Tanguay c. R. | 2025 QCCA 1084 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
SIÈGE DE
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N° : | |||||
(760-01-092918-199) | |||||
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DATE : | 4 septembre 2025 | ||||
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KARELL TANGUAY | |||||
APPELANTE – accusée | |||||
c. | |||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
INTIMÉ – poursuivant | |||||
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MISE EN GARDE : Une ordonnance de non-publication des informations médicales contenues dans les pièces P-6, P-7, P-8, P-12, P-14, P-22 à P-26 a été rendue en première instance. | |||||
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| SUZANNE GAGNÉ, J.C.A. | |
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| GUY COURNOYER, J.C.A. | |
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| JUDITH HARVIE, J.C.A. | |
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Me Mylène Lareau | ||
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Me Réginal Victorin | ||
Pour l’appelante | ||
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Me Patrick Cardinal | ||
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | ||
Pour l’intimé | ||
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Date d’audience : | 2 mai 2024 | |
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MOTIFS DU JUGE COURNOYER |
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I – Introduction..............................................................3
II – Les faits.................................................................4
III – Jugement entrepris......................................................5
A - Résumé général..............................................5
B - Les expertises et les infractions..................................6
1- Analyse des données du module de coussin gonflable de l’automobile de l’appelante 6
2- Le reconstitutionniste.......................................6
3- La présence de drogues dans le sang de l’appelante...............8
4- L’affaiblissement des capacités de conduire de l’appelante..........8
5- La conduite dangereuse.....................................14
6- Alcoolémie supérieure à la limite légale.........................15
7- Le lien de causalité........................................15
IV – Moyens d’appel........................................................15
V – Analyse................................................................16
A - Avant-propos...............................................16
B - Les verdicts sont-ils déraisonnables?............................18
1- La norme de contrôle applicable..............................18
2- Les facultés de l’appelante étaient-elles affaiblies par l’alcool?.......21
3- La mens rea de la conduite dangereuse.........................26
4- Lien de causalité entre la conduite et les conséquences............30
C - Les discussions entourant le déplacement de l’appelante en taxi.......33
[4] Le Nissan vient de traverser le Pont Larocque et a parcouru environ 1 km. Il s’engage dans une courbe prononcée entre le Chemin du Canal et la Montée Léger. Le Jeep s’engage lui aussi dans cette courbe en sens inverse. Il est environ 20 h 30. Les deux véhicules se croisent et entrent en collision.
[5] Selon la théorie de la poursuite, le véhicule de l’accusée déviait de sa voie de circulation et cause un face-à-face entre les deux véhicules alors que la capacité de conduire de l’accusée aurait été affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue et avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale.
[6] L’impact est d’une rare violence. Aucune des quatre personnes ne s’en sort indemne. Olivia décède. Mme Henriques, blessée, est hospitalisée 3 jours à l’Hôpital du Suroît de Valleyfield. L’accusée est sérieusement blessée et doit être transportée le soir même de l’Hôpital du Suroît à Valleyfield au Montréal General Hospital vu la gravité de ses blessures. M. Chicas, sérieusement blessé aussi, sera transporté directement au même hôpital sans transiter à Valleyfield.
[122] Il adhère aux constatations et conclusions du témoin Landry, lesquelles reflètent la scène constatée. Quant à la version de M. Chicas relatif à sa vitesse, sa position dans sa voie et d’avoir vu une voiture engagée dans sa voie avant l’impact, elle est en tout point compatible avec la scène et le résultat de son expertise. Notons qu’il ignorait au moment de la rédaction du rapport la version de M. Chicas qu’il a connue qu’au procès.
[135] Il a aussi subi un long contre-interrogatoire touchant les freins non fonctionnels arrière du Jeep, qu’un des pneus arrière était mou, du danger de louvoiement pouvant en découler, du flat spot, du pneu brisé du Nissan et les marques sur sa jante, de la possibilité que ce soit le transfer case du Jeep qui ait laissé la marque attribuée à la barre stabilisatrice, les marques non identifiées au sol et différents scénarios pouvant les attribuer, d’autres scénarios impliquant la localisation des pièces d’intérêt sous le véhicule une fois la dimension du Jeep connue et le repositionnement sur la chaussée qui pourrait en découler pouvant aller jusqu’à suggérer que la trace de freinage pourrait résulter du pneu avant droit du Jeep.
[136] Il serait fastidieux de relater dans le détail tous ces sujets. Qu’il suffise de dire que l’expert a de nouveau avec logique fait la preuve que les propositions ne pouvaient être retenues et il a expliqué pourquoi. Quitte à se répéter, le Tribunal n’a pas à croire l’expert du simple fait qu’il n’est pas contredit. Mais force est de constater que les questions ou scénarios mis de l’avant par la défense en contre-interrogatoire ne soulèvent pas de motifs pouvant mener à douter des observations ou des conclusions de l’expert. On aura tenté avec vigueur en défense d’entretenir des scénarios en lien avec la scène et les voitures pour créer un doute quant à la position respective des voitures avant l’impact ou faire admettre à l’expert qu’il soit possible que le Nissan fût dans sa voie ou beaucoup plus qu’il en témoigne. Il en a été de même avec le Jeep, notamment avec la trace de freinage qui aurait pu démontrer que ce soit ce dernier qui a dévié vers le Nissan. Mais le témoin a réfuté ces scénarios ou propositions avec aplomb. Au terme d’un long témoignage, l’expert était tout aussi convaincu de ses conclusions originales et avait expliqué pourquoi. Il n’y a donc aucune raison d’écarter le témoignage de l’expert et de rejeter les conclusions de son rapport quant à la cause de l’accident.
[221] Il est utile de reprendre intégralement les passages pertinents au rapport :
L’alcool est un dépresseur du système nerveux central. Il entraîne une diminution graduelle de l’ensemble des fonctions intellectuelles, sensorielles et motrices, et cela à mesure que l’alcoolémie augmente.
Les fonctions intellectuelles sont les premières à être affectées par l’alcool. Ceci a pour effet d’entraîner une diminution progressive des inhibitions, de l’attention, du jugement, de la volonté, de la compréhension et du contrôle de soi. La pensée s’obscurcit. Ainsi, sous l’effet de l’alcool, le conducteur est moins présent à son environnement et voit, par le fait même, diminuer ses aptitudes à conduire de façon sécuritaire un véhicule moteur, ce qui fait augmenter les risques de fausses manœuvres.
Au niveau sensoriel, la vision est certainement celle qui joue le rôle le plus important au niveau de la conduite automobile. À mesure que l’alcoolémie augmente, il y a une diminution progressive de l’acuité visuelle dynamique, de la profondeur de champ et du champ de vision latéral balayé par le conducteur (effet tunnel).
Les fonctions motrices sont également affectées par l’alcoolémie. La présence d’alcool au niveau du cerveau altère la transmission de l’influx nerveux aux muscles, causant ainsi un retard de la réponse musculaire. Cet aspect physiologique se reflète par l’observation de signes comme : une démarche chancelante, un langage escamoté et indistinct, une perte de dextérité manuelle et une perte de précision dans les gestes et mouvements. Ces manifestations vont s’accentuer pour devenir plus évidentes à des concentrations supérieures à 100 mg/100 ml.
Un autre effet de la présence d’alcool au niveau du cerveau est l’augmentation du temps de réaction. Le conducteur intoxiqué mettra plus de temps à réagir aux stimulus et par le fait même prendra plus de temps à percevoir les évènements, à les interpréter et à réagir.
Il est à noter qu’en consommant de l’alcool sur une base régulière, les gens en viennent à développer une tolérance face à cette drogue, ceci se manifestant particulièrement au niveau des fonctions motrices. Ceci fait en sorte que la personne devenue tolérante présentera moins de signes au niveau moteur, voire même aucun, qu’une personne n’ayant point développé cette adaptation physiologique. Cependant à une alcoolémie supérieure à 100 mg/100 ml de sang, le phénomène de tolérance ne peut généralement pas contrer les effets de l’alcool sur la qualité de la conduite automobile.
La conduite automobile est une tâche complexe qui fait en sorte que l’on doit exécuter plusieurs tâches en même temps et pour qu’elle soit sécuritaire, il faut que le conducteur soit capable de bien percevoir les évènements, traiter rapidement l’information obtenue, prendre une décision appropriée entre plusieurs alternatives et appliquer rapidement la décision prise. Toutes ces choses deviennent plus difficiles à exécuter sous l’effet de l’alcool, car l’alcool diminue la netteté de la perception, la vitesse du traitement de l’information, l’aptitude à prendre une décision appropriée entre plusieurs alternatives et à appliquer cette décision dans les plus brefs délais.
L’alcool diminue également la capacité du conducteur à partager son attention entre la conduite de son véhicule et le suivi de son environnement. Puisque le contrôle du véhicule demande une attention de tout instant, c’est la capacité à suivre l’environnement qui souffre le plus de l’affaiblissement des capacités. De ce fait, les risques de fausses manœuvres sont augmentés lorsque le conducteur est confronté à une urgence d’agir.
De façon globale, l’alcool diminue l’habileté à partager l’attention, à suivre les cibles avec les yeux, à recueillir et traiter l’information, à prendre les bonnes décisions quant aux manœuvres à effectuer, à y répondre rapidement et finalement à maintenir des vitesses sécuritaires. Même à un taux modéré d’intoxication, un individu n’est pas capable de réagir à une situation d’urgence avec son efficacité normale.
[24] Cependant, la présence d’alcool dans le sang de l’appelant et une preuve de comportements reliés à un affaiblissement des capacités de conduire, par opposition à un affaiblissement des capacités générales, peuvent mener à la conclusion que cet affaiblissement est causé par l’alcool. Cette conclusion est une question de fait qui commande la déférence.
[Les soulignements sont dans l’original et les renvoi sont omis]
[224] Poursuivons maintenant avec le témoignage de l’expert. Cette attention divisée est en jeu entre des taux de 90 mg à 250 mg.
[225] Elle témoigne, en lien avec la théorie de la poursuite voulant que l’accusée ait dévié de sa voie, qu’une des tâches incombant à un conducteur est de se maintenir dans sa voie et que de la quitter est compatible avec l’effet de l’alcool.
[226] Quant à la conduite « normale » observée par les caméras de surveillance, elle répond qu’il se peut que toute l’attention de la conductrice fût alors dirigée sur cette tâche.
[227] Questionnée sur les observations du chauffeur de taxi, elle répond qu’en somme, ce n’est pas l’absence de signe visible d’intoxication qui peut faire foi de tout et qui élimine l’affaiblissement des capacités, c’est le fait d’être en état d’ébriété au sens clinique qui affaiblit la capacité et augmente le risque d’accident.
[228] Il faut donc conclure tout d’abord, de l’avis du Tribunal, que l’absence de signe visible ou perceptible d’intoxication ou de comportement assimilable aux yeux du profane « qu’une personne a bu » ne fait donc pas le poids pour déterminer à lui seul si les capacités de l’accusée à conduire un véhicule moteur étaient affaiblies par l’effet de l’alcool.
[229] Le Tribunal croit utile d’ouvrir une parenthèse. Bien que l’accusée ait été vue avec un verre à la main, notamment un de ceux utilisés pour la tournée des « shooter » à Baie des Brises, personne ne peut établir ce qui était réellement dans ce ou ces verres ni quelle quantité elle aura ingurgitée durant la journée. Nous sommes donc confrontés à une preuve circonstancielle à ce sujet.
[Le soulignement est ajouté]
[232] De l’avis de tous entendus pour cette partie de la trame factuelle, l’atmosphère était festive aux Régates et ensuite à Baie des Brises et de l’alcool circulait et se consommait. L’accusée a de plus été vu un verre à la main. On infère la même chose des photos et des vidéos de la journée extraits du cellulaire ou postés sur les réseaux sociaux mis en preuve.
[233] Il s’y ajoute, au regard de l’ensemble de la preuve disponible, que de l’éthanol sera détecté à l’hôpital à l’analyse du sang et cette présence d’alcool sera confirmée ensuite par les analyses subséquentes du sang de l’accusée au LSJML.
[234] Bien que la défense ne plaide pas ainsi, établissons qu’entretenir un scénario voulant que l’accusée n’ait pas consommé d’alcool ne peut être retenu. Évidemment, personne ne surveillait la consommation d’alcool des autres au verre près. Mais témoigner ne pas savoir ce que l’accusée avait dans son verre n’est certes pas la preuve qu’elle n’a pas consommé d’alcool.
[235] On doit aussi écarter les scénarios de bolus drinking (absorption rapide de plusieurs consommations avant de prendre le volant) ou de consommation postérieure à l’accident. La preuve n'appuie nullement ces scénarios. L’expertise de Mme Huppé les écartait aussi, avec raison.
[236] La seule conclusion logique de l’ensemble de la preuve, tenant compte de l’expérience humaine et du bon sens ne peut être que la suivante : l’accusée a consommé de l’alcool dans la journée.
[237] Déterminer ensuite combien de consommations ont été prises, en quelles quantités et quel type d’alcool a été bu, n’est pas nécessaire. L’expertise déposée par le témoin Huppé peut y répondre d’une autre façon : l’accusée en aura pris suffisamment pour atteindre les résultats mis en preuve.
[238] Ce qui précède occulte évidemment l’état du droit qui prévalait quant à ce qui pouvait être considéré comme preuve contraire au moment de l’infraction. Chose certaine rien de ce qui précède soulève un doute sur les résultats d’alcoolémie subséquents obtenus.
[239] On peut aussi revisiter maintenant si le taxi devait amener l’accusée au restaurant ou à sa voiture. Le Tribunal a retenu le premier scénario. Mais même en acceptant le second aux fins de discussions en retenant que seul le nombre de passagers est en jeu, il ne change en rien la consommation d’alcool de l’accusée et le résultat des taux. Déterminer quand il aura été discuté d’aller souper au restaurant et pourquoi et comment l’accusée s’est rendue à sa voiture ne font pas partie des éléments essentiels de l’infraction, indépendamment de la version factuelle retenue par le Tribunal.
[240] Il reste donc les conclusions de l’expert sur l’alcoolémie supérieure à la limite légale et ses effets généraux sur les conducteurs : il y a affaiblissement, même avec un individu ayant développé une tolérance.
[241] Pour revenir maintenant à l’arrêt Brais, on doit ajouter aux effets généraux la conduite comme telle de l’accusée qui aura été incapable de négocier correctement une courbe qui s’est présentée sur son chemin. Toujours en référence à Villaroman le Tribunal ne peut envisager des scénarios d’explications dites innocentes pour expliquer le débordement de voie comme un animal ayant surgi du fossé ou toutes autres hypothèses de ce genre. On ne ferait que spéculer. Il reste par contre la consommation d’alcool. En somme, le débordement de voie de la voiture de l’accusée a fait la preuve que sa capacité de conduire ne pouvait qu’être affaiblie par l’effet de l’alcool qui résultait d’une consommation volontaire. Le tout fait aussi la preuve que les effets généraux reliés à la consommation d’alcool a maintenant une connection to the respondent comme l’écrivait la juge Charron [dans l’arrêt Latour].
[242] On doit donc exclure l’argument de la défense voulant que n’ayant jamais constaté le comportement spécifique de l’accusée dans le passé aux taux mis en preuve, l’expert ne pouvait conclure à ce sujet. Cette proposition de la défense ne peut plus créer un doute.
[243] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la preuve d’affaiblissement par l’effet de l’alcool a été prouvée hors de tout doute raisonnable.
[Les soulignements sont ajoutés]
[190] L’état d’ébriété est reconnu en littérature pour des taux variant de 90 mg à 250 mg et celui d’ivresse entre 180 mg à 300 mg. Même si elle ne connaît pas le comportement comme tel de l’accusée après avoir consommé, ne l’ayant jamais observée avec des taux, elle réfère aux études et la littérature pour affirmer qu’il ne peut qu’y avoir affaiblissement des capacités aux taux observés. Quant au risque d’accident, il n’est pas assuré, mais accru plus le taux augmente. Ainsi, des conducteurs avec des taux élevés peuvent se rendre à destination sans accident. Courte distance, parcours facile et connu, etc. peuvent être des facteurs en jeu. Mais ils ne font pas pour autant la démonstration ou la preuve d’absence d’affaiblissement dans la capacité de conduire.
[191] Questionnée sur le comportement du véhicule de l’accusée dans la courbe, soit qu’elle déviait de sa voie en empiétant sur la voie en sens inverse, elle décrit cette conduite comme compatible avec l’effet de l’alcool, l’attention divisée d’un conducteur étant affaiblie.
[Le soulignement est ajouté]
[251] L’accusée a consommé de l’alcool. La preuve retenue et non contredite de Mainville indique que Théorêt tente de la dissuader de conduire son véhicule pour ce motif. Une solution alternative est convenue : elle prendra un taxi pour se rendre au restaurant. La seule inférence est qu’une fois partie en taxi, elle modifie la destination, se fait amener à son véhicule et en prend le volant.
[252] De plus, l’état d’esprit véritable de l’accusée démontre qu’elle ne pouvait qu’être consciente qu’une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait été consciente du risque créé par son comportement : les gens raisonnables autour d’elle ont tenté de la dissuader de prendre le volant. Même sans cette mise en garde, elle ne pouvait qu’être consciente du risque. On ne peut certes conclure à une norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation ou conclure à une simple imprudence.
[253] Pour la suite, nonobstant l’accident survenu, la preuve démontre que dans une courbe prononcée, déjà annoncée par des panneaux de signalisation tels que photographiés au rapport du reconstitutionniste, où il est impossible de voir si un véhicule vient en sens inverse une fois engagé dans la courbe et où seules deux voies existent, sa conduite fait en sorte qu’elle dévie de sa voie et qu’elle s’engage de plus en plus dans la voie opposée. Cette façon de conduire est dangereuse en soi et constitue un écart marqué par rapport à la personne raisonnable qui s’engage dans cette courbe, tout en étant objectivement dangereuse pour le public dans les circonstances. Ajoutons que la courbe n’est ni un piège ni la cause de l’accident ni coupable de l’accident. Elle demeure une des circonstances auxquelles un conducteur doit faire face sur son parcours, rien de plus.
[254] On ne peut non plus interpréter sa réaction de donner un coup de roue vers sa droite à la dernière seconde comme quelqu’un d’alerte, qui perçoit le danger, qui doit réagir et qui le fait comme le plaide la défense. Ça démontre plutôt qu’elle déviait de sa voie, que cette conduite était dangereuse et qu’elle ne voit le danger qui en découle qu’à la dernière seconde quand elle doit croiser le Jeep. De l’avis du Tribunal, le sens commun dicte déjà que le danger pour l’accusée ne peut se traduire par l’apparition d’un véhicule venant en sens inverse, qui circule dans sa voie et à une vitesse normale si elle a le même comportement. Ce n’était pas le cas. Elle empiétait dans l’autre voie. Elle était le danger. Comme l’énonce la Cour suprême, …Une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé aurait été consciente du risque créé par la façon de conduire en cause, et elle ne se serait pas livrée à l’activité : Beatty, par 37 (Roy, paragr. 40).
[…]
[256] C’est ici que le lien causal entre en jeu. La conduite dangereuse a-t-elle contribué de façon appréciable à la conséquence? La preuve le démontre. L’analyse ne peut qu’être brève et la réponse ne peut qu’être oui.
[Les italiques se trouvent dans l’original]
- Le jugement de culpabilité sur l’ensemble des chefs d’accusation est-il déraisonnable étant donné que la preuve circonstancielle ne pouvait appuyer comme seule conclusion logique la culpabilité hors de tout doute raisonnable de l’appelante, et ce, sur l’ensemble des éléments essentiels des infractions?
- Le juge de première instance a-t-il erré en droit dans le cadre de son cheminement intellectuel quant à l’application du doute raisonnable et du fardeau de preuve?
- Le juge de première instance a-t-il commis une erreur déraisonnable dans le cadre de son interprétation et de son appréciation de la preuve, et sans restreindre la généralité de ce qui précède, en concluant à l’état d’esprit coupable de l’appelante par une appréciation erronée de la preuve testimoniale, par ailleurs contradictoire, et en concluant notamment que « des gens raisonnables autour d’elle ont tenté de la dissuader de prendre le volant »?
Finally, it is important to observe that sometimes the court does not accept any account or can only parse pieces of the narrative. Judges must be comfortable with not being able to get at the truth. Gaps in the narrative might signal that the Crown has failed to meet its burden. It has been observed that human beings have a natural inclination to look for cohesion. There is a corresponding risk that fact-finders will look for a single true story while selectively disregarding evidence that contradicts that narrative. Judges have to resist the temptation to fill in gaps to achieve coherence. It is not our job to decide what happened. It is our job to decide if the Crown has proved the case beyond a reasonable doubt. The dissonance of an incomplete or uncertain picture may be the cognitive equivalent of a reasonable doubt.
[Les soulignements sont ajoutés]
[13] Lorsque les accusations sont fondées sur une preuve de nature circonstancielle, des considérations particulières s’appliquent. La Cour en fait état dans l’arrêt Dubourg en reformulant les principes bien établis de l’arrêt Villaroman :
[19] Lorsque les accusations sont fondées, en tout ou pour un élément essentiel, uniquement sur de la preuve circonstancielle, des considérations particulières s’appliquent. La Cour suprême dans Villaroman a établi qu’une preuve circonstancielle hors de tout doute raisonnable est faite lorsque la seule inférence raisonnable qu’elle peut soutenir est celle de la culpabilité de l’accusé. Si ce n’est pas le cas et qu’une inférence raisonnable est compatible avec son innocence, il subsiste forcément un doute raisonnable et il doit être acquitté. Les inférences compatibles avec l’innocence n’ont pas à être fondées sur la preuve ou sur des faits prouvés, puisque le doute raisonnable peut découler de l’absence de preuve.
[20] En combinant ces deux ensembles de principes, on conclut que, pour déterminer si un verdict fondé sur de la preuve strictement circonstancielle est raisonnable, il faut se demander si une appréciation raisonnable de toute la preuve peut mener à la conclusion que la seule inférence raisonnable mène à la culpabilité de l’accusé. En résumé, les conclusions tirées de la preuve par le juge des faits et la conclusion que la seule inférence raisonnable est celle de la culpabilité sont-elles raisonnables?
[14] Dans Villaroman, le juge Cromwell distingue l’inférence « raisonnable » de la conjecture :
Je conviens avec l’appelant qu’il peut être nécessaire pour le ministère public de réfuter ces possibilités raisonnables, mais il n’a certainement pas à « réfuter toutes les hypothèses, si irrationnelles et fantaisistes qu’elles soient, qui pourraient être compatibles avec l’innocence de l’accusé » : R. c. Bagshaw,
Il va de soi que la ligne de démarcation entre une « thèse plausible » et une « conjecture » n’est pas toujours facile à tracer. Cependant, la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si la preuve circonstancielle, considérée logiquement et à la lumière de l’expérience humaine et du bon sens, peut étayer une autre inférence que la culpabilité de l’accusé.
[15] Dans tous les cas, « il appartient fondamentalement au juge des faits de tracer dans chaque cas la ligne de démarcation entre le doute raisonnable et les conjectures ». L’appréciation du juge des faits ne peut être écartée que si elle est déraisonnable.
[Les soulignements sont ajoutés et les renvois omis]
[38] Même si la possibilité d’un verdict déraisonnable soulève une question de droit, la qualification d’une telle erreur est intimement tributaire de l’évaluation de l’ensemble des éléments de preuve par le juge de faits, à tel point que cette question de droit se chevauche presque toujours avec ce qui doit être qualifié autrement comme des questions de fait. C’est le cas en l’espèce.
[39] Ceci explique pourquoi la possibilité d’intervention en appel est très limitée. Si le juge du procès ne commet aucune erreur - ou autrement dit, s’il applique les bons principes de droit aux faits - une cour d’appel ne peut intervenir que si sa conclusion n’est pas justifiée en regard de la preuve présentée au procès. Ce sera le cas lorsque le verdict repose sur une absence de preuve ou, en matière de preuve circonstancielle, si le verdict repose sur la conjecture, la spéculation ou des motifs déficients qui rendent le cheminement du raisonnement indiscernable.
[40] Cette politique d’intervention restreinte emporte une conséquence importante : si le juge suit les principes applicables, et si ses conclusions ne sont pas manifestement infondées, une cour d’appel ne peut intervenir que si le verdict est autrement nettement déraisonnable. Elle ne peut conclure qu’un verdict est déraisonnable simplement parce qu’elle en serait arrivée à une conclusion différente après une évaluation adéquate de l’ensemble des éléments de preuve. C’est la raison pour laquelle les cours d’appel insistent fréquemment sur le rôle limité qui leur revient et sur la grande déférence qu’elles doivent au juge du procès. Toutefois, et c’est toujours le cas, le devoir de déférence qui s’impose à une cour d’appel implique forcément la possibilité que le juge des faits se soit trompé dans ses conclusions sans que l’appel soit accueilli.
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[22] Dans le contexte d’une preuve contraire fondée sur l’absence des symptômes théoriquement observables à différents taux d’alcoolémie, la juge Charron, dans l’arrêt Latour, écrivait ceci : « [t]his opinion evidence, as presented, without any connection to the respondent, is merely speculative and of no evidentiary value ». Ce passage a été cité avec approbation par la Cour suprême.
[23] On peut cependant retenir de cette expertise que la consommation d’alcool a toujours un effet négatif sur les capacités d’une même personne et que ces effets ont tendance à augmenter avec la quantité d’alcool consommé. Encore une fois, sans preuve additionnelle, il est douteux que cela suffise à prouver l’affaiblissement des capacités de conduire.
[24] Cependant, la présence d’alcool dans le sang de l’appelant et une preuve de comportements reliés à un affaiblissement des capacités de conduire, par opposition à un affaiblissement des capacités générales, peuvent mener à la conclusion que cet affaiblissement est causé par l’alcool. Cette conclusion est une question de fait qui commande la déférence.
[…]
[29] Sur le lien de causalité, l’appelant fait une lecture très restrictive de l’arrêt Laprise. Il est vrai que l’affaiblissement de la capacité de conduire du conducteur et le nécessaire lien de causalité sont des éléments différents de l’infraction. La preuve du premier élément n’entraîne pas obligatoirement la preuve du second. Dans une affaire où la preuve ne démontre qu’une intoxication et un résultat qui est un accident, la preuve du lien est insuffisante sans une autre preuve pertinente. Mais comme la Cour l’indique dans l’arrêt Laprise, une conduite inhabituelle peut contribuer à établir ce lien. Contrairement à l’affirmation de l’appelant voulant que la preuve ne laisse pas voir une conduite inappropriée, l’ensemble des circonstances démontre le contraire.
[Les soulignements et italiques sont dans l’original et les renvois sont omis]
[93] La plupart du temps, cet affaiblissement sera démontré par une preuve circonstancielle « comprenant un certain nombre de manifestations physiques distinctes touchant l'apparence de l'individu, sa façon de parler et de marcher, soit des manifestations anormales qui, à défaut d'explication ou de justification, permettent l'inférence certaine d'un affaiblissement de la capacité de conduire par l'alcool ou une drogue ». Il n’y a pas une liste à cocher des symptômes permettant de conclure à un affaiblissement de la capacité de conduire ni de comportement ou facteur déterminant pour établir cette condition. Les symptômes doivent être analysés dans leur ensemble.
[Le soulignement est ajouté et les renvois omis]
[40] De façon générale, l’existence de la mens rea objective requise peut s’inférer du fait que l’accusé a conduit d’une façon qui constituait un écart marqué par rapport à la norme. Toutefois, même si la façon de conduire constitue un écart marqué par rapport à une façon de conduire normale, le juge des faits doit examiner toutes les circonstances pour déterminer s’il convient de conclure, de la façon de conduire, à la présence d’un tel comportement de l’accusé. La preuve peut soulever un doute sur la question de savoir s’il convient, dans un cas en particulier, d’inférer de la façon de conduire un écart marqué par rapport à la norme de diligence. La prémisse sous-jacente permettant de conclure à une faute en raison d’une façon de conduire objectivement dangereuse constituant un écart marqué par rapport à la norme est qu’une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé aurait été consciente du risque créé par la façon de conduire en cause, et elle ne se serait pas livrée à l’activité : Beatty, par. 37.
[41] En d’autres termes, il faut se demander si la façon de conduire qui constitue un écart marqué par rapport à la norme compte tenu de toutes les circonstances permet de conclure que la façon de conduire résultait d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’aurait respectée une personne raisonnable dans la même situation.
[42] La façon de conduire qui, d’un point de vue objectif, est simplement dangereuse ne permettra pas à elle seule de conclure qu’elle constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation (la juge Charron, par. 49; voir aussi la juge en chef McLachlin, par. 66, et le juge Fish, par. 88). Autrement dit, la preuve
de l’actus reus de l’infraction ne permet pas, à elle seule, de conclure raisonnablement à l’existence de l’élément de faute requis. La conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme est le seul facteur qui peut étayer raisonnablement cette conclusion.
[Les soulignements sont ajoutés]
[23] The fact that a person voluntarily consumes some alcohol, albeit short of the point of impairment, is a factor – and only that – that can be considered in determining whether the necessary mens rea has been made out. It is an indication of a mindset, in my view, of a willingness to assume a degree of risk – a risk that the amount they have consumed will not rise to level where it impairs their ability to operate a motor vehicle. The offences of impaired driving and dangerous driving are directed at different risks.
[24] As Doherty J.A. noted in R. v. Ramage,
An impaired driving charge focuses on an accused’s ability to operate a motor vehicle or, more specifically, on whether that ability was impaired by the consumption of alcohol or some other drug. A dangerous driving charge focuses on the manner in which the accused drove and, in particular, whether it presented a danger to the public having regard to the relevant circumstances identified in s. 249 of the Criminal Code. The driver’s impairment may explain why he or she drove the vehicle in a dangerous manner, but impairment is not an element of the offence. Both impaired driving and dangerous driving address road safety, a pressing societal concern. They do so, however, by focussing on different dangers posed to road safety. Impaired driving looks to the driver’s ability to operate the vehicle, while dangerous driving looks to the manner in which the driver actually operated the vehicle.
[25] When dealing with a dangerous driving charge, it is not inappropriate in considering whether a driver’s conduct is a marked departure from that of a reasonable driver in similar circumstances, to consider whether or not that person has consumed alcohol and if so to what degree before operating the motor vehicle – as I have said it goes to mindset and a willingness to assume risk[61].
[Les soulignements sont ajoutés]
[108] Whether the essential elements of any offence have been proven beyond a reasonable doubt requires an assessment of all the evidence tendered to establish them. Sometimes, an item of evidence may assist in proof of one or more elements of an offence or of other offences. That it does so does not involve circular reasoning.
[109] Evidence of the impairment of a person’s mental processes caused by the consumption of alcohol is relevant to both the offences of dangerous operation of a motor vehicle and of impaired operation of a motor vehicle.
[110] Evidence of an accused’s actual state of mind may be relevant to determine whether the objective fault element in dangerous operation of a motor vehicle has been proven beyond a reasonable doubt: Beatty, at para. 43; Roy, at para. 39. It is well settled that evidence of impairment by consumption of alcohol is relevant in determining a person’s state of mind.
[111] In prosecutions for impaired operation of a motor vehicle, the essential element of impairment is proven if the evidence establishes any degree of impairment ranging from slight to great: R. v. Stellato (1993), 78 C.C.C. (3d) 380 (Ont. C.A.), at p. 384, aff’d,
[…]
[113] The findings of guilt entered in this case are not the product of circular reasoning. Evidence that the appellant’s ability to operate a motor vehicle was impaired by the consumption of alcohol was relevant to proving an essential element of the impaired operation offence. That same evidence was also relevant in proof of the objective fault element on the count of dangerous operation. The mere fact the same evidence is relevant and admissible in proof of both elements exemplifies multiple relevance or admissibility, not circular reasoning.[62]
[Les soulignements sont ajoutés]
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[137] Le Tribunal retient le témoignage de l’expert Lessard. Il ne subsiste pas de doute quant à la preuve qu’il a présentée. Entretenir d’autres scénarios, avec la preuve entendue, relèverait de la spéculation.
[138] Il faut aussi maintenant retenir les conclusions de l’expert Landry, car entièrement réconciliables avec la scène et les observations et conclusions du reconstitutionniste.
[139] Dernier constat, cette fois concernant M. Chicas. Son témoignage quant à la position de son véhicule dans sa voie avant l’accident, tout comme les perceptions de sa vitesse et que l’autre véhicule empiétait dans sa voie est conforme à la réalité. La scène post-accident, tout comme la preuve des experts Landry et Lessard, le confirme. Le témoin était donc fiable à ces sujets.
[87] Quant à la discussion suggérant à l’accusée et Olivia de prendre un taxi pour se rendre au restaurant, Mainville la situe dans la voiture avant d’arriver chez Théorêt alors que ce dernier la situe une fois arrivé à sa résidence. De plus, Théorêt ne fait nullement allusion dans son témoignage que la raison de prendre un taxi était aussi en lien avec la consommation de l’accusée.
[88] Ce qui nous amène au chauffeur de taxi qui affirme, du moins dans sa déclaration initiale le lendemain de l’accident, que l’homme sur place lui dit d’amener les deux filles dans le coin de la Marina. Cet homme ne peut qu’être Théorêt. Ce dernier peut-il s’être trompé au procès quand il témoigne avoir donné comme instruction au chauffeur de se rendre à Ste-Barbe au restaurant?
[89] La réponse est non. Le Tribunal écarte ce scénario. Il est irréconciliable avec les réactions d’étonnement de Théorêt sur la scène de l’accident et ses déclarations faites aux agents qu’elles devaient être en taxi à ce moment. Il témoigne au même effet au procès. Il est de plus corroboré par Mainville sur le fait que le plan était que le taxi les amenait au restaurant. Le chauffeur ne peut être fiable à ce sujet. On doit retenir que la destination initiale donnée par Théorêt était le restaurant.
[90] Cela dit, Théorêt ne contredit pas nécessairement Mainville quant au motif de prendre le taxi. Les deux témoignent tout d’abord qu’il y avait déjà trop de passagers dans la voiture quand le groupe quitte la résidence de Carrier et la vidéo (P-20) filmée en route le démontre. Théorêt est plutôt silencieux quant à un motif additionnel ayant pu justifier de prendre un taxi, et surtout, de les amener au restaurant plutôt qu’à leur voiture.
[91] Il se pose nécessairement la question suivante : si la seule raison pour appeler le taxi est le trop grand nombre de passagers pour la capacité du véhicule de Théorêt, pourquoi ne pas avoir dirigé le taxi à la voiture et éviter ainsi à l’accusée et Olivia une course beaucoup plus dispendieuse pour se rendre à
Ste-Barbe, sans compter qu’il fallait sans doute encore payer au retour. On cherche la logique d’un tel scénario. Ou, autre scénario plausible, faire l’assez courte distance (7 minutes selon le log taxi) encore tous ensemble entre la résidence de Théorêt et la voiture de l’accusée pour la laisser elle et Olivia. Ne venait-on pas de parcourir ainsi de St-Zotique une distance beaucoup plus longue malgré le caractère peu sécuritaire d’Audrey étendue sur les autres à l’arrière ? Bref, il défie donc le sens commun que ces scénarios n’aient pas été envisagés si seul le nombre de passagers était en jeu. Il ne pouvait donc qu’y avoir une autre raison justifiant que le taxi se rende à Ste-Barbe et la version de Mainville prend tout son sens et est crédible.
[92] De là, quant au témoignage de Théorêt silencieux sur cette version de Mainville : s’agit-il d’un simple oubli? Il résulte de ne pas s’être fait poser la question directement?
[93] Quant au chauffeur de taxi : il a oublié ou ne veut pas dire que ses passagères ont modifié la destination une fois en route? Il craint de se faire reprocher d’avoir laissé les clientes à leur auto quand la police le rencontre le lendemain sachant que pour la police, l’alcool pouvait être en jeu? Il les décrit normales pour cette raison?
[94] Le Tribunal n’a pas à spéculer ni pour l’un ni pour l’autre.
[95] Il y a donc des divergences entre certains témoins de la poursuite sur la trame factuelle. Certaines peuvent être résolues par l’application de la logique et du sens commun. Retenir pourquoi la destination du taxi ne pouvait qu’être le restaurant en est un exemple. D’autres n’ont pas de réponses définitives, et sont parfois de peu d’importance, comme qui exactement prenait place sur le bateau au retour à St-Zotique. C’est la réalité des procès. En revanche, il faut garder à l’esprit que la poursuite n’a pas le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable chaque élément de preuve qu’elle introduit au procès. Ce fardeau ne s’applique qu’aux éléments essentiels des infractions reprochées. Que des questions demeurent en suspens n’est donc pas fatal, à moins de porter justement sur les éléments essentiels des infractions.
[239] On peut aussi revisiter maintenant si le taxi devait amener l’accusée au restaurant ou à sa voiture. Le Tribunal a retenu le premier scénario. Mais même en acceptant le second aux fins de discussions en retenant que seul le nombre de passagers est en jeu, il ne change en rien la consommation d’alcool de l’accusée et le résultat des taux. Déterminer quand il aura été discuté d’aller souper au restaurant et pourquoi et comment l’accusée s’est rendue à sa voiture ne font pas partie des éléments essentiels de l’infraction, indépendamment de la version factuelle retenue par le Tribunal.
[251] L’accusée a consommé de l’alcool. La preuve retenue et non contredite de Mainville indique que Théorêt tente de la dissuader de conduire son véhicule pour ce motif. Une solution alternative est convenue : elle prendra un taxi pour se rendre au restaurant. La seule inférence est qu’une fois partie en taxi, elle modifie la destination, se fait amener à son véhicule et en prend le volant.
[252] De plus, l’état d’esprit véritable de l’accusée démontre qu’elle ne pouvait qu’être consciente qu’une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait été consciente du risque créé par son comportement : les gens raisonnables autour d’elle ont tenté de la dissuader de prendre le volant. Même sans cette mise en garde, elle ne pouvait qu’être consciente du risque. On ne peut certes conclure à une norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation ou conclure à une simple imprudence.
[239] On peut aussi revisiter maintenant si le taxi devait amener l’accusée au restaurant ou à sa voiture. Le Tribunal a retenu le premier scénario. Mais même en acceptant le second aux fins de discussions en retenant que seul le nombre de passagers est en jeu, il ne change en rien la consommation d’alcool de l’accusée et le résultat des taux. Déterminer quand il aura été discuté d’aller souper au restaurant et pourquoi et comment l’accusée s’est rendue à sa voiture ne font pas partie des éléments essentiels de l’infraction, indépendamment de la version factuelle retenue par le Tribunal.
[Le soulignement est ajouté]
[251] L’accusée a consommé de l’alcool. La preuve retenue et non contredite de Mainville indique que Théorêt tente de la dissuader de conduire son véhicule pour ce motif. Une solution alternative est convenue : elle prendra un taxi pour se rendre au restaurant. La seule inférence est qu’une fois partie en taxi, elle modifie la destination, se fait amener à son véhicule et en prend le volant.
[252] De plus, l’état d’esprit véritable de l’accusée démontre qu’elle ne pouvait qu’être consciente qu’une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait été consciente du risque créé par son comportement : les gens raisonnables autour d’elle ont tenté de la dissuader de prendre le volant. Même sans cette mise en garde, elle ne pouvait qu’être consciente du risque. On ne peut certes conclure à une norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation ou conclure à une simple imprudence.
[Le soulignement est ajouté]
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GUY COURNOYER, J.C.A. |
[1] R. c. Tanguay,
[2] Id., par. 263-265; R. c. Tanguay,
[3] R. c. Tanguay,
[4] R. c. Villaroman,
[5] R. c. Tanguay,
[6] Id., par. 82-103.
[7] Id., par. 83.
[8] Id., par. 104-199.
[9] Id., par. 112.
[10] Id., par. 138.
[11] Id., par. 120.
[12] R. c. Tanguay,
[13] R. c. Tanguay,
[14] Id., par. 188.
[15] Id., par. 220.
[16] Brais c. R.,
[17] R. c. Leblanc,
[18] R. c. Tanguay,
[19] Id., par. 260.
[20] Id., par. 256 et 261.
[21] R. c. Pittiman,
[22] R. c. Morin,
[23] M. GOURLAY et al., Modern Criminal Evidence, Emond, 2022, p. 26-27. La juge Pomerance est l’auteure du chapitre 2 de ce livre.
[24] R. c. Villaroman,
[25] Karen Jokinen et Peter Keen, Impaired Driving and Other Criminal Code Driving Offences, 2e éd., Emond, 2023, p. xxix.
[26] R. c. Beatty,
[27] R. c. Roy,
[28] R. c. Chung,
[29] R. c. Gaulin,
[30] Voir le résumé dans l’arrêt S.J. c. R.,
[31] Domond c. R.,
[32] R. c. Vernelus,
[33] Domond c. R.,
[34] R. c. Villaroman,
[35] R. c. Villaroman,
[36] Vernelus c. R.,
[37] R. c. Villaroman,
[38] Pozzobon c. R.,
[39] R. c. Gaulin,
[40] Pardi c. R.,
[41] R. c. Gaulin,
[42] Id., par. 39-42; Jones c. R.,
[43] R. c. Leblanc,
[44] R. c. Gaulin,
[45] Ibid.
[46] R. c. Gaulin,
[47] Id., par. 45. Voir aussi R. c. Leblanc,
[48] Brais c. R.,
[49] Brais c. R.,
[50] R. v. Stellato (1993), 78 C.C.C. (3d) 380 (C.A. Ont.), p. 384, confirmé par la Cour Suprême R. c. Stellato,
[51] R. c. Tanguay,
[52] Belle-Isle c. R.,
[53] R. c. Beatty,
[54] Le silence de l’appelante lors du procès est un facteur pertinent dans l’analyse du moyen invoquant le verdict déraisonnable : R. c. Noble,
[55] R. v. Stellato (1993), 78 C.C.C. (3d) 380 (C.A. Ont.), confirmé par la Cour Suprême R. c. Stellato,
[56] R. c. Tanguay,
[57] R. c. Beatty,
[58] R. c. Beatty,
[59] R. c. Beatty,
[60] R. c. Roy,
[61] R. v. McLennan,
[62] R. v. Stennett,
[63] R. c. Tanguay,
[64] R. c. Leblanc,
[65] R. c. Penno,
[66] Brais c. R.,
[67] R. c. Gaulin,
[68] R. c. Collin,
[69] R. c. Tanguay,
[70] Id., par. 127.
[71] Id., par. 130-131.
[72] Id., par. 135-136.
[73] Id., par. 131.
[74] Vernelus c. R.,
[75] Puisqu’il n’est pas essentiel de le faire, je m’abstiens de formuler une opinion sur l’admissibilité de ces échanges selon la théorie des res gestae dont le pourtour est notoirement imprécis : J. Fortin, Preuve pénale, Éditions Thémis, 1984, p. 461 : « La doctrine est unanime à dénoncer cette notion »; S. C. Hill, D. M. Tanovich et L. P. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5e éd., Thomson Reuters, 2022 (feuilles mobiles, mise à jour 2024-5, décembre 2024) § 7.58 : « Few hearsay exceptions are more muddled than those traditionally captured under the grab-bag rubric of res gestae »; M. Gourlay et al., Modern Criminal Evidence, Emond, 2022, p. 204 : « Setting parameters as to what res gestae attaches to is often difficult, and some authorities have declared the principle to be archaic and unhelpful ».
[76] R. c. Schneider,
[77] R. c. Lohrer,
[78] Ibid. Voir aussi R. c. Clark,
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