Section des affaires immobilières
En matière de fiscalité municipale
Référence neutre : 2021 QCTAQ 05341
Dossiers : SAI-M-300468-2009 / SAI-M-300470-2009
SÉBASTIEN CARON
c.
et
APERÇU
[1] Le Tribunal doit statuer sur un moyen d’irrecevabilité pour cause de hors délai, soulevé par la Ville de Montréal (Ville), à l’encontre de deux recours déposés par monsieur Jacques Nicolas. Ce dernier conteste l’évaluation inscrite au rôle triennal 2020 de deux de ses propriétés[1].
[2] La Ville fait valoir que M. Nicolas a déposé les demandes de révision (DDR) auprès de l’évaluateur municipal le 8 juin 2020, soit 39 jours après la date limite du 30 avril 2020[2].
[3] Si les DDR sont irrecevables, les recours devant le TAQ le sont tout autant[3].
[4] La version de M. Nicolas est différente. Il dit avoir déposé l’enveloppe contenant les DDR le 28 avril 2020, en la glissant sous la porte[4] de la réception du Service d’évaluation foncière de la Ville de Montréal (SEFVM), située au 6e étage du 255, boul. Crémazie Est, à Montréal.
[5] La Ville admet avoir récupéré l’enveloppe à cet endroit, mais le 8 juin 2020, et non le 28 avril. M. Nicolas était donc hors délai, selon elle.
[6] Si le Tribunal croit cette version de la Ville, M. Nicolas soulève un argument subsidiaire, soit que dans le contexte des mesures d’urgence sanitaire reliées à la pandémie de la Covid-19, un propriétaire ne devrait pas perdre un droit de contester l’évaluation foncière.
QUESTIONS EN LITIGE
[7] Le présent litige entre les parties soulève trois questions :
A. À quelle date ont été déposées les DDR?
B. La pandémie de la Covid-19 possède-t-elle les caractéristiques de la force majeure?
C. La survenance de la pandémie de la Covid-19 a-t-elle pour effet de libérer M. Nicolas de l’obligation de déposer sa DDR après le 1er mai 2020?
ANALYSE
1. La date du dépôt des DDR
[8] Une personne qui a un intérêt à contester une inscription au rôle peut déposer une DDR avant le 1er mai qui suit l’entrée en vigueur du rôle[5]. En cas de retard résultant d’une situation de force majeure, la DDR peut être déposée dans les 60 jours de la fin de cette situation[6].
[9] Au niveau du fardeau de preuve, il repose sur la partie qui soulève l’irrecevabilité[7].
[10] La Ville avait d’abord le fardeau de prouver avoir bel et bien transmis à M. Nicolas les avis d’évaluation et les comptes de taxes. Ce fardeau est rencontré par le témoignage de M. Marc Tremblay, responsable de la taxation au Service des finances de la Ville de Montréal. Avec de nombreuses pièces à l’appui[8], la preuve révèle que M. Nicolas a reçu les documents contenant les informations quant au délai pour déposer ses DDR. Cet élément n’est d’ailleurs pas contesté.
[11] Ensuite, pour faire la preuve que M. Nicolas a déposé ses DDR hors délai, la Ville fait témoigner Mme Annie Sauriol, cheffe de la section Saisie et enregistrement du SEFVM. C’est elle qui est responsable de tout ce qui touche aux opérations administratives.
[12] Mme Sauriol explique qu’entre la date de la fermeture forcée des bureaux du SEFVM, le 19 mars 2020[9], et la date limite du 30 avril 2020 pour déposer une DDR, plusieurs mécanismes étaient en place pour le faire, et ce, malgré les restrictions :
a) Dépôt par la poste : Il suffit de télécharger le formulaire de DDR sur le site Internet de la Ville pour l’obtenir et de le transmettre par la poste une fois rempli. Les frais peuvent être payés par chèque ou en indiquant un numéro de carte de crédit. Cette mesure existe depuis de nombreuses années.
b) Dépôt par courriel : Implantée suite à la déclaration d’urgence sanitaire et effective au début avril 2020, cette mesure permet de déposer une DDR en remplissant le formulaire en ligne et de le transmettre ensuite par courriel. Le paiement se fait alors par carte de crédit, au téléphone, avec un agent de bureau.
c) Dépôt en personne : Il était toujours possible de déposer sa DDR aux points de service, sans agent de bureau, mais le SEFVM ne l’a pas trop publicisé, pour éviter des déplacements et respecter les consignes sanitaires[10].
[13] Manifestement, la crise de la Covid-19 a engendré son lot de défis pour les entreprises et organismes qui ont dû adapter leurs façons de travailler pour maintenir leurs niveaux de services. Le SEFVM ne fut pas épargné, mais il a néanmoins réussi à maintenir différentes façons de déposer une DDR, malgré le contexte.
[14] D’ailleurs, la preuve révèle que sur les 3 400 DDR reçues à l’encontre du rôle triennal 2020, plus de 2 000 ont été déposées en avril 2020. Ce sont des données similaires aux DDR déposées au rôle triennal antérieur.
[15] C’est donc dire que, pour la grande majorité des propriétaires de l’île de Montréal, la pandémie n’a pas empêché le dépôt de leurs DDR.
[16] Pour s’assurer de recevoir toutes les DDR, incluant celles déposées dans les points de services, Mme Sauriol et son équipe faisaient quotidiennement la tournée des bureaux du SEFVM, afin de collecter les DDR déposées sur place.
[17] Mme Sauriol dit avoir elle-même fait la tournée des bureaux le 8 juin 2020, et avoir ramassé l’enveloppe contenant les deux DDR de M. Nicolas.
[18] Finalement, la Ville produit en preuve un enregistrement audio[11] d’un message de M. Nicolas laissé le 20 mai 2020 sur une boite vocale du SEFVM. On y entend ceci :
« (…) Je voulais voir pour la période de révision de rôle foncier, la date c’était le 31 mai 2020, je voulais voir si avec le Covid-19 la date pour déposer une demande est reportée (…) »[12]
[19] Pour l’avocat de la Ville, Me Pépin, cet enregistrement démontre clairement qu’au 20 mai 2020, les DDR ’avaient toujours pas été déposées au SEFVM.
[20] De son côté, M. Nicolas nie avoir laissé ce message le 20 mai 2020. Sans pouvoir le retracer dans ses relevés de téléphone, il dit avoir probablement logé cet appel en avril. Il est aussi d’avis que cet enregistrement, par ses propos, ne prouve aucunement qu’il soit hors délai.
[21] M. Nicolas témoigne sous serment avoir déposé les DDR le 28 avril 2020, donc avant la date limite. Il a glissé une enveloppe qui les contenait sous la porte de la réception du SEFVM, située au 6e étage de l’immeuble situé au 255, boulevard Crémazie Est.
[22] Pour corroborer sa version des faits, il fait entendre deux témoins :
a) Son neveu, M. Jad Chedid, qui l’a accompagné au SEFVM le 28 avril 2020 et qui dit l’avoir vu glisser les enveloppes sous la porte;
b) Sa conjointe, Mme Danal Atieh, qui a vu M. Nicolas et M. Chedid après le dîner, le 28 avril 2020, pour se diriger au SEFVM, déposer les DDR.
[23] M. Nicolas est en fait d’avis que la Ville cherche un prétexte pour rejeter ses DDR et qu’elle a changé son fusil d’épaule en cours de route. Correspondance à l’appui[13], il soumet que l’évaluatrice en charge de son dossier lui a laissé sous-entendre dans ses réponses que ses DDR étaient valides.
[24] De plus, M. Nicolas met en lumière un échange de courriels du 10 juin 2020 se trouvant dans le dossier administratif[14] et dans lequel l’évaluatrice Mme Caporicci et la préposée aux contestations Mme Rodi écrivent :
Courriel de Mme Caporicci :
« Y a t’il (sic) un moyen de vérifier les informations que le contribuable me donne.
Je viens de l'appeler pour lui signaler le hors-délai, il me dit qu'il a glissé l'enveloppe sous la porte du 6e étage le 28 avril vers 14h00.
Il me dit qu'il a croisé une personne qui lui a dit de glisser l’enveloppe à cet endroit, Il dit qu'il y avait une table mais il a préférer (sic) la glisser en dessous.
Est-il possible qu'on ai (sic) pas vu l'enveloppe ou c'est impossible?
Désolée pour le dérangement....ouffff l'enfer les hors-délai!! »
Courriel de Mme Rodi:
« Je ne pense qu'il a déposée ça le 28 avril je te reviens la dessus
je crois que c Annie qu’il là ramasser (sic) je te reviens la dessus demain. »[15]
[25] Le Tribunal en déduit simplement que, le 10 juin 2020, les membres du personnel du SEFVM ont voulu s’assurer de la date de dépôt des DDR de M. Nicolas. Après vérification, ils considèrent qu’elles ont été déposées le 8 juin 2020, et non le 28 avril.
[26] Au niveau du message laissé sur la boite vocale du SEFVM, la preuve prépondérante est à l’effet qu’il date bel et bien du 20 mai 2020. Le système informatique du SEFVM est conçu de manière à ce qu’un fichier numérique se crée et soit transmis automatiquement par courriel[16]. Or, le courriel date du 20 mai 2020.
[27] De son côté, M. Nicolas dit avoir logé cet appel en avril, mais ne peut se rappeler de la date exacte ni retracer l’appel dans son relevé de sa compagnie de cellulaire. C’est difficile à concevoir, aux yeux du Tribunal.
[28] Au niveau de son contenu, le message ne prête pas à interprétation. Manifestement, M. Nicolas n’avait toujours pas déposé ses DDR lorsqu’il a laissé ce message sur la boite vocale du SEFVM. S’il croyait que la date limite pour les déposer était le 31 mai, et non le 30 avril, cela se justifie. Même s’il insiste à l’audience pour dire qu’il connait très bien la date limite du 30 avril, son message laisse croire le contraire.
[29] Même si M. Nicolas se dit prêt à étudier les bandes vidéo des caméras de surveillance du 28 avril 2020, bandes qui sont la propriété du gestionnaire de l’immeuble et non du SEFVM, afin de corroborer sa version des faits, cela ne convainc pas le Tribunal.
[30] Certes, il aurait été préférable que le SEFVM, en permettant de déposer des DDR aux points de service, en l’absence d’agents de bureau, installe une estampilleuse de dates, de type horodateur, qui permet d’inscrire une preuve de la date du dépôt. Cet outil fort simple permet d’éviter ce genre de situation. Bien que souhaitable, ce n’est pas suffisant, en soit, pour invalider la procédure mise en place par le SEFVM.
[31] Par ailleurs, les témoignages de M. Nicolas et ses deux témoins, M. Chedid et Mme Atieh, ne convainquent pas le Tribunal. Les explications des témoins manquent de conviction et ne rencontrent pas le niveau de force probante requise pour contredire le reste de la preuve, dont l’enregistrement audio et le témoignage de Mme Sauriol.
[32] Le Tribunal croit donc que la Ville a rencontré son fardeau de preuve et établit que les DDR de M. Nicolas ont été déposées le 8 juin 2020, soit en dehors du délai prévu.
[33] Dans ce contexte, le Tribunal doit analyser la seconde question en litige, soit l’argument subsidiaire de M. Nicolas relatif au contexte de la pandémie de la Covid-19.
2. La pandémie de la Covid-19 et les caractéristiques de la force majeure
[1] Si un propriétaire dépose une DDR en dehors des délais prévus et que la cause de ce retard résulte d’une situation de force majeure, la DDR peut tout de même être déposée, et ce, dans les 60 jours de la fin de cette situation[17].
[2] Le Code civil définit la force majeure comme un « événement imprévisible et irrésistible »[18]. Dans l’affaire Crédit Commercial de France[19], la Cour d’appel applique la règle qu’une situation de force majeure doit exclure la faute du débiteur, comme les auteurs[20] le suggèrent.
[3] Dans l’arrêt Atlantic Paper Stock Ltd[21], la Cour suprême du Canada écrit que le fil conducteur de la notion de force majeure est : « the unexpected, something beyond reasonable human foresight and skill. »
[4] La jurisprudence du TAQ[22] enseigne, de son côté, que pour se qualifier de force majeure, il faut réunir quatre critères, soit l’imprévisibilité, l’irrésistibilité, la non-imputabilité et l’impossibilité d’exécution. Cette exigence est confirmée par les tribunaux d’appel[23].
[5] Au niveau du critère de l’imprévisibilité, le propriétaire qui veut déposer sa DDR doit démontrer non seulement qu'il n’a pas effectivement prévu l’évènement, mais encore que celui-ci n’était pas normalement prévisible[24]. L’analyse de l’imprévisibilité se fait en fonction de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances[25].
[6] Au niveau du critère de l’irrésistibilité, il implique un évènement inévitable et insurmontable. Les auteurs Lluelles et Moore écrivent qu’en ce qui concerne l’irrésistibilité, « le débiteur doit établir que l'événement a rendu absolument impossible l'exécution de l'obligation, non pas pour lui seul, mais pour quiconque. »[26]
[7] Suite à l’annonce du 11 mars 2020 de l’Organisation mondiale de la santé que le monde fait face à une pandémie de la covid-19, et devant la montée d’infections au coronavirus au pays, le gouvernement du Québec y répond par diverses mesures (les mesures) adoptées en vertu de l’article 118 de la Loi sur la santé publique[27], dont :
Ø Décret n° 177-2020 du 13 mars 2020[28] : la déclaration d’urgence sanitaire implique notamment la fermeture des écoles et des CPE, ainsi que limitations aux rassemblements intérieurs;
Ø Décret n° 223-2020 du 24 mars 2020[29] : la déclaration d’urgence sanitaire implique la suspension de toute activité effectuée en milieu de travail, sauf si jugée prioritaire.
[8] Il importe d’avoir toujours en tête que ces mesures, renouvelées à multiples reprises et toujours en vigueur au moment d’écrire cette décision, visent à faire face à une pandémie qui « constitue une menace réelle grave à la santé de la population »[30].
[9] À partir de la fin mars 2020, l’effet de la Covid-19 est bien réel pour des milliers de travailleurs et d’entrepreneurs : ils doivent suspendre leurs activités. Le gouvernement leur ordonne de fermer leurs places d’affaires. Le SEFVM ferme les siens le 19 mars 2020.
[10] Dans le contexte de la crise de la Covid-19, il est donc justifié, de l’avis du Tribunal, de recourir à l’argument de la force majeure.
[11]
D’ailleurs, dans l’affaire Hengyun[31], le juge
Kalichman de la Cour supérieure, aujourd’hui à la Cour d’appel du Québec, reconnaît que le décret 223-2020 en lien
avec la Covid-19 est un
événement imprévisible et irrésistible, donc de force majeure, qui empêche le
locataire, un centre de conditionnement physique, de profiter de la jouissance
paisible des lieux loués. En se fondant sur l’article
[12] Le parallèle existe aussi en matière de baux résidentiels. Le 17 mars 2021, le Tribunal administratif du logement (TAL) a condamné un locateur d’un immeuble prestigieux à rembourser l’équivalent de 150 $ par mois en loyer pour la perte, causée par la pandémie de la Covid-19, des services tels que piscine intérieure, gymnase, billard avec écran géant, terrasse avec BBQ et salon pour invités. Suite aux mesures, le locateur fut contraint de fermer l’accès à ces services et la juge Santinori du TAL est d’avis que la pandémie doit être assimilée à un cas de force majeure[32].
[13] L’imprévisibilité, l’irrésistibilité, la non-imputabilité et l’impossibilité d’exécution découlant des mesures prises contre la Covid-19 ne font aucun doute, au niveau de sa survenance et de ses effets.
[14] Mais qu’en est-il de l’empêchement réel d’exécuter l’obligation d’une manière absolue[33]? C’est ici que le contexte factuel de chaque dossier prend son importance.
3. La Covid-19 a-t-elle pour effet de libérer M. Nicolas de l’obligation de déposer sa DDR avant le 1er mai 2020?
[15] Le Tribunal étant d’avis que la pandémie de la Covid-19 possède les caractéristiques de la force majeure, il reste à décider si l’événement invoqué est tel « qu’il empêche l’exécution de l’obligation d’une manière absolue »[34].
[16] Chaque cas est un cas d’espèce, car la force majeure peut moduler les obligations des parties en fonction du contexte factuel. La justification du retard à déposer une DDR basée sur la crise de la Covid-19 doit s’analyser en fonction de la force probante de la preuve soumise.
[17] Au niveau du fardeau de preuve, il repose sur la partie qui soulève l’irrecevabilité du recours pour cause de hors délai[35].
[18] Or, la Ville a démontré que les avis d’évaluation et les comptes de taxes ont été transmis[36] et si M. Nicolas affirme sous serment avoir déposé ses DDR le 28 avril, le Tribunal retient qu’elles l’ont été le 8 juin 2020.
[19] Dans une telle situation, M. Nicolas doit prouver que la situation de force majeure a rendu absolument impossible l’envoi des DDR avant la date limite du 30 avril 2020.
[20] Manifestement, certaines personnes, entreprises et certains organismes publics ont pu s’adapter rapidement au contexte de la Covid-19. D’autres non.
[21] La seule exception prévue dans la LFM pour déposer une DDR hors délai est le cas de force majeure. Il s’agit d’un concept exigeant et sévère, difficile à rencontrer, qui s’inscrit dans une perspective d’immuabilité du rôle et de stabilité des finances municipales[37].
[22] Dans S.E.C. Sterling Immeubles[38], le Tribunal devait décider de la recevabilité d’un recours dans un contexte de la Covid-19, où le témoin et au moins un autre employé passaient au bureau à l’occasion et en profitaient souvent pour y travailler quelques heures. La juge Charest du TAQ écrit que si l’imprévisibilité et l’irrésistibilité du confinement découlant de la pandémie ne font aucun doute, elle n’est pas convaincue que la requérante était dans l’impossibilité d’agir : « Elle avait la responsabilité d’aller au-delà des moyens ordinaires de diligence. Il ne suffit pas que l’événement rende l'exécution simplement plus difficile, plus périlleuse ou plus coûteuse. »
[23] Dans une autre affaire récente[39], le juge Séguin du TAQ est d’avis que la requérante, en déposant sa DDR le 4 mai 2020, se trouvait hors délai, car même s’il y a eu des discussions pour repousser l’échéance du 30 avril 2020 en raison de la pandémie, ce ne fut pas le cas et l’évaluateur de la municipalité a rappelé souvent à la propriétaire la date limite pour déposer sa DDR.
[24] Comme l’ensemble des propriétaires fonciers de l’ile de Montréal, M. Nicolas a reçu plusieurs documents de la Ville l’informant de la date limite du 30 avril 2020 pour déposer sa DDR. Dans les circonstances, le Tribunal juge que M. Nicolas n’a pas démontré qu’il a agi avec diligence pour déposer ses DDR.
[25] Certes, il déplait au Tribunal de devoir considérer que dans de telles circonstances, un propriétaire doive renoncer à son droit de contester l’évaluation foncière de son immeuble, et ce, même s’il aura l’occasion de le faire lors du prochain rôle, en 2023.
[26] Comme l’écrit le juge Huppé dans l’affaire Boisclair c. Oxfam-Québec[40], la déclaration d’urgence sanitaire entraîne de profonds bouleversements dans le fonctionnement régulier de la société. Cela constitue une circonstance exceptionnelle pour tous les citoyens. Il poursuit : « Lorsqu’il apprécie la conduite des parties à un litige et de leurs avocats, le tribunal doit tenir compte que la vie sociale tout entière est affectée par la crise actuelle et que les justiciables sont alarmés quotidiennement par la lutte contre la pandémie. »
[27] À l’audience, M. Nicolas tente d’illustrer ces bouleversements en exposant avoir reçu du SEFVM, par erreur, un document qui concerne une autre unité, propriété d’un tiers. Le Tribunal comprend l’argument, mais cela ne peut justifier le dépôt d’une DDR hors délai.
[28] M. Nicolas n’a présenté aucune preuve à l’effet que la pandémie de la Covid-19 était, pour lui, un évènement l’empêchant de déposer ses DDR dans les délais.
[29] Dans les circonstances, le Tribunal doit accueillir la requête en irrecevabilité de l’intimée, mais sans frais.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE la requête en irrecevabilité de la Ville de Montréal;
REJETTE les recours.
|
SÉBASTIEN CARON, j.a.t.a.q. |
[1] Propriétés portant les numéros de matricule 9345-38-3917-2 (évaluation contestée : 1 422 400 $) et 9345-28-4256-5 (évaluation contestée : 428 900 $).
[
[3] Article
[4] À cette date, les bureaux du SEFVM étaient fermés en raison des mesures entourant la Covid-19.
[5] Articles
[6] Article
[7] Michel
Daoust c. Municipalité de Mayo et MRC de Papineau,
[8] Pièces I-1 à I-12.
[9] Même si ce n’est qu’à partir du 24 mars 2020 que le gouvernement du Québec a ordonné la suspension de toute activité effectuée en milieu de travail, sauf si jugée prioritaire (Décret n° 223-2020), la Ville de Montréal a demandé la fermeture des lieux de travail de ses employés le 19 mars 2020.
[10] Témoignage de Mme Sauriol.
[11] Pièce I-14.
[12] Transcription du Tribunal.
[13] Pièce R-6.
[14] Pièce R-8, page 13.
[15] Transcription du Tribunal.
[16] Témoignage de Mme Sauriol.
[17]
Article
[18]
Article
[19]
C.U.M. c. Crédit Commercial de France et
als.,
[20] Jean PINEAU, Danielle BURMAN & Serge GAUDET, Théorie des obligations, 3e éd., Montréal, Édition Thémis, 1996, no. 475, p. 679; Jean-Louis BAUDOUIN & Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 5e éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, 1998, no. 569, p. 372.
[21] Atlantic Paper Stock
Ltd. c. St.
Anne-Nackawic Pulp & Paper Co., 1975 CanLII
170 (CSC),
[22] S.E.C. Sterling Immeubles c. Ville de
St-Jérôme,
[23]
Michalakoupoulos c. Ville de Montréal,
[24] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 7e éd. par P.-G. Jobin et Nathalie Vézina, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, n° 844.
[25] Vincent Karim, Les obligations, 4e éd., vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, n° 3237, p. 1387.
[26] Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Éd. Thémis, 2018, n° 2737.
[27] R.L.R.Q., c. S-2.2.
[28] (2020) 152 G.O.Q. Partie 2, page 1101A.
[29] (2020) 152 G.O.Q., Partie 2, page 3607B.
[30] 2e et 3e attendus des décrets 177-2020 et 223-2020.
[31]
Hengyun
International Investment Commerce Inc. c. 9368-7614,
[32]
Bigeault c. 9891200 Canada inc.,
[33] Les obligations, 7e éd., supra note 13, n° 846.
[34] Beaudouin, J.-L. et P.-G. Jobin, Motifs d’exonération, Les Obligations, 6e éd. Les Éditions Yvon Blais, 2005, cité par le TAQ dans l’affaire Casgrain c. Ville de Lévis, supra note 10.
[35] Michel
Daoust c. Municipalité de Mayo et MRC de Papineau,
[36] Pièces I-1 à I-13 et témoignage de M. Marc Tremblay, responsable de la taxation au Service des finances.
[37] C.U.M. c. Crédit commercial de France, précité note 19, par. 28, 29 et 35; cité dans Gesther Inc. c. Ville de Trois-Rivières, 2017 CanLII 29118 (QC TAQ), par. 26.
[38] S.E.C. Sterling Immeubles c. Ville de St-Jérôme, supra note 22, par. 53. Dans cette affaire, le Tribunal rappelle qu’en matière de force majeure, il ne suffit pas de démontrer qu’on a agi avec une diligence raisonnable; il faut prouver qu’on a été dans l’impossibilité d’agir. Or, le fait qu’il aurait été possible pour le témoin de contacter la personne responsable de la comptabilité pour qu’elle lui indique où trouver le compte de taxes, ou son avocat pour s’assurer de préserver ses droits, convainc le Tribunal, dans cette affaire, que le recours devenait irrecevable.
[39] Kimberly Paiement c. Municipalité de Pontiac, 2021 QCTAQ 01509.
[40]
AVIS :
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