Décision

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Desjardins Assurances générales inc. c. Immeubles Devler inc.

2025 QCCA 586

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-031081-243

(500-22-269021-211)

 

DATE :

9 mai 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

JUDITH HARVIE, J.C.A.

CHRISTIAN IMMER, J.C.A.

 

 

DESJARDINS ASSURANCES GÉNÉRALES INC.

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES LE POINT VERT PHASE 1

APPELANTS – demandeurs

c.

 

LES IMMEUBLES DEVLER INC.

LAVALLÉE – DUFOUR INC.

INTIMÉES – défenderesses

 

 

ARRÊT RECTIFICATIF

(de l’arrêt rendu le 8 mai 2025)

 

 

  1.                 Une erreur cléricale a été relevée à la date de l’arrêt rendu le 8 mai 2025.

POUR CE MOTIF, LA COUR :

  1.                 RECTIFIE l’arrêt rendu le 8 mai 2025 afin de modifier la date du 8 mai 2024 par celle du 8 mai 2025.


  1.                 LE TOUT, sans frais de justice.

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTIAN IMMER, J.C.A.

 

Me Audrey Chevrette

PELLETIER D’AMOURS

Pour Desjardins Assurances Générales inc.

Syndicat des copropriétaires Le Point Vert Phase 1

 

Me Marc Charland

DUNTON RAINVILLE

Pour Lavallée – Dufour inc.

 

Date d’audience :

10 avril 2025

 

 

Mise en délibéré :

11 avril 2025


 

 

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-031081-243

(500-22-269021-211)

 

DATE :

8 mai 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

JUDITH HARVIE, J.C.A.

CHRISTIAN IMMER, J.C.A.

 

 

DESJARDINS ASSURANCES GÉNÉRALES INC.

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES LE POINT VERT PHASE 1

APPELANTS – demandeurs

c.

 

LES IMMEUBLES DEVLER INC.

LAVALLÉE – DUFOUR INC.

INTIMÉES – défenderesses

 

 

ARRÊT RECTIFIÉ

(le 9 mai 2025)

 

 

  1.                          Les appelants, Desjardins Assurances Générales inc. (« Desjardins ») et le Syndicat des copropriétaires Le Point Vert Phase 1 (« Syndicat »), se pourvoient contre un jugement rendu le 16 mai 2024 par la Cour du Québec, district de Montréal (l’honorable Jean-François Roberge), lequel rejette leur demande en justice[1]. Voici brièvement le contexte.
  1.                          En septembre 2017, monsieur Thomas Andreo achète l’unité 102 d’un immeuble de copropriétés divises situé sur la rue Boyer à Montréal (« Immeuble »), d’une vendeuse qui l’avait acquise en mai 2015 de l’intimée, Les Immeubles Devler inc. (« Devler »), l’entrepreneur et promoteur qui s’est occupé de la construction de l’Immeuble achevée en 2014 et de la vente des unités neuves. Desjardins est l’assureur du Syndicat de l’Immeuble et de monsieur Andreo.
  2.                          En septembre 2018, monsieur Andreo constate dans son sous-sol l’apparition de dommages causés par une infiltration d’eau (cadre de porte gonflé et cerne jaune). Il demande à un entrepreneur général et à un plombier de venir inspecter les lieux, et il en avise son Syndicat et son assureur Desjardins. Les experts ouvrent le mur, constatent que l’eau provient du climatiseur et s’infiltre, puis s’écoule dans le sous-sol. Monsieur Andreo cesse alors d’utiliser l’appareil.
  3.                          Fin septembre 2018, Desjardins dénonce un vice caché à Devler afin qu’elle puisse examiner les lieux et procéder aux réparations, le cas échéant. Celle-ci avise l’intimée Lavallée-Dufour inc. (« LD Plombier »), la société de plomberie sous-traitante qui s’est occupée d’installer les climatiseurs dans l’Immeuble. Des représentants de Devler et de LD Plombier viennent inspecter les lieux dans les semaines qui suivent, mais ils n’entreprennent aucuns travaux correctifs.
  4.                          En juillet 2019, un architecte inspecte les lieux et prépare un rapport d’expertise à la demande du Syndicat. Fin janvier 2020, le Syndicat envoie une mise en demeure à Devler au motif qu’elle est responsable du vice caché à l’origine des dommages, mais ne reçoit aucune réponse. Les travaux de réparation sont effectués pour corriger le problème de drainage du climatiseur et décontaminer, puis reconstruire les sections abîmées de l’unité. Monsieur Andreo doit être relogé pendant une partie des travaux. Desjardins couvre le coût des réparations et de relocalisation jusqu’à concurrence d’une somme d’un peu plus de 32 200 $ et le Syndicat paye une portion de ces coûts équivalant au montant de la franchise d’assurances de 5 000 $.
  5.                          En septembre 2021, Desjardins, subrogée dans les droits de ses assurés[2], et le Syndicat[3] poursuivent Devler et LD Plombier en dommages-intérêts. Ils allèguent que les dommages causés par l’eau dans l’unité de monsieur Andreo « sont attribuables à une installation déficiente et inadéquate des unités de climatisation murales de l’immeuble »[4].
  6.                          Quelques jours avant le procès fixé à la fin avril 2024, Devler révoque le mandat de ses avocats et « choisit de ne pas être représenté[e] […] et de ne pas participer au procès étant donné l’état de sa situation financière. Le procès se fait donc par défaut contre [elle] »[5].
  7.                          En début d’audience le 24 avril 2024, le juge demande aux avocats de présenter succinctement leur théorie de la cause et l’avocate de Desjardins et du Syndicat explique qu’elle recherche la responsabilité solidaire de Devler et LD Plombier en vertu de l’article 2118 C.c.Q. qui édicte :

2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

2118. Unless they can be relieved from liability, the contractor, the architect, the engineer and the professional technologist who, as the case may be, directed or supervised the work, and the subcontractor with respect to work performed by him, are solidarily liable for the loss of the work occurring within five years after the work was completed, whether the loss results from faulty design, construction or production of the work, or defects in the ground.

  1.                          Elle ajoute qu’elle pourrait également plaider le vice caché de la vendeuse initiale Devler, mais qu’elle mise davantage sur les présomptions de l’article 2118 C.c.Q. L’avocat de LD Plombier répond que la responsabilité de sa cliente ne peut être retenue qu’en présence d’une faute extracontractuelle, car elle n’a pas de lien de droit avec le propriétaire de l’unité. Selon lui, le climatiseur a été installé selon les règles de l’art et la responsabilité de LD Plombier ne saurait être retenue. En plaidoirie, il ajoute que la perte de l’ouvrage n’a pas été démontrée au sens de l’article 2118 C.c.Q.
  2.                     Dans ses motifs, le juge conclut :

[15] À la lumière de la preuve, le Tribunal est d’opinion que l’Assureur et le Syndicat démontrent de manière prépondérante l’existence d’un vice de construction quant à la plomberie, mais que les dommages prouvés n’atteignent pas le niveau nécessaire pour démontrer la perte de l’immeuble. Par conséquent, l’Assureur et le Syndicat ne respectent pas les conditions de l’article 2118 C.c.Q. et leur recours n’est pas accueilli.[6]

*****

  1.                     En appel, Desjardins et le Syndicat ne remettent pas en cause la conclusion factuelle du juge d’instance voulant qu’il n’y ait pas perte de l’immeuble au sens de l’article 2118 C.c.Q. Cependant, ils plaident que le juge ne devait pas restreindre son analyse de la responsabilité de Devler et LD Plombier à cette seule disposition. Selon eux, le juge ayant tiré toutes les conclusions factuelles requises pour se prononcer sur le régime général de responsabilité civile fondé sur l’article 1457 C.c.Q. et la garantie de qualité découlant des articles 1442, 1726 et 1729 C.c.Q., il devait considérer la responsabilité des intimées sur ces bases également. À l’audience, les appelants demandent en outre à la Cour de trancher ces questions, considérant que l’ensemble de la preuve a été présentée pour ce faire.
  2.                     LD Plombier reconnaît que la preuve permettant d’évaluer sa responsabilité civile en vertu de l’article 1457 C.c.Q. a été présentée en première instance et qu’il a plaidé ses arguments à ce sujet. Elle considère cependant que c’est à bon droit que le juge n’aborde pas cet aspect, car aucune faute n’a été commise lors de l’installation du climatiseur. En somme, selon elle, sa responsabilité ne devrait pas être retenue, que ce soit en vertu du régime prévu à l’article 2118 C.c.Q. ou de celui prévu à l’article 1457 C.c.Q. Par ailleurs, elle considère que le juge commet une erreur manifeste et déterminante en concluant à l’existence d’un vice de construction. Devler ne présente, pour sa part, aucun argument en appel.
  3.                     La Cour considère que le juge devait se pencher, d’une part, sur la responsabilité civile de LD Plombier et, d’autre part, sur la garantie de qualité à laquelle est tenue la vendeuse professionnelle Devler. En tout état de cause, la Cour conclut à leur responsabilité. Voici pourquoi.
  4.                     Dans ses motifs, le juge explique qu’il limite son analyse à l’article 2118 C.c.Q. en soulignant :

[3] Desjardins et le Syndicat choisissent de fonder leur recours sur l’article 2118 C.c.Q., car ils prétendent que l’Entrepreneur et le Plombier Lavallée-Dufour sont responsables solidairement d’un vice de construction susceptible d’engager la perte de l’immeuble, et qui est découvert dans les cinq premières années de la construction. Desjardins et le Syndicat prétendent que l’eau s’écoulant de l’unité d’air climatisé a causé les dommages, car elle n’a pas été bien évacuée par le système de plomberie qui est déficient.

  1.                     Certes, lors de l’audience en première instance, Desjardins et le Syndicat plaident principalement l’application de l’article 2118 C.c.Q. Cependant, le recours alléguait dans des termes plus larges la cause d’action et la preuve présentée au procès appuyait cet argument. Le juge a d’ailleurs conclu que les appelants ont démontré « de manière crédible que l’installation [de LD Plombier] est déficiente »[7]. Il considère donc que l’installation « comporte un défaut sérieux correspondant à un vice de construction qui a causé le dégât d’eau, car elle ne respecte pas les bonnes pratiques »[8].
  2.                     Quant aux dommages, il écrit :

[22] En effet, le dégât d’eau a causé des dommages à l’appartement […] nécessitant la démolition et la reconstruction de parties de murs de placoplâtres, de plinthes et moulures, de planchers de bois, d’isolant et de quelques structures de bois dans les murs et le plafond. Il a également fallu procéder à une décontamination pour éliminer les moisissures. Des travaux superficiels ont été réalisés dans l’appartement 202 au-dessus et dont les unités d’air climatisé étaient connectées ensemble pour l’évacuation du condensat d’eau.

[…]

[25] Le Tribunal conclut que les dommages subis correspondent à des réparations et rénovations habituelles pour un sinistre par dégât d’eau, sans qu’une preuve ait été faite que les éléments structuraux de l’immeuble aient été en péril. […]

[Renvoi omis]

  1.                     L’article 2118 C.c.Q. permet d’établir légalement la responsabilité solidaire de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur sous certaines conditions, sans égard au contrat[9]. Toutefois, cette disposition n’écarte pas le régime général de la responsabilité civile ni celui applicable en vertu de la garantie de qualité du vendeur. À ce sujet, l’auteur Vincent Karim écrit :

1741. […] La responsabilité extracontractuelle du sous-entrepreneur envers le client, reconnue à larticle 2118 C.c.Q. qui prévoit une responsabilité solidaire entre les intervenants sans égard à lexistence ou non dun lien avec le client, pouvait être engagée. Même en dehors de lapplication de cet article, la responsabilité extracontractuelle du sous-traitant peut être engagée en présence dune faute extracontractuelle. La jurisprudence et la doctrine reconnaissent que la responsabilité extracontractuelle dun entrepreneur ou dun sous-entrepreneur peut être retenue en vertu de larticle 1457 C.c.Q. pour le préjudice causé à un tiers lorsque la preuve démontre quil na pas agi comme une personne prudente et diligente et quil a fait preuve dinsouciance lors de lexécution de son contrat.[10]

[Soulignement ajouté; renvois omis; caractères gras dans l’original]

  1.                     Dans notre système de justice fondé sur le modèle contradictoire, il revient aux parties qui introduisent l’instance d’en déterminer l’objet[11]. Les tribunaux ne peuvent pas juger au-delà de ce qui leur est demandé[12]. Néanmoins, le Code de procédure civile spécifie que leur « mission [est] de trancher les litiges dont ils sont saisis en conformité avec les règles de droit qui leur sont applicables »[13]. Les tribunaux doivent d’ailleurs prendre connaissance d’office du droit en vigueur au Québec[14]. Les parties n’ont pas à le démontrer ni à l’alléguer dans leur procédure[15].
  2.                     La Cour écrit au sujet de l’article 292 a.C.p.c., prédécesseur de l’actuel article 268 C.p.c., qui permet à un juge de signaler aux parties une lacune dans la preuve à tout moment avant le jugement et les autoriser à la combler, que « [l]e législateur invite le juge à ne pas demeurer passif devant une injustice qu’il décèle en raison d’une erreur ou d’une omission d’une partie »[16]. Il faut évidemment que la preuve soit présentée devant le tribunal et que les parties aient eu la chance de se faire entendre. À ce sujet, le Code de procédure civile édicte :

323. Le juge qui a pris une affaire en délibéré doit, s’il constate qu’une règle de droit ou un principe n’a pas été discuté au cours de l’instruction et qu’il doit en décider pour trancher le litige, donner aux parties l’occasion de soumettre leurs prétentions selon la procédure qu’il estime la plus appropriée.

 

[…]

323. A judge who, after taking a case under advisement, notes that a rule of law or a principle material to the outcome of the case was not debated during the trial must give the parties an opportunity to make submissions in the manner the judge considers most appropriate.

 

 

[…]

Cette disposition assure que les parties seront entendues dans le respect de la règle de justice naturelle audi alteram partem, conformément à l’article 17 C.p.c.

  1.                     Dans l’arrêt MRT Médical inc. c. 8083851 Canada inc. (Pama Manufacturing), la majorité de la Cour, sous la plume du juge Bachand, souligne qu’en « l’absence de circonstances exceptionnelles […], un juge ne peut soulever de son propre chef un moyen de défense à l’action dont il est saisi, pas plus d’ailleurs qu’il ne peut invoquer de son propre chef d’autres causes d’action que celles mises de l’avant par la partie demanderesse »[17]. Ainsi, le juge doit faire preuve de prudence en cette matière. Il doit considérer l’ensemble des circonstances et les conséquences pour les parties avant de soulever une règle de droit ou un principe qui n’a pas été discuté au cours de l’instruction. Si la preuve présentée au juge ouvre la porte à un argument juridique, que celui-ci s’inscrit dans le recours entrepris et que le juge considère qu’une injustice pourrait en découler s’il ne l’aborde pas, cela militera en faveur d’une intervention de sa part qui respecte les règles de justice naturelle. 
  2.                     Au regard de ces principes, la Cour conclut que l’absence d’analyse de la responsabilité civile et de la garantie de qualité commande une intervention. L’analyse de ces principes juridiques s’inscrivait naturellement dans la cause d’action selon le recours entrepris et la preuve présentée. En outre, l’omission d’en traiter entraînait une injustice étant donné les conclusions factuelles du juge et le résultat du jugement entrepris.
  3.                     En tout état de cause, comme le reconnaît la Cour, un « nouvel argument de droit peut tout de même être invoqué en appel puisqu’il ne nécessite pas l’administration d’une preuve additionnelle »[18]. Les parties conviennent que les arguments ne nécessitent pas le dépôt de preuve nouvelle.
  4.                     La responsabilité de LD Plombier sera analysée en premier, puis celle de Devler.

*****

  1.                     LD Plombier installe le climatiseur dans l’unité en vertu d’un contrat de sous-traitance qu’il conclut avec Devler, lequel n’a pas d’effet quant aux tiers[19]. Ce contrat n’empêche pas le recours qu’un tiers peut entreprendre s’il subit un préjudice en raison de la faute d’une des parties au contrat lors de l’exécution de ses obligations contractuelles. Pour cela, le seul manquement contractuel, qui constitue un fait juridique vis-à-vis les tiers, ne suffit pas. Il faut en effet établir les éléments de la responsabilité, dont une faute envers le tiers. À ce sujet, la Cour suprême souligne dans l’arrêt Bail :

Pour une tierce partie, l’existence d’une obligation contractuelle de même que le manquement à cette obligation sont des faits juridiques, qui ne génèrent en tant que tel aucun droit de créance en sa faveur. Il faut que ces faits juridiques remplissent par ailleurs, dans les circonstances, les conditions de la responsabilité délictuelle pour que celle-ci puisse se prévaloir contre le contractant qui a manqué à ses devoirs contractuels. Plus que la causalité ou le dommage, parmi ces conditions, c’est le manquement à un devoir envers la tierce partie qui peut créer ici des difficultés analytiques.

La relation contractuelle, le contenu obligationnel du contrat, le manquement aux obligations contractuelles sont autant de circonstances pertinentes à l’évaluation de la faute délictuelle. Il faut déterminer si la partie recherchée en responsabilité s’est comportée en personne raisonnable à l’égard des tiers, ou autrement dit quelle conduite un contractant raisonnable aurait adoptée face aux tiers.[20]

[Soulignements ajoutés]

  1.                     Il faut donc démontrer que LD Plombier a manqué aux « règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui »[21]. Les motifs du juge indiquent clairement que la preuve démontre une faute entraînant la responsabilité civile de LD Plombier envers le propriétaire actuel de l’unité, le Syndicat[22] et Desjardins à titre de créancier subrogé[23]. En effet, le juge conclut que les travaux « ne respectent pas les bonnes pratiques recommandées par la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ) »[24]. Il le constate des photos déposées en preuve, lesquelles sont corroborées par « les rapports techniques déposés par l’architecte Jean-Philippe Grondines […] et l’entrepreneur général Félix Monette-Dubeau […] qui ont personnellement inspecté les lieux »[25]. Le témoignage de l’entrepreneur général lui permet « d’inférer de manière crédible que l’installation [de LD Plombier] est déficiente, car elle ne respecte pas les bonnes pratiques »[26]. Enfin, il souligne que LD Plombier « n’a produit aucune expertise en défense pour démontrer que les règles de l’art ont été respectées »[27]. L’ensemble appuie la conclusion que LD Plombier n’a pas respecté une norme de diligence et de prudence entraînant sa faute civile qui a causé un préjudice à des tiers. LD Plombier ne pointe aucune erreur manifeste et déterminante à ce sujet. Elle reprend plutôt ses arguments plaidés en première instance et demande une nouvelle évaluation de la preuve en invitant la Cour à substituer son appréciation à celle du juge de première instance, mais tel n’est pas son rôle[28].
  2.                     Dans ce contexte, Desjardins et Syndicat peuvent réclamer les dommages-intérêts en réparation du préjudice qui est une suite immédiate et directe de la faute[29]. Lors du procès en première instance, les parties ont admis « [l]a valeur des indemnités versées par Desjardins et de la franchise payée par le Syndicat »[30]. Les indemnités couvrent, d’une part, le montant des travaux pour remplacer les tuyaux et réparer les éléments endommagés et, d’autre part, les frais de relocalisation pendant les travaux, pour une valeur totale de 37 277,18 $, le tout appuyé de factures déposées en preuve. Du coût des travaux, Desjardins a déduit la valeur de la franchise de 5 000 $ que réclame le Syndicat. Ces montants n’ont pas été contestés par LD Plombier. Il y a lieu de condamner LD Plombier à verser 32 277,18 $ à Desjardins et 5 000 $ au Syndicat.

*****

  1.                     En ce qui concerne Devler, celle-ci œuvrait comme entrepreneur de l’Immeuble et promoteur des premières ventes des unités. Les parties admettent son statut de vendeuse professionnelle d’unités neuves[31]. Elle vend l’unité en cause en mai 2015 à une acheteuse avec garantie légale de qualité[32]. Monsieur Andreo acquiert de celle-ci cette unité en septembre 2017. Avec cette vente, la première acheteuse transmet à monsieur Andreo, son ayant cause à titre particulier, ses droits contre Devler qui sont l’accessoire du bien vendu ou qui lui sont intimement liés[33]. La jurisprudence reconnaît que la garantie de qualité se qualifie à titre d’accessoire du bien[34].
  2.                     La preuve démontre que le problème avec le climatiseur constitue un vice caché : (1) il était grave puisqu’il rendait le bien impropre à l’usage; (2) il était caché à l’intérieur des murs; et (3) il s’est déclaré prématurément[35]. En outre, Devler se qualifiant de vendeuse professionnelle, il faut présumer que le vice existait au moment de la vente[36] et que la vendeuse le connaissait ou ne pouvait l’ignorer[37]. Enfin, le vice a été dénoncé par écrit à Devler dans un délai raisonnable, soit dès la fin septembre 2018[38].
  3.                     Ainsi, LD Plombier et Devler sont tenues responsables des mêmes dommages. Considérant que la responsabilité de LD Plombier découle de son obligation extracontractuelle, tandis que celle de Devler est contractuelle par fiction légale[39], les parties sont condamnées in solidum pour ce préjudice commun[40]. Quant à l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle, il commence à courir à compter du dépôt de la demande introductive d’instance, conformément à la demande présentée par les appelantes, puisque LD Plombier n’a jamais été mise en demeure. Enfin, les frais des experts La BOÎTE Construction inc. (Félix Monette-Dubeau, entrepreneur général) et JPG Architecte (Jean-Philippe Grondines, architecte) sont accordés, car ils ont été utiles à la résolution du litige[41].

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

  1.                     ACCUEILLE l’appel, avec les frais de justice;
  2.                     INFIRME le jugement de première instance et procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu, REMPLACE le dispositif de ce jugement par le suivant :

[27] ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance modifiée de Desjardins Assurances Générales inc. et Syndicat des copropriétaires Le Point Vert – Phase 1;

[28] CONDAMNE in solidum les Immeubles Devler inc. et Lavallée-Dufour inc. à payer à la demanderesse Desjardins Assurances Générales inc. la somme de 32 277,18 $ à titre de dommages-intérêts avec intérêt au taux légal majorée de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du dépôt de la demande introductive d’instance;

[29] CONDAMNE in solidum les Immeubles Devler inc. et Lavallée-Dufour inc. à payer au demandeur Syndicat des copropriétaires Le Point Vert Phase 1 la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts avec intérêt au taux légal majorée de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du dépôt de la demande introductive d’instance;

[30] AVEC les frais de justice, y compris les frais d’experts de La BOÎTE Construction inc. et JPG Architecte.

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTIAN IMMER, J.C.A.

 

Me Audrey Chevrette

PELLETIER D’AMOURS

Pour Desjardins Assurances Générales inc.

Syndicat des copropriétaires Le Point Vert Phase 1

 

Me Marc Charland

DUNTON RAINVILLE

Pour Lavallée – Dufour inc.

 

Date d’audience :

10 avril 2025

 

 

Mise en délibéré :

11 avril 2025

 

 


[1]  Desjardins Assurances générales inc. c. Immeubles Devler inc., 2024 QCCQ 1782 [jugement entrepris].

[2]  Art. 2474 C.c.Q.

[3]  Art. 1081 C.c.Q. Voir : 9104-2523 Québec inc. c. Syndicat des copropriétaires du 5701 de Normanville, 2022 QCCA 95, paragr. 39-41.

[4]  Demande introductive d’instance modifiée datée du 23 novembre 2021 (DII).

[5]  Jugement entrepris, paragr. 5.

[6]  Jugement entrepris, paragr. 15.

[7]  Jugement entrepris, paragr. 19.

[8]  Id., paragr. 20.

[9]  Desgagné c. Fabrique de la paroisse St-Philippe d’Arvida, [1984] 1 R.C.S. 19, p. 46. Voir également : SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Deguise, 2020 QCCA 495, paragr. 154.

[10]  Vincent Karim, Contrat d’entreprise, contrat de prestation de service et l’hypothèque légale, 4e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2020, nos 1637 et 1741. Voir également : Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2013, no 2547, p. 840841.

[11]  Art. 10 C.p.c.

[12]  Évidemment, comme le reconnaît la Cour dans l’arrêt Droit de la famille — 2365, 2023 QCCA 62, paragr. 3 : « la notion d’ultra petita s’applique avec souplesse en droit familial ».

[13]  Art. 9 C.p.c.

[14]  Art. 2807 C.c.Q.

[15]  Art. 99 C.p.c. Voir également : Association des propriétaires de Boisés de la Beauce c. Monde forestier, 2009 QCCA 48, paragr. 30-31.

[16]  Technologie Labtronix c. Technologie micro contrôle inc., 1998 CanLII 13050 (QC CA), p. 39, repris notamment dans Droit de la famille — 16436, 2016 QCCA 376, paragr. 21. Voir également : Catherine Piché, La preuve civile, 6e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020, paragr. 50.

[17]  MRT Médical inc. c. 8083851 Canada inc. (Pama Manufacturing), 2023 QCCA 470, paragr. 31.

[18]  Morency c. Municipalité de Saint-Ferréol-les-Neiges, 2025 QCCA 275, paragr. 17. Voir également : Perka c. R., [1984] 2 R.C.S. 232, p. 240; Construction Infrabec inc. c. Paul Savard, Entrepreneur électricien inc., 2012 QCCA 2304, paragr. 42-43 citant Pitre et Durand Inc. (Syndic de), 1990 CanLII 3147 (QC CA).

[19]  Art. 1440 C.c.Q.

[20]  Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554, p. 581-582. Voir également : 3952851 Canada inc. c. Groupe Montoni (1995) division construction inc., 2017 QCCA 620, paragr. 40; Reliance Construction of Canada Ltd. c. Commerce and Industry Insurance Co., 2001 CanLII 39736 (QC CA), paragr. 56-60.

[21]  Art. 1457 C.c.Q.

[22]  Art. 1081 C.c.Q.

[23]  Art. 2474 C.c.Q.

[24]  Jugement entrepris, paragr. 16.

[25]  Id., paragr. 18.

[26]  Id., paragr. 19.

[27]  Ibid.

[28]  Niu c. American Cinema Inspires Inc., 2025 QCCA 100, paragr. 5; Fiasche c. Zaraa, 2025 QCCA 28, paragr. 5; McGill Avocats inc. c. Roch, 2024 QCCA 1581, paragr. 45-50; Airpura Industries inc. c. Tak Design industriel inc., 2024 QCCA 1729, paragr. 9.

[29]  Art 1607 C.c.Q. Voir : Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 R.C.S. 122, p. 185-186; Dempsey II c. Canadian Pacific Hotels Ltd., J.E. 95-1813 (C.A.), p. 6; Boucher c. Drouin, [1959] B.R. 814, p. 822.

[30]  Jugement entrepris, paragr. 6.

[31]  Id., paragr. 6.

[32]  Art. 1726 et 1733 C.c.Q.

[33]  Art. 1442 C.c.Q.

[34]  Dupuy c. Leblanc, 2016 QCCA 1141, paragr. 44, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 12 janvier 2017, no 37226. Ce principe tire son origine de l’arrêt General Motors Products of Canada Ltd. c. Kravitz, [1979] 1 R.C.S. 790, p. 813-814.

[35]  Art. 1726 et 1729 C.c.Q. Voir : Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79, paragr. 40.

[36]  1729 C.c.Q. Voir aussi : AIG Insurance Company of Canada c. Volvo Group Canada Inc., 2024 QCCA 1733, paragr. 5; Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc., 2018 QCCA 1757, paragr. 45.

[37]  Art. 1728 et 1733 C.c.Q. Voir : ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50, paragr. 39, 56-60.

[38]  Art. 1739 C.c.Q. Voir : Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd., 2014 QCCA 588, paragr. 22-39, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 17 juillet 2014, no 35867.

[39]  Ferme avicole Héva inc. c. Coopérative fédérée de Québec (portion assurée), 2008 QCCA 1053, paragr. 75, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 22 janvier 2009, no 32778.

[40]  Prévost-Masson c. Trust Général du Canada, 2001 CSC 87, paragr. 34.

[41]  Jugement entrepris, paragr. 18 et 19. Voir également : Procès-verbal Desjardins Assurances générales inc. c. Immeubles Devler inc., C.Q. Montréal, no 500-22-269021-211, 25 avril 2024, 9 h 34, Roberge, j.c.q.

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