Décision

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Asselin c. R.

2025 QCCA 431

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE MONTRÉAL

 

 :

500-10-008108-233

(405-01-044469-210)

 

DATE :

10 avril 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

JUDITH HARVIE, J.C.A.

MYRIAM LACHANCE, J.C.A.

 

 

ROGER ASSELIN

APPELANT – accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LE ROI

INTIMÉ – poursuivant

 

 

ARRÊT

 

 

 

MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée en première instance en vertu de l’article 486.4 C.cr. afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.

  1.                 L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu oralement le 19 octobre 2023 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Drummond (l’honorable Danielle Côté), le déclarant coupable d’un chef d’accusation d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin et ordonnant un arrêt conditionnel des procédures à l’égard d’un chef de grossière indécence.


  1.                 Pour les motifs de la juge Lachance, auxquels souscrivent les juges Doyon et Harvie, LA COUR :
  2.                 accueille l’appel;
  3.                 CASSE la déclaration de culpabilité de l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin;
  4.                 ACQUITTE l’appelant de l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin;
  5.                 ANNULE la peine imposée sur le premier chef d’accusation;
  6.                 ANNULE l’arrêt conditionnel des procédures quant à l’infraction de grossière indécence;
  7.                 DÉCLARE l’appelant coupable de l’infraction de grossière indécence;
  8.                 CONDAMNE l’appelant à une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité d’une durée de 12 mois sur le chef de grossière indécence;
  9.            condamne l’appelant au paiement de la suramende compensatoire prévue à l’art. 737 C.cr.;
  10.            ORDONNE à l’appelant de se soumettre au prélèvement d’échantillons de substances corporelles, conformément au par. 487.051(2) C.cr.;
  11.            ordonne à l’appelant de se conformer à la Loi sur l’enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels pour une durée de dix ans, en application des par. 490.012(3) et 490.013(2) C.cr.;
  12.            SURSEOIT à l’exécution de cette peine d’emprisonnement.

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MYRIAM LACHANCE, J.C.A.

 

Me Alain Dumas

DUMAS CARRÉ THÉBERGE MICHAUD-BRIÈRE

Pour l’appelant

 

Me Francis Villeneuve-Ménard

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

13 mars 2025


 

 

MOTIFS DE LA JUGE LACHANCE

 

 

  1.            L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu oralement le 19 octobre 2023 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Drummond (l’honorable Danielle Côté)[1], le déclarant coupable d’un chef d’accusation d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin et ordonnant un arrêt conditionnel des procédures à l’égard d’un chef de grossière indécence[2].
  2.            Les événements allégués remontent à 1981. L’appelant avait 29 ans et le plaignant (X) 14 ans. L’appelant et son frère exploitaient une ferme où X travaillait. C’est dans ce contexte que sont survenus les gestes reprochés, plus précisément lors d’une promenade près d’un étang et dans un bureau de la ferme.
  3.            Il s’agit essentiellement de gestes d’attouchement et de masturbation faits par l’appelant à l’endroit de X, ainsi que de fellations mutuelles.
  4.            À l’été 2016, X a repris contact avec l’appelant par le biais de l’application Messenger. Ils ont échangé des messages texte dans lesquels l’appelant s’excuse à X et dit qu’il ne touchera plus jamais à un enfant[3].
  5.            Les conclusions de fait de la juge ne sont pas en litige et les gestes à l’origine des infractions reprochées sont admis par l’appelant. Le débat se situe au niveau de la possibilité d’invoquer la défense de consentement et de l’interprétation de l’art. 156 C.cr., applicable aux infractions historiques.

La juge a-t-elle erré en droit dans l’application de la notion de consentement à l’infraction d’attentat à la pudeur?

  1.            En 1981, l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin était prévue par l’art. 156 C.cr., qui énonçait :

156.  Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de dix ans, toute personne du sexe masculin qui attaque une autre personne avec l’intention de commettre la sodomie ou qui attente à la pudeur d’une autre personne du sexe masculin.

156.  Every male person who assaults another person with intent to commit buggery or who indecently assaults another male person is guilty of an indictable offence and is liable to imprisonment for ten years.

  1.            Cette disposition a été abrogée le 4 janvier 1983[4] et remplacée par de nouvelles dispositions législatives relatives aux infractions de nature sexuelle[5].
  2.            Il est toujours possible d’obtenir une déclaration de culpabilité pour cette infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin (l’ancien art. 156 C.cr.), selon l’actuel art. 156 C.cr. :

156.  Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction d’ordre sexuel à la présente loi, dans toute version antérieure au 4 janvier 1983, sauf si l’acte reproché constituerait une infraction à la présente loi s’il était commis à la date où l’accusation est portée.

156.  No person shall be convicted of any sexual offence under this Act as it read from time to time before January 4, 1983 unless the conduct alleged would be an offence under this Act if it occurred on the day on which the charge was laid.

  1.            La présente accusation satisfait les exigences de cet article puisqu’elle constitue une infraction d’ordre sexuel et que les actes reprochés sont visés par des infractions dans le Code criminel qui étaient en vigueur au moment de la mise en accusation de l’appelant (et qui le sont d’ailleurs toujours).
  2.            En effet, l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin (l’ancien art. 156 C.cr.) et l’actuelle infraction d’agression sexuelle (art. 271 C.cr.) possèdent des éléments essentiels « très similaires ». Tant l’attentat à la pudeur que l’agression sexuelle constituent des voies de fait. Dans le premier cas, celles-ci sont commises dans des circonstances indécentes, alors que, dans le second cas, elles sont commises dans des circonstances sexuelles, de manière à porter atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime[6].
  3.            Les gestes reprochés et admis par l’appelant sont également visés par l’infraction actuelle de contacts sexuels (art. 151 C.cr.)[7].
  4.            Lors du procès, l’appelant invoquait une défense de consentement.
  5.            Plus précisément, il a témoigné avoir agi à la demande de X, mais cette explication a été rejetée par la juge, qui a notamment retenu leur grande différence d’âge.
  6.            Il importe de préciser que X a témoigné qu’il était âgé d’environ 12 ans lorsque les gestes sont survenus, mais la juge a conclu que les événements se sont déroulés en 1981, alors qu’il avait 14 ans.
  7.            Sans le mentionner spécifiquement, il semble que la juge ait considéré la modification législative de 2008 haussant l’âge de consentement à une activité sexuelle de 14 à 16 ans[8]. Elle s’est en effet dite « incapable de déterminer si le plaignant [avait] consenti ou non aux gestes »[9], mais elle a néanmoins déclaré l’appelant coupable d’avoir attenté à la pudeur de X.
  8.            La juge a précisé que la présence ou l’absence de consentement de X n’était pas déterminante, considérant que l’appelant était âgé de cinq ans ou plus que X et qu’il se trouvait en situation d’autorité à son égard, selon la loi actuellement en vigueur[10].
  9.            Il s’agit toutefois d’une erreur, comme le concède le ministère public, qui devait prouver hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement de X, une fois déterminé que celui-ci avait 14 ans ou plus au moment des faits.
  10.            En effet, l’art. 156 C.cr., applicable aux infractions historiques, exige de prouver à la fois les éléments essentiels de l’infraction historique ainsi que de ceux de l’infraction actuelle[11].
  11.            Les éléments essentiels de l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin ainsi que celles de l’agression sexuelle et des contacts sexuels se recoupent, ce qui permet l’application de l’art. 156 C.cr.[12].
  12.            Toutefois, dans le cas de la première, lorsque le plaignant est âgé de 14 ans ou plus, ce sont les dispositions du consentement qui existaient en 1981 qui doivent s’appliquer, rendant ainsi nécessaire la démonstration hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement de la victime, compte tenu de l’ancien art. 140 C.cr.[13] :

140.  Lorsqu’un prévenu est inculpé d’une infraction visée par l’article 146, 149 ou 156 à l’égard d’une personne de moins de quatorze ans, le fait que la personne ait consenti à la perpétration de l’infraction ne constitue pas une défense contre l’inculpation.

140.  Where an accused is charged with an offence under section 146, 149 or 156 in respect of a person under the age of fourteen years, the fact that the person consented to the commission of the offence is not a defence to the charge.

[Soulignements ajoutés]

[Emphasis added]

  1.            Les nouvelles dispositions haussant l’âge du consentement de 14 à 16 ans, en vigueur depuis 2008, ne font pas obstacle à l’application de l’ancien art. 140 dans le présent dossier.
  2.            Il existe une règle générale en common law fondée sur la primauté du droit et sur le principe de la légalité qui prévoit « qu’un inculpé doit être jugé et puni en vertu du droit substantiel en vigueur au moment où l’infraction a été commise et non en vertu du droit en vigueur à tout autre moment, comme celui du procès ou de la sentence »[14].
  3.            En outre, l’actuel art. 156 C.cr. ne permet pas de criminaliser rétrospectivement une conduite autrefois légale, sans quoi il y aurait violation du droit garanti par l’al. 11g) de la Charte canadienne des droits et libertés[15].
  4.            Ainsi, dans la mesure où le plaignant avait 14 ans en 1981, et où le ministère public n’a pas démontré hors de tout doute raisonnable son absence de consentement aux gestes posés par l’appelant, ce dernier devait être acquitté de l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin.
  5.            Ce moyen doit donc réussir et la déclaration de culpabilité sur le premier chef d’accusation être cassée (al. 686(1)a) C.cr.) afin qu’un acquittement lui soit substitué (al. 686(2)a) C.cr.).

La juge atelle erré en droit en concluant que l’art. 156 C.cr. ne constituait pas un obstacle à une déclaration de culpabilité sur le chef de grossière indécence?

  1.            En 1981, l’infraction de grossière indécence de l’art. 157 C.cr. était ainsi libellée :

157.  Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de cinq ans, quiconque commet un acte de grossière indécence avec une autre personne.

157.  Every one who commits an act of gross indecency with another person is guilty of an indictable offence and is liable to imprisonment for five years.

  1.            Cette infraction, comme celle d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin, concorde avec les présentes accusations d’agression sexuelle et de contacts sexuels au sens de l’actuel art. 156 C.cr.[16].
  2.            Il ne fait aucun doute que les gestes reprochés à l’appelant constituent des actes de grossière indécence selon la définition qu’en ont retenue les tribunaux[17]. L’appelant allègue toutefois que la juge devait l’acquitter, compte tenu de l’abrogation et de la déclaration d’inconstitutionnalité de l’ancien art. 158 C.cr., qui traitait de la notion de consentement applicable à cette infraction :

158.  (1) Les articles 155 et 157 ne s’appliquent à aucun acte commis, dans l’intimité,

a) entre un mari et sa femme, ou

b) entre deux personnes, dont chacune est âgée de 21 ans ou plus,

158.  (1) Sections 155 and 157 do not apply to any act committed in private between

(a) a husband and his wife, or

(b) any two persons, each of whom is twenty-one years or more of age,

qui consentent, tous les deux, à commettre l’acte.

both of whom consent to the commission of the act.

(2) Aux fins du paragraphe (1),

(2) For the purposes of subsection (1),

a) un acte est réputé ne pas avoir été commis dans l’intimité s’il est commis dans un lieu public ou si plus de deux personnes y prennent part ou y assistent; et

(a) an act shall be deemed not to have been committed in private if it is committed in a public place, or if more than two persons take part or are present; and

[…]

[…]

  1.            L’art. 158, adopté en 1968[18], a été abrogé en 1988[19], et par la suite déclaré inconstitutionnel au regard de l’art. 15 de la Charte en raison de la distinction inacceptable et illégale fondée sur l’âge qui y était prévue[20].
  2.            L’appelant demande néanmoins d’appliquer la défense de consentement prévue dans l’ancien art. 158, mais en faisant fi de son contenu jugé discriminatoire (les gestes doivent avoir été commis dans l’intimité entre un mari et sa femme ou entre deux personnes consentantes âgées de 21 ans ou plus).
  3.            Cet argument ne peut être retenu pour deux raisons.
  4.            D’une part, l’appelant confond le moyen de défense prévu à l’art. 158 avec les éléments essentiels de l’infraction de grossière indécence qui n’incluent pas l’absence de consentement, contrairement au crime d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin.
  5.            L’absence de consentement du plaignant constitue un élément pertinent pour déterminer si l’acte reproché correspond à de la grossière indécence, mais il n’est pas un élément essentiel à la perpétration du crime. Le consentement n’est pas non plus un moyen de défense, sauf en application de l'art. 158 C.cr.[21].
  6.            D’autre part, la déclaration d’inconstitutionnalité de cette disposition ne peut s’appliquer rétrospectivement ou rétroactivement de façon à modifier la responsabilité pénale engagée par une personne avant l’entrée en vigueur de la Charte[22], soit le 17 avril 1985 en ce qui concerne l’art. 15[23].
  7.            En résumé, la responsabilité criminelle de l’appelant doit s’évaluer en fonction des dispositions législatives et constitutionnelles en vigueur au moment de la perpétration de l’infraction, en 1981, alors que l’absence de consentement n’avait pas à être prouvée par la poursuite dans une affaire de grossière indécence. La présence d’un consentement n’était pas non plus un moyen de défense, outre les cas répertoriés à l’art. 158 (alors en vigueur) et qui n’avaient aucune application en l’espèce.
  8.            Cet article a depuis été abrogé et déclaré inconstitutionnel, mais la Charte n’a pas d’application rétroactive, en ce sens qu’elle n’agit pas à l’égard de faits entièrement accomplis dans le passé[24].
  9.            L’article 15 n’est pas non plus une disposition rétrospective qui vise l’avenir, mais qui impose de nouvelles conséquences à l’égard d’événements passés[25].
  10.            Pour ces raisons, ce moyen d’appel doit être rejeté, mais cela ne scelle pas le sort du pourvoi.

*****

  1.            En raison de l’appel de la déclaration de culpabilité du chef d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin qui doit être accueilli et de l’acquittement qui doit être prononcé sur ce chef, le par. 686(8) C.cr. confère un pouvoir résiduel à la Cour d’annuler l’ordonnance d’arrêt conditionnel des procédures rendue par la juge à l’endroit du chef de grossière indécence[26].
  2.            Or, la juge a malheureusement ordonné un arrêt conditionnel des procédures sur ce chef sans d’abord se prononcer sur la culpabilité de l’appelant.
  3.            Dans un tel cas, il est souvent préférable que la Cour d'appel renvoie l'affaire au juge du procès pour qu'il inscrive une déclaration de culpabilité relativement à l'accusation qui n’a pas fait l’objet d’une décision, de façon à protéger le droit de l'appelant d'interjeter un appel contre la nouvelle déclaration de culpabilité, le cas échéant[27].
  4.            Toutefois, en l’espèce, le chef de grossière indécence est aussi porté en appel par l’appelant, qui a cru en avoir été déclaré coupable. Une lecture attentive du dossier, incluant la transcription des discussions lors des observations en première instance, permettent de comprendre que la juge a simplement omis d’inscrire la déclaration de culpabilité[28].
  5.            En effet, une analyse fonctionnelle et contextuelle de ses motifs[29] démontre que la juge était convaincue de la culpabilité de l’appelant sur ce chef d’accusation. Les faits admis mènent par ailleurs inévitablement à cette conclusion.
  6.            Quoi qu’il en soit, le par. 686(8) C.cr. permet également à une cour d'appel d’examiner un arrêt conditionnel des procédures imputable à l’application de la règle interdisant les condamnations multiples énoncée dans l'arrêt Kienapple[30]. Dans les circonstances, il me paraît qu’une déclaration de culpabilité doit être prononcée par la Cour sur le chef de grossière indécence.
  7.            Je crois par ailleurs pertinent de rappeler qu’il est préférable et prudent de toujours rendre une décision à l'égard de tous les chefs d'accusation[31].
  8.            C’est pourquoi le juge du procès devrait d’abord déterminer si l'accusé a droit à un acquittement avant d'appliquer la règle interdisant les condamnations multiples et d’ordonner l’arrêt conditionnel des procédures[32].
  9.            Et ce n’est que dans les cas où il est impossible d’inscrire une condamnation en raison de l'arrêt Kienapple que le juge doit ordonner l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard de cette infraction[33].
  10.            En bref, il me paraît approprié de déclarer l’appelant coupable du chef de grossière indécence plutôt que de renvoyer l’affaire en première instance.

*****

  1.            Il reste maintenant la peine à imposer sur le chef d’accusation de grossière indécence.
  2.            À la suite de sa déclaration de culpabilité sur le chef d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin, la juge a condamné l’appelant à une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité de 18 mois, assortie du paiement de la suramende compensatoire, du prélèvement d’un échantillon d’ADN et de son inscription au registre des délinquants sexuels pour une durée de 20 ans[34].
  3.            La peine doit cependant être ajustée en raison de la gravité objective moindre de l’infraction de grossière indécence (passible d’un emprisonnement de cinq ans) face à celle d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin (passible d’un emprisonnement de dix ans).
  4.            Je considère qu’une peine de 12 mois d’emprisonnement à purger dans la collectivité est adéquate. Conformément à l’al. 490.013(2)a) C.cr., l’inscription de l’appelant au registre des délinquants sexuels requiert d’être ramenée à 10 ans. Quant aux autres modalités de la peine, elles doivent être maintenues.
  5.            Par ailleurs, l’appelant n’ayant pas demandé la suspension de l’exécution de sa peine pendant les procédures d’appel, et parce que la peine de 12 mois d’emprisonnement dans la collectivité est déjà purgée, il a lieu de surseoir à l’exécution de la peine infligée sur le deuxième chef d’accusation[35].
  6.            Pour ces motifs, je suggère à la Cour d’accueillir le pourvoi; de casser le verdict de culpabilité quant à l’infraction d’attentat à la pudeur d’une personne de sexe masculin; d’annuler l’arrêt conditionnel des procédures à l’endroit du chef de grossière indécence pour inscrire une déclaration de culpabilité; d’imposer la peine indiquée; et de surseoir à la peine d’emprisonnement.

 

 

 

MYRIAM LACHANCE, J.C.A.

 


[1]  R. c. Asselin, C.Q. Drummond, no 405-01-044469-210, 19 octobre 2023, Côté, j.c.q. [jugement entrepris].

[2]  Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C34, art. 156 et 157.

[3]  Pièce P-1, Conversations Messenger entre l’appelant et X

[5]  Loi modifiant le Code criminel de 1983, art. 19.

[7]  LSJPA2232, 2022 QCCA 1685, par. 17.

[8]  Cf. Loi sur la lutte contre les crimes violents, L.C. 2008, ch. 6, art. 13.

[9]  Jugement entrepris, p. 19.

[10]  Jugement entrepris, p. 14. Voir les art. 150.1, 151, 152 et 271 C.cr.

[11]  LSJPA2232, par. 19.

[12]  R. c. Kirkpatrick, 2022 CSC 33, par. 28; R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330 [Ewanchuk], par. 23 et 25; R. c. Sazant, 2004 CSC 77, par. 19, 31 et 44; Rhynard et autre c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 564.

[13]  Stevens c. R., 2019 QCCA 785, par. 58. Code criminel, S.R.C. 1970, C34, art. 140.

[15]  Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, c. 11 [Charte]. Cf. Poulin, par. 59.

[16]  LSJPA — 2232, par. 17.

[17]  R. v. Quesnel (1979), 51 C.C.C. (2d) 270 (C.A. Ont.), p. 280, repris dans : LSJPA2232, par. 15. Voir aussi : R. c. Fillion, 1989 CanLII 717 (C.A.) [Fillion], demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 23 novembre 1989, no 21480.

[18]  Loi de 196869 modifiant le droit pénal, S.C. 1968-69, ch. 38, art. 7.

[19]  Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. 19 (3e suppl.), art. 2 (entrée en vigueur le 1er janvier 1988 : TR/87259).

[20]  R. c. Lacroix, 1992 CanLII 3986 (C.A.), par. 13 : « Dans le cas à l’étude, c’est l’âge qui crée, à l’article 158 C.cr., une distinction inacceptable et illégale : celui qui a moins de 21 ans est, pour cette seule raison, coupable d’un crime qui n’en serait pas un s’il avait 21 ans. » [Soulignement dans l’original].

[21]  Fillion; R. v. Sharpe, 2007 BCCA 191 [Sharpe], par. 44; R. v. Thomas (2004), 190 C.C.C. (3d) 31 (C.A. Ont.), par. 56.

[23]  Charte, par. 32(2) : « Par dérogation au paragraphe (1), l’article 15 n’a d’effet que trois ans après l’entrée en vigueur du présent article »; Proclamation du 17 avril 1982 portant entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982, TR/8297.

[24]  Stevens (CSC), p. 11571159.

[25]  Benner, par. 39 et 44 : « [l]’article 15 ne peut être invoqué pour contester un acte précis et isolé survenu avant l’entrée en vigueur de la Charte. Par exemple, il ne peut être invoqué pour attaquer une déclaration de culpabilité antérieure à la Charte […] ».

[26]  R. c. Provo, [1989] 2 R.C.S. 3 [Provo], p. 16; R. c. Hinse, [1995] 4 R.C.S. 597 [Hinse], par. 29.

[27]  Provo, p. 16 et 21-22.

[28]  Voir les plaidoiries/discussion, 26 juillet 2023, p. 31 et s.

[29]  Cf. R. c. G.F., 2021 CSC 20, par. 69 et 74.

[30]  Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729. Cf. Provo, p. 21-22.

[31]  Provo, p. 17; Casavant c. R., 2016 QCCA 1340, par. 65.

[32]  Provo, p. 18.

[33]  Id., p. 17.

[34]  Procèsverbal du 28 novembre 2023.

[35]  Voir R. c. Proulx, 2000 CSC 5, par. 132.

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