Décision

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Barreau de Montréal c. Karkar

2025 QCCQ 1714

 

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre criminelle et pénale »

 :

500-61-502801-195

 

 500-61-502803-191
500-61-502804-199
500-61-502805-196
500-61-502802-193

 

DATE :

7 avril 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE 

L’HONORABLE

DAVID SIMON, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

BARREAU DE MONTRÉAL

Poursuivant

c.

ANTHONY KARKAR

Défendeur

______________________________________________________________________

 

DÉTERMINATION DE LA PEINE

Version caviardée[1]

______________________________________________________________________

 

 

MISE EN GARDE : Le Tribunal réitère l’ordonnance interdisant la publication et diffusion de tous renseignements susceptibles de révéler l’identité des demandeurs en matière d’immigration et en matière familiale (les clients).

I.     aperçu

  1.                 Anthony Karkar (« M. Karkar ») a été avocat et membre du Barreau pendant près de 17 ans. Il a exercé principalement dans le domaine de l’immigration, et ce à partir de son bureau situé au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401. Radié à la fin du mois de septembre 2017, il ne s’est jamais réinscrit au Tableau de l’Ordre.
  2.                 À partir de l’automne 2018, Me Nathalie Guertin, enquêtrice en matière d’exercice illégal de la profession d’avocat pour le Barreau de Montréal et le Barreau du Québec reçoit, par l’entremise du Bureau du syndic, des plaintes déposées par des particuliers selon lesquelles M. Karkar exercerait illégalement la profession d’avocat. Ces plaintes vont faire l’objet d’une enquête.
  3.                 Fort des renseignements recueillis au cours de son enquête, Me Guertin rédige une dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition. Le 5 juillet 2019, le juge de paix magistrat Pierre-David Cyr, sur la foi de cette dénonciation, autorise une perquisition au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401. La perquisition a lieu le 10 juillet 2019. 
  4.                 Les documents saisis dans le cadre de cette perquisition et autres renseignements complémentaires obtenus par la suite amènent le Barreau de Montréal à déposer 30 chefs d’accusation[2] à l’endroit de M. Karkar.
  5.                 Les chefs d’accusation sont répartis dans six dossiers distincts identifiés comme étant les dossiers A, B, C, D, E et F. D’un commun accord, ces dossiers ont fait l’objet d’un seul et unique procès. Le défendeur a choisi de ne pas être assisté d’un avocat.
  6.                 Le 14 juin 2024, au terme d’un long procès, j’ai déclaré M. Karkar coupable de 17 chefs d’accusation relatifs à l’exercice illégal de la profession d’avocat, presque exclusivement en rapport avec des dossiers d’immigration[3]. Les chefs d’accusation en question sont répartis dans les dossiers A, B, C, E et F – M. Karkar ayant été acquitté de l’ensemble des accusations dans le dossier D.
  1.                 Plus précisément, dans le dossier A, M. Karkar a été déclaré coupable de deux chefs d’accusation (chefs nos 1 et 2) en lien avec l’infraction suivante[4] :

D’avoir, sans être membre en règle du Barreau du Québec, exercé illégalement la profession d’avocat en agissant de manière à donner lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes en prenant le titre d’avocat dans un échange de courriel avec un particulier[5], le tout contrairement aux articles 132, 133c) et 136a) de la Loi sur le Barreau et à l’article 188 du Code des professions.

  1.                 Dans le dossier B, M. Karkar a été déclaré coupable d’un seul chef d’accusation (chef no 1) en lien avec l’infraction suivante :

D’avoir, sans être membre en règle du Barreau du Québec, exercé illégalement la profession d’avocat en préparant et rédigeant, pour et au nom de certaines personnes[6], une procédure destinée à servir devant la Cour supérieure, soit une demande conjointe de divorce, le tout contrairement aux articles 128.1b), 132 et 133b) de la Loi sur le Barreau et à l’article 188 du Code des professions.

  1.                 Dans le dossier C, M. Karkar a été déclaré coupable de 11 chefs d’accusation (chefs nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 12) en lien avec l’infraction suivante :

D’avoir, sans être membre en règle du Barreau du Québec, exercé illégalement la profession d’avocat en préparant et rédigeant, pour et au nom de diverses personnes[7], des procédures destinées à servir devant la Cour fédérale, contrairement aux articles 128.1b), 132 et 133b) de la Loi sur le Barreau et à l’article 188 du Code des professions.

  1.            Dans le dossier E, M. Karkar a été déclaré coupable d’un seul chef d’accusation (chef no 1) en lien avec l’infraction suivante :

D’avoir, sans être membre en règle du Barreau du Québec, exercé illégalement la profession d’avocat en usurpant les fonctions d’avocat en procurant à une personne les services d’une avocate[8] aux fins de prendre recours devant la Cour fédérale sans que cette personne ne soit responsable envers l’avocate pour ses frais, le tout contrairement aux articles 132, 133a) et 135 c) de la Loi sur le Barreau et à l’article 188 du Code des professions.

  1.            Enfin, dans le dossier F, M. Karkar a été déclaré coupable de deux chefs d’accusation (chefs nos 1 et 2). Bien que les accusations visent la même infraction, leur libellé respectif comporte des éléments distinctifs, de sorte qu’il y a lieu de reproduire les deux chefs intégralement :

Chef no 1

D’avoir, sans être membre en règle du Barreau du Québec, exercé illégalement la profession d’avocat en agissant de manière à donner lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes auprès de divers clients en préparant des demandes en matière d’immigration sans être dans les conditions de représentation prévues par la loi, le tout contrairement aux articles 132 et 133c) de la Loi sur le Barreau et à l’article 188 du Code des professions.

Chef no 2

D’avoir, sans être membre en règle du Barreau du Québec, exercé illégalement la profession d’avocat en agissant de manière à donner lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes auprès de divers clients en recevant des sommes de divers clients à titre d’honoraires ou pour des mandats de nature juridique, le tout attesté par la remise de reçus détaillés, contrairement aux articles 132 et 133c) de la Loi sur le Barreau et à l’article 188 du Code des professions.

  1.            Les infractions commises par M. Karkar s’échelonnent entre le mois de décembre 2017 et le début du mois de juillet 2019 (quelques jours avant la perquisition), période durant laquelle il n’était plus inscrit au Tableau de l’Ordre, mais continuait à fréquenter assidûment le 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401.

II.     La position des partieS

  1.            Selon l’article 132 de la Loi sur le Barreau, lu conjointement avec l’article 188 du Code des professions, chacune des infractions commises par M. Karkar est passible d’une amende, dans le cas d’une personne physique, d’au moins 2 500 $ et d’au plus 62 500 $. En cas de récidive, le minimum et le maximum de l’amende sont portés au double.
  2.            Pour le Barreau de Montréal (« le poursuivant »), nous ne sommes pas dans un cas de récidive, et ce bien que M. Karkar ait déjà été déclaré coupable d’exercice illégal de la profession d’avocat par la juge Julie Laliberté le 22 février 2021[9]. Les faits à l’origine de cette déclaration de culpabilité sont cependant survenus entre le 13 août et le 19 septembre 2019[10], soit après la perquisition du 10 juillet 2019. L’infraction commise dans le dossier traité par la juge Laliberté est donc postérieure à celles qui nous occupent.
  3.            En l’absence de récidive, le poursuivant suggère l’imposition de la peine minimale – 2 500 $ – sur chacun des chefs d’accusation dans les dossiers A (deux chefs), B (un chef) et C (11 chefs). Il propose une amende de 3 500 $ pour l’infraction commise dans le dossier E (un chef). Enfin, il m’invite à infliger une amende de 40 000 $ sur chacun des deux chefs d’accusation dans le dossier F[11]. Le poursuivant réclame donc un montant total de 118 500 $.
  4.            Étant des peines minimales, les amendes sollicitées dans les dossiers A, B et C ne font pas l’objet de contestation de la part de M. Karkar. Il y a donc consensus à leur égard. En revanche, M. Karkar s’oppose aux amendes suggérées par le poursuivant dans les dossiers E et F. Il plaide qu’elles sont démesurées. Selon lui, il devrait aussi bénéficier de la peine minimale dans les dossiers E (un chef) et F (deux chefs), soit 2 500 $ sur chacun des chefs d’accusation. Le montant cumulé des amendes à payer serait donc de 42 500 $ (17 x 2 500 $).

III.     la question en litige

  1.            Considérant la position respective des parties, je suis appelé à établir le montant des amendes qui seront imposées à M. Karkar pour les infractions commises dans les dossiers E et F.
  2.            Ce faisant, je dois m’assurer que le montant total des amendes (c.-à-d. pour l’ensemble des dossiers) respecte les principes de proportionnalité et de totalité de la peine, tout en tenant compte de la capacité de payer de M. Karkar. Nous y reviendrons.
  3.            Dans cette optique, il importe de revenir d’abord sur les circonstances des infractions. Suivront ensuite un survol de la preuve administrée au stade de l’audience sur la peine, l’énoncé des principes applicables et, enfin, la détermination des peines appropriées.

IV.     les circonstances des infractions

  1.            Les circonstances des infractions sont rapportées dans le jugement sur la culpabilité[12]. Ce jugement doit être considéré comme faisant partie intégrante des présents motifs.
  2.            Une remise en contexte est toutefois utile. Les éléments retenus à l’issue du procès qui sont pertinents pour les fins de la détermination de la peine sont les suivants :

Perquisition de la suite no 401 et démarches complémentaires

      M. Karkar était sur les lieux lors de la perquisition effectuée au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401, le 10 juillet 2019. La perquisition a débuté dans le bureau identifié comme la pièce « C ». Il y avait un volume important de dossiers et autres documents dans ce bureau. C’était le seul bureau de la suite no 401 qui semblait réellement occupé.

      M. Karkar était présent en tout temps dans la pièce « C » lors de la fouille des lieux et la saisie des documents dans ce bureau. Il fournissait des renseignements aux enquêteurs en leur indiquant notamment l’identité de l’avocat responsable de chacun des dossiers saisis. Il a également imprimé des listes de clients à partir de l’ordinateur fixe situé dans ce bureau. Il a exprimé des préoccupations quant au caractère privilégié de certains documents.

      Les enquêteurs ont notamment saisi les éléments suivants dans la pièce « C » (dans l’ordinateur fixe ou en format « papier ») :

      échanges de courriels entre M. Karkar et des clients, divers actes de procédures (demandes en divorce, demandes de contrôle judiciaire et autres demandes connexes en matière d’immigration);

      divers formulaires en lien avec des demandes en matière d’immigration; une facture émise par l’étude pour services rendus à une cliente (Mme xxxxx);

      un livret de divers reçus manuscrits destinés aux clients du bureau; des reçus officiels de la Cour fédérale et de Citoyenneté et Immigration Canada (« CIC »[13]) pour le paiement des frais;

      des cartes d’affaires au nom du défendeur (avec la mention « Anthony Karkar Avocat/Lawyer »), et au nom de Me Nadia Ciale (une avocate qui occupait un bureau au sein de la suite no 401 à l’époque de la perquisition);

      des pages de l’agenda de M. Karkar;

      des fiches « clients »;

      des listes de dossiers (actifs et fermés) relevant de la responsabilité de Me Ciale, Me Jean-Rousseau Dorismé et Me Golshad Darroudi (ces deux derniers occupaient également un bureau au sein de la suite no 401 à l’époque de la perquisition);

      un chèque en date du 3 octobre 2018 à l’ordre de M. Karkar pour le paiement d’honoraires.

      Dans la foulée de la perquisition, Me Guertin a effectué diverses recherches sur l’internet à l’aide du navigateur « Google ». Elle a notamment tapé, comme « mots-clés », le numéro de téléphone professionnel de M. Karkar figurant sur l’attestation délivrée par le Barreau du Québec, soit le (514) 223-0427. Cette recherche, mise à jour le 19 octobre 2022, lui a permis de constater que ce numéro était toujours, sur l’internet, associé à M. Karkar en son statut d’avocat. Par exemple, l’un des sites identifiés par « Google » portait comme titre « Anthony Karkar Avocat in Montreal, QC, 514 223-0427 ».

Généralités révélées par la preuve

      Admis au Barreau en 2000, M. Karkar a développé une certaine expertise dans la pratique du droit de l’immigration. Il a exercé dans ce domaine pendant près de 17 ans, et ce toujours à partir du 4 rue Notre-Dame Est. Comme il l’affirme lui-même, il a travaillé dans plus de 8000 dossiers dont certains auraient fait jurisprudence.

      Le 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401 est un bureau d’avocats. Au moment des faits pertinents, les avocats y travaillaient de façon autonome et non au sein d’une même société. M. Karkar a toujours été l’unique signataire du bail. C’est lui qui avait l’entière responsabilité financière du bureau (y compris durant la période infractionnelle). Les avocats ne payaient ni loyer ni frais pour les dépenses de la suite no 401.

      M. Karkar a été radié du Tableau de l’Ordre le 27 septembre 2017. La période de radiation était d’une durée d’un an, de laquelle a été soustraite une période initiale purgée entre le 5 juillet et le 4 août 2016. La période de radiation s’est donc achevée vers la fin du mois d’août 2018[14]. M. Karkar ne s’est jamais réinscrit au Tableau de l’Ordre par la suite. Il n’est donc plus habilité à exercer la profession d’avocat depuis le 27 septembre 2017.

      M. Karkar a réintégré la suite no 401 au plus tard le 9 ou 10 septembre 2018[15]. Il a continué d’y travailler jusqu’au moment de la perquisition le 10 juillet 2019 et même au-delà de cette date, alors qu’il ne jouissait plus du statut d’avocat.

      Il occupait le bureau correspondant à la pièce « C » lorsqu’il travaillait à titre d’avocat. C’était également le cas lorsqu’il était sur les lieux postérieurement à la période de radiation. L’ordinateur fixe situé dans la pièce « C » (celui perquisitionné) était propriété de M. Karkar et à son nom. Ce bureau tenait un rôle central au cœur de la suite no 401.

      Il a interagi avec des clients du bureau postérieurement à sa radiation, c’est-à-dire durant la période infractionnelle. Il a notamment évoqué avec eux les frais et les honoraires associés au traitement de leur dossier respectif. À l’intérieur de cette période, il a confié des dossiers aux avocats du bureau et a rempli des demandes en matière d’immigration. Il a avancé les fonds pour les frais de traitement de certaines demandes. Il a aussi préparé et signé plusieurs reçus provenant du livret de reçus saisis dans la pièce « C ».

      Il est demeuré très actif, voire omniprésent, au sein du bureau d’avocats situé au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401, durant la quasi-totalité[16] de la période correspondant à celle des infractions. Ses fonctions au sein du bureau ne se limitaient certainement pas à être, comme il l’a soutenu au procès, l’assistant bénévole de Me Dorismé.

      Comme l’a indiqué Me Darroudi, dans les semaines qui ont précédé la perquisition, M. Karkar était présent au bureau quotidiennement, parfois même les samedis. Il travaillait beaucoup. Il lui arrivait de rencontrer des clients. Selon Me Darroudi, M. Karkar lui confiait des dossiers en matière d’immigration et lui présentait des clients. C’est M. Karkar qui payait les frais de CIC pour le traitement des diverses demandes en immigration.

La commission des infractions

      À partir de la preuve documentaire (découlant principalement de la perquisition du 10 juillet 2019) et de la preuve testimoniale, j’en suis arrivé aux conclusions suivantes eu égard à l’exercice illégal par M. Karkar de la profession d’avocat.

Dossier A (deux chefs) :

      La preuve a révélé hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a pris le titre d’avocat dans des échanges de courriels avec deux particuliers en lien avec des services professionnels en matière d’immigration. Les courriels ont été saisis dans l’ordinateur fixe situé dans le bureau occupé par M. Karkar.

      Dans les courriels destinés aux deux particuliers, la mention « Anthony Karkar Avocat » figure à côté de l’adresse électronique de M. Karkar ou à la fin du courriel, dans l’espace bloc signature. Les courriels en cause sont datés du 10 octobre 2017 et du 14, 15 et 19 décembre 2017. M. Karkar n’était pas membre du Barreau au moment de l’envoi de ces courriels. Il purgeait alors sa période de radiation, celle-ci ayant débuté le 27 septembre 2017, soit juste deux semaines avant l’envoi de l’un des courriels problématiques (celui du 10 octobre 2017).

      J’ai conclu que M. Karkar n’avait entrepris aucune démarche pour retirer la mention « Anthony Karkar Avocat » des courriels malgré l’entrée en vigueur récente de sa radiation. J’ai rejeté sa défense de diligence raisonnable en soulignant que la preuve tendait plutôt à révéler une absence totale de diligence. En prenant le titre d’avocat dans les courriels, M. Karkar a ainsi donné lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes. 

Dossier B (un chef) :

      La preuve a démontré hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a préparé et rédigé, pour et au nom d’un couple en instance de séparation, une demande conjointe de divorce destinée à servir devant la Cour supérieure. Cette procédure a été saisie en format « papier » dans le bureau occupé par M. Karkar. Elle a été signée par les parties le 23 mai 2018, alors que la période de radiation était encore en vigueur.

      J’ai rejeté la défense d’alibi de M. Karkar selon laquelle il était à l’étranger en date du 23 mai 2018, date de signature de la procédure, et ne pouvait donc en être l’auteur. J’ai même conclu que la preuve documentaire administrée au soutien de la défense d’alibi contredisait son affirmation voulant qu’il ait été à l’étranger en date du 23 mai 2018. En préparant et en rédigeant une procédure destinée à servir devant la Cour supérieure, M. Karkar a fait un acte du ressort exclusif de l’avocat en exercice.

Dossier C (11 chefs) :

      Le poursuivant a fait la preuve hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a préparé et rédigé, pour et au nom de divers demandeurs en matière d’immigration, une procédure intitulée « demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire » (« DACJ ») destinée à servir devant la Cour fédérale. La preuve – notamment de faits similaires – a démontré que M. Karkar a participé à la préparation et rédaction de 10 DACJ (chefs nos 1, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 12). La preuve a également démontré qu’il a participé à la préparation et la rédaction du dossier et du mémoire à l’appui de l’une des 10 DACJ (chef no 2)[17].  

      Certaines DACJ ont été obtenues par Me Guertin auprès du greffe de la Cour fédérale. D’autres ont été saisies en format « papier » dans le bureau occupé par M. Karkar ou dans l’ordinateur fixe s’y trouvant. Les DACJ sont signées par Me Ciale, Me Dorismé ou Me Darroudi. Toutes les DACJ ont été faites postérieurement à l’expiration de la période de radiation de M. Karkar. La première est en date du 19 octobre 2018, alors que M. Karkar était physiquement de retour sur son lieu de travail, quoique pas à titre d’avocat. La dernière est en date du 8 juillet 2019, deux jours avant la perquisition de la suite no 401.

      Soulignons que j’ai rejeté la dénégation générale de M. Karkar ainsi que son argument subsidiaire selon lequel la préparation et la rédaction d’une DACJ destinée à servir devant la Cour fédérale ne constituent pas des actes du ressort exclusif d’un avocat. L’alinéa 128.1b) de la Loi sur le Barreau est clair. Il prévoit qu’il est du ressort exclusif de l’avocat en exercice de préparer et rédiger une procédure (pour autrui) destinée à servir dans une affaire devant les tribunaux. M. Karkar n’avait donc pas le droit de préparer et de rédiger des DACJ pour et au nom d’autrui sans être membre en règle du Barreau.

Dossier E (un chef) :

      La preuve a démontré hors de tout doute raisonnable que M. Karkar, agissant comme intermédiaire entre une cliente (Mme xxxxx) et une avocate (Me Darroudi), a procuré à cette cliente les services professionnels de Me Darroudi aux fins de prendre recours devant la Cour fédérale, sans que la cliente ait à payer directement les frais de Me Darroudi.

      Dans le cadre du dossier C, j’avais déjà conclu que M. Karkar avait participé à la préparation et la rédaction d’une DACJ (signée par Me Darroudi en date du 2 juillet 2019) pour et au nom de Mme xxxxx (chef no 9 du dossier C). Cette DACJ a d’ailleurs été saisie en format « papier » dans son bureau.

      Concernant l’infraction portée au dossier E, outre le fait que M. Karkar ait préparé et rédigé une DACJ pour et au nom de Mme xxxxx, j’ai retenu les éléments suivants :

      Mme xxxxx a fait suivre la décision de l’Ambassade du Canada au Liban lui refusant le statut de résidente permanente au Canada à l’adresse courriel karkarrichard@aol.com qui est associée à M. Karkar.

      M. Karkar a confié ce dossier à Me Darroudi.

      Me Darroudi a relu et signé la DACJ. Elle n’a toutefois jamais rencontré ni parlé à Mme xxxxx avant d’apposer sa signature sur la procédure. La DACJ a été produite au greffe de la Cour fédérale le 2 juillet 2019.

      Une facture datée du 2 juillet 2019 à l’attention de Mme xxxxx pour un montant de 1 000 $ a été saisie (en format « papier ») dans le bureau occupé par le défendeur. La facture comporte le descriptif suivant : « demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de l’ambassade du Canada au Liban incluant frais de timbres, huissier, rédaction ». L’en-tête de la facture a comme adresse d’expéditeur : « ETUDES LEGALES 2019, 4 Notre-Dame Est Bur 401, Montreal, Québec H2Y 1B8, Canada ».

      Le défendeur a convenu d’avoir dit à Me Ciale ou Me Darroudi que ce type de dossier « valait 1 000 $ ». Il a confirmé que la facture avait été envoyée à Mme xxxxx.

      Me Darroudi n’a pas facturé Mme xxxxx et n’a jamais reçu une quelconque somme d’argent pour le travail effectué dans ce dossier. Ce n’était pas un mandat d’aide juridique. Elle ne savait pas que Mme xxxxxx avait été facturée.

      Les allégués de la DACJ révèlent que les motifs de la décision de l’Ambassade du Canada au Liban n’avaient pas encore été reçus en date du 2 juillet 2019. M. Karkar a été en mesure de préciser que l’Ambassade du Canada au Liban a envoyé le dossier complet de Mme xxxxx au 4 rue Notre-Dame Est par courrier le 17 juillet 2019. 

      À partir de ces faits établis, j’ai conclu que M. Karkar était la seule personne qui avait interagi avec Mme xxxxx dans le cadre de la préparation de la DACJ. Il était parfaitement au courant du déroulement du dossier. Bien que Mme xxxxx ait été facturée 1 000 $ pour les services professionnels rendus, Me Darroudi n’a jamais facturé, reçu ou encaissé ce montant. Mme xxxxx n’a pas payé les frais de Me Darroudi. Il n’y avait pas de relation « avocat-client » entre Me Darroudi et Mme xxxxx.

      En procurant à Mme xxxxx les services de Me Darroudi aux fins de présenter la DACJ devant la Cour fédérale, sans qu’elle soit redevable envers Me Darroudi de ses frais, M. Karkar a clairement usurpé les fonctions de Me Darroudi. M. Karkar n’a pas fait valoir une défense de diligence raisonnable et/ou une défense d’erreur de fait raisonnable. Quoi qu’il en soit, j’ai conclu qu’il n’avait pas pris toutes les précautions qu’une personne raisonnable, placée dans un contexte similaire, aurait prises pour prévenir l’acte prohibé.

Dossier F (deux chefs) :

      Contrairement aux autres dossiers, les deux chefs d’accusation pour lesquels j’ai déclaré M. Karkar coupable dans le dossier F ne se limitent pas à un acte commis auprès d’un seul client. Chacun des deux chefs regroupe des actes commis par M. Karkar auprès de plusieurs clients.

 Chef no 1

      Eu égard à ce chef d’accusation, la preuve a démontré hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a agi de manière à donner lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes auprès de divers clients en préparant des demandes d’immigration sans être dans les conditions de représentation prévues par la loi.

      L’accusation mettait en cause les agissements de M. Karkar en rapport avec 20 demandes d’immigration. Pour être déclaré coupable, le poursuivant devait d’abord démontrer hors de tout doute raisonnable que M. Karkar avait rempli des demandes d’immigration pour autrui à titre de représentant et qu’il avait été rétribué pour ses services à ce titre. La loi prévoit effectivement que seuls les avocats membres en règle du Barreau, les notaires ou les consultants réglementés peuvent agir à titre de représentants rémunérés[18].

      Le poursuivant ayant opté pour un chef unique visant l’ensemble des actes reprochés, je n’ai pas eu à déterminer si M. Karkar avait effectivement rempli toutes les demandes d’immigration moyennant rétribution. La preuve d’une seule demande d’immigration remplie par M. Karkar moyennant rétribution suffisait pour justifier une déclaration de culpabilité.

      J’ai conclu hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a rempli au moins sept demandes d’immigration. Pour ce qui est des 13 autres demandes, je me suis abstenu de me prononcer formellement, car il n’était pas indispensable de le faire. J’ai toutefois indiqué que la preuve relative à ces demandes était moins probante.

      J’ai ensuite conclu hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a été rétribué pour ses services à titre de représentant à l’égard d’au moins deux des sept demandes en question, à savoir : la demande pour proroger le statut de visiteur de Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx[19] et la demande de citoyenneté de M. xxxxxxx[20], un ami personnel de M. Karkar. Ces deux demandes ont été saisies en format « papier » dans le bureau occupé par M. Karkar.

      Concernant la demande pour proroger le statut de visiteur de Mme xxxxxxxxxxx xxxxx (signée le 27 février 2019), la preuve a révélé que M. Karkar a rédigé un reçu (daté du 19 mars 2019) au nom de la demanderesse pour un montant de 100 $ (avec un solde à payer de 100 $). Ce reçu comporte la mention « honoraires ». M. Karkar a lui-même confirmé qu’il attestait du paiement par Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx des honoraires. J’ai conclu que ce paiement était en lien avec la demande pour proroger son statut de visiteur remplie par M. Karkar et qu’il avait donc été rémunéré par Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx pour ses services à titre de représentant.

      Concernant la demande de citoyenneté de M. xxxxxxx (signée le 3 avril 2019), M. Karkar a admis l’avoir préparée dans son intégralité. M. xxxxxxx est venu à son bureau et a insisté pour payer des honoraires. M. Karkar lui a remis un reçu attestant du paiement. L’argent a été redistribué au bénéfice du « bureau », selon M. Karkar. Bien que la demande de citoyenneté ne désigne pas de représentant, j’ai conclu que M. Karkar avait minimalement conseillé ou donné des directives à M. xxxxxxx. Il a donc agi comme représentant. Au surplus, j’ai inféré, au vu de l’ensemble de la preuve, que l’argent du « bureau » était essentiellement l’argent de M. Karkar – ce qui m’a amené à conclure qu’il avait été rémunéré par M. xxxxxxx pour les services rendus à titre de représentant.

      En dernier lieu, j’ai conclu hors de tout doute raisonnable que les agissements de M. Karkar auprès de Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx et de M. xxxxxxx ont objectivement donné lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’un avocat ou à en faire les actes, en m’appuyant, entre autres, sur les éléments suivants :

      Les demandeurs se sont présentés à un bureau d’avocats pour obtenir des services en lien avec des questions relatives au droit de l’immigration.

      Ils y ont rencontré M. Karkar, une personne ayant pratiqué le droit de l’immigration pendant près de 17 ans et dont les coordonnées professionnelles figurent sur l’internet en son statut d’avocat.

      Il occupait son propre bureau, à l’instar de tous les avocats au sein de la suite no 401. Ce bureau était « vivant ». Plusieurs documents de nature juridique s’y trouvaient, ainsi que des cartes d’affaires et chèques à son nom en son titre d’avocat.

      M. Karkar a rempli leur demande en matière d’immigration à titre de représentant (pour Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx) ou agissant comme tel (pour M. xxxxxxx).

      Il a accepté de recevoir des honoraires pour le travail effectué et leur a remis un reçu attestant de leur paiement. Il a visiblement convenu du montant des honoraires avec eux.

Chef no 2

      Relativement à ce chef d’accusation, la preuve a démontré hors de tout doute raisonnable que M. Karkar a reçu de divers clients des sommes à titre d’honoraires ou pour des mandats de nature juridique. Il n’incombait pas au poursuivant d’établir que M. Karkar a encaissé ou perçu lesdites sommes.

      J’ai qualifié la preuve dans ce dossier d’accablante, compte tenu notamment des constats suivants :

      Les reçus manuscrits saisis en format « papier » dans le bureau occupé par M. Karkar attestent de la réception de montants d’argent déboursés par les clients pour des honoraires ou pour le paiement/remboursement de frais judiciaires reliés à des mandats de nature juridique. M. Karkar a admis qu’il était le rédacteur et/ou signataire de nombreux reçus, et donc d’avoir accusé réception des montants d’argent.

      La preuve a révélé que M. Karkar avait reçu des honoraires pour des services rendus en lien avec des demandes en matière d’immigration alors qu’il n’était pas un membre en règle du Barreau, y compris, pour en citer certaines, celles de Mme Diaz (dossier D)[21], Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx et M. xxxxxxx. La preuve a également révélé qu’il a convenu des frais à payer (y compris les honoraires, selon le cas) avec certains demandeurs dont, entre autres, M. xxxxxxxxx[22] et M. xxxxx[23].

      Me Darroudi a confirmé qu’elle n’a jamais reçu d’argent pour la majorité des mandats relevant de sa responsabilité, suggérant ainsi que c’est M. Karkar qui recevait les paiements dans ses dossiers. Le chèque de 500 $ pour « honoraires » fait par un particulier à l’ordre d’Anthony Karkar en date du 3 octobre 2018 (chèque saisi en format « papier » dans son bureau) est un autre élément de preuve circonstancielle appuyant la commission de l’infraction en cause.

      Pour les mêmes motifs que ceux exposés à l’égard du chef no 1, j’ai conclu hors de tout doute raisonnable que les agissements de M. Karkar – en l’occurrence de recevoir des sommes de divers clients à titre d’honoraires ou pour des mandats de nature juridique – ont donné lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’un avocat ou à en faire les actes.

      Par ailleurs, bien que M. Karkar ne les ait pas invoquées, j’ai conclu que la défense de diligence raisonnable et/ou la défense d’erreur de droit ne pouvaient l’exempter de responsabilité pénale, et ce tant à l’égard du chef no 1 que du chef no 2 du dossier F. M. Karkar a manifestement fait défaut de prendre toutes les précautions raisonnables pour éviter de commettre les actes prohibés.

  1.            En terminant, j’ajouterais que le témoignage de M. Karkar à l’étape du procès a été marqué par des contradictions, incompatibilités ou incohérences aussi nombreuses que significatives. Même confronté à des contradictions flagrantes, M. Karkar a trouvé réponse à tout, allant fréquemment jusqu’à dire une chose et son contraire. Il a tenté d’induire la Cour en erreur à de multiples reprises. À cet égard, je renvoie le lecteur à mon jugement sur la culpabilité, en particulier mes commentaires d’ordre général concernant la crédibilité de M. Karkar[24].

V.     La preuve administrée à l’audience sur la peine

  1.            J’aborderai ici les deux volets de la preuve administrée à l’étape de l’audience sur la peine : 1) la preuve du poursuivant visant à justifier les amendes sollicitées (en lien avec les dossiers E et F); et 2) le témoignage de M. Karkar, portant notamment sur sa situation personnelle et sa capacité de payer les amendes réclamées par le poursuivant.
  1.      La preuve du poursuivant
  1.            La preuve du poursuivant a été administrée par l’entremise du témoignage de Me Guertin. Ce témoignage vise avant tout à démontrer que M. Karkar a laissé perdurer la croyance qu’il est encore avocat, et ce même postérieurement à la perquisition du 10 juillet 2019 et du jugement sur la culpabilité prononcé le 14 juin 2024. En voici les grandes lignes.
  2.            Après avoir pris connaissance du jugement sur la culpabilité, Me Guertin a effectué une mise à jour de ses recherches sur l’internet concernant le numéro de téléphone professionnel de M. Karkar figurant sur l’attestation délivrée par le Barreau du Québec, soit le (514) 223-0427.
  3.            En date du 21 juin 2024, en utilisant le navigateur « Google », Me Guertin a constaté que ce numéro était toujours associé à M. Karkar en son statut d’avocat avec comme adresse le 4 rue Notre-Dame Est. La recherche révèle que la fenêtre du navigateur « Google » correspondant au profil de l’entreprise reliée au numéro (514) 223-0427 contient la mention « Anthony Karkar Avocat », son adresse professionnelle (le 4 rue Notre-Dame Est) ainsi que l’indication de l’existence de « 30 avis Google »[25].
  4.            En cliquant sur la mention « 30 avis Google », il est possible de prendre connaissance des avis publiés par des particuliers et de les situer dans le temps. Me Guertin a fait des captures d’écran de ces avis. En voici un échantillonnage à titre illustratif avec les avis reproduits fidèlement[26] : 

xxxxxxxxxxxxxxx

21 avis. 2 photos

 Il y a 11 mois

Very professional

Very Humble

xxxxxxxxxxxxxxx

22 avis. 3 photos

 Il y a un an

Service excellent!

xxxxxxxxxxxx

18 avis. 18 photos

 Il y a un an

Meilleur des meilleurs un avocat à l’écoute […] demande d’asil pui demande de parrainage bien fait et fermer depuis 2018. Aujourd’hui je suis citoyen canadien grâce à votre soutien et votre bonne conseil et votre professionnalisme

xxxxxxxxxxxxxx

1 avis

 Il y a un an

Le meilleur avocat de Montréal. Humaine, honnête et brillant.

  1.            Selon la compréhension de Me Guertin, la référence temporelle, par exemple « il y a 11 mois », correspond au temps écoulé entre le moment de la publication et la date de la recherche sur le navigateur (le 21 juin 2024). Le dénommé xxxxxxxxxxxxxxx aurait donc publié son avis au mois de juillet 2023 et l’individu se présentant comme xxxxxx xxxxxxx au mois de juin 2023.
  2.            Me Guertin a consulté les avis le matin même de l’audience sur la peine. Elle a noté qu’il n’y avait plus d’avis comportant la mention « Il y a deux mois » alors que c’était le cas en date du 21 juin 2024[27]. Elle en infère deux constats : (1) la référence temporelle dans les avis est fonction de la date de la recherche et; (2) aucun avis n’a été publié dans les deux mois qui ont précédé l’audience sur la peine. Me Guertin convient qu’il n’est pas possible d’identifier avec certitude à quand remontent les services rendus par l’avocat dont il est question dans les avis.  
  3.            Me Guertin a également effectué une vérification le 21 juin 2024 sur le site « Canada 411 » avec le numéro (514) 223-0427. La recherche a donné comme résultat les renseignements suivants[28] :

Anthony Karkar Avocat

4 rue Notre-Dame E, Montréal QC H2Y 1 B8

514-223-0427 Principal

Détails et description

Anthony Karkar Avocat peut vous conseiller dans vos démarches juridiques. Cet avocat pratique dans des domaines juridiques comprenant le droit familial, le droit collaboratif et le droit civil. Il est disponible comme aidant juridique, avocat d’appel, avocat, magistrat ou procureur. Anthony Karkar Avocat sait gérer vos besoins légaux dans les problèmes conjugaux et peut vous aider. moins..

  1.            Me Guertin a composé le numéro (514) 223-0427 le 21 juin 2024. Elle a pu constater que la ligne était toujours en fonction. Le message d’accueil ne faisait plus référence à Anthony Karkar. La boîte vocale était pleine.
  2.            Dans le cadre du contre-interrogatoire de Me Guertin, celle-ci a été invitée par M. Karkar à refaire en salle d’audience – en date du 4 novembre 2024 – les mêmes recherches que celles effectuées sur l’internet le 21 juin 2024. Un ordinateur et un écran ont été mis à la disposition du témoin.
  3.            L’exercice réalisé sur le navigateur « Google » révèle que le numéro (514) 223-0427 était encore, au moment de l’audience sur la peine, associé à M. Karkar en son statut d’avocat[29]. Quant à l’exercice sur le site « Canada 411 », il permet de constater que le numéro (514) 223-0427 était désormais associé à trois entreprises : (1) « Karkar Anthony Avocat » au 4 rue Notre-Dame Est; (2) « Anthony Karkar Avocat » au 204 rue Notre-Dame Ouest; et (3) « Rousseau Dorisme » au 204 rue Notre-Dame Ouest[30].
  1.      Le témoignage de M. Karkar
  1.            À l’instar du témoignage de M. Karkar au procès, celui au stade de la détermination de la peine a été difficile à suivre et comporte de nombreuses affirmations hors sujet. Je me contenterai d’en résumer les éléments pertinents.
  2.            Rappelons, dans un premier temps, que le poursuivant sollicite une amende de 3 500 $ dans le dossier E, montant qui excède de 1 000 $ le minimum prévu par la loi. Le poursuivant justifie l’amende réclamée au motif que c’est M. Karkar (et non Me Darroudi) qui a reçu le montant de 1 000 $ facturé à Mme xxxxx pour la préparation et la rédaction de la DACJ. M. Karkar nie catégoriquement avoir reçu ou encaissé un tel montant.
  3.            Relativement aux recherches sur l’internet mises à jour par Me Guertin, M. Karkar avance qu’il n’exerce aucun contrôle sur le contenu de « Google » et de « Canada 411 ». Il dit que c’est impossible pour lui de retirer ou corriger les renseignements le concernant sur ces sites. Il prétend que c’est le Barreau qui aurait dû entreprendre des démarches pour retirer les renseignements associant son nom et le numéro de téléphone (514) 223-0427 au statut d’avocat. Enfin, il allègue que ce numéro correspond, depuis le mois de mai 2024, à celui de Me Dorismé.  
  4.            De plus, M. Karkar affirme qu’il ne connaît pas certaines des personnes ayant publié les avis sur « Google ». Pour les autres, il les aurait effectivement représentées, mais bien avant l’entrée en vigueur de la période de radiation.
  5.            Eu égard à sa situation personnelle et sa capacité de payer les amendes réclamées, M. Karkar précise qu’il est à la retraite. Il a 70 ans (au moment de l’audience sur la peine). Il dresse le bilan financier suivant :

      Il reçoit une pension vieillesse de l’ordre de 4 500 $ par mois – un montant qui est selon lui non imposable.

      Il reçoit également une pension du Gouvernement du Liban, ayant été officier militaire dans ce pays entre 1976 et 1982 (le montant n’a pas été précisé).

      Il paye un montant de 1 680 $ par mois pour la location de son appartement (chauffage/électricité inclus).

      Auprès de la Banque CIBC (en date du 5 novembre 2024)[31], il est détenteur d’un compte-chèques avec un solde de 515,15 $, d’un compte d’épargne avec un solde de 540,81 $, d’une carte de crédit CIBC Visa avec un solde à payer de 9 174,20 $, d’une deuxième carte de crédit CIBC Visa avec un solde à payer de 3 147,59 $ et d’un certificat de placement garanti d’une valeur de 4 000 $. Les limites sur les cartes de crédit sont de 11 000 $.

      Auprès de la Banque Nationale (en date du 5 novembre 2024)[32], il est détenteur d’un compte-chèques avec un solde de 1 629,05 $, d’un compte d’épargne avec un solde de 1 185,74 $, et d’une carte de crédit Mastercard Édition avec un solde à payer de 1 400,47 $. La limite sur cette carte de crédit est de 15 000 $.

      Auprès de la Banque Scotia (en date du 5 novembre 2024)[33], il est détenteur d’un compte-chèques avec un solde de 3 532,61 $, d’un compte d’épargne avec un solde de 4 192,78 $, et d’une carte de crédit Visa minima Scotia avec un solde à payer de 7 548,72 $. La limite sur cette carte de crédit est de 25 000 $.

      Habituellement, M. Karkar parvient à payer les soldes de ses cartes de crédit lorsqu’ils sont dus.

      Il est propriétaire de quatre condominiums intégralement payés au Liban, dont la valeur aurait été estimée à 500 000 $ il y a deux ans. Les condominiums sont vacants.

      Ses frais mensuels de téléphone sont de l’ordre de 200 $ par mois. Ceux de câblodistribution s’élèvent à 104 $. Il dépense environ 100 $ par semaine pour les courses à l’épicerie, 110 $ par mois pour des médicaments et 1 200 $ par an pour des sorties au restaurant.

      Il est propriétaire d’un véhicule Volkswagen entièrement payé. Les frais d’assurance sont de l’ordre de 100 $ par mois. Il paye 300 $ par an pour le permis et la plaque d’immatriculation, 205 $ par an pour la vignette de stationnement, 40 $ par mois pour l’essence et 500 $ par an en frais d’entretien.

      Il voyage quatre fois par an au Liban. Le billet d’avion (aller-retour) lui coûte autour de 1 000 $. Sur place, il ne dépense presque rien.

      La conjointe de M. Karkar ne travaille plus. Elle a arrêté d’enseigner à HEC il y a 2 ans. Elle voyage trois fois par an au Brésil. Le billet d’avion (aller-retour) lui coûte autour de 1 000 $. C’est M. Karkar qui les paye.

      Les avis de cotisation de Revenu Canada pour les années d’imposition 2022 et 2023 font respectivement état d’un revenu total de 23 616 $ et 29 785 $ et d’un montant dû (solde à payer) de 8 087,29 $ et 8 487,68 $[34].

  1.            M. Karkar rapporte qu’il a continué à se rendre régulièrement au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401 jusqu’à la fin du mois de mai 2024 – date correspondant à l’expiration du bail. Il n’est plus l’assistant bénévole de Me Dorismé depuis le mois de février 2024, mais lui prodigue encore (à ce jour) des conseils gratuits. C’est également le cas auprès d’une dizaine d’autres avocats en immigration. 
  2.            M. Karkar convient qu’il fréquente[35] le 240 rue Saint-Jacques Ouest, suite no 800 (l’ancien bureau de Me Salif Sangaré[36]), lieu occupé par la compagnie Roa Inc. – compagnie qui œuvrerait dans le domaine de la traduction. Il y offre bénévolement des conseils, sans préciser de quelle nature. Il nie toutefois travailler pour cette compagnie, il admet qu’il connaît bien la famille qui la gère (Sophia Roa et Rénata Roa).

 

VI.     PRINCIPES APPLICABLES

  1.            L’objectif ici est d’identifier les principes de détermination applicables à l’égard des infractions pénales réglementaires.
  2.            La Loi sur le Barreau n’énonce pas les principes de détermination de la peine applicable aux infractions commises par M. Karkar. Elle fait uniquement un renvoi à l’article 188 du Code des professions – disposition qui se limite à établir le montant minimum et maximum de l’amende, tant en cas de première infraction que de récidive.  
  3.            Force est aussi de constater que le Code de procédure pénale C.p.p. ») contient peu de règles législatives régissant la détermination de la peine pour une infraction réglementaire provinciale. Ce sont les articles 224 et 229 à 242 C.p.p. qui encadrent cet exercice. Pour les fins de la présente affaire, seule la suivante a une réelle pertinence :

229. Le juge qui déclare le défendeur coupable d’une infraction lui impose une peine dans les limites prescrites par la loi, compte tenu notamment des circonstances particulières relatives à l’infraction ou au défendeur et de la période de détention qui a pu être purgée par le défendeur relativement à cette infraction.

  1.            Le régime législatif est donc d’une utilité relative pour dégager les principes applicables. Il est toutefois permis de puiser dans la common law. Dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. Lacroix[37], la Cour d’appel du Québec souligne que la common law peut servir de droit supplétif en matière pénale provinciale[38].
  2.            Il est également reconnu que les dispositions du Code criminel sur la détermination de la peine peuvent servir d’inspiration en droit pénal réglementaire, car elles constituent, à certains égards, une codification de la common law[39]. Ainsi, il n’est pas proscrit de considérer les principes énoncés aux articles 718 et suivants du Code criminel[40]. Comme en témoigne le libellé de l’article 229 C.p.p. (« compte tenu notamment des circonstances particulières relatives à l’infraction ou au défendeur »), les principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine en droit criminel sont – avec les adaptations nécessaires – pertinents dans le contexte réglementaire[41].  
  3.            Cela dit, les principes de détermination de la peine en droit criminel ne sauraient s’appliquer sans nuance en matière pénale[42]. Bien que ces principes puissent être source d’inspiration, il importe d’avoir en tête la distinction fondamentale entre le droit criminel et le droit pénal. Le droit criminel vise à sanctionner une conduite antérieure répréhensible en soi alors que le droit réglementaire vise généralement à prévenir un préjudice futur par l’application de normes minimales de conduite et de prudence[43].
  4.            Cette distinction fondamentale et son incidence sur les principes de détermination de la peine font l’objet d’une analyse exhaustive du juge Alexandre Boucher (J.C.S.) dans Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers[44]. Il y a lieu d’en reproduire les paragraphes suivants :

Le droit pénal a pour fonction essentielle la protection du public et la préservation du bien-être commun. L’objectif principal de la peine en ce domaine est de prévenir les risques associés à certaines activités réglementées en suscitant le respect de normes de conduite et de prudence. Ainsi, la peine sera donc, avant tout, correctrice et préventive.

Ensuite, le principe fondamental en matière de détermination de la peine demeure la proportionnalité eu égard à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. En matière pénale réglementaire, la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant doivent être considérés avec mesure. Comme nous l’avons vu, la commission d’une infraction pénale n’équivaut pas à la perpétration d’un crime. Cependant, pour inciter au respect des normes de conduite et de prudence, il sera souvent nécessaire de mettre l’accent sur la dissuasion.[45] 

  1.            Le juge Boucher fait ensuite référence aux six principes pénologiques pouvant guider la détermination de la peine en matière réglementaire[46]. Ces principes ont été élaborés par le professeur Richard Macrory et cités par le juge Libman de la Cour de Justice de l’Ontario dans R. v. Iacono[47] :

Professor Macrory, in his study of regulatory enforcement in the United Kingdom, puts forth the following six “penalties principles” as the basis for any sanctioning regime: (1) sanctions should change the behaviour of the offender; (2) sanctions should ensure there is no financial benefit obtained by non-compliance; (3) sanctions should be responsive, and consider what is appropriate for the particular offender and the particular regulatory regime; (4) sanctions should be proportionate to the nature of the offence and the harm caused; (5) sanctions should aim to restore the harm caused by the regulatory non-compliance; and (6) sanctions should aim to deter future non-compliance […].[48]

  1.            Même si la détermination de la peine des délinquants réglementaires reste multifactorielle, les objectifs privilégiés sont, en principe, la dénonciation, la dissuasion – surtout générale – ou l’exemplarité[49]. Aussi, la peine doit faire en sorte que le manquement aux normes réglementaires n’est pas profitable pour le délinquant. Elle ne doit pas être considérée comme le paiement d’une licence ou un « un simple coût d’affaires »[50].
  2.            Comme le synthétise si bien le juge Boucher, la peine doit être adaptée au contexte réglementaire et viser essentiellement le respect des normes applicables en corrigeant les écarts de conduite et en prévenant les fautes futures, tout en étant proportionnelle aux circonstances de l’infraction et à la situation du délinquant[51].
  3.            Par ailleurs, le principe de totalité de la peine s’applique en matière réglementaire. En présence d’une multiplicité de chefs d’accusation, l’infliction de peines cumulatives ne doit pas aboutir à une peine injuste et inappropriée[52].
  4.            Enfin, comme en droit criminel, la capacité de payer est un facteur pertinent à considérer à l’étape de l’imposition de la peine pour une infraction réglementaire. Cela dit, dans Doyon c. Autorité des marchés financiers[53], la Cour d’appel du Québec conclut que le paragraphe 734(2) du Code criminel C.cr. ») ne s’applique pas au contexte réglementaire. Cette disposition prévoit que le Tribunal ne peut infliger une amende (autre que l’amende minimale) que s’il est convaincu que le délinquant a la capacité de la payer ou, alternativement, qu’il a la possibilité d’effectuer des travaux compensatoires. Selon le paragraphe 734(5) C.cr., en cas de défaut de paiement de l’amende, une peine d’emprisonnement est réputée être infligée.
  5.            Citant l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Topp[54], la Cour d’appel fait remarquer que l’objectif du paragraphe 734(2) C.cr. est « d’empêcher que des amendes soient imposées à des délinquants incapables de les assumer et qui seront conséquemment et nécessairement incarcérés pour défaut de paiement »[55]. Or, en droit réglementaire provincial, un défendeur ne risque pas d’être incarcéré pour la seule raison qu’il ferait défaut de payer alors qu’il n’aurait pas la capacité de le faire. Le Code de procédure pénale a son propre mécanisme pour évaluer la capacité de payer d’un défendeur. Il offre plusieurs solutions (ou alternatives) au percepteur des amendes et lui impose de nombreuses obligations (article 316 C.p.p. et suivants) dont un défendeur pourrait tirer profit[56]. En vertu de l’article 333 C.p.p., il revient d’ailleurs au percepteur des amendes d’être convaincu de l’incapacité de payer d’un défendeur comme condition préalable à l’imposition de travaux compensatoires en lieu du paiement de l’amende.    
  6.            En somme, si la capacité de payer d’un défendeur est un facteur pertinent au moment de la détermination du montant d’une amende, il ne s’agit que d’un facteur parmi d’autres. Les mesures prévues par le Code de procédure pénale et le fait que le défendeur ne risque pas d’être incarcéré au seul motif qu’il est dans l’incapacité financière de payer l’amende entrent aussi en ligne de compte dans l’exercice de pondération des facteurs[57]. Notons également qu’il est permis d’accorder un délai pour le paiement de l’amende et d’en ajuster la durée en fonction de la capacité de payer. 

VII.     ANALYSE 

  1. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
  1.            Avant d’entreprendre à proprement dit l’exercice de détermination de la peine, il est pertinent d’exposer les raisons qui incitent le poursuivant à réclamer, dans les dossiers E et F, l’imposition d’amendes supérieures au minimum prévu par l’article 188 du Code des professions. Il s’ensuivra deux questions préliminaires à examiner.
  2.            J’ai déjà fait référence (en résumant le témoignage de M. Karkar) au motif invoqué par le poursuivant à l’appui de l’amende de 3 500 $ sollicitée dans le dossier E. Le poursuivant soutient que la preuve administrée lors du procès démontre que M. Karkar a reçu le montant de 1 000 $ facturé à Mme xxxxx à titre d’honoraires. Il avance que j’ai tiré une telle conclusion dans mon jugement sur la culpabilité. Il s’agirait là d’une circonstance justifiant l’imposition d’une amende surpassant de 1 000 $ l’amende minimale prévue par la loi – l’excédent correspondant au montant payé par Mme xxxxx à M. Karkar. 
  3.            Considérant les circonstances particulières relatives aux infractions commises par M. Karkar dans l’ensemble des dossiers, le poursuivant explique qu’il aurait pu choisir de répartir les montants réclamés dans le dossier F (ceux en excès de l’amende minimale) sur chacun des chefs d’accusation dans les autres dossiers. Pour le poursuivant, il est manifeste que ces circonstances justifient que le montant total des amendes réclamées (118 500 $) soit supérieur à celui correspondant au cumul des peines minimales (42 500 $). Dit autrement, le montant total suggéré par M. Karkar (42 500 $) ne reflète pas suffisamment l’ampleur et la gravité des infractions ainsi que le besoin de dissuasion. Plutôt que de répartir le montant correspondant à la différence entre 118 500 $ et 42 500 $ - c.-à-d. 76 000 $ – dans tous les dossiers, le poursuivant a décidé de l’appliquer quasi exclusivement (à l’exception d’un 1 000 $ dans le dossier E) aux deux chefs d’accusation dans le dossier F. Ce choix, comme l’indique le poursuivant, tient compte du fait que ces deux chefs d’accusation regroupent une multiplicité d’actes infractionnels, contrairement à ceux dans les autres dossiers.
  4.            À l’appui du montant total réclamé – dont une grande partie l’est pour les infractions dans le dossier F – le poursuivant met notamment l’accent sur le caractère systémique des actes illégaux commis par M. Karkar durant une période prolongée, mais aussi sur son comportement postérieur aux infractions, y compris depuis le prononcé du jugement sur la culpabilité, d’où la nature de la preuve administrée à l’audience sur la peine. Le poursuivant m’invite à en conclure que M. Karkar continue de s’afficher comme un avocat en exercice.
  5.            De façon préliminaire, je suis donc appelé à répondre aux deux questions suivantes :
  1. Est-ce que M. Karkar a reçu le montant de 1 000 $ facturé par Mme xxxxx (dossier E)?
  2. Est-ce que M. Karkar continue de s’afficher, voire d’agir, comme un avocat en exercice (dossier F)?
  1.            Puisque le poursuivant y voit des circonstances aggravantes (advenant une réponse affirmative), il lui incombe d’en faire la preuve hors de tout doute raisonnable[58].
  1. La question du paiement effectué ou non par Mme xxxxx
  1.            Dans le cadre du procès, je n’ai pas eu à déterminer si Mme xxxxx avait effectivement payé le montant de 1 000 $ facturé en date du 2 juillet 2019 pour la préparation et le dépôt de la DACJ, ni d’ailleurs si M. Karkar (ou le bureau d’avocats de façon générale) avait perçu ce montant. Il ne s’agissait pas d’un élément essentiel des infractions portées aux dossiers C et E. Contrairement à ce que le poursuivant soutient, je n’ai pas tiré de telles conclusions dans le jugement sur la culpabilité.
  2.            En évaluant la crédibilité des prétentions avancées par M. Karkar dans le contexte du dossier E, j’ai cependant souligné ce qui suit au sujet des réponses données lors de son contre-interrogatoire :  

Il mentionne, dans un premier temps, que la facture de 1 000 $ destinée à Mme xxxxx n’a pas été payée, puis, plus tard, laisse entendre le contraire. Il indique que la facture a été préparée à partir d’un logiciel comptable tout en clamant qu’il n’a aucunement participé à sa confection et ne l’avait jamais vue auparavant.[59]

  1.            Ajoutons que M. Karkar a initialement indiqué (lors de son interrogatoire principal) qu’il ne savait pas si Mme xxxxxx avait payé la facture. Le caractère contradictoire et évolutif de son récit ne fait aucun doute. Cela dit, M. Karkar n’a jamais affirmé de manière explicite que Mme xxxxx avait acquitté la facture et qu’il avait reçu ou encaissé le montant de 1 000 $. Il a néanmoins convenu qu’il avait dit à Me Darroudi ou Me Ciale que « ce genre de dossier valait 1 000 $ ». Il a aussi rapporté que le fils de Mme xxxxx était disposé à débourser un montant supérieur à 1 000 $ et qu’il l’avait proposé à Me Darroudi – ce dont elle n’a toutefois pas fait état durant le procès. Ces éléments du témoignage de M. Karkar expliquent le choix plus nuancé des termes « laisse entendre » – plutôt que « dit », « admet » ou « affirme » – dans l’extrait reproduit ci-dessus. 
  2.            Il ne fait aucun doute (raisonnable) que M. Karkar a préparé et rédigé la DACJ pour et au nom de Mme xxxxx et qu’il a usurpé les fonctions de Me Darroudi. À cet égard, je renvoie le lecteur aux conclusions tirées dans le cadre du procès, évoquées plus tôt. En revanche, je n’ai pas cette même conviction concernant le paiement ou non de la facture de 1 000 $. Considérant le témoignage valsant de M. Karkar et les éléments de preuve circonstancielle retenus, il est tout à fait raisonnable d’inférer que la facture a vraisemblablement été payée et que M. Karkar en a probablement bénéficié d’une façon ou d’une autre. La norme requise pour en faire une circonstance aggravante est certes non loin d’être atteinte, mais la preuve ne permet toutefois pas d’en franchir le seuil.
  3.            Par ailleurs, à l’entame des observations sur la peine, j’ai fait remarquer à l’avocate du poursuivant que je n’avais pas conclu de manière affirmative que M. Karkar avait reçu le montant de 1 000 $ facturé à Mme xxxxx. L’avocat du poursuivant a répondu comme suit : « Non pas de manière affirmative effectivement, ce que je vais vous soumettre c’est que la preuve a démontré qu’il avait probablement reçu ce 1 000 $ là […] ». Évidemment, ma conclusion ne se fonde pas sur le langage utilisé par l’avocate du poursuivant, mais bien sur la preuve ou l’absence de preuve administrée au procès. Il n’en demeure pas moins que l’emploi de l’adverbe « probablement » par le poursuivant traduit un degré d’incertitude incompatible avec la norme de preuve applicable.   
  1. Le comportement de M. Karkar postérieur aux infractions
  1.            Avant d’examiner les éléments mis en preuve au stade de l’audience sur la peine, débutons par ce qui ne fait pas l’objet d’un débat contradictoire, soit : le jugement prononcé par la juge Laliberté le 22 février 2021[60]. Dans ce jugement, la juge Laliberté a déclaré M. Karkar coupable d’exercice illégal de la profession d’avocat pour des actes commis postérieurement à la perquisition du 10 juillet 2019. Soulignons que ce jugement a été porté en appel par M. Karkar. La Cour supérieure a rejeté l’appel le 22 décembre 2022[61].
  2.            Dans le dossier devant la juge Laliberté, M. Karkar faisait face à un seul chef d’accusation. Il lui était reproché d’avoir agi de manière à donner lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes auprès d’un couple colombien (« les demandeurs ») qui avait décidé d’entreprendre des procédures pour demander asile au Canada. Les faits en cause remontaient à la période du 13 août au 19 septembre 2019.
  3.            Un dirigeant de l’ONG Immigration sans frontières s’était engagé auprès des demandeurs à leur trouver un avocat. Il les avait ainsi mis en contact avec M. Karkar. Les demandeurs avaient communiqué avec ce dernier le jour de leur départ de Colombie. Sans jamais les informer qu’il n’était plus un avocat en règle, M. Karkar leur avait donné ses coordonnées téléphoniques et les avait invités à l’appeler dès leur arrivée au Canada afin d’entamer le processus de demande d’asile – ce qu’ils ont fait.
  4.            Les demandeurs avaient par la suite rencontré M. Karkar à son bureau au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401, à trois ou quatre reprises entre le 20 août et le 18 septembre 2019. La juge Laliberté a retenu les éléments suivants relativement au rôle joué par M. Karkar auprès des demandeurs :

Monsieur Karkar remplit, à l’aide des renseignements personnels qu’ils lui fournissent, des formulaires requis dans le cadre de leurs démarches. C’est le cas notamment de celui intitulé « demande d’asile au Canada » sur lequel il indique l’adresse de son bureau et ses propres coordonnées téléphoniques aux fins de toute future correspondance. Il les assiste et les instruit quant à la procédure à suivre. Par exemple, il leur remet des documents pour leur entrevue auprès d’Immigration Canada. Il leur explique qu’ils doivent rédiger leur « histoire » et lui remettre afin qu’elle soit traduite par Madame Rénata. Il leur demande également de se présenter au rendez-vous qu’il a déjà obtenu pour eux à l’aide juridique. À cet égard, il leur remet un formulaire de demande d’aide juridique déjà complété qu’ils devront soumettre, et ce, sans autres précisions quant à son contenu.[62]

  1.            C’était justement à l’occasion d’un rendez-vous au bureau de l’aide juridique que la demanderesse s’était rendu compte que M. Karkar n’était pas son avocat, le formulaire de demande d’aide juridique indiquant plutôt le nom de Me Dorismé. Elle avait alors appris que M. Karkar ne pouvait agir dans leur dossier d’immigration, n’étant pas un membre en règle du Barreau.
  2.            La juge Laliberté a rejeté le témoignage de M. Karkar selon lequel il agissait comme l’assistant de Me Dorismé. Il en est de même de la prétention voulant que l’acte de remplir un formulaire d’immigration ne soit pas un acte réservé aux avocats. La juge Laliberté a d’ailleurs souligné que ce n’était pas l’infraction qui lui était reprochée ni un élément essentiel de celle qui lui était imputée. La juge a aussi noté que M. Karkar n’avait jamais divulgué aux demandeurs qu’il n’était qu’un assistant et que Me Dorismé était l’avocat responsable du dossier. Elle a ensuite tiré les conclusions suivantes :

Toutefois, Monsieur Karkar invite le Tribunal à conclure que sa propre implication se résume au seul fait d’avoir complété la demande d’asile. Il soutient ainsi que ce geste en soi ne peut donner lieu de croire qu’il agit à titre d’avocat puisque Monsieur et Madame auraient pu le remplir eux-mêmes. Rappelons que l’évaluation doit être faite avec les yeux d’une personne qui ne possède pas une formation juridique et qui n’est pas habituée aux distinctions que tente de faire Monsieur Karkar. Ainsi, il importe peu de savoir qu’il est possible de compléter ce document sans être avocat. Le couple ayant décidé de requérir les services d’un tel professionnel pour les assister dans leur processus d’immigration, ils sont donc à même de raisonnablement croire qu’il agit comme tel lorsqu’il prend les choses en main. En effet, ce qui importe c’est qu’il ait pu leur laisser croire qu’il avait la capacité et les compétences pour agir. Or, au vu du témoignage abondant qu’il a livré quant à sa connaissance du processus d’immigration, il ne fait aucun doute pour le Tribunal que c’est ce qui a pu transparaître au cours de ses rencontres avec eux.

Par ailleurs, le Tribunal ne peut conclure que son implication s’est limitée à ce seul formulaire. En effet, pour tous les autres gestes que Madame L... allègue qu’il a posés, il est incapable de contredire ses propos autrement que par des suppositions ou des déductions en donnant des informations fiables quant à qui a réellement fait quoi. Plus important encore, Monsieur Karkar admet qu’il est possible qu’il ait pu lui-même poser tous les gestes […].[63]

  1.            Enfin, la juge Laliberté a conclu que M. Karkar ne s’était pas déchargé de son fardeau de démontrer, par prépondérance des probabilités, qu’il avait pris toutes les mesures raisonnables pour éviter d’entretenir la croyance erronée des demandeurs. Les paragraphes suivants du jugement sont particulièrement pertinents :

Monsieur Karkar a été avocat pendant plus de quinze années, qui plus est, exerçant abondamment en matière d’immigration. Par conséquent, il sait ou du moins devrait savoir, les responsabilités que cela implique et les précautions qu’il se doit de prendre maintenant qu’il n’est plus membre en règle de l’Ordre pour éviter toute méprise quant à son statut.

De plus, sa vaste expérience en matière d’immigration dont il a lui-même vanté les mérites lui a certainement appris que la clientèle avec laquelle il doit traiter exige de redoubler de vigilance et de diligence de par son statut précaire au Canada, la barrière de la langue et comme c’est le cas du couple L...-R..., son ignorance face au système canadien.

D’autant qu’en l’occurrence, si la situation était telle que l’a décrite Monsieur Karkar, des gestes ou des paroles fort simples de sa part auraient sans contredit permis d’éviter la commission de l’infraction. Informer verbalement Madame L... et son conjoint dès la conférence téléphonique ou à tout le moins dès leur premier rendez-vous à son bureau que leur avocat serait Maître Dorismé et que lui-même n’agirait qu’à titre d’assistant est l’un d’eux. Ce qu’il n’a jamais fait.[64]

  1.            Si j’ai pris soin de reproduire plusieurs extraits du jugement prononcé par la juge Laliberté, c’est pour illustrer à quel point le modus operandi de M. Karkar dans ce dossier est identique à celui adopté dans les nôtres, notamment ceux dans lesquels il a été déclaré coupable de l’infraction « d’avoir agi de manière à donner lieu de croire » (dossier A et surtout dossier F).
  2.            Bref, malgré la perquisition du 10 juillet 2019 – dont il connaissait bien la raison d’être – M. Karkar a continué à se livrer à l’exercice illégal de la profession d’avocat dans les semaines qui ont suivi. Dans la mesure où M. Karkar a été déclaré coupable d’infractions identiques commises antérieurement à la date de perquisition, l’infraction pour laquelle il a été déclaré coupable par la juge Laliberté constitue une récidive. Celleci a pris forme dès le 13 août 2019, seulement un mois après la date de perquisition.
  3.            En ce qui concerne maintenant le comportement de M. Karkar durant les procédures et après la déclaration de culpabilité du 14 juin 2019, il faut s’en remettre à la preuve administrée lors de l’audience sur la peine.
  4.            La recherche effectuée par Me Guertin sur le site « Google » concernant le numéro de téléphone (514) 223-0427 (en date du 21 juin 2024) et le même exercice entrepris en salle d’audience (le 4 novembre 2024) démontrent catégoriquement que ce numéro est toujours associé à M. Karkar en son statut d’avocat – ce qui était également le cas peu de temps après la perquisition du 10 juillet 2019 et en date du 19 octobre 2022.
  5.            Rien n’a changé depuis l’été 2019. La situation n’a jamais été corrigée par M. Karkar, et ce en dépit des procédures entreprises contre lui en matière d’exercice illégal de la profession d’avocat, du jugement prononcé par la juge Laliberté le 22 février 2021, de la tenue du procès dans les présents dossiers (au cours duquel la même problématique avait été mise en preuve) et du jugement sur la culpabilité en date du 14 juin 2024.
  6.            En ce qui a trait aux avis publiés au sein de la fenêtre du navigateur « Google » correspondant au profil de l’entreprise reliée au numéro (514) 223-0427, il est vrai que je n’ai pas bénéficié d’une preuve d’expert me permettant, par exemple, de les situer dans le temps avec certitude. Le témoignage de Me Guertin jumelé à l’examen des captures d’écran[65] appuie néanmoins, selon l’expérience humaine et la logique, la thèse voulant que ces avis aient été minimalement publiés dans les deux ans (entre 2022 et 2024) qui ont précédé la recherche effectuée par Me Guertin (le 21 juin 2024). Il est ainsi peu probable que ces avis fassent tous référence à des services rendus avant l’entrée en vigueur de la période de radiation, soit le 27 septembre 2017. Certains avis révèlent que leurs auteurs perçoivent M. Karkar comme étant un avocat : « Meilleur des meilleurs un avocat à l’écoute » ou « le meilleur avocat de Montréal », comme l’indiquent les avis rédigés respectivement par xxxxxxxxxxxx et xxxxxxxxxxxxx[66].  
  7.            Le résultat de la recherche effectuée sur le site « Canada 411 » le 21 juin 2024 est troublant. Il démontre que le numéro (514) 223-0427 est associé à « Anthony Karkar Avocat » avec l’adresse du 4 rue Notre-Dame Est. La rubrique « Détails et description » laisse clairement croire que M. Karkar est toujours un avocat en exercice[67]. C’est également le cas du résultat de la recherche faite en salle d’audience. Au surplus, cette recherche révèle que le numéro (514) 223-0427 est aussi associé à « Anthony Karkar Avocat » et « Rousseau Dorisme » avec comme adresse commune le 204 rue Notre-Dame Ouest[68]. Les renseignements contenus dans le site « Canada 411 » suggèrent que M. Karkar (en son titre d’avocat) travaille au même endroit que Me Dorismé, dénotant ainsi une forme de continuité professionnelle.
  8.            Les explications apportées par M. Karkar lors de l’audience sur la peine sont dénuées de crédibilité. Il soutient qu’il n’exerce aucun contrôle sur le contenu de ces sites et qu’il lui est impossible de le modifier. Il aurait communiqué avec « Google » qui l’aurait redirigé vers « Silicon Valley ». Il se serait alors fait signifier une fin de non-recevoir. M. Karkar est pourtant incapable de situer ces démarches dans le temps, d’identifier ses interlocuteurs et de préciser la teneur de ses interactions avec les représentants de « Google » ou de « Silicon Valley ». Il va même jusqu’à affirmer qu’il n’a jamais participé à la mise en ligne des renseignements figurant sur « Google » ou « Canada 411 ». Il ne sait pas comment ceux-ci se sont retrouvés sur l’internet. Quelqu’un aurait entrepris ces démarches, y compris les ajouts sur « Canada 411 » (l’adresse du 204 rue Notre-Dame Ouest), à son insu. Cela va tout simplement à l’encontre du bon sens.
  9.            Aussi, l’exercice réalisé en salle d’audience, lors du contre-interrogatoire de M. Karkar, démontre qu’il est facile de retirer la mention « Avocat » de l’inscription « Anthony Karkar Avocat » dans la fenêtre du navigateur « Google » correspondant au profil de l’entreprise reliée au numéro (514) 223-0427. L’avocate du poursuivant y est parvenue en quelques « cliques » de souris d’ordinateur, sans avoir recours à une quelconque expertise de « Silicon Valley », comme a pu l’observer M. Karkar. Aussi, ce même exercice révèle que le site « Canada 411 » offre explicitement la possibilité de modifier les contenus des renseignements – une option intitulée « Proposer une modification » figurant en toutes lettres en dessous de la rubrique « Détails et description »[69].
  10.            Visiblement, M. Karkar n’a pris aucune mesure concrète dans les cinq dernières années pour remédier à la situation. Contrairement à ce qu’il allègue, c’est à lui que revient la responsabilité d’apporter des correctifs et non au Barreau. De toute évidence, M. Karkar ne se soucie guère du fait que son nom soit associé à un statut dont il ne bénéficie plus, au risque d’induire en erreur les membres du public qui seraient portés à naviguer sur l’internet à la recherche d’un avocat. Les ajouts récents sur le site « Canada 411 » m’incitent même à conclure que M. Karkar cautionne une diffusion publicitaire trompeuse, voire y participe.
  11.            Le poursuivant avance également que M. Karkar a continué (et continue) d’agir en matière d’immigration en ayant le même modus operandi que celui utilisé pour commettre les infractions. Plusieurs éléments tendent à étayer cette affirmation : les infractions commises durant l’été 2019, le fait que M. Karkar ait maintenu une présence régulière au 4 rue Notre-Dame Est, suite no 401, durant les procédures (il en convient) et jusqu’à l’expiration du bail au mois de mai 2024, la teneur des avis publiés sur « Google » ainsi que son inaction flagrante et prolongée à l’égard des renseignements contenus sur « Google » et « Canada 411 », y compris les ajouts récents figurant sur ce dernier site.
  12.            De plus, M. Karkar admet qu’il prodigue encore des conseils à des avocats en immigration, dont Me Dorismé, et qu’il fréquente le 240 rue Saint-Jacques Ouest, suite no 800, lieu occupé par une compagnie dirigée par Rénata Roa – la même Rénata dont il est question dans le jugement prononcé par la juge Laliberté[70]. Par ailleurs, bien que M. Karkar nie travailler pour cette compagnie, un rapport de tentative de signification par un huissier d’un constat d’infraction destiné à Me Sangaré à cette adresse en date du 19 juillet 2024 indique : « […] le destinataire est à l’extérieur jusqu’à septembre aux dires de Anthony Karkar qui travaille pour la compagnie Roa Inc. (compagnie de traduction) »[71].   
  13.            Considérant ces éléments et leur effet cumulatif, il m’apparaît raisonnable d’inférer que M. Karkar a probablement continué et continue de s’impliquer dans des activités touchant l’exercice du droit de l’immigration, en occultant sciemment les dispositions de la Loi sur le Barreau. Suis-je pour autant convaincu hors de tout doute raisonnable qu’il a continué jusqu’à ce jour d’emprunter la voie de l’exercice illégal de la profession d’avocat? Je dois répondre « Non », même si c’est probablement le cas.
  14.            Quoi qu’il en soit, la récidive de l’été 2019, conjuguée au fait que M. Karkar s’affiche comme étant un avocat sur l’internet depuis plus de cinq ans – avec en toile de fond la probabilité qu’il agisse encore illégalement dans le domaine du droit de l’immigration –, constitue définitivement des circonstances exerçant une pression à la hausse sur le montant total des amendes à imposer.
  1. LES PEINES APPROPRIÉES
  1.            Comme souligné précédemment, le langage utilisé à l’article 229 C.p.p. est compatible avec le principe de proportionnalité et d’individualisation de la peine en matière criminelle. Il est donc opportun de tenir compte, dans une certaine mesure, de la gravité des infractions et du degré de responsabilité de M. Karkar. Il est aussi permis de s’inspirer de l’article 718.2 C.cr. et de considérer les facteurs aggravants et atténuants liés à la commission des infractions ou à la situation de M. Karkar. Ultimement, il ne faut cependant pas perdre de vue qu’en matière réglementaire, la peine est avant tout correctrice et préventive, plutôt que punitive[72].
  2.            La gravité des infractions doit être appréciée tant objectivement que subjectivement. Quant au degré de responsabilité de M. Karkar, il est intrinsèquement relié à l’évaluation de la gravité subjective des infractions. Cette évaluation nécessite la prise en compte des circonstances particulières relatives aux infractions ou propres à M. Karkar, pour reprendre les termes de l’article 229 C.p.p.

La gravité objective

  1.            Chacune des infractions commises par M. Karkar est passible d’une amende minimale de 2 500 $ et maximale de 62 500 $. L’ampleur de l’amende maximale prévue par l’article 188 du Code des professions démontre que l’exercice illégal de la profession d’avocat est une infraction pénale d’une gravité objective élevée.
  2.            Le législateur accorde manifestement une grande importance au contrôle réglementaire de l’exercice de la profession d’avocat et, par le fait même, à la protection du public et à la préservation du bien-être commun. La jurisprudence reconnaît également que la pratique illégale d’une activité ou l’usurpation d’un titre professionnel constituent des infractions qui comportent un risque de préjudice important pour la protection du public[73].

La gravité subjective

  1.            L’objectif ici est d’identifier les circonstances particulières liées aux infractions ou spécifiques à M. Karkar, tant celles pouvant être qualifiées d’aggravantes que d’atténuantes, le cas échéant, et ce en marchant dans les traces de l’article 718.2 C.cr.
  2.            J’ai déjà longuement exposé les circonstances des infractions. Il est donc inutile de les reprendre dans le menu détail. Pour les fins de l’analyse, je retiens les circonstances aggravantes suivantes :

      La récurrence et la multiplicité des actes illégaux commis par M. Karkar de façon continue sur une période prolongée d’environ 18 mois : du mois de décembre 2017 au début du mois de juillet 2019.

      Certaines infractions ont été commises alors que la période de radiation était encore en vigueur (chefs nos 1 et 2 du dossier A; chef no 1 du dossier B).

      M. Karkar a touché des honoraires pour des services professionnels du ressort exclusif d’un avocat, notaire ou consultant réglementé (chefs nos 1 et 2 du dossier F).

      Le rôle central joué par M. Karkar au sein du bureau d’avocats, malgré la perte de son statut d’avocat – un rôle aux antipodes de celui allégué comme étant l’assistant bénévole et subalterne de Me Dorismé. M. Karkar a été le véritable chef d’orchestre des opérations : présence quotidienne sur les lieux; occupation du bureau le plus « actif »; connaissance approfondie de l’ensemble des dossiers – y compris ceux relevant de la responsabilité d’avocats autres que Me Dorismé; rencontre avec des clients; avance de fonds pour les clients; établissement des frais et honoraires avec les clients; présentation des clients aux avocats; attribution des dossiers aux avocats; conseils juridiques prodigués aux avocats; entière responsabilité financière du bureau; unique signataire du bail.

      Le caractère prémédité et délibéré des actes illégaux.

      Je ne suis pas en présence d’un acte isolé commis par inadvertance, par négligence ou par ignorance de la loi. La preuve au procès a plutôt révélé un comportement systémique en toute connaissance de cause. M. Karkar a eu recours à des avocats en règle (sans toutefois nécessairement leur imputer une complicité) pour camoufler son stratagème, notamment en leur attribuant « officiellement » les dossiers sur lesquels il gardait la mainmise et en leur faisant signer des actes de procédure qu’il avait lui-même préparés et rédigés. Cela vient sans doute expliquer pourquoi il ne leur faisait pas payer de loyer.   

      M. Karkar a été inscrit au Tableau de l’Ordre pendant 17 ans. Comme avocat, il était bien au fait des dispositions applicables de la Loi sur le Barreau, ayant déjà représenté un dénommé M. Garza au stade du procès et de la détermination de la peine dans un dossier d’exercice illégal de la profession d’avocat[74].

      M. Karkar, comme il le véhicule lui-même, détenait une certaine notoriété dans le domaine du droit de l’immigration, ce qui se traduisait nécessairement par une certaine influence auprès d’une clientèle plus susceptible de croire qu’il avait le statut requis pour agir (du fait de ses propos, actes ou de son silence)[75].

      M. Karkar a endossé le rôle réservé à un avocat ou a donné lieu de croire qu’il était autorisé à en remplir les fonctions ou à en faire les actes auprès d’une clientèle vulnérable. Celle-ci était composée principalement de demandeurs d’asile dont certains ne maîtrisaient ni l’une ni l’autre des deux langues officielles du Canada et n’avaient aucune connaissance du système de justice ou du droit de l’immigration.

      M. Karkar a récidivé dans les semaines qui ont suivi la perquisition du 10 juillet 2019 en utilisant le même modus operandi, comme en atteste le jugement prononcé par la juge Laliberté.

      Il s’affiche sur l’internet comme étant un avocat en exercice, en toute impunité, et ce depuis plus de cinq ans, sans entreprendre l’ombre d’une démarche concrète pour y remédier, rejetant perpétuellement la faute sur le Barreau. Il met ainsi encore à risque le public.  

  1.            Je ne vois guère de circonstances atténuantes, si ce n’est l’absence d’antécédents en matière d’exercice illégal de la profession d’avocat. Encore là, le poids à accorder à ce facteur est négligeable. Dans la mesure où M. Karkar a été un membre en règle du Barreau pendant 17 ans (de façon continue) et que les actes illégaux ont débuté peu de temps après l’imposition de la radiation, il pouvait difficilement avoir des antécédents pour avoir exercé illégalement la profession d’avocat. L’importance de ce facteur atténuant – l’absence d’antécédents – est également amoindrie par l’ampleur et la durée des infractions commises par M. Karkar[76].
  2.            Par ailleurs, bien que la période de radiation lui ait été imposée à la suite d’une déclaration de culpabilité pour des déclarations mensongères faites à un greffier de la CISR-SI[77] ainsi qu’à un préposé du bureau d’Aide juridique de Montréal, cette sanction déontologique ne constitue pas un antécédent en « pareille matière ».   
  3.            La preuve n’a certes pas démontré que les demandeurs en immigration ont été floués ou ont subi de graves préjudices en raison des actes commis par M. Karkar. Cela n’en fait pas pour autant une circonstance atténuante. Il s’agit d’un facteur neutre.  
  4.            Le poursuivant attire mon attention sur l’absence frappante de crédibilité de M. Karkar au cours des procédures. Il a raison. Il est manifeste que M. Karkar est aux prises avec de sérieux problèmes de crédibilité et qu’il manque de transparence. Ce constat a déjà participé au rejet de sa version et, incidemment, à la déclaration de culpabilité. Il n’y a pas lieu d’en faire une circonstance aggravante au stade de la détermination de la peine.
  5.            En revanche, les problèmes de crédibilité de M. Karkar, qui persistent à cette étape de procédures, témoignent d’un refus de reconnaître quelque tort que ce soit. Or, c’est cette absence de reconnaissance qui l’a amené à récidiver durant l’été 2019, à faire preuve d’un immobilisme chronique à l’égard des renseignements trompeurs diffusés sur l’internet et, probablement, a continué d’œuvrer dans le domaine du droit de l’immigration jusqu’à récemment. En ce sens, il peut être tenu compte de l’absence de crédibilité de M. Karkar, mais sous l’angle du besoin de dissuasion et de l’objectif correctif du droit réglementaire, tout en convenant qu’il a le droit de clamer son innocence et de porter la déclaration de culpabilité en appel – ce qu’il a fait. L’absence de remords, soulignons-le, n’est pas une circonstance aggravante. Toutefois, cette absence de remords prive M. Karkar d’une circonstance atténuante au niveau de la détermination de la peine[78]. 
  6.            Considérant l’importance des circonstances aggravantes relevées et le poids négligeable de la seule circonstance atténuante identifiée, je suis d’accord avec le poursuivant : M. Karkar ne peut bénéficier de l’amende minimale totale. D’une part, celleci (42 500 $) n’est pas proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité de M. Karkar. D’autre part, elle est insuffisante pour dénoncer le comportement répréhensible de M. Karkar, dissuader toute autre personne d’en faire autant, inciter au respect des normes de conduite et de prudence, et prévenir une autre récidive. 
  7.            Quel devrait être alors le montant total à imposer à M. Karkar? L’exercice est délicat, tant il est difficile de quantifier objectivement une sanction financière pour nonconformité à une loi réglementaire prévoyant uniquement des montants plancher, plafond et en cas de récidive. Il n’existe pas de formule magique ou mathématique pour déterminer la sanction convenable. Chose certaine, je n’entends pas imposer l’amende de 3 500 $ sollicitée dans le dossier E – le poursuivant n’ayant pas satisfait à la norme de preuve requise pour justifier l’imposition d’un montant de 1 000 $ additionnel.
  8.        Cela dit, pour déterminer le montant en excès de l’amende minimale totale, j’estime que celui (minimal) fixé par la loi en cas de récidive (5 000 $) peut servir de baromètre et alimenter la réflexion. En présence de plusieurs circonstances aggravantes, il aurait été tout à fait raisonnable pour le poursuivant de réclamer le paiement d’un tel montant (plutôt que 2 500 $) pour chacun des actes illégaux commis par M. Karkar. L’augmentation du seuil minimal en cas de récidive a pour objectif de sanctionner plus fortement la répétition d’un acte illégal, mais aussi de dissuader davantage l’auteur de recommencer. Considérant le comportement adopté par M. Karkar depuis la perquisition du 10 juillet 2019, ce dernier objectif est de mise.
  9.        Bien que les infractions en cause ne constituent pas une récidive, l’ensemble des facteurs à considérer justifie, pour la seule fin de déterminer le montant total des amendes à payer, que chacun des actes illégaux soit « sanctionné » à hauteur du montant minimal prévu par l’article 188 du Code des professions en cas de récidive. En adoptant ce raisonnement, pour les dossiers comportant des chefs d’accusation correspondant chacun à un acte illégal unique (dossier A, B, C et E), le montant cumulé devrait être de 75 000 $ (15 x 5 000 $).
  10.        En ce qui concerne le dossier F, notons que la déclaration de culpabilité sur le chef no 1 repose uniquement sur la commission de deux actes illégaux : la préparation d’une demande en matière d’immigration à titre de représentant rémunéré dans deux dossiers, celui de Mme xxxxxxxxxxxxxxxxx et celui de M. xxxxxxx. Dans les deux cas, les agissements de M. Karkar ont donné lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’un avocat ou à en faire les actes. M. Karkar devrait donc, en théorie, se voir imposer une amende de 10 000 $ (2 x 5 000 $). Pour ce qui est du chef no 2, la détermination du montant suivant le raisonnement adopté est plus ardue. La preuve a révélé de façon accablante que M. Karkar avait reçu des sommes à titre d’honoraires ou pour des mandats juridiques de plusieurs clients. Je n’en ai nommé que quatre à des fins illustratives dans le jugement sur la culpabilité[79], mais il y en a plus. Aussi, il s’agit d’une infraction continue commise durant toute la période infractionnelle, reflétant ainsi le comportement systémique de M. Karkar. Une amende plus lourde et supérieure au double de celle applicable au chef no1, de l’ordre de 30 000 $, m’apparaît donc appropriée.
  11.        Par conséquent, je suis d’avis que le montant total des amendes devrait, sous réserver de la capacité de payer de M. Karkar, s’élever à 115 000 $ (75 000 $ + 10 000 $ + 30 000 $).
  12.        Ce montant peut être réparti de la façon envisagée par le poursuivant, c’est-à-dire en appliquant le montant en excédant de l’amende minimale totale, à savoir 72 500 $ (115 000 $ - 42 500 $) uniquement au dossier F (20 000 $ sur le chef no 1 et 52 500 $ sur le chef no 2)[80], de sorte que les amendes à payer devraient être de :

      2 500 $ pour chacun des chefs dans les dossiers A, B, C et E (15 x 2 500 $ = 37 500 $);

      22 500 $ (2 500 $ + 20 000 $) sur le chef no 1 du dossier F; et

      55 000 $ (2 500 $ + 52 500 $) sur le chef no 2 du dossier F[81].

  1.        Reste maintenant à évaluer si le montant total de 115 000 $ doit être revu à la baisse pour tenir compte de la capacité de payer de M. Karkar.
  2.        Première remarque : n’eût été mon intention d’imposer un montant total à payer supérieur à l’amende minimale totale de 42 500 $, la capacité de payer de M. Karkar n’aurait pas été un enjeu. Il m’aurait été impossible de l’ajuster en conséquence. La capacité de payer de M. Karkar est un facteur à tenir compte uniquement en raison du montant total de l’amende envisagée en excédent de 42 500 $, soit 72 500 $. La question revient essentiellement à déterminer si M. Karkar est financièrement en mesure d’acquitter ce montant en sus de celui de 42 500 $.
  3.        Cette évaluation repose sur le témoignage de M. Karkar et les documents justificatifs mis en preuve[82]. Outre son caractère approximatif, plusieurs aspects de ce témoignage m’incitent à la réserve et suscitent des interrogations quant à sa crédibilité, notamment :

      l’affirmation selon laquelle sa pension vieillesse – principale source de revenus – n’est pas imposable (malgré des impôts dus à Revenu Canada en 2022 et 2023 de l’ordre de 8 000 $); et

      le constat que son train de vie relativement élevé (multiples voyages à l’étranger, y compris ceux de sa conjointe), sa pension de 4 500 $ par mois (54 000 $ par an) non imposable et sa facilité de payer les soldes des diverses cartes de crédit sont des éléments a priori incompatibles avec le revenu total déclaré à Revenu Canada (23 616 $ en 2022 et 29 785 $ en 2023). Il est improbable que M. Karkar puisse avoir le train de vie décrit avec comme seule source de revenus la pension vieillesse (en sus de celle du Liban). La thèse du travail bénévole depuis 2017 m’apparaît peu plausible.

  1.        À tout événement, même en tenant pour acquis les éléments rapportés par M. Karkar, on constate que sa situation financière est loin de l’impécuniosité. Il dispose d’une pension de 54 000 $ par an (sans compter celle du Liban), d’environ 15 000 $ dans ses comptes bancaires et est propriétaire de quatre condominiums intégralement payés d’une valeur totale de 500 000 $. Outre les soldes de cartes de crédit, qui s’élèvent (en date du 5 novembre 2024) à environ 21 200 $, il n’a pas de dettes. Ses dépenses courantes, sur une base annuelle, sont de l’ordre de 33 000 $ (loyer, téléphone, câblodistribution, véhicule, médicaments, épiceries, restaurants). Le coût annuel des billets d’avion est de 7 000 $.
  2.        Ce portrait financier ne justifie pas que le montant total envisagé de 115 000 $ soit revu à la baisse. Le montant de sa pension « non-imposable », l’absence de dettes significatives, le montant du crédit maximal qu’il peut utiliser sur chacune de ses cartes de crédit et ses actifs au Liban sont autant d’éléments qui m’amènent à conclure qu’il a la capacité de payer des amendes totalisant 115 000 $. Je doute que l’imposition d’un tel montant ait pour effet de le priver de ses moyens de subsistance[83]. La possibilité de lui accorder un délai raisonnable pour s’acquitter de ce montant et l’existence d’un mécanisme propre au Code de procédure pénale pour réévaluer sa capacité de payer, le cas échéant, entrent également en ligne de compte dans l’analyse.
  3.        Mentionnons également que malgré son statut de retraité, M. Karkar est encore actif sur le plan professionnel, comme en témoigne la preuve administrée à l’audience sur la peine (fréquentation régulière de la suite no 401 jusqu’au mois de mai 2024; conseils donnés à des avocats en droit de l’immigration, présence au 204 rue St-Jacques Ouest). La probabilité qu’il perçoive des revenus autres que ceux découlant de sa pension n’est pas à exclure – loin de là.
  4.        Aussi, dans l’affaire Barreau de Montréal c. Bazin[84], la juge Despots a imposé une amende totale de 72 500 $ à M. Bazin, déclaré coupable de huit chefs d’accusation (répartis dans six dossiers) en matière d’exercice illégal de la profession d’avocat. La juge a considéré que ce montant se trouvait dans le bas de l’échelle. Bien que la juge Despots ait conclu que M. Bazin avait une faible capacité de payer, elle a estimé que cette peine était raisonnable et qu’il importait de faire primer les principes de dénonciation et de dissuasion[85]. Les circonstances aggravantes étaient nombreuses et analogues à celles en l’espèce.
  5.        En terminant, le montant total des amendes à payer, 115 000 $, représente une peine proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité de M. Karkar. Même si la jurisprudence est avare de comparatifs, il s’agit, comme l’illustre l’affaire Barreau de Montréal c. Bazin susmentionnée, d’une peine semblable à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Bien que je sois en présence d’une multiplicité de chefs d’accusation, ce montant ne porte pas non plus atteinte au principe de totalité. Il répond aux objectifs de dénonciation et de dissuasion en matière réglementaire, visant ainsi à corriger l’écart de conduite et prévenir les fautes futures.    
  6.        Les parties n’ont pas fait d’observations concernant le paiement des frais en vertu de l’article 223 C.p.p. La capacité de payer de M. Karkar ne justifie pas que j’exerce ma discrétion pour l’en dispenser. Cela dit, compte tenu de la multiplicité des chefs d’accusation déposés au dossier C (plutôt que de les avoir regroupés)[86], le paiement des frais sera ordonné à l’égard d’un seul d’entre eux, le chef no 1.

POUR TOUS CeS MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dans le dossier A (500-61-502801-195) :

IMPOSE une amende de 2 500 $ (deux mille cinq cents) à l’égard de chacun des chefs nos 1 et 2.

Dans le dossier B (500-61-502803-191) :

IMPOSE une amende de 2 500 $ (deux mille cinq cents) à l’égard du chef no 1.

 

Dans le dossier C (500-61-502804-199) : 

IMPOSE une amende de 2 500 $ (deux mille cinq cents) sur chacun des chefs nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 12.

Dans le dossier E (500-61-502805-196) : 

IMPOSE une amende de 2 500 $ (deux mille cinq cents) à l’égard du chef no 1.

Dans le dossier F (500-61-502802-193) :

IMPOSE une amende de 22 500 $ (vingt-deux mille cinq cents) à l’égard du chef no 1 et une amende de 55 000 $ (cinquante-cinq mille) à l’égard du chef no 2.

DE PLUS, LE TRIBUNAL :

ACCORDE à M. Karkar un délai de 24 mois pour le paiement du montant total des amendes, soit 115 000 $ (cent quinze mille);

ORDONNE le paiement des frais à l’égard de chacun des chefs d’accusation susmentionnés, à l’exception des chefs nos 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, et 12 du dossier C.

 

 

 

 

 

__________________________________

DAVID SIMON, J.C.Q.

 

Me Magali Fournier

Barreau de Montréal

 

M. Anthony Karkar

Défendeur

 

 

Dates d’audience :

4 et 5 novembre 2024

 


[1]  Par respect pour leur vie privée, et également en raison de certaines exigences imposées par la loi (en ce qui concerne notamment les demandeurs d’asile et les demandeurs en matière familiale), l’identité des clients doit demeurer confidentielle, d’autant qu’ils ne sont pas venus témoigner au procès. Dans la version mise sous scellés, l’identité des clients n’est pas caviardée. Dans la version déposée au dossier de la Cour et accessible aux membres du public, le nom de tous les clients fait l’objet d’un caviardage.

[2]  Dans les faits, il s’agit de constats d’infraction. Pour alléger le texte, j’emploierai toutefois les termes-chefs d’accusation.

[4]  Dans chacune des infractions reproduites dans le texte, les actes pour lesquels M. Karkar a été déclaré coupable sont en caractères soulignés.

[5]  M. xxxxx (chef no 1) et Mme xxxxxxx (chef no 2).

[6]  Il s’agit d’un couple en instance de divorce à l’époque : Mme xxxxxxxx et M. xxxxxxxx.

[7]  Chaque chef (ou presque) vise une procédure préparée ou rédigée au nom d’une personne différente.   

[8]  En l’occurrence Me Golshad Darroudi.

[9]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2021 QCCQ 1632.

[10]  Id., par. 12.

[11]  SP-1, en liasse (Lettre du Barreau et avis de réclamation).

[12]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2024 QCCQ 3637.

[13]  Désormais appelé « Immigration Réfugiés Citoyenneté Canada » ou « IRCC ». Bien que les documents produits en preuve fassent référence tant à « CIC » que « IRCC », j’utiliserai l’acronyme « CIC » pour les fins de ce jugement.

[14]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2024 QCCQ 3637, par. 38 (à lire conjointement avec la note infrapaginale no 13).

[15]  M. Karkar a affirmé qu’il était revenu au bureau à cette date. Il a expliqué qu’il n’avait pas le droit d’être physiquement au bureau durant la période de radiation. Il n’est toutefois pas exclu qu’il l’ait fréquenté avant cette date, comme pourraient le suggérer les dates d’infractions dans le dossier A (chef no 1 : 19 décembre 2017 et chef no 2 : 10 octobre 2017) et le dossier B (chef no 1 : 23 mai 2018).

[16]  Je dis « quasi-totalité », car M. Karkar a soutenu qu’il n’a pas été au bureau entre le 27 septembre 2017 et le début du mois de septembre 2018. Il s’avère cependant que les infractions pour lesquelles j’ai déclaré M. Karkar coupable dans les dossiers A et B ont été commises à l’intérieur de cette période. Je ne suis toutefois pas en mesure de conclure qu’il était au bureau lors de la commission de ces infractions. Il aurait pu les commettre en étant physiquement dans un lieu autre.

[17]  Ce chef n’était pas visé par la preuve de faits similaires.

[18]  Paragraphes 91(1) et (2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[19]  FP-24, en liasse (au procès).

[20]  FP-26, en liasse (au procès).

[21]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2024 QCCQ 3637, par. 478 (chef no 6 du Dossier D).

[22]  Id., par. 549 (chef no 8 du dossier E).

[23]  Id., par. 557 (chef no 16 du dossier E).

[24]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2024 QCCQ 3637, par. 99 à 101.

[25]  SP-2, en liasse.

[26]  SP-2, en liasse, p. 7, 11, 13 et 17.

[27]  SP-2, en liasse, p. 5.

[28]  SP-3, en liasse, p. 1 et 2.

[29]  SP-4, en liasse (captures d’écran des résultats de l’exercice effectué en salle d’audience).

[30]  SP-5, en liasse (captures d’écran des résultats de l’exercice effectué en salle d’audience).

[31]  SD-2.

[32]  SD-3.

[33]  SD-3.

[34]  SD-9, en liasse.

[35]  Au moment de l’audience sur la peine (novembre 2024).

[36]  Le cessionnaire des dossiers de M. Karkar au moment de sa radiation.

[37]  Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2009 QCCA 1559 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée : 2010 CanLII 3409 (CSC)).

[38]  Id., par. 38.

[39]  Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers, 2019 QCCS 2811, par. 102 (autorisation d’appel rejetée : 2019 QCCA 1293).

[40]  Id., par. 101.

[41]  Id., par. 103.

[42]  Id., par. 104.

[43]  La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, par. 90.

[44]  Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers, 2019 QCCS 2811.

[45]  Id., par. 106-107 (soulignements ajoutés).

[46]  Id., par. 108.

[47]  R. v. Iacono. 2015 ONCJ 609.

[48]  Id., par. 47.

[49]  École du Barreau du Québec, Droit pénal - Infractions, moyens de défense et peine, Collection de Droit 2023-2024, vol. 13, Montréal (Québec), p. 73. Voir aussi Ontario Securities Commission v. Tiffin, 2020 ONCA 217.

[50]  Sicotte c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1982, par. 33; Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers, 2019 QCCS 2811, par. 111.

[51]  Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers, 2019 QCCS 2811, par. 11.

[52]  Id., par. 125-126.

[53]  Doyon c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1157.

[54]  R. c. Topp, 2011 CSC 43.

[55]  Doyon c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1157, par. 72 (citant R. c. Topp, 2011 CSC 43, par. 18).

[56]  Doyon c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1157, par. 77. Voir aussi Autorité des marchés financiers c. Desmarais, 2019 QCCA 898, par. 171-174.

[57]  Stella c. Autorité des marchés financiers, 2020 QCCS 254, par. 187.

[58]  Autorité des marchés financiers c. Desmarais, 2019 QCCA 898; Érablière Lapierre Inc. c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2018 QCCS 4811.

[59]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2024 QCCQ 3637, par. 524 (p. 105).

[60]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2021 QCCQ 1632.

[61]  Karkar c. Barreau de Montréal, 2022 QCCS 4796.

[62]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2021 QCCQ 1632, par. 24 (soulignement ajouté).

[63]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2021 QCCQ 1632, par. 41-42 (soulignements ajoutés).

[64]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2021 QCCQ 1632, par. 57-59 (soulignements ajoutés).

[65]  SP-2, en liasse.

[66]  SP-2, en liasse.

[67]  SP-3, en liasse.

[68]  SP-5.

[69]  SD-7.

[70]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2021 QCCQ 1632, par. 24.

[71]  SD-8 (soulignement ajouté).

[72]  Ste-Marie c. Autorité des marchés financiers, 2019 QCCS 2811, par. 98-99.

[73]  Bazin c. Barreau de Montréal, 2019 QCCS 2277, par. 83.

[74]  Barreau de Montréal c. Garza, 2011 QCCQ 4949 (jugement sur la culpabilité); Barreau de Montréal c. Garza, 2011 QCCQ 16896 (peine).

[75]  Barreau de Montréal c. Bazin, 2022 QCCQ 41, par. 8.

[76]  Agence du Revenu du Québec c. Morrissette, 2016 QCCQ 595, par. 38-39.

[77]  Section de l’Immigration de la Commission de l’immigration et statut de réfugié.

[78]  Peterson c. R., 2007 QCCA 519, par. 19.

[79]  Barreau de Montréal c. Karkar, 2024 QCCQ 3637, par. 630.

[80]  Une répartition conforme à l’affirmation selon laquelle l’amende sur le chef no 2 du dossier F devrait être supérieure au double de celle sur le chef no 1 – voir le paragraphe 102 du présent jugement. Rappelons que les montants de 10 000 $ et 30 000 $ ont été identifiés uniquement pour les fins d’établir le montant total des amendes à payer (avant ventilation).  

[81]  37 500 $ + 22 500 $ + 55 000 $ = 115 000 $.

[82]  SD-2, SD-3, SD-9, en liasse.

[83]  Bazin c. Barreau de Montréal, 2019 QCCS 2277, par. 86.

[84]  Barreau de Montréal c. Bazin, 2022 QCCQ 41.

[85]  Id., par. 7, 22-23.

[86]  Tout en convenant que le choix de multiplier les chefs ait pu être conditionné par l’intention du poursuivant d’administrer une preuve de faits similaires entre chacun des chefs visant la préparation et la rédaction d’une DACJ (à l’exception du chef no 8).

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