INTRODUCTION
- Le Conseil de discipline s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte disciplinaire portée par le plaignant, Me Samy Elnemr, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, contre l’intimée, Me Martina Bakula.
- Le 24 janvier 2018, l’intimée signe un mandat avec un client afin qu’elle le représente au sujet des arbres de sa maison qui suscitent des plaintes de la part d’un voisin. Le mandat comprend également un volet appelé day-to-day affairs, qui consiste à représenter le client et d’agir sur demande dans toute matière dès qu’il la sollicite. Son taux horaire est établi à 275 $.
- Il est utile de reproduire les principales clauses du mandat qui se lisent :
Representation regarding all aspects of my day-to-day affairs, including without limitation, representation regarding the issues pertaining to the overgrown trees damaging the neighbours’ properties and the related complaints.
1. To showing up at the property to see the issues pertaining to the trees and the complaints emanating from neighbour(s);
2. To meeting with all interested parties in order to resolve the issues pertaining to the trees and any issues which may bring forth a potential complaint/lawsuit from the neighbours and to representing me at court and other attendances necessary, as the case may be;
3. To representing me in all aspects relating to my day-to-day affairs as requested by me and to act on my behalf;
4. To performing all necessary acts as requested by me and in my day-to-day affairs and to corresponding and negotiating on my behalf with any third party required;
5. To perform and act on my behalf in any other matter as required.
- Lors de la signature d’un second mandat identique au premier, le 30 juin 2020, le taux horaire de l’intimée augmente à 300 $.
- Le plaignant reproche à l’intimée d’avoir, sur une période de cinq ans, omis d’éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d'utiliser de manière abusive son statut d'avocate dans le but de s'enrichir en percevant de son client la somme de 277 750,00 $ (montant sans les taxes) représentant 964 heures de services professionnels.
- La plainte disciplinaire portée contre l’intimée est ainsi libellée :
1° À, Montréal, entre le 18 janvier 2018 et le 19 décembre 2022, a manqué à son devoir d’éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocate dans le but de s’enrichir en percevant de son client, [M. A], la somme totale de 319 350,21 $ pour des honoraires professionnels dans le cadre d’un mandat visant quatre affaires, alors que plusieurs services rendus ne constituaient pas des actes à caractère juridique nécessitant un avocat en exercice, contrevenant ainsi à l’article 7 du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions.
[Transcription textuelle, sauf anonymisation]
QUESTION EN LITIGE
- Le plaignant s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels du chef d’infraction de la plainte portée contre l’intimée?
- Pour les motifs qui suivent, le Conseil, formé de la présidente et de Me Cindy Lafrenière, membre (le Conseil) répond par l’affirmative. Me David Robitaille, membre rend également des motifs au soutien de son opinion minoritaire.
CONTEXTE
- L’intimée est inscrite au tableau de l’Ordre depuis le 16 avril 2014[1].
- Le plaignant fait entendre Mme Sophie Roberge, enquêtrice au Bureau du syndic.
- Mme Roberge produit deux rapports. Le premier relate la prise de possession au bureau de l’intimée du dossier du client incluant l’intégralité de la facturation émise par l’intimée ainsi que toutes les communications[2]. Le second rapport analyse les 19 factures émises par l’intimée à son client et les 18 chèques et une traite bancaire reçus en paiements des factures[3].
- La preuve documentaire produite comprend le dossier du client détenu par l’intimée[4], les mandats[5] signés par le client, les factures transmises par l’intimée[6], des agendas pour les années 2018 à 2022 inclusivement[7], un résumé des heures de service transmis au client[8] et des échanges de communications entre l’intimée et le Bureau du syndic[9]. L’intimée a également témoigné.
- Le Conseil revient sur l’ensemble de cette preuve dans le cadre du volet Analyse de la présente décision.
- Le plaignant remet un plan d’argumentation détaillé et soumet des autorités[10].
- L’intimée offre également un plan d’argumentation détaillé et des autorités au soutien de sa position[11].
- Fardeau de preuve du plaignant
- À l’égard du fardeau de preuve du plaignant, le Conseil souligne les enseignements de la Cour d’appel à ce sujet[12] :
[66] Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le « sérieux » de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F. H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.
[67] Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.
[68] Comme le rappelle la Cour suprême, « [a]ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités ».
[Références omises]
- Le Conseil souligne également que la Cour d’appel a réaffirmé le principe énoncé dans Tremblay c. Dionne[13], à savoir que les éléments essentiels d’un chef d’une plainte disciplinaire ne sont pas définis par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou des règlements auxquelles le professionnel aurait contrevenu.
- Le Conseil devra, par conséquent, décider de la culpabilité ou de l’acquittement de l’intimée en fonction de chacune des dispositions invoquées aux chefs de la plainte. Cet arrêt[14] de la Cour d’appel énonce ce principe en ces termes :
[84] D’une part, les éléments essentiels d’un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu’on lui reproche d’avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25). […]
[Référence omise]
- La faute disciplinaire
- La faute disciplinaire doit atteindre un niveau de gravité suffisant pour la qualifier à ce titre[15] :
[43] Pour éviter un exercice de pondération arbitraire basé sur des facteurs variables au gré des circonstances de chaque cas, la jurisprudence et la doctrine préconisent de s’en remettre aux fondements mêmes de la déontologie professionnelle, c’est-à-dire aux valeurs inspirées par l’éthique, la moralité, la probité, l’honneur et la dignité nécessaires pour assurer la protection du public.
- Afin de statuer sur la responsabilité déontologique de l’intimée, le Conseil doit déterminer si elle a commis une faute technique ou une faute déontologique[16].
- Lorsque la norme est décrite dans le règlement, la moralité et l’éthique sont nécessairement enfreintes en cas de manquement[17].
- La faute disciplinaire est décrite comme étant une violation des principes de moralité et d’éthique.
- Ainsi, l’acte ou le comportement reproché au professionnel doit être suffisamment grave pour être qualifié de faute déontologique, comme le souligne le Tribunal des professions dans l’affaire Gruszczynski[18] dans laquelle il énonce les exigences requises pour établir l’existence d’une telle faute :
[42] La faute déontologique doit être distinguée de la faute technique. Ainsi, dans Ayotte c. Gingras, le Tribunal des professions écrivait ceci relativement au fait qu’un avocat n’aurait pas agi avant l’expiration du délai de prescription.
Le Comité de discipline devait décider s’il s’agissait là d’une faute disciplinaire. À cet égard, il déclare qu’il ne s’agissait pas là d’une faute disciplinaire, mais d’une faute purement technique […].
Il y a une distinction à faire entre une faute technique et une faute disciplinaire.
On ne retrouve pas de définition de la faute disciplinaire ni au Code des professions ni dans la Loi sur le Barreau. La jurisprudence a toutefois précisé que :
"La faute disciplinaire est donc une violation des principes de moralité et d’éthique propres au milieu médical […]."
[…].
[43] Dans cette même affaire, notre tribunal a rappelé ce qu’écrivait le professeur Yves Ouellette à ce sujet :
En outre, comme la faute disciplinaire réside en principe dans la violation d’une règle d’éthique inspirée par des sentiments d’honneur et de courtoisie, une faute purement technique, erreur, maladresse, négligence, qui peut entraîner une responsabilité civile, ne sera pas considérée comme une faute disciplinaire en l’absence de texte précis.
[44] L’acte ou le comportement reproché doit être suffisamment grave pour être qualifié de faute déontologique.
[45] Le Tribunal des professions s’exprimait ainsi dans Malo c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) :
[28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite était susceptible de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l’affaire Mongrain précitée concernant également l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.
[…]
[47] Il faut distinguer le comportement souhaitable du comportement acceptable, comme l’écrit le Tribunal des professions dans Architectes (Ordre professionnel des) c. Duval :
[11] Comme le soulignait le procureur de l’intimé, il faut distinguer en droit disciplinaire entre le comportement souhaitable et le comportement acceptable. La faute déontologique naît d’un comportement qui se situe en-dessous du comportement acceptable. Un professionnel peut avoir une conduite qui s’éloigne du comportement souhaitable sans être inacceptable. Dans ce cas, il ne commet pas de faute déontologique.
[Référence omise]
- Comme nous l’avons vu, selon le jugement du Tribunal des professions rendu dans Duval[19], il faut distinguer le comportement souhaitable du comportement acceptable.
- En somme, la faute déontologique résulte d’un comportement qui atteint un degré de gravité plus élevé par rapport au comportement acceptable.
ANALYSE
- Le chef de la plainte est ainsi libellé :
1° À, Montréal, entre le 18 janvier 2018 et le 19 décembre 2022, a manqué à son devoir d’éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocate dans le but de s’enrichir en percevant de son client, [A], la somme totale de 319 350,21 $ pour des honoraires professionnels dans le cadre d’un mandat visant quatre affaires, alors que plusieurs services rendus ne constituaient pas des actes à caractère juridique nécessitant un avocat en exercice, contrevenant ainsi à l’article 7 du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions.
- Le présent dossier commence par un appel de l’intimée effectué le 17 mai 2023 à la ligne Info déontologie du Barreau du Québec qui demande une forme d’aide, puisque son compte en fidéicommis de la Banque Toronto Dominion a été fermé à la demande d’un représentant de la Banque Royale du Canada, institution financière de son client âgé à cette date de 83 ans[20].
- Témoignage de Mme Sophie Roberge
- Le premier mandat confié à Mme Roberge, inspectrice au bureau du syndic, est de se présenter le 9 juin 2023 sans rendez-vous au bureau de l’intimée dans le but d'exécuter un avis de prise de possession pour récupérer le dossier du client mentionné à la plainte, incluant l’intégralité de la facturation remise par l’intimée à son client ainsi que toutes les communications[21]. L’intimée est absente.
- Le 12 juin 2023, une syndique adjointe écrit à l’intimée qu’elle est informée que ses comptes en fidéicommis et d’affaires sont réactivés, tout en l'avisant que Mme Sophie Roberge se présentera de nouveau à son bureau le 22 juin 2023 à midi afin d’obtenir des documents et des informations[22].
- Le 22 juin 2023 à 12 h 00, Mme Roberge rencontre l’intimée à son bureau et cette dernière lui remet le dossier physique du client. L’intimée l’informe qu’il n’y a aucun dossier numérique au nom de ce client ni des échanges de courriels, ou de messages texte.
- L’intimée n’a pas en sa possession les agendas papier, la lettre reçue de la Banque Toronto Dominion et les états de comptes trimestriels détenus par le client.
- Un second mandat est confié à Mme Roberge. Il consiste à réviser les 19 factures émises par l’intimée et adressées à son client en plus des 18 chèques et une traite bancaire que l'intimée reçoit du client en paiement de ces factures[23].
- À l’aide du rapport rédigé par Mme Roberge[24], le tableau synthèse suivant est dressé :
Numéro de facture | Date de la facture | Montant Facturé | Dates des interventions facturées | Dates des chèques émis par le client | Dates des dépôts au compte de l’intimé |
01-1520 | 10-mai-22 | 10 500,00 $ | 18 janvier 2018 au 7 mars 2018 | 10-mai-22 | 24-mai-22 |
02-1521 | 06-juin-22 | 11 500,00 $ | 9 mars 2018 au 30 mai 2018 | 06-juin-22 | 07-juin-22 |
03-1522 | 01-juil-22 | 12 500,00 $ | 4 juin 2018 au 30 août 2018 | 01-juil-22 | 04-juil-22 |
04-1523 | 19-juil-22 | 12 500,00 $ | 4 septembre 2018 au 18 octobre 2018 | 19-juil-22 | 20-juil-22 |
05-1524 | 19-août-22 | 11 500,00 $ | 22 octobre 2018 au 21 décembre 2018 | 19-août-22 | 22-août-22 |
06-1528 | 19-sept-22 | 11 500,00 $ | 21 janvier 2019 au 22 avril 2019 | 19-sept-22 | 19-sept-22 |
07-1542 | 04-oct-22 | 11 500,00 $ | 30 avril 2019 au 5 juillet 2019 | 04-oct-22 | 04-oct-22 |
08-1543 | 24-oct-22 | 11 500,00 $ | 10 juillet 2019 au 28 août 2019 | 24-oct-22 | 24-oct-22 |
09-1545 | 31-oct-22 | 11 500,00 $ | 29 août 2019 au 5 novembre 2019 | 31-oct-22 | 31-oct-22 |
10-1546 | 11-nov-22 | 11 500,00 $ | 9 novembre 2019 au 14 janvier 2020 | 11-nov-22 | 14-nov-22 |
11-1547 | 24-nov-22 | 11 500,00 $ | 15 janvier 2020 au 30 juin 2020 | 24-nov-22 | 24-nov-22 |
12-1550 | 04-janv-23 | 12 500,00 $ | 9 juillet 2020 au 19 octobre 2020 | 04-janv-23 | 04-janv-23 |
13-1551 | 13-janv-23 | 11 500,00 $ | 22 octobre 2020 au 16 décembre 2020 | 13-janv-23 | 16-janv-23 |
14-1552 | 17-janv-23 | 12 500,00 $ | 21 décembre 2020 au 15 mai 2021 | 17-janv-23 | 17-janv-23 |
15-1553 | 02-févr-23 | 17 500,00 $ | 18 mai 2021 au 11 octobre 2021 | 02-févr-23 | 09-févr-23 |
16-1554 | 13-févr-23 | 19 500,00 $ | 16 octobre 2021 au 11 avril 2022* | 13-févr-23 | 13-févr-23 |
17-1555 | 01-mars-23 | 20 500,00 $ | 19 avril 2022 au 27 mai 2022** | 01-mars-23 | 02-mars-23 |
18-1556 | 19-avr-23 | 21 250,00 $ | 28 mai 2022 au 25 juillet 2022*** | 13-avr-23 | 19-avr-23 |
19-1557 | 19-avr-23 | 35 000,00 $ | 10 sept 2021 au 19 déc 2022 | 19-avr-23 | 19-avr-23 |
- Les factures émises par l’intimée comprennent 536 entrées pour des honoraires totalisant 277 750,00 $ (sans les taxes). À son rapport et lors de son témoignage, Mme Roberge présente le décompte du temps facturé par l’intimée dans chaque volet :
Dossier «Day to day» (Affaires courantes) : 375 entrées représentent 71 % des honoraires facturés par l’intimée à son client pour un montant de 197 202,50 $;
Dossier Hôpital : 38 entrées représentent environ 9 % des honoraires facturés par l’intimée à son client pour un montant de 24 997,50 $;
Dossier Serbie : 64 entrées représentent environ 9 % des honoraires facturés par l’intimée à son client pour un montant de 24 997,50 $;
Dossier Voisins : 59 entrées représentent 11 % des honoraires facturés par l’intimée à son client pour un montant de 30 552,50 $.
- Témoignage de l’intimée
- L’intimée est avocate depuis 2014, elle exerce dans tous les aspects du droit civil. Elle agit devant les tribunaux avec une expertise plus particulière dans le domaine des vices cachés et de la responsabilité médicale et exerce en cabinet privé depuis le début de sa carrière.
- Elle est mise en contact avec le client par un représentant de l’Église de la communauté serbe au cours de l’année 2015 et déclare en début de témoignage qu’elle le rencontre à plusieurs reprises. À ces occasions, il lui formule plusieurs questions.
- Le premier mandat est en lien avec des plaintes provenant des voisins du client concernant les arbres de sa résidence[25]. L’intimée constate que la propriété du client est envahie par les arbres et que le voisin de gauche se plaint qu’ils tombent sur sa propriété et l’endommagent. Le client lui demande de le représenter dans cette affaire. De plus, de façon contemporaine, il lui demande également de le représenter « dans les affaires de chaque jour ». L’intimée précise que, dans les faits, le mandat est d’agir à la demande du client dans toute matière.
- L’intimée déclare qu’elle représente le client à compter de janvier 2018 et qu’elle signe un mandat avec ce dernier le 24 janvier 2018[26].
- Parmi les clauses de ce mandat, il y est indiqué que les honoraires de l’intimée sont fixés à un taux horaire de 275 $ et qu’ils seront acquittés selon l’une des deux éventualités suivantes : lors de la vente de la maison du client ou à la demande de l’intimée. L’intimée déclare qu’à cette date, le client souhaite vendre sa maison[27].
- Elle réitère qu’à la date de la signature du mandat, le client souhaitait vendre sa résidence[28]. Toutefois, comme elle ignorait si la vente de la maison serait au cours de la prochaine année (2019), il est convenu qu’elle pouvait demander le paiement de ses honoraires bien que la maison ne soit pas vendue. Elle déclare qu’à la signature du mandat, elle ignore complètement l’état des finances du client. Toutefois, ce dernier lui mentionne de ne pas s’inquiéter pour le paiement de ses honoraires.
- Elle souligne que les premières factures sont transmises au client en mai 2022 et que, pour le travail effectué jusqu’à cette date, elle n’a pas réclamé le paiement d’intérêts sur les sommes dues.
- Au sujet des points 3, 4 et 5 du mandat qui se lisent :
3. To representing me in all aspects related to my day-to-day affairs as requested by me and to act on my behalf;
4. to performing all necessary acts as requested by me in my day-to-day affairs and corresponding and negotiating on my behalf with any third party required;
5. to perform and act on my behalf in any other matter as required;
- L’intimée précise que son taux horaire de 275 $ est applicable à toute demande de services formulée par le client. Dans le mandat, il est prévu qu’elle remette au client des « time log » dans le but de lui permettre de constater les interventions qu’elle a réalisées et de les approuver. La clause pertinente de ce mandat est la suivante : « You shall provide me with a time log for services completed in the scope of the present mandate on a three-month basis for approval and prior to issuing me any invoice. »
- Dans le but de respecter cette clause, elle utilise un agenda dédié au client dans lequel elle inscrit ses interventions qu’elle présente au client sur une base trimestrielle. Ce dernier appose sa signature et la date sous chacune des interventions inscrites à l’agenda dans le but de l’approuver[29]. Elle conserve l’original des agendas et remet une copie à son client tous les trois mois.
- L’intimée a également confectionné des états de compte ou sommaire des heures à partir des agendas qu’elle remet trimestriellement au client. Seul le client conservait ce document. À la demande du Bureau du syndic, elle a demandé à son client qu’il lui remette les différents états de compte, ce qu’il a fait[30].
- L’intimée souligne qu’il s’agit d’un seul mandat pour le client comprenant quatre volets (arbres, les affaires quotidiennes, l’hospitalisation et la Serbie).
- L’intimée relate que le client reçoit des plaintes de ses trois voisins au sujet de ses arbres qui endommagent leurs propriétés, notamment de son voisin N…, dont elle a oublié le nom de famille. Le client lui demande ce qu’il peut faire à ce sujet et lui demande de le représenter et de régler le dossier, puisqu’il craint de recevoir une poursuite de son voisin.
- À ce sujet, elle fait plusieurs interventions, dont une rencontre avec N… qui l’informe que les arbres du client ont endommagé sa maison et son jardin. Elle constate alors que la situation des arbres est problématique et qu’ils ont causé beaucoup de dommages. Elle effectue des recherches et, à partir de la jurisprudence, elle mentionne à son client que sa responsabilité pourrait être engagée. Le client lui demande de retenir les services d’un émondeur et d’être présente lors de la coupe des arbres.
- Une seconde coupe d’arbres est réalisée à la demande des locataires de la maison voisine du client. Elle a de nouveau représenté le client dans cette situation et le dossier s’est alors réglé[31]. À la demande de son client, elle est présente au moment de la coupe des arbres.
- Elle précise qu’elle est présente chaque fois que son client le lui demande et qu'elle le représente chaque fois qu’il le lui demande[32]. Elle ajoute qu’elle agit toujours à la demande du client qui insiste pour qu’elle soit présente lors de la coupe des arbres. Le client est bien informé que chacune de ses interventions est facturée au taux horaire de 275 $, qui représente son taux régulier.
- L’intimée aborde maintenant le dossier de la Serbie. Selon le client, son père possédait des terres en Serbie et il souhaite les récupérer. Rapidement, elle l’informe qu’elle ne peut agir en Serbie et que les services d’un avocat serbe doivent être retenus[33]. Elle a alors contacté un avocat expérimenté exerçant à Belgrade. Tant elle que le client discute avec ce dernier. L’avocat leur explique qu’il s’agit d’un dossier difficile pour plusieurs raisons.
- Elle communique à plusieurs reprises avec l’avocat. Elle discute également avec un notaire serbe en présence du client, et avec des représentants de deux cours de justice et du service des archives d’une église. À la suite de ses recherches, elle informe le client du nom des personnes qui seraient propriétaires de ces terres et leurs numéros de téléphone. Le client a lui-même contacté ces personnes.
- À un moment donné, elle est face à un cul-de-sac et la seule solution est d’entreprendre des procédures en Serbie. Or, elle explique au client la durée du processus, son coût et la nécessité de sa présence en Serbie pour mener à terme ce processus. Elle qualifie la situation de désastre et le client abandonne.
- À la question « Pourquoi passer par vous et ne pas appeler un avocat serbe directement? », l’intimée répond que le client voulait qu’elle le représente. Elle lui a expliqué le dédoublement des honoraires. Elle confirme que le client a versé des honoraires à l’avocat et au notaire en Serbie. Le client lui a dit : « ne t’inquiète pas, représente-moi », et c’est ce qu’elle a fait.
- L’intimée aborde maintenant le mandat de l’hôpital.
- En 2018, le client est âgé de 78 ans et ne présente aucun problème de santé.
- Le 11 mai 2022, elle se présente à la résidence du client vers 14 h. Le client ne répond pas, ce qui est étrange. Elle quitte et appelle la police pour qu’un welfare check soit effectué. Quelques heures plus tard, la police l’appelle et lui mentionne que personne ne répond. Elle autorise que la porte soit forcée; le client est retrouvé au sol et est transporté dans un centre hospitalier.
- Le centre hospitalier communique avec elle et elle se présente à l’hôpital. Le client souffrait d’une fracture de la hanche. Elle est informée qu’il y aurait eu une altercation entre un médecin et le client, car celui-ci souhaitait quitter l’hôpital. Dans ce contexte, le client lui dit[34] « Je ne veux pas parler avec ces médecins-là, je veux que tu me représentes ». Le client aurait eu des propos injurieux à l’égard des infirmières et sa main aurait été attachée. Ce faisant, il n’avait plus confiance envers personne. Le client lui demande d’être présente à chaque jour de son hospitalisation. Elle l’informe qu’elle devait lui facturer des honoraires pour sa présence à l’hôpital et il lui dit : « I’m paying you for this. » Elle précise « je vous facture pour chaque heure passée à l’hôpital », il lui répond de ne pas s’inquiéter. Il refusait de discuter avec le personnel hospitalier et leur disait : « Talk to my lawyer ».
- Le client lui disait : « I’m paying you Martina for this, stay at the hospital ».
- Le client est hospitalisé pendant quelques semaines. Lors de l’obtention de son congé, le médecin a fortement suggéré qu’il emménage dans une résidence pour personne semi-autonome. Elle a fait des appels et des visites à certaines résidences, en a retenu l'une d'entre elles, soit une résidence pour personnes aînées autonomes et semi-autonomes (la Résidence) et le client y réside depuis le 23 juin 2022.
- L’intimée mentionne que le client n’est pas marié et qu’il n’a pas d’enfant. À la question pour savoir si le client a des frères ou des sœurs, l’intimée répond avoir discuté avec lui du fait qu’il serait bien que des membres de sa famille agissent pour lui. Or, sa demande est qu’elle le représente[35] personnellement.
- L’intimée confirme que le mandat de l’hôpital commence le 11 mai 2022 et se termine le 23 juin 2023.
- L’intimée débute le quatrième volet du mandat, soit le Day to Day ou les affaires courantes.
- L’intimée expose que le client lui demande de le représenter pour toutes sortes de problèmes de la vie courante, comme ceux rencontrés avec un fournisseur d’huile et liés à l’entretien de sa résidence. Elle a expliqué au client qu’elle est avocate, qu’elle n’a pas le luxe du temps et qu’elle ne peut consacrer du temps à des services rendus pro bono. Elle exerce sa profession seule, sans personnel administratif ou jeune avocat. Ainsi, elle informe le client que chaque heure qu’elle lui consacre sera facturée à son taux horaire régulier, puisqu’elle refuse des clients pour lui rendre des services. Elle lui a suggéré d’employer une autre personne et il lui a répondu « Je vous paye pour vos heures ».
- L’intimée avance que le client entre en conflit avec toute personne avec qui il interagit et c’est la raison pour laquelle il souhaitait qu’elle le représente dans tous les aspects de sa vie quotidienne lorsqu’il le requiert.
- Dès la signature du mandat en 2018 et à plusieurs reprises par la suite, elle lui mentionne qu’une autre personne pourrait lui rendre service pour les activités quotidiennes. Le client lui répondait chaque fois : « Je te paye pour tes heures ».
- Le volet Day to Day du mandat commence dès janvier 2018[36] et se poursuit tout au cours du mandat.
- Le 30 juin 2020, le client et l’intimée signent un deuxième mandat identique au premier, à l’exception du taux horaire qui est majoré à 300 $[37]. Elle déclare que le dossier du client était particulier et requiert une attention particulière et très personnelle. Ce dossier l’a empêchée d’accepter d’autres mandats et l’obligeait à faire des interventions sur une base hebdomadaire. Le client est bien avisé que chaque intervention sera facturée.
- L’intimée souligne avoir omis volontairement de facturer plusieurs heures pour des services rendus au client. En date de l’audience, sa facturation s’arrête à l’année 2023. Toutefois, depuis 2024 et en date de l’audition, elle continue à le représenter, mais sans le facturer, puisqu’elle est dans l’attente de l’issue de la présente décision.
- Le client lui a toujours dit être satisfait de ses services et il n’a jamais manifesté un mécontentement à l’égard de sa facturation.
- Elle commence à lui transmettre des factures au mois de mai 2022, la résidence du client n’est pas vendue et le sera au cours de l’année 2023. Le client lui demande un échéancier pour le paiement des honoraires et des montants fixes.
- Elle convient que la date de chacun des 19 chèques émis par le client correspond à la date de chacune des 19 factures. Elle explique cette situation par le fait qu’elle se présentait à la résidence du client et celui-ci approuvait la facture et lui émettait un chèque le jour même qu’elle déposait immédiatement par une application bancaire.
- Elle revient sur le début du présent dossier. Le 16 mai 2023, elle reçoit un appel de sa banque, Toronto-Dominion, qui lui dit que son compte d’administration et son compte en fidéicommis sont fermés à la demande de la Banque Royale du Canada en raison de chèques qu’elle a récemment reçus.
- Le 17 mai 2023, elle appelle la ligne Info Déontologie et explique la situation. Elle est référée au Service de la qualité de la profession. Elle contacte la Banque Royale et il est convenu que son client et elle-même rencontrent un représentant de la Banque.
- Dans un premier temps, le client rencontre seul le représentant de la Banque et, par la suite, elle se joint à eux. Le représentant lui mentionne alors qu’il était suspicieux que plusieurs chèques d’un montant important lui soient émis dans une période de moins d’un an. Toutefois, elle est informée qu’il s’agit d’un malentendu et elle récupère l’accès à ses comptes immédiatement.
- Par la suite, elle demande une confirmation à chacune des deux banques qu’elle n’a commis aucune faute[38], ce qu’elles refusent[39].
- Elle confirme que, lors de sa rencontre avec Mme Roberge à son bureau, elle lui remet le dossier du client, hormis les états de compte et les agendas, puisqu’ils n’étaient pas en sa possession, mais plutôt chez elle.
- L’intimée communique avec le client uniquement par téléphone ou en personne. Elle mentionne qu’il est old school et n’a pas de cellulaire.
- Elle redit qu’elle a volontairement omis de facturer certaines heures au client sous le volet Day to Day. En date de l’audition, elle dit avoir une excellente relation avec le client, qui est d’ailleurs toujours son client. Elle le rencontre au moins une fois par mois, et parfois deux ou trois fois. Elle ignore si d’autres personnes lui rendent visite.
- Le contre-interrogatoire de l’intimée révèle ce qui suit.
- L’intimée confirme que le client est âgé de 75 ans en 2015 et qu'il est à la retraite.
- Elle est informée que le client travaillait autrefois à Ville A pour une [compagnie] dont elle ne se souvient plus le nom ni la nature, que l’ensemble des employés ont été congédiés et que l’entreprise a fermé ses portes.
- Elle déclare ignorer si le client a des amis.
- Entre 2015 et 2018, l’intimée affirme qu’elle rencontre le client à plusieurs reprises et qu’il lui pose des questions. Questionnée pour savoir dans quel contexte ont lieu ces rencontres, elle déclare que le client lui posait des questions par téléphone[40].
- Elle réitère qu’à la signature du mandat en janvier 2018, elle a accepté d’être payée au moment de la vente de la résidence du client. Elle envisageait la vente dans le courant de l’année, et déclare qu'à ce moment, elle ignorait l’étendue du mandat, le temps et l’énergie à y consacrer et le fait qu’il deviendrait exhaustif.
- Elle avance qu’à la demande du client, elle a tenu un agenda séparé plutôt que des feuilles de temps.
- Pour chacune des années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, elle ignore le nombre de clients dont elle est responsable.
- Elle a remis en personne les 19 factures au client, ce dernier étant old fashion. Les communications étant uniquement par téléphone ou en personne.
- Elle reconfirme qu’elle lui a expliqué à plusieurs reprises que les services requis étaient un peu odd pour un avocat, un peu bizarre, considérant leur nature, et que son taux horaire est de 275 $, lequel s’élève à 300 $ par la suite.
- Le 14 juin 2024[41], l’intimée écrit au plaignant que le client a retenu ses services professionnels en considération de la confiance inébranlable qu’il a envers elle et qui perdure en date de l’audition. Invitée à expliquer comment elle concilie cette grande confiance et le refus du client de suivre ses recommandations d’envisager des alternatives à ses services professionnels, elle répond[42] : « c’est moi qui écoutais le client c’est l’inverse […] » et redit « c’est moi qui écoutais le client ».
- Appelée à expliquer la nature de cette confiance inébranlable, l’intimée mentionne que le client savait qu’elle le représenterait selon ses instructions. Questionnée pour savoir si le client suit ses recommandations, l’intimée déclare[43] : « Ce n’est pas le client qui écoutait mes instructions, c’est moi qui écoutais les instructions du client. » Elle redit[44] : « c’est moi qui écoutais le client, pas l’inverse, c’est moi qui agissais selon les instructions du client et pas l’inverse ». Elle ajoute : « Ce qu’il faut comprendre, le client lui donnait des instructions, me disait ce qu’il voulait, de quelle manière et j’agissais selon ses instructions et toujours à l’initiative du client et pas l’inverse ».
- Dans sa lettre au plaignant[45], l’intimée mentionne : Comme il ressort clairement des agendas et desdites factures, le mandat était extensif et exigeait un soin et une attention extraordinaires en raison de la nature personnelle et sensible des tâches et devoir confiés à la soussignée, […] . Elle déclare au Conseil que ces mentions s’expliquent par le fait que le dossier était exigeant en termes de temps et en raison de la personnalité du client. Le client s’obstinait avec toute personne avec laquelle il interagissait et, sans elle, la situation devenait vraiment problématique.
- À son avis, il s’agissait d’un mandat extraordinaire qui requérait beaucoup de temps et une attention assez particulière, contrairement à un dossier de poursuite civile devant les tribunaux.
- Le 22 juin 2023, Mme Roberge se présente au bureau de l’intimée et y recueille le dossier du client[46]. L’intimée confirme que ce dossier est constitué de sept sous-dossiers qui contiennent les documents suivants[47] :
- Autres documents : un document qui informe le client qu’une prescription de sortie de l’hôpital a été transmise par fax à sa pharmacie communautaire; un avis de la Société de l’assurance automobile du Québec du 17 juin 2022 qui informe le client que, faute de réception d’un paiement de 24 $ pour le renouvellement de son permis de conduire, il n’est plus autorisé à conduire; un document de suivi d’un centre hospitalier et une carte du SPVM comportant un numéro d’évènement, non daté. Le tout représente 4 pages.
- Au sujet de ce sous-dossier, l’intimée déclare que les documents lui ont été remis par le client.
- Bail logement : il s’agit d’un bail de logement pour un 1 1/2 et de ses annexes, signé le 1er janvier 2023, et se terminant le 31 décembre 2023, par le client et la Résidence et qui comporte 14 pages.
- Au sujet de son implication dans la signature de ce bail. L’intimée indique avoir conduit le client à la Résidence à sa sortie de l’hôpital, mais qu’elle ne se souvient plus si elle a été impliquée dans la signature de ce document tout en précisant qu’elle devra vérifier dans les agendas.
- Documents assurances : Il s’agit de factures du 27 juillet 2017 et du 27 juillet 2018 en lien avec la police d’assurance habitation de la résidence du client, totalisant 108 pages. Plusieurs pages semblent être répétitives;
- L’intimée mentionne au Conseil qu’elle a lu le document, mais qu’elle ne l’a pas rédigé ni négocié. Elle ne se souvient pas si elle a fait des commentaires au client, et si c’est le cas, une note se trouverait aux agendas.
- Docs Loyer-Résidence–Bail de logement : Ce dossier comporte une Demande de versements anticipés à Revenu Québec basés sur le loyer et les services inclus dans le loyer (Crédit d’impôt pour le maintien à domicile des aînés) signé par le client en date du 1er janvier 2023, soit à la date de signature de son bail. À ce document est jointe une procuration accordée par le client à l’intimée en date du 31 décembre 2022, qui prévoit que la correspondance relative aux versements anticipés soit transmise à l’intimée. Ce sous-dossier comprend des documents explicatifs sur le fonctionnement de la Résidence et les offres de services à proximité de celle-ci. Ce dossier comporte 58 pages;
- L’intimée déclare que ces documents sont ceux signés par le client avec la Résidence au mois de juin 2022, et qu’elle les a lus, mais qu’elle ne les a pas rédigés. Questionnée pour savoir si elle les a négociés, elle indique qu’elle ne se souvient pas et qu’elle devrait vérifier les agendas.
- Docs originaux datant : Il s’agit de divers documents rédigés en langue serbe et qui totalisent 14 pages;
- L’intimée précise que ces documents lui ont été remis par le client.
- Fiche client–Mandat–Factures : Il s’agit des deux mandats signés par le client, des factures émises par l’intimée au client en plus des 19 chèques qu’il lui a émis en paiement d’honoraires. Ce sous-dossier comporte 66 pages.
- Jurisprudence : ce dossier contient cinq jugements et totalise 74 pages;
- L’intimée mentionne avoir effectué des recherches jurisprudentielles à au moins deux reprises dans deux dossiers différents. Elle devra vérifier dans les agendas.
- L’intimée confirme que les sept sous-dossiers représentent le dossier complet du client, sauf pour les agendas[48] et ses notes personnelles. L’entièreté de ses notes personnelles comporte neuf pages et concerne seulement le dossier de la Serbie[49].
- L’intimée mentionne que le dossier du client comprend aussi les agendas de chaque année[50] qui détaillent son temps consacré dans le dossier et les états de compte[51] qu’elle remet au client et qui indiquent le temps consacré au dossier du client trimestriellement.
- L’intimée indique que le dossier concernant les arbres commence en janvier 2018 et que, quelque part en 2021, les arbres sont coupés et le problème est réglé[52]. Toutefois, elle précise que la période doit être vérifiée dans les agendas. Il semble que l’entièreté des arbres est alors coupée.
- La résidence du client est un jumelé. Elle a constaté au cours de l’année 2018 que l’arrière de la résidence est une forêt formée de très gros arbres qui endommageaient la cour arrière et le toit de l’autre immeuble jumelé appartenant à N…. L’intimée a rencontré ce voisin sans prendre de notes de cette rencontre, puisqu’à son avis, ce n’était pas nécessaire.
- La durée du volet de son mandat en lien avec les arbres s’échelonne sur trois ans, puisqu’à un certain moment, N… vend sa résidence, ce qui crée une accalmie dans le dossier or, par la suite, des locataires de cet immeuble formulent des plaintes.
- Invitée à préciser si les demandes de services ou d’interventions sollicitées par le client font l’objet de notes écrites, elle répond que tout se fait en personne et qu’en somme, elle n’a aucune note des appels de son client et des rencontres tenues avec lui, puisqu’à son avis, ce n’est pas nécessaire. Elle ajoute que les précisions sont dans les agendas. Aucune action en justice n’a été initiée dans ce dossier ni de mise en demeure.
- Le problème est réglé par la coupe des arbres au cours de l’année 2021, puisqu’elle avait effectué une recherche de jurisprudence (transmise au client[53]) et au Code civil et expliqué au client que son inaction concernant les arbres pourrait entraîner une mise en demeure et une poursuite.
- Elle confirme qu’elle était présente lors de la coupe des arbres, mais qu’elle ne se souvient pas de la durée de sa présence ni de ce qu’elle a fait. Elle précise, par la suite, qu’elle était parfois à l’intérieur de la résidence du client, parfois à l’extérieur et qu’elle discute avec lui, puisqu’il avait une problématique avec l’émondeur.
- L’intimée confirme avoir mentionné au client que sa présence n’était pas nécessaire pour la coupe des arbres. Toutefois, il lui a demandé de demeurer sur place, puisqu’il y avait toujours une problématique avec les tiers réalisant des travaux.
- Le plaignant demande à l’intimée, considérant son taux horaire et le travail requis par le client, pour quels motifs elle n’a pas refusé des mandats. Elle répond : « Ou j’accepte les instructions de mon client ou mon client sera seul à la fin de la journée. Il avait une grande confiance en moi et à chaque fois qu’il me donnait des instructions, je le faisais […] et il disait, je te paye pour les interventions. Par ailleurs, elle convient qu’il est toujours possible de refuser un mandat.
- Quant au dossier de la Serbie, elle reprend ce qu’elle a affirmé lors de son interrogatoire. En somme, le client voulait récupérer des terres ayant appartenu à son père décédé. Elle ne se souvient pas de la période du mandat, elle doit vérifier dans les agendas. Le client est très satisfait de ses services dans ce dossier. Sa qualification de désastre lors de son interrogatoire est due au nombre d’appels téléphoniques effectués et aux démarches réalisées pour enfin se retrouver dans un cul-de-sac. Elle ignore la valeur des terres que le client souhaitait récupérer.
- L’intimée est maintenant contre-interrogée au sujet du dossier de l’hôpital. Le client est hospitalisé entre le 11 mai et le 23 juin 2022.
- Le plaignant lui demande pourquoi elle n’est pas demeurée à la résidence du client après son appel à la police pour le welfare check. Elle affirme qu’à la suite de sa demande, la police lui répond qu’ils ignoraient à quel moment ils prévoyaient se présenter. Ainsi, à son avis, cela ne faisait pas de sens qu’elle demeure chez son client pour une heure ou deux ou même trois heures.
- Essentiellement, le plaignant demande à l’intimée ce qu’elle a fait à l’hôpital, jour après jour. Elle répond que les interventions sont précisées aux agendas en soulignant que le client était impliqué dans plusieurs altercations avec le personnel hospitalier. Rapidement, le client lui dit « Martina, je te paye pour tu restes ici. […] je te paye pour tes services ».
- À un moment, l’intimée déclare qu’alors que le client subit des tests qui nécessitent des heures, elle tient des discussions extensives avec les médecins, les infirmières et le client, et ce, entre deux tests.
- À un moment, elle propose au client de contacter une ressource au CLSC, il lui répond : « Absolument pas », il avait seulement confiance en elle. Elle lui a aussi proposé une infirmière privée et même des agences qui assistent des patients lors de leurs séjours à l’hôpital. Le client a refusé et souhaitait qu’elle soit présente à l’hôpital.
- Afin d’être présente à l’hôpital, elle a dû reporter ses obligations associées à d’autres dossiers, dont la plupart n’étaient pas urgentes.
- Sous ce volet, le plaignant conclut en demandant à l’intimée pourquoi ne pas avoir refusé d’agir alors que le travail demandé ne relevait pas des compétences d’un avocat. L’intimée réitère qu’elle représente le client selon ses instructions ou alors il se retrouve seul. Elle concède qu’elle avait le choix, mais qu’elle a décidé de suivre les instructions de son client.
- L’intimée est maintenant contre-interrogée sur le quatrième volet de son mandat, soit le day-to-day affairs.
- Ce mandat commence au début de l’année 2018 et est encore actif. Le client est le seul à lui avoir confié ce type de mandat. Interrogée pour savoir pour quel motif elle a accepté ce type de mandat, elle mentionne qu’elle ignorait l’ampleur que celui-ci prendrait. Questionnée pour savoir si elle a envisagé de cesser le mandat une fois avoir pris connaissance de son ampleur, l’intimée répond : En regardant le bénéfice pour le client ça fait du sens que je le représente. Elle confirme à deux reprises[54] que les services rendus dans le volet day-to-day affairs, à un taux horaire de 275 $ puis 300 $, sont bénéfiques pour le client.
- Elle a cessé de facturer les services rendus au client depuis le mois de mai 2023, bien qu’elle continue à le représenter et qu’il signe les agendas tous les trois mois. Elle attend l’issue de la présente décision avant de reprendre la facturation.
- Dans l’une de ses factures, les entrées du 22 février 2018[55] indiquent : « For meeting with client and brick specialist and for taking over the representation of client regarding same; For coordination of the works regarding the falling bricks; 2.75 @ $275.00 ». Elle ignore le temps accordé à chaque intervention.
- Interrogée pour savoir ce qu’elle a fait concrètement lors de ce 22 février 2018 alors que le client et le briqueteur sont présents avec elle, elle répond que la résidence du client était en très mauvais état, que la toiture coulait, que sa maison et son jumelé avaient commencé à se séparer et qu’il y avait des problèmes de briques. Le client lui a demandé de le représenter auprès des intervenants, notamment en faisant la coordination afin de réparer les briques de la résidence. Appelée à préciser ce qu’elle a fait concrètement, elle mentionne que le client lui a demandé de le représenter concernant l’aspect de la réparation des briques.
- L’intimée déclare que, pour des précisions concernant son travail au sujet des briques, elle réfère le plaignant aux agendas qu’elle juge assez précis[56]. Or, elle convient que la note de la facture pour l’entrée du 22 février 2018[57] est presque identique à celle indiquée dans l’agenda pour cette date[58].
- Elle est invitée à expliquer au Conseil ce que veut dire dans les faits la note de l’entrée du 22 février 2018 : « Coordination of works regarding the falling briks ». Elle précise qu’elle a discuté avec le briqueteur et coordonné son travail. Pour la note de l’entrée de sa facture du 28 février 2018[59], qui est fort similaire à celle du 22 février 2018, elle mentionne qu’elle a fait la coordination des travaux de briques.
- Le 7 mars 2018, elle est présente lors de l’exécution des travaux du briqueteur et discute avec le propriétaire de la résidence jumelée (voisin) du client. Ce dernier lui avait demandé d’être présente pour régler les problèmes et il y a effectivement eu des problèmes avec le voisin et les employés du briqueteur.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 3 avril 2018 inscrite à sa facture : « For presence at the property during the trimming of the trees in the presence of client; For consultation with client regarding the issues with the neighbours pertaining to the trees; 5.75 @ $275.00[60] », l’intimée répond que la description est plus précise à l’agenda qui énonce à cette date : « Presence at property during trimming of the trees in presence of [client] (came twice) (9h00-11h30) (13h15-15h45) + consultation with client regarding the issues with neighbour about trees (constant complains – threats, leaves + roots and branches fall and affect neigh. prop).
- L’intimée expose au Conseil que lors de cette journée du 3 avril 2018, son client est insatisfait du travail de l’émondeur tout comme son voisin, alors elle était présente pour calmer la situation et donner des instructions à l’émondeur selon les consignes reçues du client.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 26 avril 2018 inscrite à sa facture : « For presence at the property in presence of client during the inspection of the roof/furnace/plumbing; -For consultation with client regarding the issues and for coordinating the remediation of same in presence of client; 6.5 @ $275.00 [61]» l’intimée réfère à l’agenda et on y retrouve cette mention qui est fort similaire à celle de sa facture : « 11h30-17h00 meeting [client] – issues related to roof-furnace-plumbing - inspection of roof-furnace-plumbing – Consultation with [client] regarding issues and coordination of remediation of same in presence of [client] ». Elle mentionne que la résidence du client n’avait que des problèmes, comme des infiltrations d’eau. La fournaise, la plomberie, la toiture, étaient d’origine, comme tout le reste. La journée se conclut par une décision du client d’engager les différents professionnels du domaine de la construction pour procéder aux réparations.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 11 juin 2018 inscrite à sa facture : « For driving client to his appointments to visit apartments; -To coordinating client's affairs regarding the cleanup of the basement in view of replacing the furnace/oil tank; -For negotiating the contracts regarding the above;, 4.5 @ $275.00[62] », l’intimée confirme l’exactitude de cette entrée et précise que considérant les nombreux problèmes affectant sa résidence, le client souhaite la vendre et acheter un condominium.
- Le client vend sa résidence en janvier ou en février 2023 et elle souligne ne pas avoir été impliquée dans la vente de celle-ci.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 20 juin 2018 inscrite à sa facture : « For being present during the beginning of the cleanup of the property; 2.15 @ $275.00 0[63] », l’intimée confirme l’exactitude de cette entrée et précise que le client lui a demandé d’être présente au début du ménage. À titre de représentante du client, elle a donné des instructions aux gens de l’entretien selon les consignes qui lui ont été communiquées par le client.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 17 septembre 2018 inscrite à sa facture : « For presence with client during the research of condominiums/residence due to the poor state of the property and issues affecting the neighbours; 5.25 @ $275.00[64] », l’intimée confirme avoir discuté avec le client, mais ne pas avoir pris de notes des éléments abordés lors de cette rencontre, puisque ce n’était pas nécessaire.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 25 octobre 2018 inscrite à sa facture : « For communications with Petro-Canada (supplier) related to the issues pertaining to the oil tank; -For consultation with [client] regarding a potential change of supplier and for communications with multiple suppliers; 2.75 @ $275.00[65] », l’intimée confirme ne pas avoir communiqué avec le service des affaires juridiques de Petro Canada, mais plutôt avec le service à la clientèle puisque le réservoir d’huile provoquait une fuite et devait être rempli plus fréquemment. Le client était insatisfait des services de cette entreprise qui ne l’avait pas conseillé de remplacer le réservoir. Elle confirme avoir informé le client qu’il est plus onéreux de renégocier les termes d’un contrat d’achat d’huile par une avocate que de changer de fournisseur.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 26 février 2019 inscrite à sa facture : « For meeting with client and for assisting the latter during his visits- of two (2) condominiums;[66] », l’intimée confirme avoir visité des condominiums avec le client et réfère au texte de l’agenda qui énonce à cette date : « 8h30-14h30 – meeting with [client] – assisting during his visits to 2 condominiums – providing [client] with consultation regarding requested evaluations – (personal) coordinating next visits of condominiums + pickup of medication at Jean Coutu ».
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 15 août 2019 inscrite à sa facture : « -For meeting with client and for discussions in relation to the information obtained by client; -For consulting client regarding his personal affairs; -For coordinating the client's personal affairs;, 3.25 @ $275.00[67] », l’intimée décrit le concept de personal affairs comme étant des choses personnelles au client. Il lui est demandé d’élaborer, alors elle réfère au texte de l’agenda qui énonce à cette date : « 14h-17h45 – Meeting with [client] – discussions about info of people living in past on land (3h) – Consulting about personal affairs (medication/errands/maintenance) n/c – Coordinating for pickup of medication/ maintenance of property (30 min) ».
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 16 novembre 2020 inscrite à sa facture : « For providing client with the appropriate phone numbers of the church requested by client and multiple synagogues thought Montreal and Laval[68] », l’intimée réfère au texte de l’agenda qui énonce à cette date : « 9h-12h25 meeting [client] at property – coordinating affairs related to his wishes to have family belongings donated to church/synagogue/ Negotiating terms for cleanup of familys belongings/ Providing tel of asked church/synagogues […]/ Assisting during communication with church/synagogues ».
- Elle confirme avoir identifié les numéros de téléphone sur Internet.
- Invitée à préciser les actions posées en lien avec cette entrée du 11 mai 2022 inscrite à sa facture : « For presence at property for meeting with client (client not opening the door); -For contacting the police for welfare check at property (client fell on floor and lost conciouseness according to police); -For presence at the Jewish General hospital;, 7 @ $300.00[69] », l’intimée confirme avoir facturé 2100 $ au client pour cette journée.
- L’intimée est informée que le plaignant a communiqué avec le client durant son enquête et que celui-ci refuse de rendre un témoignage dans la présente instance.
- Elle confirme que son dossier comprend deux recherches jurisprudentielles, l’une au sujet des arbres et l’autre au sujet du dossier de la mère du client, décédée en 2006.
- Après des vérifications, l’intimée est en mesure d’affirmer qu’en 2018, elle a 35 clients; en 2019 elle en a 30, en 2020 elle en a 20 ; en 2021 elle en a 20 et en 2022, elle en a plus ou moins 20.
- L’intimée déclare que le client est hospitalisé entre le 11 mai et le 31 mai 2022, date à laquelle il commence à habiter à la Résidence. Le client est de nouveau hospitalisé entre le 15 et le 23 juin 2022, puisqu’il fait une nouvelle chute à la Résidence.
- L’intimée confirme qu’à la suite de sa première hospitalisation, le client n’est jamais retourné vivre à sa maison. Elle doit vérifier au registre foncier la date de sa vente, mais elle la situe en février ou en mars 2023.
- L’intimée affirme que les rencontres tenues avec le client à compter de juin 2022 et indiquées à ses factures ont eu lieu à la Résidence. Elle avance que les problématiques vécues par le client à la Résidence, comme son problème avec le câble, sont résolues comme suit. Le client lui faisait part de la problématique, elle appelait une représentante de la Résidence qui rencontrait le client. Par la suite, le client l’appelait et lui demandait de venir à la Résidence et d’appeler le fournisseur de câble. En somme, elle s’occupait du client qui avait toutes sortes de problèmes qu’elle qualifie des services de tous les jours, tels que des problèmes de câble, d’assurance et de téléphone.
- Elle confirme que les trois repas étaient fournis au client par la Résidence.
- À la demande du client, l’intimée a libellé les 19 chèques reçus de sa part. Elle a inscrit la date, le montant sur chacun d’eux et le client les a signés par la suite. Questionnée pour savoir si cela ne lui est pas paru délicat de procéder ainsi, l’intimée répond : Pas du tout, que voulez-vous dire par délicat, non pas du tout en fait.
- L’intimée croit que la maison du client a été vendue à environ 380 000 $.
- L’intimée n’a pas été impliquée dans la vente de la résidence du client, il s’en est occupé personnellement et a discuté directement avec des courtiers immobiliers.
- À l’occasion d’une nouvelle journée d’audience, l’intimée confirme que, le 7 février 2023, le client vend sa maison pour un montant de 380 000 $.
- À la demande du Conseil, l’intimée est invitée à traduire ses notes écrites en serbe[70]. Selon son témoignage, elle a communiqué avec plusieurs intervenants serbes. Sa prise de notes fait état de discussions tenues avec un avocat, un notaire, un service des archives, le personnel d’une église, le personnel d’un hôtel de ville et des informations obtenues.
- L’intimée précise qu’au cours des années 2018 à 2022, considérant la charge de travail entraînée par le dossier du client, elle a refusé de nouveaux mandats et a transféré cinq dossiers à des avocats externes à son bureau.
- Elle confirme avoir libellé les 18 chèques dans le dossier du client pour lui permettre de prendre une photo du chèque au moment de sa réception et procéder à son dépôt au moyen de son application bancaire. L’écriture à un chèque doit être claire et visible alors que celle du client est mauvaise. Il s’agit du seul dossier où elle a libellé un chèque en sa faveur à la place du client. Elle n’a jamais eu en sa possession le chéquier du client.
- Au sujet du paiement des deux dernières factures du 19 avril 2023[71] totalisant 56 250 $ plus les taxes, l’intimée confirme qu’à cette date, le client effectue deux paiements, l’un au moyen d’une traite bancaire[72] pour un montant de 40 241,25 $ (35 000 $ plus taxes) et l’autre par chèque pour un montant de 24 439,25 $[73] (21 250 $ plus taxes), et ce, à la volonté du client. Le 19 avril 2023, elle est allée une première fois chercher le chèque à la Résidence, puis elle y est retournée une deuxième fois pour récupérer la traite bancaire.
- L’intimée revient sur les différentes hospitalisations du client et précise ce qui suit.
- Une première hospitalisation, à la suite d’une chute du client, survient entre le 11 mai 2022 et le 30 mai 2022[74], pour laquelle elle émet une facture pour des services rendus lors de cette période. Ensuite, une seconde hospitalisation survient entre le 15 juin et le 23 juin 2022,[75] pour laquelle elle a facturé pour des services rendus lors de cette période. Une troisième hospitalisation survient, toujours à la suite d’une chute du client, au cours du mois de septembre 2022. Elle ne s’est pas présentée au centre hospitalier lors de celle-ci et n’a pas facturé de services pour cette période. En regard de cette dernière hospitalisation, l’intimée précise en avoir été informée par une employée de la Résidence, car ayant tenté de joindre le client sans succès, elle contacte la Résidence qui l’en informe.
- Elle reconfirme ne pas avoir été impliquée dans la vente de la maison du client.
- Le client ne lui a jamais accordé de procuration ou d’autorisation sur ses comptes ou de droit pour gérer ses affaires.
- La preuve révèle que le plaignant contacte le client le 7 février 2024 afin de le rencontrer dans le but d’obtenir des éclaircissements quant au mandat donné à l’intimée[76]. Le client accepte de le rencontrer le 12 février 2024. Quarante minutes plus tard, le client contacte le plaignant pour l’informer qu’il ne souhaite plus le rencontrer, qu’il a changé d’idée puisqu’il ne souhaite pas revisit past issues, que sa santé est fragile et qu’une rencontre would be too much for him[77].
DÉCISION DU CONSEIL
- Le Conseil reproduit le chef d’infraction reproché :
1° À, Montréal, entre le 18 janvier 2018 et le 19 décembre 2022, a manqué à son devoir d’éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocate dans le but de s’enrichir en percevant de son client, [M. A], la somme totale de 319 350,21 $ pour des honoraires professionnels dans le cadre d’un mandat visant quatre affaires, alors que plusieurs services rendus ne constituaient pas des actes à caractère juridique nécessitant un avocat en exercice, contrevenant ainsi à l’article 7 du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions.
- Le plaignant fonde ses reproches sur l’article 7 du Code de déontologie des avocats[78] et sur l’article 59.2 du Code des professions qui énoncent :
7. L’avocat évite toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocat dans le but de s’enrichir.
59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.
Principes de droit applicables à l’infraction reprochée à l’intimée
- Le Tribunal des professions, dans un dossier qui concerne un psychologue définit ainsi le concept de lucre[79] :
Le caractère de lucre est défini comme étant l'objectif d'une démarche qui est uniquement celle de faire un gain, de retirer de l'argent. En l'instance, la preuve soumise, et en particulier le témoignage de l'intimé, ne révèle pas que son unique but en participant à ce Salon était d'en retirer un gain monétaire.
Bien au contraire, l'intimé a d'abord précisé que son objectif premier était son épanouissement personnel, l'expérience qu'il pouvait en retirer. Le fait qu'il affiche le prix demandé pour une consultation n'est pas en soi particulièrement anormal. De fait, il est plutôt compréhensible qu'avant de fournir ses services, il prévienne le client du montant qui lui sera réclamé. Au surplus le fait de réclamer la modeste somme de 25,00$ ne semble pas être la démonstration de ce que Virgile qualifiait d'"Auri Sacra Fames!".
- Dans Desjardins Ducharme Stein Monast c. Empress Jewellery (Canada) Inc., l’honorable juge Hilton, alors juge à la Cour supérieure, traite de la question des honoraires des membres du Barreau en ces termes[80] :
65 Billing on an hourly basis, however, should not be effected as a simple mathematical process whereby the number of hours is multiplied by the hourly rate to arrive at the amount of the fee. The practice of law is a profession that is surely not the equivalent of a merchant selling a commodity for a price based on its number and weight.
66 Hourly billing still requires a lawyer to determine, most importantly and above all, what the value is to the client of the services performed for which the billing occurs. It is not tantamount to simply filing in the amount of a blank cheque already signed by the client.
[…]
68 For example, a lawyer who must wait in Court before the presentation of a motion may spend three hours waiting and one hour pleading. It would be proper for the lawyer to record four hours of time, but it does not follow automatically that the lawyer’s client has received four hours of value when the moment arrives to send an account. The same would be true of an articled student who spends time performing research that is repetitive or of doubtful utility to the case being argued.
69 Thus, the lawyer must carefully review the charges and establish a proper amount to be billed, and in so doing, exercise his or her judgment as to what the value is of the particular services that have been rendered. That, after all, is the essence of what it means to be a professional. The determination of the value of a lawyer’s services cannot be established as the result of a mindless exercice that can be performed by anyone with access to a computer or a calculator.
[Soulignements ajoutés]
- Le Conseil reprend l’analyse enseignée par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Consortium Promecan inc. (Syndic de)[81] :
[22] J’estime que les dispositions du Code de déontologie gouvernant les relations entre un avocat et son client, et plus particulièrement celles ayant trait à la fixation et au paiement de ses honoraires professionnels, créent une présomption simple qui, si elle n’est pas repoussée par une preuve contraire, est suffisante pour établir la justesse de l’effort déployé par l’avocat au soutien de la défense des intérêts de son client.
[23] Je dis « si elle n’est pas contredite » parce qu’il était possible pour l’intimée, au-delà de simplement prétendre qu’il y avait dans le présent cas exagération, d’indiquer à quel endroit la preuve de l’appelant était lacunaire et de préciser, selon elle, ce qu’aurait pu être dans les circonstances de ce dossier un effort qualifié de raisonnable. Ses avocats, sans trahir les règles du secret professionnel, pouvaient appuyer, à partir de leur propre expérience dans le dossier d’appel, la prétention voulant que l’effort revendiqué par les avocats de l’appelant était disproportionné.
[24] En l’absence d’une preuve contradictoire tendant à démontrer le caractère exagéré du nombre d’heures consacrées par un avocat à une affaire donnée et à moins que la liste des heures chargées révèle à sa face même des anomalies appuyant son caractère déraisonnable, je suis d’avis, outre ces circonstances, que l’on peut difficilement remettre en question l’affirmation d’un avocat quant à la pertinence des heures qu’il a consacrées à une affaire donnée considérant les règles déontologiques qui gouvernent sa conduite en cette matière.
[Soulignements ajoutés]
- Dans Boisvert c. Villeneuve[82], la Cour supérieure s’est exprimée sur les devoirs déontologiques de l’avocat à l’égard de son client et sur le coût de ses services :
[52] Les honoraires réclamés à un client doivent aussi refléter la valeur des services qui lui ont été rendus. Il incombe à l’avocat de réviser tous les montants inscrits à la tenue du temps consacré au dossier pour ensuite exercer son jugement afin de déterminer si, au total, tout doit être facturé. La facture doit être proportionnelle à la valeur que représentent les services rendus en fonction des attentes du client.
[53] L’avocat ne peut pas se comporter comme s’il détenait un chèque en blanc déjà signé par son client. L’exercice de facturation n’est pas que mathématique. L’avocat ne peut pas simplement multiplier les heures consacrées par son taux horaire. Une pondération s’impose en tenant compte des facteurs déontologiques dont doit s’acquitter l’avocat.
- Dans Fallu[83], la Cour supérieure précise les obligations des membres du Barreau en matière de facturation :
[41] En somme, la facturation des honoraires fait appel au jugement de l’avocat au regard des critères énoncés à l’article 3.08.02 du Code de déontologie. Cet exercice doit être réfléchi et orienté sur la valeur intrinsèque des services rendus au client.
[42] Dans cette optique, le temps d’attente à la cour n’a certainement pas la même valeur que celui consacré à plaider le dossier devant le tribunal. Il en est de même du temps voué au transport pour se rendre à la Cour ou, selon les circonstances, à celui consacré à la correspondance de routine ou aux appels téléphoniques divers.
[Référence omise]
- Le Conseil reprend cet énoncé de la Cour du Québec dans le dossier Gerasin[84] :
[62] La jurisprudence enseigne que, si les décisions d’un avocat peuvent faire l’objet de discussions ou même d’une contestation de la part du client, il demeure que l’avocat est le professionnel qualifié et, à ce titre, il est celui qui, ultimement, doit établir la stratégie et la théorie de la cause. Qui plus est, ses obligations professionnelles et déontologiques lui imposent d’agir en ce sens et non pas de suivre aveuglément les instructions de son client.
[Références omises]
- Le Conseil considère comme pertinent, ce passage du jugement de la Cour du Québec dans FNC Avocats inc. c. Plante[85] :
[58] Le Tribunal rappelle que selon la jurisprudence bien établie, lorsque le mandat confié à l’avocat en est un à honoraires, basé sur le temps consacré au dossier, les montants facturés au client à titre d’honoraires ne doivent pas être déterminés par une simple opération de multiplication du nombre d’heures facturées par le taux horaire applicable. D’autres éléments doivent être pris en considération, incluant, notamment, la difficulté du problème soumis, l’importance de l’affaire, la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence particulière ainsi que le résultat obtenu.
[Référence omise]
- Dans l’affaire Ben Barhi[86], la Cour du Québec énonce aussi ces principes applicables en l’instance :
[60] Le Tribunal ne dispose par ailleurs d’aucun document lui permettant d’apprécier le travail exécuté par Me Ben Bahri. Le seul document que Me Ben Bahri dépose pour étoffer un tant soit peu sa position est le Jugement. Or, ni celui-ci, ni le témoignage de Me Ben Bahri ne permettent au Tribunal de conclure à l’existence d’une difficulté particulière des questions à débattre dans le dossier de madame A..., surtout pour une avocate comptant 15 années d’expérience en droit familial.
[61] Certes, le Tribunal est en mesure de constater que Me Ben Bahri a bel et bien rendu des services professionnels en faveur de madame A.... Cependant, les lacunes et imprécisions dans la preuve que l’avocate présente font en sorte que le Tribunal ne peut se satisfaire du caractère raisonnable de sa réclamation.
[62] Le Tribunal rappelle que malgré les termes de l’article 127 de la Loi, l’absence de détails quant aux services professionnels rendus affecte la valeur probante de la preuve présentée.
[63] Le Tribunal rappelle aussi que selon la jurisprudence bien établie, lorsque le mandat confié à l’avocat en est un à honoraires, basé sur le temps consacré au dossier, les montants facturés au client à titre d’honoraires ne doivent pas être déterminés par une simple opération de multiplication du nombre d’heures facturées par le taux horaire applicable.
[Références omises]
- Récemment, la Cour du Québec réitère dans l’affaire Jean-Baptiste les enseignements établis ci-devant[87] :
[70] L’avocat ne peut facturer ses services professionnels par une simple opération mathématique de multiplier le nombre d’heures consacrées au dossier par le taux horaire.
[71] Toutes les heures travaillées dans un dossier n’ont pas la même valeur et le client qui accepte d’être facturé sur la base d’un taux horaire ne dispense pas l’avocat de lui facturer des honoraires raisonnables. Ainsi, dans le cadre d’une réclamation d’honoraires, le rôle du Tribunal ne se limite pas à déterminer si les services professionnels ont été rendus et s’ils ont été facturés conformément à la convention d’honoraires, il doit s’assurer que les honoraires professionnels réclamés sont justes et raisonnables.
[Références omises]
- En la présente affaire, l’intimée invoque avoir suivi les exigences des mandats conclus avec son client en notant les services professionnels rendus dans un agenda qui trimestriellement étaient approuvés par son client[88]. Elle a aussi remis un « état de compte » l’informant des heures consacrées au dossier au cours des mois précédents[89]. Finalement, elle lui a présenté des factures qui ont été payées.
- Dans l’affaire Jodoin[90], le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec souligne que le professionnel est le seul à connaître toutes les exigences de l’exercice de sa profession, pas son client; de plus, en détenant les privilèges reliés à l’exercice de sa profession, il a l’entière responsabilité de toute violation des exigences de celle-ci. Le conseil appuie sa conclusion sur l’arrêt de la Cour suprême rendu dans R. c. Fitzpatrick[91] qui rappelle les principes de responsabilité attachés à la personne qui accepte les conditions d’une activité réglementée, lesquels sont dégagés par l’arrêt R. c. Wholesale Travel Group inc.[92]
- Le Tribunal des professions confirme cette décision en mentionnant que le conseil de discipline souligne que les obligations déontologiques ne doivent faire l’objet d’aucune négociation ni d’aucune obligation de la part du client[93].
- En somme, en matière déontologique, le consentement du client n’est pas un blanc-seing qui permet et absout les professionnels de toutes infractions déontologiques.
- L’intimée est une professionnelle du droit, elle ne peut invoquer à titre de défense qu’elle a fait ce que le client lui demandait de faire et qu’elle suivait tout simplement ses instructions. Une telle affirmation de l’intimée dite à plusieurs reprises lors de son témoignage mine sa crédibilité.
- De plus, l’intimée, à titre de mandataire de son client n’est pas un cocontractant ordinaire, mais bien une conseillère juridique qui a des devoirs et des obligations envers son client qui vont au-delà de clauses inscrites à un mandat ou d’une convention d’honoraires[94].
- Le plaignant invoque au libellé de son chef d’infraction « alors que plusieurs services rendus ne constituaient pas des actes à caractère juridique ». L’intimée plaide avec raison que la distinction entre tâches juridiques et non juridiques ne saurait, en soi, constituer un critère de l’assujettissement aux obligations déontologiques de l’avocat. Elle ajoute que le conseil de discipline du Barreau du Québec et les tribunaux supérieurs ont, à maintes reprises, rappelé que les membres de la profession sont assujettis à leurs obligations déontologiques, et ce, même lorsque les actes posés ne relevaient pas de l’exercice d’activités juridiques[95].
- Comme le Tribunal des professions l’enseigne, le plaignant n’a pas à prouver toutes les allégations d’un chef d’infraction pour que le professionnel soit reconnu coupable[96]. Ainsi, les éléments circonstanciels de l’infraction ne doivent pas nécessairement tous être prouvés, même s’ils sont énoncés au libellé de la plainte[97]. Pour les motifs qui précèdent, le Conseil considère que le plaignant n’avait pas nécessairement à prouver cette partie du libellé du chef d’infraction.
Application du droit aux faits
- Le 24 janvier 2018, l’intimée signe un premier mandat avec son client[98]. Parmi les clauses de ce mandat, il y est indiqué que les honoraires de l’intimée sont fixés à un taux horaire de 275 $ et qu’ils seront acquittés selon l’une des deux éventualités suivantes : lors de la vente de la maison du client ou à la demande de l’intimée. Comme nous l’avons vu, l’intimée a demandé le paiement de ses honoraires par l’émission de sa première facture le 10 mai 2022; la maison du client est vendue en février 2023.
- Le 30 juin 2020, l’intimée signe un second mandat avec son client[99]. Les clauses sont identiques au premier, sauf pour le taux horaire, qui est dorénavant de 300 $.
- Il est utile de noter qu’à cette date du 30 juin 2020, aucune facture n’est émise pour le temps consacré au dossier pour les années 2018, 2019 et pour les six premiers mois de l’année 2020. Ainsi à cette date du 30 juin 2020, 463 heures sont accumulées représentant des honoraires totalisant 127 500 $. Cette somme est non facturée et évidemment non payée[100]. Les honoraires de la période du 24 janvier 2018 au 30 juin 2020 représentent 11 des 19 factures émises au client entre le 10 mai 2022 et le 24 novembre 2022.
- Les parties conviennent que le mandat de l’intimée se divise en quatre volets. Le volet des voisins et/ou arbres, le volet des hospitalisations, celui de la Serbie et enfin, le day-to-day affairs, qui est le plus important.
- Le Conseil estime que l’intimée a facturé un grand total de 964 heures.
- Dans le cadre de son rapport[101], Mme Roberge a proposé une répartition du temps facturé par l’intimée sous les quatre volets et a précisé que l’intimée inscrivait sur ses factures le temps consacré au client lors d’une journée, sans le ventiler en fonction des volets traités au cours de cette même journée.
- L’intimée soutient que les heures facturées sous le volet day-to-day affairs totalisent environ 693 heures[102]. Le Conseil retient en partie la position de l’intimée puisqu’il est impossible pour certaines entrées, tant aux factures qu’aux agendas, de ventiler le nombre d’heures facturées sous chacun des volets.
- Ainsi, le Conseil, dans le cadre de sa propre répartition et détermine que l’intimée a facturé environ 620 heures sous le volet day-to-day affairs. Quant aux autres volets qui totalisent environ 346 heures, le Conseil adopte aussi sa propre répartition en ajoutant un cinquième volet, soit celui du dossier de la mère du client.
- Le volet du dossier de la mère du client
- Entre le 21 septembre 2018 et le 22 octobre 2018[103], l’intimée facture 32,5 heures à un taux horaire de 275 $ pour un total de 8 937,50 $ dans un dossier de responsabilité médicale au sujet de la mère du client, décédée en 2006. Ce dossier comprend six rencontres avec le client à son domicile, deux discussions avec le client et une vacation au Palais de justice de Montréal pour enfin constater qu’aucun dossier au nom de la mère du client n’existe. Elle mentionne également à l’agenda de 2018 avoir effectué de la recherche jurisprudentielle pour un total de 6,5 heures, les 1er et 4 octobre 2018[104]. Elle a remis une copie de cette jurisprudence au client. Or, aucune ne se trouve au dossier[105].
- De plus, le dossier du client détenu par l’intimée[106], sous ce volet, ne comprend aucune note des informations obtenues du client lors de ces rencontres, ou du contenu des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client, ou toute autre forme de résumé de celles-ci. Aussi, ce dossier ne comprend aucune note de suivis, aucun courriel transmis ou échangé, ni aucune opinion ou tout autre document avec une certaine analyse produite par l’intimée.
- Le temps facturé par l’intimé ne comporte aucune modulation de son taux horaire. Toutes les interventions, discussions, rencontres et interactions sont facturées en fonction du taux horaire en vigueur.
- Le volet du dossier de la Serbie
- Entre le 30 avril 2019 et le 1er octobre 2019[107], l’intimée facture 96 heures à un taux horaire de 275 $ pour un total de 26 547,50 $ dans le dossier concernant des terres situées en Serbie qui auraient appartenu au père du client et que ce dernier souhaite récupérer. L’intimée est appelée à effectuer du travail à ce sujet. Les entrées à l’agenda de 2019[108] n’offrent pas plus de détails que les mentions indiquées aux factures 1542, 1543 et 1545 qui sont applicables pour la période de ce volet.
- De nouveau, les factures démontrent que l’intimée essentiellement rencontre le client à son domicile à 22 reprises et qu’elle effectue plusieurs appels téléphoniques avec des intervenants qui sont identifiés à ses factures.
- À la demande du Conseil, l’intimée présente une traduction de ses notes rédigées en langue serbe contenues au dossier du client[109] et qui démontrent qu’elle a discuté avec un avocat exerçant à Belgrade, et avec un notaire serbe et différents intervenants situés en Serbie. L’intimée a également offert des explications sur les distinctions entre les règles régissant le droit de propriété des immeubles au Québec et la Serbie.
- Hormis les sept pages de notes, le dossier du client détenu par l’intimée[110], sous ce volet, ne comprend pas les informations obtenues du client lors de ces 22 rencontres, ou le contenu des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client ou toute autre forme de résumé de celles-ci. De plus, ce dossier ne comprend aucune note de suivis, aucun courriel transmis ou échangé, ni aucune opinion ou tout autre document avec une certaine analyse produite par l’intimée.
- Le temps facturé par l’intimée ne comporte aucune modulation de son taux horaire. Toutes les interventions, discussions, rencontres et interactions sont facturées en fonction du taux horaire en vigueur. Le Conseil rappelle que l’intimée a facturé 96 heures à un taux horaire de 275 $.
- Le volet du dossier des arbres et du voisin
- Entre le 18 janvier 2018 et le 17 février 2020[111], l’intimée facture 120 heures à un taux horaire de 275 $ pour un total de 33 068,50 $ dans ce dossier. Elle facture 7,25 heures pour deux entrées inscrites les 26 janvier et 18 février 2021 à un taux horaire de 300 $ pour un total de 2 175 $[112]. En somme, dans ce dossier, l’intimée facture 35 000 $.
- De nouveau, les factures[113] et les agendas des années pertinentes démontrent que l’intimée rencontre le client à son domicile à une cinquantaine de reprises pour discuter du dossier, pour superviser des travaux d’émondage à quelques reprises et pour discuter à quelques occasions avec l’émondeur et le voisin, propriétaire de l’immeuble jumelé à celui du client.
- Hormis les 74 pages qui comprennent quatre jugements portant sur des troubles de voisinage, le dossier du client détenu par l’intimée[114], sous ce volet, ne comprend pas les informations obtenues du client lors de ces 50 rencontres, ou le contenu des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client ou toute autre forme de résumé de celles-ci. De plus, ce dossier ne comprend aucune note de suivis, aucun courriel transmis ou échangé, ni aucune opinion ou tout autre document avec une certaine analyse produite par l’intimée.
- De plus, il n’y a aucune modulation du taux horaire de l’intimée. Toutes les interventions, discussions, rencontres et interactions sont facturées en fonction du taux horaire en vigueur. Le Conseil rappelle que l’intimée a facturé 120 heures à un taux horaire de 275 $ et 7,25 heures à un taux horaire de 300 $.
- Le volet du dossier des hospitalisations
- La facture 1555 émise le 3 janvier 2023 indique que, pour la période du 11 mai 2022 au 27 mai 2022, l’intimée facture 52 heures à un taux horaire de 300 $ pour un total de 15 600 $, et ce, pour douze présences auprès du client dans un centre hospitalier. Le client est alors hospitalisé une première fois[115].
- La facture 1556 émise le 19 avril 2023 mentionne que, pour les 28, 29 et 30 mai 2022, l’intimée facture 19 heures à un taux horaire de 300 $ pour un total de 5 700 $, et ce, pour trois présences auprès du client au centre hospitalier, toujours en lien avec sa première hospitalisation, le conduire à la Résidence et le représenter, notamment pour la signature du bail.
- Selon le témoignage de l’intimée et la preuve documentaire[116], à la suite de son congé de l’hôpital, le client habite la Résidence à compter du 1er juin 2022. Nous reviendrons sur ce point dans l’analyse du volet day-to-day affairs.
- Entre le 15 juin et le 23 juin 2022, le client est de nouveau hospitalisé. Pour cette période, l’intimée facture 27.4 heures à un taux horaire de 300 $ pour un total de 8 200 $, et ce, pour six présences auprès du client au centre hospitalier.
- Le total global des heures facturées par l’intimée lors des deux premières hospitalisations du client est de 98 heures à un taux horaire de 300 $ pour une somme de 29 400 $.
- L’intimée déclare, tout comme il y est indiqué aux dates pertinentes à l’agenda de 2022, avoir discuté avec le personnel médical et infirmier à de multiples reprises. Cependant, elle n’a aucune note de ces conversations, ou de leurs teneurs, ni sur ses interlocuteurs, ni des informations reçues, ou même des conseils offerts au client.
- Par sa facturation, l’intimée n’offre aucune modulation de son taux horaire de 300 $ en fonction des services rendus au client alors qu’elle est présente à l’hôpital. Lors de son témoignage, l’intimée est demeurée vague sur son emploi du temps alors qu’elle était présente à l’hôpital. L’intimée a déclaré que le client ne lui a pas signé de procuration. Il serait étonnant que, sans procuration, l’intimée détienne l’autorité nécessaire pour consentir ou refuser des soins au nom du client.
- Le dossier du client détenu par l’intimée[117], sous ce volet, ne comprend pas les informations obtenues du client lors de ses 20 présences au centre hospitalier, ou le contenu des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client, ou toute autre forme de résumé de celles-ci. De plus, ce dossier ne comprend aucune note de suivis, aucun courriel transmis ou échangé, ni aucune opinion ou tout autre document avec une certaine analyse produite par l’intimée. Le Conseil rappelle que l’intimée a facturé 98 heures à un taux horaire de 300 $.
- Le volet du dossier day-to-day affairs
- À la vue des factures, des agendas et de l’admission de l’intimée, qui confirme avoir facturé 693 heures, il s’agit de loin le volet le plus important du mandat confié par le client à l’intimée.
- L’intimée confirme avoir travaillé 784 heures[118], sous le volet day-to-day affairs, en avoir facturé 693, et avoir donc offert 90 heures sans frais au client. Elle détaille les heures non facturées comme suit :
- Pour l’année 2018 : 13,32 heures pour une somme de 3 663 $;
- Pour l’année 2019 : 15,62 heures pour une somme de 4 295,50 $;
- Pour l’année 2020 : 12 heures pour une somme de 3 352,80 $;
- Pour l’année 2021 ; 17,045 heures pour une somme de 5 113,50;
- Pour l’année 2022 : 32,76 heures pour une somme de 9 829,80 $.
- Or, cette réduction du nombre d’heures facturée doit être replacée dans son contexte, l’intimée a tout de même facturé 693 heures sous ce volet.
- Le Conseil présente quelques exemples qui sont applicables à l’ensemble de la période en sus de ceux discutés lors du contre-interrogatoire de l’intimée.
- Entre le 25 octobre 2018 et le 21 décembre 2018, l’intimée facture 38 heures à un taux horaire de 275 $ pour différentes affaires personnelles qui se résument comme suit : l’intimée fait des appels pour remplacer le réservoir à huile du client; elle rencontre le client à son domicile à sept reprises; elle le conduit et l’accompagne à quatre reprises pour des visites de condominium. Sauf pour des mentions générales et répétitives à l’agenda de 2018[119] et à sa facture[120], l’intimée n’a aucune note des informations obtenues du client lors de ces rencontres, ou des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client ou toute autre forme de résumé de celles-ci.
- Pour les mois de janvier à avril 2019, l’intimée facture 41 heures à un taux horaire de 275 $ pour différentes affaires personnelles pour lesquelles elle rencontre le client à son domicile à onze reprises. Sauf pour des mentions générales et répétitives à l’agenda de 2019[121] et à sa facture[122], l’intimée n’a aucune note des informations obtenues du client lors de ces rencontres, ou des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client ou toute autre forme de résumé de celles-ci.
- Pour les mois de septembre 2020 à décembre 2020[123], l’intimée facture 62 heures à un taux horaire de 300 $ pour différentes affaires personnelles pour lesquelles elle rencontre le client à son domicile à 14 reprises. Elle l’assiste (Assisting client) à cinq reprises pour différentes tâches, comme pour décider de biens ayant appartenu à sa famille à être donnés ainsi que lors de conversations téléphoniques avec des tiers.
- Cette charge de 3,75 heures est indiquée le 29 décembre 2020 : For meeting client and assisting the latter during his personal affairs and for coordinating subsequent dealings[124].
- L’agenda de 2021[125] mentionne que l’intimée facture le 18 janvier 2021, 2,75 heures pour une rencontre avec le client qui consiste à -assisting client during errands. Elle facture de plus 3,30 heures le 2 février 2021 et le 6 avril de 16 h 30 à 20 h 15 pour le même motif. Les 24 et 25 février 2021, des heures sont à nouveau facturées au sujet du réservoir à huile. Le 19 avril 2021, l’intimée facture 3 h 30 pour une rencontre avec le client dont le sujet est discussions about issues of property. Le 15 juin 2021, 5 h 30 sont facturées pour une rencontre avec le client et pour visists of independant residence et 3 h 30 sont facturées le 23 juin 2021 pour le même motif.
- Le 20 août 2021, l’intimée facture 6 h pour une rencontre avec le client et pour l’assister dans la recherche d’un condominium[126]. Le 14 septembre 2021, 3 h 30 sont facturées par l’intimée pour une rencontre avec le client dont l’objet est : For discussions with client regarding the history of the visited locations and for requesting instructions, -For client request to visit additional properties[127].
- Pour les mois de janvier, février, mars et avril 2022, l’intimée facture environ 70 heures à 300 $ l’heure pour des rencontres avec le client dont le but est de l’assister et de coordonner ses affaires personnelles[128].
- Ainsi, pour les heures facturées par l’intimée entre le 24 janvier 2018 et le 1er mai 2022, sous ce volet, le Conseil constate l’absence de note au sujet des informations obtenues du client lors des rencontres, ou du contenu des discussions tenues avec le client ou des tiers, ni des conseils offerts, ou des informations transmises au client ou toute autre forme de résumé de celles-ci. De plus, le dossier du client ne comprend aucun courriel transmis ou échangé, ni aucune opinion ou tout autre document avec une certaine analyse produite par l’intimée.
- Le temps facturé par l’intimée ne comporte aucune modulation de son taux horaire. Toutes les interventions, discussions, rencontres et interactions sont facturées en fonction du taux horaire en vigueur.
- Mais il y a plus sous ce volet.
- Le 1er juin 2022, le client signe un bail temporaire jusqu’au 19 décembre 2022[129], afin de résider dans une chambre au sein de la Résidence, dont le loyer mensuel est fixé à 2 050 $ et qui fournit les services suivants[130] :
• Hébergement
• Gestion de la médication
• 3 repas par jour service à la table à la salle à manger
• 2 collations qu'elle doit aller chercher à la salle à manger à 14h30 et 19h30
• Câble TV numérique avec Vidéotron
• Ligne téléphonique
• 1 fois par semaine: lavage des vêtements et l'entretien de la chambre
• 1 fois par semaines changement et lavage de la literie/serviettes
• 1 aide au bain une fois semaine
• Électricité et chauffage inclus
• Service d'infirmières auxiliaires ou de préposées aux bénéficiaires 24/24 heures
- Considérant ce qui précède, le Conseil juge que la perception d’honoraires professionnels sous le volet day-to-day affairs par l’intimée à un taux horaire de 300 $ postérieurement au 1er juin 2022 et jusqu’au 19 décembre 2022, dernière date de facturation, est plus que problématique. Les honoraires de cette période, en excluant la période d’hospitalisation du client du 15 au 23 juin 2022 qui a été analysée sous le volet hospitalisation, apparaissant aux deux dernières factures totalisent 48 030 $[131].
Conclusion du Conseil sur l’infraction reprochée à l’intimée
- Le Conseil reprend l’ensemble de ses constats sous chacun des cinq volets.
- La preuve documentaire et le témoignage de l’intimée démontrent qu’elle a adopté une pratique proscrite par les tribunaux supérieurs, soit une facturation mathématique du nombre d’heures par son taux horaire quel que soit le type de service offert.
- Interrogée sur l’absence de notes, comme nous l’avons vu, l’intimée déclare que cela n’était pas nécessaire. Le Conseil est en désaccord avec cette affirmation considérant la durée de son mandat, les différents volets de celui-ci, et le très grand nombre de rencontres tenues avec le client, dont plusieurs durent entre trois et cinq heures. En la présente instance, l’absence de notes est certainement un élément qui tend à démontrer que l’intimée donne un caractère de lucre à sa profession.
- Un élément est à souligner à partir de la trame factuelle : la première facture de l’intimée porte la date du 10 mai 2022 (visant du travail réalisé en 2018), le chèque est libellé par l’intimée à cette date et est encaissé le 24 mai 2022. À cette date, le client est hospitalisé. La seconde facture (pour du travail également fait en 2018) est émise le 6 juin 2022 alors que le client réside depuis six jours à la Résidence, le chèque libellé par l’intimée à cette date est encaissé le 7 juin 2022,
- Les 17 autres factures (dont 11 visent des travaux réalisés au cours des années 2018, 2019 et 2020) sont émises et payées alors que le client réside dans la Résidence avec les différents services déjà identifiés.
- Cette même preuve documentaire révèle que, le 1er janvier 2023, le client confirme résider au sein de cette même Résidence jusqu’au 31 décembre 2023, que son loyer mensuel est de 2 050 $ et qu’il inclut les services ci-haut mentionnés[132].
- L’intimée a également témoigné ne jamais avoir détenu de procuration au nom du client. Cette affirmation de l’intimée est inexacte puisqu’à son formulaire de demande de versements anticipés basés sur le loyer et les services inclus dans le loyer, le client lui accorde une procuration pour ces versements[133] en indiquant que la correspondance doit lui être transmise[134].
- À cette même demande de versements anticipés, le client déclare le 1er janvier 2023 être considéré comme une personne non autonome[135]. Or, l’intimée émet sept factures entre le 4 janvier 2023 et le 19 avril 2023[136] et le client lui signe six chèques et une traite bancaire pour un montant de 150 250 $[137].
- Le Conseil juge que la preuve démontre que les honoraires réclamés au client ne reflètent pas la valeur des services rendus. L’intimée a omis d’exercer son jugement afin de déterminer si, au total, tout devait être facturé à son taux horaire de 275 $ ou de 300 $. Les factures de l’intimée ne sont pas proportionnelles à la valeur des services rendus et ne tiennent pas compte de ses obligations déontologiques.
- Ces mêmes obligations déontologiques lui imposent de ne pas suivre aveuglément les instructions de son client, sans une remise en question.
- L’article 7 du Code de déontologie des avocats exige des avocats d’éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à la profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive leur statut d’avocat dans le but de s’enrichir.
- Le Conseil est en accord avec les propos du conseil de discipline du Barreau du Québec dans l’affaire Ginoiu[138] qui souligne les objectifs de l’article 7 du Code de déontologie des avocats, soit de tenir compte de la vulnérabilité du public en général :
[76] En se basant sur la définition [de lucre] du dictionnaire français Larousse, le Conseil est d’avis que cela fait référence au profit recherché par l’avocat avec avidité.
[77] Par cette disposition, le législateur tient compte de la vulnérabilité du public ayant recours aux services d’un avocat, laquelle découle de sa méconnaissance du domaine juridique et incidemment, de l’incapacité dans laquelle cette situation le place pour apprécier les conseils fournis par l’avocat et déterminer s’ils répondent à l’objectif de protéger ses intérêts légitimes ou à d’autres intérêts, comme aux intérêts économiques de l’avocat.
[Référence omise]
- Un constat s’impose; le travail réalisé par l’intimée est confirmé par la preuve documentaire formée du dossier du client, des factures et des agendas. Le Conseil estime que le témoignage de l’intimée n’apporte aucun ajout significatif à celle-ci.
- Le Conseil juge, à la lumière de la preuve présentée dans le présent dossier, que l’intimée s’est éloignée significativement du comportement acceptable et qu’elle a fait preuve d’inconduite déontologique sur une très longue période. Nous ne sommes pas en présence d’une erreur de parcours ou technique. Le témoignage de l’intimée est très clair, elle assume pleinement l’ensemble de sa facturation et elle n’a pas offert de nuance.
- Le Conseil conclut que la preuve présentée au sujet des 964 heures facturées par l’intimée à un taux horaire de 275 $ puis de 300 $ démontre qu’elle a omis d’éviter des méthodes et attitudes susceptibles de donner à la profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocate dans le but de s’enrichir.
- Ainsi, le Conseil a acquis la conviction par l’examen des factures, des agendas, du dossier du client et par le témoignage de l’intimée qu’elle a donné à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocate dans le but de s’enrichir.
- Par conséquent, le plaignant s’est déchargé de son fardeau par la présentation d’une preuve claire et convaincante, et l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 7 du Code de déontologie des avocats.
- Le chef d’infraction reproche également à l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions qui prohibe à tout professionnel de poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre.
- La Cour d’appel du Québec dans Cardinal c. Chartrand[139] souligne que l’exercice d’appréciation auquel le Conseil doit se livrer en lien avec l’infraction fondée sur l’article 59.2 du Code des professions est axé sur le respect de certaines normes de comportement attendues de la part des membres de l’Ordre.
- Une infraction à l’article 59.2 du Code des professions permet de sanctionner les comportements répréhensibles qui rejaillissent négativement sur l’ensemble des membres de l’Ordre et qui nuisent au respect que le public accorde à la profession.
- Vu la trame factuelle et le contexte ci-devant rapportés, le Conseil juge que l’infraction reprochée à l’intimée comporte un niveau de gravité telle que sa conduite est contraire à l’honneur et à la dignité de la profession.
- Par conséquent, le plaignant s’est déchargé de son fardeau et l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions.
- En application de ces enseignements et de la règle qui interdit les condamnations multiples[140], cette déclaration de culpabilité quant à l’article 59.2 du Code des professions, fait l’objet d’une ordonnance de suspension conditionnelle des procédures, comme plus amplement décrit au dispositif de la présente décision.
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL FORMÉ DE LA PRÉSIDENTE ET DE Me CINDY LAFRENIÈRE, MEMBRE :
Chef 1 :
- DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction fondée sur l’article 7 du Code de déontologie des avocats et sur l’article 59.2 du Code des professions.
- PRONONCE la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.
- DEMANDE à la secrétaire du Conseil de discipline du Barreau du Québec de convoquer les parties à une audition sur sanction.
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| __________________________________ Me JULIE CHARBONNEAU Présidente __________________________________ Me CINDY LAFRENIÈRE Membre |
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Me Samy Elnemr |
Plaignant (agissant personnellement) |
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Me Karim Renno |
Mme Diana Aravatinos, stagiaire en droit Renno Vathilakis Inc. |
Avocats de l’intimée |
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Dates d’audience : | 5, 6 et 7 mai 2025 |
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OPINION MINORITAIRE DU MEMBRE DU CONSEIL, Me DAVID ROBITAILLE, SUR LA CULPABILITÉ DE L’INTIMÉE SUR LE CHEF 1
- J’ai eu le bénéfice de lire les motifs de l’opinion majoritaire du Conseil. En ce qui concerne les faits ayant mené à la plainte disciplinaire dont le Conseil est saisi, je m’en remets au résumé exhaustif et précis établi par l’opinion majoritaire. Cependant, pour les motifs ci-après exposés, je suis d’avis que les faits et la preuve soumise ne permettent pas de conclure à la culpabilité de l’intimée.
- Le fardeau du plaignant de prouver la violation de l’article 7 du Code de déontologie
- Comme le souligne l’opinion majoritaire et la jurisprudence, le fardeau de prouver la culpabilité de l’intimée « repose sur les épaules du syndic de l’ordre professionnel »[141], dont la preuve s’apprécie selon la prépondérance des probabilités[142]. Selon la Cour suprême du Canada, « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire »[143] à ce critère. La conduite de l’intimée doit aussi revêtir « une certaine gravité »[144].
- Je dois aussi tenir compte de la présomption simple selon laquelle les honoraires facturés par la professionnelle représentent la valeur réelle des services rendus[145]. Selon l’honorable Guy Gagnon de la Cour d’appel, « si elle n’est pas repoussée par une preuve contraire »[146], cette présomption « est suffisante pour établir la justesse de l'effort déployé par l'avocat au soutien de la défense des intérêts de son client »[147].
- Le plaignant soutient que l’intimée a donné un caractère de lucre à sa profession. La seule disposition de rattachement au chef 1 de la plainte tirée du Code de déontologie des avocats (« le Code ») est l’article 7 :
7. L’avocat évite toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre, soit le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocat dans le but de s’enrichir.
- Cette disposition a été précisée lors de modifications apportées au Code en 2013 par le Conseil général du Barreau du Québec (ci-après le « Barreau ») et entrées en vigueur en 2015. L’ancien article 3.08.03 énonçait, laconiquement :
3.08.03. L’avocat doit éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre et de commercialité.
- Plusieurs changements ont été apportés à ce devoir. L’article 3.08.03 était compris dans la sous-section 8 du Code intitulée « Fixation et paiement des honoraires », elle-même comprise à la Section III sur les « Devoirs et obligations envers le client »[148]. L’interdiction de donner un caractère de lucre à sa profession ne figurait donc pas dans la Section II de l’ancien Code sur les « Devoirs généraux et obligations envers le public »[149]. En 2013, le Barreau a choisi de faire de cette interdiction l’un des « Devoirs généraux » contenus au Chapitre I du Titre II « Règles déontologiques » qui figurent au début du Code actuel.
- Le Barreau a ainsi élargi cette interdiction, jadis liée uniquement à la question des honoraires des avocats[150]. L’interdiction vise maintenant des situations qui dépassent la stricte question des honoraires et ne concerne plus seulement la relation de l’avocat avec le client, mais « s’applique dorénavant […] à toutes les représentations faites à un membre du public aux fins d’en tirer un profit »[151]. Dans un document produit par le Barreau, on peut aussi lire que, depuis l’entrée en vigueur de la modification en 2015, « l’avocat doit tenir compte du caractère de lucre à d’autres niveaux : la publicité, ses représentations face à des tiers, la tarification, etc. »[152].
- Bien qu’important, ce changement n’a pas d’impact significatif, à mon avis, sur l’issue de la plainte compte tenu des circonstances particulières de cette affaire. À tout le moins, cette modification indique que le consentement et la satisfaction du client à l’égard des services et de la facturation de l’intimée ne constituent pas, à eux seuls, des éléments déterminants ou des « chèques en blanc », dans l’analyse que doit faire le Conseil, étant donné que l’article 7 vise la protection du public plus généralement et non le client seulement. Si le consentement et la satisfaction du client n’empêchent pas en soi de conclure qu’un avocat a donné un caractère de lucre à sa profession, ils demeurent néanmoins des facteurs très pertinents dont le Conseil doit tenir compte.
- L’autre modification apportée à l’ancien article 3.08.03 du Code a selon moi des conséquences plus importantes en l’espèce. Alors que cette disposition interdisait de donner « un caractère de lucre et de commercialité » à la profession juridique, sans fournir plus de précision, l’article 7 en précise considérablement la portée. Sera assimilé au lucre « le fait de rechercher un gain avec avidité ou cupidité ou d’utiliser de manière abusive son statut d’avocat dans le but de s’enrichir »[153].
- Je vois dans cette précision deux éléments conceptuellement distincts. Le premier est lié à l’intention du professionnel de rechercher un gain d’une certaine manière. Les faits doivent donc démontrer, par une preuve claire et convaincante, que le comportement de l’intimée était principalement mû par la recherche d’un enrichissement, c’est-à-dire que l’intimée était activement, par des gestes concrets, à la recherche d’un tel gain. C’est ce qui me semble ressortir clairement des termes « rechercher » et « dans le but de » du libellé de l’article 7. Le Tribunal des professions avait d’ailleurs jugé en ce sens à propos de l’article 15 du Code de déontologie des psychologues de l’époque, abrogé depuis[154], mais libellé en des termes très similaires à celui de l’ancien article 3.08.03 du Code de déontologie des avocats :
Le caractère de lucre est défini comme étant l'objectif d'une démarche qui est uniquement celle de faire un gain, de retirer de l'argent. En l'instance, la preuve soumise, et en particulier le témoignage de l'intimé, ne révèle pas que son unique but […] était [de] retirer un gain monétaire.[155]
[Italiques ajoutés]
- Second élément important, l’article 7 conditionne la culpabilité de l’avocat à la démonstration de son « avidité » ou de sa « cupidité », ou de « l’utilisation abusive » de son statut de professionnel. L’avidité et la cupidité sont des défauts qui dénotent une intensité particulièrement notable dans le comportement d’une personne. Différents dictionnaires de bonne réputation définissent « avidité » ainsi :
Désir ardent et insatiable. […] Désir intense de biens matériels, grande cupidité. […] Appétit immodéré que l’on satisfait goulûment; voracité. […][156]
Désir immodéré de dévorer ou de posséder quelque chose.[157]
Désir ardent, immodéré de qqch; vivacité avec laquelle on le satisfait.[158]
[Italiques ajoutés]
- Ces mêmes dictionnaires définissent « cupidité » comme un « désir immodéré d’argent, de richesses »[159], tandis qu’ils définissent « abuser » en référant à l’idée d’excès, d’absence de mesure ou par le fait de tirer excessivement profit de quelque chose[160].
- Il est enfin important de noter que le Barreau a aussi choisi d’effacer le mot « commercialité » de l’ancienne interdiction de donner un « un caractère de lucre et de commercialité » à la profession, préférant conserver l’interdiction du lucre en la précisant. Cela concorde sans doute avec l’évolution des mœurs dans la mesure où la recherche de profits ou la commercialité de la profession d’avocat ne sont pas en soi des tares, comme ils auraient pu l’être jadis :
L’idée que le lucre ou le gain de profits puissent motiver l’offre de conseils juridiques aurait choqué la moralité, peut-être plus simple, de l’âge classique. Aussi, cette approche au Mammon trouva son écho dans l’ancienne tradition chrétienne, qui enseignait que « l’amour de l’argent est racine de toutes sortes de maux ». Ces croyances civiles et religieuses, quoique anachroniques selon certains, ont eu une influence considérable sur l’éthique juridique, particulièrement dans le monde civiliste.[161]
[Références omises]
- Comme le soulignent les auteurs, « [o]n ne peut nier le fait que la pratique du droit est une forme de commerce et que les avocats sont maintenant [des femmes] et des hommes d’affaires »[162]. Le simple fait de chercher ou tirer un profit de sa profession n’est pas en soi illégal et ne constitue pas du lucre.
- Pour conclure à la culpabilité de l’intimée en vertu de l’article 7 du Code de déontologie, la preuve soumise devrait donc démontrer clairement et de manière convaincante, selon la prépondérance des probabilités, un comportement marqué par la recherche ardente, excessive, immodérée, insatiable, sans limites ou vorace de profit ou d’enrichissement ou l’utilisation active, démesurée ou excessive de son statut professionnel. Or, si le comportement de l’intimée n'est pas exempt de tout reproche, la preuve soumise ne permet pas de conclure à la violation de l’article 7, ni de l’article 59.2 du Code des professions.
- La preuve soumise au Conseil
- Le plaignant demande au Conseil de prendre connaissance de certaines factures « afin de bien cerner le caractère de lucre de la facturation de l’intimée »[163]. Il s’agit de dix-neuf (19) factures portant les numéros 1520, 1521, 1522, 1523, 1524, 1528, 1542, 1543, 1545, 1546, 1547, 1550, 1551, 1552, 1553, 1554, 1555, 1556 et 1557. Il reprend certains des éléments de ces factures dans son plan d’argumentation et lors de l’audience, mais demande évidemment au Conseil de tenir compte de l’ensemble des entrées qu’elles contiennent, ce que ses membres ont fait. Il invite le Conseil à en tirer la conclusion que ces factures illustrent « de manière claire et convaincante que l’intimée a manqué à son devoir d’éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre »[164]. Selon le plaignant, « les agissements de l’intimée visaient la recherche d’un gain avec avidité »[165] et l’intimée « a utilisé de manière abusive son statut d’avocate dans le but de s’enrichir […] alors que plusieurs services rendus ne constituaient pas des actes à caractère juridique nécessitant une avocate en exercice »[166]. Il soutient que l’intimé « a profité du consentement de [son client] afin de s’enrichir »[167].
- Il est vrai que la facturation de l’intimée ne brille pas par sa clarté ni par son exhaustivité. Les entrées inscrites sont souvent vagues, imprécises ou très succinctes. Appelée à fournir des précisions sur ces factures lors de son témoignage, elle se limite souvent à répéter essentiellement ce qui est déjà indiqué sur celles-ci ou à l’agenda et ne peut la plupart du temps fournir de précisions utiles et détaillées sur la nature des tâches accomplies ou le nombre d’heures effectuées pour chacune des entrées.
- L’intimée témoigne aussi être intervenue au nom de son client auprès de plusieurs personnes et à de très nombreuses reprises dans les quatre dossiers qu’il lui a confiés (les affaires courantes ou le « day to day »; les arbres, les terres en Serbie et l’hôpital). Comme le souligne l’opinion majoritaire, l’intimée ne dispose pratiquement d’aucune note relativement à ces rencontres avec son client ou des tiers. Aucune jurisprudence, relativement aux recherches (au moins deux) qu’elle soutient avoir effectuées pour lui, ne se trouve non plus dans ses dossiers. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’intimée, en lien avec les services fournis à son client, manque de rigueur dans sa tenue de dossier.
- Il me paraît aussi inusité et inhabituel que l’intimée ait elle-même rempli plusieurs chèques pour le paiement de ses propres honoraires professionnels en lieu et place de son client. C’est toutefois le client qui les a tous signés de sa main et l’intimée témoigne que, de tout temps, elle n’avait pas la possession matérielle du chéquier de ce dernier.
- Au-delà de la tenue de dossier approximative de l’intimée, son témoignage, dont rien dans la preuve ne permet de mettre en doute la sincérité, fait ressortir plusieurs points qui me semblent importants. L’intimée a été mise en contact avec son client par un représentant d’une église de la communauté serbe. Le client posait alors régulièrement des questions à l’intimée. Celui-ci semble par ailleurs avoir une personnalité plutôt difficile en ce qu’il se chicanerait régulièrement avec les gens; ses relations interpersonnelles avec les tiers sont dites difficiles et querelleuses. Selon la preuve, il semble que cette personne soit assez seule et n’ait pas de proches sur qui compter : elle n’est pas mariée et n’a pas d’enfant.
- Dans ce contexte, le client a convenu avec l’intimée de lui confier un premier mandat en janvier 2018, reconduit en juin 2020[168]. Encore aujourd’hui, l’intimée dit représenter son client, même si elle ne le facture pas pour l’instant, étant donné la présente plainte disciplinaire. Bien qu’il aurait été souhaitable que le client accepte de témoigner devant le Conseil, la preuve non contredite tend à démontrer qu’il a toujours été satisfait des services de l’intimée, qu’il l’est encore, et qu’il ne s’est jamais plaint de sa facturation. Au contraire, conformément au mandat conclu, l’intimée soumettait à son client, tous les trois mois, un agenda contenant les inscriptions des services rendus préalablement à sa facturation. Le client a toujours approuvé et signé ces inscriptions[169]. C’est aussi à la demande de son client que l’intimée lui faisait signer des agendas résumant assez succinctement son travail. Il souhaitait, en effet, que ce soit simple et visuellement facile à lire.
- L’intimée témoigne aussi avoir informé son client à plusieurs reprises de ce que le mandat qu’il souhaitait lui confier impliquerait pour lui sur le plan monétaire compte tenu de la nature des tâches demandées. C’est le cas, en particulier, du dossier des affaires courantes (« day to day ») qui impliquait pour l’intimée de faire tout ce que le client lui demandait de faire, bien entendu sous réserve de toute illégalité (ce dont il n’est pas question en l’espèce). L’intimée a témoigné sous serment avoir spécifié à son client qu’il n’avait pas besoin d’une avocate pour plusieurs des aspects et des tâches qu’implique ce dossier; elle en a fait de même pour les autres dossiers. Elle lui rappelait par la même occasion son taux horaire et l’informait que ça lui coûterait cher. Elle affirme en avoir discuté avec lui avant la signature du premier mandat et à plusieurs reprises tout au long du mandat. Elle explique au Conseil en avoir discuté « en long et en large » avec son client. Malgré tout, ce dernier aurait insisté plusieurs fois pour que l’intimée la représente. Elle affirme : « il voulait que je m’occupe de lui » dans « presque tout ». Selon l’intimée, il avait et a toujours une grande confiance en elle.
- Après avoir retenu sa facturation depuis 2018, possibilité que les mandats signés comportaient[170], l’intimée commence à émettre des factures en mai 2022 en raison des sommes qui s’accumulent et du fait qu’elle apprend à cette période être enceinte. Comme elle travaillait moins en raison de sa grossesse, difficile, elle a besoin d’être payée et informe son client qu’il commencerait à recevoir des factures.
- Je ne vois rien dans ces faits non contredits de comportement qui s’apparente à un désir ardent, immodéré, insatiable ou intense de s’enrichir ou à une utilisation excessive, sans limites ou mal intentionnée de son statut d’avocate. Au contraire, le client a toujours été dûment informé que la grande présence qu’il attendait de son avocate dans plusieurs aspects de sa vie de tous les jours et ses relations quotidiennes difficiles avec certaines personnes (les voisins, le personnel de l’hôpital, etc.) lui coûterait cher; il a même insisté pour qu’elle le représente ainsi et a approuvé de manière constante les agendas qu’elle lui soumettait avant facturation.
- La présente situation factuelle est toute autre que celles qui ont mené aux jugements sur lesquels se fonde l’opinion majoritaire[171] et le plaignant dans son plan d’argumentation. Plusieurs de ces jugements ont aussi été rendus sur la base de dispositions différentes du Code de déontologie de celle invoquée par le plaignant devant le Conseil et avant les modifications de 2015; la question en litige que les tribunaux devaient y trancher était elle aussi différente de celle posée au Conseil. À mon avis, ces jugements ne trouvent donc pas application ici. Je les aborde dans le même ordre que dans les motifs de l’opinion majoritaire et ajouterai des remarques au passage à propos de jugements soumis par le plaignant.
- La jurisprudence sur les honoraires justes et raisonnables rendue dans des contextes factuels différents du cas d’espèce
- L’opinion majoritaire s’appuie sur les motifs du juge Hilton, alors à la Cour supérieure, dans la décision Desjardins Ducharmes Stein Monast c. Empress Jewellery (Canada) Inc.[172] Or, dans cette affaire, comme dans toutes les autres affaires abordées ci-dessous, la question que le tribunal devait trancher portait sur le caractère juste et raisonnable de la facturation, contestée par le client, d’un avocat qui avait manqué à son devoir de renseignement envers ce dernier. L’honorable Hilton écrit, d’emblée :
Lawyers know that the cost of protracted litigation is prohibitive. This case considers whether a lawyer has satisfied his duty to adequately inform a client of the extent of its exposure to legal fees and to obtain its agreement to incurring them. It also involves an assessment of the factors that must be taken into account when a client agrees to be billed on an hourly rate basis for services to be rendered during litigation initiated by the client against an unreasonably combative adversary.[173]
[Italiques ajoutés]
- Comme l’avocat avait clairement manqué à son devoir d’information envers son client, il avait contrevenu aux articles 3.08.02 et 3.08.04 – et non à l’article 3.08.03 – de l’ancien Code. C’est dans ce contexte que doivent à mon avis être appréciés les paragraphes 65, 66, 68 et 69 de ce jugement sur lesquels s’appuie l’opinion majoritaire[174].
- La majorité s’appuie aussi sur l’arrêt Consortium Promecan inc. (Syndic de)[175] de la Cour d’appel, au soutien du fait qu’une facturation révélant des anomalies à sa face même quant aux heures facturées tend à démontrer son caractère déraisonnable[176]. Or, dans cet arrêt, la question portait sur la raisonnabilité des heures facturées par les avocats de l’appelant dans le cadre de la taxation d’un mémoire de frais soumis et à l’application par le greffier des critères pertinents. L’intimée, débitrice de ces frais, contestait la somme totale qui lui était réclamée.
- L’analyse de la Cour d’appel porte sur les articles 3.00.01, 3.02.11 et 3.08.01 de l’ancien Code à propos des honoraires raisonnables et proportionnés. La situation était toute autre que dans la présente affaire disciplinaire où le client ne s’est jamais plaint des factures et réclamations de l’intimée. La question que le Conseil doit trancher n’est pas non plus de savoir si les honoraires facturés sont conformes aux articles 99 et suivants de l’actuel Code portant sur les honoraires justes et raisonnables, mais de savoir si l’intimée a fait preuve d’avidité, de cupidité ou d’abus de son statut d’avocate et ainsi donné un caractère de lucre à sa profession, contrairement à l’article 7 du Code.
- L’opinion majoritaire s’appuie aussi sur la décision Boisvert c. Villeneuve à propos des devoirs déontologiques de l’avocat quant aux coûts de ses services[177]. Contrairement aux faits non contredits soumis devant le Conseil, les clients plaidaient dans cette affaire que leur avocat avait « passé outre à leurs directives claires » et « agi à sa guise en donnant un minimum d’information à ses clients »[178]. Là aussi, le litige portait sur les articles 3.08.01, 3.08.02, 3.08.04 et 3.08.05 de l’ancien Code, et non sur l’article 3.08.03. Le cœur de cette affaire mettait en cause le devoir d’information de l’avocat envers son client quant aux coûts de ses services et la proportionnalité des honoraires facturés compte tenu de l’expectative du client :
[51] Il s’infère de ces dispositions que l’avocat est astreint à une norme déontologique contraignante, en ce qu’il est tenu à un devoir d’information qui ne se limite pas à la communication de son tarif horaire. Il a l’obligation de s’assurer que son client est informé du coût approximatif et prévisible de ses services. Bref, le client doit raisonnablement connaître de façon concrète ce à quoi il s’engage.
[52] Les honoraires réclamés à un client doivent aussi refléter la valeur des services qui lui ont été rendus. Il incombe à l’avocat de réviser tous les montants inscrits à la tenue du temps consacré au dossier pour ensuite exercer son jugement afin de déterminer si, au total, tout doit être facturé. La facture doit être proportionnelle à la valeur que représentent les services rendus en fonction des attentes du client.
[Italiques ajoutés; soulignement ajouté]
- C’est dans ce contexte que la Cour supérieure écrit ensuite que « [l]’avocat ne peut pas se comporter comme s’il détenait un chèque en blanc déjà signé par son client »[179] et que « le devoir de renseignement n’a pas été respecté »[180]. Par ailleurs, aucune convention écrite d’honoraires n’avait été conclue dans cette affaire[181]. Comme je l’ai souligné précédemment, la situation est diamétralement opposée en l’espèce. Le client avait été informé par l’intimée que les attentes qu’il avait à son égard seraient dispendieuses et a malgré tout, plusieurs fois, insisté pour qu’elle le représente. L’avocate a été claire avec son client et, inversement, les attentes de celui-ci étaient elles aussi claires pour l’intimée.
- Dans la décision Fallu c. R.L.[182], dont l’opinion majoritaire s’appuie sur certains extraits[183], la Cour supérieure devait décider de la raisonnabilité des honoraires, contestés, d’une avocate dans le cadre d’un litige de divorce acrimonieux entre son client et son ex-épouse. Bien que l’ancien article 3.08.03 est mentionné par la Cour dans les règles applicables, c’est véritablement l’article 3.08.02 et la question des honoraires justes et raisonnables qui étaient au cœur de l’affaire[184]; par ailleurs, l’article 3.08.03 a depuis été modifié et précisé de manière étroite par le Barreau. Et, surtout, c’est parce que l’avocate avait manqué à son devoir d’information envers sa cliente que le quantum des honoraires a été diminué par la Cour[185] qui écrit : « la gestion financière du dossier par l’avocat constitue un aspect important qui ne peut être laissé au hasard »[186]. Il en est tout autrement en l’espèce, alors que rien n’a été laissé au hasard : l’intimée a informé son client plusieurs fois, celui-ci a insisté pour qu’elle le représente, vu sa grande confiance en elle, il a toujours été satisfait de ses services et a constamment approuvé sa facturation.
- Dans la décision Gerasin c. Khoury que l’opinion majoritaire cite également, les circonstances étaient très différentes de celles qui prévalent entre l’intimée et son client. Dans cette affaire, la défenderesse contestait les honoraires réclamés par son ancien avocat pour les motifs suivants, que la preuve n’avait toutefois pas permis d’établir :
[…] facturation incorrecte ou contraire à une entente préalable, demandes de paiement incessantes et à contretemps, malversation, erreurs ou omissions professionnelles commises par le Demandeur, stratégie inappropriée, négligence ou retard dans le déroulement des procédures ou dans le retour des appels qu’elle lui faisait, manque d’éthique et de diligence.[187]
- La Cour du Québec devait là également appliquer les articles 99 à 102 du Code de déontologie.
- L’opinion majoritaire s’appuie en partie sur le paragraphe suivant de cette décision pour reprocher à l’intimée de ne pas avoir refusé d’accomplir toutes les tâches que son client lui demandait de poser[188] :
[62] La jurisprudence enseigne que, si les décisions d’un avocat peuvent faire l’objet de discussions ou même d’une contestation de la part du client, il demeure que l’avocat est le professionnel qualifié et, à ce titre, il est celui qui, ultimement, doit établir la stratégie et la théorie de la cause. Qui plus est, ses obligations professionnelles et déontologiques lui imposent d’agir en ce sens et non pas de suivre aveuglément les instructions de son client.[189]
- La Cour du Québec écrivait ce passage en réponse à l’argument de la cliente insatisfaite du fait que son avocat ne mettait pas en œuvre toutes les stratégies ou tous les arguments juridiques qu’elle lui proposait. La Cour écrit, au sujet de la cliente : « Elle se plaint alors du fait qu’il [l’avocat] ne prend “aucune considération de mes arguments” et que lors des deux derniers rendez-vous, “vous avez plaidé le point de vue adverse plutôt que ma défense (sic)” »[190]. C’est dans ce contexte précis que la Cour réaffirme que, si les décisions de l’avocat peuvent évidemment être discutées avec sa cliente, l’avocat qui ne suit pas à la lettre les suggestions de celle-ci ne commet pas une faute professionnelle puisqu’il demeure le professionnel qualifié disposant de l’expérience et/ou des connaissances nécessaires pour déterminer la meilleure marche à suivre dans un dossier. Par ailleurs, si la Cour conclut à une violation de l’article 7 du Code, c’est en raison de l’imposition au client d’un taux d’intérêt annuel exorbitant de 18 % sur les soldes impayés des factures de l’avocat. Comme on le voit, le contexte factuel ayant mené la Cour du Québec dans l’affaire Gerasin à souligner ce pouvoir décisionnel ultime de l’avocat quant aux stratégies juridiques et à constater le lucre dont avait fait preuve le professionnel était très différent de celui en l’espèce.
- La situation était similaire dans la décision FNC Avocats inc. c. Plante[191], dont un extrait est repris par l’opinion majoritaire. Le client contestait le montant des honoraires réclamés par son avocat qui avait manqué à son devoir d’information et la Cour devait appliquer les articles 99, 101 et 102 du Code de déontologie, et non l’article 7, pour déterminer si lesdits honoraires étaient justes et raisonnables[192].
- L’affaire Ben Bahri c. H.A.[193], dont plusieurs paragraphes sont également repris dans l’opinion majoritaire[194], portait, elle aussi, sur l’application des articles 99, 100, 101 et 102 du Code de déontologie pour un montant d’honoraires contesté par la cliente de l’avocate[195]. Le devoir de ne pas donner un caractère de lucre à sa profession n’était pas en cause dans cette affaire non plus.
- L’opinion majoritaire s’appuie ensuite sur cette affaire Ben Bahri et sur la décision Jean-Baptiste c. Verrette[196], pour reprocher à l’intimée de ne pas avoir modulé ses heures en fonction de l’importance ou de la complexité de la tâche à accomplir, en bref, d’avoir appliqué son taux horaire invariablement pour tous les actes accomplis pour son client. Là encore, dans l’affaire Jean-Baptiste, le client contestait la facturation de son avocate, l’avocate avait manqué à son devoir d’information envers lui[197], le litige portait sur l’application des articles 101 et 102 du Code et l’article 7 n’était pas en cause. Il s’agissait de savoir si les honoraires étaient justes et raisonnables, la Cour concluant : « Ce qui paraît juste à l’avocat ou son employeur ne paraît pas toujours juste au client, et vice versa »[198]. En l’espèce, il me semble au contraire évident que tant l’intimée que son client se sont accordés sur la justesse des heures facturées.
- L’opinion majoritaire mentionne à plusieurs reprises que l’intimée aurait dû moduler son taux horaire en fonction des services rendus[199] et y voit un manquement à l’article 7. Certes, l’intimée aurait pu moduler son taux horaire et aurait peut-être dû le faire, sans toutefois me prononcer sur ce point. Mais, à mon avis, l’absence de modulation ne fait pas preuve en soi d’avidité, de cupidité ou d’abus de statut professionnel et ne viole conséquemment pas l’article 7 du Code. Compte tenu des faits pertinents en l’espèce, elle ne viole pas non plus l’article 59.2 du Code des professions.
- Enfin, l’opinion majoritaire cite des passages de la décision Ginoiu c. Madar[200] du conseil de discipline du Barreau dans lequel un avocat était accusé d’avoir enfreint l’article 7 du Code de déontologie; c’est l’une des rares affaires, d’ailleurs, sur laquelle s’appuie la majorité qui porte sur la même disposition de rattachement que celle invoquée par le plaignant en l’espèce[201]. Or, dans Ginoiu, le conseil conclu de la preuve que l’avocat a renseigné son client, qu’il a été honnête, intègre, désintéressé et qu’il n’avait pas fait montre d’avidité, contrairement à l’article 7.
- Au surplus, le conseil se limite dans cette décision à un seul et très court paragraphe portant directement sur le libellé et les termes utilisés par le Barreau à l’article 7 : « En se basant sur la définition du dictionnaire français Larousse, le Conseil est d’avis que cela fait référence au profit recherché par l’avocat avec avidité »[202]. Ce passage ne fait que reprendre, sans interprétation ni approfondissement, le libellé de l’article 7. Ce raisonnement circulaire me semble faire fi des modifications apportées au texte de ce devoir en 2015. Si les termes de l’ancien article 3.08.03 ont été précisés par l’ajout de plusieurs qualificatifs assez forts en intensité, ça doit bien vouloir signifier quelque chose.
- Enfin, comme la jurisprudence sur laquelle se fondent les motifs de l’opinion majoritaire du Conseil, les jugements que le plaignant soumet au Conseil concernent des faits différents de ceux qui nous occupent. Plusieurs de ces affaires concernent des cas d’avocats qui ont manqué à leur devoir déontologique de bien informer leurs clients quant à leur facturation et portaient sur la raisonnabilité de celle-ci[203]. D’autres portent aussi sur l’interdiction de donner un caractère de lucre à sa profession, mais avant que le lucre ne soit précisé et lié à l’avidité, à la cupidité ou à l’abus du statut professionnel et avant que le volet « commercialité » ne soit retiré de l’infraction en 2015 par le Barreau. Ces affaires concernaient aussi toutes des clients insatisfaits ou contestant la facturation de leurs avocats[204].
- Conclusion de l’opinion minoritaire
- J’aimerais terminer en apportant quelques précisions. D’abord, il me semble clair que la jurisprudence portant sur le caractère juste et raisonnable des honoraires peut être pertinente, en partie, à l’interprétation de l’article 7 du Code, malgré que le Barreau ait déplacé l’interdiction du lucre de la section portant sur les honoraires vers les « Devoirs généraux », à la condition cependant de tenir compte des distinctions qui s’imposent entre l’article 7 et les articles 99 et suivants du Code.
- Il est aussi exact que les instructions du client ne constituent pas un chèque en blanc comme le soulèvent le plaignant et l’opinion majoritaire. Cela dit, je ne crois pas que l’acquittement de l’intimée en l’espèce enverrait à nos consœurs et confrères le message que le consentement initial du client donne le droit aux professionnels de facturer n’importe quoi et n’importe comment.
- Les avocats doivent périodiquement informer les clients et les mettre à jour concernant des changements de circonstances importants des dossiers qui sont susceptibles d’affecter significativement les honoraires facturés. Ils doivent aussi être raisonnables dans ce qu’ils facturent de manière détaillée aux clients malgré le consentement général que ces derniers peuvent avoir donné en début de mandat. L’une et/ou l’autre de ces obligations déontologiques n’avaient pas été respectées dans les litiges sur lesquels s’appuient l’opinion majoritaire et le plaignant. Il s’agit, à mes yeux, d’une différence majeure entre ces affaires et la plainte dont le Conseil a été saisi au sujet de l’intimée.
- Par ailleurs, le fait pour un tribunal ou le conseil de conclure à la déraisonnabilité de la facturation d’un avocat en vertu des articles 99 et suivant du Code (comme c’était le cas dans plusieurs décisions sur lesquelles s’appuient l’opinion majoritaire et le plaignant) n’entraîne pas, et ne devrait pas entraîner, une conclusion automatique de violation de l’article 7. Dans le cas contraire, l’article 7 serait superflu et les précisions apportées par le Barreau à son libellé en 2015 sans objet.
- Une facturation peut très bien être déraisonnable ou ne pas refléter, aux yeux d’un tribunal ou du conseil, la valeur des services rendus, sans que l’avocat ait fait preuve d’avidité, de cupidité ou d’abus de statut, tel que ces termes sont généralement définis. En revanche, il est bien sûr possible qu’une facturation déraisonnable soit si excessive qu’elle entraîne aussi une atteinte à l’article 7, en présence d’une preuve claire et convaincante d’avidité, de cupidité ou d’abus de statut professionnel. La déraisonnabilité à elle seule ne fait pas foi d’avidité, de cupidité ou d’absence totale de mesure.
- Les faits montrent enfin que les services de l’intimée avaient pour son client une grande importance. En l’espèce, en l’absence de plainte du client, de situation claire d’avidité ou d’excès, de manquement à son devoir d’information par la professionnelle ou d’incapacité du client, ce dernier me paraît le mieux placé pour apprécier la valeur des services rendus par l’intimée. Dans un tel contexte, je dois m’abstenir de porter un jugement subjectif à leur égard. D’ailleurs, en changeant l’interdiction du lucre d’un devoir envers le client à un devoir général de l’avocat en 2015, le Barreau élargissait le champ d’application de ce devoir, mais prenait aussi, par la même occasion, la peine de resserrer et préciser la portée de cette obligation. L’article 7 pourra donc être violé même si le client ne se plaint pas lui-même de la facturation de son avocat, lorsqu’il est nécessaire de protéger le public contre le comportement avide, cupide et abusif d’un professionnel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
- Par ailleurs, la distinction nette que le plaignant invite le Conseil à faire entre les actes à caractère strictement juridique et les actes qui ne nécessitent pas une avocate en exercice me semble indûment restrictive et poreuse. Là-dessus, je suis en accord avec l’opinion majoritaire[205]. Dans les dossiers confiés à l’intimée, tous étaient susceptibles de comporter des aspects juridiques. Par exemple, représenter une personne face à du personnel hospitalier alors que sa santé est en jeu, à des voisins dans un dossier de coupe d’arbres et de protection de propriété ou dans des recherches complexes pour établir la propriété de terres à l’étranger, peut comporter une dimension juridique. Les pourparlers, les négociations, les discussions, les consultations et les conseils que cela peut impliquer sont nécessairement, au moins en partie, de nature juridique. Il faut aussi souligner que l’intimée pratique seule et qu’elle doit conséquemment accomplir elle-même et facturer plusieurs tâches de nature administrative, ce qui ne constitue pas en soi une infraction[206]. Il n’était certes pas nécessaire pour le client de retenir les services personnalisés de l’intimée pour toutes les tâches demandées. Mais en l’absence de plainte ou d’insatisfaction de sa part ou de preuve claire d’avidité ou de démesure excessive par l’intimée, je ne crois pas que le comportement de celle-ci porte atteinte à l’article 7 du Code.
- La juridicité de la profession ne se limite pas seulement à faire des recherches jurisprudentielles, à rédiger des opinions et à plaider devant les tribunaux. J’ai eu l’impression durant les plaidoiries que c’était là la vision promue par le plaignant, pour qui l’absence, par exemple, de mise en demeure, d’interrogatoire, de pièces de procédures et de jurisprudence dans le dossier illustre que l’intimée s’était essentiellement consacrée à des actes non juridiques. Or, plusieurs membres de l’Ordre n’accomplissent pas régulièrement ce type d’actes dans leur travail de tous les jours, sans pour autant que ce dernier ne soit pas considéré comme du travail juridique.
- Je rappelle enfin qu’aucune preuve n’a été soumise au Conseil selon laquelle le client, malgré son âge avancé, serait une personne vulnérable, incapable ou inapte à consentir, dont l’intimée aurait profité à mauvais escient ou exploitée[207]. Je ne peux non plus présumer de l’état de santé du client ou tirer des inférences ou conclusions implicites sur la base de certains faits, par exemple sa fréquentation d’une résidence pour personnes semi-autonomes ou son refus de rencontrer le plaignant en raison de sa santé fragile. Une preuve contraire aurait pu, évidemment, entraîner un résultat différent.
- Pour les raisons qui précèdent, je suis aussi d’avis que les faits ne permettent pas de démontrer clairement, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimée à commis « un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre » ou exercé « une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession » aux termes de l’article 59.2 du Code des professions.
- Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que l’intimée aurait dû être acquittée.
| _______________________________ Me DAVID ROBITAILLE Membre |
[9] Pièces D-5 à D-26, P-3, P-6, P-12 à P-17.
[10] The Law Society of Manitoba v Krawchuk, 2013 MBLS 6; Mandron c. Fernandez, 2004 CanLII 72530 (QC CDBQ); Bernard c. Calixte, 2014 QCCQ 7780; Tassé Avocats inc. c. Laquerre, 2011 QCCQ 10084; Terreault c. Bigras, 2005 QCCA 1243; Montbriand c. Morand, 2008 QCCDBQ 96; Walker c. Turgeon, C.Q., 500-22-041907-000, 17 mai 2001, AZ-01036330; Conseil d’arbitrage des comptes des avocats du Barreau du Québec - ARB- 00130674; Jalbert Lamarre Avocats c. Poulin, 2021 QCCQ 12364; Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B -1.
[11] Salvatore Avocats inc. c. Bouclier Juridique inc., 2025 QCCS 27; Bouclier Juridique inc. c. Salvatore Avocats inc., 2025 QCCA 487; Ginoiu c. Madar, 2021 QCCDBQ 67; Grothé c. Da Costa, 1993 CanLII 9209 (QC TP); Option Consommateurs c. Rohm Co. Ltd., 2023 QCCS 4212; Milunovic c. Karim, 2018 QCCDBQ 71; Milunovic c. Bélanger, 2010 QCCDBQ 90; Doré c. Bernard, 2010 QCCA 24; Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Blais, 2022 QCCDBQ 59; F.H. v. McDougall, 2008 SCC 53; Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Bousquet, 2016 QCCDBQ 101; Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2003 QCTP 132; Notaires (Ordre professionnel des) c. Lacelle, 2022 QCCDNOT 20; Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143; Blanchet c. Dejean Construction inc., 2007 QCCS 5044; Dejean Construction inc. c. Blanchet, 2008 QCCA 279.
[12] Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078.
[13] Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441; Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479; Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400; John Changchiang Chen c. Steven Lapointe, ès qualités de syndic du Collège des médecins du Québec, 2020 CanLII 30 824 CSC.
[14] Tremblay c. Dionne, supra, note 13.
[15] Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, 2019 QCTP 51, paragr. 43, pourvoi en contrôle judiciaire rejeté par Bissonnette c. Tribunal des professions, 2020 QCCS 3090.
[16] Ayotte c. Gingras, 1995 CanLII 10936 (QC TP).
[17] Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, supra, note 15, paragr. 54.
[18] Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143.
[19] Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144; Médecins vétérinaires (Ordre professionnel des) c. Salhi, 2024 QCTP 7, paragr. 59.
[25] Points 1 et 2 du mandat signé le 24 janvier 2018.
[27] Audience du 5 mai 2025, au minutage 01:09:24.
[28] Audience du 5 mai 2025, au minutage 01:11:34.
[29] Pièces D-3A, agenda de l’année 2018.
[31] Audience du 5 mai 2025, au minutage 01:29:00.
[32] Audience du 5 mai 2025 au minutage 01:29:27.
[33] Audience du 5 mai 2025, au minutage 01:34:38.
[34] Audience du 5 mai 2025, au minutage 01:45:00.
[35] Audience du 5 mai 2025, au minutage 01: 56:10.
[40] Audience du 6 mai 2025, au minutage 00:10:17.
[42] Audience du 6 mai 2025, au minutage 00:30:34.
[43] Audience du 6 mai 2025, au minutage 00:32:04.
[44] Audience du 6 mai 2025, au minutage 00:33:08.
[47] Audience du 6 mai 2025, au minutage 00:39:35.
[49] Pièces P-8 et P-13 identiques et P-14.
[52] Audience du 6 mai, au minutage 00:52:53.
[54] Audience du 6 mai 2025, au minutage 01:55:00.
[55] Pièce P-8, facture 1520.
[56] Audience du 6 mai 2025, au minutage 02:16:00.
[57] Pièce P-9, facture 1520.
[58] Pièce P-8, agenda 2018.
[59] Pièce P-9, facture 1520.
[60] Pièce P-9, facture 1521.
[61] Pièce P-9, facture 1521.
[62] Pièce P-9, facture 1522.
[63] Pièce P-9, facture 1522.
[64] Pièce P-9, facture 1523.
[65] Pièce P-9, facture 1524.
[66] Pièce P-9, facture 1528.
[67] Pièce P-9, facture 1543.
[68] Pièce P-9, facture 1551.
[69] Pièce P-9, facture 1555.
[71] Pièce P-9, Factures 1556 et 1557.
[73] Chèque P-18, page 69.
[78] RLRQ, c. B-1, r. 3.1.
[79] Grothé c. Da Costa, supra, note 11
[80] 1999 CanLII 12111 (QC CS).
[81] Consortium Promecan inc. (Syndic de), 2011 QCCA 1031.
[83] Fallu c. R.L., 2014 QCCS 739.
[84] Gerasin c. Khoury, 2021 QCCQ 14183.
[86] Ben Bahri c. H.A., 2024 QCCQ 9513.
[87] Jean-Baptiste c. Verrette, 2025 QCCQ 667.
[92] R. c. Wholesale Travel Group Inc., 1991 CanLII 39 (CSC).
[94] Terreault c. Bigras, supra, note 10, paragr. 109.
[95] Plan d’argumentation de l’intimée, paragr. 74 à 82.
[100] Pièce P-9, factures 1520, 1521, 1522, 1523, 1524, 1528, 1542, 1543, 1545, 1546, et 1547.
[102] Annexe au plan d’argumentation de l’intimée, Analysis of hours worked versus hours billed for the day-to-day affairs.
[103] Pièce P-9, factures 1523 et 1524.
[104] Pièce P-8, agenda 2018.
[107] Pièce P-9, factures 1542, 1543 et 1545.
[108] Pièce P-8, agenda 2019.
[111] Pièce P-9, factures 1520, 1521, 1522, 1523, 1528, 1545 et 1547.
[112] Pièce P-9, factures 1552.
[115] Pièce P-8, facture 1555.
[116] Pièce P-5, (bail de logement), p. 5.
[118] Annexe au plan d’argumentation de l’intimée, Analysis of hours worked versus hours billed for the day-to-day affairs.
[119] Pièce P-8, agenda 2018.
[120] Pièce P-9, facture 1524.
[121] Pièce P-8, agenda 2019.
[122] Pièce P-9, facture 1528.
[123] Pièce P-9, facture 1550 et 1551.
[124] Pièce P-9, entrée 16 décembre 2020, facture 1551.
[125] Pièce P-8, agenda 2021.
[126] Pièce P-9, facture 1553.
[127] Pièce P-8, agenda 2021.
[128] Pièces P-9, facture 1554.
[129] Dernière entrée à la dix-neuvième facture, 1557.
[130] Pièce P-5 (bail logement).
[131] Pièce P-5, factures 1556 et 1557.
[132] Pièce P-5 (Formulaire de demande de versements anticipés basés sur le loyer et les service inclus).
[133] Pièce P-5 (Formulaire de demande de versements anticipés basés sur le loyer et les service inclus, procuration signée le 31 décembre 2022.
[136] Pièce P-9, factures 1550 à 1557.
[138] Ginoiu c. Madar, supra, note 11.
[141] Mailloux c. Fortin, 2016 QCCA 62, paragr. 72.
[143] F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, paragr. 46. Voir aussi dans le même sens : Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078, paragr. 67.
[144] Belhumeur c. Ergothérapeutes (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 19, paragr. 72.
[145] Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1, art. 127.
[146] Consortium Promecan inc. (Syndic de), 2011 QCCA 1031, paragr. 22.
[147] Ibid. Voir aussi Benrouayene c. Zahri, 2024 QCCQ 5538, paragr. 34 à 36.
[148] Code de déontologie des avocats, RLRQ c. B-1, r. 3, abrogé et remplacé par Code de déontologie des avocats, RLRQ c. B-1, r. 3.1.
[149] Code de déontologie des avocats (ancien Code).
[150] Brigitte Nadeau, « Chapitre II – Les devoirs généraux », dans École du Barreau du Québec, Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Collection de droit 2024-2025, vol. 1, Montréal, CAIJ, 2024, p. 34-35.
[152] Barreau du Québec, Tarification des services juridiques : un regard 360º - Questions pratiques et déontologiques, Montréal, 2017, p. 29.
[153] Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 7 [mes italiques].
[154] Code de déontologie des psychologues, RRQ, c. C-26, r. 148.1, abrogé et remplacé en 2008. L’interdiction de donner à sa profession un caractère de lucre n’a pas été reconduite comme infraction autonome dans le nouveau Code de déontologie des psychologues, RLRQ, c. C-26, r. 212.
[155] Grothé c. Da Costa, 1993 CanLII 9209 (QC TP).
[161] Gérald R. Tremblay, Shaun Finn et Phelps Turner, « Une bouffée d’air frais. Promouvoir une approche déontologique aux honoraires extrajudiciaires dans le contexte des recours collectifs », (2009) 87 Revue du Barreau canadien 649, p. 652.
[163] Plan d’argumentation du plaignant (Audition sur culpabilité), paragr. 29.
[169] Pièces D-3 A à F et P-8.
[170] Pièce D-1 : « It is agreed that your fees shall be payable upon the occurrence of the first of the following events: (1) when requested by you; or (2) upon the sale of my property located at […] ».
[171] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 163 à 170.
[172] 1999 CanLII 12111 (QC CS).
[174] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 163.
[176] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 164.
[177] Boisvert c. Villeneuve, 2014 QCCS 6426.
[183] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 166.
[184] Fallu c. R.L., supra, note 182, paragr. 37 à 51. Voir aussi la décision Bernard c. Calixte, 2014 QCCQ 7780 sur laquelle s’appuie le plaignant. Dans cette affaire, le client contestait la facturation de son avocat qui, selon la Cour (paragr. 49 et s.), avait manqué à son obligation d’information. L’article 3.08.03 est mentionné, sans plus, par la Cour du Québec dont le jugement se fonde surtout sur les articles 3.08.01, 3.08.02 et 3.08.04 de l’ancien Code.
[185] Fallu c. R.L., supra, note 182, paragr. 74 à 78.
[187] Gerasin c. Khoury, 2021 QCCQ 14183, paragr. 3.
[188] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 167 et 175.
[189] Gerasin c. Khoury, supra, note 187, paragr. 62.
[191] FNC Avocats inc. c. Plante, 2021 QCCQ 5897.
[192] Id., paragr. 25, 26, 27, 28, 29, 34, 65, 66 et 68.
[194] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 169.
[195] Ben Bahri c. H.A., supra, note 193, paragr. 36 et s.
[196] Jean-Baptiste c. Verrette, 2025 QCCQ 667.
[197] Id., paragr. 1, 2, 42, 66 et 67.
[199] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 189, 194, 198, 205 et 219.
[201] Voir aussi la décision Tassé Avocats inc. c. Laquerre, 2011 QCCQ 10084 sur laquelle se fonde le plaignant. Or, dans cette affaire également, les clients se plaignaient de la facturation de leur avocate qui, comme en conclut la Cour du Québec (paragr. 29 et s.), avait manqué à son devoir de bien informer ses clients à ce sujet, contrairement à la situation prévalant entre l’intimée et son client.
[202] Ginoiu c. Madar, supra, note 200, paragr. 76.
[203] Tassé Avocats inc. c. Laquerre, supra note 201.
[204] Voir Terreault c. Bigras, 2005 QCCA 1243; Bernard c. Calixte, supra, note 184; Tassé Avocats inc. c. Laquerre, supra, note 201; Montbriand c. Morand, 2008 QCCDBQ 96; Mandron c. Fernandez, 2004 CanLII 72530 (QC CDBQ).
[205] Opinion majoritaire du Conseil, paragr. 177.
[206] Par analogie, voir : Blanchet c. Dejean Construction inc., 2007 QCCS 5044, paragr. 64.
[207] La situation était différente dans l’affaire The Law Society of Manitoba v. Krawchuk, 2013 MBLS 6, sur laquelle s’appuie le plaignant. Cette affaire concernait elle aussi le manquement aux devoirs d’informer le client et de lui facturer des honoraires raisonnables. Dans sa décision, le conseil de discipline de la province écrit (p. 5) : « One aggravating factor in this case was that the client was particularly vulnerable, being elderly and infirm ».