Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 19 juillet 2021

Référence neutre : 2021 QCTAQ 07402

Dossier  : SAI-M-302886-2011

Devant le juge administratif :

MARIE CHAREST

 

CLAUDE VILLENEUVE

CLAIRE PARISEAU-VILLENEUVE

Parties requérantes

c.

VILLE DE SAINT-JÉRÔME

Partie intimée

 

 


DÉCISION

Requête en irrecevabilité




[1]              L’intimée, ville de Saint-Jérôme, demande au Tribunal de rejeter le recours des parties requérantes, M. Claude Villeneuve et Mme Claire Parizeau-Villeneuve, parce qu’irrecevable.

[2]              Elle mentionne que les requérants ont accepté, le 3 septembre 2020, la recommandation de l’évaluateur contenue à sa réponse à leur demande de révision administrative. Dans ce contexte, ils ne pouvaient plus déposer de recours devant le Tribunal à l’égard du rôle d’évaluation 2020-2022.

[3]              Elle soulève de plus que le Tribunal n’a pas compétence pour ordonner le remboursement de droits de mutations immobilières comme le demandent les requérants dans leur recours.

[4]              Les requérants soutiennent ne pas avoir d’autre option pour contester les droits de mutations qui leur ont été imposés à la suite de l’achat, le 14 juin 2019, de leur condominium, lequel correspond à l’unité d’évaluation en cause. Ils considèrent injuste et abusif que les droits de mutations leur soient imposés sur la base de la valeur uniformisée pour le rôle 2017-2019, alors que celle-ci s’avère substantiellement plus élevée que le prix qu’ils ont payé en 2019.

[5]              À la suite de l’audition de cette requête, la soussignée l’a prise en délibéré. Elle a subséquemment obtenu une prolongation du délai de délibéré jusqu’au 27 juillet 2021.

CONTEXTE

[6]              En octobre 2019, dans le contexte de l’acquisition des requérants du 14 juin précédent, ceux-ci se sont vus imposer des droits de mutation sur la base de la valeur de 363 300 $ inscrite au rôle d’évaluation 2017-2019 lors de son dépôt. Cette base, après application du facteur comparatif de 1,04, correspond à une valeur uniformisée de 378 144 $ qui, pour fins d’imposition des droits de mutations, est assimilée à la valeur marchande.

[7]              En effet, la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières[1] (LMI) prévoit que :

« 2. Toute municipalité doit percevoir un droit sur le transfert de tout immeuble situé sur son territoire, calculé en fonction de la base d’imposition établie conformément au deuxième alinéa, selon les taux suivants:

[…]

La base d’imposition du droit de mutation est le plus élevé parmi les montants suivants:

1°  le montant de la contrepartie fournie pour le transfert de l’immeuble;

2°  le montant de la contrepartie stipulée pour le transfert de l’immeuble;

3°  le montant de la valeur marchande de l’immeuble au moment de son transfert. »

(Transcription conforme avec soulignements du Tribunal)

[8]              L’article 1.1 LMI définit cette valeur marchande comme correspondant à la valeur inscrite au rôle de l’unité, ou de la partie de celle-ci qui correspond à l’immeuble vendu, multipliée par le facteur du rôle, ou facteur comparatif; il s’agit donc de la valeur uniformisée de cet immeuble ou de cette partie d’immeuble.

[9]              À la même époque, Saint-Jérôme émet des certificats de modification pour les rôles 2017-2019 et 2020-2022. Elle réduit ainsi la valeur de l’unité d’évaluation pour tenir compte du fait que les requérants n’ont acquis qu’une des deux places de stationnement qui y étaient incluses. Elle inscrit aussi les requérants comme propriétaires de cette unité.

[10]           Ni la valeur initialement déposée au rôle 2017-2019, ni les modifications effectuées par ces certificats n’ont été contestées.

[11]           Le 27 décembre 2019, la greffière de la Division des petites créances de la Cour du Québec refuse la demande des requérants en contestation du montant des droits de mutation, au motif qu’il n’est pas admissible car[2] :

« Un recours sur un droit de mutation n’est pas un recours admissible à la division des petites créances (art. 536 C.p.c.). Seul le Tribunal administratif du Québec a compétence pour ce type de demande. »

[12]           Le Tribunal comprend mal ce commentaire, puisque l’endos du compte de droits sur les mutations immobilières prévoit spécifiquement la possibilité de s’adresser à la Division des petites créances pour recouvrer tout montant payé en surplus du montant auquel il peut être légalement tenu […]; la page de Service Québec - Citoyens intitulée contester un droit de mutation immobilière est au même effet[3].

[13]           Le 2 mars 2020, les requérants reçoivent une réduction de droits de mutation pour tenir compte de la valeur 2017-2019 réduite par certificat, puisqu’ils n’ont acquis qu’une des deux places de stationnements. Il en découle que, comme le prévoit la LMI, c’est en fonction de la valeur uniformisée 2017-2019 qui correspond à l’immeuble qu’ils ont acheté, que les droits de mutation leur ont finalement été imposés.

[14]           Par contre, puisque ce montant est supérieur au prix payé de 325 000 $, le Tribunal comprend que ce dernier montant ne pouvait pas être retenu pour établir les droits de mutations.

[15]           Il n’a cependant pas la compétence pour en décider, puisqu’elle ne fait pas partie de celles que le législateur lui a attribuées[4]. Il se concentrera donc plutôt sur la validité du recours des requérants.

[16]           Le 9 avril 2020, les requérants déposent une demande de révision à l’encontre du rôle 2020-2022 entré en vigueur le 1er janvier précédent.

[17]           Le 31 août suivant, l’évaluateur transmet sa réponse et recommande de réduire à 324 700 $ la valeur, déposée à 355 300 $. Les requérants acceptent cette réponse le 3 septembre suivant en signant à l’endroit approprié sur le formulaire de réponse de l’évaluateur[5].

[18]           Cependant, désirant que ce soit cette valeur qui serve de base pour le calcul des droits de mutation, ils en font la demande à l’intimée, qui refuse; elle les informe qu’elle a respecté la LMI et que ni l’évaluation 2017-2019, ni les droits de mutations ne peuvent alors être contestés.

[19]           Ils déposent donc le présent recours au Tribunal pour lui demander d’ordonner à la Ville de Saint-Jérôme d’accueillir favorablement [leur] demande de remboursement des montants perçus en trop[6].

DÉCISION

[20]           Comme mentionné plus haut, la Loi sur la justice administrative[7] (LJA) prévoit que la Section des affaires immobilières du Tribunal entend des recours formés en vertu de diverses lois, dont celle sur la fiscalité municipale[8] (LFM); la LMI ne fait cependant pas partie de cette liste de lois énumérées à l’Annexe II de la LJA.

[21]           Le Tribunal a d’ailleurs déjà écrit que[9] :

« [11] Le Tribunal, dont fait partie la Section des affaires immobilières, est un organisme exerçant une fonction de nature purement juridictionnelle et ne jouit que des pouvoirs que lui confère expressément le législateur. En d’autres termes, un tribunal administratif n’a pas une compétence générale mais dispose plutôt de la compétence d’attribution que lui accorde la loi.

[…]

[26] Dans le cadre du présent recours, aucune disposition de la LJA ni de la LFM ne confère une compétence au Tribunal puisque ce recours ne porte pas sur une matière prévue au chapitre X de la LFM. »

[22]           Le Tribunal n’a donc pas le pouvoir d’accorder aux requérants ce qu’ils demandent.

[23]           Ainsi, ce n’est que si le rôle d’évaluation en vigueur au moment d’une transaction immobilière a fait l’objet d’une contestation dans les délais prévus à la LFM, qu’une décision du Tribunal peut avoir un impact sur les droits de mutation immobilière imposés à un acquéreur.

[24]           Comme la valeur inscrite au rôle 2017-2019 n’a pas été contestée à l’époque pertinente, le Tribunal n’a pas le pouvoir de la modifier.

[25]           Il en est de même de la valeur inscrite au rôle 2020-2022, puisque les requérants ont accepté la recommandation soumise dans la réponse de l’évaluateur.

[26]           En effet, l’article 138.5 LFM prévoit que ce n’est que si la personne qui a fait la demande de révision n’a pas conclu une entente en vertu de l’article 138.4, [qu’elle peut] former devant le Tribunal un recours ayant le même objet que la demande.

[27]           Puisque le recours des requérants ne pouvait pas être formé, le Tribunal ne peut pas l’entendre.

[28]           Ainsi, bien qu’il sympathise avec le sentiment d’injustice ressenti par les requérants, le Tribunal n’a d’autre choix que de rejeter leur recours.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE la requête en irrecevabilité de l’intimée, et;

REJETTE le recours des requérants.

 


 

 

MARIE CHAREST, j.a.t.a.q.


 

Service des Affaires juridiques, ville de Saint-Jérôme

Me Pascal Marchi

Procureur de la partie intimée


 



[1]    RLRQ, chapitre E-15.1.

[2]    Pièce I-4.

[3]    Demande de révision des requérants; ce compte et cette page Internet y sont annexés.

[4]    Loi sur la justice administrative, RLRQ, chapitre J-3, art. 32 et annexe II.

[5]    Pièce I-8.

[6]    Annexe à la requête introductive d’un recours.

[7]    RLRQ, chapitre J-3, art. 32 et annexe II.

[8]    RLRQ, chapitre F-2.1.

[9]    Pierre Brousseau c. Municipalité Les Bergeronnes, 2019 QCTAQ 05318.

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