Décision

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Couture c. Ville de Sherbrooke

2025 QCCQ 2472

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre civile »

 :

450-32-022079-230

 

DATE :

 2 avril 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GENEVIÈVE CHAMBERLAND, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

KARINE COUTURE, EN SA QUALITÉ DE TUTRICE DE SON FILS MINEUR

THOMAS BEAUDOIN

Demanderesse

c.

VILLE DE SHERBROOKE

Défenderesse

et

SÉMINAIRE SALÉSIEN

Défendeur

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

  1.                 Karine Couture intente un recours en responsabilité civile d'une somme de 15 000 $ pour son fils d’âge mineur, Thomas Beaudoin, qui a subi une lacération au mollet le 15 septembre 2022 en jouant au soccer à son école, le Séminaire Salésien (le « Salésien »), sur un terrain de soccer entretenu par la Ville de Sherbrooke (la « Ville »).
  2.                 Il s’avère que le but de soccer, appartenant à la Ville, n’était pas bien ancré au sol. En effectuant un arrêt à titre de gardien de but, Thomas s’est lacéré le mollet sur l’ancrage métallique coupant situé à la base du but, qui n’était pas enfoui dans le sol comme il aurait dû l’être (l’« Événement »).
  3.                 La Ville considère n’avoir commis aucune faute dans le cadre de l’entretien du terrain de soccer et des buts. Elle plaide qu’au moment de l’Événement, le terrain, propriété du Salésien, était utilisé exclusivement par le Salésien et que les joueurs et les équipements étaient sous la surveillance de l’école, qui devait s’assurer de la sécurité de ceux-ci.
  4.                 Le Salésien considère également n’avoir commis aucune faute. Il indique que la Ville était responsable de l’entretien du terrain de soccer et des équipements dont elle était propriétaire, de sorte que seule la responsabilité de la Ville devrait être engagée.
  5.                 Subsidiairement, la Ville et le Salésien sont d’avis que si un partage de responsabilité devait être établi entre eux, l’autre partie défenderesse devrait assumer l’entière responsabilité de l’Événement, considérant la documentation contractuelle conclue entre ces parties.

LES QUESTIONS EN LITIGE

  1. La Ville a-t-elle commis une faute dans le cadre de l’entretien et de l’inspection du terrain de soccer et du but lui appartenant, la rendant directement responsable de la blessure subie par Thomas?
  2. Le Salésien a-t-il commis une faute dans le cadre de la surveillance de Thomas et des équipements de soccer se trouvant sur son terrain, le rendant directement responsable de la blessure subie par Thomas?
  3. Si la responsabilité de la Ville et du Salésien est engagée, quel doit être le partage de responsabilité entre ces parties?
  4. Quelle somme doit être octroyée à Mme Couture pour les dommages subis par Thomas à la suite de l’incident?

L’ANALYSE

  1.                 La preuve concernant les détails de l’Événement et les conséquences de celui-ci n’est pas contestée.
  2.                 Le 15 septembre 2022, Thomas est âgé de 13 ans et est inscrit au Salésien en deuxième année du secondaire, avec l’option soccer[1]. Il occupe la position de gardien de but depuis l’âge de 8 ans et pratique régulièrement le soccer et le hockey de terrain[2].
  3.                 Vers 13h10, juste avant le début de la séance d'entrainement de soccer scolaire devant débuter à 13h20, Thomas et quelques joueurs de son équipe s’échauffent sur le terrain de soccer, sans la surveillance d’un entraineur ou d’un adulte. Aucun joueur ne remarque que l’ancrage de l’un des buts permanents, situé sur le terrain, sort complètement du sol, considérant notamment la longueur de l’herbe[3]. Il s’agit d’une pièce de métal rouillée de forme carrée, d’environ 15 à 20 centimètres de côté, située à la base de l’une des poteaux du but.
  4.                 En se jetant au sol pour faire un arrêt, Thomas accroche le coin de l’ancrage métallique, ce qui entraine une lacération importante et profonde à son mollet gauche[4]. Une vingtaine de jeunes adolescents se rassemblent ensuite autour de lui et réagissent très fortement à la vue de la plaie ouverte et du sang.
  5.            Un jeune étudiant court jusque dans les bâtiments de l’école afin d’obtenir l’aide d’un adulte[5] et un autre contacte les services d’urgence avec son téléphone[6]. Les ambulanciers sont contactés à 13h15, arrivent au Salésien à 13h29 et laissent Thomas à l’hôpital à 14h04[7].
  6.            À la suite de l’Événement, le Salésien met le but hors d’usage, en le basculant vers l’arrière[8], et avise la Ville de la situation. La Ville se rend sur les lieux et ancre le but de façon sécuritaire le lendemain.
  7.            La lacération de Thomas nécessite 23 points de suture[9], des soins de plaie de longue durée[10] et un arrêt de la pratique des sports pendant quatre mois. Thomas reprend ensuite progressivement la pratique des sports, mais accuse une perte de vitesse de course et d’exécution[11], et ressent toujours de la douleur sous forme de décharges électriques. Selon une expertise en chirurgie plastique et esthétique, les séquelles permanentes de Thomas sont établies à 3% pour l’atteinte esthétique au mollet et à 1% pour le trouble sensitif permanent[12].
  8.            Le 11 juin 2023, le Salésien est formellement en demeure d’indemniser Thomas et ses parents[13]. Une mise en demeure est également transmise à la Ville, quelques mois plus tard[14].
  1. La Ville a-t-elle commis une faute dans le cadre de l’entretien et de l’inspection du terrain de soccer et du but lui appartenant, la rendant directement responsable de la blessure subie par Thomas?
  1.            Le Tribunal conclut que la conduite de la Ville est fautive, vu le manque d’entretien et d’inspection du terrain de soccer et du but, ce qui a causé une blessure à Thomas en raison de la présence d’un piège, à savoir une situation intrinsèquement dangereuse, non apparente et anormale.
  2.            L’article 1457 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») prévoit que toute personne[15] a le devoir de respecter les règles de conduite qui s’imposent à elle, de manière à ne pas causer préjudice à autrui. Lorsqu’elle manque à ce devoir, elle est responsable du préjudice qu’elle cause à autrui par cette faute.
  3.            Le Tribunal considère que la plaque d’ancrage métallique tranchante du but, qui sort du sol de plusieurs centimètres lors de l’Événement, mais qui est camouflée par l’herbe, constitue un piège. Le piège est défini comme suit par l’auteur Vincent Karim :

3244. Bien que la notion de la faute se distingue de celle du piège, celui-ci peut être, dans bien des cas, le résultat d’une faute. En effet, le piège constitue le résultat ou la matérialisation de la faute, que celle-ci soit une faute intentionnelle ou une faute résultant tout simplement d’une omission ou de négligence, telle que le défaut d’entretien, de surveillance, de conception ou de configuration ou finalement d’avertissement d’un danger. Ainsi, le piège représente dans bien des cas une situation qui est intrinsèquement dangereuse et qui comporte un élément d’anormalité et de surprise puisque le danger était inapparent. (…)[16]

[Nos soulignements, références omises]

  1.            Pour que la responsabilité de la Ville soit retenue en présence d’un piège, elle doit avoir commis une faute la rendant responsable de ce piège, par ses actions, sa négligence ou ses omissions. L’auteur Karim indique ce qui suit à ce sujet :

3634. La seule présence d’un piège ne peut être suffisante pour conclure à la faute requise pour engager la responsabilité extracontractuelle de la municipalité. Pour que celle-ci soit retenue, la présence du piège en question doit être imputable à une faute commise par la municipalité. Il n’est pas nécessaire que la faute soit intentionnelle ou résulte d’une négligence grossière, puisqu’il suffit pour conclure à une faute commise, que la municipalité tolère la présence d’un piège, et ce même si celui-ci est dû à la faute d’une tierce personne. Ainsi, le tribunal ne pourrait retenir la responsabilité de la municipalité, bien qu’il y ait eu présence d’un piège, à moins que la preuve ne démontre qu’elle a été négligente dans l’entretien des lieux ou encore dans la conception de ceux-ci.[17]

[Nos soulignements, référence omise]

  1.            La Cour d’appel indique qu’en présence d’un piège, la responsabilité d’une personne ne sera engagée que si ce piège est le résultat d’une faute d’entretien ou de surveillance. Le Tribunal doit donc se questionner afin de déterminer si des moyens raisonnables ont été pris afin d’éviter qu’une situation dangereuse naisse ou perdure indûment.[18]
  2.            Éric Turcotte, responsable des terrains sportifs pour la Ville à l’époque pertinente, témoigne à l’audience.
  3.            Il indique que la Ville est chargée de l’entretien du terrain de soccer du Salésien: tonte de la pelouse, ensemencement, réparation des trous, arrosage, application d’engrais, lignage, etc. Il précise que la pelouse est tondue hebdomadairement, mais la tonte ne semble pas avoir été faite à proximité des ancrages des buts permanents dans les jours précédents l’Événement, vu la hauteur de l’herbe remontant plusieurs centimètres au-dessus de la plaque métallique sur les photographies prises le jour de l’Événement[19].
  4.            M. Turcotte confirme que la Ville est propriétaire du but en litige et que la position de l’ancrage lors de l’Événement, visible sur les photographies produites au dossier de la Cour, était dangereuse. Il explique que lorsque les ancrages d’un but permanent sortent du sol, l’utilisation d’un tracteur est nécessaire pour replacer le but de façon sécuritaire.
  5.            M. Turcotte indique que la Ville effectue une inspection complète du terrain de soccer à quatre ou cinq reprises chaque année : inspection des buts, des filets, des ancrages, des gradins et des clôtures. Cependant, selon ses vérifications, lors de l’Événement, la dernière inspection du terrain de soccer du Salésien remontait au 14 mai 2022, à savoir quatre mois avant l’Événement. Il indique qu’il y a peut-être eu une autre inspection au cours de la saison estivale, mais qu’il l’ignore et ne peut en faire la preuve.
  6.            Or, Guy Smith[20], un autre témoin de la Ville entendu à l’audience, indique que le terrain de soccer du Salésien est surutilisé et que la qualité du terrain en est affectée.
  7.            Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que l’omission de la Ville d’inspecter le terrain et les buts à une fréquence raisonnable pendant la période estivale, alors que le terrain est surutilisé, constitue une faute génératrice de responsabilité civile.
  8.            Les ententes intervenues entre la Ville et le Salésien, relativement à la responsabilité ultime des dommages survenant sur le terrain de soccer, ne sont d’aucune pertinence face à Thomas, qui est étranger à celles-ci.
  1. Le Salésien a-t-il commis une faute dans le cadre de la surveillance de Thomas et des équipements de soccer se trouvant sur son terrain, le rendant directement responsable de la blessure subie par Thomas?
  1.            Le Tribunal conclut que le Salésien a commis une faute en permettant à ses élèves de jouer au soccer sur son terrain, alors qu’aucune vérification n’est faite quant à la sécurité des équipements sportifs sur place.
  2.            Comme la Ville, le Salésien a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à lui, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui[21].
  3.            Selon l’auteur Benoît Leduc[22], régulièrement cité par les tribunaux[23], l’école a l’obligation de fournir du matériel et des locaux sportifs sécuritaires et adéquats.
  4.            Lors de l’Événement, Thomas se comporte de la façon attendue d’un gardien de but de soccer, dans le cours normal d’un échauffement. L’évaluation du risque doit être faite par le propriétaire des lieux et non par les utilisateurs[24], surtout s’il s’agit de personnes d’âge mineur.
  5.            La directrice générale du Salésien, Nathalie Marceau, indique à l’audience que la blessure de Thomas survient en raison d’un manque de surveillance et d’entretien du but appartenant à la Ville. Dès que le Salésien constate le problème, il retire le but du sol pour éviter son utilisation et avise la Ville, afin qu’elle vienne corriger la situation.
  6.            Mme Marceau indique que bien que le Salésien offre une option soccer et permette l’utilisation des terrains de soccer et des buts pendant les heures d’école et les pauses, parfois sans surveillance, il n’existe aucune règle au Salésien quant à la vérification du caractère sécuritaire des installations par le personnel de l’école.
  7.            Puisque lors de l’Événement, le 15 septembre 2022, l’année scolaire débutait, Mme Marceau indique que les équipements n’avaient probablement pas été vérifiés par l’école. Il est possible que certains enseignants fassent une tournée de vérification au début des entrainements de soccer, mais le Salésien n’est pas en mesure d’en faire la preuve.
  8.            En permettant aux élèves de jouer au soccer sur son terrain sans que la sécurité des équipements ait été vérifiée, le Tribunal conclut que le Salésien n’a pas pris les précautions raisonnables de surveillance et de sécurité de son terrain de soccer et de ses élèves.
  9.            Le fait que la Ville soit propriétaire des buts permanents et ait convenu d’entretenir le terrain de soccer du Salésien ne dégage pas l’école de sa responsabilité face à ses élèves.
  1. Si la responsabilité de la Ville et du Salésien est engagée, quel doit être le partage de responsabilité entre ces parties?
  1.            La responsabilité de la Ville et du Salésien est partagée en parts égales, à 50%, mais pour valoir entre ces parties seulement, puisque leur obligation d’indemnisation est solidaire face à Thomas.
  2.            En effet, l’article 1526 C.c.Q. prévoit que lorsque deux personnes commettent une faute extracontractuelle, comme dans le cas qui nous occupe, l’obligation de réparer le préjudice est solidaire.
  3.            La date de la demeure retenue pour les conclusions du présent jugement est le 11 juin 2023, date à laquelle le Salésien est en demeure, puisque la mise en demeure transmise vaut également à l’égard de la Ville, à titre de débiteur solidaire[25].
  4.            Le premier alinéa de l’article 1478 C.c.Q. indique que lorsque le préjudice est causé par plusieurs personnes, la responsabilité se partage entre elles en proportion de la gravité de leur faute respective.
  5.            À la lumière de ses conclusions aux deux premières questions en litige, le Tribunal ne peut conclure que la faute de la Ville est plus ou moins grave que celle du Salésien. Il s’agit de fautes équivalentes.
  6.            Tant la Ville que le Salésien plaident qu’en vertu des ententes contractuelles intervenues entre eux, leur responsabilité ne devrait pas être ultimement engagée.
  7.            Un bail emphytéotique est intervenu entre le Salésien, à titre de bailleur, et la Ville, à titre de preneur, le 7 novembre 1988[26] pour une durée de 50 ans (le « Bail »). Ce Bail indique ce qui suit:

Article 7.02 – Le [Salésien] accorde par les présentes [à la Ville] priorité d’utilisation du terrain de [soccer] adjacent aux lieux loués (…) de la fin juin à la fin août de chaque année, soit pendant les vacances scolaires.

Article 7.03 – Les parties s’engagent expressément à conclure annuellement une entente quant à l’entretien et à l’usage du terrain de [soccer] adjacent. Les lieux loués seront entretenus par [la Ville].

Article 12.01 – Le [Salésien] ne sera pas responsable directement ou indirectement concernant toutes pertes, dommages ou blessures provenant ou résultant ou subies en raison de l’occupation des lieux loués par [la Ville], sauf pendant les périodes où le [Salésien] utilise ou occupe les lieux à ses fins, et le [Salésien] devra le cas échéant, indemniser [la Ville] et prendre son fait et cause advenant toute réclamation sur telles pertes ou dommages.

Article 12.02 – [La Ville] ne sera pas responsable directement ou indirectement concernant toutes pertes, dommages ou blessures provenant ou résultant ou subies en raison de l’occupation du terrain de [soccer] par [le Salésien], sauf pendant les périodes où [la Ville] utilise ou occupe les lieux à ses fins, et [la Ville] devra le cas échéant, indemniser le [Salésien] et prendre son fait et cause advenant toute réclamation sur telles pertes ou dommages.

[Nos soulignements]

  1.            La Ville plaide que l’article 12.02 du Bail l’exempte de toute responsabilité en l’espèce, puisque lors de l’Événement, c’est le Salésien et non la Ville qui occupe les lieux.
  2.            Le Tribunal ne partage pas l’opinion de la Ville et ne croit pas que cet article puisse s'appliquer dans le présent cas pour l’exempter de toute responsabilité face au Salésien, vu sa négligence dans l’entretien du terrain de soccer et de ses buts.
  3.            Thomas n’a pas subi des dommages « en raison de l’occupation du terrain » par le Salésien, mais à l’occasion de l’occupation du terrain de soccer par le Salésien, en raison d’une mauvaise installation du but, appartenant à la Ville et entretenu par celle-ci.
  4.            Par ailleurs, la clause suivante apparaît dans une convention intervenue entre le Séminaire et la Ville le 14 février 2014[27]:

Article 8 – RESPONSABILITÉ

Le [Salésien] ne pourra être [tenu] responsable directement ou indirectement de tous les accidents, pertes, dommages et blessures survenant sur les Aménagements pendant la durée de la présente convention. La Ville s’engage à prendre fait et cause pour le [Salésien] advenant toute demande, réclamation ou poursuite intentée contre elle relativement à la survenance de l’un des événements précités, à moins qu’il ne soit prouvé, que ceux-ci résultent directement de la faute ou négligence du [Salésien], de ses employés ou mandataires.

  1.            Cette clause n’est pas utile dans le présent dossier, puisque le terrain de soccer n’est pas compris dans les « Aménagements » décrits à la convention; ce terme réfère plutôt à un sentier et à un parc récréatif. De plus, le Tribunal a déjà indiqué qu’il considérait que les dommages résultaient de la négligence du Salésien et de la Ville.
  2.            Finalement, le Salésien et la Ville ont conclu une entente en 2019[28], concernant l’utilisation des plateaux sportifs du Salésien.
  3.            Contrairement à ce que prétend la Ville, même si cette entente ne prévoit que le lignage et l’entretien du terrain de soccer par la Ville, sans indiquer la responsabilité de cette dernière pour l’entretien et la fourniture des buts, la Ville n’est pas exemptée de responsabilité.
  4.            La preuve non contredite établit que la Ville était bel et bien propriétaire du but en litige et responsable de son entretien, peu importe l’absence de convention écrite à ce sujet.
  1. Quelle somme doit être octroyée à Mme Couture pour les dommages subis par Thomas à la suite de l’incident?
  1.            Le Tribunal considère que Mme Couture a rempli son fardeau de démontrer que son fils avait subi des dommages d’une valeur de 15 000 $, causés directement par les fautes de la Ville et du Salésien.
  2.            À l’audience, Mme Couture renonce formellement à réclamer des dommages non pécuniaires à titre personnel et limite les dommages réclamés pour Thomas aux sommes suivantes[29] :
    1.      657,45 $ pour les frais de l’expertise en chirurgie plastique et esthétique, tel qu’il appert de la facture datée du 8 mai 2023[30];
    2.      151,25 $ pour les frais d’ambulance du 15 septembre 2022, tel qu’il appert de la facture émise par la Coopérative de travailleurs d’ambulance de l’Estrie[31];
    3.      510,30 $ pour les frais relatifs à 21 déplacements entre le CSSS-IUGS et le domicile de Mme Couture[32] pour les rendez-vous de soins de plaie de Thomas, tel qu’il appert des notes d’évolution colligées par le CSSS-IUGS[33];
    4.      229,95 $ pour les frais payés pour l’inscription de Thomas à la saison d’automne de hockey de terrain, tel qu’il appert de la facture émise par Progym Fitness le 26 août 2022[34], considérant que Thomas ne peut plus pratiquer ce sport pendant cette saison;
    5.      13 451,05 $[35] pour le préjudice non pécuniaire subi par Thomas, considérant l’expertise du Dr Frédéric Croteau, chirurgien plastique et esthétique, établissant le déficit anatomophysiologique global de Thomas à 4% (le « DAP »)[36].
  3.            Tous les montants des pertes pécuniaires ont été établis par une preuve non contestée.
  4.            En ce qui a trait à la somme réclamée pour le préjudice non pécuniaire subi par Thomas, celle-ci apparaît raisonnable.
  5.            Pour en venir à cette conclusion, le Tribunal tient compte des DAP de 3% pour l’atteinte esthétique et de 1% pour l’atteinte sensitive, établis par un expert; de la durée des soins de plaie; des souffrances, douleurs et inconvénients décrits par Thomas et sa mère; de l’expectative de vie de Thomas; et des montants établis en jurisprudence à titre de dommages non pécuniaires au cours des dernières années pour des cas comparables[37].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.            ACCUEILLE la réclamation de la demanderesse Karine Couture, en sa qualité de tutrice à son fils mineur Thomas Beaudoin;
  2.            CONDAMNE solidairement la défenderesse Ville de Sherbrooke et le défendeur Séminaire Salésien à payer à la demanderesse Karine Couture, en sa qualité de tutrice de son fils mineur Thomas Beaudoin, la somme de 15 000 $ avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 11 juin 2023, date de la demeure;
  3.            CONDAMNE solidairement la défenderesse Ville de Sherbrooke et le défendeur Séminaire Salésien à payer à la demanderesse Karine Couture, en sa qualité de tutrice à son fils mineur Thomas Beaudoin, les frais de justice de 223 $;
  4.            DÉCLARE, pour valoir seulement entre la défenderesse Ville de Sherbrooke et le défendeur Séminaire Salésien, qu’ils doivent assumer chacun 50% de ces condamnations.

 

 

 

GENEVIÈVE CHAMBERLAND, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

30 janvier 2025

 


[1]  Cette option prévoit six entrainements de 90 minutes par cycle de 20 jours, pendant les heures de classe.

[2]  Communément appelé « deck hockey ».

[4]  Photographies numéros 1 et 2, prises par Jean Beaudoin, le père de Thomas, le 15 septembre 2022, pièce P-9.

[5]  Déclaration pour valoir témoignage de Rafaël Diorio, en date du 25 novembre 2023, pièce P-17.

[6]  Déclaration pour valoir témoignage de Caleb Gagner, en date du 8 novembre 2023, pièce P-18.

[7]  Déclaration de transport de la Coopérative des travailleurs d’ambulance de l’Estrie, pièce P-16.

[8]  Photographie numéro 8 prise par Shawn Whitlock, directeur de la vie étudiante et des sports au Salésien, le 15 septembre 2022, pièce P-9.

[9]  Extrait du dossier médical de Thomas colligé par le CIUSSS de l’Estrie-CHUS en date du 15 septembre 2022, pièce P-13.

[10]  Notes d’évolution colligées par le CSSS-IUGS du 29 septembre au 28 novembre 2022, pièce P-12.

[11]  Déclaration pour valoir témoignage de Francis Bilodeau, entraineur de hockey de terrain, en date du 4 avril 2024, pièce P-23.

[12]  Expertise du Dr Frédéric Croteau suivant l’examen effectué le 5 mai 2023, pièce P-14.

[13]  Considérant la mise en demeure datée du 31 octobre 2023 octroyant au Salésien un délai de 10 jours pour indemniser Thomas et ses parents et sa preuve de réception du 1er juin 2023, en liasse, pièce P-3. Cette mise en demeure donnait suite à une précédente correspondance datée du 18 novembre 2022, annonçant que les parents de Thomas considéraient le Salésien responsable des dommages subis à la suite de l’Événement, pièce P-1.

[14]  Mise en demeure et preuve de réception le 25 août 2023, en liasse, pièce P-5. Cette mise en demeure donnait suite à une précédente correspondance datée du 18 novembre 2022, annonçant que les parents de Thomas considéraient la Ville responsable des dommages subis à la suite de l’Événement, pièce P-2.

[15]  Incluant l’état, selon l’article 1376 C.c.Q.

[16]  Vincent KARIM, Les obligations - Volume 1 (art. 1371 à 1496 C.c.Q.), 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024, par. 3244.

[17]  Ibid., par. 3634.

[18]  Costco Wholesale c. Pominville, 2021 QCCA 1753, par. 12-13. Voir également la récente décision Alain c. Barnes, 2024 QCCS 1775, par. 60-62, appliquant ces principes en matière de responsabilité municipale.

[19]  Photographies numéros 4, 5, 6 et 7, prises par Shawn Whitlock, directeur de la vie étudiante au Salésien, le 15 septembre 2022, pièce P-9.

[20]  Agent professionnel notamment chargé d’accompagner les organismes partenaires de la Ville dans la gestion des installations sportives.

[21]  Article 1457 C.c.Q.

[22]  Benoit LEDUC, La responsabilité civile de l’école en matière d’éducation sportive, 1973 R. du B., 454, p. 460.

[23]  Voir notamment l’arrêt Lebeurier c. Station touristique de Bromont, 1999 CanLII 13373 (QC CA); ainsi que les décisions Charbonneau c. Commission scolaire des Portages-de-l'Outaouais, 2011 QCCS 5951; et Garceau c. Collège Jésus-Marie de Sillery, 2019 QCCS 5871.

[24]  Garceau c. Collège Jésus-Marie de Sillery, supra note 22, par. 296; et Émond c. Service correctionnel Canada, 2019 QCCS 4245, par. 249.

[25]  Article 1599 C.c.Q.

[26]  Pièces DV1 et DF02-1.

[27]  Pièce P-8.

[28]  Pièce DF002-1.

[29]  Procès-verbal de l’audience du 30 janvier 2025, 10 :26 :18.

[30]  Pièce P-14, p.1.

[31]  Pièce P-15.

[32]  Ce qui correspond à environ 45 kilomètres aller-retour, à 54 cents du kilomètre, ce qui est inférieur aux taux gouvernementaux prévus pour l’année 2022.

[33]  Pièce P-12.

[34]  Pièce P-10.

[35]  Cette réclamation avait été établie à 13 801,05 $ à l’audience, mais il s’agit d’une erreur de calcul. Le Tribunal utilise donc sa discrétion pour réduire cette réclamation à 13 451,05 $, afin que le montant total de la réclamation n’excède pas le seuil de compétence de 15 000 $ de la division des petites créances.

[36]  Pièces P-14 et P-24.

[37]  Voir notamment Lamontagne c. Chainey (Bazar du pneu), 2015 QCCQ 2313, dans laquelle une somme de 12 000$ est octroyée à un homme à la suite d’une morsure à la jambe, avec un DAP de 2 %; Ho c. Lee, 2022 QCCQ 5161, dans laquelle une somme de 13 000$ est octroyée à un enfant de 10 ans à la suite de morsures à une jambe, laissant une cicatrice visible; et Cantin c. Domaine Fossambault inc., 2016 QCCQ 12769, dans laquelle une somme de 25 000 $ est octroyée à un homme de 45 ans pour une lacération au pied, laissant un DAP de 5 %.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.