Décision

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R. c. Pichette

2025 QCCQ 15

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

LOCALITÉ DE

LONGUEUIL

« Chambre criminelle et pénale »

 :

505-01-184374-235

 

 

 

DATE :

13 janvier 2025

______________________________________________________________________

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JEAN-PHILIPPE MARCOUX, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

Poursuivant

c.

 

CARL PICHETTE

Accusé

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR VERDICT – QUALIFICATION, DÉSIGNATION ET MAINTIEN DES COMPÉTENCES DU TECHNICIEN QUALIFIÉ EN ÉTHYLOMÈTRE [1]

(Art. 320.11, 320.12, 320.28, 320.31, 320.32, 320.38 et 320.4 du Code criminel[2])

______________________________________________________________________

 

I.                    INTRODUCTION

  1.                 L’accusé subit son procès pour répondre de deux chefs d’accusation lui reprochant, le 1er janvier 2023, d’avoir conduit un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l’effet de l’alcool et d’avoir eu une alcoolémie égale ou supérieure à 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang, dans les deux heures suivant le moment où il a cessé de conduire. Seul ce dernier chef demeure en litige[3].
  2.                 L’agent Nicolas Verger-Leboeuf témoigne et expose en détail la procédure suivie avec l’accusé au moment des faits, menant à révéler chez ce dernier une alcoolémie supérieure à la limite permise dont il atteste la validité à titre de TQE. Le poursuivant fait aussi entendre son collègue, l’agent Jonathan Martineau, afin d’étayer la séquence des évènements en présence de l’accusé une fois au poste de police, plus particulièrement au sujet de la période d’observation. Il ne note rien de particulier à cet égard.
  3.                 Le cœur du débat dans la présente affaire repose sur la qualification, la désignation et le maintien des compétences de l’agent Verger-Leboeuf qui agissait alors à titre de TQE. Selon l’accusé, ce dernier aurait contrevenu à la Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre[4] (ci-après « la Politique ») alors en vigueur, soit celle du 9 février 2020. L’accusé prétend plus particulièrement que le registre d’actions du TQE démontre qu’avant les faits, ce dernier ne l’aurait pas respecté à deux reprises.
  4.                 Selon son interprétation, pour une période supérieure à 90 jours lors de ces deux occasions, soit près de 6 mois puis environ 4 mois, le TQE aurait omis de manipuler un éthylomètre approuvé dans le cadre d’un dossier opérationnel ou dans le cadre d’un exercice, comme le prévoit l’article 21a) de la Politique. Comme la preuve démontre que rien n’a été fait malgré l’écoulement de ces délais, c’est-à-dire qu’aucun responsable n’a été mis au courant, la carte de qualification n’a pas été remise à l’École nationale de police (ci-après « l’ENPQ ») et le ministre n’en a pas non plus été avisé pour modifier sa désignation en conséquence comme le prévoit la Politique, l’accusé allègue que cela soulève un doute raisonnable sur sa qualification à titre de TQE et devrait être acquitté.
  5.                 Le poursuivant rétorque dans un premier temps que, pour bénéficier de la présomption d’exactitude qui figure à l’article 320.31(1) C.cr., il n’a pas à démontrer que l’agent Verger-Leboeuf ayant manipulé l’éthylomètre approuvé au moment des faits était bien un TQE. Dans la mesure où les conditions d’application de cette présomption sont satisfaites et que rien ne démontre un enjeu de fiabilité ou d’exactitude eu égard au résultat des analyses, le fait que l’agent Verger-Leboeuf était ou pas un TQE serait sans importance.
  6.                 Dans un deuxième temps, le poursuivant met l’accent sur le fait que la preuve administrée, plus particulièrement la carte de qualification du TQE, démontre qu’il était bien désigné à ce titre au sens du Code criminel, et que c’est tout ce qui importe. L’exigence de désignation est plutôt mince en vertu du Code criminel, contrairement à ce qui est prévu pour un agent évaluateur par exemple. Une contravention à la Politique n’aurait que des conséquences administratives et, ce qui demeure le plus important quant à la qualification du TQE, demeure sa formation initiale d’une durée de cinq jours.
  7.                 Finalement dans un troisième temps, le poursuivant souligne qu’une interprétation appropriée de la Politique fait en sorte, qu’au moment des faits le 1er janvier 2023, l’agent Verger-Leboeuf respectait à nouveau les trois critères de maintien de ses compétences conformément aux articles 21 et 25 de la Politique. À ce moment précis, il avait (1) effectué dans les derniers 90 jours un test dans le cadre d’un dossier opérationnel, (2) complété dans les 12 derniers mois l’entièreté de l’outil de maintien des compétences de la plateforme en ligne de l’ENPQ et (3) rempli son registre d’actions en tant que TQE. Autrement dit, peu importe les écueils passés, au moment des faits, il respectait la Politique et rien ne permet de soulever un doute raisonnable au sujet de sa qualification ni au sujet de la fiabilité des résultats obtenus de l’éthylomètre approuvé qu’il a manipulé.

II.                  QUESTIONS EN LITIGE

  1.                 Voici les questions en litige identifiées par le Tribunal :
  1. Le poursuivant devait-il démontrer que l’éthylomètre approuvé a été manipulé par un TQE?
  2. Comment la Politique doit-elle être qualifiée?
  3. Comment la Politique doit-elle être interprétée?
  4. L’agent Verger-Leboeuf qui agissait à titre de TQE a-t-il contrevenu à la Politique et, le cas échéant, quel est l’impact de cette contravention?

III.                ANALYSE

  1.                 D’emblée, le Tribunal souligne qu’il est question en l’espèce, comme dans les affaires québécoises qui suivent, de la version de la Politique en vigueur à partir du 9 février 2020[5]  jusqu’au moment où elle a été remplacée par celle du 7 mars 2024[6]. Cette mise en garde est importante, puisque le contenu de cette Politique a été modifié[7].
  2.            La Politique comporte plusieurs articles traitant de la qualification, de la désignation et du maintien des compétences des TQE. Le statut de cette Politique doit être déterminé et ces articles doivent être interprétés les uns avec les autres dans le cadre plus global du régime législatif édicté par le Code criminel aux articles 320.11 et suivants.

A.       Les articles pertinents de la Politique

  1.            Il importe d’identifier immédiatement la contravention alléguée par l’accusé qui tire sa source de l’article 21a) de la Politique qui prévoit ce qui suit :

« 21. Afin de maintenir ses compétences, le TQE doit :

  1. Avoir effectué dans les derniers 90 jours une manipulation de l’éthylomètre approuvé, soit :
  1. un test effectué dans le cadre d’un dossier opérationnel comportant au minimum une fiche d’imprimante et un rapport complémentaire

ou

  1. un exercice comprenant deux séquences d’opérations de l’éthylomètre utilisé se concluant par l’émission d’un certificat du technicien qualifié et des fiches d’imprimante.[8] » (soulignements ajoutés)
  1.            En plus de cette première exigence, la Politique prévoit qu’afin de maintenir ses compétences, le TQE doit avoir suivi l’une des formations décrites « dans les douze (12) derniers mois[9] » et doit aussi avoir rempli son registre d’actions. Ces deux dernières conditions ne sont pas en litige dans la présente affaire. Ces trois exigences sont désignées par la Politique comme « les trois critères de maintien des compétences[10] ».
  2.            Les articles 18, 24 et 26 de la Politique précisent que, malgré une qualification initiale qui fait suite à la formation offerte par l’ENPQ menant éventuellement à sa désignation formelle par le ministre, le TQE peut se voir imposer plusieurs conséquences s’il ne satisfait pas aux trois critères de maintien des compétences :

« 18. Lorsqu’une carte de qualification est échue ou que le TQE perd sa qualification dans les cas mentionnés au paragraphe 24 de la présente politique, le directeur du corps de police ou de l’organisation reconnue par l’École doit retourner à l’École la carte de qualification. Dans tous les cas, l’École avise le ministre afin que les actes de désignation puissent être modifiés en conséquence. »

[…]

« 24. Le TQE qui ne remplit pas les trois critères de maintien des compétences mentionnés au paragraphe 21 de la présente politique ne peut manipuler un éthylomètre approuvé afin de procéder à une analyse d’échantillons d’haleine faisant suite à un ordre donné en vertu du sous-alinéa 320.28(1)a)i) du Code criminel. »

[…]

« 26. L’École informe le ministre de tout changement en lien avec un TQE qui se retrouve dans l’une ou l’autre des situations prévues aux articles 24 et 25. » (soulignements ajoutés)

  1.            Selon une lecture combinée de ces articles, le TQE qui ne satisfait pas aux trois critères de maintien des compétences, mène au résultat suivant : (1) il ne peut plus manipuler un éthylomètre approuvé dans un cas précis, soit « afin de procéder à une analyse d’échantillons d’haleine faisant suite à un ordre donné en vertu du sous-alinéa 320.28(1)a)i) du Code criminel », (2) il perd sa qualification, (3) le directeur du corps de police doit retourner sa carte de qualification à l’ENPQ et (4) cette dernière avise le ministre pour que les actes de désignation soient modifiés en conséquence.
  2.            Malgré ce qui précède, l’article 25 de la Politique prévoit comment le TQE peut remédier à la première de ces conséquences :

« 25. Dès qu’il satisfait à nouveau aux trois critères de maintien des compétences mentionnés au paragraphe 21 de la présente politique, le TQE peut manipuler un éthylomètre approuvé pour toute analyse d’échantillon d’haleine. » (soulignements ajoutés)

  1.            Cet article ne prévoit pas comment le TQE peut pallier les trois autres conséquences, à savoir la perte de sa qualification, de sa carte et de sa désignation. L’article 27 de la Politique prévoit par ailleurs dans quels cas l’ENPQ peut recommander au ministre de révoquer la désignation d’un TQE :

« 27. L’École peut recommander au Ministre de révoquer la désignation de toute personne à titre de TQE dans l’un des cas suivants :

  1. sur demande de son directeur;
  2. lorsqu’elle cesse d’agir à titre d’agent de la paix;
  3. lors d’un échec à la requalification. » (soulignements ajoutés)
  1.            Les tribunaux québécois sont actuellement divisés sur la façon d’interpréter ces articles, la Politique de façon plus globale et l’impact d’une contravention de celle-ci dans le cadre d’une accusation où le poursuivant doit démontrer une alcoolémie égale ou supérieure à la limite permise.

B.       Le premier courant de jurisprudence

  1.            Un premier courant est reflété par les affaires Léonard[11], Fournier[12] et Aubron[13]. Ce courant conclut que le contenu de la Politique se doit d’être respecté par les TQE, que les délais prévus aux trois critères de maintien des compétences du TQE sont récurrents et adopte une interprétation de la Politique qui donne plein effet aux articles 18, 24 et 26 précités.
  2.            Dans Léonard, le TQE n’avait pas témoigné et le poursuivant avait procédé par une preuve documentaire, incluant le dépôt du certificat du TQE. Le juge Marc-Nicolas Foucault tranche que ce dernier avait perdu sa qualification en ne respectant pas les articles 21 et 24 de la Politique en manipulant un éthylomètre approuvé malgré l’écoulement d’un délai de plus de 90 jours sans avoir effectué l’une ou l’autre des manipulations prévues. De plus, contrairement à l’article 18 de la Politique, la carte de qualification du TQE n’avait pas été retournée à l’ENPQ et le ministre n’avait pas non plus été avisé de la situation. Malgré l’article 25 de la Politique qui prévoit qu’un TQE qui satisfait à nouveau aux trois critères de maintien des compétences prévus à l’article 21 peut à nouveau manipuler un éthylomètre approuvé, ce qui était le cas au moment de la prise des échantillons d’haleine dans ce dossier, mon collègue constate une incohérence et une ambiguïté entre les articles 18, 24 et 25 qu’il interprète en faveur de l’accusé, pour conclure que le poursuivant ne s’est pas déchargé de prouver hors de tout doute raisonnable que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé était un TQE.
  3.            Dans Fournier, la juge Aryanne Guérin tire la même conclusion, mais dans un contexte différent, alors que le TQE avait témoigné. Ma collègue conclut que les délais prévus à l’article 21 de la Politique sont récurrents et obligent le TQE à procéder à une manipulation de l’éthylomètre tous les 90 jours et à l’une des formations décrites tous les 12 mois, ce « qui permet au corps policier ou à l'organisation reconnue par l'ENPQ d'assurer le maintien des compétences sur une base annuelle, conformément à ce qu'exige l'article 19 de la Politique.[14] » Puisque le délai de 12 mois entre ses deux dernières formations était dépassé de 8 jours, le TQE n’avait pas respecté l’une des conditions lui permettant de maintenir sa qualification[15]. L’analyse de l’affaire Léonard est essentiellement reproduite quant au sort du litige[16].
  4.            Très récemment dans Aubron, le juge Jean-Guillaume Blanchette abonde dans le même sens au terme d’une analyse fouillée. Mon collègue conclut notamment que la Politique est une règle de droit qui a « force de Loi[17] », que toute règle régissant la qualification d’un TQE doit être suivie scrupuleusement compte tenu de l’importance que le Code criminel et la jurisprudence lui accorde[18] et, en conséquence, que les deux manquements passés aux obligations de maintien des compétences du TQE font en sorte qu’il avait perdu sa qualification[19]. Mon collègue conclut indirectement qu’il s’agit de délais récurrents et refuse d’interpréter l’article 25 de la Politique de telle sorte que le TQE retrouverait de facto la qualification qu’il avait perdue sans l’intervention du directeur de police, de l’ENPQ et du ministre[20]. Bien que le TQE avait rempli en retard ses obligations de maintien des compétences, il n’avait pas recouvré sa qualification puisque cette décision revenait au ministre[21]. Cela mène mon collègue à entretenir un doute raisonnable sur la qualité de TQE de l’agent en question[22].

C.       Le deuxième courant de jurisprudence

  1.            Un deuxième courant de jurisprudence correspond aux affaires Labbé[23], Basque[24] et Daigle[25]. Essentiellement, selon cette approche, peu importe les manquements passés, le point de référence correspond au moment des faits du dossier. Le délai de 90 jours n’est donc pas récurrent. Ce qui importe est de vérifier si, dans les 90 jours qui précèdent le moment des faits, le TQE s’est conformé à ses obligations en vertu de la Politique. Ce courant propose une interprétation qui accorde un poids prépondérant à l’article 25 de la Politique.
  2.            Dans l’affaire Labbé, le juge Thomas Jacques convient que la Politique souffre d’un manque de clarté lorsque l’on juxtapose les articles 18, 24 et 25, mais ne partage pas l’analyse des affaires Léonard et Fournier. Selon lui, bien que l’on puisse légitimement mettre en doute la qualification de l’agent lors de certaines interventions qu’il aurait effectuées dans le passé à certains moments où il n’avait pas effectué son maintien des compétences, ce qui importe est qu’au moment des faits, il respectait toutes les exigences de la Politique. Mon collègue met l’accent sur l’article 25 de la Politique qui fait en sorte que la limitation constatée dans le passé pouvait être corrigée par le TQE en satisfaisant à nouveau aux trois critères de maintien des compétences. Il constate, par ailleurs, deux erreurs de bonne foi dans les inscriptions au registre d’actions du TQE et souligne que la nouvelle Politique dorénavant en vigueur depuis mars 2024 modifie les articles 21, 24, 25 et 26. Il conclut, en conséquence, que le poursuivant a démontré hors de tout doute raisonnable que l’agent en cause agissait bien à titre de technicien qualifié lors des faits.
  3.            Dans l’affaire Basque, la juge Johanne Duplessis conclut de façon analogue à l’affaire Labbé. Selon ma collègue, malgré les délais antérieurs constatés au sujet du maintien des compétences du TQE, la position de l’accusé ferait abstraction de l’article 25 de la Politique qui a vraisemblablement comme objectif de faciliter et d’assouplir la procédure de compétence, et non de la rendre plus rigide si on compare la Politique avec sa version antérieure[26]. De plus, selon elle, le fait d’exiger le retour de la carte de compétence est contraire à l’esprit de la Politique, puisque la limitation à la manipulation de l’appareil n’est que temporaire lorsque l’on considère l’article 25 de la Politique[27]. Ma collègue interprète l’article 24 de la Politique comme une conséquence administrative du non-respect des exigences de l’article 21 et se conjugue logiquement avec l’article 25 qui met fin à cette limitation temporaire de la manipulation de l’éthylomètre approuvé dès que le TQE satisfait à nouveau aux critères de maintien des compétences[28]. Bref, l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé était toujours un TQE au moment des faits.
  4.            Dans l’affaire Daigle, le juge Serge Champoux adopte un raisonnement semblable au sujet du point de référence quant au calcul des délais, soit « au jour où le policier effectue le prélèvement des échantillons d’haleine[29] » et quant à l’impact de l’article 25 de la Politique qui démontre que « « l’incapacité » d'opérer un éthylomètre semble disparaître lorsque ces critères de maintien des compétences sont à nouveau remplis[30] ». Mon collègue va un pas plus loin en concluant à « l’importance relative du TQE dans la précision de la lecture l’appareil[31] » compte tenu du fonctionnement des éthylomètres approuvés, que « tout ce qui importe, c’est la désignation des personnes à titre de TQE[32] » (soulignement dans le jugement) et, finalement, que le vice de procédure allégué, même s’il devait exister, ne compromet aucunement, même en théorie, la qualité des prélèvements d’haleine au sens du test élaboré par la Cour suprême dans l’arrêt CyrLanglois[33]. Il conclut que l’agent en cause était bien un TQE lors des faits.
  5.            Il appert que la position adoptée par le poursuivant dans la présente affaire est analogue à l’analyse précitée dans Daigle. Pour le poursuivant, dans la mesure où rien dans la preuve ne démontre un possible mauvais fonctionnement ou utilisation incorrecte de l’éthylomètre approuvé susceptible d’affecter la fiabilité des résultats générés, il importe peu que le TQE ait maintenu ses compétences ou encore soit dûment qualifié. Le rôle du TQE serait désormais limité en fonction du nouveau régime en place depuis l’adoption du projet de loi C-46 et le poursuivant n’aurait pas à démontrer, hors de tout doute raisonnable, que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé était bien un TQE.

D.       L’éthylomètre approuvé doit-il être utilisé par un TQE?

  1.            La première question en litige identifiée plus tôt consiste à déterminer si le poursuivant doit démontrer que l’éthylomètre approuvé a été manipulé par un TQE afin de bénéficier de la présomption d’exactitude qui figure à l’art. 320.31(1) C.cr. Alternativement, à défaut de jouir de cette présomption, le poursuivant doit-il néanmoins démontrer que le fruit du résultat des analyses découle de l’utilisation d’un éthylomètre approuvé par un TQE?
  2.            Dans les deux cas, le poursuivant allègue que cela n’est pas nécessaire. Premièrement, il ne s’agirait pas de l’une des conditions permettant d’enclencher en sa faveur la présomption d’exactitude. Dans la mesure où les conditions prévues aux al. 320.31(1)a), b) et c) C.cr. sont satisfaites, il importe peu que celui ayant manipulé l’éthylomètre approuvé était ou non un TQE. Deuxièmement, même en l’absence de la présomption d’exactitude, l’utilisation adéquate de l’éthylomètre approuvé est tributaire de résultats fiables. Autrement dit, comme le poursuivant le souligne en plaidoirie, n’importe qui pourrait opérer un tel appareil et les résultats générés seront fiables, dans la mesure où les conditions d’application de la présomption sont réunies, ce qui est garant de résultats fiables ou encore, en l’absence d’application de la présomption, lorsque la fiabilité du résultat des analyses est autrement établie par la preuve.
  3.            L’accusé rétorque que cette position du poursuivant étonne et estime qu’il est acquis qu’un éthylomètre approuvé doit être manipulé par un TQE, c’est-à-dire un agent de la paix dûment formé en conséquence et qui doit s’assurer du maintien de ses compétences durant la période lors de laquelle il est désigné pour agir à ce titre. L’état du droit n’aurait pas évolué à cet égard et le rôle du TQE aurait toujours été qualifié d’important par la jurisprudence. La fiabilité globale du processus en place dépend de l’utilisation d’un éthylomètre approuvé par un TQE.
  4.            Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est convaincu que, dans tous les cas, le poursuivant doit démontrer, hors de tout doute raisonnable, que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé au moment des faits était bien un TQE. Cela est nécessaire puisqu’il s’agit de l’une des conditions d’application de la présomption d’exactitude prévue à l’article 320.31(1) C.cr. et, à défaut d’engager cette dernière, cela demeure nécessaire afin de garantir la fiabilité du résultat des analyses de l’éthylomètre approuvé. Le rôle du TQE dans le cadre du nouveau régime demeure crucial.

1.             Retour sur l’ancien régime

  1.            D’abord, une mise en contexte s’impose au sujet de l’évolution du droit depuis l’adoption du projet de loi C-46 le 18 décembre 2018. Dans les arrêts St-Onge Lamoureux[34], Alex[35], Gubbins[36] et Cyr-Langlois[37], la Cour suprême met l’accent sur la fiabilité scientifique des résultats des analyses d’un éthylomètre approuvé s’il fonctionne correctement, s’il est bien utilisé et si toutes les procédures sont suivies[38]. Bien que tous ces arrêts aient été rendus avant le projet de loi C-46, comme le souligne récemment la Cour d’appel dans l’arrêt Legault, le débat sur la fiabilité des éthylomètres approuvés a été résolu définitivement par la Cour suprême[39].
  2.            Dans l’arrêt Cyr-Langlois[40], le plus haut tribunal précisait que, pour réfuter les présomptions qui étaient alors en vigueur avant le projet de loi C-46, l’accusé devait offrir une preuve qui tendait à démontrer que le mauvais fonctionnement ou l’utilisation incorrecte de l’éthylomètre approuvé permet de douter de la fiabilité des résultats[41]. Le Code criminel alors en vigueur prévoyait explicitement ce moyen de défense à son article 258(1)c). Deux conditions devaient être réunies, (1) une preuve portant directement sur le mauvais fonctionnement ou l’utilisation incorrecte de l’appareil et (2) une démonstration que ce vice tendait à mettre en doute la fiabilité des résultats[42].
  3.            Cette exigence visait à garantir que les résultats de l’éthylomètre continuent de jouir de la reconnaissance scientifique et, d'autre part, elle veillait à encourager le bon fonctionnement et l'utilisation correcte des appareils afin d'éviter que la fiabilité des résultats ne soit compromise[43]. En somme, ce qui était essentiel sous l’ancien régime, c’est que la possibilité que le vice identifié ait influé sur la fiabilité des résultats « soit suffisamment sérieuse pour soulever un doute raisonnable[44] ». La preuve ne devait pas tendre à démontrer une simple supputation ou hypothèse[45].

2.             L’impact du projet de loi C-46

  1.            Depuis ces arrêts, le législateur est intervenu en modifiant substantiellement les dispositions du Code criminel relatives à la conduite automobile. Comme le souligne récemment la Cour suprême dans l’arrêt Wolfe[46], le projet de loi C-46 constitue une « révision exhaustive[47] » de ces dispositions :

« 12  Cependant, le projet de loi C-46 proposait également une refonte complète des dispositions du Code criminel relatives à la conduite. Les infractions antérieures liées à la conduite allaient toutes être abrogées et réadoptées pour former la nouvelle partie VIII.1 du Code criminel (« Infractions relatives aux moyens de transport »). La ministre de la Justice a expliqué que cette partie du projet de loi avait pour but d'assurer une « structure claire et cohérente » dans un domaine où les dispositions « sont devenues trop complexes et difficiles à comprendre » (Débats de la Chambre des communes, vol. 148, no 181, 1resess., 42e lég., 19 mai 2017, p. 11459 (l'hon. J. Wilson-Raybould)). La ministre a fait remarquer ce qui suit au sujet du régime sur la conduite avec capacités affaiblies en particulier :

Ce domaine du droit criminel laisse perplexes même les criminalistes les plus chevronnés. Il s'est développé par bribes depuis l'entrée en vigueur de la première infraction, en 1921. Il n'a jamais été réformé en profondeur et, selon un rapport de l'ancienne Commission de réforme du droit publié en 1991, ses dispositions sont « devenues carrément illisibles ».

Cette situation ne peut plus durer, en particulier dans un domaine du droit criminel qui compte parmi ceux qui font l'objet du plus de litiges. Le projet de loi C-46 propose de créer un cadre législatif clair, simplifié et modernisé pour faire en sorte que la population puisse mieux comprendre la loi et que la police puisse mieux la mettre en application.[48] » (références omises et soulignements ajoutés)

  1.            En outre, une nouvelle présomption d’exactitude prévue à l’article 320.31(1) C.cr. est entrée en vigueur permettant au poursuivant de prouver l’exactitude et la fiabilité du résultat des analyses effectuées à l’aide d’un éthylomètre approuvé, dans la mesure où certaines conditions précises sont satisfaites[49]. Comme le souligne le juge Alexandre Boucher dans l’affaire Brisson[50], cette nouvelle présomption « facilite la preuve de la Couronne encore plus que ne le faisait l’ancien droit[51] » et, ce faisant, le législateur donne plein effet au consensus scientifique au sujet de la fiabilité et de l’exactitude des résultats obtenus d’un éthylomètre approuvé, si l'appareil fonctionne bien et s'il est opéré correctement[52].
  2.            Plus récemment, la Cour d’appel dans l’arrêt Legault[53] abonde dans le même sens en soulignant que les éthylomètres approuvés utilisés actuellement au Canada sont fiables et exacts, en plus d’être conçus pour révéler l’existence de leur propre mauvais fonctionnement[54]. Bien que la Cour d’appel conclue en ce sens en référant notamment à la preuve présentée dans l’arrêt Gubbins[55] qui traitait d’un éthylomètre approuvé différent, soit l’Intoxilyzer 5000C[56], sa conclusion est claire, tire aussi sa source de l’Énoncé de position du comité des analyses d’alcool et vise manifestement tous les éthylomètres actuellement approuvés, incluant celui utilisé dans cette affaire, soit le « DataMaster DMTC[57] ». Il s’avère qu’il s’agit du type d’éthylomètre actuellement régulièrement utilisé au Québec et celui qui a été utilisé en l’espèce.
  3.            De plus, le législateur prévoit désormais une déclaration à l’article 320.12c) C.cr. selon laquelle « l’analyse d’échantillons d’haleine à l’aide d’un éthylomètre approuvé indique l’alcoolémie avec fiabilité et exactitude ». Selon la Cour d’appel du NouveauBrunswick dans Larocque[58] citée par notre Cour d’appel dans l’arrêt Legault[59], par cette déclaration, le législateur donne plein effet à l’opinion scientifique reconnue par la Cour suprême selon laquelle l’alcoolémie obtenue à l’aide d’un éthylomètre approuvé est tenue pour fiable et exacte si l’appareil fonctionne bien et s’il est manipulé correctement[60].
  4.            Il est intéressant de noter que le nouveau régime ne prévoit plus explicitement la défense de mauvais fonctionnement ou de mauvaise utilisation de l’éthylomètre approuvé[61] qui existait autrefois[62] et qui a été interprétée par la Cour suprême dans l’arrêt CyrLanglois[63]. Selon le juge Alexandre Boucher dans l’affaire Brisson[64], ce moyen de défense est dorénavant remplacé par les conditions d'application de la nouvelle présomption d’exactitude qui établissent de « façon concluante[65] » l'exactitude et la fiabilité du résultat des analyses[66]. Autrement dit, le nouveau régime ne laisserait plus place à une contestation du bon fonctionnement ou de la bonne utilisation de l’éthylomètre approuvé dans la mesure où les conditions de la nouvelle présomption d’exactitude sont toutes satisfaites[67]. Dans un tel scénario, il appert que le législateur prévoit que l’exactitude et la fiabilité des résultats des analyses sont acquises.
  5.            En conséquence, lors d’une accusation portée en vertu de l’article 320.14(1)b) C.cr., le cœur du débat se situe désormais sur les conditions d’application de la présomption d’exactitude de l’article 320.31(1) C.cr. qui doivent être démontrées par le poursuivant au moyen d’une preuve complète selon les règles habituelles du droit criminel[68]. Ben qu’il n’existe pas de présomption selon laquelle les conditions sont satisfaites en l’absence d’une preuve contraire[69], celle-ci peut généralement être faite par le poursuivant de manière routinière à l’aide d’une preuve documentaire[70].
  6.            À titre d’exemple, le certificat du TQE fait preuve des faits qui y sont allégués, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’authenticité de la signature ou la qualité officielle du signataire[71]. Ce document comporte plusieurs faits, incluant les résultats des analyses des échantillons d’haleine prélevés chez un accusé et le fait que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé est un TQE. Il s’agit-là d’une preuve par ouï-dire admissible qui fait en sorte que le TQE n’est pas obligé de témoigner; la preuve émanant de son témoignage peut être présentée au moyen du dépôt de son certificat[72].
  7.            Ainsi, le dépôt du certificat du TQE, du médecin qualifié ou de l’analyste[73] et le dépôt du document imprimé par l’éthylomètre approuvé lors de l’analyse d’un échantillon d’haleine[74] sont susceptibles de permettre au poursuivant d’engager en sa faveur une présomption légale, dans la mesure où l’ensemble de ses conditions d’application sont réunies. Soulignons au passage que le respect de l'obligation de communication de preuve énoncée à l'article 320.34 C.cr. ne signifie pas que les conditions d'application de la présomption d'exactitude ont été respectées[75].
  8.            Puisque l’alcoolémie supérieure à la limite permise est un élément essentiel de l’infraction prévue à l’art. 320.14(1)b) C.cr. qui doit être prouvé par le poursuivant, si toutes les conditions de la présomption d’exactitude sont réunies par cette preuve documentaire, cela entraine une preuve hors de tout doute raisonnable de cette alcoolémie[76]. La défense a toutefois la possibilité de contester cette présomption d’exactitude[77], notamment en demandant que le TQE se présente à la barre afin d'être contre-interrogé, comme le prévoit l’art. 320.32(3) C.cr.[78]. Il s’agit d’une présomption réfragable. Le poursuivant peut également présenter sa preuve autrement que par une preuve documentaire s’il le souhaite pour tenter d’engager la présomption ou, à défaut, tenter de démontrer l’exactitude et la fiabilité des résultats générés par l’éthylomètre approuvé[79].

3.             Le rôle du TQE dans le nouveau régime

  1.            Pour les motifs qui suivent, le Tribunal n’est pas convaincu que le droit en vigueur ait relégué au second plan le rôle du TQE et demeure convaincu que l’une des conditions d’application de la présomption d’exactitude de l’article 320.31(1) C.cr. consiste à démontrer que l’éthylomètre approuvé a bien été manipulé par un TQE. L’éthylomètre approuvé, en soi, n’est pas le seul élément qui est garant de la fiabilité des résultats.
  2.            Premièrement, l’article 320.28(1)a)(i) C.cr. prévoit que l’agent de la paix peut, sujet à certaines conditions, ordonner à une personne de lui fournir dans les meilleurs délais « les échantillons d’haleine qui, de l’avis d’un technicien qualifié, sont nécessaires à la réalisation d’une analyse convenable à l’aide d’un éthylomètre approuvé ». Il est clair que l’opinion du TQE, à savoir si les échantillons d’haleine obtenus mènent à une analyse convenable à l’aide de l’appareil, demeure au cœur du processus en place. Pour reprendre un passage de l’arrêt Green[80] : « Le but recherché par le législateur paraît être de dissiper la crainte que la procédure suivie ne soit pas appropriée ou soit confiée à des personnes non qualifiées[81] ».
  3.            Plus récemment dans l’arrêt Célant[82], la Cour d’appel soulignait que « [l]a jurisprudence reconnaît depuis longtemps qu'en vertu de cette disposition, le technicien qualifié a le pouvoir de s'assurer du caractère adéquat des échantillons requis pour procéder à une analyse convenable et qu'un échantillon ou une analyse rejetée en raison de son opinion ne constitue pas un échantillon au sens de l’article 258(1)c) C.cr., qui confère la présomption d'exactitude et d'identité aux résultats de l'alcootest[83] ». Ainsi, le simple fait que l’éthylomètre approuvé procède à une analyse d’un échantillon d’haleine ne signifie pas que celui-ci soit automatiquement valide[84].
  4.            Toujours selon la Cour d’appel, « nonobstant les avancées technologiques en matière d’alcootest[85] », c’est le TQE qui décide de la qualité des échantillons et non pas l’éthylomètre approuvé[86]. Le jugement professionnel du TQE demeure crucial, lui qui n’est pas qu’un simple exécutant « dont le rôle se limite à mettre en marche un appareil qui fait ensuite tout le travail[87] ». Au contraire, le législateur a décidé de confier la tâche de s’assurer de la fiabilité au TQE et non à l’éthylomètre approuvé[88]. Le rôle du TQE demeure donc important, lui qui joue un rôle crucial dans le processus de prélèvement et d’analyse d’échantillons d’haleine permettant d’obtenir des résultats fiables[89].
  5.            Deuxièmement, le législateur n’a pas modifié la substance[90] de la définition de « technicien qualifié » autrefois prévue à l’article 254(1)a) C.cr. et maintenant prévue aux articles 320.11 et 320.4a) C.cr. D’ailleurs, la personne désignée sous l’ancienne loi est réputée l’être sous la nouvelle[91]. Il a toujours été important pour le poursuivant de démontrer que l’agent ayant opéré l’éthylomètre approuvé était bien un TQE et cela pouvait et peut toujours se faire de manière routinière par le simple dépôt du certificat du technicien qualifié qui atteste de ce fait[92]. Si le législateur avait voulu modifier le droit de façon substantielle, il devait s’exprimer clairement à cet égard[93], ce qu’il n’a pas fait.
  6.            Troisièmement, l’article 320.31(1) C.cr. prévoit que la présomption d’exactitude est susceptible de s’appliquer en fonction d’une prémisse précise, soit « [l]orsque des échantillons de l’haleine d’une personne ont été reçus dans un éthylomètre approuvé manipulé par un technicien qualifié ». Il est clair qu’un éthylomètre approuvé ne peut pas être manipulé par n’importe qui. Ainsi, aux conditions décrites aux al. 320.31(1)a), b) et c) C.cr., s’en ajoutent deux autres qui forment la prémisse de toute analyse d’échantillons d’haleine menant à une accusation en vertu de l’art. 320.14(1)b) C.cr., soit que ces échantillons (1) ont été reçus dans un éthylomètre approuvé et (2) manipulé par un technicien qualifié[94].
  7.            Quatrièmement, l’article 320.31(1)a) C.cr. prévoit explicitement, à titre de condition permettant de conclure que les analyses des échantillons d’haleine font foi de l’alcoolémie de l’accusé au moment des analyses, qu’avant le prélèvement de chaque échantillon, c’est le TQE qui doit avoir fait (« conducted » dans la version anglaise) un test à blanc ayant donné un résultat d’au plus dix milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang ainsi qu’un test d’étalonnage ayant permis d’observer un écart maximal de dix pour cent par rapport à la valeur cible de l’alcool type certifié par un analyste. Le rôle du TQE demeure donc bien important, même si c’est l’éthylomètre approuvé qui procède aux analyses requises.
  8.            Cinquièmement, en lien avec ce qui précède, il va de soi que le TQE fait, conduit ou réalise ces tests à l’aide de l’éthylomètre approuvé qu’il manipule, mais le législateur le désigne comme étant le seul pouvant opérer cet appareil aux termes des articles 320.11 et 320.4a) C.cr. Il doit effectivement être désigné par le procureur général comme étant une personne « qualifiée pour manipuler un éthylomètre approuvé[95] ». Voilà pourquoi en fonction de sa qualification particulière, le TQE détient le monopole au Canada de la manipulation d’un éthylomètre approuvé lorsque le résultat des analyses de cet appareil est produit en preuve dans le cadre d’une poursuite criminelle où l’alcoolémie de l’accusé correspond à l’un des éléments essentiels de l’infraction. Adopter une position contraire ferait fi « du rôle unique que le législateur accorde au technicien qualifié en matière d’analyse de l’alcoolémie[96] ».
  9.            Sixièmement, la Cour suprême dans l’arrêt Alex[97] confirme que la fiabilité de la preuve obtenue au moyen de la présomption d’exactitude, bien qu’elle fût différente à l’époque, est tributaire de plusieurs conditions d’application, incluant le fait que l’éthylomètre approuvé soit manipulé par un TQE :

« 4  Afin d'assurer la fiabilité de la preuve obtenue au moyen des raccourcis, le législateur a intégré au régime un certain nombre de conditions d'application. Les principales sont l'obligation de prélever les échantillons d'haleine dans un délai précis après l'infraction reprochée, celle de recevoir les échantillons directement dans un contenant ou un appareil approuvé et celle de confier la manipulation de l'appareil à un technicien dûment qualifié.

[…]

27  Deuxièmement, l'interprétation que préconise M. Alex va à l'encontre de l'organisation des dispositions. Chacune renferme un libellé introductif suivi de l'énumération des conditions qui doivent être réunies pour que les raccourcis puissent s'appliquer (sous-al. 258(1)c)(i) à (iv) et 258(1)g)(i) à (iii)). Ces conditions ont en commun d'assurer le respect de certaines modalités lors du prélèvement d'un échantillon d'haleine et de son analyse, et elles ont toutes une incidence directe sur la fiabilité des raccourcis en matière de preuve. Elles portent en particulier sur le délai, la méthode, le type d'instrument et les qualifications du technicien. […] [98] » (soulignements ajoutés)

  1.            Septièmement, la Cour suprême précise dans l’arrêt St-Onge Lamoureux[99], que « ces analyses doivent être effectuées par un technicien qualifié, au moyen d’un alcootest approuvé[100] ». Les faits dans cet arrêt illustrent pourquoi cela demeure important. C’était le TQE qui avait pris la décision de procéder à trois échantillons d’haleine compte tenu de l’écart de 20 mg entre les deux premiers résultats. Il avait expliqué que l’accusée n’avait pas soufflé suffisamment fort lors des deux derniers prélèvements, notamment parce qu’elle pleurait. Selon lui, l’éthylomètre approuvé avait néanmoins fonctionné efficacement et les deux derniers prélèvements étaient utiles, bien que les résultats obtenus sousestimaient l’alcoolémie véritable de l’accusé[101]. Autrement dit, l’avis du TQE demeurait important, et ce, peu importe les résultats obtenus de l’appareil.
  2.            À ce sujet, le témoignage de l’agent Verger-Leboeuf dans la présente affaire démontre que son rôle à titre de TQE n’est pas limité à celui d’un simple exécutant qui met en marche un appareil qui fonctionne entièrement de manière autonome. Au contraire, en fonction de sa formation et son expérience particulière, il doit entreprendre plusieurs vérifications ayant pour but de s’assurer du bon fonctionnement de l’éthylomètre approuvé au moment des faits. Par exemple, il doit effectuer le changement de la solution d’alcool type si cela est nécessaire, vérifier la température du simulateur, vérifier le bon état général de l’appareil ainsi que des pièces buccales, s’assurer d’éviter la présence d’interférences radio dans la salle d’éthylomètre et s’assurer de la corroboration des informations affichées à l’écran.
  3.            Ensuite, son rôle consiste à s’assurer que le processus de prélèvement des échantillons d’haleine chez le sujet mène à l’obtention de l’air alvéolaire, c’est-à-dire l’air du fond des poumons, ce qui est nécessaire à la réalisation d’une analyse convenable. Pour ce faire, il se présente en tant que TQE et explique au sujet comment ils vont procéder avec le prélèvement de deux échantillons d’haleine à 15 minutes d’intervalle. Il explique que, durant ce processus, le sujet devra fournir un volume et un débit d’air minimaux selon certains paramètres prévus par l’éthylomètre approuvé, bien qu’il soit celui qui décide ultimement du caractère suffisant de chaque échantillon. Le sujet doit donc suivre les directives du TQE à cet égard.
  4.            De plus, lors de la prise de chaque échantillon d’haleine, une procédure standardisée est mise en place avec l’éthylomètre approuvé « DataMaster DMT-C ». La même séquence automatisée est effectuée, impliquant une purge, un test à blanc, un test de standard interne, un deuxième test à blanc, une deuxième purge, un test d’étalonnage en ayant recours au simulateur qui contient la solution d’alcool type, un troisième test à blanc, la prise d’un échantillon d’haleine du sujet où l’air alvéolaire est recherché et finalement un dernier test à blanc. Durant cette séquence qui est répétée 15 minutes plus tard, le TQE n’est pas qu’un témoin passif; il doit s’assurer (1) de la qualité de l’échantillon d’haleine prélevé du sujet, ce qu’il peut faire en constatant, par exemple, qu’il est physiquement à bout de souffle, (2) que le système est bien étanche, ce qu’il peut faire en posant son pouce sur l’extrémité de l’un des tubes et (3) qu’il n’y a pas de condensation dans le simulateur, ce qu’il peut dissiper en brassant le récipient.
  5.            Subséquemment, il doit certifier les informations contenues dans le certificat du technicien qualifié et dont il atteste la validité grâce à son titre de TQE, comme le démontre par exemple le certificat déposé par le poursuivant[102]. II est aussi celui qui peut signifier à l’accusé ce document qui détient une valeur légale bien particulière, tout en lui communiquant l’avis prévu par l’article 320.32(2) C.cr. Il est aussi celui qui peut signer et certifier le document imprimé par l’éthylomètre approuvé lors de l’analyse d’un échantillon d’haleine d’une personne ce qui fait preuve des faits qui y sont allégués sans qu’il soit nécessaire de prouver l’authenticité de la signature ou la qualité officielle du signataire[103], comme cela a été fait ici[104]. Bref, la preuve du présent dossier démontre à quel point le TQE conserve un rôle prépondérant lors du processus de prélèvement et d’analyse des échantillons d’haleine à l’aide d’un éthylomètre approuvé.
  6.            Huitièmement, comme le juge Jean-Guillaume Blanchette le souligne dans l’affaire Aubron[105], le Tribunal remarque que la majorité de ses collègues dans les affaires québécoises précitées ont conclu, sans tergiversation puisque cela ne semblait pas être contesté, que le poursuivant devait démontrer hors de tout doute raisonnable que l’éthylomètre approuvé était bien manipulé par un TQE au moment des faits.
  7.            En conséquence, avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal rejette les prétentions du poursuivant à cet égard et ne peut adopter l’analyse de son collègue dans l’affaire Daigle précitée. Le Tribunal conclut que le poursuivant doit démontrer, hors de tout doute raisonnable, que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé au moment des faits était bien un TQE. Cela est nécessaire puisqu’il s’agit de l’une des conditions d’application de la présomption d’exactitude prévue à l’article 320.31(1) C.cr. et, à défaut d’engager cette dernière, cela demeure nécessaire afin de garantir la fiabilité du résultat des analyses de l’éthylomètre approuvé.
  8.            Le TQE conserve toujours un rôle crucial dans le processus de prélèvement et d’analyse d’échantillons d’haleine à l’aide d’un éthylomètre approuvé. Ainsi, même si la déclaration prévue à l’article 320.12c) C.cr. ne fait pas référence explicitement au fait que l’éthylomètre approuvé doit être manipulé par un TQE, il s’agit là clairement d’une condition implicite à la lumière de tout ce qui précède.
  9.            En conséquence, la première question en litige reçoit une réponse affirmative.

E.       La qualification de la Politique

  1.            La deuxième question en litige correspond à la qualification appropriée de la Politique. Le poursuivant prétend qu’il s’agit essentiellement d’un document administratif voué à l’usage interne des corps de police. Mon collègue dans l’affaire Daigle précitée conclut de façon similaire que « [c]ela regarde la régie interne des autorités policières[106] ». Autrement dit, toute contravention avec la Politique n’aurait aucun impact juridique dans le cadre de procédures criminelles, dans la mesure où le TQE est bien désigné au départ par le procureur général en vertu du Code criminel. On peut se demander dans un tel scénario quelle serait l’utilité d’une telle politique comprenant tous ces articles et prévoyant des obligations aux TQE et des responsabilités particulières à différents intervenants.
  2.            Bien que la Politique soit un document gouvernemental qui ne corresponde pas à la définition traditionnelle de loi ou de règlement, le Tribunal est convaincu qu’elle répond néanmoins à la définition de « règlement » prévue à la Loi d’interprétation[107], c’est-à-dire, « [r]èglement proprement dit, décret, ordonnance, proclamation, arrêté, règle judiciaire ou autre, règlement administratif, formulaire, tarif de droits, de frais ou d’honoraires, lettres patentes, commission, mandat, résolution ou autre acte » pris (« issued, made or established » dans la version anglaise), soit « dans l’exercice d’un pouvoir conféré sous le régime d’une loi fédérale[108] » ou « par le gouverneur en conseil ou sous son autorité[109] ».
  3.            Si la Politique n’est pas prise « par le gouverneur en conseil ou sous son autorité » puisque l’article 320.28 C.cr. prévoit ce que ce dernier peut établir par voie de règlement, ce qui n’inclut pas la désignation, la qualification et le maintien des compétences des techniciens qualifiés[110], elle demeure néanmoins prise « dans l’exercice d’un pouvoir conféré sous le régime d’une loi fédérale ». En effet, aux termes de l’article 320.4 C.cr. cette Politique découle naturellement du pouvoir de désignation par le sous-ministre de la Sécurité publique de toute personne « comme étant qualifiée pour manipuler un éthylomètre approuvé ». La Politique est donc prise dans l’exercice du pouvoir conféré par l’article 320.4 C.cr. et encadre le processus de qualification et de désignation des TQE.
  4.            Subsidiairement, la Politique correspond à une politique gouvernementale qui s’apparente, tant sur la forme et le fond, à une loi, un règlement ou à d’autres mesures législatives subordonnées[111]. En effet, elle revêt la forme d’un texte de loi comportant quelques sections[112] dans le cadre desquelles se retrouvent plusieurs articles. À titre d’exemple, le préambule prévoit divers articles traitant notamment de l’objet de la Politique, son cadre légal et quelques définitions.
  5.            Une politique de cette nature « peut avoir un effet juridique semblable à celui d'un règlement municipal ou d'une règle d'un barreau provincial[113] » s’il s’agit d’une « règle obligatoire adoptée en vertu d'un pouvoir légal conféré à une entité gouvernementale[114] ». À l’inverse, « [i]l peut cependant arriver qu'une politique revête un caractère informel ou purement interne et qu'elle ne constitue essentiellement qu'une ligne directrice ou un guide d'interprétation, et non une règle juridique[115] ». Il est donc important de distinguer la règle de nature législative et celle de nature administrative[116].
  6.            La politique de nature administrative vise l’efficacité administrative. Elle est destinée à une application interne et est souvent de nature informelle. Son adoption ne requiert pas l’autorisation expresse du législateur. Elle sert à l’interprétation des dispositions d’une loi ou d’un règlement et n’établit pas les droits et les obligations d’une personne. Elle n’est habituellement accessible qu’au sein de l’entité gouvernementale et est sans utilité pour informer le citoyen. La question déterminante afin qu’une politique soit qualifiée de nature administrative est de savoir si elle s'attache à la régie interne[117].
  7.            La politique sera plutôt de nature législative en fonction des trois conditions suivantes : (1) elle est autorisée par la loi, (2) elle établit une norme générale se voulant obligatoire et (3) elle est suffisamment accessible et précise[118]. Si ces trois conditions sont satisfaites, il importe peu que la politique en cause ne revête pas la forme d’un texte réglementaire; elle sera réputée constituer une « règle de droit »[119].

1.                       La Politique est-elle autorisée par la loi?

  1.            Au sujet de cette première condition, le Tribunal conclut que la Politique est autorisée par le Code criminel. Comme indiqué, c’est le procureur général qui désigne une personne comme étant « qualifiée pour manipuler un éthylomètre approuvé[120] ». Compte tenu de la définition de « procureur général » en vertu du Code criminel qui vise aussi « le solliciteur général de la province où ces poursuites ou procédures sont engagées ou leur substitut légitime[121] », au Québec, cet acte de désignation est effectué par le ministre ou le sous-ministre de la sécurité publique[122]. C’est ce que prévoit explicitement l’article 4 de la Politique.
  2.            Ensuite, l’objet de cette dernière est prévu à son premier article et précise qu’elle a pour but « de prévoir les responsabilités de l’École nationale de police du Québec et du ministre de la Sécurité publique quant à la désignation de techniciens qualifiés en éthylomètre (TQE) effectuée en vertu du Code criminel. » C’est donc notamment sur la base de l’autorité du Code criminel que la Politique est mise en place.
  3.            De plus, la Politique précise de façon expresse[123] qu’elle est fondée, en outre, non seulement sur le Code criminel, mais aussi la Loi sur la police, la Loi sur ministère de la Sécurité publique et la Loi d’interprétation. Elle découle donc naturellement de diverses lois.

2.                       La Politique établit-elle des normes générales se voulant obligatoires?

  1.            Quant à la deuxième condition, le Tribunal conclut que la Politique établit effectivement des normes générales se voulant obligatoires. À la lecture de l’ensemble de la Politique, les normes établies visent à la fois les TQE, ceux qui correspondent à la définition de « directeur », l’ENPQ ainsi que le ministre et le sous-ministre de la Sécurité publique. Toutes ces personnes et entités sont assujetties à la Politique. Les normes établissent des obligations d’application générale à ces dernières quant au processus de qualification, de désignation et de maintien des compétences des TQE, plutôt que des obligations particulières.
  2.            Le caractère obligatoire des normes exposées est clairement révélé par une simple lecture de la Politique. Des formulations impératives sont fréquemment utilisées, par exemple, « le candidat doit être référé par un directeur[124] », « le directeur du corps de police ou de l’organisation reconnue par l’École doit retourner à l’École la carte de qualification[125] » et « [a]fin de maintenir ses compétences, le TQE doit […][126] ». Un autre exemple figure à l’article 24 où on prévoit que « le TQE qui ne remplit pas les trois critères de maintien des compétences […] ne peut manipuler un éthylomètre approuvé ».

3.                       La Politique est-elle suffisamment accessible et précise?

  1.            Finalement, concernant la troisième condition permettant de conclure qu’une politique gouvernementale est de nature législative plutôt qu’administrative, le Tribunal conclut que la Politique est suffisamment accessible et précise. L’accessibilité de la Politique n’est pas remise en cause ici. Il semble que les diverses versions de cette Politique soient facilement accessibles à tous les citoyens sur Internet. Si cela est vrai pour tout citoyen, il en va évidemment de même pour les personnes et entités assujetties à la Politique. La preuve révèle d’ailleurs que l’agent Verger-Leboeuf y avait accès via un ordinateur au poste de police.
  2.            Le caractère suffisamment précis de la Politique, implique qu’elle doit être « formulée avec suffisamment de précision pour que le citoyen puisse se comporter en conséquence et elle offre des repères à celui qui l’applique[127] ». L’obligation de précision doit être interprétée de manière libérale puisque la précision absolue est rare, voire inexistante; il doit s’agir d’une norme intelligible, en ce sens qu’il doit être possible de lui donner une interprétation le moindrement exacte[128]. Encore une fois, malgré certaines difficultés d’interprétation sur lesquelles nous reviendrons, la Politique est suffisamment précise pour permettre aux personnes et entités qui y sont assujetties de se gouverner en conséquence et offre également des repères à celui qui l’applique.
  3.            En résumé, le législateur fédéral a délégué un pouvoir aux fins précisément d'adopter des règles obligatoires d'application générale suffisamment accessibles et précises qui établissent les droits et les obligations des personnes qui y sont assujetties[129].
  4.            En conséquence, en réponse à la deuxième question en litige, même si la Politique ne devait pas ne pas correspondre à la définition de « règlement » en vertu de la Loi sur l’interprétation, la Politique n’est de toute façon pas de nature administrative comme le prétend le poursuivant, mais bien de nature législative. La Politique a donc un effet juridique semblable à celui d'un règlement municipal ou d'une règle d'un barreau provincial[130].

F.       L’interprétation appropriée de la Politique

  1.            Puisque la Politique correspond à la définition de « règlement » prévue à la Loi d’interprétation ou, alternativement, est une politique gouvernementale de nature législative, elle doit être interprétée à la suite d’un exercice qui consiste à lire les termes des dispositions en cause dans leur contexte global en suivant leur sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la Politique, son objet et l’intention du législateur[131]. En plus de l’analyse du texte, il faut aussi examiner le contexte, l’objectif législatif et tout autre principe d’interprétation législative pertinent[132]. Finalement, il faut éviter toute interprétation qui serait susceptible de créer un conflit avec une autre disposition de la Politique ou qui irait à l’encontre de l’objet du régime législatif[133].
  2.            Comme mentionné, la Politique est signée par la sous-ministre de la Sécurité publique. Les fonctions du ministre et de la sous-ministre de la Sécurité publique visent à élaborer et proposer au gouvernement « des politiques, des mesures et des programmes concernant notamment le maintien de la sécurité publique, la prévention de la criminalité, l’implantation et l’amélioration des méthodes de détection et de répression de la criminalité ainsi que l’incarcération et la réinsertion sociale des personnes contrevenantes et veille, le cas échéant, à leur mise en œuvre.[134] ». Leurs fonctions consistent plus particulièrement « à assurer ou à surveiller, suivant le cas, l’application des lois relatives à la police[135] » ainsi qu’élaborer et proposer en matière d’organisation policière et de prévention de la criminalité « des plans stratégiques et des politiques[136] ».
  3.            La Politique dans sa globalité cadre parfaitement avec ces fonctions. Pour l’interpréter adéquatement, il faut donc retenir qu’elle découle non seulement du Code criminel pour les motifs mentionnés, mais aussi de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et la Loi sur la police. Ces lois ont notamment pour objectif d’implanter, améliorer et mettre en œuvre les méthodes de détection et de répression de la criminalité.
  4.            En considérant le rôle important du TQE dans le cadre du régime législatif prévu au Code criminel, cela signifie que cette Politique a pour but de mettre en œuvre des procédures obligatoires entourant la désignation des TQE, le tout afin de s’assurer de leur qualification adéquate, du maintien de leur compétence et, ultimement, de la fiabilité du résultat des analyses effectuées par ces derniers à l’aide d’un éthylomètre approuvé. Il importe effectivement d’interpréter la Politique de telle sorte qu’est compris dans le pouvoir expressément conféré par le Code criminel de désigner une personne comme étant qualifiée pour manipuler un éthylomètre approuvé tous les pouvoirs « qui sont de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif[137] ».
  5.            Une analyse de l’ensemble de la Politique démontre que la désignation du TQE est différente de sa qualification. La première résulte de la seconde et toutes deux sont révocables en cours de route. En effet, dans un premier temps, le TQE se qualifie en satisfaisant aux exigences de formation de l’ENPQ[138], soit après avoir complété avec succès l’activité de formation professionnelle de TQE[139]. Dans un deuxième temps, lorsque cela est accompli, l’ENPQ recommande au ministre de désigner ledit candidat à titre de TQE et lui délivre une carte de qualification[140]. Lorsque cette carte est émise, celle-ci précise que le TQE est habilité à utiliser un ou des éthylomètres approuvés et indique sa période de validité[141], soit jusqu’au 31 décembre suivant le cinquième anniversaire de sa délivrance[142]. En revanche, malgré l’émission de cette carte de qualification, « seul l’acte de désignation dûment signé par le ministre permet à un technicien d’agir à titre de TQE[143] ».
  6.            Comme nous l’avons vu, une lecture combinée des articles 18, 21 et 24 de la Politique, démontre que le TQE qui ne satisfait pas aux trois critères de maintien des compétences, mène à quatre conséquences qu’il est nécessaire de reproduire ici : (1) il ne peut plus manipuler un éthylomètre approuvé dans un cas précis, soit « afin de procéder à une analyse d’échantillons d’haleine faisant suite à un ordre donné en vertu du sous-alinéa 320.28(1)a)i) du Code criminel », (2) il perd sa qualification, (3) le directeur du corps de police doit retourner à l’ENPQ la carte de qualification et (4) l’ENPQ avise le ministre pour que les actes de désignation soient modifiés en conséquence.
  7.            Dans un tel scénario, force est de conclure que celui qui était initialement qualifié et désigné à titre de TQE ne le serait plus. Cet effet domino est donc lourd de conséquences, à la fois pour le TQE et son organisation qui ne peut vraisemblablement plus recourir à ses services lors d’un dossier opérationnel. En effet, la Politique prévoit de façon expresse que cela dépouille le TQE de la possibilité de manipuler l’éthylomètre approuvé à la suite d’un ordre d’un agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a conduit un véhicule alors que sa capacité de le faire est affaiblie par l’effet de l’alcool aux termes de l’article 320.28(1) C.cr. Ces conséquences importantes sont manifestement le corolaire des conséquences tout aussi importantes des manipulations effectuées par celui qui agit à titre de TQE dans le cadre d’un dossier opérationnel visant un individu qui se voit obligé de fournir une preuve auto-incriminante pouvant mener à des accusations criminelles.
  8.            Ce qui précède se bute à l’article 25 coiffé de la « Section 3 Limitation » qui précise que le TQE qui satisfait à nouveau aux trois critères de maintien des compétences « peut manipuler un éthylomètre approuvé pour toute analyse d’échantillon d’haleine ». Cet article réfère à l’expression « toute analyse » et non pas à celle plus précise prévue à l’article 24, soit « une analyse d’échantillon d’haleine faisant suite à un ordre donné en vertu du sous-alinéa 320.28(1)a)i) du Code criminel[144] ».
  9.            Comment un TQE peut-il à nouveau manipuler un éthylomètre approuvé pour « toute analyse » sans autre formalité malgré toute la procédure précitée qui passe du TQE, au directeur, à l’ENPQ puis au ministre et qui fait en sorte qu’il ne pouvait non seulement plus manipuler cet appareil dans le cadre précis d’un dossier opérationnel, mais avait perdu sa qualification, sa carte et sa désignation? Le Tribunal croit qu’il est nécessaire d’interpréter l’article 25 de façon cohérente avec les articles 18, 21 et 24 précités et non pas de façon isolée. Le Tribunal doit interpréter tous ces articles afin de leur donner un sens par opposition à une interprétation qui aurait pour effet de n’accorder aucun effet à certains articles ou d’en limiter considérablement l’application.
  10.            L’article 25 ne fait qu’exposer la façon dont un TQE peut remédier à la première des quatre conséquences décrites plus tôt. Cet article ne traite pas des trois autres conséquences; il n’indique pas que le TQE retrouve aussitôt sa qualification perdue, ni qu’il récupère sa carte de qualification, ni qu’il est à nouveau dûment désigné par le ministre. Autrement dit, même s’il peut à nouveau manipuler un éthylomètre approuvé pour toute analyse d’échantillon d’haleine, s’il veut le faire dans le cadre d’un dossier opérationnel faisant suite à un ordre donné par un agent de la paix en vertu de l’article 320.28(1) C.cr. au sens de l’article 24 de la Politique par opposition à un exercice par exemple, encore faut-il qu’il ait retrouvé sa qualification, sa carte en ce sens et que sa désignation à titre de TQE soit à nouveau effective.
  11.            Cette interprétation est conforme avec l’article 26 qui se trouve toujours sous la même section et qui souligne que « l’École informe le ministre de tout changement en lien avec un TQE qui se retrouve dans l’une ou l’autre des situations prévues aux articles 24 et 25 ». Ainsi, autant l’article 18 sous la « Section 2 – Qualification et désignation » et l’article 26 sous la « Section 3 Limitation » indiquent que l’ENPQ doit informer le ministre du fait qu’un TQE ne remplit pas les trois critères de maintien des compétences ou, à l’inverse, satisfait à nouveau à ces critères. En clair, la Politique prévoit que c’est le ministre qui modifie « les actes de désignation[145] » en fonction du parcours du TQE et les différents acteurs détiennent des responsabilités en ce sens conformément à l’objet exprès de la Politique[146]. Par exemple, le directeur du corps de police doit retourner à l’ENPQ la carte de qualification lorsqu’un TQE perd sa qualification[147]. Ce même directeur peut aussi faire la demande à l’ENPQ pour que la désignation d’un TQE soit révoquée[148]. Le fait qu’un TQE soit à nouveau qualifié et désigné malgré des lacunes passées ne lui revient pas personnellement, elle revient ultimement au ministre[149].
  12.            Selon le Tribunal, il s’agit-là de l’interprétation appropriée des articles pertinents de la Politique lorsque l’on tente de les concilier plutôt que d’y voir des contradictions. En effet, en application de la « présomption de cohérence interne des textes de loi[150] », le Tribunal doit, lorsque cela est possible, interpréter les dispositions pertinentes de la Politique en harmonie les unes avec les autres afin d’éviter les incohérences internes[151]. Cette interprétation est également conforme avec l’objet de la Politique[152]. Ainsi, le Tribunal partage l’analyse sur cette question de son collègue le juge Jean-Guillaume Blanchette dans l’affaire Aubron[153].
  13.            Conclure simplement que le TQE peut à nouveau manipuler un éthylomètre approuvé dans toute circonstance et sans autre formalité dès qu’il satisfait à nouveau aux trois critères de maintien des compétences équivaut à interpréter isolément l’article 25 de la Politique malgré ce que les articles 18, 21, 24 et 26 révèlent quant aux responsabilités du directeur du corps de police, de l’ENPQ et du ministre. Il importe de réitérer le rôle important que joue le TQE dans le processus de prélèvement et d’analyse d’échantillons d’haleine susceptible de mener à des accusations criminelles contre un individu. En conséquence, sa qualification, sa désignation et le maintien de ses compétences ne sont pas uniquement commodes pour des fins administratives; ils sont nécessaires afin de s’assurer de la fiabilité des analyses d’échantillons d’haleine prélevés par le TQE à l’aide d’un éthylomètre approuvé.
  14.            De plus, l’économie de la Politique fait en sorte que la qualification, la désignation et le maintien des compétences du TQE demeurent contrôlés par le directeur du corps de police, l’ENPQ et le ministre. Pour que les normes établies par la Politique aient un effet concret sur le terrain permettant ultimement de garantir la fiabilité du processus en place, il est normal que des sanctions existent pour les TQE qui y contreviennent. Le passage suivant de l’arrêt Green[154] de la Cour suprême dans le contexte de la formation obligatoire continue des avocats prend tout son sens :

« 46  Pour que ces normes aient un effet, le Barreau doit établir des sanctions auxquelles s'exposent les avocats qui y contreviennent. D'un point de vue pratique, une norme de formation dont l'application n'est pas contrôlée n'est pas du tout une norme, elle n'est qu'un voeu pieux.[155] » (soulignements ajoutés)

  1.            Cette interprétation de la Politique permet aussi d’assurer l’uniformité de la qualification et de la compétence des TQE à l’échelle de la province, alors que le spectre d’une perte de qualification et de désignation avec les conséquences précitées aura vraisemblablement pour effet qu’ils s’y conformeront[156]. Cette interprétation cadre avec l’objectif prévu dans la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et la Loi sur la police d’implanter, améliorer et mettre en œuvre les méthodes de détection et de répression de la criminalité.
  2.            Tout ce qui précède contribue à interpréter adéquatement l’article 21 de la Politique qui expose les trois critères de maintien des compétences. Les expressions « dans les derniers 90 jours » et « dans les douze (12) derniers mois » ont pour point de référence le dernier moment où un TQE a utilisé un éthylomètre approuvé au sens de la Politique, que ce soit à la suite d’un ordre formulé en vertu de l’article 320.28(1) C.cr. lors d’un dossier opérationnel ou encore lors d’un exercice. Puisque ce sont là les deux seules manipulations prévues à la Politique[157], cela signifie nécessairement qu’il s’agit de délais récurrents.
  3.            L’exigence concernant une manipulation de l’éthylomètre approuvé dans les derniers 90 jours a pour but de s’assurer que le TQE ne perde pas la main et soit bien prêt à agir à titre de TQE rapidement conformément aux procédures établies, fréquemment dans le cadre d’une situation d’urgence relative où le temps de préparation est minimal. Il n’est généralement pas possible de prévoir quand les services d’un TQE seront requis et ce dernier doit maintenir ses compétences en conséquence tous les 90 jours. Le rôle du TQE n’est pas simple, lui qui doit suivre « à la lettre [d]es procédures complexes[158] » pour paraphraser la Cour suprême dans l’arrêt Oliver[159]. C’est pour cette raison qu’une utilisation régulière de l’éthylomètre approuvé est nécessaire.
  4.            Le témoignage de l’agent Verger-Leboeuf démontre que, lorsqu’il effectue un exercice après l’écoulement d’un délai depuis sa dernière manipulation, cela lui permet de le faire avec son manuel ouvert pour se remettre à jour en procédant comme s’il avait un véritable sujet devant lui, quoiqu’il soit celui qui souffle dans l’appareil. Cela lui permet de se « garder dans le bain » pour reprendre son expression.
  5.            La tâche des TQE est complexe et, selon une interprétation harmonieuse de la Politique, il est nécessaire que ces derniers effectuent minimalement un test dans le cadre d’un dossier opérationnel ou encore un exercice comprenant deux séquences d’opérations, et ce, à tous les 90 jours. Il en va de même quant à l’exigence de formation dans les 12 derniers mois; celle-ci a pour but de s’assurer que le TQE est dûment qualifié et maintienne ses compétences, de façon analogue à ce que plusieurs professionnels doivent accomplir dans le cadre de formations annuelles.
  6.            La Politique cherche à éviter qu’un TQE utilise un éthylomètre approuvé, que ce soit dans le cadre d’un dossier opérationnel ou d’un exercice, alors qu’il ne l’a pas manipulé dans les derniers 90 jours ou encore alors qu’il n’a pas suivi l’une des formations prévues dans les 12 derniers mois, le tout afin de promouvoir le maintien de ses compétences et de sa qualification et ainsi tendre à garantir la fiabilité des résultats des analyses à l’aide d’un éthylomètre approuvé lorsque survient un dossier opérationnel impliquant un véritable sujet.
  7.            De plus, une analyse cohérente de l’ensemble de la Politique démontre que le directeur du poste de police, l’ENPQ et le ministre conservent un rôle de supervision important auprès des TQE. Ces derniers doivent donc être mis au courant lorsque l’une ou l’autre des exigences de la Politique n’est pas respectée. Une façon simple de s’en assurer est d’interpréter les exigences quant aux délais de façon récurrente. Autrement, il devient difficile de voir comment les autorités supérieures seraient véritablement en mesure de s’acquitter de leurs responsabilités.
  8.            Par exemple, en adoptant l’interprétation proposée par l’agent Verger-Leboeuf lors de son témoignage, c’est-à-dire que le point de référence correspond uniquement au dernier dossier opérationnel à l’exclusion des exercices, ces instances supérieures ne seraient probablement jamais avisées d’une omission de respecter l’article 21a) concernant l’une des manipulations prévues dans les derniers 90 jours. En effet, selon son interprétation, peu importe le délai écoulé depuis une manipulation de l’éthylomètre, un TQE pourrait toujours maintenir sa compétence et sa qualification en effectuant simplement un exercice comprenant deux séquences d’opérations pour ensuite procéder à un dossier opérationnel, puisque ce qui importe c’est qu’il effectue cet exercice dans les 90 jours précédant un dossier opérationnel. C’est d’ailleurs précisément ce que l’agent VergerLeboeuf a fait en l’espèce, et ce à deux reprises.
  9.            Autrement dit, un TQE qui n’opère pas un éthylomètre pendant 12 mois par exemple pourrait effectuer un exercice menant notamment à deux séquences d’opérations et par la suite procéder sans autre formalité à un dossier opérationnel avec un véritable sujet. Selon cette interprétation, les instances supérieures ne seraient jamais avisées du fait que ce TQE qui n’a pas manipulé un éthylomètre approuvé durant ce long délai a, par la suite, pu le faire avec un véritable sujet dans le cadre d’un dossier opérationnel, et ce, après un seul exercice. Cette situation mène à un résultat absurde et contraire à l’interprétation appropriée de la Politique qui implique un réel pouvoir de supervision de différentes instances. Le poursuivant reconnait en plaidoirie que la compréhension de la Politique par le TQE est erronée, mais prétend que cela ne serait pas pertinent compte tenu de sa position.
  10.       Quant à l’utilisation de la version antérieure de la Politique, soit celle du 1er février 2008, en guise d’outil d’interprétation de la présente Politique comme cela a été fait dans l’affaire Basque[160], le Tribunal n’est pas convaincu que cet exercice soit particulièrement éclairant. Soulignons que cette première version de la Politique est concomitante au projet de loi C-2, sanctionné le 28 février 2008 qui avait pour effet d’adopter de nouvelles dispositions comportant quatre nouvelles exigences auxquelles l’accusé devait satisfaire pour réfuter les présomptions alors en vigueur[161]. Cela avait pour but d’écarter la défense de type Carter telle qu’elle était auparavant mise en œuvre[162]. L’état du droit était donc bien différent à cette époque; les présomptions étaient distinctes, tout comme les moyens de défense disponibles. La Politique en cause est la version modifiée en février 2020 à la suite des amendements majeurs apportés par le projet de loi C-46 dont nous avons déjà discuté. Dans ce contexte, compte tenu de la nouvelle présomption d’exactitude et des moyens de défense encore plus limités, il n’est pas surprenant que cette version de la Politique soit non seulement différente, mais plus complète et plus exigeante à l’égard des TQE et des intervenants désignés.
  11.       Finalement, les nombreuses modifications aux articles de la Politique précités apportées récemment le 7 mars 2024[163] ne peuvent avoir d’impact sur l’interprétation adéquate de la Politique antérieure qui est celle en litige. La Cour suprême dans l’arrêt Breault est claire à cet effet :

« 42  Premièrement, l'évolution législative subséquente, soit les modifications apportées à la version d'une disposition en vigueur au moment des faits, « ne peut jeter aucune lumière sur l'intention du législateur, qu'il soit fédéral ou provincial » quant à cette version antérieure aux modifications (États-Unis d'Amérique c. Dynar, [1997] 2 R.C.S. 462, par. 45; voir aussi Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, [2014] 2 R.C.S. 725, par. 78). Comme le précise le par. 45(3) de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, « [l]'abrogation ou la modification, en tout ou en partie, d'un texte ne constitue pas ni n'implique une déclaration sur l'état antérieur du droit. » Dans le même ordre d'idées, le par. 45(4) de la Loi d'interprétation ajoute que « [l]a nouvelle édiction d'un texte, ou sa révision, refonte, codification ou modification, n'a pas valeur de confirmation de l'interprétation donnée, par décision judiciaire ou autrement, des termes du texte ou de termes analogues.[164] » (soulignements ajoutés)

  1.       Le Tribunal souligne simplement à ce chapitre que, à la lumière de ces modifications substantielles, le présent jugement vise uniquement l’interprétation de la Politique en vigueur du 9 février 2020 au 7 mars 2024.

G.      Application aux faits

  1.       Dans son témoignage, l’agent Verger-Leboeuf expose en détail toute la procédure qu’il a suivie au moment des faits avec l’accusé pour le mener à obtenir des résultats de l’éthylomètre approuvé. Ce faisant, il commente plusieurs des pièces déposées par le poursuivant, incluant son certificat du technicien qualifié[165], les fiches d’imprimante de l’éthylomètre approuvé révélant les résultats de la séquence engagée pour chacun des deux tests réalisés sur l’accusé[166],  la fiche d’information concernant la solution d’alcool type utilisée[167] et le certificat de l’analyste[168]. Son témoignage confirme le contenu des pièces déposées et il émet l’opinion que chacune des séquences générées par l’éthylomètre approuvé sont valides menant à l’obtention de deux résultats d’analyse des échantillons d’haleine de l’accusé eux aussi valides.
  2.       Voici toutefois ce que la preuve démontre au sujet de sa qualification, sa désignation et le maintien de ses compétences à titre de TQE. Premièrement, selon son témoignage et sa carte de qualification, l’agent Verger-Leboeuf est TQE pour l’éthylomètre approuvé « DataMaster DMT-C », et ce, du 8 mars 2019 jusqu’au 31 décembre 2024[169], ce qui couvre le moment des faits du 1er janvier 2023. Cette carte certifie que l’agent VergerLeboeuf est bien désigné comme TQE au sens de l’article 320.11 C.cr.
  3.       En revanche, l’acte de désignation dûment signé par le ministre ou le sous-ministre permettant à l’agent Verger-Leboeuf d’agir à titre de TQE n’est pas produit par le poursuivant, et ce, bien qu’il soit au fait que l’accusé remettait en question le maintien des compétences, la qualification et la désignation du TQE. Pourtant, l’article 16 de la Politique est clair : « Toutefois, seul l’acte de désignation dûment signé par le ministre permet à un technicien d’agir à titre de TQE ». Lors de son contre-interrogatoire, l’agent Verger-Leboeuf explique que sa désignation est un acte administratif et réfère à ce sujet à l’ENPQ. C’est elle qui envoie la demande au procureur général une fois qu’un agent a terminé le cours pour devenir un TQE. Il ignore en conséquence quand et comment est entrée en vigueur sa désignation. Il confirme ne jamais avoir vu de document démontrant qu’il était bien désigné par le procureur général à titre de TQE.
  4.       Deuxièmement, sa carte de qualification précise que le TQE « doit se conformer aux politiques, directives et exigences de l’École[170] ». L’agent Verger-Leboeuf confirme avoir accès à cette documentation via un ordinateur au poste de police, mais n’en a jamais pris connaissance. Confronté à la Politique en vigueur lors des faits dans le présent dossier et la nouvelle en vigueur depuis mars 2024, l’agent Verger-Lebeuf indique, avec hésitation, qu’il en a probablement déjà pris connaissance, mais ne peut le certifier. Questionné par le Tribunal à cet effet, il indique finalement ne jamais avoir vu les deux versions de cette Politique. Il est évidemment difficile pour l’agent Verger-Leboeuf de se conformer à une politique en vigueur qui régit ses fonctions, s’il n’en a jamais pris connaissance. De plus, son témoignage démontre que, pour lui, il n’y a aucun impact à ne pas suivre cette Politique, ce qui est cohérent avec le fait de ne pas en avoir même pris connaissance.
  5.       Troisièmement, la carte de qualification produite démontre que, durant sa formation, on a rappelé à l’agent Verger-Leboeuf « qu’il avait la responsabilité de maintenir ses compétences comme technicien qualifié en éthylomètre (TQE) tout au long de sa période de qualification[171] ». Lors de son contre-interrogatoire, il confirme qu’il détenait bien cette responsabilité. Afin de maintenir ses compétences, il doit notamment utiliser un code d’identifiant remis lors de sa formation initiale lui permettant d’accéder à la plateforme d’apprentissage en ligne « Moodle » gérée par l’ENPQ afin d’accéder aux cours de sa formation continue. En accédant à cette plateforme, l’agent Verger-Leboeuf a été en mesure de générer une liste de ses accréditations, ce qui inclut celle à titre de TQE pour la même période que celle identifiée plus tôt[172].
  6.       Toujours afin de maintenir ses compétences, il doit également remplir son registre d’actions en tant que TQE[173] tout en ayant effectué dans les derniers 90 jours une manipulation de l’éthylomètre approuvé. Son contre-interrogatoire démontre que son registre d’actions ne se retrouve pas sur la plateforme « Moodle » régie par l’ENPQ, mais correspond davantage à un document interne propre au Service de police de l’agglomération de Longueuil qu’il remplit lui-même au poste de police. Ce document est indépendant de la plateforme « Moodle ». Il est celui qui remplit les informations requises au registre d’actions et ignore si cela est contre-vérifié par quelqu’un au sein de son corps de police ou de l’ENPQ. Il existe un agent responsable des dossiers de conduite avec les capacités affaiblies qui est susceptible d’avoir accès à ce document, mais n’en sait pas davantage. Autrement dit, personne n’a vérifié le contenu du registre d’actions du TQE à l’exception des parties et du Tribunal. En conséquence, l’agent Verger-Leboeuf appert avoir été laissé à lui-même quant à son statut de TQE.
  7.       À ce sujet, depuis qu’il est TQE, il n’a jamais eu connaissance d’un cas où un collègue aurait eu un problème avec son registre d’actions, à savoir qu’il l’avait mal rempli ou n’avait pas respecté l’un ou l’autre des délais requis. Il n’a jamais eu connaissance d’un cas où un collègue TQE aurait été disqualifié ou aurait dû retourner sa carte de qualification pour éventuellement être réhabilité. Il confirme que son registre d’actions n’est pas transmis à l’ENPQ ou à toute autre autorité afin de valider son statut de TQE. Finalement, aucun de ses supérieurs ne lui a déjà fait référence à son registre d’actions. En fait, il ignore comment il peut perdre sa qualification à titre de TQE et comment ce processus fonctionne. Ceci tend à démontrer une forme de laxisme dans l’application de la Politique.
  8.       D’ailleurs, après avoir reçu une demande de complément de preuve concernant son registre d’actions et sa preuve de qualification dans le présent dossier, l’agent VergerLeboeuf a donné suite à cette demande, mais il n’a pas vérifié la validité de son statut de TQE parce qu’il est convaincu qu’il l’a toujours été depuis sa qualification initiale. Il s’est effectivement présenté à l’accusé à titre de TQE et a agi comme tel avec lui tout au long des procédures. Il est personnellement convaincu qu’il était dûment qualifié et désigné pour agir à titre de TQE, mais ne s’est pas questionné davantage.
  9.       Quant au premier critère de maintien des compétences au sujet de l’une des deux manipulations de l’éthylomètre approuvé dans les derniers 90 jours, il est convaincu qu’il a respecté cette exigence. Il explique que la première colonne de son registre d’actions intitulé « Exercice », correspond à l’une de ses obligations au sens de l’article 21a)ii) de la Politique, la deuxième colonne « Moodle », correspond à une autre de ses obligations prévue à l’article 21b)iii) de la Politique, la troisième colonne « Formation ou requalification » correspond à une autre de ses obligations au sens de l’article 21b)i) et ii) de la Politique et, finalement, la quatrième colonne « Dossier » correspond à sa dernière obligation en vertu de l’article 21a)i) de la Politique.
  10.       Conformément à l’interprétation retenue par le Tribunal de la Politique, le registre d’actions de l’agent Verger-Leboeuf démontre que le premier des trois critères de maintien des compétences n’a pas été respecté à deux reprises. Un premier délai de 179 jours (presque 6 mois) survient du 8 octobre 2021 au 5 avril 2022 sans manipulation d’un éthylomètre approuvé dans le cadre d’un dossier opérationnel ou dans le cadre d’un exercice. Il en va de même pour un deuxième délai de 123 jours (environ 4 mois) du 28 juillet au 28 novembre 2022. Ces deux contraventions avec la Politique surviennent toutefois avant les faits du présent dossier le 1er janvier 2023.
  11.       Confronté au contenu de son registre d’actions et à la situation précitée, l’agent Verger-Leboeuf explique que dans la mesure où il respecte ce qui est prévu à la partie supérieure de son registre d’actions, il demeure TQE sans autre formalité. Sa compréhension de ses obligations en tant que TQE lorsqu’il dépasse le délai de 90 jours sans avoir effectué un test dans le cadre d’un dossier opérationnel va comme suit : il peut à nouveau manipuler un éthylomètre approuvé, mais à condition d’avoir effectué au préalable un exercice comprenant deux séquences d’opération de l’éthylomètre approuvé. Autrement dit, il n’a pas à effectuer l’une des manipulations prévues à la Politique à tous les 90 jours. Toujours selon lui, ce qu’il doit faire se limite à effectuer un exercice dans les 90 jours précédant un dossier opérationnel. Le point de référence serait donc uniquement les dossiers opérationnels et il ne s’agirait pas d’un délai récurrent tous les 90 jours.
  12.       C’est ce qui explique qu’à la suite d’un premier délai de près de 6 mois sans manipulation de l’éthylomètre approuvé, le 5 avril 2022, l’agent Verger-Leboeuf procède à deux dossiers « FOR », ce qui correspond à un exercice selon son registre d’actions. Dès lors, selon son interprétation, il pouvait à nouveau utiliser l’éthylomètre approuvé dans le cadre d’un dossier opérationnel dans les 90 jours suivants. Il en va de même avec le deuxième délai se terminant le 28 novembre 2022, menant à ce qu’il effectue à nouveau un exercice lui permettant ensuite de manipuler sans limitation l’éthylomètre approuvé. La preuve démontre que durant ces deux délais qui excèdent 90 jours, personne n’a été mis au courant de cette situation; ni la personne-ressource en matière d’éthylomètre au sein de son corps de police, ni le directeur, ni l’ENPQ, ni le ministre.
  13.       Cette interprétation du délai de 90 jours qui a pour effet de permettre un exercice après l’écoulement de n’importe quel délai sans manipulation de l’éthylomètre pour ensuite autoriser un TQE à agir à ce titre dans le cadre d’un dossier opérationnel, le tout sans supervision des instances supérieures a déjà été rejeté par le Tribunal pour les motifs mentionnés.
  14.       À cela s’ajoute le fait que la partie supérieure du registre d’action de l’agent VergerLeboeuf reproduit, à première vue, les trois critères de maintien des compétences prévus à l’article 21 de la Politique. Or, une lecture attentive de ce document démontre quelques différences avec le contenu de cet article. Certaines sont mineures, comme certains choix de mots, mais d’autres sont plus importantes alors qu’on ajoute des mots, on en enlève ou encore on met l’emphase sur certains d’entre eux. Voici comment est rédigé la partie supérieure du registre d’action de l’agent Verger-Leboeuf, dans ce qui appert être une formule standardisée :

« Afin de maintenir vos compétences et d’agir à titre de technicien qualifié en éthylomètre, vous devez :

1. Avoir effectué dans les derniers quatre-vingt-dix (90) jours une manipulation de l’éthylomètre, soit :

  1.    Un test effectué dans le cadre d’un dossier opérationnel comprenant au minimum une fiche d’imprimante et un rapport complémentaire;

ou

  1.   Un exercice comprenant deux (2) séquences d’opérations de l’éthylomètre[174]. […] » (italique et souligné dans l’original)
  1.       Il est clair de ce texte, contrairement au seul libellé de l’article 21 de la Politique, que l’un des prérequis pour agir à titre de TQE est le maintien de ses compétences. Cela demeure toutefois conforme à une lecture combinée des articles 18, 21 et 24 comme indiqué plus tôt. Il est tout aussi clair que le TQE doit avoir effectué l’une ou l’autre des deux manipulations de l’éthylomètre approuvé dans les derniers 90 jours pour agir à titre de TQE, ce qui est conforme à l’article 21. En revanche, le point 1.b. est amputé d’une partie non négligeable de ce que prévoit l’article 21. Voici la phrase complète qui correspond à l’article 21a)ii) de la Politique : « un exercice comprenant deux séquences d’opérations de l’éthylomètre utilisé se concluant par l’émission d’un certificat du technicien qualifié et des fiches d’imprimantes. »
  2.       Cette différence est importante, puisque l’exercice a pour but de simuler une véritable situation avec un sujet menant non seulement à deux séquences d’opérations de l’éthylomètre approuvé, mais aussi à l’émission d’un certificat du technicien qualifié et des fiches d’imprimantes, comme cela doit être fait lors d’un cas réel. Par l’exercice, on cherche à reproduire les étapes essentielles qu’un TQE doit accomplir lorsqu’il est appelé à agir avec une véritable personne afin de s’assurer du maintien de ses compétences, ce qui inclut l’émission des documents officiels.
  3.       Cela revêt une importante toute particulière en l’espèce, puisque, même si le Tribunal avait décidé de retenir la position de l’agent Verger-Leboeuf qui fait en sorte qu’il pouvait agir à titre de TQE malgré l’écoulement d’un délai de plus de 90 jours depuis la dernière manipulation d’un éthylomètre approuvé dans la mesure où il effectue un exercice auparavant, la preuve administrée ne démontre pas que le type d’exercice explicitement prévu à l’article 21a)ii) de la Politique a bien été effectué autant lors du premier délai excédant 90 jours que lors du deuxième. Le dernier exercice effectué selon son registre d’actions survient d’ailleurs le 28 novembre 2022, soit dans les 90 jours qui précèdent les faits du 1er janvier 2023.
  4.       La preuve démontre que l’agent Verger-Leboeuf a accompli deux séquences d’opérations de l’éthylomètre approuvé le 5 avril 2022 puis le 28 novembre 2022 menant à des dossiers « FOR » ce qui correspond à la définition d’un exercice selon son registre d’actions. Or, la définition d’un exercice selon son registre d’actions n’est pas conforme à celle prévue dans la Politique qui implique des étapes supplémentaires. En conséquence, même dans l’alternative où l’interprétation de la Politique offerte par le TQE devait être retenue, ce que le Tribunal ne fait pas, le résultat serait le même; la preuve ne démontre pas qu’il a accompli le type d’exercice précisément prévu à la Politique.
  5.       Considérant tout ce qui précède, en application de la Politique, le directeur du corps de police devait, lors de ces deux occasions où l’agent Verger-Leboeuf n’a pas effectué l’une des deux manipulations prévues à l’article 21a) de la Politique, retourner à l’ENPQ sa carte de qualification pour qu’elle avise le ministre de cette situation afin de modifier sa désignation en conséquence. En effet, l’agent Verger-Leboeuf avait perdu sa qualification durant ces deux périodes à l’expiration d’un délai de 90 jours. L’ensemble de la preuve administrée permet de conclure que rien de cela n'a été fait et la désignation de l’agent Verger-Leboeuf à titre de TQE n’a donc ultimement jamais été modifiée malgré sa perte de qualification.
  6.       Si les faits du présent dossier étaient survenus durant l’une ou l’autre de ces périodes excédant les derniers 90 jours d’une des manipulations prévues par la Politique, cela aurait certainement été fatal pour le poursuivant sans devoir pousser l’analyse. En revanche, les faits surviennent le 1er janvier 2023, soit à un moment où le TQE satisfait à nouveau aux trois critères de maintien des compétences ayant pour effet qu’il pouvait manipuler un éthylomètre approuvé pour toute analyse d’échantillon d’haleine selon l’article 25 de la Politique.
  7.       En effet, à cette date, l’agent Verger-Leboeuf avait (1) effectué dans les derniers 90 jours un test dans le cadre d’un dossier opérationnel, soit le 16 décembre 2022, (2) complété dans les 12 derniers mois l’entièreté de l’outil de maintien des compétences de la plateforme en ligne de l’ENPQ, soit le 21 avril 2022 et (3) rempli son registre d’actions en tant que TQE. Il pouvait donc manipuler l’éthylomètre approuvé. Cependant, pour les motifs déjà mentionnés, il n’était pas automatiquement qualifié et désigné en conséquence compte tenu des lacunes antérieures.
  8.       La Politique prévoit qu’il n’était plus qualifié dans ces circonstances, et ce, à deux reprises en 2022. De plus, sa désignation devait être modifiée par le ministre puisqu’il n’était plus une personne qualifiée. Pour pouvoir valablement agir à titre de TQE dans le cadre de dossiers opérationnels malgré ces écueils passés, il ne suffisait pas qu’il satisfasse à nouveau aux trois critères de maintien des compétences. La preuve devait démontrer qu’il était à nouveau qualifié et désigné compte tenu de l’interprétation appropriée de la Politique.
  9.       Ainsi, malgré le fait que le TQE ait, dans l’année précédant les faits du 1er janvier 2023, échoué, à deux reprises et sur des périodes significatives par opposition à quelques jours d’écart, à maintenir ses compétences au sens de l’article 21 de la Politique perdant ainsi sa qualification, la preuve ne démontre pas que sa désignation a été modifiée contrairement à ce que prévoient les articles 18, 26 et 27 de la Politique. Cela s’explique probablement par l’interprétation proposée par le TQE en l’espèce qui croyait satisfaire au contenu de la Politique qu’il n’avait pourtant jamais lu, combinée à l’absence totale de supervision des instances supérieures de son registre d’actions. En fin de compte, le TQE a été laissé à lui-même en agissant selon sa propre interprétation de ses obligations et le directeur du corps de police ainsi que l’ENPQ ont été laissés dans l’ignorance ou sont demeurés passifs malgré ce qui précède, permettant ainsi au TQE de procéder à des analyses d’échantillons d’haleine dans le cadre de dossiers opérationnels, comme dans le cas de l’accusé. Cette décision revenait pourtant au ministre.
  10.       En réponse à la quatrième question en litige, l’agent Verger-Leboeuf a donc contrevenu à la Politique et l’impact est significatif, puisqu’il a procédé à l’analyse des échantillons d’haleine de l’accusé à l’aide d’un éthylomètre approuvé, alors qu’il n’était plus un TQE.

H.                     Conclusions

  1.       Le Tribunal est convaincu que les contraventions alléguées à la Politique dans un cas donné se doivent d’être évaluées au cas par cas, afin de pouvoir déterminer si, au moment des faits, un doute raisonnable subsiste quant à la qualification de l’agent ayant agi à titre de TQE. L’ensemble des conditions d’application de la présomption d’exactitude de l’article 320.31(1) C.cr. ont pour effet de garantir l’exactitude et la fiabilité des résultats des analyses de l’éthylomètre approuvé. Dans ce contexte, tout doute raisonnable à l’égard de l’une des conditions d’application de la présomption a également pour effet de susciter un doute raisonnable sur la fiabilité des résultats. Puisque l’une de ces conditions correspond au fait que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé doit être un TQE, tout doute raisonnable à cet égard peut aussi permettre de susciter un doute raisonnable au sujet de la fiabilité des résultats.
  2.       Le Tribunal n’est pas convaincu que les enseignements précités de la Cour suprême dans l’arrêt Cyr-Langlois[175] peuvent être appliqués au nouveau régime en place sans nuance. Cet arrêt traitait des anciennes présomptions qui prévoyaient explicitement une défense de mauvais fonctionnement ou d’utilisation incorrecte de l’éthylomètre approuvé, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. La nouvelle présomption d’exactitude de l’article 320.31(1) C.cr. garantit l’exactitude et la fiabilité des résultats sans cette possibilité de défense, dans la mesure où toutes les conditions d’application de cette présomption sont bien satisfaites.
  3.       La fiabilité des résultats de l’éthylomètre approuvé demeure évidemment au cœur du processus en place comme l’exige la Cour suprême depuis longtemps, mais cela est garanti, en outre, par le fait que l’éthylomètre approuvé est manipulé par une personne qui est dûment qualifiée, désignée et qui a su maintenir ses compétences au sens de la Politique au moment des faits, c’est-à-dire un TQE. Le Tribunal est convaincu que la manipulation d’un éthylomètre approuvé par un agent qui n’est pas ou plus un TQE est si intimement liée à la fiabilité du processus qu'elle suffit à elle seule à soulever un doute raisonnable sur la fiabilité des résultats obtenus.
  4.       Pour paraphraser la Cour d’appel dans l’arrêt Célant rendu deux mois après l’arrêt Cyr-Langlois, l’opinion professionnelle d’un TQE au sujet de la fiabilité des résultats demeure cruciale[176]. Cette tâche ne peut être confiée à n’importe qui comme le prétend le poursuivant. Seule une personne qui est bien un TQE au moment des faits peut émettre cette opinion. Le Tribunal ne peut se soustraire à conclure que, dans la mesure où toutes les autres conditions d’application de la présomption d’exactitude sont satisfaites, le fait que l’opérateur de l’éthylomètre approuvé ne soit plus un TQE devient sans importance. Le rôle de ce dernier demeure trop important pour les motifs déjà mentionnés.
  5.       L’effet net de tout ce qui précède est qu’un doute raisonnable subsiste dans l’esprit du Tribunal quant au fait que l’agent Verger-Leboeuf était bien un TQE le 1er janvier 2023 et, en conséquence, quant à la fiabilité des résultats générés à la suite de ses manipulations.
  6.       En résumé, ce doute raisonnable émerge de l’effet cumulatif des circonstances suivantes :
  1. L’acte de désignation dûment signé par le ministre ou le sous-ministre permettant à l’agent Verger-Leboeuf d’agir à titre de TQE n’a pas été produit et ce dernier ne l’a même jamais vu, alors que selon l’article 16 de la Politique il s’agit du seul document qui permet à un technicien d’agir à titre de TQE;
  2. L’agent Verger-Leboeuf n’a jamais pris connaissance de la Politique qui gouverne pourtant sa fonction de TQE, ce qui cadre mal avec ce que sa carte de qualification prévoit, mais qui est cohérent avec sa compréhension erronée qu’aucune conséquence ne découle du fait de ne pas s’y conformer;
  3. À deux reprises et pour des périodes significatives dans l’année précédant le présent dossier, l’agent Verger-Leboeuf a contrevenu à l’article 21a) de la Politique qui a pour objectif qu’il maintienne ses compétences et puisse agir à titre de TQE;
  4. Pour remédier à ces contraventions, l’agent Verger-Leboeuf a effectué des exercices qui collent à la partie supérieure de son registre d’actions, mais celle-ci n’est pas entièrement conforme au contenu de la Politique et la preuve ne démontre pas que les exercices effectués correspondent à la définition d’exercice qui figure à l’article 21a)ii) de la Politique;
  5. En conséquence, la preuve démontre que l’agent Verger-Leboeuf a contrevenu à la Politique et a été laissé à lui-même afin d’interpréter ses obligations à titre de TQE et n’a pas fait l’objet de la supervision requise à cet égard;
  6. Malgré l’effet combiné des articles 18, 24 et 26 de la Politique, le directeur, l’ENPQ et le ministre n’ont pas été informés ou sont demeurés passifs face à la situation entourant la qualification, la désignation et le maintien des compétences de l’agent VergerLeboeuf à titre de TQE, et ce, malgré leurs responsabilités à cet égard;
  7. L’ensemble de la preuve administrée tend à démontrer une forme de laxisme de la part des intervenants désignés par la Politique.
  1.       L’une des conditions d’application de la présomption d’exactitude étant la démonstration, hors de tout doute raisonnable, que l’agent ayant manipulé l’éthylomètre approuvé est un TQE, le Tribunal conclut que le poursuivant échoue à cette démonstration, et ce, même s’il a procédé à la fois par le dépôt d’une preuve documentaire que part le témoignage du TQE[177].
  2.       En effet, à défaut d’engager cette présomption, le poursuivant a tenté de démontrer par le témoignage de l’agent Verger-Leboeuf et de son collègue l’exactitude et la fiabilité des résultats des analyses des échantillons d’haleine prélevés de l’accusé. Selon le Tribunal, le rôle du TQE demeure central au processus en place pour les motifs mentionnés, et ce, que la présomption d’exactitude soit ou non engagée.
  3.       À cet égard, le Tribunal partage l’analyse du juge Claude Lachapelle dans l’affaire Cossette[178] où il traite de la qualité de la preuve présentée par le poursuivant qui décide de faire sa preuve sans bénéficier de la présomption d’exactitude :

« 68  En l'instance, bien que le poursuivant ne cherche pas à utiliser le raccourci de la présomption, la preuve de la valeur cible est hautement pertinente afin de démontrer la fiabilité de l'alcootest et par conséquent la fiabilité des résultats de l'analyse des échantillons d'haleine.


69  Il serait illogique que, pour bénéficier du raccourci de la présomption, le poursuivant ait l'obligation de présenter une preuve légalement admissible de la valeur cible alors qu'il en serait dispensé lorsqu'il, comme en l'instance, désire utiliser la preuve au long. La qualité de la preuve de ladite valeur ne peut être moindre.[179] » (soulignements ajoutés)

  1.       Appliquant ce raisonnement en l’espèce, cela signifie que le poursuivant ne pouvait présenter une preuve d’une moindre valeur que ce qui est prévu à la présomption d’exactitude pour tenter de démontrer autrement l’exactitude et la fiabilité des résultats générés. Avec le bénéfice ou non de la présomption d’exactitude, l’éthylomètre approuvé doit avoir été manipulé par un TQE.
  2.       Comme le souligne le juge Alexandre Boucher dans l’affaire Brisson[180], puisque le Tribunal ne peut « considérer comme acquise l’exactitude des mesures éthylométriques[181] » sans le bénéfice de la présomption, le poursuivant « aurait possiblement pu établir cette exactitude au moyen du témoignage du technicien qualifié complété par le témoignage d'un toxicologue expert[182] ». Cela n’a pas été fait.
  3.       Voilà pourquoi, même sans le bénéfice de la présomption d’exactitude, le poursuivant devait démontrer que l’agent Verger-Leboeuf était bien un TQE au moment des faits. Un doute raisonnable subsiste à cet égard ainsi qu’au sujet de la fiabilité des résultats.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACQUITTE l’accusé du deuxième chef d’accusation d’avoir eu une alcoolémie égale ou supérieure à 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang, dans les deux heures suivant le moment où il a cessé de conduire.

 

 

__________________________________

JEAN-PHILIPPE MARCOUX, J.C.Q.

 

Me Audrey Robitaille

Procureure du poursuivant

 

 

Me Alexandre Bergevin

Procureur de l’accusé

 

Date d’audience : 30 octobre 2024

 


[1] Ci-après « TQE »

[2] Ci-après « C.cr. »

[3] À la fin de l’audition de la preuve dans le cadre du voir-dire traitant d’une requête en exclusion de preuve qui a éventuellement été rejetée par le Tribunal, le poursuivant concède qu’il ne pourra satisfaire son fardeau de preuve relativement au premier chef d’accusation. Le Tribunal est du même avis et a acquitté l’accusé de ce chef d’accusation séance tenante.

[4] Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre, signée le 9 février 2020 par la sous-ministre de la Sécurité publique, D-1.

[5] Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre, signée le 9 février 2020 par la sous-ministre de la Sécurité publique, D-1.

[6] Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre, signée le 7 mars 2024 par le sous-ministre de la Sécurité publique, D-2.

[7] Une première version a vu le jour le 1er février 2008, ensuite une deuxième le 9 février 2020 et une troisième le 7 mars 2024.

[8] Article 21a) de la Politique, D-1.

[9] Article 21b) de la Politique. D-1.

[10] Articles 24 et 25 de la Politique. D-1.

[11] R. c. Léonard, no 765-01-037034-218, 30 novembre 2023, j. Marc-Nicolas Foucault (C.Q.) (non rapporté).

[12] R. c. Fournier, 2024 QCCM 39, en appel devant la Cour supérieure du Québec : no 540-36-001333-243.

[13] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755.

[14] R. c. Fournier, 2024 QCCM 39, par. 62, en appel devant la Cour supérieure du Québec : no 540-36-001333-243.

[15] R. c. Fournier, 2024 QCCM 39, par. 64, en appel devant la Cour supérieure du Québec : no 540-36-001333-243.

[16] R. c. Fournier, 2024 QCCM 39, par. 65 à 69, en appel devant la Cour supérieure du Québec : no 540-36-001333-243.

[17] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 36 à 51.

[18] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 52 à 59.

[19] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 60-61.

[20] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 62 à 72.

[21] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 73.

[22] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 74.

[23] R. c. Labbé, no 350-01-043148-235, 14 mars 2024, j. Thomas Jacques (C.Q.) (non rapporté).

[24] R. c. Labbé, no 350-01-043148-235, 14 mars 2024, j. Thomas Jacques (C.Q.) (non rapporté).

[25] R. c. Basque, 2024 QCCM 55.

[26] R. c. Basque, 2024 QCCM 55, par. 37.

[27] R. c. Basque, 2024 QCCM 55, par. 39.

[28] R. c. Basque, 2024 QCCM 55, par. 40.

[29] R. c. Daigle, 2024 QCCQ 7098, par. 21.

[30] R. c. Daigle, 2024 QCCQ 7098, par. 23.

[31] R. c. Daigle, 2024 QCCQ 7098, par. 40.

[32] R. c. Daigle, 2024 QCCQ 7098, par. 48.

[33] R. c. Daigle, 2024 QCCQ 7098, par. 60.

[34] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187, par. 2, 3, 33 à 35, 37, 40, 41, 45, 48, 51, 52, 59, 63, 65, 69, 72, 76, 88, 91 et 94.

[35] R. c. Alex, [2017] 1 R.C.S. 967, par. 4, 27, 34, 35, 36, 42 et 44.

[36] R. c. Gubbins, [2018] 3 R.C.S. 35, par. 44, 45, 47 et 48.

[37] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 1, 3, 4, 5, 13 à 19.

[38] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187, par. 38, 41, 52 et 72.

[39] Legault c. R., 2024 QCCA 1136, par. 181.

[40] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456.

[41] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 3.

[42] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 4.

[43] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 3.

[44] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 16.

[45] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 16.

[46] R. c. Wolfe, 2024 CSC 34.

[47] R. c. Wolfe, 2024 CSC 34, par. 11.

[48] R. c. Wolfe, 2024 CSC 34, par. 12.

[49] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 3.

[50] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794.

[51] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 14.

[52] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 14.

[53] Legault c. R., 2024 QCCA 1136.

[54] Legault c. R., 2024 QCCA 1136, par. 167.

[55] R. c. Gubbins, [2018] 3 R.C.S. 35.

[56] R. c. Gubbins, [2018] 3 R.C.S. 35, par. 6 et 7.

[57] Legault c. R., 2024 QCCA 1136, par. 38.

[58] R. c. Larocque, 2024 NBCA 4, permission d’en appeler à la Cour suprême accueillie : [2024] C.S.C.R. no 67.

[59] Legault c. R., 2024 QCCA 1136, par. 168

[60] R. c. Larocque, 2024 NBCA 4, par. 45, permission d’en appeler à la Cour suprême accueillie : [2024] C.S.C.R. no 67.

[61] Contrairement à l’analyse d’un échantillon de sang prévue à l’art. 320.31(3) C.cr. où le législateur précise ce qui ne constitue pas une preuve tendant à démontrer que l’analyse a été effectuée incorrectement.

[62] Auparavant prévue à l’article 258(1)c) C.cr.

[63] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456.

[64] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794.

[65] Art. 320.31(1) C.cr.

[66] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 14.

[67] R. c. Vigneault, 2024 QCCA 793, par. 12, permission d’en appeler à la Cour suprême produite : [2024] C.S.C.R. no 354.

[68] R. c. Vigneault, 2024 QCCA 793, par. 12, permission d’en appeler à la Cour suprême produite : [2024] C.S.C.R. no 354; Falcon c. R., 2020 QCCA 867, par. 21 et 22; R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 14 et 16.

[69] Falcon c. R., 2020 QCCA 867, par. 22.

[70] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 17.

[71] Art. 320.32(1) C.cr.

[72] R. c. Vigneault, 2024 QCCA 793, par. 11, permission d’en appeler à la Cour suprême produite : [2024] C.S.C.R. no 354.

[73] Art. 320.32(1) C.cr.

[74] Art. 320.33 C.cr.

[75] R. c. Vigneault, 2024 QCCA 793, par. 17, permission d’en appeler à la Cour suprême produite : [2024] C.S.C.R. no 354.

[76] R. c. Vigneault, 2024 QCCA 793, par. 15, permission d’en appeler à la Cour suprême produite : [2024] C.S.C.R. no 354.

[77] R. c. Gubbins, [2018] 3 R.C.S. 35, par. 58.

[78] R. c. Vigneault, 2024 QCCA 793, par. 15, permission d’en appeler à la Cour suprême produite : [2024] C.S.C.R. no 354.

[79] R. c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451, par. 31.

[80] R. c. Green, [1992] 1 R.C.S. 614.

[81] R. c. Green, [1992] 1 R.C.S. 614, par. 4.

[82] Célant c. R., 2019 QCCA 198.

[83] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 16.

[84] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 20.

[85] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 21.

[86] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 23.

[87] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 26.

[88] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 27.

[89] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 25 à 27.

[90] Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. l-21, articles 44f) (voir la version anglaise pour l’utilisation du terme « substance ») et 45(2).

[91] Art. 36 de la Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, L.C. 2018, ch. 21.

[92] Voir par exemple P-10.

[94] Art. 320.31(1) C.cr.

[95] Art. 320.4a) C.cr.

[96] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456, par. 40 de la dissidence.

[97] R. c. Alex, [2017] 1 R.C.S. 967.

[98] R. c. Alex, [2017] 1 R.C.S. 967, par. 4 et 27.

[99] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187.

[100] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187, par. 66.

[101] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187, par. 97 à 100.

[102] Certificat du technicien qualifié du 1er janvier 2023 visant l’accusé, P-10.

[103] Art. 320.33 C.cr.

[104] Voir les fiches d’imprimante de l’éthylomètre approuvé, P-8 et P-9.

[105] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 24.

[106] R. c. Daigle, 2024 QCCQ 7098, par. 49.

[107] Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. l-21.

[108] Art. 2(1)a) Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. l-21.

[109] Art. 2(1)b) Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. l-21.

[110] Art. 320.38 a) à f) C.cr.

[111] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 58.

[112] « Section 1 – Préambule »; « Section 2 – Qualification et désignation »; « Section 3 – Limitation »; « Section 4 – Révocation ».

[113] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 58.

[114] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 58.

[115] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 58.

[116] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 58.

[117] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 63.

[118] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 64-65.

[119] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 64.

[120] Art. 320.4a) C.cr.

[121] Art. 2 C.cr.

[122] Art. 3, 4 et 11 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique, chapitre M-19.3.

[123] Art. 2 de la Politique, D-1.

[124] Art. 10 de la Politique, D-1.

[125] Art. 18 de la Politique, D-1.

[126] Art. 21 de la Politique, D-1.

[127] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 50.

[128] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 50 à 55.

[129] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 64-65.

[130] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération Canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 58.

[131] R. c. Wolfe, 2024 CSC 34 par. 32, citant Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21; Wood c. Schaeffer, [2013] 3 R.C.S. 1053, par. 33.

[132] R. c. Wolfe, 2024 CSC 34 par. 32-33.

[133] Wood c. Schaeffer, [2013] 3 R.C.S. 1053, par. 33.

[134] Art. 8 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique, chapitre M-19.3.

[135] Art. 9 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique, chapitre M-19.3.

[136] Art. 304 de la Loi sur la police, chapitre P-13.1

[137] Green c. Société du Barreau du Manitoba, [2017] 1 R.C.S. 360, par. 42.

[138] Art. 11 de la Politique, D-1.

[139] Art. 12 de la Politique, D-1.

[140] Art. 12 de la Politique, D-1.

[141] Art. 16 de la Politique, D-1.

[142] Art. 17 de la Politique, D-1.

[143] Art. 16 de la Politique, D-1.

[144] Art. 24 de la Politique, D-1.

[145] Art. 18 de la Politique, D-1.

[146] Art. 1 de la Politique, D-1.

[147] Art. 18 de la Politique, D-1.

[148] Art. 27a) de la Politique, D-1.

[149] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 73.

[150] R. c. L.T.H., [2008] 2 R.C.S. 739, par. 47.

[151] R. c. Jarvis, [2019] 1 R.C.S. 488, par. 119.

[152] Art. 1 de la Politique, D-1.

[153] R. c. Aubron, 2024 QCCQ 7755, par. 62 à 70.

[154] Green c. Société du Barreau du Manitoba, [2017] 1 R.C.S. 360.

[155] Green c. Société du Barreau du Manitoba, [2017] 1 R.C.S. 360, par. 46.

[156] Green c. Société du Barreau du Manitoba, [2017] 1 R.C.S. 360, par. 48.

[157] Art. 21a)i) et ii) de la Politique, D-1.

[158] R. c. Oliver, [1981] 2 R.C.S. 240, par. 28.

[159] R. c. Oliver, [1981] 2 R.C.S. 240.

[160] R. c. Basque, 2024 QCCM 55, par. 31 à 43.

[161] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187, par. 2 et 13.

[162] R. c. St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. 187, par. 17.

[163] Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre, signée le 7 mars 2024 par le sous-ministre de la Sécurité publique, D-2.

[164] R. c. Breault, 2023 CSC 9, par. 42.

[165] P-10.

[166] P-8 et P-9.

[167] P-6.

[168] P-7.

[169] Carte de qualification émise par l’ENPQ le 17 avril 2019, P-3.

[170] Carte de qualification émise par l’ENPQ le 17 avril 2019, P-3.

[171] Carte de qualification émise par l’ENPQ le 17 avril 2019, P-3.

[172] License d’accréditations émise par l’ENPQ le 16 mai 2024, P-4.

[173] Registre d’actions du technicien qualifié en éthylomètre de l’agent Nicolas Verger-Leboeuf, P-5.

[174] Registre d’actions du technicien qualifié en éthylomètre de l’agent Nicolas Verger-Leboeuf, P-5.

[175] R. c. Cyr-Langlois, [2018] 3 R.C.S. 456.

[176] Célant c. R., 2019 QCCA 198, par. 26.

[177] R. c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451, par. 31.

[178] Cossette c. R., 2020 QCCQ 9298.

[179] Cossette c. R., 2020 QCCQ 9298, par. 68-69.

[180] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794.

[181] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 28.

[182] R. c. Brisson, 2020 QCCS 3794, par. 28.

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