Abicidan c. Apple Canada inc.

2025 QCCS 2835

 

COUR SUPÉRIEURE

(Action collective)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

montréal

 

No :

500-06-001328-240

 

 

 

DATE :

5 août 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SYLVAIN LUSSIER, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

LEA ABICIDAN

 

Demanderesse

c.

 

APPLE CANADA INC.

et

APPLE INC.

 

Défenderesses

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR AUTORISATION D’EXERCER UNE ACTION COLLECTIVE

 

 

LE CONTEXTE

  1.           Apple[1] peut-elle refuser de remplacer un iPhone endommagé par l’eau alors que son vice-président marketing affaires mondiales publie une vidéo sur YouTube vantant la résistance à l’eau d’un iPhone plongé en piscine pendant trente minutes? On pourrait penser que non.
  2.           C’est la question à laquelle le Tribunal doit répondre à l’étape de l’autorisation d’une action collective.

Les représentations d’Apple

  1.           Apple Inc. est une société basée à Cupertino en California, qui conçoit, fabrique et vend des produits technologiques tels le iPhone.
  2.           Apple Canada Inc. est une filiale d’Apple Inc. qui distribue et assure le service pour les produits Apple au Canada[2].  
  3.           Sur son site web, ainsi que dans ses boutiques Apple, Apple utilise l’image d’une goutte d’eau et déclare: “the iPhone 15 is “Remarkably resistant” and “water resistant”, et, en français : “Tellement résilient” and “résiste à l’eau[3].

  1.           Le 18 septembre 2018, Phil Schiller, “Senior VP of Worldwide Marketing at Apple”, a fait devant un parterre rempli une présentation du nouveau iPhone d’Apple et a expliqué que celui-ci avait reçu une « certification IP68 » et ce que cela voulait dire[4]. Cette présentation a été mise en ligne. Une transcription de ces propos révèle:

iPhone XS comes in three finishes, gold, silver, and space gray. They are beautiful, and they’re protected from dust and liquids to an even higher level now. IP68, that means it’s protected to two meters for up to 30 minutes. So if you happen to be hanging by the pool, drop your phone in the water, don’t worry. Dive down, grab it, rinse it, let it dry, you’ll be fine.

And the team tested it in my different liquids, in chlorinated water, salt water, orange juice, tea, wine, even beer. This is some of the most fun, intense testing we get to do at Apple.[5]

(Le Tribunal souligne et rajoute les caractères gras)

  1.           En fond de scène, sur grand écran, on voit un jeune homme plonger dans le fond d’une piscine pour récupérer son iPhone. On y voit également trois jeunes hommes s’éclabousser de bière avec leurs iPhones.
  2.           Apple a continué à publiciser la résistance de son iPhone à l’eau lors de l’évènement annuel du 10 septembre 2019. On voit sur la vidéo en écran géant un iPhone soumis à des jets d’eau[6].
  3.           Au cours du même évènement annuel de 2020, Apple a décrit ses iPhones comme étant “oops resistant”. On voit sur les vidéos des iPhones éclaboussés par du liquide provenant de verres accidentellement renversés[7].
  4.       Lors de l’évènement annuel du 14 septembre 2021, on peut voir Tim Cook, président directeur général (CEO) d’Apple, devant des images d’eau giclée sur iPhone, déclarer que son iPhone “has industry leading IP68 water resistance[8].

Le iPhone de la demanderesse

  1.       Le 7 décembre 2023, l’entreprise du père de la demanderesse, Les diamants KB Inc., a acquis un iPhone 15[9]. Celle-ci a ensuite cédé le portable à la demanderesse Léa Abicidan[10].
  2.       Le 16 août 2024, la demanderesse se trouvait à Cancún au Mexique, près d'une piscine, quand son iPhone 15 entra en contact avec un peu d'eau. Quelques minutes plus tard, la demanderesse s'est rendu compte que son iPhone ne fonctionnait plus.
  3.       La demanderesse allègue[11] que son iPhone n'a pas été immergé et que seules quelques gouttes d’eau sont entrées en contact avec lui.
  4.       Le 22 août 2024, la demanderesse s'est rendue à la boutique Apple sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, et a expliqué la situation au préposé d’Apple, et lui a demandé de réparer son iPhone. Celui-ci a examiné son iPhone quelques secondes, et l’a informée qu’Apple refusait de réparer l'iPhone à cause du dommage causé par l'eau.  
  5.       En effet, la garantie conventionnelle d’Apple exclut des dommages couverts ceux qui sont dus au « contact d’un liquide.[12] »
  6.       Le 22 août 2024, le père de la demanderesse a contacté le service à la clientèle d’Apple par téléphone, répétant ce qui précède et a demandé qu’Apple répare ou remplace le iPhone de sa fille sans frais. Apple a de nouveau refusé.
  7.       La demanderesse allègue que le préposé d’Apple a répondu que le iPhone était comme une télévision, et que les manufacturiers de téléviseurs ne réparent pas les télévisions qui ont été abimées par l’eau. 
  8.       Signalons que l’on peut répondre à cet argument que les manufacturiers de téléviseurs ne font pas leur publicité en plongeant celles-ci dans les piscines.
  9.       Pendant cet appel, la représentante d’Apple a affirmé que le iPhone “comes with a 1-year limited warranty, but it doesn’t cover accidental damage” et que “liquid damage is considered to be accidental”.
  10.       Elle a affirmé que “she was the highest point of contact” of telephone support (“senior advisor”) et a encouragé le père de la demanderesse à « prendre action » s’ils n’étaient pas satisfaits de sa réponse[13].
  11.       Pourtant, si on visite le site web d’Apple, en date du présent jugement, on peut y voir [14]:

« À propos de la résistance aux éclaboussures, à l’eau et à la poussière de votre iPhone. Et découvrez comment procéder si votre iPhone est mouillé par accident.

Ces modèles d’iPhone sont résistants aux éclaboussures, à l’eau ainsi qu’à la poussière, et ont été testés dans des conditions contrôlées en laboratoire :

Learn about splash, water, and dust resistance on your iPhone. And learn what to do if your iPhone gets wet accidentally.

These iPhone models are splash, water, and dust resistant and were tested under controlled laboratory conditions:

  • iPhone 15
  • iPhone 15 Plus
  • iPhone 15 Pro
  • iPhone 15 Pro Max

(Le Tribunal souligne)

  1.       La liste comprend en fait des iPhones allant du numéro 7 au 16.
  2.       La demanderesse soutient que la publicité d’Apple est trompeuse.
  3.       La demanderesse demande au Tribunal d’autoriser une action collective au nom du groupe suivant :

Class:

All natural and legal persons in Quebec who purchased, acquired, owned or leased an Apple iPhone advertised as water-resistant to a depth of 1 to 6 metres and for up to 30 minutes (iPhone 7 models and later);

or any other Class to be determined by the Court;

Groupe :

Toutes les personnes physiques et morales au Québec qui ont acheté, acquis, possédé ou loué un iPhone d’Apple annoncé comme étant résistant à l’eau jusqu’à une profondeur de 1 à 6 mètres et jusqu’à 30 minutes (modèles iPhone 7 et ultérieurs);

ou tout autre groupe à être déterminé par la Cour ;

 

  1.       Elle soutient qu’Apple a omis de dévoiler un fait important dans ses représentations, et qu’elle a refusé à tort de remplacer son iPhone.
  2.       Elle invoque les dispositions du Code civil du Québec[15], de la Loi sur la protection du consommateur[16] et de la Loi sur la concurrence[17].

QUESTIONS EN LITIGE

  1.       L’action collective devrait-elle être autorisée?
  2.       Si l’action est autorisée :
  1.      Quelle sera la description du groupe?
  2.      Quelles seront les questions en litige et les conclusions recherchées?
  3.      Dans quel district judiciaire procèdera-t-elle?
  1.       Pour les raisons qui suivent, le Tribunal estime que l’action doit être autorisée, tout en redéfinissant le groupe et les questions en litige proposées.

ANALYSE

  1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
  1.            L’autorisation d’exercer une action collective est accordée si chacun des quatre critères de l’article 575 C.p.c. est rempli. Cet article prévoit :

575. Le tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que :

1. les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

2. les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

3.  la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;

4. le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.

  1.            La Cour suprême et la Cour d’appel ont écrit abondamment au sujet des critères d’autorisation et les enseignements à tirer de ces jugements sont notamment résumés dans les arrêts Infineon[18], Vivendi[19], Oratoire Saint-Joseph,[20] et Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin.[21]
  2.            Au nom de la majorité, le juge Kasirer reprend, dans Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, ce qu’il faut en retenir :

[27]  Je propose donc de m’en tenir à l’état actuel du droit suivant les arrêts Infineon, Vivendi et Oratoire. Comme nous le savons, l’autorisation d’un recours collectif au Québec nécessite l’atteinte d’un seuil peu élevé. Une fois les quatre conditions énoncées à l’art. 1003 de l’ancien C.p.c. (maintenant l’art. 575 du nouveau C.p.c.) satisfaites, la juge d’autorisation doit autoriser le recours collectif; elle ne bénéficie d’aucune discrétion résiduelle lui permettant de refuser l’autorisation au prétexte que, malgré l’atteinte de ces quatre conditions, le recours ne serait pas le véhicule « le plus adéquat » (voir Vivendi, par. 67). Les questions de droit peuvent être résolues par un ou une juge d’autorisation lorsque le sort de l’action projetée en dépend, mais ce choix relève généralement de la discrétion du tribunal (voir Oratoire, par. 55). Ceci témoigne de la vocation de l’étape de l’autorisation du recours collectif : exercer une fonction de filtrage pour écarter les demandes frivoles, sans plus (voir Oratoire, par. 56, citant notamment Infineon, par. 61, 125 et 150). Enfin, il n’y a aucune exigence au Québec que les questions communes soient prépondérantes par rapport aux questions individuelles (voir Vivendi, par. 56-57). Au contraire, une seule question commune suffit si elle fait progresser le litige de façon non négligeable. Il n’est pas nécessaire que celle-ci soit déterminante pour le sort du litige (voir Vivendi, par. 58; Oratoire, par. 15).

  1.            Il est acquis que l’action collective vise tant l’indemnisation des victimes que la dissuasion de comportements répréhensibles. Ses principaux avantages demeurent « l’économie de ressources judiciaires, l’accès à la justice et la modification des comportements »[22].
  2.            À ces fins, une approche souple, libérale et généreuse, afin de faciliter l’exercice de l’action collective, doit être adoptée.
  3.            Il appartient au demandeur de démontrer que les critères de l’article 575 C.p.c. sont remplis. Son fardeau en est un de démonstration et non de preuve[23].
  4.            Il suffit pour le demandeur de présenter une cause ayant une apparence sérieuse de droit, c’est-à-dire une cause ayant une chance de réussite, sans nécessiter pour lui d’établir une possibilité raisonnable de succès[24]. Le mécanisme de filtrage ne doit empêcher que les « demandes frivoles »[25].
  5.            Lorsque plusieurs causes d’action indépendantes sont invoquées au soutien de la demande d’autorisation, le demandeur doit démontrer une apparence de droit pour chacune d’entre elles. Ainsi, la Cour doit évaluer séparément leur bien-fondé et n’autoriser que celles qui remplissent la condition[26].
  6.            Les faits allégués dans la demande d’autorisation sont tenus pour avérés à moins qu’une preuve non contredite ne démontre qu’ils sont faux.  Les faits allégués par la défense ne sont pas tenus pour avérés s’ils sont susceptibles d’être éventuellement contredits par le demandeur.[27]
  7.            Cependant, les faits allégués en demande ne peuvent être vagues et imprécis[28].
  8.            Le demandeur doit alléguer des faits suffisants permettant de soutenir la reconnaissance du droit revendiqué :[29]

[69]        Le juge autorisateur doit adopter, il est vrai, une démarche analytique souple, mais encore faut-il que les allégations de la requête ne participent pas uniquement de généralités. En effet, plus l’allégation est générale, moins les faits ressortent, et plus on court le risque de se rapprocher davantage de l’opinion. Bref, les allégations de fait doivent être suffisamment précises de manière à soutenir efficacement la reconnaissance du droit revendiqué et ainsi permettre au juge autorisateur d’en apprécier la suffisance

  1.            Ces considérations ont été reprises par le juge Brown dans l’arrêt Oratoire St-Joseph[30].
  2.            Les arguments présentés en plaidoirie ne peuvent suppléer à des allégations inexistantes ou insuffisantes : Perreault c. McNeil PDI inc..[31]
  3.            Enfin, le juge d’autorisation doit s’abstenir de trancher le fond de l’affaire en appréciant les faits. S’il s’agit d’une pure question de droit, le Tribunal a la discrétion, et non l’obligation, de la trancher :

« Les questions de droit peuvent être résolues par un ou une juge d’autorisation lorsque le sort de l’action projetée en dépend, mais ce choix relève généralement de la discrétion du tribunal.[32] »

  1.            En l’instance, les défenderesses ne font pas valoir d’arguments relativement aux critères 1 et 3 de l’article 575 C.p.c. qui sont, de l’avis du Tribunal, satisfaits. Elles soutiennent toutefois que le recours personnel de Mme Abicidan ne présente aucune apparence de droit et que les faits allégués ne justifient pas les conclusions recherchées.
  1. LES QUESTIONS IDENTIQUES SIMILAIRES OU CONNEXES
  1.            Dans l’arrêt Vivendi, la Cour suprême nous rappelle qu’une seule question commune suffit à satisfaire l’exigence du premier paragraphe de l’article 575 C.p.c. [33]:

« Ainsi, la seule présence d’une question de droit ou de fait identique, connexe ou similaire suffit pour satisfaire au critère énoncé à l’al. 1003a) C.p.c. sauf si cette question ne joue qu’un rôle négligeable quant au sort du recours ».

  1.            En l’instance, la question de la validité de l’exclusion du dommage causé par un liquide est commune à tous les membres du Groupe. Sa résolution fera indubitablement avancer, sinon régler le litige. Comme l’écrit la Cour d’appel dans Leduc c Elad Canada inc.[34]:

[20]        Or, en l’espèce, contrairement à ce que plaide les intimées, la question de la faute contractuelle permettra de faire progresser le litige. Il importe peu que les membres du groupe aient subi le même préjudice puisqu’une fois la question de la faute des intimées décidée, les parties auront réglé une partie non négligeable du litige. Le fait qu’une évaluation individuelle est requise pour déterminer l’étendue des dommages auxquels chacun des membres aura éventuellement droit ne doit pas faire obstacle à la demande d’autorisation à ce stade.

  1.            Comme énoncé précédemment, le Tribunal est satisfait que le critère de l’article 575 (1) C.p.c. est rempli.
  1. IMPORTANCE DU GROUPE
  1.            Il est allégué[35] que le préposé au magasin Apple aurait dit à la demanderesse que le problème des iPhones ayant cessé de fonctionner à cause d’un contact avec l’eau était courant et qu’il voyait des cas semblables « tous les jours ».
  2.            Le troisième critère de l’article 575 C.p.c. est rempli.
  1. L’APPARENCE DE DROIT
  1. La Loi sur la protection du consommateur
  1.      Contravention aux dispositions de la Loi
  1.            Les faits du présent dossier sont simples : Apple fait de la publicité voulant que ses iPhones soient « résistants à l’eau », au point où on peut les immerger trente minutes dans 6 pieds d’eau, mais refuse de couvrir les dommages résultant du contact avec l’eau, invoquant le texte des exclusions aux garanties contractuelles imposées à l’achat du iPhone [36]:

« La présente garantie ne sʼapplique pas : (a) aux pièces consommables, comme les batteries ou les revêtements protecteurs destinés à se détériorer avec le temps, sauf si le défaut est survenu en raison dʼun vice matériel ou de main-dʼoeuvre; (b) aux dommages cosmétiques, notamment les égratignures, le bossellement et le bris des pièces en plastique des ports, sauf si le défaut est survenu en raison dʼun vice matériel ou de main-dʼoeuvre; (c) aux dommages imputables à une utilisation avec une composante ou un produit tiers qui ne satisfont pas aux caractéristiques techniques des produits Apple (disponibles à www.apple.com/ca/fr/, dans les caractéristiques techniques de chaque produit, ainsi quʼen magasin); (d) aux dommages imputables à un accident, à un abus, à une mauvaise utilisation, à un incendie, au contact dʼun liquide, à un tremblement de terre ou à toute autre cause externe; (e) aux dommages imputables à une utilisation du produit Apple non conforme aux directives dʼApple; (f) aux dommages imputables à lʼentretien (y compris la mise à niveau et lʼextension) réalisé par toute personne qui nʼest pas un représentant dʼApple ou un fournisseur de services agréé Apple (« FSAA »); (g) à un produit Apple qui a été modifié pour changer sensiblement la fonctionnalité ou la capacité sans lʼautorisation écrite dʼApple; (h) aux défauts résultant dʼune usure normale ou du vieillissement normal du produit Apple; (i) lorsque le numéro de série du produit Apple a été retiré ou dégradé; (…) »

 

(Le Tribunal souligne)

  1.            Notons que le contact avec le liquide est accolé aux tremblements de terre.
  2.            Mme Abicidan est propriétaire d’un iPhone, encore couvert par la garantie conventionnelle, qui a été en contact avec l’eau et qui a cessé de fonctionner. Apple refuse de le réparer ou de l’échanger.
  3.            Apple a beau soutenir que les allégations de la demande sont vagues et imprécises, le Tribunal estime que les faits allégués sont clairs et précis et soutiennent une cause d’action, qui restera à définir.
  4.            On ne peut, à cette étape-ci du dossier, que constater que l’exclusion du contact avec l’eau de la garantie du iPhone est en totale contradiction avec la publicité d’Apple.
  5.            Apple fait grand cas de la certification IP68, obtenue à la suite d’essais rigoureux, qui établit selon elle, la résistance à l’eau de ses iPhones[37] :

 

[29] Indeed, this evidence will provide the Court with technical information regarding the meaning and extent of IP certifications and the water resistance testing standards they represent, thereby bearing directly on the Applicant’s claims of misleading advertisements at the authorization stage.

  1.            N’oublions pas que l’article 218 L.p.c. prévoit :

218. Pour déterminer si une représentation constitue une pratique interdite, il faut tenir compte de l’impression générale qu’elle donne et, s’il y a lieu, du sens littéral des termes qui y sont employés.

  1.            L’impression générale qui se dégage des présentations annuelles d’Apple est qu’un iPhone qui entre en contact avec l’eau va continuer à fonctionner. Ou comme dirait le Vice-président, « You’ll be fine! »
  2.            Quant au « sens littéral des termes qui y sont employés » la Cour suprême nos enseigne que « cette partie du texte de l’art. 218 L.p.c. vise à interdire aux commerçants de soulever une défense basée sur une signification subtile, technique ou alambiquée d’un mot utilisé dans une représentation. Le législateur a ainsi souhaité que l’on donne aux mots utilisés dans les représentations un sens conforme à celui qu’ils possèdent dans la vie quotidienne »[38].
  3.            Cela est-il suffisant pour décider qu’il y en l’espèce apparence de droit?
  4.            Les articles 37, 38, 41 et 43 de la L.p.c. prévoient :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.

43. Une garantie relative à un bien ou à un service, mentionnée dans une déclaration ou un message publicitaire d’un commerçant ou d’un fabricant, lie ce commerçant ou ce fabricant. Il en est de même d’une garantie écrite du commerçant ou du fabricant non reproduite dans le contrat.

  1.            Les article 261 et 262 L.p.c. prévoient par ailleurs :

261. On ne peut déroger à la présente loi par une convention particulière.

262. À moins qu’il n’en soit prévu autrement dans la présente loi, le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.

  1.       La professeure Nicole L’Heureux écrit dans son ouvrage Droit de la consommation:

« Le contrat de consommationne peut donc comporter une stipulation répudiant des représentations verbales ou écrites non reproduites au contrat. Le cas échéant, de telles stipulations seraient nulles et sans effet[39].

Les clauses d'exonération ou limitatives de responsabilité sont diverses; elles peuvent stipuler la non-garantie pure et simple, la limitation du montant de la garantie ou de l'obligation du vendeur ou du fabricant au remplacement des pièces, etc. En droit de la consommation, elles sont toutes frappées de nullité en raison de la présomption qu'elles sont imposées par un abus de puissance économique en n'étant pas véritablement négociées. La garantie conventionnelle est nécessairement supplétive »[40].

(Le Tribunal souligne)

  1.            L’auteur Luc Thibaudeau, aujourd’hui juge à la Cour du Québec, écrit au sujet de ces articles le texte suivant [41]:

795. Incorporation des déclarations et représentations des commerçants aux contrats conclus avec des consommateurs – Les obligations des commerçants visant à respecter le contenu de leurs déclarations et représentations ne se limitent pas aux contenus des contrats. Alors que l'article 40 L.p.c. vise l'écrit contractuel et énonce une obligation de livraison conforme à l'entente intervenue, les articles 41 à 43 L.p.c. ont pour effet d'incorporer les déclarations et les représentations des commerçants aux contrats conclus avec les consommateurs.

796. Attentes des consommateurs – Toute déclaration ou représentation d'un commerçant sur la qualité ou la durabilité d'un bien participe à la formation des attentes du consommateur qui se procure ce bien. Ces déclarations et représentations influencent sa décision, lui laissant croire qu'elles se réaliseront. L'obligation de délivrance ou l'exécution du service doivent être exécutées conformément à ces déclarations et représentations.

797. Obligation de conformité – L'article 41 L.p.c. énonce ainsi une obligation de conformité selon laquelle un bien ou un service fourni par le commerçant doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet. Cette obligation est similaire à celle énoncée à l'article 40 L.p.c. et les articles 40 et 41 L.p.c. sont souvent invoqués ensemble. La distinction entre les deux dispositions réside dans le fait que l'article 41 L.p.c. ne s'applique pas aux contrats, mais bien aux déclarations ou aux messages publicitaires faits au sujet d'un bien par un commerçant ou par un fabricant. La similitude entre les deux dispositions réside dans leur influence respective sur le contenu obligationnel du commerçant qui doit livrer ce bien. On peut penser que la déclaration de l'article 41 L.p.c. s'incorpore au contrat.

798. Les écrits s'envolent et les paroles restent ! – Le vieil adage « les paroles s'envolent et les écrits restent » est ainsi mis au rancart. Sous l'égide de la L.p.c., ce sont les paroles qui restent et qui peuvent avoir préséance sur les écrits contractuels. Le consommateur ne peut renoncer à ce privilège que lui confère la L.p.c.. À ce titre, la L.p.c. déroge au droit commun en permettant au consommateur de contredire, par preuve testimoniale et sans commencement de preuve, les termes d'un contrat. Il s'ensuit que l'entente contractuelle n'est pas limitée à ce qui est inclus au contrat. Cette entente reprend toutes les déclarations du commerçant ou du fabricant qui ont pu influencer la prise de décision du consommateur, qui lient toujours le commerçant et qui peuvent avoir des effets directs sur l'intensité de ses obligations. Toute stipulation contractuelle qui exclurait l'effet relatif de ces représentations est interdite. L'article 41 L.p.c., de concert avec l'article 42 et en vertu du caractère d'ordre public de ces deux dispositions, vise à protéger les intérêts des consommateurs et ainsi à redonner un certain équilibre aux rapports contractuels entre ceux-ci et les commerçants.

799. Garantie d'exactitude – En ce sens, l'article 41 L.p.c. énonce une garantie d'exactitude des déclarations et des messages publicitaires des commerçants et des fabricants, eu égard aux biens ou aux services qui sont offerts. Peu importe la manière dont ces déclarations ou messages sont faits et peu importe qu'ils soient écrits ou verbaux, elles lient ceux qui les ont faites. En plus de constituer une représentation, ces déclarations sont une garantie conventionnelle implicite qui rend le commerçant ou le fabricant redevable d'une obligation de résultat envers le consommateur à qui elles ont été faites.

810. Déclarations visées – Objet des représentations Le contenu des représentations d'un commerçant pouvant être intégré au contrat en vertu de l'article 41 L.p.c., il peut être utilisé pour déterminer l'ampleur ou l'intensité d'une obligation de garantie. En effet, lorsqu'elles sont analysées, on constate que plusieurs des représentations qui sont faites par les commerçants et les fabricants ont trait à l'usage qui peut être fait d'un bien, à sa qualité, sa robustesse ou sa solidité, à sa fiabilité ou encore à la durée pendant laquelle il pourra être utilisé pour un usage normal. Les représentations qu'ils ont faites peuvent être utilisées lorsque le bien vendu n'a pas performé à la hauteur des attentes du consommateur, en fonction de ce qui avait été dit par le commerçant ou le fabricant.

(Le Tribunal souligne)

  1.            Le principal recours qui s’impose dans les circonstances est celui des articles 38, 41 et 43, le bien fourni n’étant pas, de prime abord, conforme à la publicité qui en est faite, la garantie en étant plus restreinte, et par conséquent, ne pouvant servir à un usage normal pendant une durée raisonnable.
  2.            Apple soutient que l’exclusion du dommage accidentel causé par l’eau est conforme à sa publicité et à sa certification IP68 [42]:

[91] In parallel, when it comes to water resistance in electronic devices, such as the iPhones, promotional materials may feature the devices being exposed to water to demonstrate their resistance capabilities. However, in no way does this imply that liquid damage is covered under the product's warranty, especially if the damage is accidental.

[92] The Defendants explicitly state in their Limited Warranty that liquid damage is not covered, ensuring that consumers are informed of this exclusion at the time of purchase. This exclusion is clear from the face of the warranty.

  1.            Deux remarques s’imposent:
  2.            Apple semble plaider que l’immersion volontaire, de trente minutes au plus, n’implique pas que le contact accidentel avec l’eau soit couvert par la garantie. Cette prise de position mène à une conclusion absurde.
  3.            Deuxièmement, elle n’explique pas comment son exclusion respecterait les dispositions de l’article 41 L.p.c., et ne serait pas contraire aux représentations qu’elle a faites.  Au mieux, ses arguments relèvent du fond du litige.
  4.            Le contexte des représentations d’Apple doit également être pris en considération. Comme l’écrit la Cour suprême dans Time :

[55]                        À notre avis, les intimées ont tort de négliger l’importance de la facture visuelle d’une publicité. Il faut retenir d’abord que le législateur a adopté le critère de l’impression générale pour tenir compte des techniques et méthodes utilisées dans la publicité commerciale afin d’influencer de manière importante le comportement du consommateur. Cette réalité commande que l’on attache une importance considérable non seulement au texte, mais à tout son contexte, notamment à la manière dont il est présenté au consommateur

  1.      L’intérêt de la demanderesse
  1.            Mme Abicidan est indéniablement une « consommatrice ». Mais elle n’a pas directement contracté avec Apple. Elle est cessionnaire du contrat de la compagnie Diamants KB, qui n’est pas un consommateur, au sens des articles 1 e) et 2 de la L.p.c.. Peut-elle bénéficier de la garantie, ou invoquer que le libellé de celle-ci est contraire à al L.p.c.?
  2.            L’article 54 prévoit que le cessionnaire d’un contrat peut exercer certain des recours de l’acheteur :

54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.

Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

  1.            L’article 53 L.p.c. prévoit également que l’acquéreur subséquent d’un bien peut exercer le recours en vice caché.
  2.            Deux questions se posent :
  1. L’absence des articles 41 et 43 du texte de l’article 54 est-elle un obstacle au recours?
  2. Le fait que le cédant n’est pas un consommateur empêche-t-il l’exercice des recours de la L.p.c.?
  1.            Luc Thibaudeau écrit [43]:

1102. Perte des moyens de défense En droit de la consommation, la responsabilité du fabricant est totale vis-à-vis de l'acquéreur subséquent. Le fabricant perd, lors de la transmission du bien, tous les moyens de défense qu'il aurait pu faire valoir à l'encontre du premier acheteur. Il semble que ce « lavage » de droits s'opère en faveur du consommateur, et ce, même si le premier acheteur n'était pas un consommateur. Même en cas de recours contre le fabricant par un acquéreur subséquent, le fabricant ne pourra alléguer, à l'encontre du recours, que l'acheteur original, voire le commerçant à qui il avait vendu le bien, connaissait le vice.

1103. Responsabilité des fabricants – Le fabricant est ainsi tenu à la garantie légale envers tous les propriétaires du bien, le premier comme le dernier si, bien entendu, elle produit toujours des effets. Ainsi, bien que l'on puisse utiliser le terme « cessibilité » relativement aux droits découlant de la garantie légale, la responsabilité du fabricant découle en premier lieu du fait qu'il a fabriqué le bien et que ce bien a ultimement été vendu à un consommateur. Avec le temps, cette responsabilité en vient à profiter à tous les acheteurs subséquents, lorsqu'ils sont consommateurs. 

(Références omises)

  1.       Constatons en premier lieu que le statut de consommateur du premier acquéreur n’est pas nécessaire à l’application de la L.p.c. à l’acquéreur subséquent.
  2.       Il apparaît ensuite que les garanties conventionnelles et légales forment un tout qu’il serait téméraire à cette étape-ci du dossier de disséquer de façon à nier le recours de Mme Abicidan. Mentionnons également l’article 1442 C.c.Q. qui prévoit la transmission des droits découlant d’un contrat aux ayants cause.

1442. Les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s’ils constituent l’accessoire d’un bien qui leur est transmis ou s’ils lui sont intimement liés.

  1.       La professeure Nicole L’Heureux écrit dans son ouvrage Droit de la consommation:[44]

[91] Sous-acquéreur- Le droit de la consommation et le Code civil du Québec indiquent que l'obligation légale de garantie du fabricant profite non seulement à l'acheteur, mais qu'elle se transmet à l'acquéreur subséquent. (art. 53 al.4, 54 al.2, L.p.c.; art 1442 C.c.Q.). Le droit français justifie la transmission de l'obligation légale de garantie à l'acquéreur subséquent comme un accessoire de la chose. Le célèbre arrêt Kravitz[45] opte pour le même fondement. La notion d'acquéreur subséquent n'est pas définie dans la loi, mais il semble qu'elle réfère à une acquisition tant à titre gratuit qu'à titre onéreux.

  1.       À l’autorisation, mieux vaut constater l’apparence de droit, sans tenter de régler la question de façon définitive. Comme l’écrivait récemment le juge Lukasz Granosik [46]:

« Même si Amram n’est pas personnellement titulaire d’un compte Rogers et que d’autres entités sont concernées par la demande comme Fido ou Chatr, il est établi depuis quelques années déjà que le lien de droit direct entre le représentant et le défendeur n’est pas indispensable pour autoriser une action collective, car il faut préconiser une approche souple et proportionnée du statut pour agir dans le cadre d’un tel recours afin de favoriser l’économie des ressources judiciaires et l’accès à la justice. »

  1.       La juge Florence Lucas en arrive à un résultat semblable dans Ohayon c. Uber Technologies Inc. [47]:

[80]        Les Défenderesses questionnent l’intérêt à poursuivre de la Demanderesse, considérant qu’elle n’a pas elle-même contracté avec Uber ni exercé la faculté d’annulation. C’est son fils mineur qui a procédé à l’annulation, situation qui serait contraire aux modalités contractuelles d’Uber qui interdisent à un mineur d’utiliser ses applications.

[81]        Avec égards, le Tribunal estime que Valerie Ohayon possède l’intérêt minimal requis à titre de propriétaire du compte, à titre d’utilisatrice / consommatrice au sens de la L.p.c. des plateformes d’Uber et ayant subi un dommage lié aux comportements fautifs reprochés à Uber, soit en payant le frais d’annulation en litige. Que le fils mineur se soit autorisé à utiliser seul le service de transport ou de commande d’Uber relève d’un autre débat, lequel n’annihile pas le lien contractuel, le dommage subi et donc, l’intérêt suffisant de la Demanderesse dans le contexte de l’action collective recherchée.

  1.       Le Tribunal estime qu’à l’étape de l’autorisation, Mme Abicidan a un recours à faire valoir, qui n’est pas frivole, et qui satisfait à l’exigence de l’article 575 (2) C.p.c..
  1.      Le choix du recours
  1.       Il faut cependant circonscrire ce recours. Dans l’arrêt Time, la Cour invite le juge à choisir parmi les conclusions disponibles à l’article 272 L.p.c. celles qui s’appliquent le mieux à la demande[48].
  2.       Mme Abicidan a, de prime abord, un recours en garantie à faire valoir, en réparation ou remplacement de son iPhone.
  3.       L’article 272 L.p.c. prévoit une panoplie de recours dont certains pourraient être demandés :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a)  l’exécution de l’obligation;

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

d)  la résiliation du contrat;

e)  la résolution du contrat; ou

f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

  1.       Dans l’arrêt Time, la Cour suprême rappelle les exigences permettant au consommateur d’invoquer l’article 272 L.p.c. :

[41]                        La Loi sur la protection du consommateur applicable aujourd’hui institue un régime juridique beaucoup plus élaboré que celui établi par sa version précédente. Son adoption témoigne de la volonté du législateur québécois d’étendre la protection de la L.p.c. à un ensemble plus vaste de contrats et de régir explicitement certaines pratiques de commerce jugées dolosives pour le consommateur. Concrètement, la loi est divisée en sept titres qui reflètent les grandes orientations du droit québécois de la consommation. Le titre I, intitulé « Contrats relatifs aux biens et aux services », contient des dispositions qui visent principalement à rétablir l’équilibre contractuel entre le commerçant et le consommateur. Le titre II, intitulé « Pratiques de commerce », assimile à des pratiques interdites certains comportements commerciaux afin d’assurer la véracité de l’information transmise au consommateur par la publicité ou autrement.

  1.       Dans le cas d’une violation des dispositions du titre I, les exigences sont les suivantes;

[113]                     La nature des obligations dont la violation peut être sanctionnée par le biais de l’art. 272 L.p.c. est essentiellement de deux ordres. La L.p.c. impose d’abord aux commerçants et aux fabricants un éventail d’obligations contractuelles de source légale. Ces obligations se retrouvent principalement au titre I de la loi. La preuve de la violation de l’une de ces règles de fond permet donc, sans exigence additionnelle, au consommateur d’obtenir l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c. Comme la juge Rousseau-Houle l’a affirmé dans l’arrêt Beauchamp, « [l]e législateur présume de façon absolue que le consommateur subit un préjudice par suite d’un manquement par le commerçant ou le fabricant à l’une ou l’autre de ces obligations et donne au consommateur la gamme des recours prévue à l’article 272 » (p. 744). Le choix de la mesure de réparation appartient au consommateur, mais le tribunal conserve la discrétion de lui en accorder une autre plus appropriée aux circonstances (L’Heureux et Lacoursière, p. 621). Contrairement à l’art. 271 L.p.c., l’art. 272 ne permet pas au commerçant de soulever l’absence de préjudice en défense pour ce qui est des contraventions aux dispositions du titre I (L’Heureux et Lacoursière, p. 620; Service aux marchands détaillants ltée (Household Finance) c. Option Consommateurs, 2006 QCCA 1319 (CanLII)).

(Le Tribunal souligne)

  1.       Dans le cas d’une violation des dispositions du Titre II, les exigences sont plus onéreuses :

[124]                     L’application de la présomption absolue de préjudice présuppose qu’un lien rationnel existe entre la pratique interdite et la relation contractuelle régie par la loi. Il importe donc de préciser les conditions d’application de cette présomption dans le contexte de la commission d’une pratique interdite. À notre avis, le consommateur qui souhaite bénéficier de cette présomption doit prouver les éléments suivants : (1) la violation par le commerçant ou le fabricant d’une des obligations imposées par le titre II de la loi; (2) la prise de connaissance de la représentation constituant une pratique interdite par le consommateur; (3) la formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance, et (4) une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat. Selon ce dernier critère, la pratique interdite doit être susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la formation, à la modification ou à l’exécution du contrat de consommation. Lorsque ces quatre éléments sont établis, les tribunaux peuvent conclure que la pratique interdite est réputée avoir eu un effet dolosif sur le consommateur.  Dans un tel cas, le contrat formé, modifié ou exécuté constitue, en soi, un préjudice subi par le consommateur. L’application de cette présomption lui permet ainsi de demander, selon les mêmes modalités que celles décrites ci-dessus, l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c.

 

(Le Tribunal souligne)

  1.       En l’instance, la demanderesse n’a pas contracté avec Apple. Il n’y a aucune allégation permettant de soutenir qu’elle a pu être influencée, dans l’acquisition de son iPhone, par son caractère « water resistant ». La prise de connaissance de la publicité apparaît postérieure à l’acquisition du iPhone. Par conséquent, les seuls recours disponibles selon les faits allégués sont ceux qui découlent du défaut d’honorer les représentations au moment d’une demande de remplacement ou de réparation d’un iPhone entré en contact avec un liquide, soit :

a)  l’exécution de l’obligation;

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

  1.       L’identification des ces recours a un impact sur la définition du groupe, tel qu’il apparaîtra ci-après. 
  2.       Ces recours sont disponibles « sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs. »
  3.       Les paragraphes 105 et 107 de l’arrêt Time font de la conclusion d’un contrat une exigence préalable à l’exercice d’un recours :

[105]                     La lecture croisée de l’al. 1e) et de l’art. 2 L.p.c. impose la conclusion suivante : le recours prévu à l’art. 272 L.p.c. n’est ouvert qu’aux personnes physiques ayant conclu avec un commerçant ou un fabricant un contrat régi par la loi. En effet, une personne physique qui n’a pas conclu un tel contrat de consommation ne peut être considérée comme un « consommateur » au sens de l’art. 272 L.p.c.

[107]                     Contrairement aux prétentions de l’appelant, le recours prévu à l’art. 272 L.p.c. n’est donc pas ouvert à une personne physique qui n’a pas contracté avec un commerçant ou un fabricant relativement à un bien ou un service visé par la loi. En ce sens, il ne suffit pas qu’une personne physique ait pris connaissance d’une représentation qui constitue une pratique interdite pour disposer de l’intérêt juridique pour engager une poursuite civile en vertu de cette disposition.

  1.       Le Tribunal est d’opinion, à cette étape-ci des procédures, que les articles 53 (4) et 54 (2) L.p.c. font de l’acquéreur subséquent d’un bien un consommateur ayant contracté pour l’acquisition du bien. Interpréter littéralement les exigences de l’arrêt Time priverait cet acquéreur subséquent des droits expressément conférés par la L.p.c..
  2.       Le Tribunal conclut, pour les fins de l’autorisation, que Mme Abicidan dispose d’un recours lui permettant d’exercer une garantie contractuelle et un recours en dommages compensatoires.
  1.      Les dommages punitifs
  1.       Une simple contravention à la L.p.c. est insuffisante pour justifier une condamnation à des dommages punitifs.
  2.       La Cour suprême rappelle dans l’arrêt Time :

[178]                     Cependant, le simple fait d’une violation d’une disposition de la L.p.c. ne suffirait pas à justifier une condamnation à des dommages-intérêts punitifs. Par exemple, on devrait prendre en compte l’attitude du commerçant qui, constatant une erreur, aurait tenté avec diligence de régler les problèmes causés au consommateur. Ni la L.p.c., ni l’art. 1621 C.c.Q. n’exigent une attitude rigoriste et aveugle devant les efforts d’un commerçant ou d’un fabricant pour corriger le problème survenu. Ainsi, le tribunal appelé à décider s’il y a lieu d’octroyer des dommages-intérêts punitifs devrait apprécier non seulement le comportement du commerçant avant la violation, mais également le changement (s’il en est) de son attitude envers le consommateur, et les consommateurs en général, après cette violation. Seule cette analyse globale du comportement du commerçant permettra au tribunal de déterminer si les impératifs de prévention justifient une condamnation à des dommages-intérêts punitifs dans une affaire donnée.

  1.       La Cour d’appel écrivait dans l’arrêt Levy c. Nissan Canada inc.[49]:

[37]      It would be premature at this stage to decide that there is no possible basis for the award of punitive damages since the granting of such damages must be based on an analysis of Respondent’s overall conduct. The allegations need only be sufficient in order to comprehend the gist of the proposed narrative. Here, Respondent’s conduct after the data breach as alleged is relevant and could potentially be the source for a condemnation of punitive damages. In any event, doubt as to whether the standard has been met should be interpreted in favour of the plaintiff at the authorization stage.

  1.       Les allégations de la demande d’autorisation sont-elles suffisantes?
  2.       Rappelons qu’il ne suffit pas de commenter, qualifier ou colorer le comportement d’Apple pour faire naître une réclamation à des dommages punitifs. Il doit y avoir description de « violations intentionnelles, malveillantes ou vexatoires que la conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse de sa part.[50] »
  3.       Le Tribunal doit déterminer s’il se trouve devant des comportements (1) qui sont incompatibles avec les objectifs poursuivis par le législateur dans la loi en cause et (2) dont la perpétration nuit à leur réalisation[51].
  4.       En l’espèce, la demanderesse se fonde sur une décision du Tribunal administratif de la région du Latium[52] de 2022 confirmant l’imposition d’une amende de 10 millions d’euros par l’autorité italienne responsable des lois sur la concurrence[53].
  5.  Les articles rapportant cette décision[54], dont une traduction n’a pas été offerte au Tribunal, font valoir que le tribunal :

“The AGCM also took issue with Apple's warranty disclaimer, which excludes repairs caused by water damage. Given Apple's heavy marketing of the iPhone's water-resistant features, the watchdog believes this misled consumers”[55].

 

“The Antitrust also considered it appropriate to take into account Apple’s refusal, in the postsales phase, to honor warranties when those iPhone models were damaged by water or other liquids, thus depriving consumers of the rights they should expect from the guarantee or in the Consumer Code”[56].

  1.  La demanderesse soulève qu’Apple n’a pas modifié ses dispositions contractuelles pour donner suite à cette décision.
  2.  La demanderesse n’a pas informé le Tribunal que cette décision avait été renversée en appel par le Conseil d’État, le 21 novembre 2022, bien avant l’institution des présentes procédures.
  3.  Les défenderesses ont produit une traduction certifiée de la décision du Conseil d’État[57]. L’appel est accueilli pour plusieurs raisons.
  4.  D’intérêt pour notre dossier, retenons que le Conseil d’État a jugé que le nombre de plaignants était insuffisant, et que le principal plaignant avait eu à l’égard de son iPhone un usage qui ne pouvait que mener à un bris d’équipement.
  5.  Mentionnons également qu’il appert de cette décision qu’en droit italien, seul le vendeur est responsable de la garantie, ce qui n’est pas le cas en droit québécois :

“…the legal warranty grants consumers rights and remedies when the purchased product presents a lack of conformity at the time of delivery, providing a remedy for original product defects not caused by improper or abusive use. Additionally, the legal warranty binds the seller, not the manufacturer. Conversely, the conventional warranty (such as Apple’s 1-year warranty) is left to the manufacturer’s discretion and is determined exclusively by its own terms”. [58]

  1.  Le Conseil d’État a également déterminé que les iPhones étaient conformes aux garanties IP 67 et IP 68. Enfin, il est à noter qu’Apple Italie se dissociait des publicités à la base de la présente action.
  2.  Le Tribunal ne se sent évidemment pas lié par une décision d’un tribunal italien. Néanmoins, dans la mesure où une décision renversée en appel est à la base de la demande en dommages punitifs, le Tribunal ne peut suppléer aux lacunes des allégations et constater qu’il aurait pu être induit en erreur.
  3.  Cette conclusion ne sera pas autorisée.
  1.      Les conclusions en injonction
  1.  Mme Abicidan demande à la Cour de prononcer une injonction « ordering Apple to cease the prohibited practices alleged herein; » [59]
  2.  Le juge Pierre Nollet décidait récemment[60] :

[104]     Au surplus, telle que rédigée, l’ordonnance demandée en est une de se conformer à la loi. Or de telles ordonnances n’ont pas lieu d’être. La loi s’applique ou elle ne s’applique pas.

  1.  La demande en autorisation n’élabore pas sur cette conclusion et n’explique pas pourquoi il y a lieu d’émettre une injonction, passible d’outrage au tribunal.
  2.  En outre, telle que formulée, l’injonction apparaît trop vague et ne serait pas susceptible d’exécution.
  3.  Cette conclusion ne sera pas autorisée.
  1. La Loi sur la concurrence
  1.  La Cour d’appel s’est tout récemment prononcée sur l’opportunité d’ajouter une violation à la Loi sur la concurrence dans un litige mettant en cause des dispositions similaires de la L.p.c.[61] :

[7]         Les faits allégués permettent à l’appelante de supporter une cause défendable tant eu égard aux dispositions de la L.p.c. et du C.c.Q. qu’à celles de la Loi sur la concurrence. Bien que l’on puisse s’interroger sur l’opportunité d’invoquer les articles 36 et 52 de la Loi sur la concurrence afin de compenser une perte ou un dommage alors que la L.p.c. prévoit une présomption de dommage, ainsi que la possibilité de réclamer des dommages punitifs, là n’est pas la question. L’appelante allègue avoir déboursé plusieurs centaines de dollars pour l’achat de sacs sur la base d’informations qu’elle qualifie de fausses et trompeuses. Si prouvé, cela constitue une cause défendable susceptible de fonder une réclamation en remboursement du prix payé. Il s’agit possiblement d’un dommage matériel, d’une perte financière que l’appelante et les membres du groupe pourront soumettre pour appréciation au juge du fond, qui décidera si oui ou non, cette demande est ultimement recevable.  La juge a donc commis une erreur révisable en refusant d’autoriser l’action collective sur cette base, imposant un fardeau de démonstration qui dépasse l’exigence requise par le paragraphe 575(2) C.p.c.

  1.  Y a-t-il lieu en l’instance de suivre les enseignements de la Cour d’appel et d’inclure une possible violation de la Loi sur la concurrence dans les questions en litige?
  2.  Contrairement aux allégations du dossier Dollarama, la demanderesse n’a pas été induite en erreur dans l’achat de son iPhone. Sa garantie est simplement contraire à la publicité d’Apple. Le Tribunal juge la trame factuelle alléguée insuffisante pour fonder un recours sur les dispositions pénales de la Loi sur la concurrence. Comme l’écrivait la Cour d’appel dans l’arrêt Perreault c. McNeil PDI inc. :[62]

[81]        Il ne fait aucun doute que l'article 52 de la L.c. est, selon son libellé même, une disposition de (…) nature (pénale). L'infraction à laquelle cet article renvoie exige la preuve de l'intention nécessaire à sa commission (sciemment ou sans se soucier des conséquences). Or, la procédure de l'appelante ne traite pas du caractère intentionnel et malveillant associé à l'attitude des intimées.

  1.  Comme nous l’avons vu ci-haut, les allégations factuelles relatives au caractère intentionnel de la violation de la L.p.c. sont basées sur un jugement renversé en appel.
  2.  Ce chef de recours ne sera pas autorisé.
  1. Les recours du Code civil
  1.  La demanderesse invoque les articles 1407, 1432, 1437 et 1458 du Code civil comme base de son recours. Elle jumelle l’article 1437 C.c.Q. à l’article 8 L.p.c. :

8. Le consommateur peut demander la nullité du contrat ou la réduction des obligations qui en découlent lorsque la disproportion entre les prestations respectives des parties est tellement considérable qu’elle équivaut à de l’exploitation du consommateur, ou que l’obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante.

  1.  L’article 1437 C.c.Q. prévoit :

1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.

  1.  Avec respect, aucune allégation ne traite de disproportion ou « d’éloignement des clauses essentielles du contrat ». Le recours est basé sur d’autres articles de la L.p.c.
  2.  En vertu du droit civil, il est permis d’exclure certaines garanties. La différence avec la L.p.c est complète. Comme l’écrivait Jeffrey Edwards, maintenant de cette Cour[63] :

296 – Enfin, il paraît utile de signaler le contraste important entre le régime d’exclusion de la garantie du droit commun et celui des garanties prévues par la Loi sur la protection du consommateur. L’article 261 de cette loi énonce que les parties ne peuvent pas y déroger par convention particulière. En conséquence, le contenu entier de cette loi est impératif. Toutes les garanties propres au droit de la consommation ne peuvent, sous aucun prétexte, faire l’objet d’une modification conventionnelle. Soulignons toutefois que l’article 35 de la loi précise que rien n’empêche le commerçant de bonifier le régime de base en offrant au consommateur des garanties encore plus avantageuses.

  1.  Le même auteur précise, en parlant du Code civil:

285– Cependant, lorsque la clause d’exclusion est claire, le tribunal n’a pas à recourir à l’interprétation. Son rôle consiste simplement à constater l’exclusion. Les clauses réussissant à exclure la garantie spécifient généralement que la vente est faite « sans garantie» ou même sans la garantie contre les vices cachés. En droit nouveau, il suffirait en principe de préciser l’exclusion de la garantie de qualité. Différentes formulations sont possibles. Pour accroître les chances d’exclusion, le maximum de clarté est de mise. Une exclusion, inopérante à l’endroit d’une réticence dolosive particulière, reste autrement valable.

(Références omises)

  1.  Les allégations de la demande en autorisation modifiée ne permettent pas de fonder une action sur les dispositions du Code civil.
  1. LA REPRÉSENTANTE
  1.  La demanderesse allègue[64] avoir le temps, l’énergie et la détermination nécessaire à la représentation du Groupe. Elle affirme vouloir coopérer avec les avocats du Groupe, et ne pas être en conflit avec les membres. Ces allégations n’ont pas été contredites, ni remises en question.
  2.  Depuis l’arrêt Sibiga[65], les exigences quant à la compétence du représentant sont minimales. La demanderesse les remplit amplement.
  3.  La demanderesse doit également avoir l’intérêt requis pour agir, au sens de l’article 85 C.p.c. Cette qualité est contestée par Apple.
  4.  Pour les motifs exposés ci-haut, le Tribunal est d’avis que Mme Abicidan a l’intérêt suffisant pour intenter un recours en garantie contre Apple et requérir des conclusions en dommages compensatoires. Elle se qualifie donc aux termes de l’alinéa 4 de l’article 575 C.p.c..
  1. DESCRIPTION DU GROUPE
  1.  Il ressort de l’analyse du dossier que la cause d’action doit se limiter aux dommages découlant d’un refus de remplacer ou réparer les iPhones en cas de contact avec l’eau.
  2.  Il ressort également des considérations précédentes que le seul achat d’un iPhone est insuffisant pour fonder une réclamation. Aucune allégation ne vient étayer une cause d’action basée sur l’achat d’un iPhone à la suite de fausses représentations.
  3.  Le Tribunal juge à cette étape-ci de la procédure que l’exclusion de la garantie pour le contact avec un liquide n‘est pas conforme aux représentations du manufacturier et qu’il n’est pas nécessaire de prouver que l’achat était mû par l’existence des représentations et des garanties.
  4. Le Groupe sera donc formé de personnes à qui Apple a appliqué l’exclusion de la garantie pour « contact avec un liquide ».
  5.  Puisque les causes d’action identifiées ne se fondent que sur la L.p.c, le Groupe ne sera composé que de consommateurs.
  6.  La demande d’autorisation pour exercer une action collective a été déposée le 23 août 2024. Aucune impossibilité d’agir n’ayant été alléguée pour justifier une suspension de la prescription, le dépôt de la procédure interrompt la prescription à l’égard des recours basés sur des réclamations nées trois ans avant, soit le 23 août 2021, en vertu des articles 2897, 2908 et 2925 C.c.Q.:

2897. L’interruption qui résulte de l’exercice d’une action collective profite à tous les membres du groupe qui n’ont pas demandé à en être exclus.

 

2908. La demande pour obtenir l’autorisation d’exercer une action collective suspend la prescription en faveur de tous les membres du groupe auquel elle profite ou, le cas échéant, en faveur du groupe que décrit le jugement qui fait droit à la demande.

 

2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

  1.  Le Groupe sera donc défini comme suit :

Class:

All consumers in Quebec who purchased, acquired, owned or leased an Apple iPhone advertised as water-resistant to a depth of 1 to 6 metres and for up to 30 minutes (iPhone 7 models and later) and were refused, after August 23, 2021, a repair or replacement of their iPhone due to “damage caused by liquid contact”

Groupe :

Tous les consommateurs au Québec qui ont acheté, acquis, possédé ou loué un iPhone d’Apple annoncé comme étant résistant à l’eau jusqu’à une profondeur de 1 à 6 mètres et jusqu’à 30 minutes (modèles iPhone 7 et ultérieurs) à qui Apple a, depuis le 23 août 2021, refusé de réparer ou remplacer le iPhone à cause « de dommages imputables au contact dʼun liquide ».

 

 

  1. QUESTIONS EN LITIGE ET CONCLUSIONS RECHERCHÉES
  1.  Les questions à traiter collectivement seront les suivantes :
  1.      Les représentations d’Apple voulant que ses iPhones soient Remarkably resistant et “water resistant”, “Tellement résilient” et “résiste à l’eausont-elles trompeuses?
  2.      La garantie des iPhones 7 et plus est-elle conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à leur sujet par Apple?
  3.      Apple a-t-elle enfreint la L.p.c. en refusant de remplacer ou réparer les iPhones ayant été en contact avec un liquide?
  4.      Les membres du Groupe ont-ils droit à une réparation ou à un remplacement de leur iPhone entré en contact avec un liquide et ne fonctionnant plus?
  5.      Les membres du Groupe ont-ils droit à des dommages compensatoires?
  1.  Les questions à traiter individuellement seront les suivantes :

a) Le membre du Groupe a-t-il fait un usage raisonnable et normal de son iPhone pour lequel il demande réparation suite au contact avec un liquide?

b) Quel est le montant auquel il a droit en cas de remplacement de son iPhone?

c) Quel est le montant auquel le membre a droit pour les inconvénients subis suite au refus des défenderesses d’honorer la garantie résultant de leurs représentations?

  1.  Les conclusions recherchées seront les suivantes :

ACCUEILLR l’action de la demanderesse au nom des membres du Groupe;

CONDAMNER solidairement les défenderesses à remplacer ou réparer les iPhones entrés en contact avec un liquide de chaque membre du Groupe à condition qu’il satisfasse aux exigences d’usage raisonnable et à indemniser les membres qui auront déboursé un montant pour faire réparer ou remplacer un tel iPhone.

CONDAMNER solidairement les défenderesses à indemniser les membres pour les inconvénients subis suite au refus d’honorer la garantie résultant de leurs représentations;

LE TOUT, avec les frais, y compris les frais de publication des avis et les frais d’experts.

  1.  La question du mode de recouvrement est laissée au juge saisi du fond.
  1. DISTRICT JUDICIAIRE DE L’INSTRUCTION
  1.  En vertu de l’article 576 (1) C.p.c., le juge d’autorisation « détermine le district dans lequel l’action sera introduite ».
  2.  L’article 43 C.p.c. prévoit :

43. Lorsque la demande porte sur un contrat de travail ou de consommation, la juridiction compétente est celle du domicile ou de la résidence du salarié ou du consommateur, que ces derniers soient demandeurs ou défendeurs.

  1.  Il s’agit en l’espèce d’une action fondée sur un contrat de consommation. La demanderesse réside dans le district de Montréal. Il n’y a aucune raison de déroger à ce forum légal.
  2.  Il y a donc lieu d’ordonner que l’action soit introduite dans le district de Montréal.

CONCLUSIONS

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.  ACCUEILLE la demande modifiée pour exercer une action collective;
  2.  AUTORISE l’exercice d’une action collective contre les défenderesses Apple Inc. et Apple Canada Inc., pour le compte du Groupe ci-dessous décrit :

Class:

All consumers in Quebec who purchased, acquired, owned or leased an Apple iPhone advertised as water-resistant to a depth of 1 to 6 metres and for up to 30 minutes (iPhone 7 models and later) and were refused, after August 23, 2021, a repair or replacement of their iPhone due to “damage caused by liquid contact”

Groupe :

Tous les consommateurs au Québec qui ont acheté, acquis, possédé ou loué un iPhone d’Apple annoncé comme étant résistant à l’eau jusqu’à une profondeur de 1 à 6 mètres et jusqu’à 30 minutes (modèles iPhone 7 et ultérieurs) à qui Apple a, depuis le 23 août 2021, refusé de réparer ou remplacer le iPhone à cause « de dommages imputables au contact dʼun liquide ».

 

 

  1.  DÉSIGNE Léa Abicidan comme la représentante du Groupe pour les fins de l’exercice de l’action collective;
  2.  IDENTIFIE les questions à être traitées collectivement comme suit :

a) Les représentations d’Apple voulant que ses iPhones soient Remarkably resistant et “water resistant”, “Tellement résilient” et “résiste à l’eausont-elles trompeuses?

b) La garantie des iPhones 7 et plus est-elle conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à leur sujet par Apple?

c) Apple a-t-elle enfreint la L.p.c.en refusant de remplacer ou réparer les iPhones ayant été en contact avec un liquide?

d) Les membres du Groupe ont-ils droit à une réparation ou à un remplacement de leur iPhone entré en contact avec un liquide et ne fonctionnant plus?

e) Les membres du Groupe ont-ils droit à des dommages compensatoires?

  1.  IDENTIFIE les questions à être traitée individuellement comme suit :

a) Le membre du Groupe a-t-il fait un usage raisonnable et normal de son iPhone pour lequel il demande réparation suite au contact avec un liquide?

b) Quel est le montant auquel il a droit en cas de remplacement de son iPhone?

c) Quel est le montant auquel le membre a droit pour les inconvénients subis suite au refus des défenderesses d’honorer la garantie résultant de leurs représentations?

  1.  IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées :

ACCUEILLR l’action de la demanderesse au nom des membres du Groupe;

CONDAMNER solidairement les défenderesses à remplacer ou réparer les iPhones entrés en contact avec un liquide de chaque membre du Groupe à condition qu’il satisfasse aux exigences d’usage raisonnable et à indemniser les membres qui auront déboursé un montant pour faire réparer ou remplacer un tel iPhone.

CONDAMNER solidairement les défenderesses à indemniser les membres pour les inconvénients subis suite au refus d’honorer la garantie résultant de leurs représentations;

LE TOUT, avec les frais, y compris les frais de publication des avis et les frais d’experts.

  1.  DÉCLARE qu'à moins d'exclusion, les Membres du Groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur l'action collective, de la manière prévue par la loi;
  2.  ORDONNE la publication d’un avis aux membres selon les termes et modalités que le Tribunal verra à déterminer;
  3.  FIXE le délai d’exclusion à soixante (60) jours après la date de l’avis aux membres, délai à l’expiration duquel les membres du Groupe qui ne se sont pas prévalus des moyens d’exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;
  4.  ORDONNE que l’action soit introduite dans le district de Montréal;
  5.  LE TOUT, avec frais de justice incluant les frais de publication des avis, qui seront tous à la charge des défenderesses.

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________ SYLVAIN LUSSIER, J.C.S.

 

Me Joey Zukran

Me Léa Bruyère

LPC AVOCATS

Avocats de la demanderesse

 

Me Sarah Woods

Me Catherine Martin

Me Natasha Petrof

McCARTHY TÉTRAULT S.E.N.C.R.L.

Avocats des défenderesses Apple Canada inc. et Apple inc.

 

 

 

 

Date d’audience : 28 avril 2025.


[1]  Apple Canada Inc. et Apple Inc., collectivement « Apple ».

[2]  Voir le CIDREQ, pièce P-1.

[3]  www.apple.com/ca/iPhone- 15/ en français www.apple.com/ca/fr/iPhone-15/) Pièce P-5.

[4]  Pièce P-6.

[5]  Pièce P-7.

[6]  Pièce P-14.

[7]  Pièce P-15.

[8]  Pièce P-16.

[9]  Facture, pièce P-2.

[10]  Pièce P-4.

[11]  Au paragr. 19 de la Demande en autorisation modifiée.

[12]  Pièce P-17, page 2, « CE QUI NʼEST PAS COUVERT PAR LA PRÉSENTE GARANTIE ».

[13]  Paragr. 26 de la Demande en autorisation modifiée.

[14]  www.support.apple.com/en- ca/108039; Voir pièce P-8.

[15]  Les articles 6, 7, 1407, 1432, 1437 and 1458.

[16]  RLRQ c P-40.2, la « L.p.c. », notamment les articles 8, 17, 37, 38, 40,42, 43, 219, 228, 253 et 272.

[17]  LRC 1985, c C-34, les article 36 et 52.

[18]  Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59.

[19]  Vivendi Canada inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1.

[20]  L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35.

[21]  2020 CSC 30.

[22]  Hollick c. Toronto (Ville de), 2001 CSC 68, paragr. 27.

[23]  Durand c. Subway Franchise Systems of Canada, 2020 QCCA 1647, paragr. 53.

[24]  Daigle c. Club de golf de Rosemère, 2019 QCCS   5801, paragr. 17.

[25]  Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, 2020 CSC 30, paragr. 25 et 27.

[26]  Mireault c. Loblaws inc., 2022 QCCS 31, paragr. 21, confirmé par Mireault c. Loblaws inc., 2022 QCCA 1752; Belmamoun c. Ville de Brossard, 2017 QCCA 102, paragr. 77.

[27]  Durand c. Subway Franchise Systems of Canada, 2020 QCCA 1647, par.52

[28]  Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 67 ; Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380.

[29]  Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195; Labelle c. Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux - région de Montréal, 2011 QCCA 334, paragr. 59 et 60, juge Gagnon.

[30]  Au paragr. 59.

[31]  2012 QCCA 713, paragr. 37.

[32]  Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, 2020 CSC 30, paragr. 27; L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 55 : Benamor c. Air Canada, 2020 QCCA 1597, paragr. 42 et 48.

[33]  Au paragr. 58.

[34]  2024 QCCA 152.

[35]  Au paragr. 24 de la demande en autorisation modifiée.

[36]  Pièce P-17.

[37]  Paragr. 26 de sa demande pour permission de produire une preuve appropriée.

[38]  Richard c. Time, 2012 CSC 8, au paragr. 47.

[39]  Nicole l’Heureux et Marc Lacoursière, 6ème édition, 2011, Éditions Yvon Blais, Cowansville, page 32.

[40]  Idem, 5ème édition, page 65.

[41]   Thibaudeau, L. Garantie de conformité aux déclarations des commerçants et des fabricants Guide pratique de la société de consommation, Tome 2 : Les garanties, L. Thibaudeau, 2017 2017 EYB2017SDC38.

 

[42]  Paragr. 91 et 92 de son plan d’argumentation.

[43]  Précité, note

[44]  Nicole l’Heureux et Marc Lacoursière, 6ème édition, 2011, Éditions Yvon Blais, Cowansville, page 106; voir également page 33.

[45]  General Motors Products of Canada c. Kravitz, 1979 CanLII 22 (CSC), [1979] 1 RCS 790.

[46]  Amram c. Rogers Communication inc., 2024 QCCS 534, au paragr. 55; permission d’en appeler refusée : Rogers Communications inc. c. Amram, 2024 QCCA 853.

[47]  2025 QCCS 1608.

[48]  Au paragr. 113.

[49]  2021 QCCA 682.

[50]  Meubles Léon ltée c. Option consommateurs, 2020 QCCA 44, paragr. 120.

[51]  Richard c. Time, précité, paragr. 179.

[52]  Pièce P-12.

[53]  L’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato; Pièce P-11.

[54]  Pièce P-10.

[55]  https://www.theregister.com/2020/11/30/apple_italy_waterproof_fine/

[56]  https://9to5mac.com/2020/11/30/apple-fined-12m-for-unfair-claims-about-iphone-water-resistance/

[57]  Pièce D-4.

[58]  Paragr. 2.

[59]  Paragr. 32.1 de la demande en autorisation modifiée.

[60]  Bitton c. Amazon.com.ca inc., 2023 QCCS 3058.

[61]  Cohen c. Dollarama, 2025 QCCA 804; voir également Leventakis c. Amazon.com, inc., 2023 QCCS 2578, paragr. 54 et 55; permission d’appeler refusée : Amazon Services International, Inc. c. Leventakis, 2023 QCCA 1275.    

[62]  2012 QCCA 713

[63]  La garantie de qualité du vendeur en droit québécois 2e éd., Wilson & Lafleur, 2008.

[64]  Au paragr. 63 et 64 de sa demande en autorisation modifiée.

[65]  Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, paragr. 108 à 110.

AVIS :
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