour obtenir un remboursement sans y avoir droit |
| 327 (1) c) | Avoir, volontairement, éludé ou tenté d’éluder l’observation de la loi ou le paiement ou versement de la taxe ou taxe nette qu’elle impose |
| 327 (1) d) | Avoir volontairement, de quelque manière, obtenu ou tenté d’obtenir un remboursement sans y avoir droit |
| 327 (1) e) | Avoir conspiré avec une personne pour commettre une infraction visée aux alinéas a) à c) de 327 (1) |
Loi sur l’administration fiscale (chapitre A-6.002) | 60.1 | Contrevenir à l’article 34.1 - tenue de registre sous forme électronique avec un «camoufleur» de ventes |
| 60.2 | Contrevenir à l’article 34.2 - fabrication ou mise à disposition d’un «camoufleur» de ventes |
| 62 | Faire une déclaration fausse ou trompeuse - éluder un paiement ou la remise d’un droit - obtenir sans droit un remboursement - conspiration en vue de commettre une telle infraction |
| 62.0.1 | Omettre de payer, déduire, retenir, percevoir, remettre ou verser un droit et omettre de faire une déclaration - conspirer en vue de commettre une telle infraction |
| 62.1 | Éluder le paiement, la remise ou le versement d’un droit - détruire, altérer, cacher les registres et les pièces - inscription fausse - omission d’inscrire un détail important dans les registres ou sur les pièces - conspiration en vue de commettre une telle infraction |
| 68 | Avoir prescrit, autorisé ou participé à l’accomplissement d’une infraction inscrite à la présente annexe, commise par une société |
| 68.0.1 | Aider quelqu’un à commettre une infraction fiscale inscrite à la présente annexe |
| 71.3.2 | Communiquer ou utiliser un renseignement contenu dans un dossier fiscal ou provenant d’un tel dossier pour une autre fin que celles prévues dans la loi |
Loi sur les assureurs (chapitre A-32.1) | 515 4 | Fournir à l’Autorité des marchés financiers un document ou un renseignement faux ou inexact ou lui en donner l’accès |
Loi sur les coopératives de services financiers (chapitre C-67.3) | 605 | Fournir sciemment des renseignements, rapports ou autres documents qui sont faux ou trompeurs |
Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2) | 16 avec 485 | Ne pas agir avec honnêteté et loyauté |
| 469.1 | Fournir des informations fausses ou trompeuses à l’occasion d’activités régies par la loi |
Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E-2.2) | 610 2° | Effectuer une contribution illégale visée au paragraphe 1° de l’article 610 |
| 610 3 | Inciter un électeur à faire une contribution en utilisant la menace, la contrainte ou la promesse de compensation, de contrepartie ou de remboursement |
| 610 4 | Faire une déclaration fausse relativement à sa contribution |
| 610.1 2° | Effectuer un don illégal visé au paragraphe 1° de l’article 610.1 |
Loi sur les élections scolaires (chapitre E-2.3) | 219.8 2° | Effectuer une contribution illégale visée au paragraphe 1° de l’article 219.8 |
| 219.8 3° | Inciter un électeur à faire une contribution en utilisant la menace, la contrainte ou la promesse de compensation, de contrepartie ou de remboursement |
| 219.8 4° | Faire une déclaration fausse relativement à sa contribution |
Loi électorale (chapitre E-3.3) | 564.1 1° | Faire une déclaration fausse relativement à sa contribution |
| 564.1 2° | Inciter un électeur à faire une contribution en utilisant la menace, la contrainte ou la promesse de compensation, de contrepartie ou de remboursement |
| 564.2 | Contrevenir à l’article 87 - contribution effectuée par une personne qui n’est pas un électeur, contribution effectuée en faveur d’une entité non autorisée ou contribution non conforme à la section II du chapitre II du titre III |
| | Contrevenir à l’article 90 - contribution non volontaire d’un électeur, contribution non effectuée à même les biens de l’électeur ou contribution effectuée avec compensation, contrepartie ou remboursement |
| | Contrevenir à l’article 91 - contribution excédant le montant maximal permis |
| | Contrevenir au premier alinéa de l’article 127.7 - contribution effectuée par une personne qui n’est pas un électeur |
| | Contrevenir au troisième alinéa de l’article 127.7 - contribution excédant le montant maximal permis |
| | Contrevenir au premier alinéa de l’article 127.8 en lien avec l’article 90 - contribution non volontaire d’un électeur, contribution non effectuée à même les biens de l’électeur ou contribution effectuée avec compensation, contrepartie ou remboursement |
Loi sur les entreprises de services monétaires (chapitre E-12.000001) | 66 1° | Fournir des informations fausses ou trompeuses à l’occasion d’activités régies par la loi |
Loi sur les impôts (chapitre I-3) | 1079.8.35 1er al. a) | Fabriquer une fausse attestation de Revenu Québec |
| 1079.8.35 1er al. b) | Falsifier ou altérer une attestation de Revenu Québec |
| 1079.8.35 1er al. c) | Obtenir ou tenter d’obtenir sans droit une attestation de Revenu Québec |
| 1079.8.35 1er al. d) | Utiliser une attestation de Revenu Québec fausse, falsifiée ou altérée |
| 1079.8.35 1er al. e) | Consentir ou acquiescer à une infraction visée à l’un des paragraphes a à d |
| 1079.8.35 1er al. f) | Conspirer avec une personne pour commettre une infraction visée à l’un des paragraphes a à e |
Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts (chapitre I-13.2.2) | 46.2 3 | Fournir à l’Autorité des marchés financiers un document ou un renseignement faux ou inexact ou lui en donner l’accès |
Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) | 65 avec 160 | Ne pas agir avec honnêteté et loyauté |
| 144 | Exploiter à son avantage une information relative à un programme d’investissement à l’occasion d’opérations portant sur des dérivés visés par ce programme |
| 145.1 | Effectuer ou recommander d’effectuer une opération sur un dérivé standardisé visé par une information sur un ordre important ou communiquer à quiconque cette information |
| 148 6° | Fournir à l’Autorité des marchés financiers un faux document ou un faux renseignement ou donner accès à un tel document ou renseignement |
| 150 | Influencer ou tenter d’influencer le cours ou la valeur d’un dérivé ou du sous-jacent d’un dérivé par des pratiques déloyales, abusives ou frauduleuses |
| 151 | Faire une fraude, une manipulation de marché, une opération malhonnête, des manœuvres dolosives |
| | |
Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20) | 84 | Avoir molesté, incommodé ou injurié un membre ou un employé de la Commission de la construction du Québec dans l’exercice de ses fonctions, ou autrement avoir mis un obstacle à tel exercice |
| 111.1 | Avoir exécuté ou fait exécuter des travaux de construction en contravention à une décision de suspension de travaux rendue en vertu de l’article 7.4.1 |
| 122 4° | Avoir détruit, altéré ou falsifié un registre, une liste de paye, le système d’enregistrement ou un document ayant trait à l’application de la loi, d’une convention collective ou d’un règlement ou transmis quelque renseignement ou rapport faux ou inexact ou attribué à l’emploi d’un salarié une fausse désignation pour payer un salaire inférieur |
Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne (chapitre S-29.02) | 305 4° | Fournir à l’Autorité des marchés financiers un document ou un renseignement faux ou inexact ou lui en donner l’accès |
Loi concernant la taxe sur les carburants (chapitre T-1) | 44 | Obtenir ou tenter d’obtenir un remboursement au moyen de déclarations fausses ou trompeuses |
Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) | 160 avec 202 | Ne pas agir de bonne foi avec honnêteté, équité et loyauté |
| 187 | Délit d’initié sur des titres d’un émetteur assujetti ou changement d’un intérêt financier dans un instrument financier lié à ces titres |
| 188 | Communiquer à un tiers une information privilégiée ou recommander à un tiers d’effectuer une opération sur les titres de l’émetteur à l’égard duquel le contrevenant est initié |
| 189.1 | Exploiter illégalement une information privilégiée |
| 190 | Exploiter illégalement une information concernant un programme d’investissement établi par un fonds d’investissement ou par le conseiller chargé de la gestion d’un portefeuille |
| 195 6° | Fournir à l’Autorité des marchés financiers un faux document ou un faux renseignement ou donner accès à un tel document ou renseignement |
| 195.2 | Influencer ou tenter d’influencer le cours ou la valeur d’un titre par des pratiques déloyales, abusives ou frauduleuses |
| 196 | Fournir des informations fausses ou trompeuses |
| 197 | Fournir des informations fausses ou trompeuses |
| 199.1 | Se livrer ou participer à une opération sur des titres ou à une méthode de négociation relative à une opération sur des titres, à un acte, à une pratique ou à une conduite en sachant que cela constitue une fraude ou est de nature trompeuse |
[1] Pièces DGE-14, DGE-15, DGE-16, DGE-52 et DGE-53.
[3] Loi électorale, RLRQ, c. E-3.3.
[7] Pièce DGE-41 : Publication Facebook du 10 février 2017 intitulée « Soyons clairs ».
[8] Déclaration assermentée de monsieur Alain Lupien du 22 juin 2023, Pièce P-15.
[9] Loi sur les contrats des organismes publics, RLRQ, c. C-65.1.
[10] Pièces DGE-37 et DGE-43.
[17] Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)].
[18] Pièce DGE-3; annexe de la Pièce DGE-1.
[19] Pièce P-8 : Expertise de M. Jean-François Godbout du 31 octobre 2022 (« Rapport Godbout »), p. 6; Harper c. Canada (Procureur Général), 2004 CSC 33, par. 62; Maheux c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 235 (« Maheux »), par. 123.
[20] Rapport Godbout, p. 7.
[21] Maheux, préc., note 19, par. 35 à 74.
[22] Dans son rapport du 30 janvier 2023, Pièce PGQ-26, « Le financement d’une campagne à la direction d’un parti politique provincial au Québec » (« Rapport Lafond ») note de bas de page 8, l’expert Lafond note que l’utilisation de l’expression « financement politique » « comprends à la fois : le financement public des partis politiques, soit les allocations, les revenus d’appariement, le remboursement des dépenses électorales, le remboursement des frais de vérification d’un rapport financier d’un parti politique; les contributions d’électeurs; les adhésions; les dépenses d’opérations courantes; les dépenses électorales; les dépenses d’une campagne à la direction d’un parti, les emprunts et les cautionnements ». Afin de faciliter la lecture du présent jugement, le Tribunal adopte cette définition.
[23] Maheux c. Procureur général du Québec, 2020 QCCS 4039.
[24] Pièce P-10 : Rapport d’expertise portant sur l’objet et l’historique des régimes d’admissibilité et d’autorisation aux contrats publics québécois, 31 mars 2023 (« Rapport Jobidon »).
[25] Rapport Lafond, p. 6 citant Francine BORDELEAU, Le financement politique et le contrôle des dépenses électorales au Québec : D’hier à aujourd’hui, Sainte-Foy, Directeur général des élections du Québec, 2003, p. 5 à 7.
[26] Rapport Lafond, p. 6 citant Louis MASSICOTTE, Le mode de scrutin, Une réforme inachevée : l’évolution des règles du jeu électoral québécois depuis 1976, Ottawa, Bibliothèque du parlement, 1980, p. 47 et 48.
[27] L’expert Lafond observe (Rapport Lafond, note 11) : « Pour donner un peu de perspective, le total des dépenses électorales effectuées lors des élections générales 2018 par le parti Coalition avenir Québec, qui a fait élire le plus de députés, a été de 6,1 M $, 7,0 M $ pour le Parti libéral du Québec, 6,3 M $ pour le Parti Québécois et 3,0 M $ pour Québec solidaire) ».
[28] F. BORDELEAU, préc., note 25, p. 7.
[29] QUÉBEC (Province) COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES MÉTHODES D'ACHAT UTILISÉES AU DÉPARTEMENT DE LA COLONISATION ET AU SERVICE DES ACHATS DU GOUVERNEMENT, Rapport des commissaires sur les méthodes d’achat utilisées au département de la colonisation et au service des achats du gouvernement du 1er juillet 1955 au 30 juin 1960, Québec, Commission d'enquête sur les méthodes d'achat utilisées au Département de la colonisation et au Service des achats du gouvernement, 1963, p. 193 et 194, en ligne [https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/DepotNumerique_v2/AffichageNotice.aspx?idn=42060].
[30] QUÉBEC (Province) RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR L’OCTROI ET LA GESTION DES CONTRATS PUBLICS DANS L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION, Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, Tome 1, Montréal, Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction au Québec, 2012, partie 2, chapitre 7, p.177, Pièce PGQ-25 (« Rapport de la Commission Charbonneau »).
[31] QUÉBEC (Province), Loi 15 - Loi électorale de Québec, tel qu'adopté par l'Assemblée législative le 14 juin 1963, Assemblée législative (27e lég., 1re sess.), juridiction promulgatrice.
[32] L. MASSICOTTE, préc., note 26, p. 48.
[33] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 31e lég., 2e sess., 8 mars 1977, vol. 19, n°1, p.4, cité dans le Rapport Lafond, p. 7.
[34] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 31e lég., 2e sess., 7 juillet 1977, vol. 19, n°66, « Étude détaillée », p. 1847.
[35] Maheux, préc., note 19, par. 40.
[36] Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale, L.Q. 1977, c. 11, p.171.
[37] Rapport Lafond, p. 8, citant QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 31e lég., 2e sess., 7 juillet 1977, vol. 19, n°66, « Étude détaillée », p. 1847.
[41] LRFPP, art. 55 et 56.
[42] Rapport Lafond, p. 7 et 8, citant le Tome 1 du Rapport de la Commission Charbonneau, préc., note 30, p. 177.
[43] Projet de loi n°96 - Loi sur l’intégration de l’administration du système électoral, adopté le 16 décembre 1982, 32e lég., 3e sess. (Qc).
[44] Rapport Lafond, p. 9.
[45] Projet de loi n°19 - Loi électorale, adopté le 20 décembre 1984, 32e lég., 5e sess. (Qc).
[46] Projet de loi n°104 - Loi électorale, adopté le 15 mars 1989, 33e lég., 2e sess. (Qc).
[47] Loi électorale, L.Q. 1989, c.1, art. 91.
[48] Rapport Lafond, p. 9 citant, QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, COMMISSION PERMANENTE DES INSTITUTIONS, Procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques afin d'examiner toute proposition de révision de la Loi électorale et examiner les sujets qui pourraient faire l'objet de modifications à la Loi électorale (L.R.Q., chap. E-3.2) sur la base notamment du "Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale" déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et du document intitulé « Résultats des travaux du Comité de travail sur la révision de la Loi électorale » : Commission des institutions : procès-verbaux, séances des 16, 17, 18, 23, 24 août et 20, 21, 22 septembre 1988, Québec, Secrétariat des commissions parlementaires, 1988, p. CI-633.
[49] Libman c. Québec (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 569.
[50] Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37.
[51] Rapport Lafond, p. 17, citant DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS, Financement du parti Vision Montréal – Le directeur général des élections intente 77 poursuites : communiqué de presse, 28 mars 1996; DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS, Financement du parti Vision Montréal : communiqués de presse, 1er mars 1996 et 6 novembre 1996.
[52] QUÉBEC (Province), DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS, « Réflexions sur le financement politique municipal au Québec », Rapport détaillé, Québec, Directeur général des élections du Québec, 1998.
[53] Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, RLRQ, c. E-2.2.
[54] Rapport Lafond, p. 17.
[55] Rapport Lafond, p. 17 et 18.
[56] Rapport Lafond, p. 18, citant QUÉBEC (Province), DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS, Financement des partis politiques et contrôle des dépenses électorales : plan d'action 2003-2006 : transparence et équité au coeur de la démocratie québécoise, Sainte-Foy, Directeur général des élections du Québec, 2003, en ligne [https://docs.electionsquebec.qc.ca/ORG/6140fe8293c6b/DGÉ-6480.pdf].
[57] Maheux, préc., note 19, par. 46; Rapport Lafond, p. 18.
[58] Id., par. 47; Rapport Lafond, p. 19.
[59] Rapport Lafond, p. 19.
[61] Rapport Lafond, p. 53 et 54.
[62] RADIO-CANADA, Labonté rompt le silence, 22 octobre 2009 (mis à jour le 30 octobre 2009), en ligne [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/451125/benoit-labonte-entrevue], accédé le 11 juin 2025.
[63] Projet de loi n°93 – Loi modifiant la Loi électorale concernant les règles de financement des partis politiques et modifiant d’autres dispositions législatives, déposé le 25 novembre 2009, 39e lég., 1re sess. (QC).
[64] Rapport Lafond, p. 20.
[65] Rapport Godbout, p. 44.
[66] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég.,1re sess., 15 avril 2010, vol. 41, n°99, p. 6320.
[69] Projet de loi n°113 – Loi anti-prête-noms en matière de contributions électorales, déposé le 7 octobre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc), Pièce PGQ-5a), p. 7733 et adopté le 8 décembre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc).
[70] Projet de loi n°114 – Loi augmentant les pouvoirs de contrôle du directeur général des élections, déposé le 6 octobre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc) et adopté le 9 décembre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc).
[71] Projet de loi n°118 – Loi concernant le financement des partis politiques, déposé le 20 octobre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc), Pièce PGQ-8a), p. 7953 et adopté le 10 décembre 2010, 39e lég., 1re sess, (Qc).
[72] Projet de loi n°119 – Loi concernant le processus électoral, déposé le 20 octobre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc), Pièce PGQ- 8a), p. 7954 et adopté le 12 mai 2011), 39e lég., 1re sess. (Qc).
[73] Projet de loi n°120 – Loi concernant les campagnes à la direction des partis politiques, déposé le 20 octobre 2010, 39e lég., 1re sess. (Qc), Pièce PGQ- 8a), p. 7953 et adopté le 9 décembre 2011, 39e lég., 2e sess. (Qc).
[74] Rapport Lafond, p. 22.
[75] Rapport DGÉQ 2007, p. 70 à 72.
[76] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég.,1re sess., 9 décembre 2010, vol. 41, n°167, p. 8817 et 8818.
[80] Rapport Lafond, p. 57 et 58; LÉ, art. 127.1.
[81] Rapport Godbout, p. 9; LÉ, art. 127.7.
[82] LÉ, art. 127.2; Rapport Lafond, p. 60.
[84] LÉ, art. 100, 105, 127.8, 127.10, 127.14, 127.15 et 567; Rapport Lafond, p. 60, 62 et 63.
[85] Rapport Godbout, p. 16.
[86] LÉ, art. 127.16, 127.16.1 et 127.17; Rapport Lafond, p. 60.
[87] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég., 2e sess., 6 octobre 2011, vol. 42, n°37, « Étude détaillée », CI-37, page 3, Pièce PGQ-8b).
[88] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég., 2e sess., 9 décembre 2011, vol. 42, n°75.
[89] Maheux, préc., note 19, par. 58.
[90] Rapport Lafond, p. 44 et 45.
[91] Rapport DGÉQ 2007, p. 78 à 81.
[92] UNITÉ ANTICOLLUSION (QUÉBEC), Rapport de l'Unité anticollusion au ministre des Transports du Québec (connu également sous le titre Rapport Duchesneau), Québec (Province), Transports Québec, 2011, p. 50 et 51, en ligne : [https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cap/mandats/Mandat-16551/].
[93] Rapport de la Commission Charbonneau, Tome 1, p. 12.
[94] Projet de loi n°1 - Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics, adopté le 7 décembre 2012, 40e lég., 1re sess. (QC).
[95] Projet de loi n°2 - Loi modifiant la Loi électorale afin de réduire la limite des contributions par électeur, de diminuer le plafond des dépenses électorales et de rehausser le financement public des partis politiques du Québec, adopté le 6 décembre 2012, 40e lég.,1re sess. (QC).
[96] Loi modifiant la Loi électorale afin de réduire la limite des contributions par électeur, de diminuer le plafond des dépenses électorales et de rehausser le financement public des partis politiques du Québec, L.Q. 2012, c. 26.
[97] DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS, Financement sectoriel des partis politiques pour près de 13 M $ - Le DGÉ dévoile des pratiques d'une envergure plus grande que révélée, communiqué de presse, 3 avril 2013.
[98] Projet de loi no 61 - Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l’industrie de la construction, dépôt du projet de loi le 13 novembre 2013, 40e lég., 1re sess. (Qc).
[99] Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics, L.Q. 2015, c. 6.
[100] Rapport de la Commission Charbonneau, Tome 2, Chapitre 7, p. 705 et 706.
[101] Projet de loi n°101 - Loi donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de financement politique, adopté le 10 juin 2016, 41e lég., 1re sess. (Qc).
[102] Projet de loi n°83 - Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique, adopté le 10 juin 2016, 41e lég., 1re sess. (Qc).
[104] Rapport Jobidon, p. 6.
[105] Rapport de la Commission Charbonneau, Tome 2, p. 705 et 706; Rapport de la Commission Charbonneau, Tome 3, p. 75.
[106] Rapport Jobidon, p. 6, 7 et 10.
[107] Rapport Jobidon, p. 10.
[109] Loi anti-prête noms en matière de contributions électorales, L.Q. 2010, c. 32, art. 11.
[110] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég., 2e sess., 6 octobre 2011, vol. 42, n°37, « Étude détaillée », CI-37, p. 3; Pièce PGQ-8b), p. 3 (M. Yvon Vallières) cité dans le Rapport Jobidon, p. 14.
[111] Projet de loi n°15 - Loi concernant la lutte contre la corruption, dépôt du projet de loi le 11 mai 2011, 39e lég., 2e sess. (Qc); Loi concernant la lutte contre la corruption, L.Q. 2011, c. 17.
[112] Règlement sur le registre des entreprises non admissibles aux contrats publics, RLRQ, c. C-65.1, r 8.1.
[113] Rapport Jobidon, p. 17 citant Nicholas JOBIDON, « Scandales de l’industrie de la construction au Québec - Évolution et originalité des instruments normatifs visant à prévenir les risques éthiques dans les marchés publics », dans Éthique Publique (Marchés publics et grands projets d’infrastructure : comment gérer les risques éthiques?), 2021, vol. 23, n° 1, par. 20.
[115] LCOP, art. 21.6 (version actuelle).
[116] Rapport Jobidon, p. 17; LCLC, art. 49, créant l’article 21.1 de la LCOP (tel qu’il existait alors).
[117] Rapport Jobidon, p. 17 et 18; LCLC, art. 49, créant l’article 21.2 LCOP (tel qu’il existait alors).
[118] Rapport Jobidon, p. 18.
[119] Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics, L.Q. 2012, c. 25.
[120] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Commission permanente des finances publiques, « Étude détaillée du projet de loi n°1 – Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics », dans Journal des débats de la Commission permanente des finances publiques, vol. 43, n°7, 22 novembre 2012, p. 1 (M. Stéphane Bédard) cité dans le Rapport Jobidon, p. 19; LIMCP, art. 2.
[121] LCOP, art. 127.17; Rapport Jobidon, p. 19.
[122] Rapport Jobidon, p. 20, citant Patrice GARANT, Droit administratif, 7e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 405; Nicholas JOBIDON, « Le droit de contracter avec l'État: le principe d'égalité devant le service public en droit des marchés publics québécois », (2021) 64:2 Administration publique du Canada 202.
[123] Décret 435-2015 du 27 mai 2015, (2015) 147 G.O. II, 1627; Décret 796-2014 du 10 septembre 2014, (2014) 146 G.O. 2, 3405.
[124] LCLC, art. 8; LCOP, art. 21.30.
[126] LCOP, art. 21.48.16; Rapport Jobidon, p. 27.
[127] Loi sur les élections scolaires, RLRQ, c. E-2.3.
[128] LCOP, art. 21.26; Rapport Jobidon, p. 21.
[130] QUÉBEC (Province) DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS, Financement politique et contrôle des dépenses électorales : rapport sur la mise en oeuvre de la réforme des lois électorales : période du 1er mai 2011 au 30 avril 2014, Québec, Directeur général des élections du Québec, 2014, Pièce PGQ-22, p. 21 à 23.
[131] Loi visant la récupération de sommes, art. 39.
[134] Id., art. 34 qui crée l’art. 569.1 de la LÉ.
[135] Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics, L.Q. 2017, c. 27.
[136] Loi instituant l’AMP, art. 19.
[137] Id., art. 118 créant l’art. 21.17.3 de la LCOP.
[138] LCOP, art. 21.4(1), 21.5.3 et 21.6.
[140] LCOP, art. 21.48.1 et 21.48.2.
[141] LCOP, art. 21.48.4.
[142] LCOP, art. 21.26 et 21.48.6.
[143] LCOP, art. 21.4, al. 1, 21.5.3., 21.6 et 21.48.4.
[144] LCOP, art. 21.5.4, 21.5.5, 25.0.2 et 25.0.3.
[145] Rapport Lafond, section 1.2, p. 9 à 16.
[146] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég.,1re sess., 15 avril 2010, vol. 41, n°99, p. 6319; QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég.,1re sess., 2 novembre 2010, vol. 41, n°149, p. 8140.
[147] Rapport DGÉQ 2007, p. 10 à 13; Rapport DGÉQ 2014, p. 9 à 11.
[148] Rapport Lafond, p. 11.
[149] Rapport Lafond, p. 11.
[150] Rapport Godbout, p. 6 et 7.
[151] Rapport Lafond, p. 11 et 12 (références omises).
[152] Rapport Lafond, p. 12.
[153] Rapport Lafond, p. 12.
[154] Rapport Godbout, p. 11 (références omises).
[155] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 41, 47 et 84.
[156] Rapport Lafond, p. 14.
[157] Rapport Godbout, p. 9.
[158] Rapport Godbout, p. 9.
[159] Rapport Lafond, p. 15.
[160] Rapport Lafond, p. 16, citant : QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 31e lég., 2e sess., 7 juillet 1977, vol. 19, n°66, « Étude détaillée », p. 1848.
[161] Rapport DGÉQ 2007, p. 13.
[162] Rapport DGÉQ 2007, p. 14; Rapport DGÉQ 2014, p. 12 et 13.
[163] Rapport Lafond, p. 16.
[164] Palko v. Connecticut, 302 U.S. 319 (1937), p. 327, cité avec approbation par la Cour suprême du Canada dans Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 968.
[165] Switzman v. Elbling, [1957] R.C.S. 285, p. 306, cité avec approbation par la Cour suprême du Canada dans Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 969.
[166] Thomas EMERSON, Toward a General Theory of the First Amendment (1963), 72 Yale L. J. 877, p. 886, cité avec approbation par la Cour suprême du Canada dans Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 970 et 971.
[167] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 28.
[168] Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, p. 1336.
[169] Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 968.
[171] Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 968, citant Frederick SCHAUER, Free Speech: A Philosophical Enquiry, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 91.
[172] Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 968 et 969; S.D.G.M.R. c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, p. 588.
[173] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 31; Médias Transcontinental c. Ville de Mirabel, 2023 QCCA 863, par. 54 (désistement de la requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême (C.S. Can., 2024-04-08) 40924).
[174] B.C. Freedom of Information and Privacy Association c. Colombie‑Britannique (Procureur général), 2017 CSC 6, par. 16; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 1, 11 et 84; R. c. Guignard, 2002 CSC 14, par. 20; Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 29; R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731, p. 752 et 753; Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), préc., note 168, p. 1355 et 1356; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 976; Maheux, préc., note 19, par. 281.
[175] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, p. 763 et 764.
[176] Figueroa c. Canada (Procureur général), préc., note 50, par. 29.
[177] SRC c. Canada (P.G.), préc., note 170, par. 35 à 37; Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec inc., préc., note 170, par. 60; Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 31; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 968 à 970.
[178] SRC c. Canada (P.G.), préc., note 170, par. 35; Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec inc., préc., note 170, par. 57.
[179] Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), préc., note 164, p. 971 et 972; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, p. 331 et 332.
[180] R. c. Khawaja, 2012 CSC 69, par. 78 et 79.
[181] B.C. Freedom of Information and Privacy Association c. Colombie‑Britannique (Procureur général), préc., note 174, par. 2 et 43; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 9 et 66; Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 35; Métallurgistes unis d’Amériques (FTQ), section locale 7649 c. (Québec) Directeur général des élections, 2011 QCCA 1043, par. 20; Maheux, préc., note 19, par. 286 à 294.
[182] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, par. 65.
[189] Frank c. Canada (Procureur général), préc., note 185, par. 39; R. c. Oakes, préc., note 182, par. 66 et 67.
[190] Frank c. Canada (Procureur général), préc., note 185, par. 24 et 124; R. c. Bryan, 2007 CSC 12, par. 10.
[191] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 39, citant R.J.R.‑MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, p. 333; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 77 et 78.
[192] B.C. Freedom of Information and Privacy Association c. Colombie‑Britannique (Procureur général), préc., note 174, par. 16; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 21; Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 60.
[193] LÉ, art. 127.1 à 127.21.
[194] Voir la section 1.4.1 L’encadrement des campagnes à la chefferie du présent jugement.
[195] Voir la section 1.7 Les principes fondamentaux sur lesquels repose l’encadrement du financement politique du présent jugement.
[196] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 42; Métallurgistes unis d’Amériques (FTQ), section locale 7649 c. (Québec) Directeur général des élections, préc., note 181, par. 25.
[197] Québec (Directeur général des élections) c. Piché, 2011 QCCA 477, par. 27.
[199] Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 82 et 103.
[200] Rapport Lafond, p. 28 et 29.
[202] Health Services and Support—Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, para 148; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69, para. 228.
[204] Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 30 et 107; Métallurgistes unis d’Amériques (FTQ), section locale 7649 c. (Québec) Directeur général des élections, préc., note 181, par. 33; Maheux, préc., note 19, par. 316.
[205] Colin FEASBY, « Libman v. Quebec (A.G.) and the Administration of the Process of Democracy under the Charter: The Emerging Egalitarian Model », (1999) 44 R.D. McGill 5.
[206] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 41 et 47.
[207] QUÉBEC (Province), ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 39e lég.,1re sess., vol. 41, n°167 (adoption du principe, PL 120), Ministre Fournier, p. 8816.
[208] Rapport Lafond, p. 86.
[209] McCann c. Municipality of Pontiac, 2017 QCCA 61, par. 7.
[210] Rapport Lafond, p. 87.
[211] LCOP, art. 2 et 21; Rapport Jobidon, p. 32.
[212] Rapport Lafond, section 1.5.5 et 1.6.6.
[213] RJR‑MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 191, par 160.
[214] Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 59; R. c. Bryan, préc., note 190, par. 9 et 58; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 19, par. 85 à 88 et 111; Métallurgistes unis d’Amériques (FTQ), section locale 7649 c. (Québec) Directeur général des élections, préc., note 181, par. 53; Maheux, préc., note 19, par. 337.
[215] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, préc., note 203, par. 55; R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, par. 70; Ontario (Attorney General) v. G, 2020 CSC 38, par. 75.
[216] Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, [1991] 2 R.C.S. 211, p. 296, cité avec approbation dans Libman c. Québec (Procureur général), préc., note 49, par. 62.
[217] Wells c. Terre-Neuve, [1999] 3 R.C.S. 199, par. 59, cité dans RJR‑MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 191, par. 52; Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 14, par. 3.
[219] Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877, par. 94.
[220] Ontario (Procureur général) c. Working Families Coalition (Canada) Inc., 2025 CSC 5.
[221] Loi sur le financement des élections, L.R.O. 1990, c. E.7.
[224] Pièces PGQ-13, PGQ-14, PGQ-18, PGQ-19, PGQ-20 et PGQ-21.
[225] LCOP, art. 21.5.1 et 21.17.3; Rapport Jobidon, p. 18.
[227] LCOP, art. 21.48.8; Rapport Jobidon, p. 18.
[228] LCOP, art. 21.48.1 et 21.48.2.
[229] LCOP, art. 21.48.6.
[230] LCOP, art. 21.48.4.
[231] LCOP, art. 21.48.6.
[232] R. c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, p. 1328.
[233] Ancien article 564.4 de la LÉ.
[234] Rapport Godbout, p. 11, s. 1.5.1.
[236] Rapport Godbout, p. 11 et 12, s. 1.5.2.
[238] Maheux, préc., note 19, par. 338.
[239] Rapport Godbout, p. 64, 65 et 115.
[240] Rapport Godbout, p. 86 et 87.
[242] Rapport Godbout, p. 78.
[243] Rapport Lafond, p. 62; LÉ, art. 127.1.
[244] Rapport Lafond, p. 96, Tableau 5; Pièces DGE-49 et DGE-50.
[245] Rapport Lafond, p. 93, Tableau 3.
[246] Rapport Lafond, sections 4.3 et 4.4.
[247] Rapport Godbout, p. 66.
[248] Déclaration sous serment de M. Péladeau datée du 14 octobre 2022.
[249] R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 31, citant R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, par. 57; R. c. Boudreault, 2018 CSC 58, par. 39; R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, par. 41.
[250] R. c. Hills, préc., note 249, par. 35; R. c. Bissonnette, préc., note 249, par. 60.
[251] Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., 2020 CSC 32, par. 17; R. c. Boudreault, préc., note 249, par. 45 et 94; R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, par. 24 et 87; R. c. Ferguson, 2008 CSC 6, par. 14; R. c. Morrisey, 2000 CSC 39, par. 26; R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1072.
[252] R. c. Bissonnette, préc., note 249, par. 61.
[253] R. c. Hills, préc., note 249, par. 36, citant R. c. Bissonnette, préc., note 249, par. 60; R. c. Smith, préc., note 251, p. 1073.
[257] Id., par. 38, citant R. c. Bissonnette, préc., note 249, par. 61; R. c. Nur, 2015 CSC 15, par. 44; R. c. Smith, préc., note 251, p. 1072.
[258] R. c. Hills, préc., note 249, par. 40; R. c. Lloyd, préc., note 251, par. 45.
[259] R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, par. 65.
[260] R. c. Hills, préc., note 249, par. 41, citant R. c. Bissonnette, préc., note 249, par. 63; R. c. Nur, préc., note 257, par. 77.
[261] Rapport Lafond, p. 44.
[262] Art. 564.1 de la LÉ.
[263] Art. 564.1 et 564.2 de la LÉ.
[264] Art. 569.1 de la LÉ et Annexe I de la LCOP.
[265] Art 127.7 et 564.2 de la LÉ et Annexe I de la LCOP.
[266] Art. 127(2), 235 et 568 de la LÉ.
[267] Mémoire des demandeurs, par. 53.
[268] Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., préc., note 251, par. 2.
[270] Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486, p. 502 et 503.
[271] Siemens c. Manitoba, [2003] 1 R.C.S. 6, par. 45 et 46; Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, par. 202.
[272] Métal Plus inc. c. Autorité des marchés publics, 2021 QCCS 1453, par. 49.
[274] Biron c. 150 Marchand Holdings inc., 2020 QCCA 1537, par. 126.