Décision

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Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant c. Ville de Mont-Tremblant

 

 

 

 

 

 

2022 QCTAT 2345

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

1037823-71-1912 (CM-2019-7317)

1037882-71-1912 (CM-2019-7376)

Dossier accréditation :

AM-1005-5029

 

Montréal,

le 17 mai 2022

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Véronique Girard

______________________________________________________________________

 

 

 

Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant

Partie demanderesse (1037823-71-1912 (CM-2019-7317))


 


Alain Chamberland

Alexandre Ouellet

Anthony Caron

Billy St-Jean Gray

Denutte Baptiste

Dominic Bélanger

Francis Roy

Frédéric Deroy

Frédéric Grégoire

Hinse G-Mathieu

Jean Lemieux

Jean-François Giroux

Josianne Deslauriers

José Lévesque

Julie Pressé

Julien Leblanc

Jérémie Loof

Jérémie Pellerin

Jérôme Gagnon

Kévin Léonard

Lorie-Ann Morin

Marie-Eve Tassé-Lafrance

Marie-Pier Richer

Martin Plourde

Maxime Gravel

Michael Bryar

Myriam Frechette

Olivier Chabot

Pascal Thibault

Roy Kaven

Serge-Alexandre Bouchard

Simon Côté

Sonia Lavoie

Steve Cossette

Steve LeFebvre

Stéphanie Caron

Sylvain Mayrand

Sébastien Renaud

Éric Cadotte

Éric Mercier Di Maurizio

Félix Alarie

Guillaume Larose


 


 

Parties demanderesses (1037882-71-1912 (CM-2019-7376))

 

c.

 

 

Ville de Mont-Tremblant

 Partie défenderesse

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

L’apercu

[1]                Le 11 décembre 2019, lors d’une séance extraordinaire, le Conseil d’agglomération de la Ville de Mont-Tremblant[1] adopte une résolution demandant à la ministre de la Sécurité publique l’autorisation d’abolir son Service de police municipale afin que les services policiers soient dorénavant assurés par la Sûreté du Québec (la SQ). Il s’agit d’une demande d’autorisation formulée selon l’article 73 de la Loi sur la police[2] (la LSP).

[2]                Le 19 décembre 2019, quarante-deux plaintes individuelles en vertu des articles 15 à 17 du Code du travail[3] (le Code) pour congédiement en lien avec l’exercice d’activités syndicales sont déposées par tous les policiers du Service de police municipale contre la Ville de Mont-Tremblant (la Ville ou l’employeur)[4].

[3]                Les policiers considèrent que l’abolition du Service de police municipale est une mesure de représailles à leur endroit pour avoir exercé leurs droits prévus au Code, notamment des moyens de pression et le dépôt de griefs.

[4]                Le 20 décembre 2019, la Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant (le syndicat) dépose une plainte pour ingérence syndicale contre la Ville en vertu des articles 12 à 14 du Code[5].

[5]                Selon le syndicat, la décision de l’employeur de demander l’autorisation d’abolir son Service de police municipale et de le remplacer par une desserte policière fournie par la SQ (la décision) découle des relations de travail tendues au sein du service. Cette décision est une manœuvre antisyndicale en vue de lui retirer son monopole de représentation. La démarche de l’employeur est entachée par des motifs antisyndicaux, ce qui vicie la résolution du Conseil d’agglomération. Le syndicat en demande l’annulation.

[6]                Les allégations d’antisyndicalisme s’appuient notamment sur une allocution du maire de la Ville prononcée tout juste après l’adoption de la résolution dans laquelle il réfère abondamment aux relations de travail difficiles et aux recours entrepris par les policiers. Il réitère de tels propos en conférence de presse. D’autres élus et des cadres ont également formulé des commentaires contre le syndicat.

[7]                La Ville reconnaît quun important conflit de travail entre les parties a miné le climat au sein du Service de police. Cependant, elle allègue que le syndicat tente d’instrumentaliser ce conflit pour soutenir que sa décision est une manœuvre antisyndicale, ce qu’elle nie formellement. Ses considérations sont strictement financières, de saine gestion des fonds publics et d’efficience. Le passage à la SQ lui permet d’économiser près de 10 millions de dollars sur cinq ans.

[8]                Le 2 février 2021, la ministre de la Sécurité publique autorise la Ville à abolir son corps de police municipale pour être desservie par la SQ.

[9]                Le 22 juin 2021, la SQ prend en charge les services policiers sur le territoire de l’agglomération. Elle loue à la Ville le poste de police de Mont-Tremblant pour en faire un poste auxiliaire de la municipalité régionale de comté (MRC) des Laurentides. À compter de cette date, tous les policiers du Service de police municipale sont transférés à la SQ, comme prévu à la LSP[6].

[10]           Les douze journées d’audience se sont étirées sur une période de deux ans, en raison de la pandémie et du peu de disponibilités des parties qui s’opposent dans de multiples litiges. Il a été convenu qu’advenant que les plaintes soient accueillies, le Tribunal réserve ses pouvoirs pour déterminer les dommages subis par les policiers, mais qu’il se prononce dès à présent sur la demande d’annulation de la résolution municipale adoptée le 11 décembre 2019.

Les questions en litige

[11]           Les questions en litige sont les suivantes :

La plainte d’entrave selon Les articles 12 à 14 du COde

  1.               Est-ce que le syndicat a démontré que, par sa décision, l’employeur a  cherché à entraver ses activités syndicales et à contraindre les salariés à               s’abstenir d’exercer leurs droits résultant du Code, et ce, en contravention               des articles 12 à 14?
  2.               Si tel est le cas, est-ce que le Tribunal doit annuler la décision du conseil  d’agglomération de la Ville de Mont-Tremblant?

Les plaintes selon les articles 15 à 17 Du COde

  1.               Est-ce que les plaignants ont établi les conditions leur permettant de  bénéficier de la présomption de l’article 17 du Code?
  2.               Est-ce que l’abolition du Service de police municipale constitue une autre  cause juste et suffisante?

[12]           Pour les motifs expliqués dans l’analyse qui suit, le Tribunal conclut qu’en décidant de demander à la ministre de la Sécurité publique l’autorisation d’abolir son Service de police municipale, la Ville a cherché à entraver les activités du syndicat et de ses membres. Cependant, l’annulation de cette décision n’est pas une mesure de réparation appropriée. Par ailleurs, l’abolition du Service de police municipale constitue une autre cause juste et suffisante qui entraine le rejet des plaintes sous l’article 15 du Code.

Le contexte

L’organisation policière au Québec

[13]           La Ville de Mont-Tremblant compte une population de 10000 habitants permanents auxquels s’ajoutent ponctuellement 10000 villégiateurs. Elle accueille annuellement 3 millions de visiteurs, ce qui en fait la troisième destination touristique au Québec, après Montréal et Québec.

[14]           En vertu de l’article 72 de LSP, les municipalités dont la population est de moins de 50000 habitants sont desservies par les services policiers de la SQ.

[15]           La Ville de Mont-Tremblant dispose toutefois de son propre Service de police municipale en raison d’une exception datant de 2001 permettant à une municipalité de moins de 50000 habitants dotée de son propre corps de police de choisir de le maintenir[7]. C’est le choix qu’a fait la Ville à ce moment.

[16]           Les municipalités de moins de 50000 habitants ayant leur propre service de police sont aujourd’hui l’exception. Des 109 corps policiers municipaux qui existaient en 2001, il n’en restait plus que 30 en 2017. Toutes les autres municipalités de la MRC des Laurentides sont d’ailleurs desservies par la SQ.

[17]           Sans entrer dans les détails, les corps de police des municipalités de moins de 100000 habitants fournissent les services de niveau 1, alors que ceux de niveau 2 à 6 sont assurés par la SQ. En l’absence d’un corps de police municipale, la SQ assure l’ensemble des services[8].

[18]           L’abolition d’un service de police municipale requiert l’autorisation de la ministre de la Sécurité publique. La demande d’autorisation de la municipalité doit être précédée d’une consultation publique auprès de sa population, par le moyen d’au moins deux assemblées, et un rapport de ces consultations doit être envoyé à la ministre[9].

[19]           Le processus d’autorisation de la ministre nest pas en cause dans le présent litige, puisqu’il ne relève pas des pouvoirs du Tribunal[10]. Ce qui est contesté est la décision de la Ville de demander cette autorisation, qui s’est exprimée par la résolution du Conseil d’agglomération adoptée le 11 décembre 2019.

[20]           Mentionnons simplement que le syndicat et la Ville ont eu l’occasion de faire leurs représentations auprès de la ministre avant que celle-ci ne prenne sa décision. Dans le rapport d’analyse daté du 1er octobre 2020, préparé par la Direction de l’organisation policière du ministère de la Sécurité publique, le conflit de travail est pris en considération. Il est toutefois indiqué que :

[] la balance des avantages et des inconvénients est en faveur d’une desserte par la SQ considérant certains gains opérationnels qui permettraient notamment de diminuer le temps de réponse aux appels, l’uniformisation des interventions policières sur tout le territoire de la MRC des Laurentides et des gains intéressants dans la lutte contre la criminalité organisée, et ce, considérant les éléments présentés par la SQ à cet effet.

Les relations de travail au service de police

[21]           Comme le syndicat allègue que la Ville a aboli son Service de police pour mettre fin au conflit de travail et ne plus avoir à négocier collectivement avec lui, une longue preuve a été administrée, de part et d’autre, sur le conflit en cours depuis le printemps 2018, mais également sur l’historique des relations de travail entre les parties depuis 2010. La section qui suit en constitue le résumé.

L’affaire Ledoux

[22]           Le Service de police de la Ville n’en est pas à sa première saga judiciaire. Les poursuites criminelles à l’encontre de son ancien directeur de police, Michel Ledoux, et la destitution qui s’en est suivie en 2011, ont fait couler beaucoup d’encre. Il est utile d’en faire mention, puisque les faits survenus à ce moment semblent avoir influencé les actions des différentes parties dans le présent dossier. D’ailleurs, les membres de l’exécutif syndical étaient essentiellement les mêmes qu’aujourd’hui.

[23]           À l’automne 2010, lors des négociations pour le renouvellement de la convention collective, le climat de travail s’envenime considérablement. Le directeur Ledoux décide d’installer des dispositifs denregistrement au poste de police et dans la salle où se déroulent les négociations avec le syndicat, à l’insu de tous. À titre d’exemple, les membres du comité de négociation syndical sont enregistrés durant leur caucus. Plus tard, le directeur est accusé davoir intercepté des communications privées au sens du Code criminel, mais il est acquitté par un jury en Cour du Québec. La Cour d’appel accueille le pourvoi du ministère public, annule le verdict d’acquittement et ordonne un nouveau procès. La couronne abandonne finalement les procédures.

[24]           Dans sa décision rendue en 2017[11], la Cour d’appel décrit ainsi le contexte prévalant au moment des faits :

[8] Dans un contexte de relations de travail, les policiers de Mont-Tremblant adoptent un comportement difficilement qualifiable. Si les moyens de pression sont d’abord plus conventionnels, ils s’intensifient et prennent des proportions étonnantes vu le statut de leurs auteurs qui, en principe, doivent faire preuve de jugement et de respect des personnes.

[9] Le soir, dans le poste de police, les policiers placent des affiches sur les murs, les portes et dans le bureau pourtant verrouillé de Ledoux. Ces tracts comportent des messages personnalisés, insultants et dégradants, mais surtout, récurrents. Ce sont des représentations de l’intimé ou son adjoint en uniformes du Ku-Klux-Klan ou suggérant des actes de zoophilie, accompagnés de messages insultants. À un certain moment, les policiers refuseront même de travailler.

[10] Parmi les moyens de pression, des plaintes de harcèlement psychologique sont déposées contre l’intimé et son adjoint Michel Gagné par deux policiers. Un enquêteur indépendant, M. Sylvio Côté, reçoit le mandat de faire la lumière sur ces plaintes qui seront éventuellement jugées infondées.

[11] L’intimé, à titre de directeur, craint de perdre le contrôle du poste. Il entrevoit qu’à compter du 23 février, alors que prendra effet la suspension disciplinaire d’un policier qui avait déposé une plainte de harcèlement, se manifeste une rébellion syndicale. Il veut également identifier les responsables des tracts irrespectueux et faire cesser le harcèlement psychologique dont il est lui-même victime. Il prend donc l’initiative et achète un système de surveillance électronique. À compter du 23 février, il l’installe secrètement dans le poste de police et y place des caméras et des microphones. Il épargne les aires de repos et de repas.

[12] L’affichage s’intensifie, comme l’avait prévu l’intimé, avec la suspension du policier. La situation dégénère rapidement. Les policiers du poste de Mont-Tremblant vont jusqu’à pendre au mât du drapeau devant le poste de police un mannequin habillé de l’uniforme. À l’intérieur, ils dresseront une table pour «célébrer le départ» de l’intimé, ils installeront une cage à chien devant son bureau, ils déposeront une fausse bombe artisanale à sa porte de bureau ou ils empileront des poubelles dans son espace de stationnement.

[25]           Destitué par la Ville en décembre 2011, le directeur Ledoux conteste cette décision devant la Cour du Québec et obtient gain de cause en 2015[12]. Sa destitution est remplacée par une suspension et sa réintégration ordonnée. La Cour conclut notamment qu’il a été victime de «mobbing» de la part des policiers qui voulaient obtenir sa tête. Il n’est finalement pas réintégré, à la suite d’un règlement hors cour avec la Ville intervenu en 2016.

[26]           C’est le directeur adjoint du Service de police de l’époque, Jean Desjardins, qui est nommé directeur en remplacement de M. Ledoux. Il le demeurera jusqu’à l’intégration à la SQ en juin 2021.

[27]           En 2013, une entente intervient entre la Ville et le syndicat pour régler différents griefs, notamment celui contestant l’écoute électronique dont les policiers ont fait l’objet par le directeur Ledoux.

Les relations de travail entre 2012 et 2018

[28]           Selon le syndicat, les relations de travail entre 2012 et 2018 sont harmonieuses. La convention collective est renouvelée en janvier 2017[13], sans aide externe, et il y a peu de griefs.

[29]           Les représentants de la Ville confirment que les relations de travail sont bonnes durant cette période. Toutefois, ils affirment que tant que la réintégration du directeur Ledoux demeure possible, la Ville évite la confrontation avec les policiers.

[30]           À la fin de l’année 2016, un nouveau directeur des ressources humaines, Daniel Hébert, entre en poste. Ce dernier cumule plusieurs années d’expérience tant du côté syndical que patronal. Il constate rapidement que la convention collective est appliquée de façon permissive par les gestionnaires, bien qu’elle vienne d’être renouvelée. Il donne l’orientation de gérer conformément aux paramètres qui y sont prévus.

Le début du conflit de travail

[31]           Le tournant dans les relations de travail survient au début de l’année 2018. Le 26 février, le sergent Serge-Alexandre Bouchard, également président du syndicat, est impliqué dans une altercation avec une répartitrice enceinte du Centre d’appel d’urgence 911. Ce dernier adopte un comportement et tient des propos inappropriés envers sa collègue de travail qui s’en plaint à sa supérieure.

[32]           L’employeur prend la décision de suspendre le sergent Bouchard avec solde pour fins d’enquête. Cette mesure lui est signifiée par huissier à son domicile. Au terme de l’enquête qui dure environ trois semaines, une suspension sans solde d’une journée et trois avis écrits lui sont imposés.

[33]           Selon le sergent Bouchard, la façon dont s’est effectuée sa suspension pour fins d’enquête était disproportionnée. La Ville a agi comme s’il avait fait l’objet d’allégations criminelles.

[34]           Dans une sentence arbitrale rendue le 20 novembre 2019[14], le Tribunal d’arbitrage conclut : «Ni les antécédents du sergent Bouchard ni les craintes alléguées de l’employeur, lesquelles me semblent sans fondement réelles, ne rencontrent le caractère de nécessité et de protection requis pour justifier une suspension administrative». L’arbitre annule la suspension administrative pour enquête, mais maintient la suspension d’une journée imposée qui «constitue une mesure raisonnable dans les circonstances et qu’elle rejoint l’objectif d’amener le sergent Bouchard à amender sa conduite et de s’assurer qu’il garde, particulièrement dans son rôle de responsable d’équipe, un comportement qui soit digne de sa fonction».

[35]           Le sergent Bouchard croit que la façon dont il a été traité par la Ville est un acte de vengeance du capitaine aux opérations, Enrico Morand. Il relate avoir pris ce dernier en défaut sur une question de temps de jeu, alors que leurs fils respectifs jouaient dans la même équipe de hockey mineur. Monsieur Morand était le gérant de l’équipe.

[36]           Le capitaine Morand nie que cette situation, impliquant davantage les entraineurs de l’équipe que lui, ait influencé son travail. Il a participé à l’enquête concernant le sergent Bouchard, mais n’a pas été impliqué dans le choix des sanctions qui lui ont été imposées. Ce dernier a cessé de lui parler à la suite des évènements survenus au hockey mineur, sans qu’il ait eu la chance de s’expliquer avec lui. À partir de ce moment, le sergent Bouchard l’a pris en grippe, alors qu’ils entretenaient auparavant une excellente relation.

L’enquête pour écoute électronique

[37]           En prenant connaissance du rapport d’enquête sur l’altercation du 26 février 2018 dans le cadre de la divulgation de la preuve pour son audition disciplinaire, le sergent Bouchard constate que la répartitrice a rapporté des paroles qu’il a prononcées dans la salle des patrouilleurs, alors qu’elle se trouvait dans celle des répartiteurs. Or, il s’agit de locaux fermés situés à quelques mètres de distance. Pour le sergent Bouchard, il est impossible que la répartitrice ait pu entendre ses paroles à travers les murs.

[38]           Après avoir effectué certaines vérifications, le syndicat conclut que la répartitrice a dû entendre les paroles en actionnant l’interphone situé dans la salle de patrouille. Les policiers en déduisent qu’ils font l’objet d’écoute électronique de la part des répartiteurs au moyen de l’interphone.

[39]           Le 22 mars 2018, le vice-président du syndicat, Frédéric Deroy, écrit au directeur du service pour demander une enquête pour écoute électronique « dans cette situation au potentiel criminel encore une fois et d’en trouver les responsables afin de prendre les mesures nécessaires ». Il allègue «[…] quil y a une pratique courante, établie et voire même considérée anodine de la part des employés du département de la répartition découter de façon régulière et continue les policiers dans la salle de patrouille et le bloc cellulaire à leur insu et ce semble-t-il depuis plusieurs années». Il ajoute que certains membres de létat-major du service seraient au courant de cette pratique depuis fort longtemps et nont jamais rien fait pour y mettre fin. Le syndicat dépose également un grief contestant l’écoute électronique, par lequel il réclame notamment la somme de 115 000 $ pour les dommages subis par le sergent Bouchard.

[40]           Considérant les antécédents d’écoute électronique au Service de police, la demande est prise au sérieux par le directeur qui ouvre une enquête. Le sujet est également très sensible pour les policiers qui étaient présents en 2011.

[41]           L’enquête conclut qu’il n’y a pas eu d’écoute électronique à l’insu des policiers à partir de l’interphone de la salle de patrouille et du bloc cellulaire et qu’il n’y a donc pas eu d’atteinte à leur vie privée. Le système d’interphone ayant été installé comme système de communication de sauvegarde, l’employeur refuse de l’enlever ou de le modifier afin d’y ajouter un voyant lumineux lors de son activation, malgré son peu d’utilité opérationnelle[15].

Les moyens de pression à la suite de l’enquête pour écoute électronique

[42]           Insatisfaits des conclusions de l’enquête et du refus de l’employeur d’enlever l’interphone, le syndicat tient une assemblée syndicale le 21 mai 2018. Il y est décidé, à l’unanimité, qu’à défaut pour l’employeur de retirer l’interphone dans les vingt-quatre heures, les moyens de pression suivants seront exercés : ne plus utiliser la salle de patrouille, installer des tables et des chaises dans le garage pour y tenir les réunions d’équipe, maintenir les portes des locaux du poste fermées et saluer les membres de l’état-major par leur grade.

[43]           Vu les conclusions de son enquête, l’employeur refuse la demande et avise les policiers qu’ils ont l’ordre d’utiliser la salle de patrouille comme à l’habitude. Leur refus d’y travailler constituera de l’insubordination passible de mesures disciplinaires.

[44]           Les policiers exercent leurs moyens de pression et il en découlera une quarantaine de mesures disciplinaires pour insubordination contestées par grief en lien avec le refus d’obtempérer aux ordres.

[45]           Les moyens de pression rendent le climat de travail difficile particulièrement avec le personnel de la répartition qui se sent visé par les gestes des policiers. Les répartiteurs se plaignent de la situation à l’employeur. Une enquête externe conclut à l’absence de harcèlement psychologique, mais à la présence de gestes de la part des policiers qui affectent le climat de travail.

[46]           Chaque partie accuse l’autre de n’avoir rien fait pour mettre fin au conflit de travail. Le syndicat affirme que l’employeur n’a jamais démontré d’ouverture à retirer ou à modifier l’interphone.

[47]           De son côté, l’employeur allègue que le syndicat a toujours refusé sa proposition de faire entendre de façon accélérée les griefs sur les moyens de pression et l’écoute électronique. L’arbitrage est pourtant le mécanisme prévu pour régler les désaccords entre les parties en cours de convention collective.

[48]           Jugeant les moyens de pression en cours de convention collective illégaux, l’employeur dépose un grief patronal et entame des recours judiciaires en injonction pour les faire cesser[16].

[49]           Au mois de novembre 2018, une transaction entre les parties intervient, ce qui met fin à la procédure d’injonction[17]. Le syndicat s’engage alors à cesser les moyens de pression (autres que la salutation des membres de l’état-major par leur grade) et à ne pas en entreprendre d’autres jusqu’à ce que le Tribunal d’arbitrage se prononce sur la question de la légalité des moyens de pression en cours de convention collective[18].

[50]           Selon le syndicat, en raison des nombreuses mesures disciplinaires imposées par l’employeur, le risque de sanction sévère et de congédiement est trop élevé pour les policiers. Il veut également démontrer ainsi sa volonté de régler le conflit de travail.

Les mises à pied temporaires

[51]           Ces recours judiciaires entrainent une importante hausse des frais de justice pour la Ville. En septembre 2018, le directeur général de la Ville demande au directeur du Service de police de mettre en place un plan de redressement permettant d’atteindre l’équilibre budgétaire. Celui-ci procède à la mise à pied des policiers temporaires plus tôt qu’à l’habitude. Ces mesures feront l’objet de plaintes pour mesures de représailles auprès du Tribunal. Ce dernier conclut qu’il n’y a aucune relation de cause à effet entre les mises à pied et l’exercice d’un droit protégé par le Code et que celles-ci ont été effectuées afin de rétablir l’équilibre budgétaire[19].

Le Comité de relations de travail restreint de l’automne 2018

[52]           À la suite de l’entente hors cour mettant fin aux moyens de pression, les parties tentent de mettre en place un mécanisme de discussion pour régler les litiges au quotidien et rétablir de saines relations de travail. Il est convenu de tenir un comité de relations de travail restreint à un interlocuteur par partie, soit le directeur des ressources humaines et le vice-président du syndicat. Des rencontres ont lieu les 14 et 29 novembre ainsi que le 10 décembre 2018. Au terme de cette dernière rencontre, les parties arrivent à la conclusion que ce mécanisme ne permet pas de rétablir un minimum d’harmonie et n’apporte pas les résultats escomptés. Le syndicat reproche au directeur des ressources humaines de ne pas avoir de mandat pour régler les litiges. Ce dernier reproche aux policiers de surréagir à la moindre problématique.

[53]           Le 21 décembre 2018 en matinée, les deux mêmes interlocuteurs se rencontrent en présence de leurs avocats respectifs. Cette rencontre prend fin abruptement après un échange virulent entre le procureur du syndicat et le directeur des ressources humaines. Ce dernier ne sent pas de volonté de la part du syndicat pour trouver d’autres solutions afin de rétablir le climat de travail. Il comprendra rapidement pourquoi.

La plainte de harcèlement psychologique

[54]           En effet, quelques heures plus tard, le vice-président exécutif de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (la Fédération), Louis Lesage, transmet par courriel au maire et à tous les conseillers de la Ville une lettre demandant une rencontre concernant le climat de travail à laquelle est jointe une plainte collective de harcèlement psychologique de 41 pages visant le directeur du Service de police et le capitaine aux opérations.

[55]           En résumé, le syndicat passe en revue toutes les actions des deux gestionnaires au cours des huit mois précédents qui sont, selon lui, stratégiquement planifiées pour s’assurer que leurs décisions ne soient plus remises en cause par les policiers. Selon les allégations, les deux gestionnaires profitent de leur hiérarchie pour harceler les policiers en multipliant les attaques personnelles, les abus de pouvoir, les atteintes aux droits fondamentaux et le recours déraisonnable à la discipline. Une enquête indépendante sur le comportement des deux gestionnaires est demandée.

[56]           La lettre, sans la plainte, est par ailleurs transmise par huissier au directeur et au capitaine visés, le vendredi soir juste avant le congé des Fêtes. Appelé à expliquer ce mode de transmission adopté uniquement pour ces deux personnes, monsieur Lesage répond qu’il a pris les mêmes armes que celles utilisées contre le sergent Bouchard pour sa suspension pour enquête. Monsieur Lesage mentionne qu’il n’était pas au courant de la rencontre tenue le matin entre les parties et que c’est une coïncidence si sa lettre a été envoyée quelques heures plus tard.

[57]           Cela est peu vraisemblable, puisqu’un document d’une telle ampleur a manifestement été préparé bien avant, qu’il fait référence au comité de relations de travail restreint et qu’il n’a pas été fait mention de cette future plainte lors de la rencontre du matin.

[58]           Monsieur Lesage et le syndicat affirment qu’ils souhaitaient interpeller le maire, Luc Brisebois, afin de dénouer le conflit. Pourtant, leur façon de procéder n’est pas de nature à calmer le jeu. L’envoi de cette plainte à la veille du congé des Fêtes marque un tournant dans le conflit. La Ville perçoit que le syndicat veut obtenir, encore une fois, la tête du directeur du Service de police et de son directeur des opérations, car ceux-ci refusent de satisfaire leurs demandes.

[59]           Le 23 décembre 2018, le maire refuse la rencontre et réitère son appui à la direction du Service de police, aux ressources humaines et à la direction générale. Il mentionne ce qui suit dans sa réponse :

J’en profite pour vous signaler que vos membres sont aussi responsables du climat de travail. Si votre objectif est de régler la situation, je constate à la lecture de votre document de 41 pages que, selon vos dires, vos membres sont sans reproche. Dans ce contexte, je vois mal comment vous pouvez penser régler ce dossier. Selon mon humble avis, il n’y a aucun élément constructif dans votre approche. Votre position est simple : le service a tort et les policiers sont des victimes. Or, cette approche est essentiellement ce que nous reprochons à vos membres et c’est ce que le Conseil de Ville veut mettre fin.

[60]           Tel est l’état des relations de travail au Service de police à l’aube de l’année 2019. Les discussions sont rompues, le directeur du service et le capitaine aux opérations sont visés par des allégations de harcèlement psychologique soulevées par l’ensemble des policiers et aucune possibilité de sortie de crise ne semble poindre à l’horizon.

Lanalyse de la plainte d’entrave

Est-ce que le syndicat a démontré que, par sa décision, l’employeur a cherché à entraver ses activités syndicales et à contraindre les salariés à s’abstenir d’exercer leurs droits résultant du Code, et ce, en contravention des articles 12 à 14?

Les prétentions du syndicat

[61]           Selon le syndicat, la résolution adoptée le 11 décembre 2019 constitue de l’entrave sous deux volets.

[62]           Premièrement, en confiant à la SQ la desserte policière sur son territoire, la Ville vise à mettre fin aux rapports collectifs de travail qu’elle entretient avec la partie syndicale. Il s’agit nécessairement d’entrave aux activités du syndicat selon l’article 12 du Code.

[63]           Les intentions de la Ville à cet égard ont été exprimées clairement par le maire lors de son allocution prononcée tout juste après l’adoption de la résolution. Ce dernier et d’autres élus ont exprimé publiquement des propos antisyndicaux et les représentants de l’employeur ont également relayé cette information.

[64]           Deuxièmement, la résolution du 11 décembre 2019 est adoptée en réaction au conflit de travail majeur, au cours duquel plusieurs activités syndicales ont eu lieu, notamment les moyens de pression et le dépôt de griefs. Il s’agit d’une mesure de représailles ou «quelque autre moyen», visant à ce que les salariés cessent ou s’abstiennent d’exercer leurs droits résultant du Code, ce qui est prohibé par l’article 14 du Code.

[65]           Selon le syndicat, la résolution constitue un congédiement (puisqu’une fois l’abolition autorisée, il y aura fin du lien d’emploi des policiers avec la Ville) ou minimalement une menace de renvoi ayant pour effet de museler la liberté d’association des policiers.

[66]           Il ne peut y avoir plus grande entrave à la liberté d’association et aux activités de l’association des salariés que la fin d’emploi de tous les membres qui la composent. Si la menace de fermeture, lorsqu’elle est mue par un animus antisyndical, constitue de l’ingérence, à plus forte raison, un changement de desserte policière pour des motifs antisyndicaux devrait être considéré de même.

Les prétentions de l’employeur

[67]           De son côté, l’employeur reconnaît qu’un important conflit de travail entre les parties a miné le climat au sein du Service de police. Cependant, le syndicat tente d’instrumentaliser ce conflit pour soutenir que la décision de la Ville est une manœuvre antisyndicale, ce qu’elle nie formellement. Chaque partie a tenté de faire valoir ses droits. L’employeur n’avait pas l’obligation d’acquiescer aux demandes du syndicat. Sa décision est fondée sur des considérations financières, d’efficience et de saine gestion. Tout au plus, les coûts des recours associés au conflit ont-ils été considérés dans l’analyse, ce qui n’est pas interdit par le Code[20].

[68]           L’abolition du Service de police ne constitue pas en elle-même de l’entrave aux activités du syndicat. Celui-ci doit démontrer une manœuvre antisyndicale, ce qu’il n’a pas réussi à faire.

Le droit applicable

[69]           Les dispositions pertinentes du Code sont les suivantes :

3. Tout salarié a droit d’appartenir à une association de salariés de son choix et de participer à la formation de cette association, à ses activités et à son administration.

[…]

12.  Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d’employeurs, ne cherchera d’aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une association de salariés, ni à y participer.

Aucune association de salariés, ni aucune personne agissant pour le compte d’une telle organisation n’adhérera à une association d’employeurs, ni ne cherchera à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une telle association ni à y participer.

[…]

14.  Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d’employeurs ne doit refuser d’employer une personne à cause de l’exercice par cette personne d’un droit qui lui résulte du présent code, ni chercher par intimidation, mesures discriminatoires ou de représailles, menace de renvoi ou autre menace, ou par l’imposition d’une sanction ou par quelque autre moyen à contraindre un salarié à s’abstenir ou à cesser d’exercer un droit qui lui résulte du présent code.

Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher un employeur de suspendre, congédier ou déplacer un salarié pour une cause juste et suffisante dont la preuve lui incombe.

[Nos soulignements]

[70]           Les protections du droit d’association offertes par le Code doivent être lues et interprétées à la lumière de la protection constitutionnelle et quasi constitutionnelle de la liberté syndicale[21]. Dans l’affaire Unifor c. Bureau d’aide syndicale du Québec 2009 inc.[22], dans laquelle il était question de domination, le Tribunal mentionne : « L’article 12 du Code se veut un rempart contre les interventions d’un employeur pouvant compromettre la liberté d’association des salariés, à laquelle sont rattachées des protections constitutionnelle et quasi constitutionnelle, ainsi que leur droit d’appartenir à un syndicat de leur choix. »

[71]           L’article 12 du Code ne définit pas ce qu’est l’entrave. Les auteurs Coutu, Fontaine, Marceau et Coiquaud[23] apportent les précisions suivantes quant à cette notion qui sont applicables à notre contexte :

[251] L’ingérence peut prendre la forme d’une entrave. Celle-ci consiste en toute recherche ou tentative par l’employeur de dissuader ou de persuader les salariés de prendre ou ne pas prendre une décision collective, de poser un geste concerté, de faire ou de ne pas faire une action syndicale quelconque. L’employeur posera un tel geste, par exemple, en intervenant dans une campagne de syndicalisation pour tenter de la faire échouer.

[…]

Manifestation de l’entrave. L’entrave exercée par un employeur ou un de ses agents vise généralement à déstabiliser et à affaiblir le syndicat, ses dirigeants ou représentants. L’entrave a souvent pour objectif de discréditer les représentants syndicaux auprès des membres du syndicat.

L’ingérence est susceptible de diverses manifestations. Nous distinguerons ici suivant que l’atteinte à l’article 12 C.t. se produit à l’occasion de la formation du syndicat et de sa quête d’une accréditation, de la négociation collective ou au cours de sa période d’application.

[]

Enfin, en période d’application de la convention collective, l’employeur commet aussi une entrave en regard des activités du syndicat s’il licencie des employés syndiqués membres d’un syndicat, au motif, assurément illicite, que ces employés bénéficient des salaires les plus élevés. [] Pose également un geste illégal l’employeur qui abolit des postes pour réduire l’influence syndicale.

[Notes omises]

[72]           Bien que les deux dispositions fassent partie des protections dites collectives de la liberté syndicale, l’article 12 protège l’association de salariés elle-même, alors que l’article 14 du Code a une composante individualisée pour les membres qui la composent. Dans le cas présent, seul le syndicat est en demande pour la plainte d’entrave, tant pour lui-même que pour ses membres.

[73]           Les mots «ne cherchera d’aucune manière à», utilisés à l’article 12 du Code, ont été interprétés comme nécessitant la preuve prépondérante d’une intention d’entraver les activités de l’association qui pourra prendre la forme d’un geste délibéré ou d’une imprudence grave dont l’employeur ne pouvait ignorer les conséquences, ce qui n’inclut pas la simple maladresse[24].

[74]           La Commission des relations du travail s’exprime ainsi à ce sujet dans l’affaire Syndicat des Métallos, section locale 9490 c. Rio Tinto Alcan inc.[25] :

[92] Dans la présente affaire, pour conclure au bien-fondé de la thèse du Syndicat, et conclure à «entrave» au sens de l’article 12, il faut trouver dans la preuve des éléments qui permettent d’affirmer que les motifs invoqués par l’employeur sont faux, cachant une volonté de contrecarrer l’action syndicale, ou que ressorte un comportement à ce point erratique qu’il faille parler de négligence grossière, d’une imprudence grave ou d’un aveuglement volontaire, dans sa relation avec le Syndicat.

[Notre soulignement et notes omises]

[75]           Plus récemment, plusieurs décisions[26] ont délaissé l’exigence de la preuve d’une intention malveillante, issue de la jurisprudence pénale, pour se concentrer davantage sur la preuve prépondérante d’une pratique déloyale évoquée par la Cour suprême dans l’arrêt Plourde c. Compagnie Wal-Mart du Canada[27].

[76]           Il s’agit de l’arrêt phare en contexte de fermeture d’entreprise dont nous reproduisons ici plusieurs passages pertinents :

[9] La décision City Buick, citée et confirmée par notre Cour dans Place des Arts, parle de «motifs condamnables socialement». Elle ne permet pas à l’employeur de bénéficier d’une immunité contre les comportements illégaux dans le cadre de l’application du Code.

[10] Les syndicats et les salariés peuvent présenter une preuve de comportement antisyndical en vue d’établir le recours à une pratique déloyale de travail interdite par les art. 12 à 14 du Code. Du point de vue des salariés, un recours fondé sur ces dispositions a le désavantage de ne pas donner ouverture à la présomption de l’art. 17. Dans le contexte de l’art. 12, il incombe au syndicat ou aux salariés, selon le cas, de prouver que l’employeur s’est livré à une pratique déloyale, et non à l’employeur de réfuter une telle allégation.

[11] En définitive, il ne s’agit donc pas de savoir si les salariés disposent d’un recours contre un employeur qui procède à la fermeture d’un établissement pour des raisons antisyndicales (ils disposent effectivement d’un recours), mais de savoir si les employés d’un établissement ayant fermé ses portes peuvent présenter un recours fondé sur les art. 15 à 17 en vue de bénéficier de l’important avantage que constitue la présomption légale selon laquelle le renvoi a eu lieu à cause de l’exercice de leur droit de négocier collectivement.

[12] La question à trancher sous le régime des art. 12 à 14 est différente de celle soulevée sous le régime des art. 15 à 17, bien que ces deux recours visent à remédier aux manœuvres antisyndicales. Dans le contexte des art. 15 à 17, tels que les a interprétés la CRT, le tribunal doit se prononcer sur les raisons du congédiement du salarié (la fermeture véritable et définitive de l’entreprise constituant selon les tribunaux un motif juste et suffisant), alors que l’application des art. 12 à 14 peut mettre en cause la question plus large du pourquoi de la fermeture et, plus particulièrement, celle de savoir si la fermeture découle d’une stratégie antisyndicale. Une conclusion de pratique déloyale de travail interdite par les art. 12 à 14 donne ouverture à des mesures d’une portée plus large fondées sur les dispositions réparatrices générales du Code dont tous les salariés peuvent bénéficier, y compris ceux qui n’ont pas participé à des activités syndicales ou qui se sont même opposés à la syndicalisation, mais qui ont néanmoins subi les contrecoups de la fermeture illicite du magasin.

[13] Il ne faut pas pour autant sous-estimer les difficultés que le syndicat ou les salariés doivent surmonter pour établir, sous le régime des art. 12 à 14, que l’antisyndicalisme a entaché la décision de fermer l’entreprise, quoique l’exigence minimale que cette décision soit entachée établisse un critère relativement peu exigeant. Par contre, les décisions rendues dans la foulée de City Buick illustrent la difficulté pour l’employeur, de prouver qu’une fermeture fondée sur des «motifs multiples» n’est pas entachée. Le principe énoncé dans City Buick selon lequel la fermeture définitive d’un lieu de travail constitue une «cause juste et suffisante» pour l’application de l’art. 17 (la réintégration étant impossible) est bien établi et le législateur québécois a choisi de le laisser intact lors de l’importante réforme effectuée en 2001, malgré les observations exprimées à cet égard, sur lesquelles nous reviendrons plus loin. […]

[Nos soulignements]

[77]           Au sujet des recours fondés sur les articles 12 à 14 du Code, le juge Binnie pour la majorité de la Cour explique que :

[26] L’article 12 du Code interdit aux employeurs d’«entraver», de quelque manière que ce soit, les activités d’une association de salariés. Dans Asselin c. Lord, D.T.E. 85T193, SOQUIJ AZ85147041, le Tribunal du travail a reconnu que l’art. 12 trouve application lorsqu’il est allégué que la fermeture d’un établissement procède d’un comportement antisyndical.  Bien qu’il ait conclu que le comportement antisyndical de l’employeur n’avait pas été établi dans cette affaire, le Tribunal du travail a fait la remarque suivante :

S’il n’est pas démontré que la fermeture n’a que pour but d’entraver les activités du syndicat, il ne saurait être question [de] reconnaître l’employeur coupable [de] l’infraction parce que les conséquences de la fermeture sont telles qu’elles entravent évidemment les activités du syndicat.

Il faut donc démontrer au Tribunal que les actes posés par l’employeur ont pour but d’entraver les activités du syndicat, de chercher à contraindre un salarié à s’abstenir ou à cesser d’exercer un droit lui résultant du présent Code [Je souligne; p. 46.]

(J’ai conscience que la décision Asselin a été rendue dans le cadre d’un recours pénal avant l’entrée en vigueur des art. 114, 116, 118 et 119 qui ont permis l’exercice de recours civils en 2002 : voir Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d’autres dispositions législatives, L.Q. 2001, ch. 26, art. 63; décret 13142002, (2002) 134 G.O. II, 8045.  Ainsi, bien que cette décision soit pertinente en l’espèce, il faut l’interpréter en tenant compte du contexte différent dans lequel elle a été rendue.)

[]

[28] Le professeur Gagnon explique ainsi l’objet de l’art. 12 :

L’autonomie syndicale suppose à la fois l’absence d’entrave à l’action collective légitime et celle d’une ingérence indue dans cette action.  Le groupement syndical qu’est l’association de salariés doit ainsi pouvoir se former, s’organiser et s’administrer sans obstacle ni ingérence de la part de l’employeur, sous le seul contrôle et par la seule volonté des salariés dont il est destiné à défendre les intérêts.  C’est cette dimension proprement collective du droit d’association que le législateur avait en vue, en édictant l’article 12, al. 1 C.t.

(R. P. Gagnon, Le droit du travail du Québec (6e éd. 2008), p. 337)

Voir également J.Y. Brière, avec la collaboration de J.P. Villaggi, Relations de travail (feuilles mobiles), vol. 1, p. 2,402.

[29] Une poursuite fondée sur l’art. 12 est logique parce que l’idée maîtresse de l’argumentation de l’appelant n’est pas qu’on lui a réservé un traitement discriminatoire, à lui seul ou à lui et à quelquesuns de ses collègues, mais plutôt que WalMart visait de façon générale les droits de tous les salariés du magasin de Jonquière (et d’ailleurs).  Les pertes d’emploi n’ont pas touché uniquement les sympathisants du syndicat, mais aussi des personnes que la syndicalisation laissait indifférentes ou qui s’y opposaient totalement.

[]

[31] Une décision favorable au syndicat fondée sur les art. 12 à 14 aurait permis à la CRT d’exercer les larges pouvoirs de réparation que lui confèrent les art. 118 et 119 du Code. La CRT aurait alors pu décider de faire preuve ou non de la même audace que ses homologues de certaines provinces dans la détermination de la réparation à accorder. Suivant les art. 12 à 14, il incombe toutefois aux salariés ou à leur syndicat de démontrer l’existence d’une conduite antisyndicale selon la prépondérance des probabilités.

[Nos caractères gras]

[78]           Il conclut ainsi :

[64] Un syndicat ou les salariés peuvent exercer un recours fondé sur l’art. 12 pour se plaindre de manœuvres antisyndicales de la part de l’employeur. Cette procédure porterait directement sur la raison de la fermeture du magasin et non sur la raison du congédiement des salariés d’un magasin qui n’existe plus. Sous le régime de l’art. 12, les raisons pour lesquelles WalMart a fermé le magasin de Jonquière seraient éminemment pertinentes. Si la CRT, régulièrement saisie de la question, était convaincue que la fermeture est fondée sur des motifs antisyndicaux, elle pourrait élaborer une réparation en faveur de tous les anciens salariés.

[Notre soulignement]

[79]           Cela étant, il ne saurait être question d’entrave au sens du Code uniquement parce que les conséquences de l’abolition d’un service sont telles qu’elles affectent inévitablement les activités du syndicat. Il faut démontrer que cette abolition a pour but d’entraver les activités syndicales ou qu’elle est mue par des motifs antisyndicaux.

[80]           C’est le syndicat qui a le fardeau d’établir, par prépondérance de preuve, l’existence d’une telle conduite antisyndicale.

[81]           Enfin, comme le rappelait le Tribunal dans l’affaire Les avocats et notaires de l’État québécois[28] : «Le Tribunal doit prendre en considération l’ensemble des circonstances qui entoure les agissements reprochés ainsi que le contexte dans lequel ils s’inscrivent lorsqu’il analyse l’existence d’une violation à l’article 12 du Code.»

L’application du droit aux faits

La décision de la Ville concernant le transfert à la SQ

[82]           La directrice générale de la Ville, Julie Godard, et le directeur des ressources humaines ont expliqué au Tribunal le contexte et les différentes étapes ayant mené à la décision de la Ville.

[83]           À la suite de l’élection de l’automne 2017, la Ville entreprend une démarche de consultation publique et de planification stratégique. Un plan stratégique 20192023/ destination 2030 est adopté. Il a pour but d’établir les grands objectifs des prochaines années.

[84]           La Ville a connu une forte croissance économique dans les dernières années et elle est sollicitée par sa population pour offrir davantage de services et d’infrastructures. Elle veut évidemment maintenir son taux de taxation à un niveau raisonnable.

[85]           La troisième orientation du plan est de «miser sur une équipe mobilisée pour offrir des services de qualité et assurer l’évolution performante de l’organisation». Un des objectifs sous cette orientation est d«assurer la performance des services municipaux, la pérennité des ressources matérielles et techniques ainsi que l’optimisation des ressources financières». Parmi les priorités d’interventions sous cet objectif, on prévoit de «revoir la structure et les services offerts afin d’optimiser la performance organisationnelle».

[86]           La directrice générale explique que tous les services de la Ville sont visés par cette révision des structures et des services. À titre d’exemple, des modifications sont apportées aux services des finances, des ressources humaines, des communications et du greffe. Certains services sont également impartis, tels que la réception des appels d’urgence (911), la gestion du nouveau gymnase et de la piscine. Comme tous les autres, le Service de police est sujet à cette révision.

[87]           En 2018, les élus commencent à poser des questions sur les coûts associés au maintien d’un service de police municipale qu’ils trouvent élevés. En effet, celui-ci représentait entre 16 et 20 % du budget de la Ville qui est d’environ 47 millions de dollars. En 2019, le budget alloué au Service de police est de 7,9 millions de dollars formé à 88 % par la masse salariale. Les élus ont alors la perception que les services de la SQ coûteraient plus cher.

[88]           C’est d’ailleurs ce que confirment les commentaires émis par des élus lors d’une séance du conseil tenue en décembre 2016. Interrogés par un citoyen au sujet des coûts élevés de la police municipale, le maire Brisebois et le conseiller Labonté répondent qu’il en coûterait plus cher d’aller avec la SQ et que les services ne seraient pas comparables. Le syndicat s’appuie d’ailleurs sur ces déclarations, faites deux ans plus tôt, pour tenter de démontrer que le changement de cap de la Ville envers la SQ est causé par le conflit.

[89]           La directrice générale reçoit le mandat d’aller valider cette perception auprès du ministère de la Sécurité publique (le MSP). À l’automne 2018, elle reçoit une information préliminaire selon laquelle le passage à la SQ pourrait engendrer une économie annuelle d’un million de dollars pour la Ville.

[90]           Parallèlement à cela, à la mi-décembre 2018, la ministre de la Sécurité publique et la ministre des Affaires municipales annoncent une aide gouvernementale aux municipalités desservies par la SQ pour pallier la hausse de leur facture pour les services policiers découlant d’un nouveau contrat de travail.

[91]           Répondant à l’insatisfaction de certaines municipalités ayant leur propre service de police qui jugent cette aide inéquitable, la ministre de la Sécurité publique invite ces dernières à la rencontrer pour explorer la possibilité d’être desservies par la SQ.

[92]           En effet, les municipalités qui maintiennent leur propre service de police ne bénéficient d’aucune subvention et assument la totalité du coût de celui-ci, alors que les services de la SQ sont subventionnés. Cette iniquité au niveau du financement des services de police est d’ailleurs décriée par la Fédération[29].

[93]           À la suite de l’invitation de la ministre, la Ville sollicite une rencontre avec le MSP pour obtenir plus d’information sur le processus à suivre pour l’abolition de son Service de police. Cette rencontre a lieu le 22 février 2019. La directrice générale et le maire sont présents pour la Ville. Ils y expriment leurs préoccupations et leurs attentes notamment qu’il n’y ait pas de perte d’emploi pour les policiers, le maintien d’un poste dans la Ville et des services de proximité.

[94]           Avant de travailler sur une offre formelle de service, le MSP et la SQ veulent s’assurer du sérieux de la démarche de la Ville.

[95]           Le 11 mars 2019, le maire écrit à la ministre pour l’informer que le conseil municipal est favorable à enclencher le processus menant à une entente afin que la SQ assure la sécurité publique sur son territoire, considérant la forte croissance démographique et les besoins grandissants de sa population.

[96]           La directrice générale affirme que c’est essentiellement un motif économique qui amène la Ville à considérer l’option de la SQ.

[97]           Des rumeurs de l’intention de la Ville commencent alors à courir. En juin 2019, lors d’une rencontre avec le personnel du Service de police, la directrice générale confirme que la Ville est en phase exploratoire avec la SQ, mais que rien n’est décidé encore.

[98]           Toujours en juin, la Ville reçoit l’offre de service officielle pour la desserte de la SQ. Celle-ci comprend une analyse comparative des services offerts effectuée par la SQ ainsi que l’offre monétaire du MSP.

[99]           Au niveau des coûts, l’analyse comparative démontre que le changement de desserte permettra de réaliser des économies de 9 873 505 dollars sur une période de 5 ans, soit une moyenne annuelle de près de 2 millions de dollars que la Ville pourra utiliser à d’autres fins. Rappelons que le budget du service est alors annuellement de près de 8 millions de dollars.

[100]      Quant aux services offerts, ils sont équivalents à ceux fournis par la police municipale, voire plus avantageux, à certains égards, selon la Ville. En effet, la SQ s’engage à maintenir et à louer l’actuel poste de police de la Ville comme poste auxiliaire de la SQ dans la MRC. Les temps de réponse aux appels ne seront donc pas affectés. La SQ s’engage à embaucher l’intégralité du personnel policier, incluant les policiers temporaires qui obtiendront le statut de permanent. Les effectifs permanents du poste augmenteront. De plus, le ratio de policiers présents par quart de travail sera supérieur. Enfin, la Ville n’aura plus à s’occuper de la gestion des ressources humaines et matérielles. Elles seront à la charge de la SQ qui dispose d’une importante équipe pour le faire à l’échelle de la province.

[101]      Le 30 septembre 2019, les policiers sont informés, par note de service, de la tenue prochaine des consultations publiques, comme prévu à la LSP, pour présenter le projet de desserte policière à la population de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord.

[102]      Les consultations ont lieu les 1er et 2 novembre 2019. Les assemblées sont houleuses et les gens qui s’y expriment sont tous en défaveur du projet. Le conflit de travail n’est pas abordé par les représentants de la Ville lors des consultations. Les citoyens peuvent également transmettre leurs commentaires par écrit.

[103]      Une mobilisation citoyenne en soutien du Service de police municipale s’organise par des pétitions, des marches et l’envoi de courriels aux élus. Le rapport de consultation publique transmis à la ministre fait état de ces commentaires défavorables au projet, mais réfère à une majorité silencieuse favorable ce qui, selon le syndicat, mis à part quelques écrits, n’a nullement été démontré.

[104]      Pour le syndicat, l’entêtement des élus municipaux à ne pas tenir de référendum sur le projet, malgré la forte opposition populaire, est une preuve circonstancielle démontrant la véritable raison derrière l’abolition du Service de police, soit la volonté de mettre fin au conflit de travail.

[105]      Le Tribunal ne partage pas ce point de vue. La Ville n’avait pas l’obligation de tenir un référendum en vertu de la LSP. Il était permis aux élus de prendre la décision de demander l’autorisation d’abolir le Service de police, sans soumettre cette décision à un référendum populaire.

[106]      Ainsi, malgré l’opposition de nombreux citoyens, la Ville décide d’aller de l’avant avec le projet. Comme une municipalité ou un conseil d’agglomération s’exprime par résolution, il y a lieu de reproduire celle du 11 décembre 2019 :

CA 19 12304   4.  Choix de la desserte policière

ATTENDU QU’après analyse, le conseil d’agglomération de la Ville de Mont-Tremblant souhaite abolir son corps de police conformément à la Loi sur la police (ci-après appelée «Loi»), puisqu’une desserte par la Sûreté du Québec permettra de rencontrer les besoins de sécurité publique des citoyens, villégiateurs et visiteurs en continuant d’assurer la paix, l’ordre et la sécurité, et ce, au meilleur coût possible;

ATTENDU QUE le poste auxiliaire de la Sûreté du Québec sera situé dans le même édifice que le Service de police municipale, soit au 380, rue Siméon, et ce, en conformité avec les règles et paramètres établis par la Société québécoise des infrastructures (SQI);

ATTENDU QUE tous les policiers municipaux admissibles de Mont-Tremblant, incluant les policiers temporaires, seront intégrés à la Sûreté du Québec en conformité de l’article 73.2 de la Loi;

ATTENDU QUE la Loi stipule qu’avant de pouvoir demander à la ministre de la Sécurité publique l’autorisation d’abolir son corps de police, la Ville doit tenir une consultation publique;

ATTENDU QUE la Ville a publié le 2 octobre 2019, un avis public invitant la population de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord à assister aux deux assemblées de consultation publique exigées par la Loi;

ATTENDU QUE conformément à la Loi, deux assemblées de consultation ont été tenues les 1er et 2 novembre 2019;

ATTENDU QUE conformément à la Loi, les contribuables de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord ont eu jusqu’au 17 novembre 2019 inclusivement pour transmettre leurs commentaires par écrit;

ATTENDU QUE conformément à la Loi, un rapport de cette consultation a été préparé et sera expédié pour analyse au ministère de la Sécurité publique;

ATTENDU QU’en vertu de l’article 72 de la Loi, l’agglomération de la Ville de Mont-Tremblant n’est pas tenue de maintenir un corps de police municipal, sa population étant de moins de 50000 habitants;

EN CONSÉQUENCE, IL EST PROPOSÉ ET RÉSOLU :

QUE le conseil d’agglomération demande à la ministre de la Sécurité publique l’autorisation d’abolir le Service de police municipale de la Ville de Mont-Tremblant afin que les services policiers soient dorénavant assurés par la Sûreté du Québec, et ce, conformément aux discussions et présentations faites par les représentants du ministère de la Sécurité publique et de la Sûreté du Québec;

QUE le conseil d’agglomération informe la ministre de la Sécurité publique et la Sûreté du Québec que le Service de police municipale de la Ville de Mont-Tremblant compte trente-six (36) policiers, dont 30 policiers réguliers et six (6) policiers temporaires à l’année. S’ajoutent également à ce nombre sept (7) policiers temporaires pendant la période estivale, ainsi qu’un (1) directeur et trois (3) capitaines, étant du personnel cadre.

Le vote est demandé par la conseillère Roxanne Lacasse, appuyé par la conseillère Sylvie Vaillancourt et le conseiller Pierre Labonté.

  •    VOTE POUR : 10
  •    VOTE CONTRE : 0

ADOPTÉE À L’UNANIMITÉ

[Transcription textuelle]

[107]      Selon la Ville, sa décision est motivée par des considérations de qualité, d’efficience et de gestion des coûts des services à ses citoyens; considérations qui se trouvent au cœur du plan stratégique qu’elle vient d’adopter. Sa décision n’est pas fondée sur l’existence du conflit de travail. Il n’est d’ailleurs aucunement fait mention de ce conflit dans la résolution.

[108]      Pour le Tribunal, la Ville a démontré que sa décision s’appuie sur des considérations de saine gestion pour ses citoyens. L’employeur est une municipalité qui gère des fonds publics provenant des taxes municipales. Elle a une obligation envers ses citoyens de bien les utiliser. Elle a démontré que le transfert à la SQ lui permet d’engranger des économies substantielles qui vont pouvoir être réinvesties dans d’autres services. Une fois les économies connues, l’assurance d’avoir des services équivalents obtenue et l’absence de perte d’emploi chez les policiers confirmée, il devenait difficile pour les élus de ne pas recourir à cette option.

[109]      Le syndicat a bien tenté de démontrer que l’analyse des coûts et des services présentée aux citoyens était factice, mais il n’y est pas parvenu.

[110]      Il s’appuie notamment sur le fait que, lors des consultations publiques, le maire a affirmé que la décision n’était pas une question d’argent, ce qui, selon syndicat, constitue un aveu que le transfert à la SQ est motivé par d’autres considérations illicites.

[111]      Le maire a plutôt affirmé à quelques reprises que la décision n’est pas seulement une question d’argent. Aussi, pour le Tribunal, il n’y a pas d’aveu selon lequel les autres motifs considérés par l’employeur sont illicites. En effet, qu’il y ait conflit ou pas, le maintien d’un service de police municipale implique une importante gestion de ressources humaines et matérielles dont la Ville n’aura plus à se soucier en obtenant les services clés en main de la SQ, et cela tout en bénéficiant également d’une réduction de coûts significative.

[112]      Le syndicat soutient également que l’employeur n’a pas démontré que le changement de desserte allait bonifier l’offre de services policiers sur son territoire.

[113]      Pour les fins du présent débat, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal d’analyser les services offerts dans le fin détail afin de trancher s’ils sont bonifiés ou pas. L’employeur a assurément démontré que la SQ pouvait lui offrir un service au moins équivalent, et ce, à moindre coût.

[114]      Cependant, le syndicat affirme que la décision cachait également des motifs antisyndicaux sous-jacents et une volonté de mettre un terme au droit d’association des salariés. En ce sens, la décision de la Ville serait «entachée» au sens où l’entend la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Plourde[30] et serait donc viciée.

[115]      Voyons ce qu’il en est.

Les manifestations d’antisyndicalisme

[116]      Rappelons que l’année 2018 s’est terminée avec l’envoi d’une plainte de harcèlement psychologique visant le directeur du service et le capitaine aux opérations ainsi qu’un refus du maire d’intervenir directement dans le conflit.

[117]      L’année 2019 commence dans la même veine avec une lettre de la Fédération en réponse à celle du maire du 23 décembre. Elle mentionne vouloir lui donner l’autre version de l’histoire et s’attaque cette fois à la crédibilité du directeur des ressources humaines comme interlocuteur valable pour régler le conflit. Le grief de harcèlement psychologique est déposé quelques jours plus tard.

[118]      Le 25 janvier 2019, mandaté par le maire et les élus, le directeur des ressources humaines répond à la dernière missive de la Fédération et à la plainte de harcèlement psychologique :

[]

La lecture combinée des deux documents amène les représentants de la Ville à formuler succinctement les constats suivants :

  • Lorsque la Ville exerce son droit d’amener un salarié en discipline, l’exercice de son droit est considéré comme étant de l’abus et/ou du harcèlement psychologique.
  • À votre question «quels sont les moyens à la disposition d’un salarié subissant du harcèlement psychologique de la part de son employeur ?» vous n’êtes sans doute pas sans savoir qu’il existe au sein de la Ville de Mont-Tremblant une Politique de respect en milieu de travail dont vous trouverez copie ci-jointe.
  • De plus, la convention collective (ci-après la «Convention») prévoit un mécanisme de grief et d’arbitrage qui permet à un salarié qui s’estime lésé de faire valoir ses droits. Nous comprenons que la Fraternité et les membres qu’elle représente connaissent très bien ce mécanisme pour l’utilisation qu’ils en ont faite depuis le printemps 2018.
  • La facture générale de votre correspondance, tout comme celle de la Plainte, témoigne malheureusement à nouveau que la Fraternité est incapable de faire preuve d’une quelconque objectivité et encore moins d’un quelconque sens critique à l’égard de ses actions.

D’ailleurs, votre envoi du 11 courant ajoute à la liste des personnes devenues persona non grata, celui-là même qui vous écrit en ma qualité Directeur du Service des ressources humaines de la Ville.

À ce rythme, si monsieur le maire et les membres du Conseil municipal devaient s’en mêler, peut-on raisonnablement croire qu’eux aussi, face à une réponse qui ne sera pas celle que vous souhaitez obtenir, deviendraient des persona non grata ? Poser la question c’est y répondre.

Il nous apparaît évident que la Fraternité et ses membres se livrent présentement à ce qu’il convient de qualifier de guerre d’usure à l’égard des représentants de l’autorité. Cette guerre, les différentes mesures d’opposition, de sensibilisation, de contestation, de griefs et de procédures judiciaires représentent dans leur ensemble une forme de poursuite bâillon visant à casser l’autorité des représentants de la direction du Service de police de la Ville, et maintenant à son directeur du Service des ressources humaines.

La Ville et ses représentants, en leur qualité de fiduciaires des intérêts des citoyens, n’entendent pas faire en sorte que leurs ressources financières soient investies ou encore dilapidées dans des actions vaines.

Le changement doit passer par une attitude caractérisée par le respect. Les mots que vous utilisez dans votre correspondance et dans la Plainte sont loin d’être représentatifs du comportement attendu par la direction du Service de police et des représentants de l’autorité municipale.

Ce n’est pas en abaissant ou encore en faisant preuve de mépris à l’égard de messieurs Desjardins, Morand et moi-même, que vous pouvez envisager un tant soit peu établir un climat de paix ou encore prétendre poser concrètement des actions allant dans cette direction.

À l’heure actuelle, la Ville réévalue l’ensemble de ses options et verra en temps opportun à vous les communiquer.

De plus, la Ville se réserve, face au comportement de la Fraternité, tous ses droits et recours aux fins de réclamer tous les honoraires, frais et autres dépenses que cette dernière a dû engager depuis le début du conflit à la Fraternité qui, faut-il le constater, ne ménage aucun moyen ni aucun recours dans cette guerre de tranchées qu’elle livre aux représentants de l’autorité de la Ville.

Quant au Grief collective (sic) en harcèlement psychologique reçu le 14 janvier 2019, ce denier fera l’objet d’une réponse distincte.

[Nos soulignements]

[119]      Le 22 février 2019 a lieu la première rencontre officielle des représentants de la Ville avec le MSP. C’est donc à ce moment que s’enclenchent véritablement les démarches de la Ville pour le transfert de sa desserte à la SQ. Nul doute que cela fait partie de l’ensemble des options auxquelles fait référence le directeur des ressources humaines dans sa lettre du 25 janvier.

[120]      Pour le syndicat, cette lettre constitue la première manifestation d’un animus antisyndical de la part de la Ville.

[121]      Le Tribunal ne retient pas cette prétention, car elle fait totalement abstraction du ton qu’utilise elle-même la Fédération dans ses lettres et du contexte qui précède, soit l’envoi par huissier d’une plainte de harcèlement psychologique contre le directeur Desjardins et le capitaine Morand le 21 décembre précédent, quelques heures après un comité de relations de travail houleux.

[122]      La lettre reflète assurément la pensée de l’employeur, selon laquelle l’histoire se répète : une guerre de pouvoir est en cours et le syndicat s’attaque directement au directeur du service et au capitaine aux opérations qu’il semble vouloir mettre à l’écart.

Le refus de l’employeur de régler le conflit de travail

[123]      Le syndicat prétend que tout au long du conflit, il a tendu la main à l’employeur, mais que ce dernier a refusé d’explorer quelque avenue que ce soit pour le résoudre. Selon le syndicat, ceci corrobore le fait que la motivation première de l’employeur est de mettre fin aux rapports collectifs en procédant au transfert à la SQ.

[124]      La preuve ne soutient pas cette prétention. Le syndicat se drape dans sa vertu et se présente en victime d’un conflit qu’il alimente, au même titre que l’employeur. À titre d’exemple, mentionnons qu’une enquête externe a conclu que le capitaine Morand a été victime de harcèlement et de comportements inadéquats de la part de certains policiers qui ont posé à son égard des gestes disgracieux. Le directeur Desjardins a également été pris pour cible.

[125]      Le syndicat s’appuie aussi sur une proposition globale du règlement du conflit présentée le 4 novembre 2019 par la Fédération à la directrice générale, au directeur des ressources humaines et au directeur du Service de police, à laquelle la Ville n’a pas donné suite.

[126]      Or, la Ville considère que les policiers cherchent à s’immiscer dans le choix de leurs supérieurs, ce qu’elle trouve inacceptable. Comme a pu le constater le Tribunal, il n’y a rien d’étonnant à ce que le directeur des ressources humaines ait répondu avec peu d’empressement qu’il n’avait pas de mandat pour donner suite à cette offre.

[127]      Par ailleurs, au cours de l’été 2019, le directeur Desjardins retient les services d’une médiatrice réputée pour tenter de ramener un climat viable et des comportements plus appropriés dans les relations de travail. Son intervention permet aux parties de signer un protocole d’amélioration du climat de travail vers la fin de l’été.

[128]      La venue de la médiatrice suscite beaucoup d’espoir chez les policiers qui y voient une possibilité de sortie de crise. Cependant, une fois le protocole signé, ils ne la revoient plus. Selon le syndicat, cela démontre l’absence de volonté de la Ville à régler le conflit.

[129]      Les explications de l’employeur au sujet de la fin du mandat de la médiatrice sont effectivement évasives et peu convaincantes. Il se contente de dire qu’il était terminé, à la suite de la signature du protocole d’entente. Le Tribunal comprend plutôt qu’à la fin de l’été 2019, la décision de la Ville de demander l’abolition de son Service de police et de recourir à la SQ est prise. Les avis de consultations publiques sont d’ailleurs publiés peu de temps après.

[130]      Ceci étant dit, le fait de ne pas recourir davantage aux services d’une consultante ne constitue pas pour autant un geste d’entrave aux activités syndicales. Rendu à ce stade, il est compréhensible que la Ville ne veuille pas susciter des espoirs qu’elle ne pourra satisfaire en investissant dans une telle démarche.

[131]      Au-delà de ces évènements, les prétentions du syndicat s’appuient principalement sur les déclarations de cadres et délus, particulièrement du maire, qui auraient communiqué des propos antisyndicaux démontrant que le véritable motif de l’abolition du corps de police de la Ville de Mont-Tremblant est le conflit de travail, le nombre de griefs et le comportement des représentants syndicaux.

Les propos des cadres du Service de police au cours de l’année 2019

[132]      Le président du syndicat affirme qu’au mois de mai 2019, le directeur du Service de police lui confie que le maire est « tanné » du conflit de travail et qu’il ne voit pas d’autre solution que de transférer les services policiers à la SQ. Le directeur reproche au syndicat et à la Fédération d’inonder la Ville de griefs. Il aurait mentionné que la seule solution pour éviter le transfert serait l’abandon des griefs et le renouvellement de la convention collective pour 5 ans.

[133]      Le directeur nie avoir tenu de tels propos à M. Bouchard, ajoutant que la communication entre les deux est à ce moment rompue. Il admet toutefois avoir discuté avec les représentants de la Fédération de solutions possibles au conflit tout en leur précisant qu’il n’avait pas de mandat pour ce faire. Il affirme avoir mentionné à la Fédération, de façon imagée, que lorsque ta voiture roule bien, tu ne penses pas à la changer. Ayant fait toute sa carrière à Mont-Tremblant, il aurait souhaité que le service demeure. Il n’a d’ailleurs pas été très impliqué dans la phase exploratoire avec le MSP et la SQ, car il se considérait en quelque sorte en conflit d’intérêts.

[134]      Selon l’agent Baptiste Denutte, policier temporaire au service, le directeur lui aurait tenu des propos similaires en octobre 2019, soit que le seul moyen de convaincre les élus d’abandonner le projet de transfert à la SQ serait de présenter une offre globale comprenant une convention collective d’une durée de cinq ans, le retrait de l’ensemble des griefs et un changement d’exécutif syndical. Selon le directeur, cela ne reflète pas la teneur de sa conversation avec ce policier, mais plutôt celle qu’il a eue avec la Fédération.

[135]      Également, certains policiers sont venus témoigner sur les propos qu’aurait tenus le capitaine aux enquêtes, Pierre Caron, qui cumule également de nombreuses années de service à Mont-Tremblant comme policier et cadre. Il a notamment été président du syndicat à une certaine époque. Ce dernier semble être un des seuls cadres avec lesquels les policiers ont maintenu des communications durant cette période tumultueuse.

[136]      Lors de la publication des avis de consultations publiques, l’agente Stéphanie Caron rapporte que le capitaine Caron lui aurait dit que le syndicat n’aurait pas dû déposer autant griefs, que le dossier Ledoux a coûté très cher et que la Ville est «tannée» de payer. Le lendemain, il aurait mentionné à l’agent Dominic Bélanger que la Ville est «tannée» de gérer les policiers.

[137]      Enfin, quelques jours plus tard, il aurait dit à l’agent Éric Cadotte que, n’eût été le syndicat, les griefs et montants réclamés en dommages, la Ville ne parlerait pas d’abolir son Service de police.

[138]      Le capitaine Caron ne se rappelle pas avoir tenu de tels propos. Cependant, différents policiers ont rapporté des propos similaires de sa part qui font un lien entre la multiplicité des recours, les montants réclamés et payés et l’abolition du Service de police municipale.

[139]      Même en les tenant pour avérés, ces propos des deux cadres du Service de police n’engagent que leurs auteurs qui sont directement impliqués dans le conflit de travail et aussi personnellement touchés par l’abolition du service. En effet, dans tous les transferts de desserte impliquant la SQ, les cadres du service de police municipale sont automatiquement réaffectés dans un autre poste auxiliaire ou dans une région différente. De toute évidence, pas plus que les policiers, ils ne souhaitent l’abolition du Service de police où ils ont fait toute leur carrière.

[140]      Sans qu’ils confirment les véritables motivations de la Ville, leurs propos peuvent néanmoins constituer un indice de la perception de l’employeur quant à l’action syndicale et au conflit de travail et aux discussions qui avaient cours à ce sujet à la direction du Service de police.

Les propos des élus

[141]      À la suite de l’annonce des consultations publiques, les policiers décident d’écrire des lettres personnelles aux élus. Les agents Anthony Caron et Baptiste Denutte sont chargés de remettre ces lettres en main propre aux conseillers et au maire, ce qu’ils font le 31 octobre 2019.

[142]      Lorsqu’ils rencontrent le conseiller Labonté, ce dernier leur mentionne qu’il y a eu trois directeurs de police différents depuis 2001 et que le problème vient sûrement du syndicat. Il mentionne que ça coûte cher de congédier un directeur de police et que les différents conflits ont coûté très cher à la Ville. Il réfère spécifiquement à l’affaire Ledoux. Il souligne qu’une personne a été la grande gagnante des conflits et leur suggère de vérifier qui a reçu les meilleures compensations. Il ne nomme pas de nom, mais les deux agents comprennent qu’il parle du président du syndicat, Serge-Alexandre Bouchard.

[143]      Les deux agents discutent également avec la conseillère Lacasse, qui a un lien de parenté avec l’agent Caron. Selon l’agent Denutte, la conseillère mentionne que l’abolition du Service est une décision difficile, que le transfert est causé par trois personnes et que, n’eût été ces trois personnes qu’elle n’identifie pas, il n’y aurait pas eu de transfert à la SQ. Comme elle fait mention de l’exécutif syndical durant la rencontre, l’agent Denutte en déduit qu’elle réfère à trois membres de l’exécutif syndical. Ces propos n’ont pas été confirmés par l’agent Caron.

[144]      Pour le syndicat, cela démontre que les élus associent le changement de desserte policière au conflit de travail.

[145]      Les deux conseillers n’ayant pas témoigné, les propos rapportés doivent être considérés avec une certaine prudence. Ils révèlent néanmoins que des élus municipaux attribuent aux représentants syndicaux la responsabilité du conflit qui semble faire partie des considérations de la décision.

Les déclarations du maire

[146]      Le maire n’a pas témoigné à l’audience. Ces déclarations ont été mises en preuve par des écrits ainsi que des extraits vidéo et audio.

[147]      Le 2 décembre 2019, le maire écrit à la ministre de la Sécurité publique pour l’aviser de l’adoption prochaine de la résolution lui demandant d’autoriser l’abolition de la police municipale. Après avoir présenté les avantages de saine gestion et d’efficience ainsi que les économies liées au projet, il ajoute ce qui suit :

[]

Madame la Ministre, à l’aube du dépôt de votre livre vert qui déclenchera une réflexion sur les services de police de la province, je vous demande de ne pas vous pencher uniquement sur le financement et les enjeux des différents syndicats en cause. L’expérience que nous avons vécue nous amène à vous recommander de revoir les modèles de gestion afin que les cadres de nos services de police municipaux ne puissent perpétuellement être contestés par leurs policiers.

Je suis persuadé que nous ne sommes pas les seuls à vivre de l’intimidation et les municipalités de notre taille sont à bout de souffle. Elles n’ont pas les moyens qui sont à la disposition des policiers. Ces derniers disposent de tous les services juridiques qu’ils s’offrent à même leurs cotisations syndicales.

Je vous demande également de réfléchir au processus de consultation menant à l’adhésion d’une municipalité à l’offre de la Sûreté du Québec. Vous devinez que les citoyens qui pourraient être en accord avec la proposition n’oseront jamais s’exprimer publiquement. En effet, qui veut avoir la police municipale comme adversaire? Le processus, tel qu’il est actuellement, prend la démocratie en otage et travestit l’état réel de l’opinion publique sur cette importante question.

[]

Lorsque vous recevrez le rapport, vous constaterez que les adversaires du projet demandent un référendum. Si, selon les critères de votre ministère, vous envisagiez de demander à la Ville la tenue d’un référendum, sachez que cette option n’est pas envisageable dans le contexte que nous vivons actuellement et dont, nous espérons que vous en avez été informé.

[Nos soulignements]

[148]      Jusque-là, le maire s’était abstenu de faire tout commentaire public pouvant permettre d’établir un lien entre les activités syndicales et l’abolition du Service de police municipale. Toutefois, cette lettre aborde spécifiquement le conflit de travail, les contestations d’autorité à l’égard des cadres, l’intimidation par les policiers, de même que les moyens et services juridiques dont ils disposent grâce à leurs cotisations syndicales.

[149]      Même si les commentaires sont formulés afin de susciter la réflexion de la ministre sur le processus de consultation et la mettre en garde contre la demande de référendum, il est difficile de conclure que tous ces éléments n’ont pas été considérés par l’employeur dans sa prise de décision. Mais, il y a plus.

[150]      Le 11 décembre 2019, tout de suite après l’adoption de la résolution, le maire fait une allocution, qui sera publiée intégralement dans le journal local L’info du Nord MontTremblant[31]. Il y a lieu d’en reproduire plusieurs extraits :

[…]

Je l’ai dit souvent, si on est allé en phase exploratoire ce n’est pas à cause des conflits à l’intérieur du poste de police. Si c’était le cas, nous l’aurions fait depuis au moins 2011.

La Ville n’a jamais voulu aller sur la place publique avec les problèmes reliés au climat de travail dans le poste de police. Au bout du compte, le lendemain, nous continuerons à travailler ensemble.

Ce sont les policiers qui ont choisi d’exposer les problèmes de relations de travail sur la place publique allant même à prétendre que la Ville s’était engagée dans une opération de destruction de son Service de police.

Je suis donc à l’aise aujourd’hui d’en parler publiquement.

Vous avez compris que ça brasse depuis plusieurs années à l’intérieur du poste. Les policiers contestent systématiquement l’autorité et font preuve d’un comportement souvent inapproprié, pour ne pas dire, totalement inacceptable. Peu importe ce que l’on fait, ils ne sont jamais satisfaits.

Le Conseil ne peut accepter cette situation, si on continue en ce sens, aussi bien leur donner les clés de l’hôtel de ville !

Depuis plusieurs, années, nous avons pourtant essayé divers moyens de rapprochement pour améliorer le climat de travail : embauche d’une firme pour rétablir le climat de confiance, rencontres, comités de relations de travail, comité de relations de travail restreint, embauche d’une médiatrice-consultante. Rien n’y fait.

Nous avons signé conjointement avec le syndicat un protocole d’entente sur l’amélioration du climat de travail.

Nous avons cru à la bonne foi des policiers, mais leur engagement pour revenir à un climat de travail sain s’est traduit par d’autres moyens de contestation envers les autorités en place.

Ici je parle de leurs supérieurs, de la direction et des membres du conseil.

Du point de vue légal, je confirme qu’il y a eu, durant les deux (2) dernières années, 51 griefs de déposés par le syndicat. À ce jour, les décisions rendues sont favorables à la Ville.

Il y a eu aussi deux (2) plaintes de déposées par le syndicat, au tribunal administratif du travail. À ce jour, la Ville a eu une (1) décision favorable, mais elle a été contestée par le syndicat à la Cour supérieure. Le syndicat l’a retirée la semaine dernière. Quant à l’autre plainte, les plaidoiries seront entendues en février 2020.

En plus d’accaparer une grande partie des ressources humaines de la Ville, le conflit génère d’importants frais additionnels pour les contribuables, ce dossier est aujourd’hui devenu très lourd autant financièrement que psychologiquement.

Comme administration, nous avons le devoir d’agir de façon responsable et d’offrir des services efficaces et efficients dans l’intérêt supérieur de la Ville et surtout de nos citoyens et citoyennes.

[…]

Le Conseil d’agglomération est unanime, l’offre clé en main de la Sûreté du Québec est avantageuse et en lien avec nos objectifs de bon gestionnaire. Elle assure les services de proximité, la sécurité de notre population et répond aux besoins spécifiques du territoire.

[…]

Cependant, notre décision n’a pas été basée seulement sur l’aspect financier, je vous l’ai dit, l’enjeu est plus grand que monétaire.

 

Souvenez-vous que j’ai été parmi ceux qui ont défendu bec et ongles le maintien d’un service de police municipale par le passé, mais il faut se rendre à l’évidence : la situation a évolué et la gestion comporte des défis qui vont bien au-delà des moyens d’une ville de notre taille.

[Nos soulignements]

[151]      Le conseiller Marcoux prononce également une allocution dans laquelle il affirme ce qui suit :

[…]

Plusieurs policiers ont fait état de relations difficiles, particulièrement au cours des dernières années et je peux en témoigner. Relations difficiles pour la Ville aussi. En effet, j’ai siégé au comité de police pendant plusieurs années et pendant trop longtemps, le conseil municipal cédait aux policiers lors de différends ou griefs, plutôt que d’aller au besoin devant les tribunaux, approche jugée coûteuse par le conseil. Les choses ont changé au conseil et, dans la dernière année, le conseil a refusé de passer léponge sur les différends et les griefs. Toutes les causes présentées à la cour ont été réglées en faveur de lagglomération. Ce changement, cette rigueur ont dérangé. Dans les derniers mois, j’ai vu bien peu dintrospection de la part de notre force de police.

[Notre soulignement]

[152]      Enfin, lors du point de presse donné par le maire après l’assemblée, un journaliste demande pourquoi la Ville ne tient pas de référendum. Le maire répond que la décision est mûrement réfléchie et «que le climat de confiance n’est plus là». Il faut en comprendre qu’il réfère à la situation avec les policiers. Il mentionne que la Ville a fait beaucoup d’efforts, mais que c’est toujours à sens unique. Lorsque le journaliste suggère qu’un changement de gestionnaire aurait pu être bénéfique, il explique que cela impliquerait une autre saga coûteuse pour la Ville. Il ajoute qu’en 2011, le conseil a pris parti pour les policiers dans le dossier impliquant le directeur Ledoux et que ce sont les mêmes acteurs qu’à l’époque qui s’en prennent maintenant au directeur Desjardins. Il parle également de l’état lamentable des relations de travail.

[153]      En entrevue à Radio-Canada le lendemain, il réitère des propos similaires. Lorsque l’animateur lui demande pourquoi la Ville souhaite abolir son Service de police municipale, il répond qu’une police municipale exerce beaucoup de pression sur une ville de la taille de Mont-Tremblant, notamment au niveau des relations de travail, de la négociation et de la formation. Il mentionne aussi que la Ville a travaillé fort avec les policiers, que le statu quo n’est plus une possibilité pour la simple et bonne raison que, depuis au moins 2011, la Ville essaie de trouver des solutions.

[154]      L’employeur fait valoir que ces paroles ont été prononcées après l’adoption de la résolution et que le maire commente le conflit de travail pour la première fois. Il s’autorise à le faire parce que les policiers ont mis le conflit de travail sur la place publique. Il s’agit tout au plus d’une simple maladresse d’un des représentants de l’employeur et non pas d’un geste d’entrave.

[155]      Pour le Tribunal, il s’agit plus que d’une simple maladresse. Même si le maire commence son allocution en déclarant que la démarche de la Ville n’a rien à voir avec le conflit de travail et qu’il déclare être à l’aise d’en parler parce que les policiers ont amené le conflit de travail sur la place publique, son allocution ne laisse planer aucun doute quant à l’impact de celui-ci sur la décision de l’employeur.

[156]      Lorsqu’il affirme : « […] si on continue en ce sens, aussi bien leur donner les clés de l’hôtel de ville !» et qu’il fait référence aux nombreuses contestations judiciaires, il confirme une volonté de mettre fin à ce problème et aux actions syndicales.

[157]      Ainsi, les motifs en filigrane de la démarche sont alors étalés au grand jour. Les relations de travail avec le syndicat sont dans un état lamentable. Le conflit de travail est un lourd fardeau tant psychologique que financier. Toute sortie de crise pourrait impliquer la mise à l’écart de certains membres de l’état-major du service et potentiellement de nouvelles poursuites judiciaires. En somme, en abolissant son Service de police municipale, l’employeur met fin au conflit de travail et n’a plus à gérer ses rapports collectifs de travail avec le syndicat et ses membres, ce qu’il peine à faire.

[158]      Bien sûr, ces interventions sont faites alors que la décision est prise et il pourrait être argumenté qu’elles n’ont, en conséquence, pas eu d’influence sur celle-ci. Cependant, de l’avis du Tribunal, les propos du maire, prononcés le jour même de l’adoption de la résolution et le lendemain, révèlent des motivations sous-jacentes à la décision de la Ville, lesquelles sont liées aux activités syndicales exercées par le syndicat et ses membres et à la volonté de les faire cesser.

[159]      La Ville invoque aussi la règle de l’inconnaissabilité des motifs[32]. Cette règle prévoit que les motifs des membres d’un organe décisionnel ne sont pas pertinents pour déterminer la validité de la résolution adoptée, puisque seuls les motifs écrits faisant partie de la décision sont pertinents.

[160]      Selon le Tribunal, l’entrave étant rarement explicite et, par définition, souvent implicite et établie par des indices et présomptions de fait[33], il serait trop facile pour une municipalité d’y échapper en invoquant une telle règle. Il serait pour le moins surprenant qu’une résolution municipale énonce explicitement des motivations antisyndicales. Cette règle ne s’applique pas lors de l’analyse d’une plainte fondée sur l’article 12 du Code, lequel est d’ordre public.

[161]      La Commission des relations de travail l’a d’ailleurs reconnu dans l’affaire Syndicat des employés manuels de la Ville de Québec, section locale 1638 - SCFP c. Québec (Ville de)[34]. Les propos d’un maire peuvent être considérés comme ceux d’une personne agissant pour un employeur au sens de l’article 12 du Code :

[161] Puisque la Commission a compétence exclusive en matière d’ingérence et de négociation de mauvaise foi, une impasse se dessine à moins qu’on ne considère que les propos du maire, qui n’aurait pas agi pour l’employeur, devraient être ignorés des employés, du Syndicat et des citoyens puisqu’ils ne représentent pas la position de la Ville – employeur, qui ne parle que par son conseil.

[162] S’il est vrai que la Ville ne peut prendre de décision autrement que par résolution de son conseil de la Ville, le maire demeure son principal représentant.

[163] Il est le président du comité exécutif de la Ville (art. 21 de la Charte de la Ville de Québec, RLRQ, c. C -11,5) et le «chef exécutif de l’administration municipale» (art. 52 de la Loi sur les cités et Villes) et il utilise ce statut pour faire pression sur les salariés. Le fait qu’il partage le pouvoir décisionnel de la Ville avec les autres membres du conseil de la Ville n’y change rien. Poussée à l’extrême, cette interprétation proposée mettrait aussi à l’abri des obligations imposées par le Code toutes les sociétés dirigées par des conseils d’administration qui ne pourraient pas non plus être liées par les propos ou comportements de leur président.

[164] La position étroite suggérée quant au statut du maire est inconciliable avec les principes applicables en l’espèce. Le Code doit recevoir une interprétation large et libérale qui assure l’accomplissement de son objet. L’un de ces objets étant de préserver l’équilibre entre les parties, tout particulièrement au cours de la période cruciale des négociations. Toute intervention d’une partie faite dans le but de compromettre cet équilibre est prohibée.

[162]      Enfin, quant aux affirmations des élus selon lesquelles toutes les causes ont été réglées en faveur de l’employeur, elles ne sont pas rigoureusement exactes. En effet, quelques semaines auparavant, le grief concernant la suspension du sergent Bouchard a été accueilli en partie par le Tribunal d’arbitrage[35]. Le syndicat souligne aussi que, postérieurement à l’adoption de la résolution, plusieurs recours intentés par lui et ses membres ont été accueillis et qu’aucun n’a été jugé frivole. Ces affirmations des élus sont de nature à discréditer le syndicat, mais elles ne sont que de simples maladresses dans le contexte.

Les faits postérieurs à la décision

[163]      Le syndicat a mis en preuve un certain nombre de déclarations postérieures à l’adoption de la résolution qui, selon lui, sont mensongères et corroborent l’existence d’un sentiment antisyndical de l’employeur au moment de sa décision. Il est notamment question d’écrits à la ministre et au MSP en octobre 2020 et janvier 2021 et de déclarations aux médias des maires de l’agglomération, qui suggèrent que le comportement des policiers met en péril la sécurité de la population.

[164]      Pour le syndicat, ces propos visaient manifestement à le dénigrer et ils auraient pu faire l’objet de plaintes d’entrave distinctes. Toutefois, il n’a pas jugé nécessaire de le faire, puisque selon lui, il ne peut y avoir plus grande entrave que la fin d’emploi de l’ensemble des membres d’une association de salariés, telle que contestée par les présents recours.

[165]      Le Tribunal note qu’un grief a été déposé pour contester les propos jugés diffamatoires tenus dans les médias en janvier 2021 par le maire Brisebois et la mairesse de Lac-Tremblant-Nord pour lesquels des dommages de 3,5 millions de dollars sont réclamés, puisqu’ils seraient responsables de l’abolition du service autorisé peu de temps après.

[166]      Pour le Tribunal, ces déclarations postérieures sont peu pertinentes pour déterminer si la décision du 11 décembre 2019 est entachée par des motifs antisyndicaux. Il s’est écoulé plus d’une année entre l’adoption de la résolution par la Ville et l’obtention de l’autorisation de la ministre. Durant cette période d’incertitude, le conflit s’est envenimé. Les parties ont, de part et d’autre, tenté de convaincre la ministre de leur position respective avant que celle-ci ne rende sa décision. Ainsi, le Tribunal n’en traitera pas davantage.

La conclusion sur l’entrave

[167]      L’existence d’un important conflit de travail n’implique pas nécessairement que la décision de l’employeur a été prise pour des motifs antisyndicaux. Si c’était le cas, une entreprise ne pourrait fermer ses portes ou abolir un service, du simple fait de l’existence d’un conflit de travail.

[168]      L’abolition du Service de police municipale avait nécessairement pour effet de mettre fin aux rapports collectifs de travail entre l’employeur et le syndicat. La question est plutôt de savoir si la décision avait pour but d’entraver les activités syndicales. L’abolition d’un service ou la fermeture d’un établissement sera alors considérée comme la stratégie antisyndicale suppressive ultime[36].

[169]      D’une part, l’employeur a fait la preuve que des considérations légitimes de saine gestion ont motivé sa prise de décision.

[170]      D’autre part, le syndicat a satisfait son fardeau de démontrer, par les propos des élus, particulièrement ceux du maire, que des motivations antisyndicales ont aussi été considérées par l’employeur pour prendre sa décision.

[171]      Tour à tour, les élus réfèrent au conflit de travail, au comportement des représentants syndicaux, aux contestations de l’autorité et à l’intimidation des policiers, au fait qu’ils ne sont jamais satisfaits et que si cela continue il faudra leur remettre les clés de la Ville. Le maire parle des conséquences psychologiques et financières des multiples recours des policiers et aux moyens dont ils disposent grâce à leurs cotisations syndicales. La pression qu’exercent les relations de travail et la négociation est aussi évoquée comme motif de l’abolition.

[172]      Cela va au-delà des considérations économiques liées au conflit, comme le prétend l’employeur. En allant avec la SQ, la Ville voulait également mettre un terme à sa relation avec le syndicat, ses représentants et ses membres.

[173]      Le Tribunal est donc en présence d’une fermeture fondée sur des motifs multiples au sens de l’arrêt Plourde[37], dont certains sont antisyndicaux, ce qui «entache» la décision de la Ville :

[13] Il ne faut pas pour autant sous-estimer les difficultés que le syndicat ou les salariés doivent surmonter pour établir, sous le régime des art. 12 à 14, que l’antisyndicalisme a entaché la décision de fermer l’entreprise, quoique l’exigence minimale que cette décision soit entachée établisse un critère relativement peu exigeant. Par contre, les décisions rendues dans la foulée de City Buick illustrent la difficulté pour l’employeur, de prouver qu’une fermeture fondée sur des «motifs multiples» n’est pas entachée.

[174]      Selon des auteurs[38], la Cour suprême étend ainsi explicitement aux articles 12 à 14 du Code la règle établie par l’arrêt Silva c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal – Pavillon Notre-Dame[39], dans le contexte de l’article 15, selon laquelle une mesure procédant d’une considération illicite, même si elle cohabite avec une considération licite, sera considérée comme entachée.

[175]      L’employeur affirme que les considérations économiques ont été déterminantes à sa décision. Toutefois, selon le Tribunal, cela ne permet pas d’écarter pour autant le fait qu’elle était également mue par une volonté de faire cesser les actions syndicales du syndicat, de ses représentants et de ses membres, ce qui constitue de l’entrave au sens de l’article 12 du Code.

[176]      Rappelons que cette disposition vise à empêcher un employeur de compromettre par ses interventions la liberté d’association des salariés, laquelle bénéficie d’une protection constitutionnelle et quasi constitutionnelle[40].

[177]      Ainsi, le Tribunal constate que, par sa demande à la ministre d’autoriser l’abolition de son Service de police municipale, l’employeur a cherché à entraver les activités du syndicat.

[178]      Cette conclusion quant à la violation de l’article 12 du Code emporte aussi celle relative à l’article 14 du Code, qui constitue la facette individuelle, pour les membres du syndicat, de la contravention au droit d’association de poursuivre des activités sans entrave de l’employeur[41]. Par sa décision, ce dernier a cherché à contraindre les salariés à s’abstenir ou à cesser d’exercer un droit qui leur résulte du Code.

[179]      La plainte s’appuie également sur l’article 13 du Code, sans que le syndicat s’y attarde lors de son argumentation. Pour le Tribunal, c’est plutôt l’article 14 qui trouve ici application.

Est-ce que Le Tribunal doit annuler la DÉCision du conseil d’agglomération de la ville de Mont-tremblant?

[180]      Parmi les conclusions recherchées, le syndicat demande au Tribunal d’annuler la résolution du Conseil d’agglomération du 11 décembre 2019 par laquelle il requiert l’autorisation de la ministre de la Sécurité publique pour abolir son Service de police. Il ne demande pas au Tribunal de la déclarer inopposable ou inopérante, mais bien de l’annuler.

[181]      Les parties ont argumenté sur cette question en litige qui a été formulée en termes de pouvoir du Tribunal d’annuler une résolution municipale, lors de la conférence préparatoire de gestion tenue au tout début du dossier, à la suite des arguments soulevés par l’employeur.

[182]      L’employeur soutient que seule la Cour supérieure est habilitée à contrôler la légalité des résolutions adoptées par un conseil municipal et à les annuler. Selon lui, le Tribunal ne peut usurper ce pouvoir de contrôle qui ne lui est pas dévolu. Il rappelle que le Tribunal est un tribunal statutaire qui exerce une compétence d’attribution.

[183]      Il s’appuie notamment sur le jugement de la Cour supérieure rejetant la demande d’injonction interlocutoire du syndicat afin de faire invalider la décision de la ministre de la Sécurité publique autorisant l’abolition du Service de police de Mont-Tremblant. La Cour supérieure indique : « Par contre, il n’apparaît pas être du ressort du TAT de déclarer nulle la résolution du conseil d’agglomération de Mont-Tremblant. En effet, prononcer la nullité d’une résolution d’un conseil municipal relève normalement du pouvoir de contrôle de la Cour supérieure des actes de l’administration publique par voie d’action directe en nullité »[42].

[184]      L’employeur ajoute que si le Tribunal accepte d’annuler la résolution, cela équivaut à l’empêcher de fermer son Service de police, alors que l’abolition de celui-ci est réelle et définitive. Or, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’empêcher un employeur de fermer son entreprise ou l’un de ses services, même en présence de motivations antisyndicales.

[185]      Il invoque aussi que la reconstitution du corps de police municipale est d’une part impossible en vertu de la LSP et, d’autre part, n’est pas de la compétence du Tribunal, puisque l’abolition et la création des corps de police municipaux relèvent de la discrétion de la ministre.

[186]      De son côté, le syndicat prétend que le Tribunal peut annuler la résolution municipale en vertu de ses pouvoirs généraux prévus aux articles 111.33 (1) (2) et (3) du Code et 9 (3) (4) et (5) de la LITAT qui lui permettent notamment de rendre toute décision qu’il juge appropriée et d’exiger de toute personne de réparer un acte fait en contravention du Code.

[187]      Il s’appuie également sur l’arrêt T.U.A.C., section locale 503 c. Wal-Mart[43] dans lequel la Cour suprême du Canada établit que, dans une plainte en vertu de l’article 59 du Code, l’arbitre peut octroyer une réparation en nature, si le contexte le permet en vertu des articles 100.12 du Code et 1590 du Code civil du Québec[44]. Le syndicat est d’avis qu’un parallèle peut être fait entre les articles 12 et 59 du Code.

[188]      Pour le Tribunal, la question du pouvoir d’annuler une résolution municipale est un faux débat qui n’est pas utile pour trancher les plaintes soumises. L’existence de la résolution n’empêche pas le Tribunal de jouer son rôle qui est de constater si oui ou non, par sa décision, l’employeur a cherché à entraver les activités du syndicat et dans l’affirmative, de déterminer les réparations appropriées. Il en est de même pour une contravention à l’article 14 du Code.

[189]      Le Tribunal est compétent pour évaluer la légalité d’une décision prise en contravention du Code. Tout comme il le fait lorsqu’il annule le congédiement d’un cadre municipal constaté par résolution[45], le Tribunal pourrait décider quannuler la décision d’un employeur municipal qui constitue de l’entrave est une mesure de réparation appropriée, sans égard à la résolution elle-même, qui est le véhicule par lequel s’exprime une municipalité. C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Tribunal dans l’affaire Association des pompiers professionnels de Québec inc. c. Québec (Ville)[46], lorsqu’il a annulé la décision d’abolition des postes syndiqués de lieutenant et capitaine effectuée par la municipalité.

[190]      Que recherche au juste le syndicat par sa demande d’annulation de la résolution? Il affirme ne pas demander au Tribunal de reconstituer le Service de police municipale, mais de constater que la résolution a été adoptée en contravention au Code et de l’annuler. Ce qu’il recherche c’est l’annulation de la décision qui est la pierre d’assise de tout le processus décisionnel ayant mené à l’autorisation ministérielle permettant d’abolir le Service de police municipale. Même s’il affirme ne pas en faire la demande, l’objectif ultime est la réouverture du service. Il requiert d’ailleurs la réintégration des policiers dans le cadre des plaintes prenant appui sur l’article 15 du Code. Le Tribunal traitera de la question de la réouverture du service dans le cadre de l’analyse de ces plaintes.

[191]      La véritable question en litige est de déterminer s’il est approprié d’annuler la décision de l’employeur de demander l’autorisation à la ministre d’abolir son Service de police municipale. Le Tribunal conclut que ce n’est pas le cas.

[192]      Le présent dossier diffère considérablement d’une situation où seules les considérations antisyndicales expliquent la fermeture d’une entreprise ou l’abolition d’un service. Il appert que même en l’absence de volonté de mettre fin à ses rapports collectifs de travail avec les policiers, la Ville aurait aboli son Service de police pour être desservie par la SQ.

[193]      Le conflit de travail a certainement contribué à ce que la Ville aille valider ses perceptions relativement au coût des services offerts par la SQ. Cependant, comme mentionné précédemment, une fois les économies connues, l’assurance d’avoir des services équivalents obtenue et l’absence de perte d’emploi chez les policiers confirmée, il devenait difficile pour les élus de ne pas recourir à cette option.

[194]      La Ville a fait ses devoirs, a présenté une information juste à ses citoyens quant aux coûts et aux services et elle s’est abstenue de référer au conflit de travail durant les consultations publiques, tout en étant parfaitement consciente que cette décision lui permettrait aussi de régler ce problème épineux de longue date et d’en finir avec la relation conflictuelle avec le syndicat et ses membres.

[195]      La décision de la Ville s’inscrit dans une mouvance à l’échelle de la province. Les municipalités de moins de 50 000 habitants qui ont leur propre service de police municipale sont aujourd’hui l’exception. Toutes les autres municipalités de la MRC des Laurentides sont desservies par la SQ.

[196]      En somme, comme le Tribunal conclut que la décision de demander l’autorisation d’abolir le Service de police municipale était fondée sur des principes de saine administration, malgré des motivations antisyndicales, l’annulation de cette décision n’apparaît pas comme une mesure de réparation appropriée pour compenser l’entrave aux activités syndicales.

[197]      Ainsi, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision de la Ville de demander l’autorisation d’abolir son Service de police municipale. Comme convenu, il réserve ses pouvoirs pour déterminer les dommages subis par le syndicat et ses membres.

L’analyse des plaintes selon les articles 15 à 17 Du CODE

[198]      Quelques jours après l’adoption de la résolution de l’agglomération demandant l’autorisation de la ministre pour abolir le Service de police municipale, les policiers déposent quarante-deux plaintes individuelles en vertu des articles 15 à 17 du Code. Ils allèguent avoir été victimes d’un congédiement ou d’une fin d’emploi résultant de l’abolition du service, et ce, pour un motif antisyndical.

[199]      Chaque policier demande qu’il soit ordonné à l’employeur : d’annuler son congédiement, de le réintégrer dans son emploi, de cesser d’exercer à son égard des mesures de représailles en lien avec l’exercice de sa liberté d’association, notamment l’exercice de moyens de pression, et de réserver sa compétence relativement aux dommages subis.

[200]      L’employeur présente un argument préliminaire d’irrecevabilité des plaintes selon lequel l’article 15 du Code n’est pas applicable dans un contexte d’abolition d’un corps de police municipale et de transfert des policiers à la SQ.

[201]      Il allègue que, bien que la LSP parle d’abolition d’un corps de police, en matière de relations de travail, il ne s’agit pas exactement d’une fermeture de service. La situation présente des similarités autant avec la fermeture de service (puisque la Ville abolit son Service de police) qu’avec le transfert d’entreprise (puisque la responsabilité du territoire et des policiers à l’emploi de la Ville sont transférés à la SQ).

[202]      Or, quoique la situation puisse être vue comme un transfert d’entreprise, l’article 45 du Code ne s’applique pas. Les modalités de transfert sont prévues par la LSP. Les conditions de travail des policiers y sont déterminées et ceux-ci ne seront plus représentés par le syndicat, mais seront régis par la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec[47].

[203]      Selon l’employeur, quel que soit l’angle sous lequel on considère les plaintes (fermeture ou transfert), elles sont sans fondement.

[204]      Pris sous l’aspect de la fermeture, les plaintes sont irrecevables, puisqu’elles doivent nécessairement s’appuyer sur un lieu de travail encore en activité. La fermeture du Service de police municipale est réelle et définitive. Les tribunaux ont reconnu depuis les arrêts Place des arts[48] et Plourde[49], citant avec approbation le juge Lesage dans City Buick Pontiac (Montréal) inc. c. Roy[50], que le Tribunal n’a pas le pouvoir d’empêcher un employeur de fermer son entreprise, même en présence de motivations antisyndicales.

[205]      Sous l’angle du transfert, les policiers n’ont pas été congédiés, ils ont été transférés à la SQ aux conditions déterminées par la LSP[51], sous réserve de leur droit de refuser le transfert. Comme ils n’ont pas fait l’objet d’une sanction (congédiement, fin d’emploi ou mesure de représailles), les plaintes sont irrecevables.

[206]      Pour le Tribunal, l’argument selon lequel la LSP constituerait un régime complet ne permet pas de faire échec à l’application du Code, en l’absence d’une disposition spécifique à cet égard. Les arguments soulevés par l’employeur sont plutôt deux motifs différents de rejet des plaintes. L’un relatif à la présence d’une sanction (condition d’ouverture du recours), l’autre concernant l’inexistence d’un lieu de travail toujours en activité (ou présence d’une autre cause juste et suffisante en raison de la fermeture du service). Ces arguments seront donc analysés distinctement.

Est-ce que Les plaignants ont établi les conditions leur permettant de bénéficier de la présomption de l’article 17 du Code?

[207]      Les articles 15 et 16 du Code prévoient qu’un salarié qui croit avoir été victime d’une sanction ou d’une mesure imposée en raison de l’exercice d’un droit qui lui résulte de ce Code peut déposer une plainte devant le Tribunal dans les 30 jours suivant cette sanction ou mesure.

[208]      Pour se prévaloir de ce recours, le plaignant doit établir des conditions qui sont essentielles à sa recevabilité. Si elles ne sont pas satisfaites, le recours doit être rejeté :

  1. Le plaignant doit être un salarié au sens du Code, ce qui n’est pas contesté dans le cas présent;
  2.              Il doit avoir exercé un droit prévu au Code;
  3.              Il doit avoir subi une sanction ou une mesure visée à l’article 15 du Code;
  4. Il doit déposer sa plainte dans un délai de trente jours suivant la sanction ou la mesure.

[209]      Outre ces conditions, si à la satisfaction du Tribunal, il y a présence d’une concomitance entre le droit exercé par le salarié et la mesure prise par l’employeur, il y a alors application de la présomption prévue par l’article 17 du Code, selon laquelle il est présumé que la mesure prise contre le salarié a été imposée en raison de l’exercice d’un droit.

Les droits exercés

[210]      Les plaignants ont produit un tableau des droits exercés par chacun d’eux. Il est reproduit en annexe de la décision. Globalement, les droits exercés invoqués sont les suivants :

  •                  21 mai 2018 : participation à l’assemblée où il a été décidé d’exercer des  moyens de pression;
  •                  22 mai au 22 octobre 2018 : exercice de moyens de pression;
  •                  21 décembre 2018 : plainte de harcèlement psychologique[52];
  •                  2018 : citations disciplinaires pour exercice d’un moyen de pression[53];
  •                  1er et 2 novembre 2019 : présence aux consultations publiques;
  •                  11 décembre 2019 : présence à l’assemblée extraordinaire du conseil  d’agglomération;
  •                  12 avril 2018 au 9 avril 2020 : présence de l’interphone (condition de travail  illégale continue).

[211]      Interrogés sur ce dernier élément, les plaignants affirment qu’ils ont déposé un grief en lien avec la présence de l’interphone qui a été résolu seulement en avril 2020 par la sentence arbitrale concluant qu’il s’agissait d’une condition de travail déraisonnable dont l’effet a été continu dans le temps. Le Tribunal retient le dépôt du grief, en avril 2018, comme étant le droit exercé.

[212]      La Ville conteste que la présence aux consultations publiques et à l’assemblée du 11 décembre 2019 constitue des droits exercés en vertu du Code. Le syndicat prétend que cela s’inscrit dans un processus de visibilité syndicale visant à exprimer son opposition au projet. Il invoque donc son droit à la liberté d’expression syndicale protégée par la liberté d’association.

[213]      Cela est assurément le cas pour le président du syndicat qui a été invité à s’exprimer au nom de celui-ci lors des consultations publiques. Quant aux autres policiers, dont certains ont pris la parole, s’agit-il d’une participation personnelle, au même titre que tout autre citoyen, à des activités municipales démocratiques dont la tenue était exigée en vertu de la LSP et non du Code ou d’une activité de mobilisation syndicale?

[214]      Bien qu’il s’agisse d’une question intéressante, il n’est pas nécessaire de la trancher, puisque cela n’a pas de conséquence sur l’application de la présomption. En effet, la preuve démontre que chacun des policiers ayant porté plainte a exercé un ou plusieurs autres droits résultant du Code au cours de l’année 2018.

La sanction ou mesure

[215]      Selon le syndicat, la mesure subie par les policiers est la terminaison de leur emploi à la Ville en raison de l’abolition du Service de police municipale. Cette terminaison est survenue postérieurement au dépôt de la plainte. Même si elle ne s’est pas encore réalisée au moment du dépôt, la terminaison de l’emploi des policiers au sein de la Ville est le résultat de la résolution adoptée en décembre 2019. La décision constitue à ce moment une menace d’abolir les postes.

[216]      L’employeur, qui initialement soulevait la prématurité de la plainte, a renoncé à cet argument lors des plaidoiries.

[217]      Comme mentionné précédemment, il allègue plutôt que les policiers n’ont subi aucune sanction, puisqu’ils ont été transférés à la SQ, conformément aux dispositions prévues à l’article 353.3 de la LSP. Ce transfert ne peut être qualifié de congédiement, de fin d’emploi ou de mesure de représailles.

[218]      Sur ce point, le Tribunal ne lui donne que partiellement raison.

[219]      En effet, selon une décision rendue en 2006 par la Cour d’appel dans l’affaire Régie intermunicipale de police des Seigneuries c. Santerre[54], les articles 353.3 et suivants de la LSP établissent un régime de continuité du lien d’emploi assimilable à l’article 2097 du Code civil du Québec. La Cour s’exprime ainsi :

[34] À mon avis, ce régime législatif a un effet analogue à celui quaurait larticle 2097 C.c.Q., du moins quant au maintien du lien demploi : sauf exceptions inapplicables ici, le policier qui est à lemploi dun corps de police aboli devient aussitôt membre de la Sûreté et y est transféré, ce changement se faisant dans une continuité quassure le législateur. Il est vrai que lemployeur du policier nest techniquement plus le même, mais ce changement résulte dune substitution décrétée par le législateur, substitution qui seffectue sans hiatus : ainsi, en lespèce, le 31 mai 2002, lintimé était au service de lappelante ; le lendemain, il était au service de la Sûreté, sans interruption et en vertu dun même lien demploi, qui se poursuit. Il conserve ainsi, en substance, ses conditions de travail, comme le constate du reste le juge de première instance, au paragraphe 5 de son jugement.

[35] Les termes dont use le législateur sont dailleurs révélateurs de cette intention dassurer la continuité du lien demploi : on parle à répétition du policier transféré ou encore du transfert des droits ou même dintégration, mot que lon retrouve à larticle 353.6 de la Loi sur la police. Lidée de transfert est, me semble-t-il, plus compatible avec la continuité du lien demploi quavec sa rupture.

[36] Bien sûr, en lui-même, le seul fait quun individu soit à lemploi dun employeur X un jour et à lemploi dun employeur Y le lendemain ne signifie pas quil ny ait pas eu rupture contractuelle : tout dépend en effet des circonstances qui expliquent ce passage dun employeur à lautre. […]

[37] Cest la même chose ici, par analogie, alors que le législateur, en pourvoyant au transfert des policiers de lappelante à la Sûreté, a, par une sorte dadaptation du modèle général issu de larticle 2097 C.c.Q., voulu préserver lemploi et le lien demploi.

[38] On doit reconnaître pourtant que le transfert dun policier visé par larticle 353.3 de la Loi sur la police, ce qui est le cas de lintimé, ne saccompagne pas du maintien intégral des conditions de travail précédemment négociées avec lemployeur que remplace la Sûreté. […]

[39] Ce seul fait soppose-t-il à ce que lon puisse parler de maintien du lien demploi ? Je ne le crois pas. Le jugement de première instance reconnaît que lintimé jouit maintenant de « conditions comparables » à celles que lui accordait le Contrat, […] Cest donc dire que les changements invoqués par lintimé ne constituent pas la modification substantielle des conditions essentielles du travail (au sens où on lentend par exemple dans larrêt Farber c. Cie Montréal Trust [10]) et ne suffisent pas à engendrer ou à démontrer la rupture du lien contractuel. […]

[Nos soulignements]

[220]      Ainsi, en vertu de ce régime législatif particulier de la LSP, il est exact de dire que les policiers n’ont pas été congédiés, puisqu’il y a maintien du lien d’emploi lors du transfert à la SQ, sous réserve de l’exercice de leur droit de refuser ce transfert.

[221]      Cependant, même si le Tribunal ne retient pas qu’il y a congédiement ou rupture du lien d’emploi, les policiers ont tout de même fait l’objet d’une mesure. La décision d’adopter la résolution est une première étape vers un changement important dans l’emploi des policiers qui auront un nouvel employeur, la SQ, et se verront imposer certaines modifications à leurs conditions de travail. La mesure prise s’est matérialisée en juin 2021 lors de leur transfert à la SQ. À partir de ce moment, leur poste au sein du Service de police municipale est aboli, à la suite de la fermeture de celui-ci.

Le délai de dépôt des plaintes

[222]      Les plaintes ont été déposées dans le délai de trente jours de la mesure contestée, soit la décision de la Ville, prise le 11 décembre 2019, de demander l’autorisation de la ministre de la Sécurité publique d’abolir son Service de police municipale.

La concomitance

[223]      Les droits en vertu du Code ont été exercés en 2018, alors que la résolution de l’agglomération a été adoptée un an plus tard. Pour cette raison, la Ville prétend qu’il y a absence de concomitance entre le droit et la sanction alléguée. Ainsi, les plaignants ne pourraient bénéficier de la présomption de l’article 17 du Code.

[224]      Il admet toutefois les faits donnant ouverture à l’application de la présomption pour les membres de l’exécutif syndical en raison de leur rôle syndical actif sur toute la période soit : Serge-Alexandre Bouchard, Michael Bryar, Éric Cadotte et Frédéric Deroy.

[225]      La concomitance consiste en un lien temporel plausible entre l’exercice d’un droit et la mesure dont se plaint le salarié. Si le plus souvent, c’est la proximité dans le temps qui établira ce lien, la durée doit être évaluée en fonction des circonstances propres à chaque affaire. La jurisprudence a reconnu que dans un contexte de conflit de travail le délai établissant la concomitance pourra être prolongé tant que le conflit persiste[55].

[226]      Dans le cas présent, il faut tenir compte que la décision d’adopter la résolution est l’aboutissement du processus de réflexion entrepris par la Ville au cours de l’année 2018. Les démarches officielles auprès du MSP ont commencé au début de l’année 2019. Ces démarches surviennent peu de temps après le dépôt de la plainte de harcèlement et quelques mois après l’exercice des moyens de pression qui minent le climat de travail. De plus, les étapes prévues à la LSP ont dû être suivies avant que le Conseil d’agglomération puisse procéder à l’adoption de la résolution en décembre 2019.

[227]      Le Tribunal conclut qu’en tenant compte de ce contexte, il y a concomitance entre les droits exercés par chacun des plaignants et la mesure prise par l’employeur. Ils bénéficient donc de la présomption simple de l’article 17 du Code, selon laquelle la mesure dont ils ont fait l’objet a été prise à cause de l’exercice de leurs droits résultant du Code.

Est-ce que l’abolition du service de police municipale constitue une autre cause juste et suffisante?

[228]      Puisque les plaignants bénéficient de la présomption, il incombe à l’employeur de faire la démonstration d’une autre cause juste et suffisante qui est la raison véritable de la mesure imposée[56].

[229]      Depuis l’arrêt Plourde[57], il est clairement établi que l’existence d’un lieu de travail toujours en activité est une condition nécessaire au succès d’une plainte fondée sur l’article 15 du Code, qu’une entreprise a le droit de fermer et que la fermeture réelle d’une entreprise, même pour des motifs antisyndicaux, constitue une défense à l’encontre de ces plaintes. C’est essentiellement ce que plaide l’employeur.

[230]      Il s’agit de déterminer si ces principes sont applicables dans le présent cas.

Les prétentions du syndicat

[231]      Le syndicat affirme que l’arrêt Plourde[58] ne doit pas être appliqué dans le présent dossier en raison de la distinction fondamentale qui existe entre une entreprise privée et les créatures législatives de l’État que sont les municipalités. Selon lui, une municipalité ne peut fermer boutique. Elle n’a pas de vocation commerciale et les principes de l’économie libérale, sur lesquels s’appuie le juge Lesage dans City Buick Pontiac[59], ne sont pas applicables. En somme, le droit inaliénable d’un entrepreneur de cesser d’exploiter son entreprise n’est pas applicable à une municipalité.

[232]      Il ajoute que l’abolition d’un service de police municipale s’apparente davantage à de la sous-traitance qu’à une fermeture d’entreprise. En vertu de l’article 70 de la LSP, la Ville existe toujours et elle a l’obligation de s’assurer que son territoire est protégé et desservi par un corps de police. D’ailleurs, elle a dû conclure une entente avec le MSP définissant les paramètres des services offerts par la SQ. De plus, la Ville continue d’avoir un certain contrôle et d’assurer une surveillance sur les services rendus par celle-ci[60].

[233]      Il s’appuie, entre autres, sur les passages suivants de la décision du Tribunal du travail dans City Buick Pontiac[61] afin de distinguer le changement de desserte policière d’une situation de fermeture d’entreprise :

11 Dans notre système déconomie libérale, il nexiste aucune législation obligeant un employeur à demeurer en affaire et règlementant ses motifs subjectifs à cet égard. Larticle 45 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre (L.R.Q. 1977, c. F -5) qui régit les avis au cas de licenciement collectif, na quune portée pénale, de même que tout règlement adopté sous son empire. Si un employeur, pour quelque raison que ce soit, décide par conséquent de véritablement fermer boutique, les congédiements auxquels il procède sont causés par la cessation des activités, ce qui est une raison économique valable de ne pas engager de personnel, même si cette cessation est mue par des motifs condamnables socialement. Ce qui est interdit cest de congédier des salariés qui font des activités syndicales, ce nest pas fermer définitivement une entreprise parce quon ne veut pas transiger avec un syndicat ou quon ne peut lui briser les reins, même si cela a pour effet secondaire de congédier les salariés. Il faudrait certainement une autre législation, beaucoup plus étendue sur la responsabilité générale des employeurs quant à leur continuation en affaire et quant aux fermetures d’entreprises, pour raisonner autrement. Ce n’est pas faire indirectement un acte défendu, car nul ne contesterait un retrait des affaires, si l’employeur vendait son entreprise en offrant de transférer les contrats individuels de ses salariés à son successeur. Si un effet est non nécessaire, il ne peut caractériser une cause.

12 Encore faut-il, et c’est capital, que la décision de discontinuation soit authentique et non une simulation, un simple argument dans l’arsenal des moyens utilisés pour triompher des revendications syndicales, car ce serait alors un prétexte et une fiction qui empêcherait de la considérer séparément de ses motivations. Il en serait ainsi si, par un subterfuge, l’employeur continuait ses activités indirectement, avec l’aide d’autrui, ailleurs ou d’autres façons ou encore après l’écoulement d’un laps de temps pour sauver les apparences. Toute indication qu’il se garde une porte ouverte pour reprendre la même entreprise, empêcherait de conclure à une cessation complète et définitive de celle-ci, ce qui est le cas non contesté ici.

[Nos soulignements]

[234]      D’une part, le raisonnement repose sur une logique d’économie libérale et commerciale non applicable à une municipalité. D’autre part, la Ville continue d’assurer la couverture policière de sa municipalité, mais avec l’aide d’autrui, soit la SQ. La Ville continue donc ses activités indirectement par un subterfuge visant à casser les reins du syndicat.

[235]      Enfin, le syndicat invite le Tribunal à s’inspirer davantage de la dissidence de la juge Abella dans l’arrêt Plourde[62] et à porter un regard nouveau sur cet arrêt à la lumière de la protection constitutionnelle dont jouit la liberté d’association. La société canadienne accorde maintenant une importance accrue à la liberté d’association, notamment quant au droit de grève reconnu comme faisant partie de la liberté d’association dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan[63]. Le syndicat soutient que l’animus antisyndical de l’employeur provient en grande partie des moyens de pressions exercés par les policiers à l’été 2018.

[236]      Le syndicat plaide que rien n’empêche la Ville de reprendre à son service les policiers plaignants. Le poste de police existe toujours et les policiers, qui travaillent maintenant pour la SQ, sont les mêmes qui travaillaient pour la Ville.

L’analyse

[237]      Comme le reconnait l’employeur, l’abolition d’un service de police municipale présente à la fois des attributs de la fermeture et de la concession d’entreprise. Toutefois, en raison des dispositions prévues à la LSP, l’article 45 du Code ne s’applique pas lorsque les services policiers sont transférés à la SQ.

[238]      La notion de fermeture d’entreprise est interprétée au sens large. Elle n’implique pas que toute l’entreprise ferme ses portes ou, comme dans le cas présent, que la municipalité cesse d’exister. Elle peut s’appliquer à un service ou à une portion des activités de l’entreprise[64] ou encore à un établissement.

[239]      Même si les institutions municipales poursuivent des fins publiques qui sont distinctes de celles des entreprises privées, elles ont des obligations de saine gestion des services, dont elles sont imputables devant leurs citoyens[65]. Ceci peut impliquer de se départir de la responsabilité de certains services, comme en l’espèce.

[240]      La LSP prévoit spécifiquement la possibilité pour une municipalité d’abolir son service de police pour le confier à la SQ aux conditions qui y sont spécifiées[66]. Une fois ces formalités respectées, la municipalité peut abolir son service de police.

[241]      Il est vrai que la Ville doit s’assurer que son territoire est desservi par un corps de police. Elle conserve un certain contrôle sur les services de la SQ, qui est toutefois limité et relève davantage à une reddition de comptes sur les services rendus par le moyen d’un comité de sécurité publique où siège la municipalité[67]. La Ville doit également payer pour les services rendus par la SQ en vertu d’une entente d’une durée minimale de dix ans. Enfin, les policiers sont transférés à la SQ, qui devient le nouvel employeur. En ce sens, la situation s’apparente davantage à une concession d’entreprise qu’à la fermeture pure et simple d’une entreprise privée.

[242]      Cependant, que l’on soit en présence d’une fermeture ou d’une concession d’entreprise, cela ne change rien au fait que l’abolition du Service de police municipale est bien réelle.

[243]      La preuve révèle que la SQ assure les services de police sur le territoire depuis le 22 juin 2021, en fonction d’un régime législatif particulier. Elle a acheté l’équipement de la Ville et loué l’ancien poste de police. Une entente d’une durée minimale de dix ans[68] a été conclue à cet effet entre la municipalité et le MSP. La SQ a intégré tous les policiers du Service de police municipale. L’employeur des policiers n’est plus la Ville, c’est la SQ.

[244]      Tout cela a résulté en l’abolition réelle du Service de police municipale, qui n’existe plus. Il ne s’agit pas d’un prétexte, d’un stratagème ni d’un subterfuge pour permettre à la Ville de poursuivre ses activités sans le syndicat, pas plus qu’il n’y a d’indication qu’elle cherche à se garder une porte ouverte pour éventuellement reconstituer son Service de police municipale. Les activités policières ne sont plus assumées par la Ville.

[245]      Faire droit aux plaintes et ordonner la réintégration des plaignants équivaudrait effectivement à ordonner de reconstituer le Service de police municipale aboli, ce que le Tribunal ne peut faire dans l’état actuel du droit.

[246]      Si certains auteurs critiquent l’interprétation adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Plourde[69], il n’en demeure pas moins que dans l’état actuel du droit, à la suite de cet arrêt, il est bien établi que l’existence d’un lieu de travail toujours en activité est une condition nécessaire au succès d’une plainte fondée sur l’article 15 du Code visant la réintégration d’un salarié dans son emploi. Par conséquent, il ne saurait être question pour le Tribunal d’ordonner, en vertu des articles 15 à 17 du Code, la réouverture d’une entreprise ou d’un service aboli ou la réintégration des salariés dans un lieu de travail qui n’est plus en activité, même en présence de motivations antisyndicales.

[247]      L’employeur souligne que la reconstitution d’un corps de police municipale, tout comme l’abolition, requiert l’autorisation de la ministre. De plus, la reconstitution du service serait impossible, puisque c’est par le mécanisme d’exception prévue à l’article 353.1 de la LSP que Mont-Tremblant disposait de son corps de police municipale depuis 2001. En vertu de l’article 72 de la LSP, les municipalités de moins de 50 000 habitants, telles que Mont-Tremblant, doivent être desservies par la SQ. Comme le régime d’exception n’existe plus, la Ville ne pourrait solliciter l’autorisation de la ministre pour recréer son propre corps de police, après que celle-ci ait autorisé son abolition en février 2021.

[248]      Il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur ces étapes qui relèvent de la discrétion de la ministre. Cela n’est de toute façon pas nécessaire étant donné les conclusions auxquelles il arrive.

[249]      Ainsi, l’abolition réelle du Service de police municipale, peu importe les motifs justifiant cette décision, constitue la véritable cause de l’abolition des postes des policiers à la Ville. Les plaintes déposées selon les articles 15 et suivants sont donc rejetées.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la plainte selon les articles 12 et 14 du Code du travail;

DÉCLARE que la Ville de Mont-Tremblant a cherché à entraver les activités de la Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant;

DÉCLARE que la Ville de Mont-Tremblant a cherché à contraindre les salariés membres de la Fraternité des policiers de Ville de MontTremblant à s’abstenir d’exercer leurs droits en vertu du Code du travail;

RÉSERVE ses pouvoirs pour déterminer les dommages subis par la Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant et les salariés qu’elle représente;

REJETTE  les quarante-deux plaintes selon l’article 15 du Code du travail.

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Véronique Girard

 

Mes Frédéric Nadeau et Andrew Charbonneau

ROY BÉLANGER AVOCATS S.E.N.C.R.L.

Pour les parties demanderesses

 

Mes Frédéric Poirier et Pierre Moreau

BÉLANGER SAUVÉ AVOCATS S.E.N.C.R.L.

Pour la partie défenderesse

 

Date de la mise en délibéré : 25 février 2022

 

VG/dk


ANNEXE

 

 

 


[1]  En vertu de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations, RLRQ, c. E-20.001, l’agglomération de Mont-Tremblant est constituée de la Ville de Mont-Tremblant et de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord. Les services policiers font partie des compétences d’agglomération. La résolution doit donc être adoptée par le Conseil d’agglomération. Toutefois, les recours sont intentés contre la Ville de Mont-Tremblant qui, à titre de municipalité centrale, a l’autorité pour agir en cette matière et qui est l’employeur.

[2]  RLRQ, c. P -13.1.

[3]  RLRQ, c. C -27.

[4]  Les plaintes sont regroupées sous le numéro de dossier TAT 1037882 (CM-2019-7376). Les quarante-deux plaignants sont désignés collectivement comme les plaignants ou les policiers.

[5]  Cette plainte est amendée le 9 mars 2020, puis le 12 mars 2021.

[6]  Art. 353.3.

[7]  Art. 353.1 de la LSP.

[8]  Art. 70 et annexe G de la LSP.

[9]  Art. 73 et 73.1 de la LSP.

[10]  La décision de la ministre a été contestée sans succès devant la Cour supérieure par le syndicat, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et quatre citoyens : Fraternité des policiers de la Ville de Mont-Tremblant c. Guilbault, 2021 QCCS 1163, désistement au fond en date du 23 août 2021.

[11]  R. c. Ledoux, 2017 QCCA 1041.

[12]  Ledoux c. Mont-Tremblant (Ville de), 2015 QCCQ 6709.

[13]  Convention collective couvrant la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019.

[14]  Fraternité des policiers de la Ville de Mont-Tremblant c. Mont-Tremblant (Ville), T.A. DQ20198455, 20 novembre 2019, Me A. G. Lavoie.

[15]  Dans une décision datée du 9 avril 2020, le Tribunal d’arbitrage conclut que les policiers n’ont pas fait l’objet d’écoute électronique dans la salle de patrouille par les répartiteurs, mais que l’interphone, tel qu’installé, constitue une condition de travail déraisonnable au sens de l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12. Il ordonne à l’employeur de le modifier pour y ajouter un voyant lumineux et un avertisseur sonore en permanence, lorsque l’appareil est mis en fonction dans la salle de patrouille, ce qui sera fait par l’employeur : Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant c. Ville de Mont-Tremblant (grief syndical), 2020 QCTA 183.

[16]  L’injonction interlocutoire provisoire sera rejetée par la Cour supérieure le 1er juin 2018,  70017015220-188. La demande en irrecevabilité du syndicat à l’encontre de l’injonction interlocutoire et permanente a, quant à elle, été rejetée le 11 juillet 2018. Cette décision de la Cour supérieure a fait l’objet d’une demande pour permission d’en appeler à la Cour d’appel.

[17]  Elle est homologuée par la Cour supérieure le 28 novembre 2018.

[18]  Dans une décision datée du 11 août 2021, le Tribunal d’arbitrage conclut que rien dans la preuve ne permet de conclure que les moyens de pression ont perturbé les opérations policières, mis en péril la sécurité de la population ou empêché les policiers d’accomplir leurs tâches et que les moyens de pression ne constituaient donc pas une grève ou un ralentissement de travail interdit par le Code. S’agissant plutôt d’une manifestation expressive du droit d’association, il juge les moyens de pression légaux : Fraternité des policiers de Ville de Mont-Tremblant c. Ville de MontTremblant (grief patronal), 2021 QCTA 479.

[19]  Grégoire c. Ville de Mont-Tremblant, 2019 QCTAT 2985.

[20]  Il cite en exemple la décision du Tribunal impliquant les parties dans l’affaire Grégoire précitée, note 19.

[21]  Michel Coutu et al., Droit des rapports collectifs du travail au Québec - Le régime général, vol. 1, 3e éd., Montréal, Les Éditions Yvon Blais, 2019, p. 462; Les avocats et notaires de l’État québécois c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCTAT 4199.

[22]  2020 QCTAT 2959, par. 63.

[23]  Précité, note 21, p. 470 à 477.

[24]  Cégep de Lévis-Lauzon c. Commission des relations du travail (CRT), 2015 QCCS 4482; Syndicat de l’enseignement de la région de Québec (SERQ) c. Commission scolaire de la Capitale, 2016 QCTAT 2043.

[25]  2011 QCCRT 0224, requête en révision rejetée, 2011 QCCRT 0563. Règlement hors cour C.S.  160-17-000066-114.

[26]  Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 - FTQ c. Ville de Rosemère, 2017 QCTAT 1295, par. 104, requête en révision interne accueillie en partie sur la question de la liberté d’association, 2017 QCTAT 5606. Dossier retourné au Tribunal pour qu’une décision soit rendue sur la mise en œuvre du droit d’association, 2019 QCTAT 2307, requête en révision interne accueillie, 2021 QCTAT 2564; Association des pompiers professionnels de Québec inc. c. Québec (Ville de), 2015 QCCRT 0341.

[27]  2009 CSC 54.

[28]  Précitée, note 21.

[29]  Lors d’une conférence de presse tenue à l’automne 2019, la Fédération cite l’exemple de la Ville de Mont-Tremblant qui s’apprête à faire appel à la SQ en raison d’une économie de coûts d’un million de dollars. Article de la Presse canadienne du 28 octobre 2019 paru dans Le Devoir : https://www.ledevoir.com/politique/quebec/565730/la-federation-des-policiers-municipaux-demande-788-millions-a-quebec.

[30]  Précité, note 27.

[31]  Mercredi 18 décembre 2019 Vol. 36 – No 43.

[32]  Consortium Developments (Clearwater) Ltd c. Sarnia (Ville), [1983] 3 RCS 3; Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, 2016 CSC 8.

[33]  Unifor c. Bureau d’aide syndicale du Québec 2009 inc., 2020 QCTAT 2959.

[34]  2014 QCCRT 0270, requête en révision judiciaire rejetée, 2015 QCCS 4450, requête pour permission d’appeler rejetée, 2016 QCCA 272.

[35]  Fraternité des policiers de la Ville de Mont-Tremblant, précitée, note 14.

[36]  M. Laroche & M. Bernier, (2016), Employeurs et anti-syndicalisme au Canada: Une étude juridique des stratégies mobilisées. Travail et emploi, 146, 51-74 [en ligne] : https://doi.org/10.4000/travailemploi.6998.

[37]  Précité, note 27.

[38]  M. Coutu et al., précité, note 21, p. 466.

[39]  2007 QCCA 458.

[40]  Unifor, précitée, note 33.

[41]  Association des pompiers professionnels de Québec inc., précitée, note 26.

[42]  Fraternité des policiers de la Ville de Mont-Tremblant, précitée, note 10, par. 114.

[43]  [2014] 2 R.C.S. 323.

[44]  RLRQ, c. CCQ-1991.

[45]  Voir par exemple Lacroix c. Ville de Chambly, 2019 QCTAT 2208.

[46]  Précitée, note 26.

[47]  RLRQ, c. R-14.

[48]  AIEST, local de scène no 56 c. Société de la Place des arts de Montréal, [2004] 1 R.C.S. 43.

[49]  Précité, note 27.

[50]  [1981] T.T. 22.

[51]  Art. 353.3.

[52]  Suivi d’un grief de harcèlement psychologique en janvier 2019.

[53]  Il s’agit du dépôt de griefs pour contester les mesures disciplinaires reçues en lien avec l’exercice des moyens de pression.

[54]  2006 QCCA 1614.

[55]  86725 Canada ltée (Brasserie Les Raftsmen) c. Marcotte, [1993] AZ-93147069 (T.T.).

[56]  Lafrance c. Commercial Photo Service Inc., [1980] 1 R.C.S. 536.

[57]  Précité, note 27, par. 35, 45 et 54.

[58]  Précité, note 27.

[59]  Précitée, note 50.

[60]  Art. 76 et 78 de la LSP.

[61]  Précitée, note 50.

[62]  Précité, note 27.

[63]  2015 CSC 4.

[64]  Voir par exemple les services techniques de la Place des arts dans AIEST, local de scène no 56, précité, note 48; ou les services de livraison dans Alliance internationale des employés de scène et de théâtre, des techniciens de l’image, des artistes et des métiers connexes des États-Unis, ses territoires et du Canada (IATSE), section locale 56 c. Solotech inc., 2017 QCTAT 1913; ou encore les activités de transport dans Crawford Transport Inc. (Re), [2006] D.C.C.R.I. no 28 (QL).

[65]  Jean HÉTU et Yvon DUPLESSIS, avec la collab. de Lise VÉZINA. Droit municipal : Principes généraux et contentieux, vol. 1, 2e éd., Brossard (Qc), Wolters Kluwer, 2002 (feuilles mobiles mises à jour janvier 2022), par. 7.3 et 7.4.

[66]  Art. 73 de la LSP.

[67]  Art. 78 de la LSP.

[68]  Art. 76 de la LSP.

[69]  Voir notamment Coutu et al., précité, note 21, p. 226-229.

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